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La gabelle à La Romagne et le grenier à sel de Château-Porcien


Lion d'or (avers ou droit) de Philippe VI (1328-1350) : le roi, couronné, est assis dans une stalle gothique, avec baldaquin. Il tient un sceptre long de sa main droite, un court de sa main gauche. Ses pieds sont posés sur un lion à gauche .
Lion d’or (avers ou droit) de Philippe VI (1328-1350) : le roi, couronné, est assis dans une stalle gothique, avec baldaquin. Il tient un sceptre long de sa main droite, un court de sa main gauche. Ses pieds sont posés sur un lion à gauche .

Le nom de gabelle, dans son premier sens, est donné à toute espèce d’impôt indirect, avant qu’il ne désigne la taxation spécifique sur le sel. C’est probablement l’imposition la plus détestée par le peuple, mais qui est la source d’importants revenus pour le royaume.

Le monopole du sel est établi en 1342 par Philippe VI. L’Etat seul peut vendre cette marchandise, au prix qui lui convient, et imposer la quantité à acheter. Comme dans bien d’autres cas, les nobles en sont dispensés, d’où l’importance de pouvoir « faire preuve de sa noblesse » pour ces derniers, et de débusquer les fraudeurs pour la royauté.

Lion d'or (revers) de Philippe VI (1328-1350) montrant une croix quadrilobée, feuillue et fleurdelisée, dans un quadrilobe tréflé cantonné de quatre couronnelles.
Lion d’or (revers) de Philippe VI (1328-1350) montrant une croix quadrilobée, feuillue et fleurdelisée, dans un quadrilobe tréflé cantonné de quatre couronnelles.

Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9626016, page 1, vue 5/16, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnances, reglemens et arrests justificatifs du droict de franc-salé deub aux officiers des gabelles, 8 pages, in-4°, 1624, texte numérisé d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-23459.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9626016, page 1, vue 5/16, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnances, reglemens et arrests justificatifs du droict de franc-salé deub aux officiers des gabelles, 8 pages, in-4°, 1624, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-23459.

Le cas de la Champagne est assez particulier pour être signalé.  Les élections[1] de Reims et de Sainte-Menehould sont des pays de grande gabelle[2]. Le Hainaut et la Principauté de Sedan constituent des « zones franches », et en sont exemptés. Quant au Rethélois, il a un régime spécial : il est pays de « franc salé ». Il bénéficie donc du droit de prendre à la gabelle une certaine quantité de sel sans payer la taxe afférente.



[1] Division administrative d’une intendance.

[2] Le prix du sel y est élevé. Un minimum d’achat annuel est imposé. Dans les pays de petite gabelle, le sel est meilleur marché, et sa consommation plus libre.


Rijksmuseum (Amsterdam), numéro d'inventaire RP-P-1909-5787, Guillaume Vallet (1632–1704), Portrait de Louis IV de Gonzague-Nevers, gravure, papier, 304 mm × 208 mm, notice descriptive consultable en ligne.
Rijksmuseum (Amsterdam), numéro d’inventaire RP-P-1909-5787, Guillaume Vallet (1632–1704), Portrait de Louis IV de Gonzague-Nevers, gravure, papier, 304 mm × 208 mm, notice descriptive consultable en ligne.

Jusqu’à la mort du duc Louis IV de Gonzague-Nevers, la région bénéficie de ce privilège que lui enlève le roi Henri IV. Devant les protestations de la population, il est rétabli en 1612.  En 1680, une ordonnance maintient les anciennes franchises du duché, à condition que les habitants se procurent le sel dans les magasins indiqués, soit Rethel, Donchery, Mézières (uniquement approvisionnés en sel blanc).


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8445425, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, une feuille, 27 x 36 cm, datée du règne de Louis XVI, image numérisée d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GED-6510.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8445425, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, une feuille, 27 x 36 cm, datée du règne de Louis XVI, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GED-6510.

Les quantités à acheter dépendent du lieu où l’on habite. Mais elles varient parfois aussi en fonction d’événements plus ponctuels comme l’incendie, la grêle, l’augmentation du nombre de feux[1] dans un village, etc.

Les gabelles et les traites foraines (impôt perçu sur la circulation des marchandises) sont régies par trois directeurs, dont dépendent les bureaux de Châlons, Troyes, Sedan. Ces derniers contrôlent plusieurs élections. Celui de Châlons surveille celles de Châlons, Reims, Vitry, Epernay, Sainte-Menehould, Joinville et Sézanne.


[1] Foyers.


Bibliothèque nationale de France, document numérique, page non paginée, vue 13/580, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d'après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d'Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].
Bibliothèque nationale de France, document numérique, page non paginée, vue 13/580, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d’Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].

Cette même direction de Châlons comporte neuf greniers à sel, trente-huit bureaux de traites foraines, deux bureaux et neuf entrepôts pour le tabac[1]. Les neuf greniers à sel se doivent de fournir la quantité de cinq cent-cinquante-six muids[2], un setier[3] et un minot[4] et demi de sel, dont le produit, par année, représente la somme de 1 230 000 livres. Ils n’ont pas tous le même statut : quatre sont de « ventes volontaires » : les achats peuvent s’y faire à n’importe quel moment de l’année. Les cinq autres sont « d’impôts ».

Tableau comparatif des paiements de la gabelle à La Romagne, Montmeillant, Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d'après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d'Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].
Tableau comparatif des paiements de la gabelle dans trois communes limitrophes : La Romagne, Montmeillant, Aubenton.

C’est à cette dernière catégorie qu’appartient celui de Château-Porcien (dont dépendent La Romagne et Montmeillant), tandis que celui d’Aubenton couvre par exemple les villages de Rocquigny et de Saint-Jean-aux-bois[5].


[1] Bibliothèque du Sénat, 3FPM0956 [remplace la cote Ancien 9351], notice descriptive consultable en ligne sur le Catalogue collectif de France (CCFr), Larcher, Michel (intendant), Mémoire sur la généralité de Champagne, 1695, 230 pages (Mémoires sur diverses généralités, tome I, XVIIIe siècle, 350 sur 240 mm, reliure de parchemin vert, manuscrit n° 956).

[2] Mesure de capacité des grains et des liquides.

[3] Mesure pour les grains et les matières sèches.

[4] Mesure utilisée autrefois pour les matières sèches (farine, graines, etc.).

[5] Bibliothèque nationale de France, document numérique, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d’Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].


La ville de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 235, vue 238/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
La ville de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 235, vue 238/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Le grenier à sel de Château-Porcien remonterait à 1397, et son découpage aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il couvre une surface de mille cent km2 et comprend quatre-vingt-seize paroisses. Il est imposé dans son ensemble en 1724 à quarante-six muids et deux setiers. Il confine au midi par une pointe avec celui de Reims, au sud-ouest avec celui de Cormicy. Tous deux sont « de vente volontaire ». Au nord-ouest, il jouxte ceux de Marle et d’Aubenton, qui sont « d’impôt ». Il est alimenté en sel gris, transporté depuis la mer par la Seine, l’Oise ou l’Aisne.

Le corps des officiers du grenier à sel de Cormicy et Jean le Brun, conseiller du roi, premier grènetier au grenier à sel de Cormicy. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, p. 164, vue 167/558, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Le corps des officiers du grenier à sel de Cormicy et Jean le Brun, conseiller du roi, premier grènetier au grenier à sel de Cormicy. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 164, vue 167/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Jean Buneau, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Jean Buneau, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Divers emplois dans les greniers à sel sont des offices que l’on achète : ces charges concernent les receveurs, les grènetiers, les contrôleurs, les procureurs du roi et les greffiers. Certains de ces offices peuvent atteindre la somme de 4 000 livres, mais le montant dû est fonction de la place occupée dans la hiérarchie.


Philippe Bouron, contrôleur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, p. 450, vue 453/558, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Philippe Bouron, contrôleur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 450, vue 453/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

En 1666, Antoine Delamer, avocat en Parlement, se voit octroyer par lettres patentes l’office de contrôleur alternatif au grenier à sel de Château-Porcien[1]. Il est précédé dans cette charge par Quentin Carlier. De même, Pierre Blondelot succède sur recommandation du sieur d’Espinoy de Loonny[2] à Jacques Robin comme procureur au grenier à sel de Château-Porcien[3].


[1] Archives nationales, site de Paris, Z1A 564 n° 553 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789].

[2] Conseiller à la cour du Parlement de Metz.

[3] Archives nationales, site de Paris, Z1A 571 n° 876 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789].


Pierre Martin Andru, procureur du roi au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 296, vue 299/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Pierre Martin Andru, procureur du roi au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 296, vue 299/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

Il est important d’appartenir à un réseau relationnel pour l’obtention d’un office. Ce n’est pas le seul critère, puisque les liens familiaux jouent aussi un rôle.

Ceci apparaît bien dans la lettre de provision nommant Nicolas Sohier à l’office de conseiller-procureur à la place de Etienne Delpierre, qui se serait démis à son profit. L’acte précise que le second est le beau-frère du premier[1].

La nomination de Pierre Antoine Devie, avocat en Parlement, montre un autre exemple de transmission entre proches : étant son seul fils et héritier, il succède à son père à l’office de conseiller du roi grènetier que celui-ci détenait[2].


[1] Archives nationales, site de Paris, Z1A 603 en date du 30/04/1752 et du 30/09/1752 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789].

[2] Même cote.


Claude Tenelle de Saint-Remi, commissaire examinateur enquêteur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 452, vue 455/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Claude Tenelle de Saint-Remi, commissaire examinateur enquêteur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 452, vue 455/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

De même, le 1er janvier 1750, Jean Petit, titulaire de l’office de sergent royal au grenier à sel de Château-Porcien, le vend à Charles Mangin pour la somme de 80 livres. Six ans plus tard, la veuve de ce dernier revend cet office à Guy Gruslet, marchand, pour la somme de 400 livres[1]. Ce qui démontre que, malgré l’inflation, un office prend une certaine valeur.


[1] Archives départementales des Ardennes, C 962 et C 968, inventaires sommaires [série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 546-2428 = suppléments à la série C, cotes C 936-1050 = administration des domaines, généralité de Châlons, bureau de Château-Porcien, contrôle des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles et institutions laïques, centième dernier, 1710-1791].


Le corps des officiers du grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 162, vue 165/558, consultable en ligne sur Gallica Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Le corps des officiers du grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 162, vue 165/558, consultable en ligne sur Gallica Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

A Château-Porcien, le bâtiment qui porte le même nom que la division administrative se compose de trois chambres, dont deux peuvent contenir jusqu’à quatre-vingt-dix muids et la troisième mille deux cents sacs. La distribution du sel d’impôt se fait tous les huit premiers jours de chaque quartier[1].


[1] Trimestre.


La ville d'Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 506, vue 513/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. XXXII Soissons, 1701-1800, manuscrit en français, 556 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32259.
La ville d’Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 506, vue 513/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. XXXII Soissons, 1701-1800, manuscrit en français, 556 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32259.

Le grenier d’Aubenton est borné par les terres du Luxembourg, de Liège, de la principauté de Chimay, par le Hainaut français et le grenier de Vervins[1]. Il est donc très proche de la frontière.


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 23920, 1725, 897 pages [cotes Français 23917-23925 = états de dénombrement des ressorts des gabelles (1725-1726), division IV = directions d’Amiens, Saint-Quentin, Soissons, Châlons et Langres].


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8604806, page non paginée, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Déclaration qui ordonne une augmentation sur chaque minot de sel qui se distribue aux officiers qui jouissent du droit de francsalé, 1745, In-4°, 3 pages, image numérisée d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21138 (90).
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8604806, page non paginée, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Déclaration qui ordonne une augmentation sur chaque minot de sel qui se distribue aux officiers qui jouissent du droit de francsalé, 1745, In-4°, 3 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21138 (90).

Les ménages sont contraints d’acheter un minot de sel de cent livres pour dix ou onze personnes. Les enfants de moins de huit ans sont exclus du décompte dans les greniers à sel d’impôt. Au contraire, dans les greniers à sel de vente volontaire, un minot était imposé pour quatorze personnes. Montmeillant est imposé à dix minots, Rocquigny à quarante-six minots.

La perception et la vente sont assurées au sein de chaque paroisse par des collecteurs choisis à tour de rôle parmi les chefs de famille contribuables. Ils dressent des rôles[1], qui servent d’éléments de comparaison pour contrôler les données[2] de la même manière que pour les tailles. Ces collecteurs doivent acheter le sel de leur communauté en quatre fois, et réaliser au mieux la répartition, en tenant compte des facultés et du nombre de personnes de chaque famille.


[1] Attesté au XIIIe siècle, le terme rolle (rôle en orthographe modernisée) désigne une liste, une énumération détaillée.

[2] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LC20-132, Hussenet, Jacques, « Démographie ardennaise : l’exemple du grenier à sel de Château-Porcien », in Revue historique ardennaise, Charleville-Mézières : Fédération des sociétés savantes des Ardennes, 1969-, tome XXIX, année 1994, pages 181-193 [Nota bene : ce périodique est publié depuis 1969 à Charleville-Mézières par la Fédération des sociétés savantes des Ardennes, la Société d’études ardennaises (devenue la Société d’histoire des Ardennes) et la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais. Il ne saurait être confondu avec le bimestriel du même nom, édité entre 1894 et 1914, et qui est un titre mort].


Louis Oudart, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l'édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Louis Oudart, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.

La distribution se fait dans la deuxième huitaine du quartier, et le sel doit être payé, pour moitié six semaines après, et pour l’autre moitié au quartier suivant. En cas d’insolvabilité des contribuables, le collecteur peut faire saisir les meubles par saisie-exécution. Si lui-même est insolvable, le receveur[1] le poursuit par commandement.


[1] Bibliothèque Mazarine, fonds général, Ms. 2838 [ancienne cote Ms. 1563], XVIIIe siècle, papier, 353 × 240 mm, Procès-verbal des tournées faites dans les directions de Châlons-sur-Marne, Charleville et Langres, par M. de Villemur, fermier général, pendant les 5 et 6e années du bail de M. Jacques Forceville, 1743 et 1744, notice descriptive consultable sur Calames, le catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur.


