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Les natifs de La Romagne prisonniers de guerre en 1939-1945 (A-Z)


Le blog laromagne.info commémore l'appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de transmettre : « Aucun élève ne doit quitter sa scolarité sans avoir visité au moins un site mémoriel combattant et avoir participé au moins à une cérémonie patriotique. »
Le blog laromagne.info commémore l’appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de transmettre : « Aucun élève ne doit quitter sa scolarité sans avoir visité au moins un site mémoriel combattant et avoir participé au moins à une cérémonie patriotique. »

Bonhomme, Pierre, Georges, charpentier puis militaire de carrière, sous-officier du génie, décoré de la médaille militaire[1], né le 6 janvier 1910 à La Romagne, fils de Désiré Vital Bonhomme et de Blanche Georges, n° de matricule 891. Il est fait prisonnier à Goviller (Meurthe-et-Moselle) le 21 juin 1940[2].


[1] Attribuée par un décret paru au Journal officiel de la République française n° 239 du 9 octobre 1949, page 10146, qui mentionne dix-huit ans de service et six campagnes.

[2] Liste du Frontstalag 162.

Médaille militaire (avers) de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Médaille militaire (avers) de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Attestation du 4 décembre 2008 délivrée par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) de Genève certifiant posséder les renseignement sur le parcours de prisonnier de guerre de monsieur Pierre Bonhomme  †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Attestation du 4 décembre 2008 délivrée par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) de Genève certifiant posséder les renseignement sur le parcours de prisonnier de guerre de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Il est dirigé vers un camp provisoire[1]. D’après une liste officielle des prisonniers français n° 28 du 9 octobre 1940, il est au Frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (Meurthe-et-Moselle). Il porte le numéro de prisonnier 6987 et se trouve dans le quartier n° 4. Une liste nominative du camp d’Ecrouves (Meurthe-et-Moselle) datée du 13 juillet 1940 indique qu’il s’y trouve à ce moment-là.


[1] Fiche bristol [Karteikarte] du Frontstalag 162 en date du 9 octobre 1940.


L'Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII-B Krems-Gneixendorf et Stalag III-D Berlin, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII-B Krems-Gneixendorf et Stalag III-D Berlin (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

A partir du 4 octobre 1940, il est au Stalag XVII-B Krems-Gneixendorf[1]. C’est dans ce camp qu’il reçoit son immatriculation de prisonnier de guerre[2] n° 53026. Il se retrouve ensuite au Stalag III-B Fürstenberg (arrondissement de l’Oder-Spree), d’après sa fiche bristol[3] du 9 octobre 1940.


[1] Gneixendorf est un village près de Krems-sur-le-Danube (Krems an der Donau) situé dans le Land de la Basse-Autriche.

[2] Kriegsgefangener.

[3] Karteikarte.


Carte de l'emplacement des Stalags en Allemagne (1940-1945).
Carte de l’emplacement des Stalags en Allemagne (1940-1945).

Cette ville correspond à l’actuelle Eisenhüttenstadt (Land du Brandebourg), en Allemagne. Cette ville nouvelle est issue de la fusion en 1961 de Fürstenberg, Staline-Ville[1], et Schönfließ. Cet immense camp se situe dans la vallée de l’Oder est situé à cent vingt kilomètres au sud-est de Berlin et à environ soixante kilomètres de la frontière polonaise[2]. C’est pour les autorités allemandes un camp modèle[3].


[1] Stalinstadt.

[2] La voie ferrée conduisant à Berlin et le canal de l’Oder forment en quelque sorte les limites naturelles du camp.

[3] Modelllager.


Détail de l'emplacement de quelques Stalags en Allemagne (1940-1945).
Détail de l’emplacement de quelques Stalags en Allemagne (1940-1945).

Selon une liste allemande datée du 20 novembre 1940, il est transféré au Stalag III-A Luckenwalde[1] sous le n°53021 le 13 novembre 1940 depuis le Stalag XVII-B Krems-Gneixendorf. Il est présent dans le Stalag III-D Berlin[2] le 24 novembre 1940, selon une carte de capture dont le tampon très effacé semblerait être du 18 décembre 1940.


[1] Land du Brandebourg, en Allemagne.

[2] Berlin-Lichterfelde est un quartier de Berlin dans l’arrondissement de Steglitz-Zehlendorf.


Carte du combattant n° 143757 de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Carte du combattant n° 143757 de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

D’après une liste n° 111 reçue le 24 mars 1941 et une fiche de capture du CICR[1] du 1e décembre1944, il est probable qu’il est arrivé dans ce camp en décembre 1940 ou en janvier 1941. Il semble qu’il y reste jusqu’à la libération de ce camp en avril 1945. D’après sa fiche nominative du Frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (Meurthe-et-Moselle), Pierre Bonhomme est rapatrié le 27 mai 1945 au centre de Maubeuge (Nord)[2].


[1] Comité international de la Croix-Rouge.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 410 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Musée de la Reddition du 7 mai 1945 (Reims), numéro d'inventaire R.853, acte de capitulation rédigé par les Alliés, texte dactylographié à l’encre noire, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée de la Reddition du 7 mai 1945 (Reims), numéro d’inventaire R.853, acte de capitulation rédigé par les Alliés, texte dactylographié à l’encre noire, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Fouquet, Henri Albert, n° de matricule du recrutement 411, né le 20 octobre 1907 à La Romagne, fils de Gustave Fouquet et de Marie Carbonneaux, rappelé à l’activité le 2 octobre 1939, affecté au dépôt du génie n° 15. Il est fait prisonnier le 21 juin 1940 à Rambervillers (Vosges). Henri Fouquet[1] est interné au camp de transit de Baccarat (Meurthe-et-Moselle) avant d’être démobilisé par le comité départemental le 28 août 1941.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 392 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Pour nos prisonniers de guerre, timbre  brun carminé en taille douce, collé sur des cahiers de captivité de prisonniers de guerre du Stalag IV-B Mühlberg (1940).
Pour nos prisonniers de guerre, timbre  brun carminé en taille douce, collé sur des cahiers de captivité de prisonniers de guerre du Stalag IV-B Mühlberg (1940).

Lelong, Marceau Alfred, domestique de culture, classe de mobilisation 1927, n° de matricule de recrutement 1308, né le 11 novembre 1912 à La Romagne, fils de Jules Alcide Lelong et de Marie Claire Faveaux, rappelé le 26 août 1939 au 29e régiment régional.

Il passe au 22e régiment régional le 16 janvier 1940. Il est fait prisonnier à Etampes (Essonne) le 15 juin 1940. Interné au Stalag IV-B Mühlberg[1], à une cinquantaine de kilomètres de Dresde. Il a le matricule n° 72021. Rapatrié le 30 mai 1945, Marceau Lelong est démobilisé le 1er juin 1945 par le comité départemental de Charleville[2].


[1] Ville allemande située dans l’arrondissement d’Elbe-Elster (Land du Brandebourg).

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 423 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Monsieur Pierre Bonhomme †, titulaire de la médaille militaire depuis plus de 50 ans (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Monsieur Pierre Bonhomme †, titulaire de la médaille militaire depuis plus de 50 ans (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Lequeux, Armand Adonis, ferronnier, n° de matricule du recrutement 111, né le 19 mars 1915 à La Romagne, fils de Victor Eugène Lequeux et de Marie Georgette David, convoqué le 29 mars 1939 au 91e régiment d’infanterie, il passe au 295e régiment d’infanterie le 2 septembre 1939.

Fait prisonnier à La Salle[1] (Saône-et-Loire) le 28 juin 1940. Interné au Stalag II-A Neubrandenbourg[2]. Il porte le numéro de prisonnier 66459. Malade, il est rapatrié le 4 juin 1941 et est démobilisé le 9 juillet 1941. Armand Lequeux se retire alors à Saint Cloud (Hauts-de-Seine)[3].


[1] Près de Mâcon (Saône-et-Loire).

[2] Ville d’Allemagne située dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, au nord de Berlin.

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 442 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Macquin, Paul Adolphe, classe de mobilisation 1925, n° de matricule du recrutement 119, né le 7 janvier 1905 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie-Angèle Lantenois, rappelé à l’activité par mesure de mobilisation générale, il est affecté au dépôt ALVF[1] n° 209.

Parti aux armées le 11 février 1940 et affecté au 374e RALVF[2] 13e bataillon le 1er avril 1940. Il est fait prisonnier à « Archambeau[3] » le 20 juin 1940. Interné au Stalag II-C Greifswald[4] sous le n° de prisonnier 3355. Paul Macquin est rapatrié le 28 mai 1945[5].


[1] Artillerie lourde sur voie ferrée.

[2] Régiment d’artillerie lourde sur voie ferrée.

[3] Sic, id est Bourg-Archambault (Vienne).

[4] Ville du nord de l’Allemagne (Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale).

[5] Archives départementales des Ardennes, 1R 378 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Reconnaissance des services rendus à la France par monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Reconnaissance des services rendus à la France par monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Macquin, Rémi Jean, commis de perception, né le 5 mars 1911 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie Angèle Lantenois, n° de matricule du recrutement 110.

Rappelé à l’activité le 2 septembre 1939, il est fait prisonnier à Saint-Dié (Vosges) le 22 juin 1940. Interné au Stalag XIII-D Nuremberg-Langwasser[1] sous le n° de prisonnier 88022. Libéré le 5 mai 1945 et rapatrié le même jour, Rémi Macquin est démobilisé le 16 mai 1945 par le comité départemental de Charleville[2].


[1] Land de Bavière.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 415 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Monsieur Jean Malherbe † pose devant sa voiture. Hotchkiss est un constructeur automobile et manufacturier d'armes français, qui a produit des véhicules militaires jusqu'en 1969. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Monsieur Jean Malherbe † pose devant sa voiture. Hotchkiss est un constructeur automobile et manufacturier d’armes français, qui a produit des véhicules militaires jusqu’en 1969. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Malherbe, Eugène Jean, employé de commerce, n° de matricule du recrutement 230, né le 20 février 1913 à La Romagne, fils de Georges Malherbe et de Lucie Bonpart, rappelé à l’activité à la 2e section de COMA[1] le 25 août 1939 et affecté au groupe d’exploitation de la 52e division d’infanterie.

Nommé sergent le 21 juin 1940. Fait prisonnier à La Bourgonce (Vosges) le 22 juin 1940. Interné au Stalag XIII-D Nuremberg-Langwasser. Eugène Jean Malherbe est rapatrié le 23 avril 1945 et démobilisé par le centre des Ardennes le 1er juin 1945.


[1] Commis et ouvriers militaires d’administration.


Marandel, Léon André, cultivateur, maréchal-ferrant, classe de mobilisation 1922, soldat au 140e régiment d’artillerie, n° de matricule du recrutement 244, né le 27 janvier 1902 à La Romagne, fils de Alfred Célestin Marandel et d’Eugénie Chéry.Rappelé à l’activité le 23 août 1939, il est fait prisonnier à Epinal (Vosges) et interné au Stalag XII-D Trier[1]/Petrisberg sous le n° de prisonnier 1564. Rapatrié, Léon Marandel est démobilisé le 5 novembre 1945 par le comité départemental d’Amiens[2].


[1] Trèves est une ville du sud-ouest de l’Allemagne (Land de Rhénanie-Palatinat).

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Marquigny, Henri Emile, ouvrier de culture, classe de mobilisation 1922, né le 20 mars 1906 à La Romagne, mort pour la France[1], n° matricule du recrutement 408, fils de Joseph Louis Emile Marquigny et de Marie Ida Boitte. Rappelé à l’activité le 20 septembre 1939 et affecté au 301e RALP[2].

Après un séjour à l’hôpital de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) du 20 octobre 1939 au 24 février 1940 et sa convalescence, il rejoint le dépôt d’artillerie n° 302 le 17 mars 1940. Il est affecté le 29 mars 1940 au parc de munitions d’armée et passe à la 662e compagnie du parc de munitions d’armée.

Fait prisonnier le 12 juin 1940 au fort de La Chaume[3]. Henri Marquigny est rapatrié le 30 mai 1945 et décède quelques mois plus tard à l’hôpital militaire de Mézières le 5 octobre de la même année[4].


[1] Il figure à ce titre sur le monument aux morts de La Romagne.

[2] Régiment d’artillerie légère portée.

[3] Thierville-sur-Meuse, près de Verdun (Meuse).

[4] Archives départementales des Ardennes, 1R 385 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Mauroy[1], Gaston Auguste, n° de matricule du recrutement 269, né le 2 juillet 1902 à La Romagne, fils de Charles Emile Mauroy et de Juliette Léonie Bailly. Il est fait prisonnier à Maubert-Fontaine. Il est interné au Stalag XII-A Limburg an der Lahn[2] sous le n° de prisonnier 21506. Gaston Mauroy est démobilisé le 31 mai 1945 par le comité départemental de Charleville.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].

[2] Limbourg-sur-la-Lahn (Land de la Hesse).


Monsieur Marcel Mauroy † et d'autres prisonniers de guerre, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Monsieur Marcel Mauroy † et d’autres prisonniers de guerre, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).

Mauroy, Marcel Charles, n° de matricule du recrutement 59, né le 6 mai 1904 à La Romagne, fils de Charles Emile Mauroy et de Marie Juliette Léonie Bailly. Rappelé à l’activité le 24 août 1939, affecté au 17e RAD[1].

Fait prisonnier le 22 juin 1940 à La Bourgonce (Vosges). Il est interné au Stalag XIII-B Weiden/Oberpfalz[2]. Il est rapatrié le 25 mai 1945 sous le matricule 83774. Marcel Mauroy est démobilisé par le comité départemental de Charleville le 30 mai 1945[3].


[1] Régiment d’artillerie divisionnaire.

[2] Weiden in der Oberpfalz (Land de la Bavière).

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 371 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Miclet, Henri Léon, domestique, n° de matricule du recrutement 60, né le 16 février 1916 à La Romagne, fils de Paul Georges Miclet et de Célestine Constance Destrez. Rappelé à l’activité le 20 août 1939, affecté à la CM[1]. Capturé le 12 juin 1940 à Saint-Valéry-en-Caux (Seine-Maritime), il est au Stalag IX-C Bad Sulza[2] sous le n° de prisonnier 3940. Rapatrié le 9 juin 1941 comme aîné de cinq enfants. Démobilisé par le comité départemental de Guéret (Creuse) le 25 juin 1941[3], Henri Miclet se retire à Lérat (Creuse).


[1] Cavalerie montée.

[2] Land de Thuringe.

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 448 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Miclet, Joseph Emile, charron,classe de mobilisation 1926, n° de matricule du recrutement 434, né le 12 octobre 1906 à La Romagne, fils de Georges Miclet et de Célestine Destrez. Rappelé à l’activité le 25 août 1939 au dépôt d’artillerie n° 2.

Il est fait prisonnier à Redon (Ille-et-Vilaine) le 23 juin 1940, et est interné dans un Frontstalag sous le n° de prisonnier 11303 avant d’être mis en congé de captivité le 18 juillet 1941. Joseph Miclet est démobilisé le 1er août 1941[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 385 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Quentin, Gaston Fernand, militaire, n° de matricule du recrutement 490,décoré de la médaille militaire par décret du 21 décembre1954[1], né le 1er février 1920 à La Romagne, fils de Louis Albert Quentin et de Marie-Juliette Bosserelle.

Engagé en 1938 à l’intendance militaire de Versailles (Yvelines), il est affecté au 2e régiment du génie à Metz (Moselle) et est nommé caporal le 28 juillet 1938 puis sergent le 1er avril 1939. Il est fait prisonnier le 4 juillet 1940 et est interné au Stalag VII-A Moosburg[2] avec le n° de prisonnier 30746.

Il est rapatrié le 23 mai 1945 et, après une permission d’un mois, il est dirigé en septembre 1945 à Bad-Salzig[3] en Allemagne. Gaston Quentin poursuit sa carrière militaire et devient officier[4].


