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La Romagne dans l’entre-deux guerres : une analyse comparative des recensements de 1926, 1931 et 1936


L’entre-deux guerres est une période marquée par d’importants changements sur le plan international avec :

  • des modifications de la carte européenne après l’effondrement de l’empire austrohongrois ;
  • la montée des régimes totalitaires s’opposant aux régimes démocratiques ;
  • le retour sur le traité de Versailles avec la remilitarisation de l’Allemagne.

Une récession économique se développe des Etats-Unis à l’Europe, à partir de 1929. Elle touche plus particulièrement la France à partir de 1932, avec des faillites d’entreprises et un fort taux de chômage.


Une crise politique se développe en France en 1934. Avec les élections de 1936 et la nomination de Léon Blum, président du Conseil sous le Front populaire, des mesures sociales sont prises et transforment la société par l’adoption, après une période de grèves, de la semaine de travail de quarante heures, et l’octroi de deux semaines de congés payés pour les salariés.


Trois recensements à La Romagne couvrent cette période : 1926[1], 1931[2] et 1936[3]. Ils permettent d’aborder les mutations du village, et offrent des données plus complètes dans ce domaine que les annuaires historiques, administratifs et commerciaux du département des Ardennes des années 1926[4], 1927[5], 1931[6], 1932[7] et 1936[8].


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. – Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1926.], vue 1/11, consultable en ligne.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. – Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1931.], vue 1/11, consultable en ligne.

[3] Archives départementales des Ardennes, 6M 20 [série M = administration générale et économie, sous-série 6M = population, affaires économiques, statistiques.], liste nominative des habitants de la commune de La Romagne, année 1936, vue 1/10, consultable en ligne.

[4] Archives départementales des Ardennes, PERH43 111, annuaire de l’année 1926 [série PERH = périodiques, sous-série PERH43 = annuaires administratifs, commerciaux et industriels du département des Ardennes.]

[5] Archives départementales des Ardennes, PERH43 112, annuaire de l’année 1927 [idem.]

[6] Archives départementales des Ardennes, PERH43 116, annuaire de l’année 1931 [idem.]

[7] Archives départementales des Ardennes, PERH43 117, annuaire de l’année 1932 [idem.]

[8] Archives départementales des Ardennes, PERH43 121, annuaire de l’année 1936 [idem.]


Il est à noter que les données de population indiquées dans les annuaires correspondent à celles du recensement de l’année précédente.

De plus, les chiffres qui y sont indiqués ne concernent que les cultivateurs, et non les autres travailleurs agricoles et les artisans, pas plus que leurs ouvriers ou apprentis. Enfin, la collection de ces annuaires s’arrête en 1936, et reprend les données du recensement de 1931.


Le nombre d’habitants à La Romagne (Ardennes) confirme la dépopulation très nette en dix ans. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’absence d’étrangers en 1931, et leur retour en 1936, suggère des phénomènes migratoires locaux, saisonniers ou familiaux. Il est à noter qu’il y a quelques habitants en plus, car les recensements ne tiennent pas compte des élèves internes des établissements d’instruction publique.


Or, à cette époque, le village en compte quelques-uns. Ne sont pas dénombrés non plus des ouvriers chargés d’exécuter des travaux publics, au moment où se développe l’installation de l’électricité dans les communes du canton de Chaumont-Porcien. Ce phénomène n’est sans rappeler la présence d’ouvriers, d’origine italienne pour la plupart, au moment de l’installation du chemin de fer.


En dix ans, la population du village diminue de cinquante-cinq habitants. En effet, c’est une période de crise économique avec des baisses, selon les années, des rendements et des prix agricoles.


Bien que les progrès techniques et matériels, permis par l’installation de l’électricité, aient amélioré les conditions de vie des habitants, cette diminution peut trouver une explication dans la gestion familiale et patriarcale du travail, que ce soit dans l’agriculture comme dans l’artisanat.


Les jeunes adultes souhaitent avoir plus d’indépendance, et un salaire personnel. Ils se tournent alors vers les métiers de la fonction publique ou de l’industrie. La ville offre également plus de confort, alors que l’habitat local, qui est parfois vétuste.

Ces départs modifient la physionomie de la population active masculine, de manière très ténue dans le domaine de l’agriculture, mais plus marquante dans l’artisanat.


La dépopulation est plus marquée dans le village que dans certains écarts de La Romagne (Ardennes). La rue Haute se taille « la part du lion », alors que les écarts et hameaux sont assez stables, ou en légère progression. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour la première fois, des retraités (un homme et une femme) apparaissent dans le relevé de 1936[1]. La population active féminine (six femmes), ne change pas durant cette décennie. On compte deux couturières, deux commerçantes et deux servantes.