Musée national des douanes (Bordeaux), identifiant MND_985.36.1, anonyme (école française de peinture), Intérieur d'un grenier à sel, XVIIIe siècle, notice descriptive consultable en ligne sur la plateforme numérique Europeana.
Musée national des douanes (Bordeaux), identifiant MND_985.36.1, anonyme (école française de peinture), Intérieur d’un grenier à sel, XVIIIe siècle, notice descriptive consultable en ligne sur la plateforme numérique Europeana.

Au siège du grenier à sel, un registre sexté[1], divisé par paroisse et comportant le nom des paroissiens exemptés ou non, permet de contrôler et de connaître ceux qui n’auraient pas levé la quantité de sel prescrite.

A partir de 1710, une publication est faite dans chaque paroisse, tous les six mois, afin d’avertir les paroissiens de la quantité de sel qu’ils doivent acheter. Ils sont alors contraints de s’en acquitter dans les quinze jours, sous peine d’amende.


[1] Utilisé pour une durée de six ans.


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8493188, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, image numérisée d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GE D-15315.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8493188, consultable en ligne sur Gallica, carte des gabelles, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Cartes et plans, GE D-15315.

Comme la même loi ne règne pas sur toute la province, de nombreux trafics s’ensuivent, d’autant que les greniers de Château-Porcien et d’Aubenton sont assez proches de celui de Rethel. Pour essayer d’enrayer ceux-ci, chaque grenier à sel dispose d’une brigade ambulante comprenant au moins une dizaine d’hommes (brigadier, sous-brigadier et gardes), qui tentent d’empêcher le faux-saunage[1].

Ce dernier est très difficile à éradiquer, quoique considéré comme un crime. A partir de 1706, on assiste même à une recrudescence de la contrebande. La troupe est appelée en renfort pour réduire les foyers de faux-saunage durant tout l’été et l’automne.


[1] Contrebande du sel.


Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9791236, page non paginée, vue 1/24, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnance du roy, pour renouveller les défenses à tous gens de guerre, sur le commerce du faux sel, du faux tabac & des marchandises de contrebande, Paris : Imprimerie royale, 1743, 23 pages, in-4°, texte numérisé d'après l'original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21805 (50).
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9791236, page non paginée, vue 1/24, consultable en ligne sur Gallica, Ordonnance du roy, pour renouveller les défenses à tous gens de guerre, sur le commerce du faux sel, du faux tabac & des marchandises de contrebande, Paris : Imprimerie royale, 1743, 23 pages, in-4°, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21805 (50).

Les sanctions prévues ne sont pas dissuasives, malgré leur sévérité qui prend diverses formes telles :

  • les amendes qui atteignent la somme considérable de trois cents livres, voire beaucoup plus ;
  • la flétrissure et la condamnation aux galères ;
  • le bannissement hors du royaume ;
  • une condamnation à mort en cas de récidive[1].

[1] Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Cinq cents de Colbert 251, Recueil des editz et déclarations faictes par le Roy depuis le mois de novembre 1661 jusques au dernier avril 1667, ensemble d’aucuns éditz et déclarations qui n’ont esté registrées que depuis ladite année 1661, XVIIe siècle, papier, 672 feuillets, in-folio, reliure de veau raciné, aux armes et au chiffre de Colbert, avec les colliers des Ordres, manuscrit en français, division Contre les faux-saulniers, 1664, folio 123.


Musée national de la marine (Paris), numéro d'inventaire 3 MG 2, galère ordinaire armée en réale, maquette de bateau, coque ancienne du XVIIIe siècle transformée à l'atelier du musée naval du Louvre entre 1830 et 1837, modèle au 1/16,5, notice consultable en ligne sur le portail des collections.
Musée national de la marine (Paris), numéro d’inventaire 3 MG 2, galère ordinaire armée en réale, maquette de bateau, coque ancienne du XVIIIe siècle transformée à l’atelier du musée naval du Louvre entre 1830 et 1837, modèle au 1/16,5, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections.

Deux habitants de Saint-Jean-aux-Bois, Bonnefoy et Picart, connaissent la rigueur de cette répression. Ils sont condamnés le 10 juillet 1766 en la chambre criminelle du Palais présidial à Reims à « servir sur les galères du roi après avoir été flétri sur l’épaule dextre d’un fer chaud à l’empreinte des lettres GAL et à 1000 livres d’amende envers l’adjudicataire général des fermes du roi ».

Cette condamnation est donnée pour la saisie de quatre-vingt-quatre livres huit onces de faux-tabac et cent quatre-vingt-cinq livres de faux-sel saisies le 18 juin 1766. Les deux protagonistes cités font partie d’une bande de cinq individus. Le procès ne dit rien à propos des trois derniers[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 9J 262 [série J = archives d’origine privée (entrées par voies extraordinaires : achats, dons, legs ou dépôts), sous-série 9J = collection de Jules Lefranc, historien local et collectionneur (1869-1953), articles 9J 245-268 = documents divers concernant les communes d’Annelles (découvertes archéologiques), Attigny, Bazeilles (guerre de 1870), Charleville, Château-Regnault, l’abbaye d’Elan, Givet, Grandpré, Les Mazures, Mohon, Le Mont-Dieu, Neuvizy, Poix-Terron, Rethel, Sainte-Vaubourg, Saint-Jean-aux-Bois, Sedan, (protestantisme), la Taillette, Tourteron, Vaux-en-Champagne, Voncq et Vouziers].


Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8601842, page 3, vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica, Édit portant peine de mort contre les voituriers qui auront volé du sel registré en la Cour des Aydes, Paris : E. Michallet, 1696, in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21050 (34).
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8601842, page 3, vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica, Édit portant peine de mort contre les voituriers qui auront volé du sel registré en la Cour des Aydes, Paris : E. Michallet, 1696, in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21050 (34).

Les voituriers qui transportent ce sel sont aussi très surveillés. Lorsqu’ils sont convaincus de soustraction (après avoir décousu, déficelé ou déplombé les sacs), ils sont condamnés à être pendus et étranglés comme des voleurs domestiques. Quant à leurs biens, ils sont confisqués au profit du roi[1].


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8601842, Édit portant peine de mort contre les voituriers qui auront volé du sel registré en la Cour des Aydes, Paris : E. Michallet, 1696, in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21050 (34), page 3, vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica.


Bibliothèque nationale de France, document numérique IFN-8610019, page 1, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Arrêt du conseil d'Etat qui ordonne qu'à commencer au 1er janvier 1711, il sera fait diminution de trois livres par minot sur le sel d'impôt, s. l. n. d., in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21064 (128).
Bibliothèque nationale de France, document numérique IFN-8610019, page 1, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Arrêt du conseil d’Etat qui ordonne qu’à commencer au 1er janvier 1711, il sera fait diminution de trois livres par minot sur le sel d’impôt, s. l. n. d., in-4°, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21064 (128).

Parallèlement à ces mesures impopulaires, une diminution de l’imposition des greniers à sel d’impôt est décidée par le roi[1] à partir du 1er janvier 1711, la situation économique de l’époque étant assez difficile. La période est marquée par une forte mortalité, de faibles récoltes, et le terrible hiver de 1709.

En 1712, une lettre adressée à l’intendant de Champagne montre que la réduction d’un sixième, ordonnée l’année précédente, n’a pas eu l’effet escompté. Elle n’a pas été « un soulagement proportionné à l’accablement des peuples » et, afin d’obtenir une nouvelle baisse, l’auteur de la lettre met en avant les efforts que font ces derniers depuis longtemps pour « aider le roi ». Le grenier à sel de Château-Porcien qui est imposé à deux mille deux cent seize minots ne l’est plus qu’à mille cinq cents[2].


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique IFN-8610019, consultable en ligne sur Gallica, Arrêt du conseil d’Etat qui ordonne qu’à commencer au 1er janvier 1711, il sera fait diminution de trois livres par minot sur le sel d’impôt, s. l. n. d., in-quarto, 4 pages, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21064 (128).

[2] Archives nationales, site de Paris, G7 236 [série G = administrations financières et spéciales, sous-série G7 = contrôle général des finances, articles G7 71 à 531 = lettres originales adressées au contrôleur général des finances par les intendants des généralités, 1678-1747, cotes G7 223 à 238 = fonds intéressant la Champagne (Châlons-sur-Marne), 1677-1738], Extrait des dénombrements fournis par les sieurs subdélégués de la Généralité de Châlons.


Musée de la Révolution française (Vizille, Isère), établissement affectataire de l'œuvre, numéro d’inventaire 1987-107, David, Jacques Louis, Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne ( 1756-1827), député de Châlons-sur-Marne aux Etats généraux, peinture, huile sur toile, vers 1791, 380 mm × 315 mm, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections du département de l'Isère, institution propriétaire.
Musée de la Révolution française (Vizille, Isère), établissement affectataire de l’œuvre, numéro d’inventaire 1987-107, David, Jacques Louis, Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne ( 1756-1827), député de Châlons-sur-Marne aux Etats généraux, peinture, huile sur toile, vers 1791, 380 mm × 315 mm, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections du département de l’Isère, institution propriétaire.

La suppression de la gabelle est l’une des demandes les plus fréquentes dans les cahiers de doléances. Elle disparaît une première fois à la suite d’un vote de l’Assemblée Constituante en 1790, sous l’impulsion du député Prieur de la Marne. Mais un impôt sur le sel est rétabli en 1806, avec une collecte unifiée, puis sporadique durant tout le XIXe siècle. Il est définitivement supprimé en 1945.

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Elevage et pâturage à La Romagne


Agneaux et brebis, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Agneaux et brebis des Ardennes, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’élevage se pratique sur des terres privées pour les laboureurs les plus aisés, ou sur les terres de la communauté pour la plus grande partie des habitants. Ces communaux comprennent aussi bien des prés que des bois comme zone de parcours pour le bétail.


Pâtures, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pâtures ardennaises, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La communauté villageoise régit par divers règlements[1] les vaines pâtures, un très ancien droit coutumier qu’ont les habitants d’une même commune de faire paître les bestiaux et les troupeaux sur les héritages des uns et des autres, à condition qu’il n’y ait ni semences ni fruits. Ce droit permet au bétail de circuler sur les chaumes après la récolte, et de fertiliser la terre. Les moutons ne peuvent être menés aux vaines pâtures que « dans les pasquis et versaines trois jours seulement après la récolte ».


[1] Les citations en italique sont tirées de ces derniers, sauf mention contraire.


Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), 2004.0.58.7, machine de Madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, les jumeaux, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 907.19.234, Troyon, Constant, Rentrée de troupeau, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Le village veille aussi au respect des différentes règles concernant les troupeaux, de manière à ce que « personne ne laisse sortir les bêtes de l’étable pour les champs que les pastres n’aient sonné du cor », puisque le bétail ne peut être envoyé à la pâture « qu’après que la messe de paroisse aura été dite », sauf de Pâques jusqu’en septembre où le « bestail » peut partir au jour et revenir à huit heures à l’étable.


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 907.19.337, Millet Jean-François, Berger gardant son troupeau, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 907.19.337, Millet, Jean-François, Berger gardant son troupeau [détail], notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Le berger est responsable dans tous les cas des dégâts que font ses bêtes, et doit en répondre. Simon Suant, berger communal de La Romagne en 1751, se trouve ainsi mis en cause dans un procès pendant[1] en la baronnie de Chaumont  par Brice Bolle, fermier de La Binotterie, car ses « bêtes à laine ont fait des dégâts dans un jardin à lui appartenant et aux haies de celui-ci ». Il est condamné à payer à ce laboureur 27 livres pour tous dépens, dommages et intérêts[2].


[1] Une affaire est dite pendante lorsqu’un tribunal a été saisi et que la cause n’a pas encore été jugée.

[2]  Archives départementales des Ardennes, 3E 3666 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, cotes 3E 3540-4093 = archives notariales de Château-Porcien].


Agneaux et brebis des Ardennes, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Agneaux et brebis des Ardennes, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les villageois dénoncent également les abus qui pourraient exister concernant les troupeaux à part. Ceux-ci sont expressément défendus, quelle que soit la qualité des personnes les possédant. Or, le jour où cette règle n’est pas respectée (on est en 1740), la communauté de La Romagne[1] assigne, par l’intermédiaire de François Godard, sergent en la justice de la baronnie et gruerie de Chaumont-Porcien, trois habitants : Nicolas Monnoye, Jeanne Charlier (veuve de Pierre Boudié) et Pierre Canon doivent comparaître devant le bailli afin de se voir interdire de faire « troupeau à part et condamner à 500 livres de dommages et intérêts envers ladite communauté et aux dépens pour la contravention par eux faite aux ordonnances[2] ».


[1] Représentée par Louis Lebrun, Thomas Devie, François Merlin, Pierre Gagnaire, Pierre Devie et Jean Courtois.

[2] Archives départementales des Ardennes, 7J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection Guelliot, érudit local].


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 936.15.103, Brascassat, Jacques-Raymond, Taureau, vaches et moutons au pâturage, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 936.15.103, Brascassat, Jacques-Raymond, Taureau, vaches et moutons au pâturage, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Ce droit de vaine pâture, loin de disparaître avec la Révolution, est au contraire réglementé par deux lois (du 6 octobre 1791 et du 25 octobre 1795). Elle se maintient tout au long du XIXe siècle, comme le rappelle le maire lors d’une délibération : « Depuis un temps immémorial, les bêtes à laine et le gros bétail, d’après un droit acquis résultant d’une coutume locale et suivant un usage constant et suivi ont toujours joui du droit de parcours et de vaines pâtures sur les prés naturels de La Romagne dépouillés de leur récolte jusqu’en 1849[1] ».


[1] Archives départementales des Ardennes, délibération du conseil municipal en date du 7 août 1864.


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 936.15.40, Brascassat, Jacques-Raymond, Moutons et brebis au pâturage, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 936.15.40, Brascassat, Jacques-Raymond, Moutons et brebis au pâturage, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Cette année-là, les terres des gorges du Ribouré sont attribuées aux particuliers pour la vaine pâture des moutons, alors que les terres du ruisseau Commelet, du Vertillon, de la Fontaine aux Grues et la Rouge Cotte reviennent au berger communal. L’année suivante, la vaine pâture change de lieu, et le troupeau communal se retrouve sur les terres du Saule Notre-Dame, le Pré Haut du Vertillon et une partie de la Hoëtte. En dehors de cette vaine pâture, la commune attribue des terres qui vont du chemin de Draize aux prés du Pont Canel pour les volailles.