[1] Journal officiel de la République française n° 5 du 5 janvier 1954.

[2] Land du Bade-Wurtemberg.

[3] Land de la Rhénanie-Palatinat.

[4] Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Quentin, Robert Léon, cultivateur puis militaire de carrière, n° de matricule du recrutement 63, né le 13 mai 1914 à La Romagne, fils de Louis Albert Quentin et de Marie Juliette Bosserelle. Après son engagement en 1932 et diverses affectations, il est nommé sergent au 105e régiment d’infanterie en juillet 1939. 

Le 18 septembre 1939, il est affecté à la CHR[1] du dépôt d’infanterie 64. Il est muté le 1e janvier 1940 à une compagnie de passage[2]. Son contrat est maintenu tacitement. Muté à la CBI[3] le 24 mai 1940, il rejoint le DI 83[4] le 15 juin 1940 par ses propres moyens. Fait prisonnier[5] le 24 juin 1940, Robert Quentin est rapatrié le 15 juin 1945[6].


[1] Compagnie hors rang.

[2] Les documents consultés n’ont pas permis d’identifier laquelle.

[3] Compagnie de base et d’instruction.

[4] A Auxerre (Yonne).

[5] Aucun renseignement n’est donné sur le lieu de son emprisonnement.

[6] Archives départementales des Ardennes, 1R 434 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Roncin[1], Henri Albert, ouvrier agricole, classe de mobilisation 1928, n° de matricule de recrutement 1093, né le 17 juin 1908 à La Romagne, fils de Calixte Sulpice Roncin et de Valentine Angèle Depurrieux. Rappelé à l’activité le 24 août 1939 et affecté au 348e régiment d’infanterie.

Il est fait prisonnier le 28 juin 1940 à Fontenay-le-Comte (Vendée) et interné au Stalag VIII-C Żagań[2] sous le n° de prisonnier 11136. Henri Roncin est rapatrié et démobilisé le 26 septembre 1942 par le comité départemental de Charleville.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 400 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].

[2] Ville de Pologne connue aussi sous son nom allemand de Sagan.


Plusieurs hommes du rang nés à la Romagne ont donc été faits prisonniers de guerre en Allemagne dans les Stalags[1] du Troisième Reich. Si le sort des détenus des camps de concentration et d’extermination nazis est aujourd’hui mieux connu, celui des militaires emprisonnés en 1939-1945 reste encore un vaste champ d’étude. Il semble donc important d’expliciter ce que ces militaires romanais ont pu vivre…


[1] Abréviation de Kriegsgefangenen-Mannschafts-Stammlager (camp de base de prisonniers de guerre).


Entre mai et juin 1940, le soldat est le plus souvent envoyé, après sa capture, dans un Frontstalag[1]. C’est un lieu de rassemblement pour prisonniers de guerre de tous grades, doté d’une organisation très structurée, et avec un personnel important.

C’est en quelque sorte un espace de transit, avant l’acheminement vers les camps définitifs, disséminés sur tout le territoire allemand, et répartis entre les diverses circonscriptions militaires[2] du Reich : les hommes de troupe et les sous-officiers rejoignent des Stalags, et les officiers des Oflags[3].


[1] Ou Frontstammlager (camp de prisonniers dans les territoires français occupés).

[2] Wehrkreise.

[3] Offizier-Lager (camps d’officiers).


Les conventions de Genève, timbre de la Croix-Rouge.
Les conventions de Genève, timbre de la Croix-Rouge.

Les prisonniers subissent un long périple ferroviaire vers les camps qui leur sont assignés : entassés parfois à soixante dans des wagons de marchandises ou à bestiaux dépourvus de paille et surtout de sanitaires, ils doivent, à leur arrivée, parcourir à pied, encadrés par des gardes, le chemin séparant la gare de leur lieu de captivité.


Henry Dunant (1828-1910), fondateur de la Croix-Rouge.
Henry Dunant (1828-1910), fondateur de la Croix-Rouge.

Généralement, l’entrée du camp, symbolisée par une porte massive, est précédée d’une ou deux enceintes de barbelés avec, à intervalles réguliers, des miradors d’où des sentinelles surveillent les environs.


Gustave Moynier (1826-1910), fondateur de la Croix-Rouge.
Gustave Moynier (1826-1910), fondateur de la Croix-Rouge.

Le camp, pouvant accueillir plusieurs milliers d’hommes, est constitué de nombreuses baraques en bois ou en brique construites de part et d’autre d’une allée centrale. Elles permettent de concentrer dans un même lieu des prisonniers de différentes nationalités.


Infirmière, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.
Infirmière, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.

A l’intérieur de chaque baraquement, l’éclairage est chiche, et les châlits[1] à deux ou trois étages. Ces rectangles étroits et spartiates sont recouverts d’une très mince paillasse, et d’une seule couverture. A cet inconfort matériel, s’ajoute la promiscuité. Dans ces conditions, le sommeil du prisonnier de guerre est rarement réparateur.


[1] Cadre de lit en bois ou en métal.


Pour nos blessés, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.
Pour nos blessés, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.

C’est dans le premier camp où il est affecté que le prisonnier reçoit son immatriculation. Les initiales KG (Kriegsgefangener, c’est-à-dire prisonnier de guerre) sont peintes en blanc sur sa vareuse et sa musette. A partir de ce moment-là, il devient un numéro au sens strict. Cette anonymisation est pour lui une épreuve de plus.


Sauvé, timbre vert de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.
Sauvé, timbre vert de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.

D’une part, il doit surmonter la situation dans laquelle il est tombée comme soldat face à un ennemi supérieur en nombre et en matériel, mais il doit affronter d’autre part la mentalité de son époque qui le considère comme un vaincu.


Monsieur Pierre Bonhomme † et d'autres prisonniers de guerre au Stalag III-D, photographie ancienne en noir et blanc (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Monsieur Pierre Bonhomme † et d’autres prisonniers de guerre au Stalag III-D, photographie ancienne en noir et blanc (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Il est totalement soumis à l’autorité de ses geôliers allemands : lors de son arrivée, il subit le contrôle de son identité, une fouille intégrale lui est imposée. Ses objets personnels (livres, photographies, etc.) sont momentanément confisqués. Il ne les récupère que quelques jours plus tard, dûment tamponnés.

Freigegeben zur Heimsendung Mannschafts-Stammlager III-D se traduit en français par « Validé pour un envoi à domicile. Stalag III-D », verso d'une photographie ancienne en noir et blanc, encre rouge sur papier photo (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Freigegeben zur Heimsendung Mannschafts-Stammlager III-D se traduit en français par « Validé pour un envoi à domicile. Stalag III-D », verso d’une photographie ancienne en noir et blanc, encre rouge sur papier photo (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Reims consacre un salon aux prisonniers le 31 mai 1944.
Reims consacre un salon aux prisonniers le 31 mai 1944.

Il passe ensuite par l’étape de l’épouillage des vêtements et du corps. Les effets enlevés sont passés à l’étuve, avant d’être restitués à leur propriétaire. Pendant ce temps, le prisonnier est badigeonné d’insecticide. Malgré cela, tout au long de sa captivité, il est la proie de la vermine[1] et de la dysenterie.


[1] Insectes (poux, puces, punaises) parasites de l’homme et des animaux.


Pour nos prisonniers de guerre, timbre brun carminé en taille-douce.
Pour nos prisonniers de guerre, timbre brun carminé en taille-douce.

La nourriture est plus que frugale et constamment insuffisante. Le repas consiste en quelques louches de soupe claire, un morceau de pain et un tout petit bout de viande. Très vite, le prisonnier est tenaillé par la faim : il ressent une véritable torture physique, même si le gros cul[1] anesthésie momentanément sa souffrance.


[1] Tabac de troupe inférieur au Scaferlati Caporal (le fameux cube de gris). Le terme s’applique tout d’abord à un gros bâtiment de la marine de guerre. Par métonymie, il désigne un marin puis, par extension, un homme de troupe, un soldat.


Conventions de Genève 22 août 1864, timbre premier jour de la Croix-Rouge française.
Conventions de Genève 22 août 1864, timbre premier jour de la Croix-Rouge française.

La faim, la misère, les souvenirs d’un passé plus heureux atteignent leur moral. La dureté de leur vie est parfois atténuée par l’arrivée de colis ou de lettres, qui sont les seuls liens avec leur famille et leur vie antérieure. Le courrier met entre une dizaine et une quarantaine de jours pour parvenir à son destinataire.

Les prisonniers n’ont le droit pour correspondre avec les leurs qu’à deux lettres et deux cartes postales par mois. Ils ont la possibilité de recevoir mensuellement deux colis familiaux d’un kilo chacun et de temps en temps un paquet de cinq kilos.

En outre, ils reçoivent des cartons de la Croix-Rouge contenant entre autres du corned-beef[1], surnommé « singe » de façon argotique.


[1] Dans les pays francophones et depuis la Seconde Guerre mondiale, le corned-beef est connu une préparation culinaire de viande de bœuf habituellement salée, mise en petits morceaux, vendue dans une boîte de conserve métallique.


Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l’auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour ce qui est du réconfort spirituel, certains prisonniers éprouvent le besoin d’assister aux offices, qui sont assurés régulièrement. Dès septembre 1940, en France, l’Aumônerie générale des prisonniers de guerre, fondée par le cardinal Emmanuel Suhard, archevêque de Paris, est reconnue.

A partir de décembre, elle envoie dans les camps de prisonniers des « valises-chapelles », qui contiennent ce qui est nécessaire à la célébration de la messe. C’est ainsi qu’est distribué aux captifs un missel intitulé Prières du prisonnier : quelques simples prières pour rencontrer le Seigneur.

Oraisons supplémentaires tirées de Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Oraisons supplémentaires tirées de Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l’auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Famille du prisonnier, timbre vert en taille-douce.
Famille du prisonnier, timbre vert en taille-douce.

Au quotidien, l’organisation du travail est régie par la section III de la convention de Genève du 27 juillet 1929. Son article 27 précise : « Les sous-officiers prisonniers de guerre ne pourront être astreints qu’à des travaux de surveillance, à moins qu’ils ne fassent la demande expresse d’une occupation rémunératrice. »

Bien qu’ils soient comme eux enfermés dans les Stalags, les hommes du rang n’ont pas du tout le même traitement : la plupart du temps, ils sont contraints de travailler dans un Arbeitskommando[1] et donc de rejoindre des fermes, des usines, des carrières.


[1] Kommando concerne ici une unité de travail forcé.


L'Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII-B Krems-Gneixendorf et Stalag III-D Berlin (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII-B Krems-Gneixendorf et Stalag III-D Berlin (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le réveil est fixé à cinq heures, les sentinelles allemandes s’adressent bruyamment aux prisonniers avec des « Raus ! Raus[1]! » ou des « Schnell ! Schnell[2] ! », les obligeant à se presser pour le rassemblement sur la place du Stalag. Matinal ou vespéral, il peut durer un long moment. Et ce, quelles que soient les conditions atmosphériques…


[1] « Dehors ! Dehors ! ».

[2] « Vite ! Vite ! ».


Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre - Stalag II-B, Jacques Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son père, sur ses années de captivité en Allemagne.
Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre – Stalag II-B, Jacques Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son père, sur ses années de captivité en Allemagne.

Les prisonniers de guerre sont ensuite dirigés sous escorte vers le lieu de leur travail. La durée du labeur peut alors atteindre treize heures. Il n’est pas exclu qu’ils soient retenus, si nécessaire, les dimanches et les jours fériés.


Pour nos prisonniers de guerre, timbre vert en taille-douce.
Pour nos prisonniers de guerre, timbre vert en taille-douce.

Lorsqu’ils sont libérés à partir d’avril 1945, ils sont en grande partie livrés à eux-mêmes et au bon vouloir des Américains ou des Russes. Ils partent sur des routes défoncées, à travers des paysages dévastés, avant que leur retour vers la France ne soit organisé.


Nomination de monsieur Pierre Bonhomme † au titre de la régularisation de l'avancement des ex-prisonniers de guerre (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Nomination de monsieur Pierre Bonhomme † au titre de la régularisation de l’avancement des ex-prisonniers de guerre (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Là, ils doivent retrouver leur travail ou réintégrer leurs unités après un mois de permission, se réadapter à leur vie d’avant et garder souvent le silence sur ce qu’ils ont subi en captivité. De nos jours, la détresse et le découragement de ces hommes se sont peu à peu effacés de la mémoire collective…

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La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) à La Romagne


Ordre de mobilisation générale de la Seconde Guerre mondiale, daté du samedi 2 septembre 1939.
Ordre de mobilisation générale de la Seconde Guerre mondiale, daté du samedi 2 septembre 1939.

Dès les premiers jours suivant la mobilisation et la déclaration de guerre le 3 septembre 1939, diverses troupes françaises se trouvent cantonnées, soit à La Romagne, soit dans les villages environnants, comme au hameau Les Duizettes[1].


[1] Commune de Rocquigny.


Campagne de mai et juin 1940 de la 3e brigade de spahis, avec l'aimable autorisation du colonel (er) Thierry Moné.
Campagne de mai et juin 1940 de la 3e brigade de spahis, carte en couleurs (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Thierry Moné, officier de l’arme blindée qui a commandé le 1e régiment de spahis de 1997 à 1999).

Les soldats sont chargés de surveiller l’arrivée de parachutistes et de bloquer l’accès des Hauts Sarts et de la Verrerie aux blindés. Fin octobre, les spahis de la 3e brigade[1]  (formée à partir des 2e RSA[2] et RSM[3]) rejoignent Novion-Porcien et stationnent pour une partie d’entre eux à La Romagne.


[1] Moné, Thierry (colonel en retraite), Les Spahis de La Horgne : la 3e brigade de Spahis dans les combats de mai et juin, Valence : la Gandoura & CRCL [Calot rouge et croix de Lorraine], amicale des spahis du 1er Marocains, 2010, 205 p., pages 9 et 16 [exemplaire personnel n° 290 sur 400].

[2] Régiment de spahis algériens.

[3] Régiment de spahis marocains.


Un Romanais qui a vécu cette époque s’en souvient :

« Leurs uniformes rutilants et leurs chevaux barbes[1] font grande impression sur les habitants. »

[1] Cheval de selle de race orientale.

Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.

Une anecdote l’a marqué particulièrement lorsqu’il était un tout jeune homme :

« Un beau matin, tout contre la porte de la cave d’Henri Mauroy, nous avons vu des spahis qui s’affairaient auprès d’un cheval mort. Ils ont commencé par le dépouiller puis ont étendu la peau sur des perches avant de débiter des morceaux de viande. C’était vraiment un spectacle insolite pour nous. »

Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.

Ces spahis quittent le village pour être d’abord cantonnés dans les forêts avoisinantes, avant d’être dirigés sur Monthermé, puis de prendre part le 15 mai 1940 aux combats de La Horgne.


Le village voit passer encore bien d’autres troupes, en particulier le 31e d’artillerie venant de Saint-Brieuc (Bretagne) [1]. Se succèdent encore le 9e génie, le 10e d’artillerie et enfin le 18e (qui s’y repose et peut soigner ses chevaux blessés)[2].


[1] Deux cents hommes stationnent à la ferme de la Bouloi avant de monter sur la Belgique.

[2] Témoignage oral de monsieur Louis Devie (Logny-lès-Chaumont).


Certaines de ces troupes construisent des baraquements en bordure de la gare de Draize – La Romagne, où l’un de ceux-ci sert de buvette et a pour enseigne « Au pou qui tète »[1], tandis qu’à proximité s’entasse de la ferraille de récupération. D’autres creusent une tranchée-abri sur la place.


[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.


Bien avant le début du conflit, en raison des nombreuses occupations subies par les Ardennes au cours des siècles précédents, la préfecture, forte d’exemples encore dans toutes les mémoires, prend des dispositions dès les années 1930 pour organiser le départ des populations du nord du département.