[1] Le curé, compte tenu de sa vocation auprès des paroissiens, n’entre pas dans le décompte de la population active.


L’agriculture à La Romagne (Ardennes) devient proportionnellement plus importante parmi les actifs masculins, du fait d’une forte chute des autres secteurs. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les recensements hiérarchisent la population agricole entre propriétaires, fermiers, ouvriers agricoles, et journaliers. Durant ces dix années, un, puis deux cultivateurs tentent une autre orientation de leur exploitation en devenant herbagers (élevage laitier ou à viande). Mais, en 1936, ils ne sont plus répertoriés dans cette catégorie.


Le nombre des ouvriers agricoles diminue fortement, tout comme celui des journaliers, qui disparaissent en 1936. Les premiers à être affectés par la crise rejoignent la catégorie des manouvriers. Et les seconds sont victimes du développement de la mécanisation. Lorsque l’exploitation est petite, l’exploitant est contraint, pour pouvoir en vivre, d’exercer une autre activité agricole.


Les petits propriétaires de La Romagne (Ardennes) résistent, mais diversifient leurs revenus. Le fort accroissement des manouvriers plaide pour une recomposition et une précarisation des emplois. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’artisanat, dans cette période, subit des transformations ou des reconversions, voire des disparitions d’activités : comme celles des cordonnier, couvreur, voiturier et vanniers en 1936. Avant qu’il n’y ait plus de cordonnerie, l’artisan qui s’en chargeait était aussi domestique de culture ; la pratique n’étant plus assez nombreuse pour permettre de vivre de ce métier. En effet, il n’y a pas de relève pour ce domaine, tout comme pour la vannerie.


L’érosion des métiers traditionnels à La Romagne (Ardennes) entraîne la raréfaction de certains débouchés d’un côté, et le renforcement des métiers liés à la modernisation de l’autre. La disparition du métier de vannier marque la perte d’un savoir-faire local. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les commerces de La Romagne (Ardennes) qui dépendent d’un marché local sont en régression, alors que certaines activités industrielles locales restent solides. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

En ce qui concerne le service public, des représentants sont présents dans les villages. Ce sont les instituteur, percepteur, facteur, cantonniers (municipal et d’Etat).


L’Etat est toujours présent à La Romagne (Ardennes), ce qui pourrait retenir les habitants, mais des infrastructures tels que le téléphone et le chemin de fer favorisent la mobilité et les départs. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

En une dizaine d’années, le village évolue et se transforme, tout en subissant des changements économiques. Les activités principales sont liées à l’agriculture et à l’artisanat, mais celui-ci doit s’adapter s’il ne veut pas disparaître. C’est le cas des vanniers, qui répondaient aux besoins des vignerons (avec les paniers pour les vendanges ou les expéditions de bouteilles).


Lorsque ces derniers optent pour des caisses en bois ou des emballages cartonnés, la vannerie voit disparaître l’un de ses principaux débouchés, et s’étiole avant de mourir. Les commerces locaux répondent aux besoins des habitants, et vivent de cette clientèle, tout en contribuant à la vie et l’animation de la commune.


Entre 1926 et 1936, La Romagne illustre une trajectoire typique d’un village rural français touché par la crise intervenue après 1929 : dépopulation structurelle, concentration de l’activité survivante sur l’agriculture, effondrement des petits métiers artisanaux, et recomposition des emplois agricoles. Les indicateurs montrent une communauté qui résiste (propriétaires et exploitants relativement stables), mais qui se transforme rapidement.


Les jeunes partent chercher un salaire et de meilleures conditions en ville, soit dans la fonction publique, soit dans l’industrie ; les activités traditionnelles perdent leurs débouchés (la vannerie, par exemple). L’apparition d’infrastructures (téléphone, employés du chemin de fer) signale une ouverture aux réseaux nationaux qui, paradoxalement, facilitent aussi l’exode rural.


Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. - Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1931.], vue 1/11, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. – Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1931.], vue 1/11, consultable en ligne.

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La Romagne après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : une analyse du recensement de 1946


Lors du recensement de mars 1946[1], dix années se sont écoulées depuis le dernier effectué. La Seconde Guerre mondiale a bouleversé le village à plusieurs reprises : tout d’abord avec l’exode, qui l’a vidé presque totalement.

