Bien que les Ardennes aient été très souvent ravagées par les conflits, le département n’a pas été un champ de bataille napoléonien. Cependant, la population locale a subi aussi bien le recrutement militaire par Napoléon Ier que l’occupation par les troupes d’Alexandre Ier de Russie. Dans les deux cas, La Romagne a payé son tribut.
Après les guerres napoléoniennes, dont le poids s’est fait sentir par des levées en masse et un moindre entretien des terres, la population endure à partir de 1814 la présence de l’armée impériale étrangère.
L’arrondissement de Rethel doit faire face au logement de la cavalerie de l’Empire russe, ce qui pose un véritable problème pour les cantons et les communes puisque, d’après le traité de Paris du 20 novembre 1815, le séjour des troupes doit durer 5 ans.
Au départ, ces dernières sont cantonnées dans différents villages (Asfeld, Doumely) et logent chez l’habitant. Cette situation ne peut pas durer, si bien que l’on établit des casernements en mettant la population à contribution : on lui demande notamment de « fournir les matériaux (principalement du bois) pour la construction des bâtiments[1] ». L’un des campements est établi à quelques kilomètres de La Romagne, non loin de Bégny.
[1] Jadart, Henri, « Mélanges : le casernement des troupes russes dans le canton d’Asfeld, en 1817 », in Revue historique ardennaise, Paris : A. Picard et fils, 1894-1914, tome neuvième, 1902, p. 300-304. [Nota bene : ce périodique bimestriel édité entre 1894 et 1914 est un titre mort. Il ne saurait être confondu avec la Revue historique ardennaise publiée depuis 1969 à Charleville-Mézières par la Fédération des sociétés savantes des Ardennes, la Société d’études ardennaises (devenue la Société d’histoire des Ardennes) et la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais].
Les Russes qui sont installés dans le canton de Chaumont-Porcien sont toujours présents en 1816, comme en témoigne le compte rendu établi lors d’une cérémonie de confirmation qui a lieu à Chaumont. En effet, le pro-vicaire et le curé de ce lieu, à la demande de l’évêque, se rendent auprès du lieutenant-colonel ennemi « pour le complimenter de sa part[1] ». Ces politesses induites par les autorités ecclésiastiques ne doivent pas faire oublier que, dans le même temps, le commandant de la 2e division du quartier général de Mézières adresse au ministre de la Guerre, le général-comte Dupont de l’Étang, une missive d’importance. Il s’y fait le porte-parole des souffrances des Ardennais car « les campagnes sont ruinées, les habitants battus, les autorités méconnues, avilies et courbées sous le fouet des Russes et de leurs alliés[2] ».
[1] Archives départementales de la Moselle, 29J 1355 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999)].
[2] Archives départementales des Ardennes, 7J 62 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection Guelliot, érudit local].
Le IIIe corps de l’armée russe (soit environ 16 000 hommes et 800 chevaux) prend son cantonnement dans les arrondissements de Rethel, Vouziers, Sedan et Mézières. Ces troupes consomment une incroyable quantité de viande, de volailles, de fourrages et d’eau de vie : ils n’entendent pas se soumettre à des distributions réglées. Bien au contraire, ils se livrent à la rapine et au pillage !
Le dirigeant du cantonnement de Bégny exige que son entretien repose sur toutes les communes avoisinantes. Le maire de La Romagne, Louis Devie, reste imperméable aux diverses demandes de ce dernier, au point que le sous-préfet le menace (dans une lettre datée du 22 septembre 1817) de lui envoyer des troupes russes en cantonnement, s’il ne cède pas à son tour.
L’édile finit par obtempérer. Afin de stimuler sa coopération lors des demandes suivantes, les mêmes arguments sont employés pour que la commune participe : des voitures doivent convoyer des pierres destinées à la réalisation d’un chemin entre « la caserne et le magasin neuf » ; transporter du pain, ou encore de nombreux tonneaux d’eau de vie.
Quand ce ne sont pas des vivres qui sont réclamés, c’est du bois de chauffage qui est exigé, ou des contraintes liées à l’organisation d’un déménagement qui sont imposées (le capitaine commandant le casernement russe de Bégny devant rejoindre sa nouvelle affectation à Machault) !
L’année 1818 marque la fin de l’occupation russe et le déclin de la disette qui est présente dans tout l’arrondissement depuis plusieurs années, car les récoltes sont enfin abondantes dans tout le département.