Musée national des beaux-arts du Québec, numéro d'inventaire 1968.202, Walker, Horatio, Un attelage de bœufs, huile sur carton produite probablement en 1900, notice consultable en ligne.
Musée national des beaux-arts du Québec, numéro d’inventaire 1968.202, Walker, Horatio, Un attelage de bœufs, huile sur carton produite probablement en 1900, notice consultable en ligne.

C’est en 1889 que la vaine pâture sera officiellement abolie, tout en laissant au conseil municipal de la commune le pouvoir de la rétablir, à condition de déterminer l’époque où elle débute et prend fin, les lieux sur lesquels elle s’établit et la part de chaque espèce[1] .

Cette vaine pâture peut être suspendue en cas d’épizootie, de dégel ou de pluies torrentielles. C’est ainsi qu’elle subsiste encore quelques années dans le village. En effet, et en raison de la transformation de l’agriculture, des aménagements sont décidés par le conseil. Ce dernier propose que les « bas prés soient réservés au gros bétail et les hauts prés pour les bêtes à laine qui trouveront ainsi à se rafraîchir ».


[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 21, Meyrac, Albert [et alii] ; « La Vaine Pâture », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, partie 1/3, n° 3262, mercredi 22 janvier 1890, p. 2-3 [presse locale ancienne, vues 2/4 et 3/4, consultables en ligne] ; partie 2/3, n° 3263, jeudi 23 janvier 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne] ; partie 3/3, n° 3264, vendredi 24 janvier 1890, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne].


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 936.15.41, Brascassat, Jacques-Raymond, Trois moutons, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 936.15.41, Brascassat, Jacques-Raymond, Trois moutons, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Les vaines pâtures permettent à tous les habitants, propriétaires ou non, de faire paître des bêtes. Pour cela, les propriétaires qui veulent user de ce droit doivent abandonner des surfaces en fonction du nombre et de la qualité des bêtes qu’ils veulent y mettre, alors que tout chef de famille même non propriétaire a le droit à six bêtes à laine, une vache et son veau.


Quelle que soit la nature du troupeau, sa conduite et sa surveillance sont réglementées et confiées à un berger communal choisi par la communauté villageoise, puis par la suite recruté par la municipalité. Ces troupeaux génèrent également des activités autres, tels les peigneurs de laine (Nicolas Goulart en 1702 ou Nicolas Renaulx, qualifié de « lainier » en 1720).

Années des emploisNoms des bergers
1693Jean Langlet
1694Jacques Douet (ou Douette)
1702Pierre Langlet
1714Jean Sonnet et Nicolas Lefébure (ou Lefèvre)
1720Pierre Langlet et Michel Osselet
1725-1731Nicolas Hezette
1742Pierre Vuilmet (ou Vuillemet)
1752Jean Deschamps et Jean Gouverneur
1762-1774Antoine Hezette
Dès le XVIIe siècle, les troupeaux de La Romagne sont gérés de façon communautaire.

Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 998.4.1, Guéry, Armand, Bergerie champenoise, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 998.4.1, Guéry, Armand, Bergerie champenoise, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Lorsqu’ils sont au service d’un particulier aisé, les bergers peuvent conduire de petits troupeaux d’une centaine de bêtes. Dans ce cas, ils perçoivent environ 60 livres de gages pour eux seuls, ou 80 avec leurs chiens. Parallèlement, on ne connaît pas la rémunération du berger communal.  Il ne semble pas que des troupeaux particuliers aussi importants existent à La Romagne. Louis Letellier (vers 1750) en a un qui comporte vingt-cinq bêtes et dont il confie la garde, certainement comme d’autres laboureurs, à Nicolas Carbonneaux. En 1771, Jean Rifflet et Brice Bolle ont leur berger particulier. En 1792, Nicolas Fressancourt est le berger de la communauté de La Romagne. En l’an V[1], c’est Jean-Baptiste Fersancourt puis, en 1798, Noël Fersancourt[2].


[1] L’an V du calendrier républicain correspond aux années 1796 et 1797 du grégorien.

[2] Compte tenu de l’orthographe variable de l’époque, on peut penser que Fressancourt et Fersancourt correspondent à une seule et même famille.


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 936.15.39, Brascassat, Jacques-Raymond, Mouton bêlant, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 936.15.39, Brascassat, Jacques-Raymond, Mouton bêlant, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

L’enquête réalisée à la demande de l’intendant de Champagne dans la subdélégation de Château-Porcien[1], à laquelle La Romagne est rattachée, permet d’en savoir un peu plus sur cet élevage et sur les maladies qui peuvent atteindre le cheptel. Cet animal, désigné communément mouton de Champagne, pèse en moyenne vingt-six livres, ce qui est nettement inférieur à un mouton gras qui, lui, peut peser jusqu’à trente-deux livres. Sa taille est d’un pied et sept pouces et demi. Il n’est cependant pas d’usage dans cette subdélégation d’élever les moutons pour les engraisser et les revendre dans les foires.


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 432 [série C = administrations provinciales, articles C 431-432 = intendance de Champagne, fonds concernant les cultures, les bêtes à laine (1756-1789)].


Le coquelicot (Papaver rhoeas) appartient à la famille des Papavéracées et porte (entre autres) le nom vernaculaire de pavot des champs.
Le coquelicot (Papaver rhoeas) appartient à la famille des Papavéracées et porte (entre autres) le nom vernaculaire de pavot des champs.

Lorsque ces animaux paissent à l’extérieur, les lieux où poussent le pavot, le chéon[1], la trudaine[2] et les sénés sont bons pour eux. Mais aussi pour l’amendement de la terre, qu’ils fument directement. L’hiver, ils sont à l’intérieur, et on leur donne du fourrage d’avoine. Les étables sont généralement vidées deux fois durant la saison froide (en décembre puis en mars). Quand il est vendu, le fumier rapporte 5 ou 6 livres par voiture.


[1] Mauvaise herbe à fleurs jaunes.

[2] Espèce de trèfle à fleurs blanches.


Laine de mouton brute (toison non lavée, en suint).
Laine de mouton brute (toison non lavée, en suint).

Les moutons champenois ne présentent aucune marque distinctive, si ce n’est que certains spécimens ont le ventre chauve, alors que leurs congénères l’ont garni de laine. Cette dernière existe en deux qualités : la fine, que l’on prend sur les flancs et le dos, et la grosse que l’on prend aux cuisses. Cette dernière peut être vendue « en suint » aux environs de 17 sols la livre et, lavée, environ 23 sols pour la même quantité. Elle est acheminée vers Rethel ou Reims, où l’on fabrique des étoffes de qualité moyenne comme certains draps, des espagnolettes[1], des dauphines[2] ou des serges.


[1] Sorte de ratine (étoffe de laine).

[2] Nom d’un petit droguet (étoffe ornée d’un motif) de laine.


Laine de mouton lavée (débarrassée de son suint).
Laine de mouton lavée (débarrassée de son suint).

A La Romagne, le but de l’élevage n’est pas de produire de la viande, mais de la laine : au milieu du XIXe siècle, les deux cent soixante-dix kilos stockés dans le grenier de la ferme Merlin sont estimés à 1300 francs.


2007.0.664
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 2007.0.664, Brascassat, Jacques-Raymond, Brebis et son agneau, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Tout cela n’est possible que si les bêtes échappent à certaines maladies bien spécifiques[1] comme l’araignée[2], le claveau[3] ou le criquet[4]. Pour éviter ces maux, les préoccupations concernant l’hygiène (dont on s’occupe davantage depuis le XVIIIe siècle) s’attachent à éviter que des foyers d’infection ne se constituent dans les bergeries et ne se propagent à tout un village. Les moyens de désinfection sont encore très rudimentaires.


[1] Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], feuillets 53 et suivants.

[2] Maladie qui se manifeste par un gonflement de la tête et des oreilles accompagné d’un dégoût de toute pâture.

[3] Maladie due à un poxvirus, qui se traduit par une fièvre élevée, un écoulement des yeux et du nez.

[4] Maladie qui atteint les moutons, et pousse les bêtes à se manger les pattes.


Pour le XIXe siècle, sans que ce tableau ne soit exhaustif, les différents bergers communaux et particuliers sont :

AnnéesNoms des bergers
1817Jean Louis Roncin
1819Antoine Charles Liverniaux (64 ans)
1826Jean-François Gaudinart
1833Jean-Baptiste Carbonneaux (berger communal cette année-là)
1834Jacques Auguste Mauroy et Pierre Nicolas Durand
1844Basile Bonhomme
1850François Chrétien
1853Nicolas Carbonneaux
Date non préciséeJean Baptiste Noël
1854Pierre Hubert Roncin (berger communal)
Date non préciséePierre-Louis Delaître (berger communal)
1857Sébastien Lebrun (berger communal)
1865Jean-François Ingebos (berger communal)
1866Louis Dupont
1867Louis Sonnet
1869Jean-Baptiste Georges
1871Denis Ingebos
Avant 1875Jean-Baptiste Fay
1880Augustin Lacour
1888Pierre Emile Noël
Les bergers communaux sont chargés de la dépaissance (action de paître ou de faire paître les bestiaux).

Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 936.15.612, Brascassat, Jacques-Raymond, Agneau et études de tête et de patte, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 936.15.612, Brascassat, Jacques-Raymond, Agneau et études de tête et de patte, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Il est à noter que l’on trouve un troupeau assez important à la ferme Merlin, avec deux cent soixante-dix têtes réparties en béliers, agneaux, brebis, moutons et antenais[1] dont des bergers prennent soin jour et nuit : l’inventaire après décès signale que dans les bergeries se trouvent des lits avec draps, couvertures, etc.


[1] Agneaux ou agnelles âgés de douze à quinze mois.


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 2007.0.621, Brascassat, Jacques-Raymond, Chevreaux au bord d'une rivière, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 2007.0.621, Brascassat, Jacques-Raymond, Chevreaux au bord d’une rivière, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Avec la fin de la seconde guerre mondiale et les transformations de l’industrie lainière de Reims qui vont suivre, l’élevage ovin disparaît à La Romagne. Seul un tiers était alors destiné à la boucherie. Le tout petit élevage caprin (pas plus de cinq à sept chèvres) semble avoir été très sporadique. Il s’éteint lui aussi.


Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d'inventaire 922.15.8, Troyon, Constant, Vache paissant près dune rivière bordée de saules, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 922.15.8, Troyon, Constant, Vache paissant près dune rivière bordée de saules, notice consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

La présence de bovins se trouve attestée dans de nombreuses familles villageoises, qui en possèdent en général un à cinq. On ne peut donner leur race, les descriptions qui en sont faites se contentant de donner la couleur du poil : ainsi en est-il pour trois des quatre vaches âgées de quatre à quatorze ans possédées par Louis Letellier, dont deux sont « à poil noir » et une « à poil rouge ». Souvent, une ou plusieurs vaches sont données et inscrites parmi les donations faites lors de la signature d’un contrat de mariage.


Palazzo Pitti (Florence), Galleria Palatina, numéro d'inventaire 42 (1912), Le Pérugin, Marie-Madeleine [Maria Maddalena en italien], huile sur bois de la Renaissance italienne (1500 environ). Fêtée le 22 juillet, Marie-Madeleine est (entre autres) la patronne des gantiers et des tanneurs.
Palazzo Pitti (Florence), Galleria Palatina, numéro d’inventaire 42 (1912), Le Pérugin, Marie-Madeleine [Maria Maddalena en italien], huile sur bois de la Renaissance italienne (1500 environ). Fêtée le 22 juillet, Marie-Madeleine est (entre autres) la patronne des gantiers et des tanneurs.

Une réglementation précise que les vaches doivent être tenues à l’étable depuis Pâques jusqu’à la « Sainte-Magdelaine » (22 juillet) et ne point passer par les terres grasses après une grosse pluie. Elles ne doivent pas approcher les terres ensemencées plus près que trois verges. Dans tous les cas, le vacher est tenu pour responsable des dégâts.


Les virologues et bactériologistes Friedrich Löffler et Paul Frosch ont découvert en 1898 que la fièvre aphteuse est une maladie virale.
Les virologues et bactériologistes Friedrich Löffler et Paul Frosch découvrent en 1898 que la fièvre aphteuse est une maladie virale.

Le bouvier craint toujours que ses bovins ne tombent malades de langueur ou du laron[1], sans compter que, lorsque ces maladies sont jugulées, il faut traiter la fièvre aphteuse.


[1] Maladie du charbon sans siège déterminé.


Vache des Ardennes, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Vache des Ardennes, repérage topographique des environs de La Romagne effectué le samedi 10 avril 2010. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Ce n’est qu’avec le développement de l’élevage laitier ou boucher que des troupeaux plus importants se forment : en 1773, il n’y a que quatre-vingt-neuf bêtes à cornes pour une population d’environ deux cent cinquante habitants. Un siècle et demi plus tard, la population ayant été divisée par deux, il y en a trois cent vingt, dont deux cents vaches laitières et cent vingt veaux et bœufs produits pour la viande.


Bidon de métal utilisé pour la collecte du lait.
Bidon de métal utilisé pour la collecte du lait.

En 1940, juste avant l’exode, le plus gros troupeau compte trente-six bêtes et se compose de quatorze vaches laitières, quinze bêtes d’un à deux ans, six génisses de plus de deux ans et un taureau.

Compte tenu des déclarations de sinistre faites par les éleveurs après le départ des troupes allemandes, il faut noter leur courage et leur travail pour reconstituer un cheptel qui comptera plus de quatre cents têtes en 1954. Les plus petites laiteries locales ont alors tendance à disparaître. Elles sont remplacées pour le ramassage et le traitement du lait par la laiterie Moreau de Rouvroy-sur-Andy, qui reste minoritaire : la majorité de la collecte est effectuée pour son usine de Résigny par la Sopad (groupe Nestlé). Tous l’appellent plus familièrement alors « la Maggi ».