Difficile, le retour s’est heurté aux tracasseries et exigences des occupants, au point que La Romagne n’a retrouvé à la date du 15 mars 1941 que quatre-vingt-dix-huit habitants sur les deux cent neuf que comptait la commune avant la guerre, selon une déclaration[2] du maire intérimaire André Didier.


[1] Archives départementales des Ardennes, 30W 15 : recensement de la population de La Romagne, année 1946 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.], vue 1/7, consultable en ligne.

[2] Archives départementales des Ardennes, 56W 57 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]


A l’exception des prisonniers de guerre français, la quasi-totalité de sa population est de retour en décembre 1941. Celle-ci doit non seulement faire face à l’occupation du village, aux restrictions. Mais les agriculteurs ont en plus affaire à la WOL, et se trouvent dépossédés d’une partie de leurs terres au profit de l’ennemi.


S’ils ont été contraints de produire selon les règles de cette organisation durant plusieurs années, il leur a fallu, lorsqu’elle a été dissoute, récupérer leurs terres, leur bétail, et leur rôle de patron. Ils ont dû s’inscrire dans l’effort collectif pour que le pays retrouve ses moyens de production. Et ce, afin de pourvoir à la nourriture des millions de personnes qui avaient subi des carences alimentaires.


En 1946, La Romagne compte cent quatre-vingt-trois habitants, dont cent soixante-seize de nationalité française et sept étrangers. Inexorablement, la perte de population continue. L’amplitude des âges peut être estimée à environ quatre-vingt-dix ans, et révèle que la doyenne du village est Marie Brodier (épouse Ledouble). Née en 1859 sous le Second Empire, elle a onze ans lorsqu’éclate la guerre franco-prussienne.


Au cours de sa vie, elle aura donc subi par trois fois la présence allemande au sein de son village, et enduré trois guerres. Elle n’est cependant pas la seule, puisque, lors du recensement de 1946, il apparaît que treize personnes (neuf hommes et quatre femmes) vivant à la Romagne sont nés avant le début de la guerre de 1870, et ont été marqués par des souvenirs des trois conflits.


La pyramide des âges montre une population masculine (cent dix hommes) plus importante que la population féminine (soixante-treize femmes) Elle atteste également une présence non négligeable de jeunes, mais moins importante que le groupe des actifs, ce qui est atypique pour l’après-guerre, mais que l’on peut attribuer à un biais causé par un petit échantillon. Graphique de type « barres empilées ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La pyramide des âges montre une population masculine (cent dix hommes) plus importante que la population féminine (soixante-treize femmes) Elle atteste également une présence non négligeable de jeunes, mais moins importante que le groupe des actifs, ce qui est atypique pour l’après-guerre, mais que l’on peut attribuer à un biais causé par un petit échantillon. Graphique de type « barres empilées ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Lors du recensement de 1921, certaines maisons étaient vacantes à la suite du départ de réfugiés, alors qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont les troupes allemandes qui, à la suite de leur retraite, ont délaissé les lieux d’habitation qu’elles occupaient.


Les deux rues principales (Haute et Basse) comptent ensemble cinquante-quatre maisons. Parmi elles, sept sont vides. L’une d’entre elles est transformée en épicerie, ce qui est une reconfiguration de fonction, en passant du logement au service.

Quant aux rues Langlet et Canon, elles ne comptent plus, à elles deux, que trois maisons habitées. Dans les écarts, qui représentent en tout dix-neuf maisons, cinq sont vides. Le taux de vacance est de 13 % pour les rues principales et de 26,3 % pour les écarts.


Le détail de la répartition des habitants montre une dizaine de configurations :

  • couple sans enfants ;
  • couple avec enfants ;
  • couple avec enfant, et domestique ou ouvrier ;
  • couple avec deux ascendants ;
  • couple avec un ascendant ;
  • couple et enfant avec un ascendant ;
  • deux couples d’adultes ;
  • homme seul ;
  • femme seule ;
  • deux adultes d’une même famille (oncle et neveu ; père et fils).

Seize familles de La Romagne (Ardennes) comptent ensemble quarante et un enfants, ce qui représente environ le quart de la population. Le nombre d’enfants vivant en famille diffère du total des personnes dont l’âge est inférieur à quinze ans, ce qui s’explique par une autre acception du mot enfant (fils et fille), qui inclut les jeunes jusqu’à la vingtaine. Graphique de type « entonnoir ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Seize familles de La Romagne (Ardennes) comptent ensemble quarante et un enfants, ce qui représente environ le quart de la population. Le nombre d’enfants vivant en famille diffère du total des personnes dont l’âge est inférieur à quinze ans, ce qui s’explique par une autre acception du mot enfant (fils et fille), qui inclut les jeunes jusqu’à la vingtaine. Graphique de type « entonnoir ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Comme lors des recensements précédents, c’est l’agriculture qui est toujours l’activité principale. Les cultivateurs sont dénombrés par leur statut (propriétaire, fermier, ou travailleur agricole) mais un autre document[1] présente les trente exploitations de la commune, quel que soit le mode de faire-valoir.