Des trajets sont tracés, pour que le déplacement éventuel puisse se passer dans les meilleures conditions possibles, en passant par le sud des Ardennes. Les villages de Draize et de La Romagne sont prévus pour accueillir provisoirement une partie de la population de Charleville, qui pourrait ensuite être acheminée vers des zones de repli.


En mai 1940, lors de l’offensive sur l’Aisne, le village, où se trouvent ce jour-là des évacués de la Meuse, est bombardé : une torpille aérienne (projectile de gros calibre) et des bombes causent certes de sérieux dégâts matériels, en particulier sur l’église. Elles concernent surtout des pertes humaines, civiles et militaires : Aimé Vuillemet (le garde champêtre qui annonce l’ordre d’évacuation) et Marthe Mauroy sont tués sur le coup. C’est aussi le cas d’un soldat français du nom de Laurent Stéphane Marie Marchand[1]. Deux autres périssent quant à eux aux abords de la Draize, où ils sont enterrés sur place avant de l’être dans le cimetière paroissial.


[1] Service historique de la Défense, site de Caen, AC 21 P 81257, [série AC = victimes des conflits contemporains, sous-série AC 21 P = MPDR (ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés) puis MACVG (ministère des Anciens combattants et victimes de guerre), dossiers individuels].


Le sort s’acharne, ce jour-là, sur la famille d’Aimé Vuillemet : son fils Paul est atteint par un éclat de bombe. Pour l’accueil des blessés, deux infirmeries sont établies dans le village, dont l’une au bord du chemin qui mène à la Cour Avril, et l’autre dans la maison de Marceau Carbonneaux[1].


[1] Témoignage oral de monsieur René Lelong †.


Le 10 mai 1940, l’ordre d’évacuer les Ardennes est donné. Le lendemain, tous les habitants de La Romagne quittent le village le cœur gros, la mort dans l’âme de devoir abandonner leurs bêtes. Par exception, quelques-uns restent : monsieur et madame Ledouble, leur fils Jules et madame Pagnié, qui est assez âgée[1].

Alors que, de longue date, un plan d’enlèvement du bétail a été prévu par les autorités et pour chaque canton[2], il ne peut être appliqué en raison de la rapidité de l’avance des troupes allemandes. Les cultivateurs, bouleversés, doivent laisser leurs bêtes dans les prés.


[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1M 119 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].


Après avoir bien inutilement fermé leurs maisons, les habitants partent en exode, les uns en automobile, les autres dans des charrettes tirées par les chevaux qui n’ont pas été réquisitionnés par l’armée. Dès le 2 septembre 1939, les principaux cultivateurs voient partir la plupart de ces animaux de trait. En 1941, il n’en reste plus que vingt-sept sur la petite soixantaine que comptait La Romagne juste avant les réquisitions. Les derniers Romanais partent à vélo ou à pied.


Château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée), photographie en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Gréau, président du CHEL (Cercle d'histoire et d'études locales).
Château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée), photographie en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Gréau, président du CHEL (Cercle d’histoire et d’études locales).

L’ordre d’évacuation totale des Ardennes jette sur les routes tous les Ardennais ou presque dans un désordre indescriptible : aucun des plans arrêtés ne peut être mis à exécution, en raison de l’urgence. LesRomanais se replient vers les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée. C’est ainsi que la famille Cugnart se retrouve au château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée)[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1M 127 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].


André Druart (personnage le plus à gauche) à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
André Druart (personnage le plus à gauche) à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Eugène François Lesein rejoint Rosnay (Indre) en passant par Mareuil-sur-Lay-Dissais (Vendée). Numa Edmond Lesein atteint Saint-Sulpice-en-Pareds (Vendée), tandis que la famille Druart est à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres). Dans cette commune, après des moments difficiles à vivre, une rencontre se concrétisera par un mariage.


Quelques habitants de La Romagne (Ardennes) réfugiés dans une école privée à Gourdon (Lot) en juillet 1940, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †). Sous toutes réserves, les personnes identifiées de gauche à droite et de bas en haut seraient les suivantes : au premier rang, Rosa Malherbe née Bompart (n°2), Euphrasie Bompart née Marandel (n°3), Marcel Malherbe (n°4), Lucie Malherbe (n°5), René Malherbe (n°6), Maurice Malherbe (n°7) ; au deuxième rang : André Legros (n°2), Lucie Legros née Malherbe (n°4), Madeleine Legros (n°6), Alfred Marandel (n°7), Pierre Malherbe (n°9), Pierre Marandel (n°10), René Didier(n°11), Lucie Laroche (n°12), Madame Didier (n°13).
Quelques habitants de La Romagne (Ardennes) réfugiés dans une école privée à Gourdon (Lot) en juillet 1940, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †). Sous toutes réserves, les personnes identifiées de gauche à droite et de bas en haut seraient les suivantes : au premier rang, Rosa Malherbe née Bompart (n°2), Euphrasie Bompart née Marandel (n°3), Marcel Malherbe (n°4), Lucie Malherbe (n°5), René Malherbe (n°6), Maurice Malherbe (n°7) ; au deuxième rang : André Legros (n°2), Lucie Legros née Malherbe (n°4), Madeleine Legros (n°6), Alfred Marandel (n°7), Pierre Malherbe (n°9), Pierre Marandel (n°10), René Didier(n°11), Lucie Laroche (n°12), Madame Didier (n°13).

D’autres habitants trouvent refuge dans des lieux divers, non envisagés au départ. Certains font une étape à Coulanges-sur-Yonne (Bourgogne), avant d’atteindre Gourdon (Lot), où ils retrouvent les familles Malherbe, Legros, Didier, Marandel, etc. Les familles Devie et Bonhomme sont logées près d’Issoudun (Indre), au moulin de la Bonde.


Le préfet des Ardennes, qui se trouve à Sainte-Hermine (Vendée), constate dans un de ses courriers que les conditions dans lesquelles s’est produite l’évacuation n’ont pas toujours permis de diriger la population repliée dans les communes initialement assignées[1]. La Romagne en est l’illustration parfaite.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1M 123 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].


Portrait de Joseph Dominique Albertini en uniforme militaire, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami).

Quoique l’armistice soit signé le 17 juin 1940, de nombreux Romanais faits prisonniers ne rentrent qu’au bout de plusieurs années : c’est le cas par exemple d’Achille Cotte[1] ou de Dominique Albertini. Pour la plupart, ces soldats ne sont libérés qu’en 1945.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1145 W 10 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Le retour se fait très difficilement, et de manière échelonnée : dès le 1er juillet 1940, une zone interdite située au nord de l’Aisne est établie dans le département, et englobe le village. Pour rentrer, des laissez-passer sont nécessaires. Ils sont accordés selon le bon vouloir des autorités allemandes, qui multiplient les tracasseries administratives.


Les agriculteurs se demandent ce que sont devenues leurs cultures et leurs bêtes en leur absence. Seuls quelques-uns d’entre eux (comme André Didier ou Adolphe Macquin) peuvent rentrer à cette date.

L’absence de la majorité des exploitants permet aux Allemands de s’emparer aussitôt de terres : Alcide Cugnart, Alexis Boudaud et Alfred Devie (mais ce ne sont pas les seuls[1]) se voient confisquer respectivement vingt-quatre, trente-cinq et quarante-deux hectares. En outre, l’occupant leur prend leur matériel (faucheuse, moissonneuse, brabants, tombereaux, herses et râteaux), sous le prétexte fallacieux d’abandon.


[1] Archives départementales des Ardennes, 11R 89 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 11R = services temporaires de la période de guerre 1939-1945].


Le retour définitif du plus grand nombre s’étale sur presque toute l’année 1941, avec un pic en mai. Et ce n’est qu’en novembre que s’effectue le retour du dernier, Aristide Carbonneaux-Fétrot.

Date du retour à La Romagne (Ardennes)Nom du cultivateur
Juillet 1940Didier, André
Novembre 1940Macquin, Adolphe
1er mars 1941Lesein, Edmond
20 avril 1941Cotte, Achille (de retour d’un camp de prisonniers de guerre)
1er mai 1941Bocquet-Huet, Ernest
1er juillet 1941Marquigny, Joseph
3 juillet 1941Devie, Paul (de retour d’un camp de prisonniers de guerre)
1er août 1941Devie, Alfred
11 août 1941Boudaud, Jean-Baptiste
24 septembre 1941Chrétien, Gustave Henry
Non préciséeMarandel, Ernest
Non préciséeCugnart, Alcide
1er novembre 1941Legros, Auguste
9 novembre 1941Carbonneaux-Fétrot, Aristide
Quelques exemples du retour des cultivateurs à La Romagne (Ardennes) après l’exode de mai 1940.

Les Romanais dont le retour a lieu le plus tôt, c’est-à-dire en juillet 1940, retrouvent d’emblée La Romagne occupée par des troupes allemandes, dont une partie s’est installée dans l’école[1], et qui ne quitteront le village qu’en juin 1941.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 5 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


En revanche, ceux qui reviennent après janvier 1941 ont la fâcheuse surprise de découvrir qu’ils ne peuvent réintégrer leur exploitation qu’à condition de travailler comme salariés agricoles de l’Ostland[1].

Cette situation entraîne des frictions et des plaintes auprès du procureur de La République, notamment lorsque certains des derniers rentrés découvrent chez leurs voisins du matériel ou du bétail qui leur appartenait autrefois, et qui aurait été « confié » par les Allemands.


[1] Ostdeutsche Landbewirtschaftung-gesellschaft ou Société agricole d’Allemagne orientale, créée par le ministre de l’Alimentation et de l’agriculture du Reich allemand.


Emprise de la WOL à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 12 R 144, [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945].
Emprise de la WOL à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 12 R 144, [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945].

L’Ostland applique dans les Ardennes un programme de confiscation de terres, comme cela a été fait peu de temps auparavant en Pologne. Cette société est représentée par la WOL[1], à la tête de laquelle se trouve le directeur départemental, établi à Charleville. Un Kreislandwirt[2] est nommé par arrondissement. Un Bezirkslandwirt[3] contrôle chaque canton. Un Betriebsleiter[4] réside dans la commune qu’il supervise, ou vit à proximité immédiate.


[1] Wirtschaftoberleitung (service de mise en culture).

[2] Agriculteur d’arrondissement.

[3] Agriculteur de canton.

[4] Gérant, c’est-à-dire un chef de culture.


Ce dernier est un civil allemand qui applique une nouvelle politique agricole : l’occupant trouve que la culture ardennaise comporte trop de prés et de bois. Les paysans, désormais sous la férule germanique, doivent travailler en commun toutes les terres pour les emblaver[1] le plus possible, sans tenir compte des possessions de chacun[2]. En témoigne l’enlèvement des bornes marquant les limites des propriétés (Il faudra les remettre en place une fois la guerre terminée).


[1] Ensemencer en blé.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Cette prise de terres concerne quelque deux cent un hectares, rien que pour La Romagne (dont cinquante de cultures et cent cinquante et un de pâtures). Pour lui donner un aspect de légalité, les Allemands la notifient au préfet, qui doit à son tour en informer le propriétaire et le maire du village.


Ensuite, ce sont les bâtiments pour abriter les récoltes qui sont réquisitionnés (la grange de La Romagne n’est rendue à son usage premier que le samedi 31 mars 1945). Des maisons sont saisies pour servir de logement à des ouvriers travaillant pour le compte de la WOL de Draize (c’est le cas de bâtiments appartenant à Joseph Marquigny[1]).


[1] Archives départementales des Ardennes, 11R 409 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 11R = services temporaires de la période de guerre 1939-1945].


Au moment de l’invasion allemande, la Romagne compte trente-deux exploitations, dont vingt ont moins de vingt hectares. Parmi les douze restantes, seules deux ont une superficie comprise entre cinquante et cent ha[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 56 W 37 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


La reprise est difficile pour la campagne 1940/1941, car peu de sols peuvent être ensemencés (environ vingt-deux ha), et ce n’est qu’en 1942 que les terres sont à nouveau cultivées. Les exploitants se heurtent alors à de nouvelles obligations, puisqu’ils sont contraints de déclarer leurs récoltes et de les livrer à des organismes stockeurs. S’ils n’ont pas le matériel nécessaire, ils doivent faire appel obligatoirement à l’entrepreneur de battage désigné par l’occupant.


Aussitôt les habitants partis, des vols de bétail se produisent, des troupeaux d’armée sont formés. Le bétail errant devient propriété de la WOL, qui le confie à certains agriculteurs du village. Ce n’est qu’après bien des palabres, des démarches et des menaces que deux cultivateurs (Messieurs Cugnart et Lesein) parviennent à récupérer chacun… une bête[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 57 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Cette situation contraste fortement avec ce qui se passe du côté allemand, selon un Romanais qui a connu cette période :

« Une quarantaine de vaches confisquées par la WOL se trouvaient à la ferme de la Bouloi et étaient traites par des femmes d’origine polonaise. »

Témoignage oral de monsieur Louis Devie (Logny-lès-Chaumont), dont les parents étaient les propriétaires de cette ferme.

Lorsque la vie agricole reprend à La Romagne en 1941, il ne reste plus que cent un bovins. Les quelques attributions de bétail qui sont accordées sont fort modestes : à plusieurs reprises, une commission cantonale ne concède qu’une ou deux bêtes. Malgré toutes les difficultés endurées, il y en aura deux cent douze à la fin de l’année 1943.

À la suite de la disparition de la WOL, les attributions de bétail sont alors plus importantes. Il ne faut cependant pas croire que le cultivateur dispose comme il l’entend de sa production laitière. Il doit se conformer en cela (et comme pour le reste) aux décisions allemandes.


La Romagne doit fournir trente kilos de beurre par semaine, et la commune de Givron est contrainte d’en procurer cinq. Le responsable de la Kommandantur de la Romagne exige du maire de Montmeillant que tout le beurre fabriqué dans sa commune lui soit livré, sinon il sera arrêté une nouvelle fois.

La production ne peut aller qu’aux Allemands, qui achètent ce beurre 28 francs le kilo. Ces quantités de beurre représentent mille quatre cents à mille cinq cents litres[1] de lait. Pour se rendre compte de l’exigence, il faut savoir qu’une vache laitière en produit environ mille quatre cent soixante litres par an.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Comme les troupeaux n’ont plus rien à voir avec ceux d’avant-guerre, les laiteries ne peuvent pas s’approvisionner normalement. Ces contraintes provoquent en particulier les doléances des établissements Hutin Frères[1], qui font le ramassage dans tout le secteur depuis longtemps, et qui sont désormais obligés de « faire un long trajet sans obtenir un seul litre de lait, en raison des contraintes de la Kommandantur ».


[1] Laiterie de La Neuville-lès-Wasigny (Ardennes).


D’autre part, les habitants font face à des difficultés de ravitaillement, tant alimentaire que vestimentaire. Les tickets de rationnement font leur apparition et parfois la chasse nocturne aux grenouilles menée par des jeunes gens du village améliore l’ordinaire des quelques habitants qui en bénéficient[1]. Les occupants manifestant un profond dégoût pour ces animaux, ils ne risquent pas de les confisquer à leur profit !


[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.


Adaptation au gazogène du camion de la cidrerie Malherbe à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Adaptation au gazogène du camion de la cidrerie Malherbe à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Pour ce qui est des vêtements, le canton de Chaumont dispose pour l’ensemble des communes qui en font partie d’un certain nombre de points, qui doivent être répartis en fonction du nombre d’habitants de chaque village. Un cahier des attributions est tenu.

C’est ainsi que l’on sait qu’il faut douze points pour acquérir un blouson, et vingt-cinq pour un pantalon de travail. Quant au carburant, il est parcimonieusement attribué, obligeant chacun à modérer son utilisation des moyens de transport.