Museo del Prado (Madrid), numéro d'inventaire P002049, Bosch, Jérôme, la Tentation de saint Antoine, [le Petit saint Antoine], huile sur panneau datée d'après 1490 [mouvement primitif flamand]. Saint Antoine est le protecteur des animaux d’élevage en général et du porc en particulier.
Museo del Prado (Madrid), numéro d’inventaire P002049, Bosch, Jérôme, Tentation de saint Antoine, (Petit saint Antoine), huile sur panneau datée d’après 1490 (mouvement primitif flamand), notice consultable en ligne sur le site officiel du musée. Saint Antoine est le protecteur des animaux d’élevage en général et du porc en particulier.

Le porc et les volailles font partie d’un « élevage familial » : le premier, souvent conservé par salaison, apporte de la viande tout au long de l’année. Pour mieux nourrir les cochons, on les mène à la glandée dans les bois de chênes. Celle-ci fait l’objet d’un bail et d’une mise aux enchères, comme les coupes de bois. L’adjudicataire doit fournir une bonne caution, et s’engager à respecter un certain nombre de règles pour le marquage et la garde des porcs. L’original de la marque est déposé au greffe pour éviter les fraudes.

La glandée est permise durant trois mois, du 1er octobre au 1er janvier[1], alors que dans les forêts royales elle est autorisée jusqu’au 1er février. Tout l’art de cet élevage est d’éviter que les cochons ne soient atteints de la gourme[2] ou du « feu de saint Antoine[3] ».


[1] Archives du Palais princier de Monaco, T 668, ancien 83 [série T = archives du Rethélois et trésor des chartes du duché de Rethel-Mazarin, cotes T 655-672 = partie XIV (baronnie et comté de Rozoy), ensemble de documents concernant Rocquigny (1621-1790)].

[2] Maladie des voies respiratoires très contagieuse.

[3] L’ergotisme affecte l’humain ou les animaux herbivores.


Tuage du cochon dans la cour de monsieur Maurice Druart en 1940  (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).
Tuage du cochon dans la cour de monsieur Maurice Druart en 1940 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).

Par la suite, l’élevage porcin se fait exclusivement à la maison : l’abattage donne lieu à un échange convivial avec le voisinage, car peu de bêtes sont destinées à la boucherie (15% en 1938). On distribue la « charbonnée », composée en partie du boudin (produit fragile qui se conserve peu) et de quelques côtelettes. Cette tradition ne peut avoir lieu lors des deux guerres mondiales, car la possession de deux porcs ou plus entraîne une réquisition. Il n’est possible d’en garder qu’un seul, ce qui n’assure pas toujours la consommation annuelle de la famille.


Le dindon rouge des Ardennes est une race rustique de gallinacé.
Le dindon rouge des Ardennes est une race rustique de gallinacé.

Quant à la basse-cour, elle est assez importante chez les laboureurs. Celle de Louis Letellier comprend plus d’une centaine de gallinacés et « poulets d’Inde[1] », mais le plus souvent c’est une petite basse-cour familiale qui assure la production d’œufs et le nécessaire pour améliorer l’ordinaire.


[1] Nom que l’on donnait autrefois aux dindes.


Les pots émaillés en grès sont utilisés dans les campagnes pour prolonger la conservation des œufs.
Les pots émaillés en grès sont utilisés dans les campagnes pour prolonger la conservation des œufs.

Les ménagères savent conserver le surplus de la production d’été pour faire face à la période hivernale en plongeant ces œufs dans un grand pot de grès contenant du silicate. Elles utilisent à partir des années cinquante un produit se présentant sous la forme d’une savonnette ronde : le combiné Barral (à base de chaux).

Musée de la Vie rurale (Steenwerck), numéro d'inventaire 2018.0.00112, carton de conservateurs pour œufs, combiné Barral, notice consultable en ligne sur le portail de l'association Proscitec (patrimoine et mémoires des métiers).
Musée de la Vie rurale (Steenwerck), numéro d’inventaire 2018.0.00112, carton de conservateurs pour œufs, combiné Barral, notice consultable en ligne sur l’inventaire des musées de l’association Proscitec (patrimoine et mémoires des métiers).

Le coloris des poules rousses (nom générique) varie du plus clair au plus foncé.
Le coloris des poules rousses (nom générique) varie du plus clair au plus foncé.

Cet élevage présent dans presque toutes les familles est parfois « sacrifié », par exemple pour clore les récoltes, pour les repas dominicaux, ceux de la fête patronale (où se retrouvent parents, enfants, petits-enfants), ou pour offrir un repas à toute la famille, venue parfois de loin pour les obsèques de l’un de ses membres.

La volaille est le domaine réservé de la femme : lorsque celle-ci vend au coquassier ambulant des œufs ou quelques poulets, l’argent qu’elle en tire constitue souvent sa cagnotte.

Poule cailloutée (coloris noir panaché de blanc).
Poule cailloutée (coloris noir panaché de blanc).

L'animal aux longues oreilles entre dans plusieurs recettes traditionnelles du terroir ardennais (tourtes, pâtés de croûte, civets).

Pâté de lapin ardennais
L’animal aux longues oreilles entre dans plusieurs recettes traditionnelles du terroir ardennais (tourtes, pâtés de croûte, civets, gibelottes).

Mais il faut croire que ces petites basses-cours sont l’expression d’une trop grande liberté pour les Romanais, car, lors de la seconde guerre mondiale, les Allemands obligent les habitants à en dresser l’inventaire : c’est ainsi que l’un des villageois déclare qu’il a cinq poules pondeuses, un coq et trois lapins[1]. Une richesse probablement intolérable pour ces occupants !


[1] Archives départementales des Ardennes, 10O, [série O = administration et comptabilité communales, sous-série 10O = dossiers d’administration communale].

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Cours d’eau et cultures humides à La Romagne


Ruisseau du Moulin Garot (vue générale), repérage des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ruisseau du Moulin Garot (vue générale), repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La Romagne a un réseau hydraulique constitué de nombreuses sources et de plusieurs cours d’eau, dont on peut citer quelques exemples :

  • Le ruisseau du Moulin Garot tire son nom du lieu-dit. Il est parfois dénommé ruisseau de Givron ;
  • Le Long Ruisseau ou ruisseau de Mainby prend sa source à la Fontaine aux Pous et se jette dans le ruisseau des Woicheux.
  • Ce dernier jaillit au Bois Diot et se déverse dans la Draize, qui naît près de la Cour Avril et passe à proximité du village.
Ruisseau du Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ruisseau du Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Source Ravignon, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Source Ravignon, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Quoique le terroir soit largement irrigué, chacun veille à ce que l’eau ne soit pas détournée, sans quoi le contrevenant s’expose à quelques ennuis. C’est le cas pour Jean Baptiste Bienfait : ce dernier a capté, au détriment des religieux de la Piscine, le ruisseau qui coule sur leur terre, afin de le faire passer sur les siennes et assurer ainsi une bonne alimentation de ses terres empouillées[1]. La réaction est rapide, d’autant que cette dérivation modifie l’écoulement des eaux, provoquant temporairement l’inondation du chemin bordant ces pièces. L’homme est sommé de « remettre les choses en l’état » et, pour échapper à un procès, il accepte en plus « d’entretenir ledit chemin pratiquable[2] dans la nature de chemin et de garantir ledit pré de messieurs les religieux des dommages qui pourraient y survenir[3] ».


[1] Empouiller : ensemencer ou garnir une terre.

[2] Sic, c’est-à-dire praticable.

[3] Bibliothèque Carnegie, ms. 2450, Mémoire détaillé de tous les biens de la manse conventuelle de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine achevé en 1771, manuscrit consultable en ligne sur la BVMM (Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux) élaborée par l’IRHT-CNRS (Institut de recherche et d’histoire des textes), acte passé le 26 mai 1774 par devant maître Fréal, notaire royal en Vitry et Vermandois, résidant et demeurant en Chaumont-en-Porcien, folio 673, vue 361/521 [Nota bene : bien que le codex soit censé s’interrompre selon son incipit en 1771, des mentions ont été portées postérieurement à cette date].


Panier traditionnel en osier brut.
Panier traditionnel en osier brut.

L’abondance de l’eau est fort utile, tant pour les hourliers (ou oseraies) que pour la culture du chanvre, dont l’apogée se situe à la fin du XVIIIe siècle. La plupart des ménages habitant le village possèdent une chènevière (ou chanvrière), tout comme le curé de La Romagne qui a, outre une somme fixe sur son église, deux arpents de prés et deux chènevières louées dont il tire un revenu de 60 livres[1].


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 267/1 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, articles 2G 267-268 = doyenné de Rethel (1248-1790)], Supplément à ce qui manque aux éclaircissements donnés sur les cures du doyenné de Rethel.


Cordage en chanvre.
Cordage en chanvre.

Ce sont, le plus souvent, de petites pièces de dix à douze verges, ce qui montre le morcellement des terres. Cette culture demande des soins particuliers. La plante se sème au mois de mai, et se récolte en août pour le chanvre mâle. Ce dernier, dépourvu de graines, fournit une filasse de qualité supérieure destinée à la confection de chemises. Le chanvre femelle en donne une de qualité inférieure, que l’on utilise pour les cordages ou les couches des nourrissons.  C’est après la récolte que la présence d’eau est indispensable, afin de faire tremper les tiges pour pouvoir séparer la fibre de la paille.


Ruisseau du Rouage, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ruisseau du Rouage, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Au début du XVIIe siècle, les paysans sont soumis à un règlement de police rappelé en 1663[1], qui stipule que « les chanvres ne doivent point être mis rouis dans la rivière parce que la pêche en est ruinée et la boisson malsaine, mais dans un fossé ou marais du lieu » et qu’il faut veiller à « ne les seicher[2] jamais au four et cheminée, crainte d’accident de feu, mais dans les rues au soleil et au vent » (article XXXII). Ils creusent donc des fosses à proximité des cours d’eau. Ces endroits dans lesquels le chanvre trempe prennent le nom de roises[3]. La toponymie des villages environnants l’atteste puisque l’on trouve :

  • à La Romagne, la Côte des Roises ou le Pré des Roises ;
  • à Montmeillant, le Fossé Rouge ;
  • à Rocquigny, les prés de la Chènevière[4].

[1] Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin.

[2] Sic, c’est-à-dire sécher.

[3] Sorte de trou rempli d’eau servant pour le rouissage du chanvre.

[4] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 4-LC20-173, Taine, Michel, « Balade cadastrale :  la culture du chanvre » in Terres Ardennaises : revue d’histoire et de géographie locales, Charleville-Mézières : Fédération des œuvres laïques, 1982-, n° 78, mars 2002, p. 25-35.


Après le rouissage[1], de nombreuses opérations sont nécessaires : séchage, broyage, teillage[2], peignage. Le filage, occupation des femmes durant l’hiver, est confirmé par la présence d’un ou plusieurs rouets dans chaque maison, selon les inventaires après décès. Le tissage est l’œuvre de tisserands. On en dénombre quelques-uns au cours du XVIIIe siècle grâce aux impositions. La toile produite, robuste et rêche, constitue la base du linge de maison ou de corps.

AnnéesTisserands
1712Jean Gorget l’aîné
1714Jean Georget l’aîné et Jacques Boudesocq
1721Jacques Boudesocq
1737/1742Jacques Boudesocq et Jean Lahay
1770/1774Jean Trippier et Jean Baptiste Deligny
Quelques tisserands de La Romagne au XVIIIe siècle.

[1] Immersion totale des tiges de chanvre dans l’eau.

[2] Opération qui consiste à enlever la partie ligneuse du chanvre.


Valise en osier typique des années 1920 utilisée pour les voyages.
Valise en osier typique des années 1920 utilisée pour les voyages.

La présence de nombreux rus a aussi pour conséquence que les terroirs romanais et de Rocquigny sont couverts d’osiers et permettent la fabrication de paniers. Une oseraie bien entretenue peut durer de cinquante à quatre-vingts ans, en fonction des soins du terreautage[1].  Un mandelier[2] présent dans un registre des tailles du village en 1702 atteste la pratique de ce métier. Cette culture perdure jusqu’au XXe siècle, tant que les maisons de champagne, principal débouché pour cette culture, utilisent cette matière pour leurs emballages.


[1] Rechargement en terre du pied d’osier.

[2] Vannier.


Creusement de puits à La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).
Creusement de puits à La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).

Outre ces nombreux petits ruisseaux, de multiples sources sont disséminées sur tout le terroir. Avant l’arrivée de l’eau courante, chacun se la procure grâce à un puits pour alimenter son foyer, si bien qu’au XIXe siècle, on en compte dans chaque hameau, et une cinquantaine dans le village. L’un des derniers creusés est celui du presbytère. A défaut de soleil, La Romagne a eu l’ingéniosité de transformer son climat humide en une richesse locale.

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Les sages-femmes de La Romagne, personnages incontournables


Bibliothèque nationale de France, NUMM-9766051, Le Boursier Du Coudray, madame, Abrégé de l'art des accouchemens, dans lequel on donne les préceptes nécessaires pour le mettre heureusement en pratique [...] par madame Le Boursier Du Coudray, ancienne maîtresse sage-femme de Paris, Paris : chez la Veuve Delaguette, 1759, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE121-43, consultable en ligne sur Gallica.
Bibliothèque nationale de France, NUMM-9766051, Le Boursier Du Coudray, madame, Abrégé de l’art des accouchemens, dans lequel on donne les préceptes nécessaires pour le mettre heureusement en pratique […], Paris : chez la Veuve Delaguette, 1759, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE121-43, consultable en ligne sur Gallica.

En dehors du curé, des marguilliers et du maître d’école, la vie de la paroisse est liée aux sages-femmes ou « belles-mères », car les naissances sont nombreuses. En ce qui concerne celles qui ont été présentes à La Romagne, nous ne savons que peu de choses et ignorons même le plus souvent leur identité, sauf pour quelques-unes d’entre elles. Celle qui exerce en 1663 se nomme Hélène Legros[1], tandis que celle qui aide aux accouchements en 1756 est Marie-Catherine Bellomé ou Bellommé, ainsi que le signale le curé dans un acte de naissance[2].


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2 G 252 page 212 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].

[2] Archives départementales des Ardennes, 5 Mi 7 R 40 [série Mi = reproductions d’archives sous forme de microfilms, sous-série 5 Mi = microformes d’état civil réalisés par Family History Library, la société généalogique de Salt Lake City].