[1] Archives départementales des Ardennes, 53W 3 : dénombrement agricole 1946, feuille d’exploitation, canton de Chaumont-Porcien, commune de La Romagne [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]


Une forte proportion de fermiers (43 %) domine les tenures diverses, tandis que d’autres cultivateurs montrent une diversification des revenus. Graphique de type « secteurs ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Une forte proportion de fermiers (43 %) domine les tenures diverses, tandis que d’autres cultivateurs montrent une diversification des revenus. Graphique de type « secteurs ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La plus petite surface cultivée a une superficie d’un hectare soixante et un, et la plus importante soixante et onze hectares. Parmi ces exploitations, dix-neuf sont consacrées à l’agriculture générale, huit sont herbagères, et une mixte (agriculture générale et herbagère), deux sans aucune précision.

Fait significatif, la petitesse de quelques-unes et la nature des sols, parfois ingrats, font glisser un certain nombre d’exploitants vers l’élevage. Une amorce de ce changement a pu être observée lors des recensements de la décennie précédente.


La prépondérance d’exploitations petites et moyennes souligne une fragilité économique possible, et des difficultés pour survivre. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La prépondérance d’exploitations petites et moyennes souligne une fragilité économique possible, et des difficultés pour survivre. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Sur les trente cultivateurs de la commune, rares sont ceux qui exploitent seuls leurs terres (sept). D’autres ont recours à un ouvrier (un) ou aux enfants ayant quitté l’école (deux). La plupart travaillent en couple (six), ou en couple et avec l’aide d’un ouvrier (deux), en famille avec leurs femme et enfants de plus de quatorze ans (onze).


Le cas d’une veuve cultivant environ sept hectares avec un membre de sa famille est unique. Durant un laps de temps indéterminé, ceux qui avaient une exploitation comprise entre vingt et un et cinquante hectares auraient bénéficié de la présence d’un prisonnier de guerre allemand (trois)[1].


[1] Cette mention, qui ne comporte ni nom ni date, a été biffée par la suite, ce qui rend son interprétation difficile.


Le nombre d’artisans diminue, ce qui avait déjà été constaté dans la décennie précédente. Dans ce recensement, ne sont plus répertoriés que le charpentier, deux mécaniciens, un maréchal-ferrant et son aide, un bûcheron, un charretier de bois, et un boulanger. Peintre, couvreur, vannier n’auront pas de successeurs locaux, et ils disparaissent à tout jamais.


La cidrerie fondée dans l’entre-deux guerres a pour personnel deux fabricants de cidre, un ouvrier cidrier et un aide-cidrier. Des employés sont affectés à la scierie de Montmeillant, montrant ainsi la présence de petites industries disséminées dans le canton, comme les laiteries par exemple.


La commune emploie toujours quelques personnes : un cantonnier municipal, un tambour afficheur, un secrétaire de mairie (qui est aussi l’instituteur de l’école mixte du village). La SNCF a pour sa part recruté un cantonnier à la gare de Draize – La Romagne.


Le village a subi la guerre, l’exode et l’occupation par la WOL, qui a dépossédé partiellement les agriculteurs. En 1946, l’activité et la population se stabilisent autour d’un mode de vie agricole familial, orienté désormais vers l’élevage et la production laitière.


Les exploitants agricoles sont conscients de la nécessité d’introduire des changements s’ils veulent répondre aux besoins du pays, et pourvoir à la nourriture de millions de Français, comme il leur est demandé par le gouvernement. La mécanisation se développe, mais chevaux et tracteurs cohabitent encore pour quelque temps.


En revanche, la diminution de l’artisanat souligne un effritement des métiers traditionnels, tandis que les commerces fixes, dont le nombre est limité à deux, préfigurent le risque de désertification des services.


Archives départementales des Ardennes, 30W 15 : recensement de la population de La Romagne, année 1946 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.], vue 1/7, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, 30W 15 : recensement de la population de La Romagne, année 1946 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.], vue 1/7, consultable en ligne.