Rares sont les habitants (pour ne pas dire aucun), qui retrouvent leur maison intacte. La cidrerie, installée dans le village depuis les années vingt, est pillée : l’armée de l’occupant se serait livrée à diverses rapines, dont celui de vins et spiritueux[1].

Ce ne sont certainement pas les seuls responsables : entre le 11 mai (jour du départ des habitants) et la prise du village par les Allemands le 14 mai, des troupes françaises et des réfugiés belges ont traversé la commune et y ont aussi probablement participé.


[1] Archives départementales des Ardennes, 13R 1661 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 13R = dommages de guerre 1939-1945].


Périodiquement, le maire reçoit de la part des autorités allemandes des demandes de cantonnement. Il essaie d’y répondre le plus possible par la négative, arguant de l’état du village, avec ses maisons inhabitables et le pillage déjà subi[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Les habitants entendent passer régulièrement des bombardiers allemands qui se dirigent vers l’Angleterre.

« Parfois, les avions ennemis perdent en cours de route des réservoirs, ce qui est attesté par ceux retrouvés aux Houis ou dans le bois d’Angeniville. D’autre part, les Allemands ont installé des radars à Doumely, mais aussi entre Marlemont et Signy-l’Abbaye, et un mirador sur la route des Fondys. »

Témoignage oral de monsieur René Lelong †.

Fernand Mennessier récupérant des débris d'avion du côté de Fraillicourt (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Fernand Mennessier récupérant des débris d’avion du côté de Fraillicourt (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).

Puis c’est le tour de bombardiers anglais, partant ou revenant de leur mission sur le territoire allemand. Comme ceux-ci, pourchassés par l’aviation ennemie, s’écrasent parfois dans des communes voisines (comme à Novion-Porcien, Fraillicourt ou Rocquigny), ce spectacle ajoute à l’horreur vécue par les populations.


La présence allemande est encore plus pesante lorsque la loi sur le STO[1] est promulguée. Elle concerne des jeunes gens de la commune ou y ayant des attaches, nés entre 1919 et 1923. Une vingtaine d’hommes sont concernés pour ces quatre années, dont Raymond Mauroy, Pierre Malherbe et Robert Laroche.


[1] Service du travail obligatoire.


Couverture de la brochure, non paginée, sans mention d'édition, Travailler en Allemagne, c'est gagner sa vie dans de bonnes conditions, Archives départementales des Ardennes, 1 W 151-3 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Couverture de la brochure, non paginée, sans mention d’édition, Travailler en Allemagne, c’est gagner sa vie dans de bonnes conditions, Archives départementales des Ardennes, 1 W 151-3 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

A partir de 1942, l’Allemagne a besoin de travailleurs, car nombre de ses ouvriers ont été mobilisés sur le front russe. Le recrutement d’ouvriers français volontaires est fondé sur la relève, instaurée dès le mois de juin. Un prisonnier est libéré contre trois ouvriers s’engageant à travailler en Allemagne.

Très rapidement, la donne change et c’est une libération accordée pour sept travailleurs qui s’engagent. Une importante propagande vantant les conditions de travail, de salaire, etc. accompagne la politique de collaboration du régime de Vichy.

Au-delà des avantages sociaux, l'Allemagne nazie vante aux travailleurs français les loisirs mis en place dans ses usines.
Au-delà des avantages sociaux, l’Allemagne nazie vante aux travailleurs français les loisirs mis en place dans ses usines.

En réalité, peu d’hommes se laissent ainsi séduire. C’est pourquoi l’Etat français fait parvenir des notes d’orientation hebdomadaire aux préfets pour rappeler que l’effort de propagande pour la relève ne doit pas se ralentir. L’argument est qu’en partant les ouvriers serviraient la cause de la France[1], ou que les prisonniers seraient d’autant plus nombreux à rentrer que le rythme de départ d’ouvriers serait plus important[2].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 150, note d’orientation hebdomadaire n° 12 en date du 16 octobre 1942 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[2] Archives départementales des Ardennes, 1 W 150, note d’orientation hebdomadaire n° 15 en date du 6 novembre 1942 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


La pression des autorités sous l’Occupation se fait sentir de plus en plus : en 1942, elle exige l’envoi de trois cent cinquante manœuvres non spécialisés. En 1943, il y a environ deux mille départs pour tout le département, qui compte deux cent vingt-six mille habitants[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 150 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Chaque travailleur se rendant en Allemagne doit être en possession d’un passeport valable. Cette demande est souscrite avec la plus grande sincérité et exactitude dès son arrivée.

Dans une lettre de la préfecture de police de Paris au préfet des Ardennes à Mézières en date du 2 février 1943, on apprend que Raymond Mauroy se trouve en Allemagne depuis le 30 novembre 1942 et qu’il a fait une demande de passeport le 17 janvier 1943 lors de son arrivée[1] à Solingen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Il sera de même pour Pierre Malherbe et Robert Laroche.


[1] Archives départementales des Ardennes, 112 W 11 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


En vertu d’un arrêté ministériel du 25 novembre 1942 et d’un arrêté préfectoral du 10 décembre 1942, chaque commune est obligée d’effectuer un recensement général des travailleurs disponibles : ce dernier concerne tous les hommes de dix-huit à cinquante ans. Ils sont ensuite répartis en différentes catégories (âge, situation familiale, etc.).

Il apparaît qu’un certain nombre de villages ardennais ne sont pas pressés de répondre à cette demande : c’est le cas de La Romagne, Givron, Rocquigny, Sery, Le Fréty, etc. Ils sont rappelés à l’ordre.


A partir de cette époque, ce recrutement a un caractère quasi obligatoire, et les réfractaires sont poursuivis beaucoup plus activement. Cette recherche, opérée par la gendarmerie, n’est pas sans créer des tensions entre la maréchaussée et la population. Elle entraîne aussi des scrupules chez les gendarmes, si bien que quelques-uns d’entre eux ne manifestent pas pour ce genre de mission une ardeur à toute épreuve.

Ils laissent parfois échapper une information sur la date et le but de leur tournée : les concernés peuvent ainsi trouver refuge dans l’environnement forestier du village. Pour se soustraire à ce recrutement, André Barré rejoint le maquis de Signy-l’Abbaye et le groupe de Draize, sous la direction de Fernand Miser.

Cet insigne des troupes de forteresse (secteur fortifié des Ardennes) est un symbole de résistance.
Cet insigne des troupes de forteresse (secteur fortifié des Ardennes) est un symbole de résistance.

Carte de travail et certificat de libération[ArbeitskarteBefreiungsschein], travail auxiliaire [Hilfsarbeit] dans l’usine de Volkswagen [Volkswagenwerk], ville de la Coccinelle [Stadt des KdF.-Wagens], arrondissement de Gifhorn [Krs. Gifhorn], collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.

Dans des rapports en provenance de la brigade de Chaumont-Porcien datant de mars et juin 1943, le brigadier évoque que le regard de la population change à leur égard, dans la mesure où la gendarmerie est intervenue non seulement lors de réquisitions pour l’Allemagne, mais aussi en raison du STO.

Dans son compte rendu de septembre, il insiste sur la répugnance éprouvée par les militaires par rapport aux ordres concernant le STO, soulignant qu’ils n’agissent que par contrainte et discipline, ce qui les met en porte-à faux vis-à-vis de la population.

Dans un autre document, il souligne que, de mars 1943 à mai 1944, quatre-vingt-huit recherches de réfractaires au STO sont restées infructueuses dans le canton. Par là, il laisse flotter l’idée que, sans rien dire, les gendarmes n’auraient pas apporté tout le zèle requis, afin d’être en accord avec leur conscience[1] .


[1] Service historique de la Défense, département de la Gendarmerie, site de Vincennes, 8E 226, registre de correspondance confidentielle au départ (R/4) du 16 septembre 1942 au 14 décembre 1946 [série E = compagnies puis groupements de gendarmerie départementale, sous-série 8E = compagnie de gendarmerie départementale des Ardennes (1917-1946), article 8E 226 = brigade territoriale de Chaumont-Porcien, 1942-1946].


Vadon, Jacques, Secteurs et maquis de la Résistance ardennaise, Archives départementales des Ardennes, 1 Fi 132 [série Fi = documents figurés, cartes, plans, gravures, cartes postales, photographies, dessins, sous-série 1Fi = documents de dimensions 24 * 30 cm et au-dessus].
Vadon, Jacques, Secteurs et maquis de la Résistance ardennaise, Archives départementales des Ardennes, 1 Fi 132 [série Fi = documents figurés, cartes, plans, gravures, cartes postales, photographies, dessins, sous-série 1Fi = documents de dimensions 24 * 30 cm et au-dessus].

Le maquis de Signy-l’Abbaye se livre à des actions ciblées vers les moyens de communications pour déstabiliser l’ennemi. En réaction, ce dernier fait surveiller les chemins de fer, en particulier ceux de la ligne Hirson – Charleville, mais en vain : les partisans continuent leurs opérations. De ce fait, des restrictions de la liberté de circuler pour les habitants du secteur sont appliquées. Le couvre-feu est ramené à 20 heures au lieu de 22 heures.


La Résistance fournit également son aide lors de parachutages (un terrain est créé à Chaumont-Porcien) ou assiste des clandestins qui souhaitent rejoindre les maquisards[1]. De juin à août 1944, son action s’intensifie, tandis que des destructions de matériel ont lieu contre des biens utilisés au profit des Allemands, comme à Saint-Jean-aux-Bois ou à Wasigny[2]. Les voies ferrées sont sabotées afin de retarder l’armée allemande dans son action.


[1] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-D1 MON-36, Giuliano, Gérard ; Lambert, Jacques, Les Ardennais dans la tourmente : l’Occupation et la Libération, Charleville-Mézières : Terres ardennaises, 1994, 453 p., page 159 [Contient un choix de documents et de témoignages.]

[2] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 116 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Pont du chemin de fer de La Romagne, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pont du chemin de fer de La Romagne, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Dès le début de l’année, après avoir étudié le plan vert[1], André Point dit « commandant Fournier » [2] propose des déraillements sur certaines lignes, ce qui en rendrait l’exécution beaucoup plus facile.

Les coupures prévues sur la ligne de Liart – Amagne auraient lieu entre Montmeillant et Draize – La Romagne puis entre Novion-Porcien et Amagne[3]. Ces suggestions sont acceptées malgré l’arrestation d’un responsable de la SNCF et d’une équipe plan vert[4].

Elles permettent de répondre aux instructions données par la Résistance de se préparer à une insurrection nationale, en perturbant les transports et en lançant des actions contre les troupes de l’Occupation.


[1] Qui a pour but de neutraliser les voies ferrées.

[2] Chef de la Résistance ardennaise, membre de l’OCM (Organisation civile et militaire).

[3] Archives départementales des Ardennes, 1393 W 9 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[4] Archives départementales des Ardennes, 1293 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Croquis de l'engin explosif trouvé près de la gare de Draize – La Romagne (Ardennes), Archives départementales des Ardennes, 1050 W 144 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Croquis de l’engin explosif trouvé près de la gare de Draize – La Romagne (Ardennes), Archives départementales des Ardennes, 1050 W 144 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

Le 10 juin vers 18 heures, une explosion se produit à deux kilomètres de la gare de Draize – La Romagne, à un endroit où la voie longe la forêt de Signy-l’Abbaye, alors que le train circule au ralenti. Le rail intérieur est déchiqueté et arraché sur une longueur de trois mètres environ, en même temps qu’une traverse. Aussitôt, une patrouille allemande de la Feldgendarmerie[1] fouille les alentours sans rien découvrir, sauf un débris dans le ballast qui semble provenir d’un petit engin explosif.


[1] Police militaire allemande.


Après une immobilisation de quelques heures, le convoi repart vers 21 heures[1]. Le lendemain, c’est une locomotive et cinq wagons qui sont détruits, nécessitant une vingtaine d’heures pour le déblai et les réparations. Le même jour, une autre locomotive et quatre wagons d’un train de matériel déraillent.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Pont du chemin de fer à Montmeillant, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pont du chemin de fer à Montmeillant, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le 19 juin vers 23 heures, un train de troupes déraille, obstruant les voies pour une dizaine d’heures. Quelques jours plus tard, c’est un nouveau train de marchandises qui déraille près de Montmeillant. Après le départ des soldats ennemis, un avion allemand aurait mitraillé la gare de Draize – La Romagne[1].


[1] Témoignage oral de monsieur René Lelong †.


Dans la nuit du 21 au 22 juillet, le réseau télégraphique et téléphonique permettant les communications entre les gares de Wasigny et Draize – La Romagne est mis hors service : cinq poteaux ont été abattus[1].

Trois jours après, à la nuit tombée, une explosion en gare de Draize – La Romagne détruit la station d’alimentation en eau, la machine fixe est hors d’usage.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Télégramme du 28 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Télégramme du 28 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

Le 28 août vers 20h30 (selon le rapport de la gendarmerie) trois explosions ont lieu à proximité, endommageant un appareil d’aiguillage, provoquant ainsi une interruption de trafic de 24 heures qui fait suite à une action permettant de couper la voie 1 en gare de Draize – La Romagne.

Télégramme du 29 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Télégramme du 29 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

André Barré (jeune homme portant des lunettes) et ses compagnons de la Résistance, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Angélique Barré).
André Barré (jeune homme portant des lunettes) et ses compagnons de la Résistance, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Angélique Barré).

Ces diverses actions sont menées par le réseau de résistance de Liart – Signy-l’Abbaye et la section de Draize, mouvements ralliés à différents moments par des jeunes gens de la Romagne[1] : André Barré (homologué FFC[2] et FFI[3])[4], Robert Carbonneaux (homologué FFI)[5], Raymond Ravignon et Raymond Didier en août 1944.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1293 W 58 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[2] Forces françaises combattantes.

[3] Forces françaises de l’intérieur.

[4] Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 34597 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].

[5] Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 105945 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].


Colonne de chars américains le 31 août 1944 sur le chemin de Renneville, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Gilbert Lebrun).
Colonne de chars américains le 31 août 1944 sur le chemin de Renneville, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Gilbert Lebrun).

Fin août, les Américains sont à Liart. Au cours des diverses opérations qui ont lieu lors de la libération du territoire, des soldats allemands sont pris et faits prisonniers à leur tour. C’est un retournement de situation, puisque des habitants du village ont eux-mêmes été capturés lors de la débâcle et libérés, selon leur statut, entre mars 1941 et mai 1945[1].


[1] Cette dernière date s’applique en général aux militaires de carrière.


Quelques–uns de ces prisonniers vivent à La Romagne, soit chez des cultivateurs, soit à la cidrerie où travaillent un ancien pilote de la Luftwaffe et Karl Kleiser (n° de prisonnier 452157).

Fiche de Karl Kleiser, prisonnier à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Fiche de Karl Kleiser, prisonnier à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

Ce dernier, né le 12 novembre 1926 à Vohrenbach (Land du Bade-Wurtemberg), reçoit son certificat de libération le 5 août 1947 et devient un travailleur libre[1].

Il reste ensuite quelque temps à La Romagne, avant de regagner son pays. Il garde contact avec les personnes chez lesquelles il a été placé, préfigurant la réconciliation franco-allemande qui voit le jour dans les années soixante.


[1] Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


La Romagne n’en a pas fini avec la guerre et, même si celle-ci n’est plus sur son territoire, elle est présente avec le départ pour l’Indochine ou l’Algérie de quelques Romanais[1].


[1] Cette partie de l’histoire du village ne peut pas être abordée dans l’état actuel des recherches, en raison de la loi du 15 juillet 2008 sur la publication des archives.

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La gabelle à La Romagne et le grenier à sel de Château-Porcien


Lion d'or (avers ou droit) de Philippe VI (1328-1350) : le roi, couronné, est assis dans une stalle gothique, avec baldaquin. Il tient un sceptre long de sa main droite, un court de sa main gauche. Ses pieds sont posés sur un lion à gauche .
Lion d’or (avers ou droit) de Philippe VI (1328-1350) : le roi, couronné, est assis dans une stalle gothique, avec baldaquin. Il tient un sceptre long de sa main droite, un court de sa main gauche. Ses pieds sont posés sur un lion à gauche .