Bosse, Abraham, l'Accouchement, troisième planche d'une suite de six intitulée le Mariage à la ville. scène de genre, eau-forte et burin, 1633, consultable en ligne sur le portail des expositions virtuelles de la Bibliothèque nationale de France.
Bosse, Abraham (graveur), l’Accouchement, troisième planche d’une suite de six intitulée le Mariage à la ville. scène de genre, eau-forte et burin, 1633, consultable en ligne sur le portail des expositions virtuelles de la Bibliothèque nationale de France.

En 1772, c’est Marie Langlet qui assiste les mères pour les enfantements. En revanche, à Montmeillant au même moment, il n’y en a pas et le curé reçoit l’ordre d’en faire élire une au plus vite[1]. Tout comme pour le maître d’école, la présence de la sage-femme n’est attestée dans les diverses visites pastorales qu’à partir de 1745. Cette année-là, elle est présente « physiquement » lors de l’inspection du vicaire et « instruite sur les devoirs de son ministère », selon le procès-verbal.


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2 G 252 page 213 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].


Musée Flaubert et d'histoire de la médecine (Rouen), numéro d'inventaire 2004.0.58.7, machine de Madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l'enseignement de l'art des accouchements, les jumeaux, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.7, machine de Madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, les jumeaux, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

Le baptême administré par la sage-femme ne doit l’être que dans un cas bien précis, « la crainte qu’on n’aurait pas le temps de porter l’enfant à l’église » ; la lecture des registres ne fait apparaître que quelques cas de « baptême à la maison », et concerne les enfants nés d’un même couple. La sage-femme administre le baptême les 5 février 1753, 21 mars 1754 et 8 mai 1756 aux trois enfants du couple formé par Raulin Boudsocq et Marie Monnoy, puis en 1760 aux « enfants gémellaires » de Jean-Baptiste Tellier et Marguerite Pagnier. L’urgence de cet acte est avérée, puisque ces jumeaux décèdent le premier jour.

De même, celle qui exerce en 1774 est « bien instruite pour administrer en cas de nécessité le baptême mais elle n’a pas prêté serment ». Celle de 1783 n’est pas « jurée » mais « on ne se plaint pas » de celle qui « fait les fonctions ».


Ce portrait de Charles-Maurice Le Tellier par Robert Nanteuil en 1663 montre l'homme d'Eglise avant qu'il ne soit archevêque-duc de Reims de 1671 à sa mort. L'ecclésiastique évoque les sages-femmes dans le rituel qu'il a renouvelé et augmenté.
Ce portrait de Charles-Maurice Le Tellier par Robert Nanteuil en 1663 montre l’homme d’Eglise avant qu’il ne soit archevêque-duc de Reims de 1671 à sa mort. L’ecclésiastique évoque les sages-femmes dans le rituel qu’il a renouvelé et augmenté.

L’absence de documents particuliers au village ne permet pas d’en savoir plus sur le nom et le choix des maïeuticiennes, mais on peut penser que celui-ci se fait en fonction des instructions données dans le rituel de la province ecclésiastique de Reims [1], car les évêques ou les archevêques souhaitent « qu’il y ait une sage-femme pour chaque paroisse ». Ainsi, lorsque le choix d’une accoucheuse s’avère nécessaire, le curé doit réunir les femmes les plus honnêtes et les plus vertueuses et les avertit « d’élire celle qu’elles croiront la plus fidèle et la plus propre à exercer cette fonction ».

Ensuite, le curé lui enseigne « la véritable forme du baptême », lui fait prêter le serment selon la formule qui est dans le rituel. En outre, il l’avertit « de ne baptiser aucun enfant que dans la nécessité et en présence de deux femmes dont la mère de l’enfant si cela est possible ».  Si l’on se réfère à ces directives, on constate qu’à aucun moment il n’est question d’instruction professionnelle : la sage-femme est une simple matrone dont les conditions de vie sont très médiocres, et qui est peu rémunérée. Un accouchement payé, ce qui est loin d’être toujours le cas, l’est pour 30 sols (environ 25 euros de nos jours).


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, R Thi 402, Église catholique (auteur), Rituel de la province de Reims, renouvelé et augmenté par monseigneur Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims, Paris : Frédéric Léonard, 1677, 643 p.


Musée Flaubert et d'histoire de la médecine (Rouen), numéro d'inventaire 2004.0.58.1, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l'enseignement de l'art des accouchements, partie inférieure du corps d'une femme, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.1, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, partie inférieure du corps d’une femme, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

Le plus souvent, la sage-femme est assez âgée, mariée ou veuve d’un laboureur. Il faut attendre que le roi Louis XVI s’émeuve de tous les accidents qui surviennent lors des accouchements pour que l’on ouvre des cours publics et gratuits dans les diverses provinces afin de former les sages-femmes.


Musée Flaubert et d'histoire de la médecine (Rouen), numéro d'inventaire 2004.0.58.11, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l'enseignement de l'art des accouchements, appareil génital féminin représenté avec tous ses organes en taille naturelle en dehors de la grossesse, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.11, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, appareil génital féminin représenté avec tous ses organes en taille naturelle en dehors de la grossesse, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

Ainsi, elles seront « à même d’éviter des erreurs souvent fatales » et elles sauront aussi « faire appel au secours d’un chirurgien habile[1] ». Si l’on ne sait rien de la formation de la sage-femme de La Romage en 1774, on apprend que celle qui exerce à Chaumont-Porcien est « aux écoles » à Château-Porcien, preuve que la formation commençait à se répandre. Une correspondance entre l’intendant de Châlons monsieur Rouillé d’Orfeuil et le subdélégué de Château-Porcien concerne l’envoi du « sieur Colombier chirurgien à Château pour suivre le cours d’accouchement de Madame Ducoubry [sic, c’est-à-dire Du Coudray] et faire l’emplette de sa machine ».


Angélique Marguerite Le Boursier Du Coudray est la première sage-femme à enseigner en public l'art des accouchements. Elle promeut le remplacement des matrones autodidactes par des praticiennes formées.
Angélique Marguerite Le Boursier Du Coudray est la première sage-femme à enseigner en public l’art des accouchements. Elle promeut le remplacement des matrones autodidactes par des praticiennes formées.

Ce même sieur Colombier va ouvrir ensuite un cours gratuit pour l’instruction de huit sages-femmes. Ce document indique également que d’autres suivent ce cours entre le 3 janvier et le 1er février 1774. Un autre enseignement est dispensé la même année à Rethel par le docteur Jacques Télinge, qui en organise d’autres en 1775 et 1778.


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-6257391, Gosset, Paul, Les sages-femmes du pays rémois au XVIIe et au XVIIIe siècle : notes publiées à l’occasion du centenaire de la maternité de l’hôpital civil de Reims (6 avril 1809), Reims : Matot-Braine, 1909, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France 8-T3-229, consultable en ligne sur Gallica.


Musée Flaubert et d'histoire de la médecine (Rouen), numéro d'inventaire 2004.0.58.3, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l'enseignement de l'art des accouchements, fœtus à sept mois dans sa matrice, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.3, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, fœtus à sept mois dans sa matrice, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

Par la suite, l’activité des sages-femmes est davantage formalisée. Un nouveau règlement rendu pour elles par les officiers au bailliage royal et siège présidial de Reims en juin 1787 renforce les règles édictées dans le précédent du 30 août 1782 : il interdit en particulier l’exercice de l’art des accouchements « à toutes les personnes à moins qu’elles n’aient assisté exactement et pendant le temps nécessaire aux leçons qui se donnent gratuitement dans les lieux les plus voisins de leur domicile et à celles qui ne seraient pas munies de lettres de capacité délivrées à la suite de ces cours, ni en possession d’un certificat de bonne vie et mœurs délivré par le curé de la paroisse de leur domicile ».


Musée Flaubert et d'histoire de la médecine (Rouen), numéro d'inventaire 2004.0.58.8, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l'enseignement de l'art des accouchements, tête d'un enfant mort, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.8, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, tête d’un enfant mort, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

Pour encourager les sages-femmes à s’instruire, ou pour susciter quelques vocations, des mesures sont prises comme des exemptions d’impôts, en particulier les tailles pour elles et leur mari. Petit à petit, l’instruction donnée va permettre une amélioration de la vie de la mère et du nouveau-né. Trop de femmes meurent en couches ou de leurs suites. Quant à la mortalité néo-natale, elle est aussi très importante. Il n’est pour s’en persuader que de lire les registres paroissiaux : ce ne sont parfois que quelques heures ou quelques jours qui séparent la naissance, le baptême et le décès. C’est aussi pour le royaume une perte infinie de sujets.


Musée Flaubert et d'histoire de la médecine (Rouen), numéro d'inventaire 2004.0.58.2, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l'enseignement de l'art des accouchements, fœtus à terme, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.
Musée Flaubert et d’histoire de la médecine (Rouen), numéro d’inventaire 2004.0.58.2, machine de madame Du Coudray, mannequin utilisé pour l’enseignement de l’art des accouchements, fœtus à terme, 2e moitié du 18e siècle, notice consultable en ligne sur le portail des collections du Réseau des musées de Normandie.

En l’an III, la sage-femme est Marie Mauroy. A moins d’une homonymie, il s’agit probablement de l’épouse de Sébastien Dourlet, décédée à La Romagne le 2 messidor an X.

Quelques noms apparaissent encore après cette période : Marie-Anne Bolommé ou Bonnomet (qui serait la femme de Hubert Sonnet) aurait tenu cette fonction avant l’an IX. De 1816 jusque 1822 au moins, on trouve Cécile Grandvalet. Ensuite, vers 1827, c’est Françoise Créquy de Rocquigny qui s’occupe des parturientes de La Romagne. Enfin, en 1835, Agnès Eléonore Davaux (épouse de François Xavier Lallement), habitant La Romagne, remplit « les fonctions à défaut d’autre ».


Bibliothèque nationale de France, NUMM-1175483, Le Boursier Du Coudray, madame, Abrégé de l'art des accouchemens, dans lequel on donne les préceptes nécessaires pour le mettre heureusement en pratique Paris : Vve Delaguette, 1759, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE123-738, consultable en ligne sur Gallica.
Bibliothèque nationale de France, NUMM-1175483, Andrieu, mademoiselle (sage-femme), Du Rôle de la sage-femme dans la société, par Mlle Andrieu, Paris : imprimerie de Alcan-Lévy, 1889, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE123-738, consultable en ligne sur Gallica.

Aucune donnée ultérieure concernant la présence d’une sage-femme à La Romagne n’a pu être trouvée dans l’état actuel des recherches. Il semblerait que l’officier de santé de Rocquigny ait été de plus en plus sollicité, avant de laisser la place à un médecin.

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Métiers Patrimoine industriel Professions Travailleurs

Poste, télégraphe et téléphone à La Romagne


Le roi Louis XI est le créateur de la poste d'Etat.
Le roi Louis XI est le créateur de la poste du roi par relais (journée du timbre 1945).

Le service de la poste est un service très ancien, dont la création remonte à 1477 sous le règne de Louis XI. Cet établissement a un double but : l’acheminement des dépêches et des voyageurs. Il perdure jusqu’après la Révolution. Le bureau de poste desservant alors La Romagne et les villages environnants est, soit celui de Wasigny (comme l’indique le curé dans l’enquête paroissiale de 1774), soit celui de Rethel. Ce dernier est l’un des sept existant pour le secteur ardennais depuis 1700. Ensuite, et selon l’importance de la paroisse, le courrier est distribué une ou deux fois par semaine

Le blason communal de Wasigny (Ardennes) est écartelé aux un et quatre d’argent au loup courant de sable, aux deux et trois d’azur à la gerbe de blé d’or.
Le blason communal de Wasigny (Ardennes) se décrit comme écartelé aux un et quatre d’argent au loup courant de sable, aux deux et trois d’azur à la gerbe de blé d’or.

Un facteur rural en 1830, journée du timbre, émission premier jour du 18 mars 1968 à Charleville-Mézières.
Un facteur rural en 1830, journée du timbre, émission premier jour du 18 mars 1968 à Charleville-Mézières.

A partir de la Révolution, la marque de l’origine du département figure sur la lettre et ce sera le chiffre 7 qui l’identifiera jusqu’en 1875, date à laquelle il est remplacé par le nom du département. D’autre part, le bureau d’où part le courrier est distingué par un autre numéro. A partir de 1835, le bureau de Chaumont-Porcien est créé et porte le n° 825. En 1866, celui de Rocquigny ouvre. Ce sont ces deux- là qui successivement ont desservi La Romagne.

Le développement de l’instruction primaire et la suppression de la taxe des lettres, établie d’après la distance au profit d’une taxe fixe et uniforme, vont petit à petit accroître le volume du courrier. Lors de leurs tournées, les facteurs ruraux se doivent d’avoir sur eux en permanence des timbres, afin que tous puissent s’en procurer facilement.

Ces agents postaux ou « piétons » existent depuis la Révolution : le citoyen Jean-Baptiste Canon assure ce service pour La Romagne. Jusqu’à l’installation des boîtes aux lettres, c’est à eux que l’on confie le courrier à expédier. Leur tâche est pénible, puisqu’il leur faut parcourir chaque jour de longs trajets, et ce quel que soit le temps. Il n’en est pour preuve que le fait divers suivant : le 25 mai 1846, vers 10 heures du matin, Gérard Peltier âgé de 37 ans fait sa tournée dans le village. Il se présente au domicile d’Hubert Laroche, où il décède brutalement. Est-il victime d’une très grande fatigue, de chaleur précoce ou d’un malaise ? Rien ne permet d’avancer une explication.

Plaque de facteur rural du service des postes.
Plaque de facteur rural du service des postes.

Le facteur rural dans la grand-rue de La Romagne , carte postale ancienne (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le facteur rural dans la grand-rue de La Romagne (Ardennes), carte postale ancienne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).