Le nom de gabelle, dans son premier sens, est donné à toute espèce d’impôt indirect, avant qu’il ne désigne la taxation spécifique sur le sel. C’est probablement l’imposition la plus détestée par le peuple, mais qui est la source d’importants revenus pour le royaume.

Le monopole du sel est établi en 1342 par Philippe VI. L’Etat seul peut vendre cette marchandise, au prix qui lui convient, et imposer la quantité à acheter. Comme dans bien d’autres cas, les nobles en sont dispensés, d’où l’importance de pouvoir « faire preuve de sa noblesse » pour ces derniers, et de débusquer les fraudeurs pour la royauté.

Lion d'or (revers) de Philippe VI (1328-1350) montrant une croix quadrilobée, feuillue et fleurdelisée, dans un quadrilobe tréflé cantonné de quatre couronnelles.
Lion d’or (revers) de Philippe VI (1328-1350) montrant une croix quadrilobée, feuillue et fleurdelisée, dans un quadrilobe tréflé cantonné de quatre couronnelles.

Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9626016, page 1, vue 5/16, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnances, reglemens et arrests justificatifs du droict de franc-salé deub aux officiers des gabelles, 8 pages, in-4°, 1624, texte numérisé d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-23459.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9626016, page 1, vue 5/16, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnances, reglemens et arrests justificatifs du droict de franc-salé deub aux officiers des gabelles, 8 pages, in-4°, 1624, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-23459.

Le cas de la Champagne est assez particulier pour être signalé.  Les élections[1] de Reims et de Sainte-Menehould sont des pays de grande gabelle[2]. Le Hainaut et la Principauté de Sedan constituent des « zones franches », et en sont exemptés. Quant au Rethélois, il a un régime spécial : il est pays de « franc salé ». Il bénéficie donc du droit de prendre à la gabelle une certaine quantité de sel sans payer la taxe afférente.



[1] Division administrative d’une intendance.

[2] Le prix du sel y est élevé. Un minimum d’achat annuel est imposé. Dans les pays de petite gabelle, le sel est meilleur marché, et sa consommation plus libre.


Rijksmuseum (Amsterdam), numéro d'inventaire RP-P-1909-5787, Guillaume Vallet (1632–1704), Portrait de Louis IV de Gonzague-Nevers, gravure, papier, 304 mm × 208 mm, notice descriptive consultable en ligne.
Rijksmuseum (Amsterdam), numéro d’inventaire RP-P-1909-5787, Guillaume Vallet (1632–1704), Portrait de Louis IV de Gonzague-Nevers, gravure, papier, 304 mm × 208 mm, notice descriptive consultable en ligne.

Jusqu’à la mort du duc Louis IV de Gonzague-Nevers, la région bénéficie de ce privilège que lui enlève le roi Henri IV. Devant les protestations de la population, il est rétabli en 1612.  En 1680, une ordonnance maintient les anciennes franchises du duché, à condition que les habitants se procurent le sel dans les magasins indiqués, soit Rethel, Donchery, Mézières (uniquement approvisionnés en sel blanc).


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8445425, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, une feuille, 27 x 36 cm, datée du règne de Louis XVI, image numérisée d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GED-6510.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8445425, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, une feuille, 27 x 36 cm, datée du règne de Louis XVI, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GED-6510.

Les quantités à acheter dépendent du lieu où l’on habite. Mais elles varient parfois aussi en fonction d’événements plus ponctuels comme l’incendie, la grêle, l’augmentation du nombre de feux[1] dans un village, etc.

Les gabelles et les traites foraines (impôt perçu sur la circulation des marchandises) sont régies par trois directeurs, dont dépendent les bureaux de Châlons, Troyes, Sedan. Ces derniers contrôlent plusieurs élections. Celui de Châlons surveille celles de Châlons, Reims, Vitry, Epernay, Sainte-Menehould, Joinville et Sézanne.


[1] Foyers.


Bibliothèque nationale de France, document numérique, page non paginée, vue 13/580, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d'après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d'Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].
Bibliothèque nationale de France, document numérique, page non paginée, vue 13/580, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d’Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].

Cette même direction de Châlons comporte neuf greniers à sel, trente-huit bureaux de traites foraines, deux bureaux et neuf entrepôts pour le tabac[1]. Les neuf greniers à sel se doivent de fournir la quantité de cinq cent-cinquante-six muids[2], un setier[3] et un minot[4] et demi de sel, dont le produit, par année, représente la somme de 1 230 000 livres. Ils n’ont pas tous le même statut : quatre sont de « ventes volontaires » : les achats peuvent s’y faire à n’importe quel moment de l’année. Les cinq autres sont « d’impôts ».

Tableau comparatif des paiements de la gabelle à La Romagne, Montmeillant, Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d'après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d'Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].
Tableau comparatif des paiements de la gabelle dans trois communes limitrophes : La Romagne, Montmeillant, Aubenton.

C’est à cette dernière catégorie qu’appartient celui de Château-Porcien (dont dépendent La Romagne et Montmeillant), tandis que celui d’Aubenton couvre par exemple les villages de Rocquigny et de Saint-Jean-aux-bois[5].


[1] Bibliothèque du Sénat, 3FPM0956 [remplace la cote Ancien 9351], notice descriptive consultable en ligne sur le Catalogue collectif de France (CCFr), Larcher, Michel (intendant), Mémoire sur la généralité de Champagne, 1695, 230 pages (Mémoires sur diverses généralités, tome I, XVIIIe siècle, 350 sur 240 mm, reliure de parchemin vert, manuscrit n° 956).

[2] Mesure de capacité des grains et des liquides.

[3] Mesure pour les grains et les matières sèches.

[4] Mesure utilisée autrefois pour les matières sèches (farine, graines, etc.).

[5] Bibliothèque nationale de France, document numérique, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d’Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].


La ville de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 235, vue 238/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
La ville de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 235, vue 238/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Le grenier à sel de Château-Porcien remonterait à 1397, et son découpage aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il couvre une surface de mille cent km2 et comprend quatre-vingt-seize paroisses. Il est imposé dans son ensemble en 1724 à quarante-six muids et deux setiers. Il confine au midi par une pointe avec celui de Reims, au sud-ouest avec celui de Cormicy. Tous deux sont « de vente volontaire ». Au nord-ouest, il jouxte ceux de Marle et d’Aubenton, qui sont « d’impôt ». Il est alimenté en sel gris, transporté depuis la mer par la Seine, l’Oise ou l’Aisne.

Le corps des officiers du grenier à sel de Cormicy et Jean le Brun, conseiller du roi, premier grènetier au grenier à sel de Cormicy. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, p. 164, vue 167/558, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Le corps des officiers du grenier à sel de Cormicy et Jean le Brun, conseiller du roi, premier grènetier au grenier à sel de Cormicy. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 164, vue 167/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Jean Buneau, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Jean Buneau, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Divers emplois dans les greniers à sel sont des offices que l’on achète : ces charges concernent les receveurs, les grènetiers, les contrôleurs, les procureurs du roi et les greffiers. Certains de ces offices peuvent atteindre la somme de 4 000 livres, mais le montant dû est fonction de la place occupée dans la hiérarchie.


Philippe Bouron, contrôleur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, p. 450, vue 453/558, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Philippe Bouron, contrôleur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 450, vue 453/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

En 1666, Antoine Delamer, avocat en Parlement, se voit octroyer par lettres patentes l’office de contrôleur alternatif au grenier à sel de Château-Porcien[1]. Il est précédé dans cette charge par Quentin Carlier. De même, Pierre Blondelot succède sur recommandation du sieur d’Espinoy de Loonny[2] à Jacques Robin comme procureur au grenier à sel de Château-Porcien[3].


[1] Archives nationales, site de Paris, Z1A 564 n° 553 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789].

[2] Conseiller à la cour du Parlement de Metz.

[3] Archives nationales, site de Paris, Z1A 571 n° 876 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789].


Pierre Martin Andru, procureur du roi au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 296, vue 299/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Pierre Martin Andru, procureur du roi au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 296, vue 299/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Il est important d’appartenir à un réseau relationnel pour l’obtention d’un office. Ce n’est pas le seul critère, puisque les liens familiaux jouent aussi un rôle.

Ceci apparaît bien dans la lettre de provision nommant Nicolas Sohier à l’office de conseiller-procureur à la place de Etienne Delpierre, qui se serait démis à son profit. L’acte précise que le second est le beau-frère du premier[1].

La nomination de Pierre Antoine Devie, avocat en Parlement, montre un autre exemple de transmission entre proches : étant son seul fils et héritier, il succède à son père à l’office de conseiller du roi grènetier que celui-ci détenait[2].


[1] Archives nationales, site de Paris, Z1A 603 en date du 30/04/1752 et du 30/09/1752 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789].

[2] Même cote.


Claude Tenelle de Saint-Remi, commissaire examinateur enquêteur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 452, vue 455/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Claude Tenelle de Saint-Remi, commissaire examinateur enquêteur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 452, vue 455/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

De même, le 1er janvier 1750, Jean Petit, titulaire de l’office de sergent royal au grenier à sel de Château-Porcien, le vend à Charles Mangin pour la somme de 80 livres. Six ans plus tard, la veuve de ce dernier revend cet office à Guy Gruslet, marchand, pour la somme de 400 livres[1]. Ce qui démontre que, malgré l’inflation, un office prend une certaine valeur.


[1] Archives départementales des Ardennes, C 962 et C 968, inventaires sommaires [série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 546-2428 = suppléments à la série C, cotes C 936-1050 = administration des domaines, généralité de Châlons, bureau de Château-Porcien, contrôle des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles et institutions laïques, centième dernier, 1710-1791].


Le corps des officiers du grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 162, vue 165/558, consultable en ligne sur Gallica Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Le corps des officiers du grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 162, vue 165/558, consultable en ligne sur Gallica Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

A Château-Porcien, le bâtiment qui porte le même nom que la division administrative se compose de trois chambres, dont deux peuvent contenir jusqu’à quatre-vingt-dix muids et la troisième mille deux cents sacs. La distribution du sel d’impôt se fait tous les huit premiers jours de chaque quartier[1].


[1] Trimestre.


La ville d'Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 506, vue 513/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. XXXII Soissons, 1701-1800, manuscrit en français, 556 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32259.
La ville d’Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 506, vue 513/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. XXXII Soissons, 1701-1800, manuscrit en français, 556 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32259.

Le grenier d’Aubenton est borné par les terres du Luxembourg, de Liège, de la principauté de Chimay, par le Hainaut français et le grenier de Vervins[1]. Il est donc très proche de la frontière.


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d’Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8604806, page non paginée, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Déclaration qui ordonne une augmentation sur chaque minot de sel qui se distribue aux officiers qui jouissent du droit de francsalé, 1745, In-4°, 3 pages, image numérisée d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21138 (90).
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8604806, page non paginée, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Déclaration qui ordonne une augmentation sur chaque minot de sel qui se distribue aux officiers qui jouissent du droit de francsalé, 1745, In-4°, 3 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21138 (90).

Les ménages sont contraints d’acheter un minot de sel de cent livres pour dix ou onze personnes. Les enfants de moins de huit ans sont exclus du décompte dans les greniers à sel d’impôt. Au contraire, dans les greniers à sel de vente volontaire, un minot était imposé pour quatorze personnes. Montmeillant est imposé à dix minots, Rocquigny à quarante-six minots.

La perception et la vente sont assurées au sein de chaque paroisse par des collecteurs choisis à tour de rôle parmi les chefs de famille contribuables. Ils dressent des rôles[1], qui servent d’éléments de comparaison pour contrôler les données[2] de la même manière que pour les tailles. Ces collecteurs doivent acheter le sel de leur communauté en quatre fois, et réaliser au mieux la répartition, en tenant compte des facultés et du nombre de personnes de chaque famille.


[1] Attesté au XIIIe siècle, le terme rolle (rôle en orthographe modernisée) désigne une liste, une énumération détaillée.

[2] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LC20-132, Hussenet, Jacques, « Démographie ardennaise : l’exemple du grenier à sel de Château-Porcien », in Revue historique ardennaise, Charleville-Mézières : Fédération des sociétés savantes des Ardennes, 1969-, tome XXIX, année 1994, pages 181-193 [Nota bene : ce périodique est publié depuis 1969 à Charleville-Mézières par la Fédération des sociétés savantes des Ardennes, la Société d’études ardennaises (devenue la Société d’histoire des Ardennes) et la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais. Il ne saurait être confondu avec le bimestriel du même nom, édité entre 1894 et 1914, et qui est un titre mort].


Louis Oudart, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Louis Oudart, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

La distribution se fait dans la deuxième huitaine du quartier, et le sel doit être payé, pour moitié six semaines après, et pour l’autre moitié au quartier suivant. En cas d’insolvabilité des contribuables, le collecteur peut faire saisir les meubles par saisie-exécution. Si lui-même est insolvable, le receveur[1] le poursuit par commandement.


[1] Bibliothèque Mazarine, fonds général, Ms. 2838 [ancienne cote Ms. 1563], XVIIIe siècle, papier, 353 × 240 mm, Procès-verbal des tournées faites dans les directions de Châlons-sur-Marne, Charleville et Langres, par M. de Villemur, fermier général, pendant les 5 et 6e années du bail de M. Jacques Forceville, 1743 et 1744, notice descriptive consultable sur Calames, le catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur.


Musée national des douanes (Bordeaux), identifiant MND_985.36.1, anonyme (école française de peinture), Intérieur d'un grenier à sel, XVIIIe siècle, notice descriptive consultable en ligne sur la plateforme numérique Europeana.
Musée national des douanes (Bordeaux), identifiant MND_985.36.1, anonyme (école française de peinture), Intérieur d’un grenier à sel, XVIIIe siècle, notice descriptive consultable en ligne sur la plateforme numérique Europeana.

Au siège du grenier à sel, un registre sexté[1], divisé par paroisse et comportant le nom des paroissiens exemptés ou non, permet de contrôler et de connaître ceux qui n’auraient pas levé la quantité de sel prescrite.

A partir de 1710, une publication est faite dans chaque paroisse, tous les six mois, afin d’avertir les paroissiens de la quantité de sel qu’ils doivent acheter. Ils sont alors contraints de s’en acquitter dans les quinze jours, sous peine d’amende.


[1] Utilisé pour une durée de six ans.


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8493188, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, image numérisée d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GE D-15315.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8493188, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GE D-15315.

Comme la même loi ne règne pas sur toute la province, de nombreux trafics s’ensuivent, d’autant que les greniers de Château-Porcien et d’Aubenton sont assez proches de celui de Rethel. Pour essayer d’enrayer ceux-ci, chaque grenier à sel dispose d’une brigade ambulante comprenant au moins une dizaine d’hommes (brigadier, sous-brigadier et gardes), qui tentent d’empêcher le faux-saunage[1].

Ce dernier est très difficile à éradiquer, quoique considéré comme un crime. A partir de 1706, on assiste même à une recrudescence de la contrebande. La troupe est appelée en renfort pour réduire les foyers de faux-saunage durant tout l’été et l’automne.


[1] Contrebande du sel.


Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9791236, page non paginée, vue 1/24, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnance du roy, pour renouveller les défenses à tous gens de guerre, sur le commerce du faux sel, du faux tabac & des marchandises de contrebande, Paris : Imprimerie royale, 1743, 23 pages, in-4°, texte numérisé d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21805 (50).
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9791236, page non paginée, vue 1/24, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnance du roy, pour renouveller les défenses à tous gens de guerre, sur le commerce du faux sel, du faux tabac & des marchandises de contrebande, Paris : Imprimerie royale, 1743, 23 pages, in-4°, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21805 (50).