Jusqu’en 1897, les facteurs ruraux sont rémunérés proportionnellement à l’étendue du parcours effectué, qui peut aller jusqu’à 32 km. Mais ce cas est assez peu répandu. Au cours de leur vie professionnelle, en fonction de leur avancée en âge, et en raison de leur impossibilité de faire d’aussi grands parcours, ils demandent de plus petites tournées, ce qui fait diminuer leurs salaires. C’est pourquoi une expérience menée au sein de cinq départements, dont celui des Ardennes, aboutit à donner aux facteurs un traitement fixe.

Depuis 1853 environ, il existe un système de voitures de nuit qui font la liaison Rethel Rocquigny pour y déposer le courrier. Un peu plus tard, elles font le tour par Chaumont-Porcien, Wasigny et Novion, avant de rejoindre Rethel. Par la suite, cet acheminement se fait par les trains de marchandises, bien que ceux-ci ne fonctionnent pas tous les jours. C’est pourquoi leur circulation journalière est demandée par les édiles du canton.

Bien que l’on connaisse peu de messagers effectuant la tournée du village, on sait cependant qu’en 1866, c’est Jean-François Devie puis, de 1867 à 1875, François-Pierre Mauroy qui s’en charge.

Un relais de poste (journée du timbre du
Un relais de poste (journée du timbre 1973).

Ancienne boîte aux lettres de La Romagne, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Ancienne boîte aux lettres de La Romagne, située sur le mur de la salle des fêtes, rue des Fondys, photographiée en mars 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).

Les bureaux de poste vont se multiplier à partir de 1850 à travers le département. Lorsque les boîtes aux lettres sont installées, une à deux levées sont instaurées chaque jour. Les distributions sont journalières, et ce même le dimanche, comme le confirme une délibération du conseil municipal en juillet 1919.

Or, ces levées et distributions ne donnent pas toujours satisfaction quant à leurs horaires. Diverses propositions et demandes sont faites, sans qu’on ne trouve jamais le bon équilibre.

Boîte aux lettres de La Romagne actuellement en service, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en avril 2021 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Boîte aux lettres de La Romagne actuelle, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en avril 2021 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).

La boîte aux lettres de La Romagne a visiblement essuyé pendant de nombreuses années les intempéries typiques des Ardennes. Son état est un indice de la dureté du métier de facteur rural.
La boîte aux lettres de La Romagne a visiblement essuyé pendant de nombreuses années les intempéries typiques des Ardennes. Son état est un indice de la dureté du métier de facteur rural.

Dès 1890, des récriminations s’élèvent : en effet, les dépêches arrivent en gare de Draize – La Romagne vers 6 h 30 pour être acheminées au bureau de  Chaumont  dans la matinée, quoique la distance ne soit que de 6 km. Or, la route est accidentée, les pentes dangereuses pour des voitures à chevaux qui sont, pour la plupart du temps, obligées de circuler au pas.

Les habitants de Chaumont aimeraient bien bénéficier des passages des autres trains à Draize pour avoir un second service de voiture. Ce dernier pourrait également être utile à ceux qui souhaiteraient prendre le train. Ainsi, la voiture ne circulerait jamais à vide et les habitants bénéficieraient d’une possibilité d’une seconde distribution. Cette requête ne semble pas avoir abouti[1] .


Modèle officiel de boîte aux lettres fabriquée pour la poste par la maison Foulon en 1930.
Modèle officiel de boîte aux lettres fabriquée pour la poste par la maison Foulon, en service entre les années 1930 et 1950.

Une fois à Chaumont, le courrier pour Rocquigny et ses environs est trié puis acheminé quelque temps après, ce qui a pour conséquence de mal desservir les commerçants, les notaires, et d’occuper les facteurs ruraux au plus fort de la chaleur en été.

La mise en place d’une organisation stable et rationnelle semble difficile pour l’administration des postes, si l’on tient compte qu’en quelque six mois entre 1907 et 1908, le service a dû faire appel à une dizaine de transporteurs différents pour faire la liaison de la gare de Draize à Chaumont.

En 1931, à des fins d’amélioration, la Poste envisage dans la région de Chaumont-Porcien la création d’un circuit automobile rural qui pourrait satisfaire les communes.


[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 22, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, onzième année, n° 3484, vendredi 5 septembre 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].


Le service des postes & télégraphes vend des bulletins de communication à partir des cabines publiques.
Le service des postes & télégraphes vend des bulletins de communication à partir des cabines publiques.

En dehors du courrier, un autre moyen de relier les habitants de La Romagne est le téléphone. Le Préfet des Ardennes propose en 1899 un projet d’organisation de réseau départemental. Ceci nécessite la mise en place d’un très important emprunt de 600 000 francs remboursable sur 30 ans. La Romagne pourrait se rattacher à ce projet. Mais elle attendra 1906 pour que cela soit effectif et que ce service assure aussi l’échange des télégrammes.

Emission premier jour représentant le télégraphe Chappe à l'occasion du bicentenaire de cette invention.
Emission premier jour représentant le télégraphe Chappe à l’occasion du bicentenaire de cette invention.

Le premier gérant choisi pour ce service est monsieur Varlet en raison de ses qualités de boulanger, épicier, aubergiste. Le local est l’une des pièces de la maison dans laquelle il exerce déjà. Afin que le service fonctionne sans interruption et sans attente, sa femme est désignée comme suppléante.


Madame Mariette Lesein, gérante de la cabine téléphonique de La Romagne, et monsieur Edmond Lesein (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Eric Lesein).
Madame Mariette Lesein, gérante de la cabine téléphonique de La Romagne, et monsieur Edmond Lesein (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Eric Lesein).

La première guerre mondiale et l’occupation allemande de tous les villages environnants met fin à ce service. Ce n’est qu’en juin 1921 que le bureau de La Romagne, tout comme ceux de Draize et de Givron, est rouvert au public[1].

Parmi les gérants successifs de cette cabine téléphonique, on notera Léon Briard, Gaston Boudsocq, Mariette Lesein née Henri, Adrien Ravignon et madame Van der Beke.


[1] Bibliothèque Carnegie, PER CH Atlas 2, « P. T. T. service téléphonique » [rubrique Ardennes] in Le Courrier de la Champagne : journal de Reims, 20e année, n° 1 (23 janv. 1854)-34e année, n° 4123 (7 mai 1868) ; 34e année (8 mai 1868)-? ; 85e année, n° 1 (30 avr. 1919)-87e année (25 sept. 1921), Reims : [s.n.], 1854-1921, 87e année, dimanche 5 juin 1921, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne].


Enveloppe premier jour du centenaire du téléphone.
Enveloppe premier jour du centenaire de l’invention du téléphone par Graham Bell en 1876.

Rares sont les particuliers qui possèdent personnellement une ligne téléphonique jusqu’à l’après-guerre, en dehors des Etablissements Malherbe qui ont été les premiers. En 1954, le téléphone rural automatique est installé à La Romagne. Le développement du fixe et du portable fera disparaître définitivement ces cabines du village.

Photographie de la dernière cabine téléphonique publique de La Romagne prise en avril 2017 (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).Dernière cabine téléphonique publique de La Romagne photographiée en avril 2017 (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Dernière cabine téléphonique publique de La Romagne photographiée en 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
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Clergé Enseignants Enseignement Laïcisme Laïcité Métiers Patrimoine culturel Professions Religieux Religion

L’école de La Romagne et l’affirmation de la laïcité


La Romagne (Ardennes), église et école, carte postale ancienne d’Augustin Wilmet, photographe-éditeur à Rethel.
La Romagne (Ardennes), église et école, carte postale ancienne d’Augustin Wilmet, photographe-éditeur à Rethel.

Jusqu’en 1789, l’enseignement primaire est globalement assuré dans les diverses paroisses du Porcien et tout particulièrement à La Romagne mais, avec les troubles révolutionnaires, on assiste momentanément à sa régression.

Les décrets des 30 mai 1793 et 29 frimaire an II (1er décembre 1793) cherchent à réorganiser l’enseignement primaire, et donc à le soustraire aux «  tenants du fanatisme et de la superstition », autrement dit aux religieux. Le décret du 27 brumaire an III, qui prévoit dans chaque département une école pour 1000 habitants, change l’organisation de l’enseignement dans les petits villages.

On en a la confirmation lors de la séance tenue le 11 nivôse an IV à Rocquigny, où l’administration signale qu’il n’y aura désormais plus que quatre écoles pour le canton. La  première se trouve à Rocquigny, chef-lieu du canton. La deuxième est à Rubigny et regroupe les enfants de La Hardoye, Vaux et Wadimont. La troisième, à Mainbressy, accueille les élèves de Mainbresson. La dernière se situe à Librebois (nom donné à Saint-Jean-aux-Bois sous la Révolution) pour les écoliers de ce village, de Montmeillant et de La Romagne.

Le blason communal de Rocquigny est de gueules au chevron accompagné en chef de deux besants et en pointe d'une mâcle le tout d'or.
Le blason communal de Rocquigny est de gueules au chevron accompagné en chef de deux besants et en pointe d’une mâcle le tout d’or.

A la suite de cette décision, l’agent communal de La Romagne fait remarquer que « les élèves de la commune sont dans l’impossibilité de se rendre à Librebois en raison du mauvais état des chemins » et demande qu’un « sous-instituteur » (ce que l’on appellerait de nos jours un instituteur adjoint) soit établi dans la commune. Cette solution est adoptée quelque temps plus tard.

La Révolution n’institue pas la gratuité de l’école, ce qui est un frein considérable pour l’instruction : chaque élève allant en classe doit payer au maître une rétribution annuelle de 25 livres moitié en valeur métallique et moitié en assignats[1], ce qui représente pour certaines familles une somme considérable.

L’assignat est une monnaie mise en place sous la Révolution française.
L’assignat est une monnaie mise en place sous la Révolution française.

Vers 1807, on retrouve à La Romagne une situation identique à celle de l’époque prérévolutionnaire[2], puisque le maître d’école « faute de local réunit les enfants des deux sexes jusqu’à l’âge de 12 ou 13 ans » chez lui.

En 1829, le maire du village François Merlin adresse une lettre au recteur de l’académie de Metz, en réponse à sa demande de renseignements sur les moyens de prouver l’instruction donnée aux enfants de la paroisse de La Romagne. On apprend qu’à cette date le village n’a toujours pas de « maison d’école » mais qu’il en loue une pour la somme annuelle de 50 francs. On y découvre en outre  que «  les filles et les garçons sont séparés pour recevoir cette instruction conformément à l’ordonnance du 27 janvier 1808 [3] ». En 1833, sur les 478 communes que comptait le département, quatre-vingts n’ont pas encore d’école, alors qu’en 1855 Il comptera 428 écoles mixtes.

Le blason communal de Metz est mi-partie d’argent et de sable.
Le blason communal de Metz est mi-partie d’argent et de sable.

[1] Archives départementales des Ardennes, L 1336 [série L = administration et tribunaux de la période révolutionnaire (1790-1800), cotes L 1336-1337 = canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819, fonds concernant les hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales].

[2] Archives départementales de la Moselle, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999)].

[3] Archives départementales des Ardennes, 7J 43  [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection Guelliot, érudit local].


La première école du village fut construite en 1843 et prit par la suite la dénomination d’école de garçons, puisqu’en 1866, à la suite d’un décret impérial, une école de filles devait ouvrir. Contrairement au cas de Rocquigny, où il y a une école de filles tenue par les religieuses de la Divine Providence de Reims, La Romagne veut absolument avoir deux écoles laïques.

Mademoiselle Marie Eugénie Devie (née le 3 septembre 1833 à La Romagne, décédée le 10 septembre 1864 à Reims), religieuse d’une congrégation féminine enseignante[1], fille de Jean-Baptiste Devie et de Marguerite Virginie Devie, va changer radicalement la situation. Son legs[2] à La Romagne d’une maison située rue Basse (avec ses dépendances), des objets mobiliers qu’elle contient, et d’une rente annuelle de 300 francs, fait l’objet d’une disposition testamentaire[3] très précise : la commune ne pourra disposer des biens qu’à la condition expresse que « la maîtresse choisie devra pratiquer les devoirs de la religion », ce qui ne veut pas dire qu’elle doit être entrée dans les ordres. Mais la frontière est mince…

Sur cette carte postale ancienne de l'église et de la rue Basse, il est possible d'apercevoir la maison léguée par Mademoiselle Marie Eugénie Devie.
Sur cette carte postale ancienne de l’église et de la rue Basse, il est possible de voir la maison léguée par Mademoiselle Marie Eugénie Devie.

Au départ, le conseil municipal ne semble pas s’en réjouir : il craint que ce don ne génère pour la commune des dépenses importantes. Mais, à la suite d’une intervention du sous-préfet, les édiles réexaminent leur position, tout en ayant connaissance des protestations du frère de la donatrice, qui se sent spolié.

Finalement, et après avoir reçu quelques aides départementales en vue de l’équipement de cette école, les élus décident d’accepter cette donation, mais insistent pour que l’institutrice soit laïque. Sur ce point, la municipalité aura gain de cause. Des travaux sont engagés afin que cette maison soit appropriée à sa nouvelle fonction. Le financement en est assuré par la vente du mobilier légué en même temps que le bâtiment. Une souscription et un crédit s’y ajoutent. Compte tenu de la population scolaire dénombrée après le recensement de 1891, la création d’un tel établissement est plus que nécessaire. Cette école fonctionnera jusqu’en 1923.


[1] Les sœurs de l’Enfant-Jésus sont présentes dans le diocèse de Reims.

[2] Archives départementales des Ardennes, 3Q 1583 p. 189 et 3Q 1584 p. 74 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 3Q = enregistrement et timbre, depuis l’an VII].

[3] Archives départementales des Ardennes, 3E 14/130 (testament), 3E 14/136 et 3E 14/137 (inventaire), étude de maître Courboin, notaire à Chaumont-Porcien [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].


Cette carte postale ancienne de la mairie et de l'école est antérieure à la pose du monument aux morts de La Romagne.
Cette carte postale ancienne de la mairie et de l’école est antérieure à la pose du monument aux morts de La Romagne.

Au bout d’une petite quarantaine d’années d’existence, l’école de garçons a besoin de réparations malgré son entretien régulier. Sa façade la plus exposée est finalement couverte d’ardoises. Le chauffage de la classe peut incomber aux communes ou aux élèves, qui doivent alors apporter des bûches (sachant que La Romagne est tenue de fournir et de veiller à l’entretien du poêle et des tuyaux).

Durant l’occupation allemande du village pendant la première guerre mondiale, l’école reste ouverte le plus souvent possible (sauf lorsque des troupes de passage en prennent possession). Elle est fermée par ordre le 19 février 1917, puis occupée à partir du 21 par des troupes qui restent plus de 3 mois.

Ce plan de l'école de La Romagne a prévalu dans l'entre-deux-guerres (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Ce plan de l’école de La Romagne a prévalu dans l’entre-deux-guerres (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

Il ne semble pas que l’école ait eu à subir de gros dégâts durant cette guerre. Pendant l’année 1919/1920, outre l’enseignement primaire qui s’y déroule, des cours d’adultes et des conférences populaires s’y tiennent. Une enquête en date de 1921, faite auprès de l’instituteur (monsieur Bion) et de l’institutrice (mademoiselle Sinet), permet de mieux connaître la réalité du moment.


L’inspecteur primaire, dès 1922, pense qu’il serait bon de remplacer les deux écoles par une seule qui serait mixte[1]. Ce projet est en opposition avec les vœux d’un conseil municipal, qui s’élève contre une telle décision, et qui essaie de tirer argument de certaines conditions du legs reçu, en particulier à propos de la rente.

Ce représentant de l’inspection, fort d’un arrêté ministériel approuvant la délibération du conseil départemental de l’enseignement primaire des Ardennes relative à cette suppression tient bon. Il propose que, malgré l’opposition de la mairie, une demande soit adressée au ministre pour la suppression de ces deux écoles, en échange de la création d’une école mixte à classe unique. Il souligne toutefois que « si les effectifs futurs le permettaient l’école de filles serait rouverte ».

Le blason départemental des Ardennes est d'azur à la bande d'argent accostée de deux cotices potencées et contre-potencées d'or, surchargées d'un écusson d'argent au sanglier de sable ; au chef de gueules chargé de trois râteaux d'or.
Le blason départemental des Ardennes est d’azur à la bande d’argent accostée de deux cotices potencées et contre-potencées d’or, surchargées d’un écusson d’argent au sanglier de sable ; au chef de gueules chargé de trois râteaux d’or.

Cette promesse n’est qu’un peu de baume donné à ceux qui étaient attachés au passé scolaire du village. Mais cette clause n’a aucune chance de se réaliser, compte tenu du contexte. La décision de cette suppression entraîne aussitôt un conflit entre la municipalité et une habitante, héritière présomptive et déçue, qui prétend que la commune viole les intentions de la testatrice. Le différend est porté devant le tribunal, qui réfute cet argument, et qui souligne que la volonté bien certaine de la testatrice est d’exclure ses héritiers légitimes. L’affaire s’arrête là , et la rente trouve un autre emploi : elle sert désormais à financer un cours d’enseignement ménager de deux heures hebdomadaires, comprenant un cours de cuisine élémentaire et de couture.


[1] Archives départementales des Ardennes, TSUPPL 79 [série T = enseignement général, affaires culturelles, sports, sous-série TSUPPL = fonds supplémentaires].


L'école de La Romagne se trouve dans les bâtiments de la mairie, sur la place principale.
L’école de La Romagne se trouve dans les murs de la mairie. Le conseil municipal se réunit au premier étage du bâtiment.

Quant au bâtiment de l’école des filles, il va devenir, pour un temps, le presbytère de cette paroisse. Dès 1932, la construction d’une nouvelle mairie-école mixte est sérieusement envisagée par la municipalité, mais les instances scolaires  tergiversent et ce projet n’est pas réalisé.

Les dégâts subis par le village en 1940 ont des répercussions tant sur le bâtiment que sur le fonctionnement de l’école. Celle-ci a une seule façade couverte en ardoise et des murs latéraux en torchis. Elle n’a comme seul aménagement que l’électricité. Les dégâts concernent le préau, la salle de classe et sa vitrerie. En effet, le mur mitoyen qui sépare la salle de classe et le logement de l’instituteur est largement percé. La salle du conseil municipal (qui se trouve juste au-dessus de la classe) a elle aussi assez souffert, sans parler de la toiture des toilettes qui est en partie arrachée.


Quoique l’école fonctionne normalement quant à l’enseignement dès le retour de la paix, la restauration du bâtiment n’est plus possible en raison de sa vétusté : plafonds trop bas, murs délabrés, boiseries pourries et cheminées dangereuses. De plus, sa situation à proximité du cimetière (pouvant causer des problèmes d’eau contaminée) et son inadaptation aux normes (manque d’espace par élève, etc.) sont signalées depuis longtemps.

Promesse de vente d'une parcelle de terrain pour la construction de la nouvelle école (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Promesse de vente d’une parcelle de terrain pour la construction de la nouvelle école (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

En 1949, la décision de construire une école sur un autre emplacement est prise. Pour cela, la municipalité achète deux terrains contigus, dont l’un contient une source qui alimentera l’école en eau potable.

Plan des parcelles de la nouvelle école (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Plan des parcelles de la nouvelle école (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

La commune confie la réalisation des plans à Robert Gauze, architecte parisien qui va privilégier la luminosité du bâtiment, en multipliant les fenêtres et les ouvertures.

La nouvelle école de La Romagne (inaugurée en 1954) est un lieu lumineux et ouvert sur le village.
La nouvelle école de La Romagne inaugurée en 1954 est un lieu lumineux et ouvert sur le village.

C’est en 1954 que la nouvelle mairie-école est inaugurée, et en 1953 que la dernière promotion d’élèves se réunit avec monsieur René Jonnart dans la cour de l’ancien bâtiment.

La dernière promotion (année scolaire 1952/1953) de l'ancienne école accompagnée de son instituteur, monsieur René Jonnart. Cette photographie de la promotion 1953 se lit de bas en haut et de gauche à droite. Première rangée : Daniel ou Maurice Lavric, Raymond Marandel, Françoise, Cugnart, Yvette Lelong, Martine Mouton, Michel Mauroy, Jean-Michel Taillette, Alain Mouton. Deuxième rangée : Georges Malherbe, [debout], François Lavric, Jean-Claude Milhau, Yves Albertini †, Jean-Michel Guillaume, Alain Ravignon, Michel Lesein, Jean-Michel Milhau, Norbert Lelong. Troisième rangée : Jeannine Courtois, Colette Cugnard, Jacky Ravignon, Michel Marandel. (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Georges Malherbe).
Cette photographie de la dernière promotion (1953) de l’ancienne école de La Romagne, se lit de bas en haut et de gauche à droite. Première rangée : Georges Malherbe [debout], Daniel (ou Maurice) Lavric, Raymond Marandel, Françoise Cugnart, Yvette Lelong, Martine Mouton, Michel Mauroy, Jean-Michel Taillette, Alain Mouton [debout]. Deuxième rangée : monsieur René Jonnart, François Lavric, Jean-Claude Milhau, Yves Albertini †, Jean-Michel Guillaume, Alain Ravignon, Michel Lesein, Jean-Michel Milhau, Norbert Lelong. Troisième rangée : Jeannine Courtois, Colette Cugnard, Jacky Ravignon, Michel Marandel (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Georges Malherbe).
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Incendies à La Romagne


Les départs de feux sont assez fréquents à La Romagne jusqu’à la première guerre mondiale, compte tenu des matériaux utilisés dans la construction d’une part, et le stockage de paille et de foin d’autre part. Ils permettent également (dans l’inconscient collectif d’une société étroite) des accusations à l’encontre de personnes peu appréciées. Ces griefs ne sont pas toujours fondés, loin s’en faut, ce qui se traduit au XIXe siècle (lorsque ces affaires sont jugées devant les divers tribunaux) par un certain nombre d’acquittements, faute de preuves recevables.

Jusqu’en 1764, les habitants qui avaient le malheur d’être incendiés n’obtenaient pour tout secours que d’être exemptés de taille et de corvées de chemin pendant trois ans. A partir de cette date, l’intendant décide qu’il sera octroyé des secours pécuniaires, à condition que les bâtiments ne soient plus recouverts de paille.


Portrait de monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, cardinal de la Sainte Église romaine, archevêque-duc de Reims (1777-1816).
Monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, cardinal, archevêque-duc de Reims (1777-1816).

Concomitamment, dès 1779 dans le diocèse de Reims, on établit un bureau des incendiés composé essentiellement d’ecclésiastiques. Des quêtes sont faites plusieurs fois par an, afin de pouvoir distribuer dans les paroisses du matériel contre l’incendie (pompes, seaux, échelles, etc.). Elles permettent aussi d’accorder des indemnités pour le changement des couvertures des bâtiments, afin de rendre moins fragiles les maisons et les granges.

Armoiries de monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, cardinal, archevêque-duc de Reims (1777-1816).
Armoiries de monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord.

Le 24 mars 1780, Claude Lambert, habitant de La Romagne, perd sa maison et ses meubles. La même année, Jean-Baptiste Bienfait et sa femme sont à leur tour victimes d’un incendie, dans lequel une partie de leurs meubles et effets disparaît. En 1783, ils sont exonérés de taille pour la troisième et dernière année[1]. Vers 1782, un incendié de La Romagne refuse de se conformer aux instructions du bureau des incendiés, relativement à la reconstruction de ses bâtiments : il est privé du secours auquel il avait droit.

Ce n’est pas le seul village à être touché par les incendies : Wasigny en l’espace de quelques mois en est victime deux fois (décembre 1798 et février 1799), Sery est concerné en 1807. Draize en 1832 voit disparaître douze de ses maisons, tandis qu’une dizaine brûle à Saint-Jean-aux-Bois en juillet 1833.


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 953 [série C =  administrations provinciales, cotes C 749-965 = intendance de Champagne, fonds concernant les finances, l’assiette et la répartition des impositions, la taille (1593-1793)].


Armoiries de monseigneur Jean-Charles de Coucy.
Monseigneur Jean-Charles de Coucy, archevêque de Reims (1817-1824).

La première caisse des incendiés née à l’initiative du diocèse avant la révolution pâtit de cette période troublée, mais une institution quelque peu semblable renaît en 1805 sous l’Empire et est renouvelée en 1818 lors de la Restauration. Elle est sous la responsabilité du préfet et sous la protection de l’archevêque de Reims. Elle comprend dans chaque canton un ou plusieurs correspondants : messieurs Beaudet (maire de Remaucourt) et Macquart (juge de paix à Saint-Jean-aux-Bois) le sont durant quelque temps.

Armoiries de monseigneur Jean-Charles de Coucy, archevêque de Reims (1817-1824).
Armoiries de monseigneur Jean-Charles de Coucy.

Tout comme précédemment, il est fait une collecte annuelle : au niveau du canton de Chaumont-Porcien la somme récoltée est d’environ 1100 francs, tout en sachant que cette somme progresse en fonction de l’intérêt croissant des habitants pour cette institution. Dans chaque commune, lorsque la collecte est terminée, l’argent recueilli est versé entre les mains du percepteur. Tout habitant qui a fait une offrande, s’il est victime d’un incendie, reçoit un secours proportionnel à son versement, à condition, s’il s’agit de l’incendie d’un bâtiment, de le recouvrir de tuiles ou d’ardoises lors des réparations. Pour La Romagne, on n’a aucun versement en 1827, mais un en 1828, qui s’élève à 14,75 francs pour 9 participants, alors qu’à Draize on notait 79 participants et 43 à Adon[1].

Les infractions en relation avec le fléau qu’était un incendie étaient dûment répertoriées et faisaient l’objet de poursuites auprès du juge de paix. Plusieurs habitants de La Romagne et de bien d’autres villages se trouvent poursuivis comme l’est un des habitants le 7 avril 1859 pour imprudence et pour « avoir circulé dans les granges avec une chandelle allumée ». Il est condamné à une amende et au paiement des frais. Il n’y a pas, heureusement, de conséquences (justice de paix du canton de Chaumont-Porcien).

Le blason communal de Chaumont-Porcien est d'azur à la croisette surmontée d'un croissant, accosté de deux fleurs de lis et soutenue d'un lion, le tout d'argent.
Le blason communal de Chaumont-Porcien est d’azur à la croisette surmontée d’un croissant, accosté de deux fleurs de lis et soutenue d’un lion, le tout d’argent.

[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 58 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].


Vers 1860, un incendie éclate un dimanche aux Houïs et l’un des habitants de ce hameau est accusé par certains de ses voisins d’en être l’incendiaire, d’autant qu’il avait souscrit une police d’assurance (ce qui était loin d’être courant à l’époque). Il est arrêté et, après un jugement en cours d’assises, il est acquitté non sans avoir passé plusieurs mois en prison.

Un important incendie entre le 4 et 5 décembre 1895 semble avoir nécessité l’aide des sapeurs-pompiers des villages voisins[1]. Un autre éclate dans la nuit du 4 au 5 janvier 1897 vers minuit et prend dans le grenier à foin d’une maison. Une remise, un cellier, et le grenier au-dessus de celui-ci sont touchés, mais l’incendie a pu être maîtrisé. Les dégâts sont importants et s’élèvent à plus de 1400 francs.

Un autre, dont la cause est inconnue, éclate à la fin de cette même année et ravage des bâtiments à usage de culture, ne laissant indemne que le corps de logis. Les pertes sont importantes (2500 francs) mais couvertes[2].


[1] Archives départementales des Ardennes, compte rendu du conseil municipal en date du 16 août 1896.

[2] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 36, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, n° 6058, 7 décembre 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].


Pompe à bras Champenois (circa 1840) du musée des sapeurs-pompiers Lyon-Rhône.
Pompe à bras Champenois (circa 1840) du musée des sapeurs-pompiers Lyon-Rhône.

Trois mois après, c’est une tentative d’incendie criminel qui vise un Romanais, alors qu’il était absent. En effet, l’incendiaire avait placé une torche allumée dans un tas de bois près du fournil. Mais sa manœuvre est déjouée, grâce à l’intervention d’un habitant qui réussit à éteindre, seul, ce début d’incendie[1].  Un petit incendie éclate le 31 juillet 1906, entrainant la destruction d’une meule de paille appartenant à un cultivateur   qui perd ainsi une somme égale à 130 francs.