Les sanctions prévues ne sont pas dissuasives, malgré leur sévérité qui prend diverses formes telles :

  • les amendes qui atteignent la somme considérable de trois cents livres, voire beaucoup plus ;
  • la flétrissure et la condamnation aux galères ;
  • le bannissement hors du royaume ;
  • une condamnation à mort en cas de récidive[1].

[1] Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Cinq cents de Colbert 251, Recueil des editz et déclarations faictes par le Roy depuis le mois de novembre 1661 jusques au dernier avril 1667, ensemble d’aucuns éditz et déclarations qui n’ont esté registrées que depuis ladite année 1661, XVIIe siècle, papier, 672 feuillets, in-folio, reliure de veau raciné, aux armes et au chiffre de Colbert, avec les colliers des Ordres, manuscrit en français, division Contre les faux-saulniers, 1664, folio 123.


Musée national de la marine (Paris), numéro d'inventaire 3 MG 2, galère ordinaire armée en réale, maquette de bateau, coque ancienne du XVIIIe siècle transformée à l'atelier du musée naval du Louvre entre 1830 et 1837, modèle au 1/16,5, notice consultable en ligne sur le portail des collections.
Musée national de la marine (Paris), numéro d’inventaire 3 MG 2, galère ordinaire armée en réale, maquette de bateau, coque ancienne du XVIIIe siècle transformée à l’atelier du musée naval du Louvre entre 1830 et 1837, modèle au 1/16,5, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections.

Deux habitants de Saint-Jean-aux-Bois, Bonnefoy et Picart, connaissent la rigueur de cette répression. Ils sont condamnés le 10 juillet 1766 en la chambre criminelle du Palais présidial à Reims à « servir sur les galères du roi après avoir été flétri sur l’épaule dextre d’un fer chaud à l’empreinte des lettres GAL et à 1000 livres d’amende envers l’adjudicataire général des fermes du roi ».

Cette condamnation est donnée pour la saisie de quatre-vingt-quatre livres huit onces de faux-tabac et cent quatre-vingt-cinq livres de faux-sel saisies le 18 juin 1766. Les deux protagonistes cités font partie d’une bande de cinq individus. Le procès ne dit rien à propos des trois derniers[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 9J 262 [série J = archives d’origine privée (entrées par voies extraordinaires : achats, dons, legs ou dépôts), sous-série 9J = collection de Jules Lefranc, historien local et collectionneur (1869-1953), articles 9J 245-268 = documents divers concernant les communes d’Annelles (découvertes archéologiques), Attigny, Bazeilles (guerre de 1870), Charleville, Château-Regnault, l’abbaye d’Elan, Givet, Grandpré, Les Mazures, Mohon, Le Mont-Dieu, Neuvizy, Poix-Terron, Rethel, Sainte-Vaubourg, Saint-Jean-aux-Bois, Sedan, (protestantisme), la Taillette, Tourteron, Vaux-en-Champagne, Voncq et Vouziers].


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8601842, page 3, vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica, Édit portant peine de mort contre les voituriers qui auront volé du sel registré en la Cour des Aydes, Paris : E. Michallet, 1696, in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21050 (34).
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8601842, page 3, vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica, Édit portant peine de mort contre les voituriers qui auront volé du sel registré en la Cour des Aydes, Paris : E. Michallet, 1696, in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21050 (34).

Les voituriers qui transportent ce sel sont aussi très surveillés. Lorsqu’ils sont convaincus de soustraction (après avoir décousu, déficelé ou déplombé les sacs), ils sont condamnés à être pendus et étranglés comme des voleurs domestiques. Quant à leurs biens, ils sont confisqués au profit du roi[1].


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8601842, Édit portant peine de mort contre les voituriers qui auront volé du sel registré en la Cour des Aydes, Paris : E. Michallet, 1696, in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21050 (34), page 3, vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica.


Bibliothèque nationale de France, document numérique IFN-8610019, page 1, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Arrêt du conseil d'Etat qui ordonne qu'à commencer au 1er janvier 1711, il sera fait diminution de trois livres par minot sur le sel d'impôt, s. l. n. d., in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21064 (128).
Bibliothèque nationale de France, document numérique IFN-8610019, page 1, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Arrêt du conseil d’Etat qui ordonne qu’à commencer au 1er janvier 1711, il sera fait diminution de trois livres par minot sur le sel d’impôt, s. l. n. d., in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21064 (128).

Parallèlement à ces mesures impopulaires, une diminution de l’imposition des greniers à sel d’impôt est décidée par le roi[1] à partir du 1er janvier 1711, la situation économique de l’époque étant assez difficile. La période est marquée par une forte mortalité, de faibles récoltes, et le terrible hiver de 1709.

En 1712, une lettre adressée à l’intendant de Champagne montre que la réduction d’un sixième, ordonnée l’année précédente, n’a pas eu l’effet escompté. Elle n’a pas été « un soulagement proportionné à l’accablement des peuples » et, afin d’obtenir une nouvelle baisse, l’auteur de la lettre met en avant les efforts que font ces derniers depuis longtemps pour « aider le roi ». Le grenier à sel de Château-Porcien qui est imposé à deux mille deux cent seize minots ne l’est plus qu’à mille cinq cents[2].


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique IFN-8610019, consultable en ligne sur Gallica, Arrêt du conseil d’Etat qui ordonne qu’à commencer au 1er janvier 1711, il sera fait diminution de trois livres par minot sur le sel d’impôt, s. l. n. d., in-quarto, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21064 (128).

[2] Archives nationales, site de Paris, G7 236 [série G = administrations financières et spéciales, sous-série G7 = contrôle général des finances, articles G7 71 à 531 = lettres originales adressées au contrôleur général des finances par les intendants des généralités, 1678-1747, cotes G7 223 à 238 = fonds intéressant la Champagne (Châlons-sur-Marne), 1677-1738], Extrait des dénombrements fournis par les sieurs subdélégués de la Généralité de Châlons.


Musée de la Révolution française (Vizille, Isère), établissement affectataire de l'œuvre, numéro d’inventaire 1987-107, David, Jacques Louis, Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne ( 1756-1827), député de Châlons-sur-Marne aux Etats généraux, peinture, huile sur toile, vers 1791, 380 mm × 315 mm, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections du département de l'Isère, institution propriétaire.
Musée de la Révolution française (Vizille, Isère), établissement affectataire de l’œuvre, numéro d’inventaire 1987-107, David, Jacques Louis, Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne ( 1756-1827), député de Châlons-sur-Marne aux Etats généraux, peinture, huile sur toile, vers 1791, 380 mm × 315 mm, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections du département de l’Isère, institution propriétaire.

La suppression de la gabelle est l’une des demandes les plus fréquentes dans les cahiers de doléances. Elle disparaît une première fois à la suite d’un vote de l’Assemblée Constituante en 1790, sous l’impulsion du député Prieur de la Marne. Mais un impôt sur le sel est rétabli en 1806, avec une collecte unifiée, puis sporadique durant tout le XIXe siècle. Il est définitivement supprimé en 1945.

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Le travail de la terre à La Romagne, du laboureur au manouvrier


Débourrage de Diva, cheval de trait ardennais, prise de vue effectuée le jeudi 25 novembre 2021 à Launois-sur-Vence (Ardennes), avec l'aimable autorisation de son propriétaire monsieur Joël Bailly, de l'association Les Sabots du relais. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Débourrage de Diva, cheval de trait ardennais, prise de vue effectuée le jeudi 25 novembre 2021 à Launois-sur-Vence (Ardennes), avec l’aimable autorisation de son propriétaire monsieur Joël Bailly, de l’association Les Sabots du relais. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

A côté des possesseurs les plus importants du village, que sont les religieux et les seigneurs de Chaumont, se trouvent des laboureurs qui sont propriétaires de tout ou partie des terres qu’ils cultivent. Pour cela, il leur faut disposer du matériel agricole nécessaire, et d’au moins deux chevaux à atteler pour pouvoir labourer.

Droopy du Tivoli, cheval de trait ardennais rouan, prise de vue effectuée le mardi 21 septembre 2021 à Launois-sur-Vence (Ardennes), avec l'aimable autorisation de son propriétaire [identité non communicable en raison d’un accord de confidentialité], de l'association Les Sabots du relais.  Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Droopy du Tivoli, cheval de trait ardennais rouan, prise de vue effectuée le mardi 21 septembre 2021 à Launois-sur-Vence (Ardennes), avec l’aimable autorisation de son propriétaire [identité non communicable en raison d’un accord de confidentialité], de l’association Les Sabots du relais. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Brabant (charrue), prise de vue effectuée le vendredi 23 juillet 2021 devant l'auberge de Gironval, à Thin-le-Moutier (Ardennes), avec l'aimable autorisation de madame Agnès Ayer. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Brabant (charrue), prise de vue effectuée le vendredi 23 juillet 2021 devant l’auberge de Gironval, à Thin-le-Moutier (Ardennes), avec l’aimable autorisation de madame Agnès Ayer. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour disposer d’une charrue, il faut au minimum exploiter de quarante à soixante arpents (soit environ quinze à vingt-cinq hectares). Il s’agit donc de laboureurs assez aisés et ils sont très peu nombreux dans le village[1].

AnnéeUne charrueUne demi-charrueAucune indication
1702113
1712391
1714143
1720410
172577
La possession d’une charrue témoigne d’un certain statut social.

[1] Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 2169 [série C = administrations provinciales, articles C 2065-2659 = administrations et juridictions financières et fiscales, subdélégations de Champagne, 1585-1790].


 Cense Longueval, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Cense Longueval, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

A côté d’eux, de petits laboureurs à « demi ou quart de charrue », dont nous parle Terwel[1] partagent avec une (voire deux ou trois autres personnes) la propriété des instruments aratoires. C’est d’autant plus possible que, bien souvent, on exploite une ferme ou cense (encore appelée tenure) en famille.


[1] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, microfiche, MFICHE 8-LC20-57, Graffin, Roger ; Jadart, Henri ; Laurent, Paul, « Les notices cadastrales de Terwel sur les villages de la frontière de Champagne en 1657 », in Revue historique ardennaise, Paris : A. Picard et fils, 1894-1914, tome neuvième année, mai-août 1902, p. 97-256. [Nota bene : ce périodique bimestriel édité entre 1894 et 1914 est un titre mort. Il ne saurait être confondu avec la Revue historique ardennaise publiée depuis 1969 à Charleville-Mézières par la Fédération des sociétés savantes des Ardennes, la Société d’études ardennaises (devenue la Société d’histoire des Ardennes) et la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais].


Cense Longueval, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Cense Longueval, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le terme de cense vient tout droit d’un état juridique compliqué et concerne un ensemble de terres à exploiter soumis au droit seigneurial.

AnnéeEn propreEn propre et censeEn cense seuleSans précision
1702257
17123352
17141232
1720914
17258231
La terre peut être en cense, en propre, ou les deux à la fois.

Le tenancier se doit donc d’acquitter « des droits seigneuriaux ». Le censitaire est un exploitant à « bail perpétuel », puisqu’on reconnaît des droits à sa famille jusqu’à l’extinction de celle-ci, au point que la cense[1] prend parfois le nom de la famille qui la cultive.


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 2169 [série C = administrations provinciales, articles C 2065-2659 = administrations et juridictions financières et fiscales, subdélégations de Champagne, 1585-1790].


Demi-louis d'or à la mèche longue, Monnaie du Louvre, Paris, 1643, avers (ou droit) représentant la tête laurée de Louis XIII le Juste à droite,  avec baies dans la couronne.
Demi-louis d’or à la mèche longue, Monnaie du Louvre, Paris, 1643, avers (ou droit) représentant la tête laurée de Louis XIII le Juste à droite, avec baies dans la couronne.

Le fermage est un autre mode de gestion de la terre. Le propriétaire foncier concède la terre dans le cadre d’un bail à terme, renouvelable tous les trois ans à cause « des roies » (ou assolement triennal), moyennant un loyer fixe, le plus souvent en argent.

Ces baux ruraux sont passés devant un notaire royal et, depuis le XVIe siècle, ils dépassent rarement la durée de neuf ans. Auparavant, ils pouvaient aller jusqu’à vingt-cinq ans, ce qui laissait une plus grande stabilité pour la gestion des biens.

Or, les guerres de la première moitié du XVIIe siècle et la dépression agricole qui se produit au XVIIIe siècle font que les propriétaires changent plus souvent de locataires, et que beaucoup de baux sont résiliés au bout de trois ou six ans.

Demi-écu d'argent, Monnaie de Matignon, Paris, 1643, avers (ou droit) représentant le buste lauré, drapé et cuirassé de Louis XIII le Juste à droite, avec baies dans la couronne.
Demi-écu d’argent, Monnaie de Matignon, Paris, 1643, avers (ou droit) représentant le buste lauré, drapé et cuirassé de Louis XIII le Juste à droite, avec baies dans la couronne.

Le Merbion, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le Merbion, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les obligations du preneur sont codifiées dans le bail. C’est ce qu’on peut voir avec celui qui est passé en 1771 par devant Maître Watelier (notaire royal à Wasigny) entre Marie Peltier, dite « madame du Merbion » [1] d’une part et Jean Lespinois et sa femme Marie-Nicole Cousin d’autre part.

Le document est ainsi établi « pour trois, six, neuf années aux choix respectifs des parties en avertissant trois mois avant l’expiration desdites trois ou six années pour commencer le 1er mars 1772 ».

Bonnefantenmuseum (Maastricht, Pays-Bas), numéro d’inventaire 1004918, Polack, Jan, Saint Martin et le mendiant, peinture (panneau, tempera, feuille d'or), vers 1500, notice descriptive consultable en ligne.
Bonnefantenmuseum (Maastricht, Pays-Bas), numéro d’inventaire 1004918, Polack, Jan, Saint Martin et le mendiant, peinture (panneau, tempera, feuille d’or), vers 1500, notice descriptive consultable en ligne.

Il consiste en une ferme située au Prieuré près le Moulin Garot. Cette dernière est composée « d’un corps de logis, bâtiments, grange, écurie, jardin, chènevière, terres, prés, plants d’arbres à charge d’entretenir les bâtiments des réparations locatives, de tenir les jardins en bon état ainsi que les haies vives, de piocher le pied des arbres à fruits, de cultiver, labourer et ensemencer les terres dans leurs roies, payer les droits seigneuriaux […] pour une redevance de 180 livres plus une journée avec un attelage de bons chevaux pouvant être employée aux choses que ladite bailleuse jugera à propos. Le tout pour chacune année à la Saint-Martin d’hiver [2] ».


[1] Car veuve de Pierre Jadart du Merbion (1692-1759, major au régiment de Bergeret) et mère de Pierre Jadart du Merbion (1737-1797, général de division de la Révolution française).

[2] Archives départementales des Ardennes, 3E35 504 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E 35/1-613 = archives notariales de Wasigny].


Le Bochet et les Terres Jacques, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le Bochet et les Terres Jacques, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Il arrive, et cela est vrai surtout à la fin du XVIIIe siècle, que des baux soient signés avec un locataire, mais que celui-ci, à son tour, sous-loue le bien.

C’est ce qui apparaît au moment de la vente des biens nationaux de l’émigré Courtin, où l’on constate que les signataires des baux (en particulier Michel Bolle et J. B. Mauroy) ne sont pas les véritables détenteurs, qui se révèlent être tantôt J. B. Fressancourt, Charles Thomas Devie ou Charles Thomas Miclet[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, Q 134 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 127-147 = ventes de biens nationaux, fonds concernant les affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].


Le Bochet, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le Bochet, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Ces arrangements ont pour but premier d’accroître le bien foncier de l’une des parties, tout en procurant de l’argent liquide à l’autre. Cette dernière peut faire face à des besoins urgents pour régler des prélèvements tels : dîme, droits seigneuriaux, impôts royaux directs et indirects, etc.

Elle peut également réinvestir dans une autre terre, donnant ainsi aux paysans l’occasion de constituer des pièces de terre de superficies plus importantes, et de faciliter ainsi leur travail.

Terroir de La Romagne, avec vue sur La Ruelle, repérage topographique des lieux-dits effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Terroir de La Romagne, avec vue sur La Ruelle, repérage topographique des lieux-dits effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les Houis Bas, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les Houis Bas, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

C’est ce qu’a dû prévoir en mars 1747 Jean Coutier, marchand demeurant à La Romagne, lorsqu’il achète à Charlotte Parisot (veuve de Thomas Devie) un quartel de terre au Pré Mellier budant[1] du couchant et d’un autre bout à un de ses biens.  La vente peut se révéler obligatoire, lorsque le bien est si éloigné qu’il est impossible de l’exploiter. C’est ce qu’est obligé de faire en 1714 Daniel L’Escholier (ou Lescoyer) habitant aux Houis, lorsqu’il hérite les biens familiaux situés sur les terroirs de Dohis et d’Iviers (Aisne). Il s’en sépare et les vend à un habitant de cette paroisse[2].


[1] Pour le sens de « budant à » (« attenant à »), voir Tamine, Michel, « Le vocabulaire toponymique de la limite : éléments d’un inventaire ardennais (suite et fin) », In Nouvelle revue d’onomastique, Paris : Société française d’onomastique, 1983-, n°33-34, 1999, p. 31-92, Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 4-X-1826 [périodique, consultable en ligne sur Persée].

[2] Archives privées et personnelles [source non communicable en raison d’un accord de confidentialité].


Terroir de La Romagne, avec vue sur Givron, repérage topographique des lieux-dits effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Terroir de La Romagne, avec vue sur Givron, repérage topographique des lieux-dits effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Du fait des nombreux partages intervenant à chaque succession, il est rare que des pièces de terre aient une superficie de plusieurs arpents, si un remembrement par rachat de terre n’a pas lieu. En étudiant les legs faits à l’église de la Romagne, ou à la lecture des actes notariés, les surfaces dont il est question dans tous ces actes se résument plus souvent à quelques pugnets[1], verges[2] ou quartels[3]. Tout ceci est lié à la division, lorsque c’est possible, de la pièce de terre en autant de lots que d’héritiers par des « experts nommés » pour apprécier ladite succession.


[1] Mesure agraire équivalant à un demi-quartel.

[2] Unité en vigueur dans les Ardennes  variant de 22 à 55 m2 selon le lieu.

[3] Surface représentant  le quart d’un arpent ou vingt-cinq verges.


Côte au Saint Foin (comprendre sainfoin),  repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Côte au Saint Foin (comprendre sainfoin), repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Des lots de même valeur, sans être forcément de même superficie, mais constitués chacun de pièces différentes, ne semblent pas être la norme. Ainsi, en trois générations, c’est l’émiettement et l’éparpillement le plus complet. Il ne reste plus qu’à échanger les terres quand cela est possible.

Le Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le Mont de Vergogne, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le Mont de Vergogne, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La vente n’est pas la seule solution existant pour se procurer des liquidités. Le laboureur peut avoir recours à « une vente temporaire » ou avance d’argent garantie sur un bien foncier. C’est ce que pratique en avril 1709 Marin Letellier, laboureur demeurant au Mont de Vergogne. Il rencontre, comme bien de ses semblables, des difficultés avec cette terrible année.

Pour la somme de 200 livres, il vend à Jean Caneau, marchand résidant à La Cour Honorée, paroisse de Saint-Jean-aux-Bois, « une ‘mazure’, chènevière, jardin à arbres fruitiers en dépendant, six arpents de terre labourable, deux quartels de pré en deux pièces, trois autres pugnets ». L’ensemble provient de Pierre Leclerc et sa femme Poncette Sonnet, à la suite d’un acte signé devant le notaire royal de Lalobbe en 1692.

S’il parvient à rembourser la somme dans le délai imparti et en un seul paiement, il rentre dans son bien après avoir acquitté une « valeur locative » de 10 livres et deux paires de poulets pour chacune des trois années. Sinon, l’ensemble du bien sera acquis au preneur[1].


[1] Archives privées et personnelles [source non communicable en raison d’un accord de confidentialité].


La mare aux grenouilles des Houis Hauts, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La mare aux grenouilles des Houis Hauts, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Cette façon d’emprunter pour se procurer des liquidités et faire face aux difficultés liées aux mauvaises récoltes se pratique aussi souvent que les paysans sont acculés. Les riches marchands ou les laboureurs y trouvent aussi grandement leur intérêt.

Ainsi, l’année 1776, marquée par de mauvaises récoltes, contraint Jean Cocu et sa femme Jeanne Gagneux à délaisser pour trois ans à Jean Philbert, laboureur de la paroisse de Rocquigny, une pièce de terre plantée de dix arbres fruitiers sise aux Houis, contre la somme de 150 livres. Or, le couple n’a aucune certitude de récupérer son bien si les années suivantes sont aussi médiocres ou s’il doit faire face à d’autres ennuis.

Ecu aux branches d'olivier, Lille, 1776, avers (ou droit) représentant le buste de Louis XVI à gauche, portant une veste brodée, avec l'ordre du Saint-Esprit, les cheveux noués sur la nuque par un ruban.
Ecu aux branches d’olivier, Lille, 1776, avers (ou droit) représentant le buste de Louis XVI à gauche, portant une veste brodée, avec l’ordre du Saint-Esprit, les cheveux noués sur la nuque par un ruban.

Musée du Louvre (Paris), numéro d'inventaire INV 606 [B 183] Santi, Raffaello, dit Raphaël, Saint Jean Baptiste dans le désert désignant la Croix de la Passion, bois transposé sur toile, 1e quart du XVIe siècle (vers 1516), notice descriptive consultable en ligne.
Musée du Louvre (Paris), numéro d’inventaire INV 606 [B 183] Santi, Raffaello, dit Raphaël, Saint Jean Baptiste dans le désert désignant la Croix de la Passion, bois transposé sur toile, 1e quart du XVIe siècle (vers 1516), notice descriptive consultable en ligne.

La vente d’une terre se fait en général au comptant. Il existe néanmoins d’autres arrangements qui permettent de pouvoir acquérir un lopin de terre, à une époque où le crédit tel que nous le connaissons n’existe pas.

Dans ce cas, le vendeur accepte dans l’acte de vente un paiement en plusieurs fois à date fixée d’avance, et sur un délai de quelques mois à quelques années (deux ans assez généralement). C’est ce que font Jean Lambert et sa femme Marie-Nicole Deschamps : ils acceptent que Jean Delahaye, laboureur qui a acquis en décembre 1745[1] un de leur biens situé « au Bois Diot » pour la somme de 72 livres le paie en quatre fois soit :

  • un quart à La Saint-Jean d’été[2] (juin) 1746 ;
  • un quart à la Saint-Martin d’hiver (décembre) 1746 ;
  • de même pour les deux derniers quarts aux dates identiques en 1747.

[1] Date de la rédaction de l’acte.

[2] Jean le Baptiste (de qui Jésus a reçu son baptême) est fêté le 24 juin. Il ne doit pas être confondu avec Jean l’Evangéliste (l’apôtre), célébré le 27 décembre (Saint-Jean d’hiver).


Prairies bordant le chemin de La Culée, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Prairies bordant le chemin de La Culée, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Comme l’équilibre entre les besoins alimentaires et la capacité de production est précaire, la pénurie menace toujours. C’est pourquoi les paysans qui ne disposent pas d’assez de terres pour en vivre sont les premiers à souffrir des difficultés économiques.

Le Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour tenter de survivre, à défaut de mieux vivre, ils se mettent au service d’un laboureur comme manouvrier. Ou, comme le note le curé en 1774, conscient de l’état constant de pauvreté d’un grand nombre de ses paroissiens, ils « travaillent pendant l’hiver dans les bois tandis que l’été, ils essaient de trouver des places pour faucher dans les prés et pour couper les blés ».

D’autres exercent une seconde profession (comme celle de marchand) ou, s’ils le peuvent, louent des terres pour essayer de se mettre à l’abri du besoin.

Le pré Pigneau, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le pré Pigneau, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le lundi 22 novembre 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La Révolution change le mode d’exploitation agricole et remanie les arrangements qui peuvent exister entre propriétaires et exploitants de la terre.

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Poste, télégraphe et téléphone à La Romagne


Le roi Louis XI est le créateur de la poste d'Etat.
Le roi Louis XI est le créateur de la poste du roi par relais (journée du timbre 1945).

Le service de la poste est un service très ancien, dont la création remonte à 1477 sous le règne de Louis XI. Cet établissement a un double but : l’acheminement des dépêches et des voyageurs. Il perdure jusqu’après la Révolution. Le bureau de poste desservant alors La Romagne et les villages environnants est, soit celui de Wasigny (comme l’indique le curé dans l’enquête paroissiale de 1774), soit celui de Rethel. Ce dernier est l’un des sept existant pour le secteur ardennais depuis 1700. Ensuite, et selon l’importance de la paroisse, le courrier est distribué une ou deux fois par semaine

Le blason communal de Wasigny (Ardennes) est écartelé aux un et quatre d’argent au loup courant de sable, aux deux et trois d’azur à la gerbe de blé d’or.
Le blason communal de Wasigny (Ardennes) se décrit comme écartelé aux un et quatre d’argent au loup courant de sable, aux deux et trois d’azur à la gerbe de blé d’or.

Un facteur rural en 1830, journée du timbre, émission premier jour du 18 mars 1968 à Charleville-Mézières.
Un facteur rural en 1830, journée du timbre, émission premier jour du 18 mars 1968 à Charleville-Mézières.

A partir de la Révolution, la marque de l’origine du département figure sur la lettre et ce sera le chiffre 7 qui l’identifiera jusqu’en 1875, date à laquelle il est remplacé par le nom du département. D’autre part, le bureau d’où part le courrier est distingué par un autre numéro. A partir de 1835, le bureau de Chaumont-Porcien est créé et porte le n° 825. En 1866, celui de Rocquigny ouvre. Ce sont ces deux- là qui successivement ont desservi La Romagne.

Le développement de l’instruction primaire et la suppression de la taxe des lettres, établie d’après la distance au profit d’une taxe fixe et uniforme, vont petit à petit accroître le volume du courrier. Lors de leurs tournées, les facteurs ruraux se doivent d’avoir sur eux en permanence des timbres, afin que tous puissent s’en procurer facilement.

Ces agents postaux ou « piétons » existent depuis la Révolution : le citoyen Jean-Baptiste Canon assure ce service pour La Romagne. Jusqu’à l’installation des boîtes aux lettres, c’est à eux que l’on confie le courrier à expédier. Leur tâche est pénible, puisqu’il leur faut parcourir chaque jour de longs trajets, et ce quel que soit le temps. Il n’en est pour preuve que le fait divers suivant : le 25 mai 1846, vers 10 heures du matin, Gérard Peltier âgé de 37 ans fait sa tournée dans le village. Il se présente au domicile d’Hubert Laroche, où il décède brutalement. Est-il victime d’une très grande fatigue, de chaleur précoce ou d’un malaise ? Rien ne permet d’avancer une explication.

Plaque de facteur rural du service des postes.
Plaque de facteur rural du service des postes.

Le facteur rural dans la grand-rue de La Romagne , carte postale ancienne (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le facteur rural dans la grand-rue de La Romagne (Ardennes), carte postale ancienne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).

Jusqu’en 1897, les facteurs ruraux sont rémunérés proportionnellement à l’étendue du parcours effectué, qui peut aller jusqu’à 32 km. Mais ce cas est assez peu répandu. Au cours de leur vie professionnelle, en fonction de leur avancée en âge, et en raison de leur impossibilité de faire d’aussi grands parcours, ils demandent de plus petites tournées, ce qui fait diminuer leurs salaires. C’est pourquoi une expérience menée au sein de cinq départements, dont celui des Ardennes, aboutit à donner aux facteurs un traitement fixe.

Depuis 1853 environ, il existe un système de voitures de nuit qui font la liaison Rethel Rocquigny pour y déposer le courrier. Un peu plus tard, elles font le tour par Chaumont-Porcien, Wasigny et Novion, avant de rejoindre Rethel. Par la suite, cet acheminement se fait par les trains de marchandises, bien que ceux-ci ne fonctionnent pas tous les jours. C’est pourquoi leur circulation journalière est demandée par les édiles du canton.

Bien que l’on connaisse peu de messagers effectuant la tournée du village, on sait cependant qu’en 1866, c’est Jean-François Devie puis, de 1867 à 1875, François-Pierre Mauroy qui s’en charge.

Un relais de poste (journée du timbre du
Un relais de poste (journée du timbre 1973).

Ancienne boîte aux lettres de La Romagne, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Ancienne boîte aux lettres de La Romagne, située sur le mur de la salle des fêtes, rue des Fondys, photographiée en mars 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).

Les bureaux de poste vont se multiplier à partir de 1850 à travers le département. Lorsque les boîtes aux lettres sont installées, une à deux levées sont instaurées chaque jour. Les distributions sont journalières, et ce même le dimanche, comme le confirme une délibération du conseil municipal en juillet 1919.

Or, ces levées et distributions ne donnent pas toujours satisfaction quant à leurs horaires. Diverses propositions et demandes sont faites, sans qu’on ne trouve jamais le bon équilibre.

Boîte aux lettres de La Romagne actuellement en service, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en avril 2021 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Boîte aux lettres de La Romagne actuelle, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en avril 2021 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).

La boîte aux lettres de La Romagne a visiblement essuyé pendant de nombreuses années les intempéries typiques des Ardennes. Son état est un indice de la dureté du métier de facteur rural.
La boîte aux lettres de La Romagne a visiblement essuyé pendant de nombreuses années les intempéries typiques des Ardennes. Son état est un indice de la dureté du métier de facteur rural.

Dès 1890, des récriminations s’élèvent : en effet, les dépêches arrivent en gare de Draize – La Romagne vers 6 h 30 pour être acheminées au bureau de  Chaumont  dans la matinée, quoique la distance ne soit que de 6 km. Or, la route est accidentée, les pentes dangereuses pour des voitures à chevaux qui sont, pour la plupart du temps, obligées de circuler au pas.

Les habitants de Chaumont aimeraient bien bénéficier des passages des autres trains à Draize pour avoir un second service de voiture. Ce dernier pourrait également être utile à ceux qui souhaiteraient prendre le train. Ainsi, la voiture ne circulerait jamais à vide et les habitants bénéficieraient d’une possibilité d’une seconde distribution. Cette requête ne semble pas avoir abouti[1] .


Modèle officiel de boîte aux lettres fabriquée pour la poste par la maison Foulon en 1930.
Modèle officiel de boîte aux lettres fabriquée pour la poste par la maison Foulon, en service entre les années 1930 et 1950.

Une fois à Chaumont, le courrier pour Rocquigny et ses environs est trié puis acheminé quelque temps après, ce qui a pour conséquence de mal desservir les commerçants, les notaires, et d’occuper les facteurs ruraux au plus fort de la chaleur en été.

La mise en place d’une organisation stable et rationnelle semble difficile pour l’administration des postes, si l’on tient compte qu’en quelque six mois entre 1907 et 1908, le service a dû faire appel à une dizaine de transporteurs différents pour faire la liaison de la gare de Draize à Chaumont.

En 1931, à des fins d’amélioration, la Poste envisage dans la région de Chaumont-Porcien la création d’un circuit automobile rural qui pourrait satisfaire les communes.


[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 22, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, onzième année, n° 3484, vendredi 5 septembre 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].


Le service des postes & télégraphes vend des bulletins de communication à partir des cabines publiques.
Le service des postes & télégraphes vend des bulletins de communication à partir des cabines publiques.