Une nouvelle fois, en septembre 1909, c’est un incendie volontaire (selon les dires d’un gamin qui a vu s’enfuir l’auteur des faits vers Draize). Deux meules de paille appartenant à l’aubergiste sont détruites[2]. Le 28 septembre 1910, débute un nouvel incendie à La Romagne. Il est d’une telle violence qu’il dure plusieurs heures, faisant disparaître un bâtiment et son contenu de foin et d’avoine avant de gagner une maison voisine qui s’enflamme à son tour, ce qui nécessite l’intervention de pompiers « étrangers » (entendons d’autres villages)[3]. En mai 1963, un début d’incendie dans l’ancienne école (devenue une salle des fêtes) est très vite éteint, ne causant que quelques dégâts mineurs.

Véhicules de lutte contre l'incendie utilisés actuellement par les sapeurs-pompiers de La Romagne (collection privée, avec l'aimable autorisation de madame Véronique Sené et de monsieur Daniel Sené).
Véhicules de lutte contre l’incendie utilisés autrefois par les sapeurs-pompiers de La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Véronique Sené et de monsieur Daniel Sené).

Chacun de ces incendies soulève la nécessité pour les particuliers de s’assurer. Il faudra du temps pour responsabiliser les habitants et faire évoluer les mentalités, mais aussi le concours du législateur et de particuliers, qui font désormais figurer dans des actes notariés de prêt une clause qui garantit que celui-ci est obligatoirement assuré jusqu’à l’extinction de la dette[4].

Casque tradition porté par les sapeurs-pompiers lors des cérémonies.
Casque tradition porté par les sapeurs-pompiers lors des cérémonies.

[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 37, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, n° 6157, 18 mars 1898, p.2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].

[2] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 60, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, n° 10211, 25 septembre 1909, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].

[3] Archives départementales des Ardennes, PERH149, L’Espoir [Texte imprimé] : journal politique, littéraire et commercial de l’arrondissement de Rethel [« puis » journal républicain], n° 10200, 1e octobre 1910, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].

[4]  Archives départementales des Ardennes, 3E14/23 [série E = État civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].

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Fêtes Métiers Professions Sapeurs-pompiers

La Sainte-Barbe et les pompiers de La Romagne


Les incendies sont depuis toujours un véritable fléau pour les villages. C’est pour pouvoir les combattre que le premier corps des sapeurs-pompiers est organisé en 1670 à Paris. Ce n’est cependant qu’en 1755 que les premières pompes apparaissent dans les Ardennes à Sedan.

Blason communal de Sedan.
Le blason communal de Sedan est d’argent à un chêne de sinople englanté d’or, posé sur une terrasse aussi de sinople et traversé au pied d’un sanglier de sable armé d’argent, le boutoir (le groin) de gueules.

Ce corps est réorganisé par le décret du 29 décembre 1875. Les officiers sont nommés par le président de la République. On trouve dans les villes les plus importantes et les gros bourgs un capitaine et un lieutenant, dans les communes de moindre importance (comme à Château-Porcien), uniquement un lieutenant et, dans toutes les autres communes, un sous-lieutenant.

Maurice Druart, lieutenant du corps des sapeurs-pompiers de La Romagne (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Maurice Druart, lieutenant du corps des sapeurs-pompiers de La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

La date de création à La Romagne du premier corps de sapeurs-pompiers reste assez énigmatique. Mais on peut penser qu’il existe au moins depuis 1878 puisque Jean Bompart, sergent-fourrier à la subdivision de La Romagne reçoit en 1908 un diplôme d’honneur accordé à un sapeur-pompier qui « compte plus de 30 ans de service et qui a fait constamment preuve de dévouement[1] ».

Diplôme de reconnaissance décerné au corps de sapeurs-pompiers de La Romagne (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 58, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, n° 9921, 3 décembre 1908, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].


Jusqu’après la première guerre mondiale, et toujours à cause de la disparition de documents, il est bien difficile de donner plus d’explications en matière de lutte contre l’incendie dans la commune. Néanmoins, lors de la délibération du 11 juin 1882, le maire suggère « qu’il serait bon de rétablir la compagnie de sapeurs-pompiers », ce qui permet de confirmer qu’une unité existait antérieurement à cette date.

L’organisation générale se structure encore plus à partir de 1890. Sur la totalité des communes que compte le département, il y a 250 compagnies de pompiers. En effet, les municipalités doivent prendre les mesures nécessaires pour disposer du matériel suffisant pour lutter au plus tôt contre les incendies, et sans attendre le secours des communes voisines. Cependant, on peut s’interroger sur l’importance et la disponibilité de celle de La Romagne, lorsque des incendies éclatent dans le canton de Chaumont entre 1890 et 1895. La relation qui en est faite dans la presse (Le Petit Ardennais en particulier) ne mentionne jamais le village. Pourquoi ?

Casque de sapeurs-pompiers de Paris, modèle 1895.
Casque des sapeurs-pompiers de Paris, modèle 1895.

De plus, pour lutter plus efficacement contre les sinistres les plus graves, une inspection départementale (créée à partir de 1891) veille à l’instruction des différents corps. Son objectif est de la rendre la plus uniforme possible, pour qu’elle puisse être employée utilement lorsque plusieurs compagnies sont nécessaires pour lutter contre les incendies les plus importants.

La mission des sapeurs-pompiers d’une commune est entièrement gratuite, voire coûteuse. Ces derniers ne reçoivent aucune indemnité pour la perte de leur salaire, voire pour les chaussures ou les vêtements endommagés lors de la lutte contre l’incendie (au fil des années, ces points vont changer).


En 1905, l’effectif de la commune est de 21 hommes mais il sera porté à 23 pour diverses raisons : la pompe est difficile à manœuvrer. Et deux jeunes gens souhaitent réintégrer le corps des sapeurs-pompiers après leur service militaire. Quatre années plus tard, le conseil municipal souhaite mobiliser 25 hommes[1].

Bocquet, ArthurDevie, Alfred
Bocquet, ErnestDevie, Jean
Bompart, CharlesDouce, Henri
Bonhomme, Désiré VitalDruart, Maurice
Boudsocq, GastonLange, Pierre
Carbonneaux, AristideLegros, André
Carbonneaux, MarceauMarquigny, Henri
Carbonneaux, MauriceModeste, Fernand
Chrétien, FirminQuentin, Omer
Cugnard, AlcideTrochain, Marcel
Devie, AlbertVuilmet, Aimé
L’effectif de 22 sapeurs-pompiers est conforme à l’arrêté préfectoral du 22 mars 1923.

Pour La Romagne, comme pour les autres communes ardennaises, l’arrêté préfectoral en date du 22 mars 1923 réorganise les corps de sapeurs-pompiers. Celui du village se compose de 22 hommes (un lieutenant, un sergent-fourrier, un caporal, un clairon, un tambour et des sapeurs). L’uniforme choisi est en toile. A partir de 1925, la municipalité contracte une assurance au profit des pompiers contre les accidents et maladies qui pourraient survenir pendant le service[2].


[1] Archives départementales des Ardennes, délibérations du conseil municipal de La Romagne des 19 mars 1905 et 14 mars 1909.

[2] Archives départementales des Ardennes, délibération du conseil municipal de La Romagne du 26 février 1925.


Chaque homme recruté doit répondre à des obligations précises : une moralité et une probité reconnues, posséder les aptitudes physiques nécessaires, et s’engager pour cinq ans. En cas de rupture, le démissionnaire doit verser une somme de 50 francs qui sera utilisée lors d’un achat de matériel ou d’uniformes.

Billet de 50 francs bleu et rose type 1889 en date du 28 juillet 1923.

Tous ces hommes exercent par ailleurs une profession et, parmi eux, on trouve douze cultivateurs, deux maréchaux-ferrants, deux vanniers, un boulanger, un charpentier, un domestique, un employé, un journalier et un peintre. Cet engagement au service du village ne concerne pas uniquement des adultes, car des jeunes gens souhaitent également en faire partie et pour cela doivent avoir l’accord de leurs parents.

L’accord des parents est nécessaire pour intégrer le corps des sapeurs-pompiers de La Romagne (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

Quinze ans plus tard (en 1938), lorsque l’on compare les effectifs, certains sont encore présents, ce qui montre ainsi leur implication dans la vie de la commune.

Bart, JeanDudur
Bolle, A.Ledouble
Bonhomme, Désiré VitalLegros
Boudsocq, GastonLelong
Carbonneaux, AristideMalherbe
ChicheMauroy
ChrétienRaymond, Jules
Devie, AlbertVuilmet
Devie, Alfred
Douce, Henri
Druart, Maurice
Les sapeurs-pompiers de La Romagne s’engagent pour longtemps : de nombreux noms sont communs aux effectifs de 1923 et de 1938.

A cette date, le conseil municipal s’engage (sur une durée de 15 ans) à subvenir aux dépenses du service, et accorde une subvention aux sapeurs-pompiers chaque année.


Détail du casque d’Emile Sené, sapeur-pompier de La Romagne, (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Véronique Sené et de monsieur Daniel Sené).
Casque d’Emile Sené, sapeur-pompier de La Romagne, blason et phylactère (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Véronique Sené et de monsieur Daniel Sené).

L’uniforme obligatoire change. Il se compose désormais d’une veste, d’un pantalon de drap, et d’une ceinture. L’entraînement, depuis la formation du corps en 1923, se fait, par diverses manœuvres, chaque premier dimanche du mois. C’est aussi l’occasion de vérifier l’état des accessoires et de la pompe qui se trouvent dans la remise jouxtant l’église. En cas d’incendie, les pompiers sont alertés par la sonnerie des cloches, tant que celles-ci seront en usage, ou par le clairon par la suite.

Les pompiers de La Romagne à l'entraînement, photographie prise par monsieur l'abbé Pierre Médéric Buché et léguée à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe (maire de la commune) et de monsieur Yves Albertini †.
Les pompiers de La Romagne à l’entraînement (photographie prise par monsieur l’abbé Pierre Médéric Buché et léguée à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur Yves Albertini † et de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

Lorsqu’en 1927, la remise à pompe où était entreposé le matériel menace de s’écrouler dans la mare voisine (en raison de ses murs crevassés), la seule solution à prendre est de la démolir.

Plan de la mare et de la remise à pompe, mairie de La Romagne, avec l'aimable autorisation de monsieur René Malherbe (maire de la commune).
Plan de la mare et de la remise à pompe (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

Pour la reconstruire, on utilise certains des matériaux et on confie l’exécution des travaux à M. Hayot. Le matériel dont disposent les pompiers est soigneusement répertorié, et l’inventaire dressé en 1939 permet de dire que la commune possède au moins :

  • une pompe aspirante et foulante ;
  • une pompe à bras foulante plus ancienne ;
  • des tuyaux de cuir, de toile et de caoutchouc ;
  • deux lances en cuivre ;
  • une quarantaine de seaux en toile ;
  • les valises pour les ranger ;
  • une hache et une pioche ;
  • les tenues d’officier et de sapeurs ;
  • les ceintures de feu ;
  • trois clairons, un tambour et le drapeau.

La Romagne ne disposant pas alors de bornes à incendie, les pompiers prennent l'eau dont ils ont besoin dans les mares du village, ce qui sera un souci à terme (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur René Malherbe (maire de la commune).
La Romagne ne disposant pas alors de bornes à incendie, les pompiers prennent l’eau dont ils ont besoin dans les mares du village, ce qui sera un souci à terme (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

L’alimentation en eau est un véritable problème à partir de cette époque : les mares, au centre du village, et qui servent depuis longtemps de « réserve d’eau », voient leur niveau baisser et ont besoin d’être curées. De plus, il n’existe aucun autre réseau de distribution d’eau avec des bornes d’incendie.

Grand-rue de La Romagne, (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Grand-rue de La Romagne, (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).

Durant les années de guerre, le système de défense contre l’incendie sera très précaire[1]. Après la guerre, le matériel va devoir être remplacé. Pour cela, on utilise une partie des sommes consacrées aux dommages de guerre. En 1948, la commune remplace la motopompe hors d’usage (en rachetant celle que Rumigny revend et, par la suite, celle de Remaucourt).

Le blason communal de Rumigny est d’or au double trescheur fleurdelysé et contre fleurdelysé de sinople, à la bande de gueules brochant sur le tout.
Le blason communal de Rumigny est d’or au double trescheur fleurdelysé et contre fleurdelysé de sinople, à la bande de gueules brochant sur le tout.

[1] Archives départementales des Ardennes, 9R 1-17 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 9R = service de défense contre les incendies, les sapeurs-pompiers, la défense passive].


A partir de 1950, c’est une bonne partie du matériel qui est racheté. Le village a un nouvel équipement constitué de lances, tuyaux, dévidoirs, etc. Ces achats s’élèvent à peu près à la somme de 483 000 francs.

Les sapeurs-pompiers sur la place de La Romagne le 14 juillet 1952 (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Les sapeurs-pompiers sur la place de La Romagne le 14 juillet 1952 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

De 1952 à 1958, ce sont de nouvelles tenues et des vestes de cuir qui viendront équiper les pompiers[1]. Les interventions pour des incendies à La Romagne s’espacent (en raison du développement de nouveaux critères de sécurité), mais l’entraînement régulier perdure.


[1] Archives départementales des Ardennes, 9R 86 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 9R = service de défense contre les incendies, les sapeurs-pompiers, la défense passive].


Afin de renforcer les liens qui existent entre les pompiers des diverses communes d’un canton, les officiers et sous-officiers forment des associations amicales, comme c’est le cas pour le canton de Chaumont-Porcien dès 1907. Elles se réunissent périodiquement, et notamment chaque 4 décembre, lors d’un banquet où ils honorent sainte Barbe[1] (la patronne de tous ceux qui travaillent avec le feu ou la foudre).

Les pompiers fêtent leur patronne sainte Barbe le 4 décembre.

[1] Nota bene : si on cite le personnage de sainte Barbe, l’adjectif « sainte » s’écrit avec une minuscule et n’est pas suivi d’un trait d’union. Si, en revanche, le nom de la sainte contribue à la dénomination d’une rue, d’un édifice, d’un ordre religieux, d’une fête, etc., majuscule et trait d’union s’imposent. Et donc, dans ce cas, on écrira « fête de la Sainte-Barbe ».