En dehors du courrier, un autre moyen de relier les habitants de La Romagne est le téléphone. Le Préfet des Ardennes propose en 1899 un projet d’organisation de réseau départemental. Ceci nécessite la mise en place d’un très important emprunt de 600 000 francs remboursable sur 30 ans. La Romagne pourrait se rattacher à ce projet. Mais elle attendra 1906 pour que cela soit effectif et que ce service assure aussi l’échange des télégrammes.

Emission premier jour représentant le télégraphe Chappe à l'occasion du bicentenaire de cette invention.
Emission premier jour représentant le télégraphe Chappe à l’occasion du bicentenaire de cette invention.

Le premier gérant choisi pour ce service est monsieur Varlet en raison de ses qualités de boulanger, épicier, aubergiste. Le local est l’une des pièces de la maison dans laquelle il exerce déjà. Afin que le service fonctionne sans interruption et sans attente, sa femme est désignée comme suppléante.


Madame Mariette Lesein, gérante de la cabine téléphonique de La Romagne, et monsieur Edmond Lesein (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Eric Lesein).
Madame Mariette Lesein, gérante de la cabine téléphonique de La Romagne, et monsieur Edmond Lesein (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Eric Lesein).

La première guerre mondiale et l’occupation allemande de tous les villages environnants met fin à ce service. Ce n’est qu’en juin 1921 que le bureau de La Romagne, tout comme ceux de Draize et de Givron, est rouvert au public[1].

Parmi les gérants successifs de cette cabine téléphonique, on notera Léon Briard, Gaston Boudsocq, Mariette Lesein née Henri, Adrien Ravignon et madame Van der Beke.


[1] Bibliothèque Carnegie, PER CH Atlas 2, « P. T. T. service téléphonique » [rubrique Ardennes] in Le Courrier de la Champagne : journal de Reims, 20e année, n° 1 (23 janv. 1854)-34e année, n° 4123 (7 mai 1868) ; 34e année (8 mai 1868)-? ; 85e année, n° 1 (30 avr. 1919)-87e année (25 sept. 1921), Reims : [s.n.], 1854-1921, 87e année, dimanche 5 juin 1921, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne].


Enveloppe premier jour du centenaire du téléphone.
Enveloppe premier jour du centenaire de l’invention du téléphone par Graham Bell en 1876.

Rares sont les particuliers qui possèdent personnellement une ligne téléphonique jusqu’à l’après-guerre, en dehors des Etablissements Malherbe qui ont été les premiers. En 1954, le téléphone rural automatique est installé à La Romagne. Le développement du fixe et du portable fera disparaître définitivement ces cabines du village.

Photographie de la dernière cabine téléphonique publique de La Romagne prise en avril 2017 (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).Dernière cabine téléphonique publique de La Romagne photographiée en avril 2017 (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Dernière cabine téléphonique publique de La Romagne photographiée en 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
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La Romagne et l’exploitation du sous-sol


La Romagne est bâtie sur un contrefort entre deux petites vallées assez encaissées, tout en étant agrémentée de quelques forêts. Le sous-sol du village remonte au Crétacé inférieur et a été étudié à la fin du XIXe siècle, non seulement pour sa formation géologique, mais aussi pour la présence de fossiles.

Fossile de Geesops sparsinodosus gallicus trouvé dans la réserve naturelle nationale de Vireux-Molhain (Ardennes).
Fossile de Geesops sparsinodosus gallicus trouvé dans la réserve naturelle nationale de Vireux-Molhain (Ardennes).

Roche siliceuse (quartzite) à Roc-la-Tour (forêt domaniale de Château-Regnault sur les hauteurs de Monthermé, dans les Ardennes).
Roche siliceuse (quartzite) à Roc-la-Tour, forêt domaniale de Château-Regnault, sur les hauteurs de Monthermé (Ardennes).

Les versants des petites vallées sont constitués de roche siliceuse, de calcaire argileux bleuâtre et d’oolithes ferrugineuses. Ces roches oxfordiennes sont surmontées de gaize[1].

La gaize est une roche d'origine sédimentaire siliceuse formée en terrain argileux.
La gaize produit des reliefs typiques des Ardennes.

C’est « une des roches les plus légères ; elle est tendre, argileuse, siliceuse, et contient une assez forte proportion de silice gélatineuse soluble dans les alcalis ; on y remarque quelques grains de glauconie ; elle se délite à l’air avec une grande facilité, et donne des terres qui sont le plus souvent sableuses et sèches ; dans les endroits où elle est riche en argile, le sol est compact, peu perméable[2] ».

La glauconie est composée de minéraux argileux situés entre le groupe des micas et celui des smectites.
Les ions ferreux contenus dans la glauconie lui donnent sa couleur verte.

La présence de cette gaize sous une couche de terre variant de 0,5 à 1,5 m est attestée lors de l’exploitation de carrières à ciel ouvert tant au Courtil Mouriau [cadastre section B n° 639] qu’au Pré des Roizes (idem, section B n° 629 et 630] ou au Fossé du Château [idem, section B n° 555[3]].


[1] La gaize est une roche sédimentaire composée de silice, particulière aux Ardennes. Ce substantif féminin s’applique dans la région à un grès très fin, en partie détritique, en partie d’origine chimique, généralement entre gris et verdâtre, souvent poreux et léger.

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-5435, Bestel, M., « Compte rendu de l’excursion géologique du 28 avril à Draize et Wasigny », in Bulletin de la Société d’histoire naturelle des Ardennes, 1re année, n° 1 (octobre 1893/juillet 1894)- = tome 1-, Charleville-Mézières : Société d’histoire naturelle des Ardennes, deuxième année, série 1, tome 2, 1895, p. 44, texte numérisé d’après un exemplaire original de la Société d’histoire naturelle des Ardennes, consultable en ligne sur Gallica.

[3] Archives départementales des Ardennes, O 22 [série O = administration et comptabilité communales depuis 1800].


Le calcaire argileux (nommé improprement calcaire marneux) est une roche sédimentaire, mélange de calcaire et d'argile.
Le calcaire argileux (nommé improprement calcaire marneux) est une roche sédimentaire, mélange de calcaire et d’argile.

La marne crayeuse, qui date du Cénomanien[1], « forme plusieurs îlots (124 hectares) aux points les plus élevés ; notamment entre le Mont Vergogne et la Blaisotterie : elle contient quelques nodules de phosphate de chaux. Une vingtaine de sources disséminées sur le territoire[2] ».

Le sol est en général assez pauvre, ce que confirme le mémoire des intendants qui couvre les années 1659 à 1665, et dans lequel le terroir est ainsi décrit : « Le territoire de ce lieu est de petite étendue et situé en mauvais pays ne consistant qu’en mauvaises terres maigres et partie stériles et en quelques bois qui donnent moyen aux habitants de gagner leur vie néanmoins avec peine. »

De son côté, l’enquête de Terwel[3] présente ce terroir comme « médiocre et de mauvaises terres ». Ceci est confirmé jusque dans les rapports établis au début XIXe siècle  pour le canton de Chaumont-Porcien. Ils notent que la culture y est difficile. Cela reste vrai, jusqu’à ce que les exploitations du canton se tournent vers l’élevage : les terres qui le composent sont en effet « fortes, humides et propres aux prairies[4] ».


[1] Le Cénomanien est le premier étage stratigraphique du Crétacé supérieur.

[2]  Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LK4-2408, Meyrac, Philippe Albert, Géographie illustrée des Ardennes, Charleville : E. Jolly, 1900, p. 389.

[3] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, microfiche, MFICHE 8-LC20-57, Graffin, Roger ; Jadart, Henri ; Laurent, Paul, « Les notices cadastrales de Terwel sur les villages de la frontière de Champagne en 1657 », in Revue historique ardennaise, Paris : A. Picard et fils, 1894-1914, tome neuvième, mai-août 1902, p. 97-256. [Nota bene : ce périodique bimestriel édité entre 1894 et 1914 est un titre mort. Il ne saurait être confondu avec la Revue historique ardennaise publiée depuis 1969 à Charleville-Mézières par la Fédération des sociétés savantes des Ardennes, la Société d’études ardennaises (devenue la Société d’histoire des Ardennes) et la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais].

[4]  Archives départementales des Ardennes, 3W 18 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940].


Les oolithes ferrugineuses sont composées d'hydroxyde de fer.
Les oolithes ferrugineuses sont composées d’hydroxyde de fer.

Dans le sous-sol environnant, on note que sont disséminées des oolithes[1] ferrugineuses, parfois abondantes, au point de constituer un minerai à gangue argileuse. Ce fer est exploité des XVIe au XIXe siècles comme l’attestent certains documents.

Concernant l’abbaye de Chaumont, ils relatent les différends de celle-ci avec quelques locataires des censes qui se trouvent sur le terroir de La Romagne : des actes notariés, les registres de tailles ou plus tardivement quelques statistiques du canton de Chaumont-Porcien permettent d’en savoir plus.


[1] Calcaire formé de grains sphériques.


Amas ferrugineux
Amas ferrugineux.

Le mémoire de 1649 de l’abbaye indique que les religieux permettent à leurs fermiers de la Paternotte et de la Bouloi de « tirer de la mine de fer des terres les moins labourables et de la vendre aux maîtres de forge du voisinage ».

De plus, ils octroient à leurs fermiers « le droit de toquage [1] » contre le versement d’une redevance : son maximum est de 60 livres mais elle s’élève en 1675 seulement à quelque 29 livres, et n’est plus que de 14 livres pour l’année 1695.


[1] Le toquage est un droit accordé pour tirer du minerai de fer d’une terre dans les Ardennes.


Archives départementales des Ardennes, La Romagne B1 1835, le Houis haut et la Boulois [orthographe de 1835],  cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne B1 1835, le Houis haut et la Boulois [orthographe de 1835], cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, consultable en ligne.

Est-ce la diminution de revenus, qui éveille les soupçons des religieux ? En tout cas, ils se montrent très vite inquiets de constater que leur fermier de la Bouloi laisse aux maîtres de forges du Hurtault le droit de tirer de la mine sans leur en avoir référé.

Aussitôt, ils adressent une requête à l’intendant. Comme celle-ci reste sans réponse, ils consultent un avocat rémois qui répond que c’était défendu car cela participait à la dégradation du fonds. Les religieux sont donc selon lui en droit de se pourvoir en dommages et intérêts contre leur fermier, sans parler de l’interdiction de cette exploitation.


Archives départementales des Ardennes, La Romagne B2 1835, le Houis haut et la Boulois [orthographe de 1835],  cadastre ancien, plan parcellaire, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne B2 1835, le Houis haut et la Boulois [orthographe de 1835], cadastre ancien, plan parcellaire, consultable en ligne.

On ne sait ce qui s’est passé après cet avis, mais le problème ressurgit une quarantaine d’années plus tard : cette fois, il met en cause Marie Peltier, qui continue de tenir, depuis la mort de son mari Philippe Jadart, la cense de la Paternotte. Aidée de Pierre Jadart, de Jean et de Robert Bréart, elle exploite la castine[1].

La réaction des religieux est extrêmement rapide et fait vraisemblablement cesser l’exploitation. Pour se protéger de tout nouveau désagrément, et s’assurer de cette interdiction d’exploitation par les censiers, ils en font une clause dans le contrat de location des censes de la Bouloi et de la Paternotte signé en 1745 avec Jean Soret.


[1] Pierre calcaire blanchâtre ou carbonate de chaux impur qu’on additionne à certains minerais de fer contenant trop d’argile ou de soufre, pour les aider à fondre.


Nodules ferrugineux dans du calcaire.
Nodules ferrugineux inclus dans du calcaire (roche sédimentaire).

L’extraction et le transport du minerai demandent de la main-d’œuvre. C’est ainsi qu’à La Romagne on dénombre huit tireurs de mine dont les noms apparaissent dans le rôle des tailles 1702 (Jean et Hugues Gouverneur, Toussaint Pagnier, Jean Langlet le Jeune, Berthélemy Pronier, Antoine Hénin, Remy Noiville et Hubert Meunier).

Les effectifs diminuent (probablement en raison de la surveillance accrue des religieux) et l’on note la présence de 1725 à 1732 de Jean Barré et de Louis Camuseaux comme voituriers de mine, ainsi que de Pierre Goulard comme dernier tireur de mine.


Archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, la Cour Avril et le Bois Diot, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l'échelle 1/1250, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, la Cour Avril et le Bois Diot, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, consultable en ligne.

Après ces dates, plus aucune mention à la mine n’apparaît avant 1842, date à laquelle l’exploitation du fer est de nouveau attestée dans le sous-sol de la commune : on y extrait encore le minerai et on précise « qu’il y avait depuis fort longtemps des forges à bras »[1].

On peut penser que l’exploitation n’a jamais cessé malgré les restrictions posées par les moines, d’autres lieux étant riches en fer, comme les abords du Bois Diot et des Houis ainsi que le secteur de la Cour Avril.

Ce minerai suscite-t-il des convoitises à une époque où la plupart de la population est pauvre ? Ce pourrait être une des explications du tragique fait divers vécu par un homme originaire de la Besace, assassiné 14 février 1767 « tandis qu’il était occupé à tirer et laver de la mine dans le bois de La Cour Avril[2] ».


[1] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LK4-79, Dubois, E. (chef du secrétariat de la préfecture), Statistique du département des Ardennes, Charleville : impr. de L. Garet, 1842, 208-8 p.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 5 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 5 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, 1763-1772], acte de décès, vue 19/46, consultable en ligne.


Les forges du Hurtault (Signy-l'Abbaye) ont appartenu aux prémontrés jusqu'à la Révolution de 1789 (plan de 1832).
Les forges du Hurtault se trouvent à proximité de Signy-l’Abbaye (plan de 1832).

Le minerai est exploité à l’époque à proximité de son extraction. Si les forges du Hurtault situées sur le ban et la paroisse de Signy sont assez anciennes et font émerger  une dynastie de fondeurs comme les Bienfait, cette industrie et les profits que l’on peut en tirer accélèrent la volonté de tout moderniser.

Firmin de Canel (de la Cour Avril) et Philippe Lemaire, maître de forges et sieur de Seraincourt investissent quelque 3000 livres dans un projet « de rétablissement et construction de la masse du fourneau du Mirbion » [sic, c’est-à-dire Merbion] et consacrent de l’argent aux

« achapts des bois de siage qu’il conviendra pour les appentis d’iceluy et à la construction d’une halle et maison, une roue et soufflets, faire tout ce qu’il conviendra afin de mettre ledit fourneau en état de travailler ».

Archives départementales des Ardennes, E 1367 [série E = seigneuries, familles, état civil, notaires, cotes E 801-1745 = minutes notariales, documents E 1360-1375 = fonds concernant l’étude Guillaume Pellerin à Mézières, 1768-1777].

Grande rue menant de Lalobbe à Signy (carte postale ancienne).
Grand-rue menant de Lalobbe à Signy (carte postale ancienne).

A côté de ce travail du « fer et des matières pour le service du roi », ainsi que l’on nomme la production du Hurtault, il se développe dans les villages environnants et principalement à Lalobbe un autre artisanat, représenté par des potiers en fer.


Le phosphate de calcium est un solide blanchâtre utilisé dans la fabrication d'engrais.
Le phosphate de calcium est un solide blanchâtre utilisé dans la fabrication d’engrais.

Outre les nodules ferrugineux dans le sous-sol de La Romagne, il faut également noter la présence de quelques nodules de phosphate de chaux[1] que l’on va exploiter par la suite pour « marner les terres », c’est-à-dire les amender. La chimie permet d’améliorer les sols que La Romagne a reçus de la nature.


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-5398, Barrols, Charles, « Mémoire sur le terrain crétacé des Ardennes et des régions voisines », in Annales de la Société géologique du Nord, Lille : Six-Horemans, 1875-, tome V, 1877-1878, p. 288, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, 2009-23200, consultable en ligne sur Gallica.