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Cours d’eau et cultures humides à La Romagne


Ruisseau du Moulin Garot (vue générale), repérage des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ruisseau du Moulin Garot (vue générale), repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La Romagne a un réseau hydraulique constitué de nombreuses sources et de plusieurs cours d’eau, dont on peut citer quelques exemples :

  • Le ruisseau du Moulin Garot tire son nom du lieu-dit. Il est parfois dénommé ruisseau de Givron ;
  • Le Long Ruisseau ou ruisseau de Mainby prend sa source à la Fontaine aux Pous et se jette dans le ruisseau des Woicheux.
  • Ce dernier jaillit au Bois Diot et se déverse dans la Draize, qui naît près de la Cour Avril et passe à proximité du village.
Ruisseau du Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ruisseau du Woicheux, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Source Ravignon, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Source Ravignon, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Quoique le terroir soit largement irrigué, chacun veille à ce que l’eau ne soit pas détournée, sans quoi le contrevenant s’expose à quelques ennuis. C’est le cas pour Jean Baptiste Bienfait : ce dernier a capté, au détriment des religieux de la Piscine, le ruisseau qui coule sur leur terre, afin de le faire passer sur les siennes et assurer ainsi une bonne alimentation de ses terres empouillées[1]. La réaction est rapide, d’autant que cette dérivation modifie l’écoulement des eaux, provoquant temporairement l’inondation du chemin bordant ces pièces. L’homme est sommé de « remettre les choses en l’état » et, pour échapper à un procès, il accepte en plus « d’entretenir ledit chemin pratiquable[2] dans la nature de chemin et de garantir ledit pré de messieurs les religieux des dommages qui pourraient y survenir[3] ».


[1] Empouiller : ensemencer ou garnir une terre.

[2] Sic, c’est-à-dire praticable.

[3] Bibliothèque Carnegie, ms. 2450, Mémoire détaillé de tous les biens de la manse conventuelle de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine achevé en 1771, manuscrit consultable en ligne sur la BVMM (Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux) élaborée par l’IRHT-CNRS (Institut de recherche et d’histoire des textes), acte passé le 26 mai 1774 par devant maître Fréal, notaire royal en Vitry et Vermandois, résidant et demeurant en Chaumont-en-Porcien, folio 673, vue 361/521 [Nota bene : bien que le codex soit censé s’interrompre selon son incipit en 1771, des mentions ont été portées postérieurement à cette date].


Panier traditionnel en osier brut.
Panier traditionnel en osier brut.

L’abondance de l’eau est fort utile, tant pour les hourliers (ou oseraies) que pour la culture du chanvre, dont l’apogée se situe à la fin du XVIIIe siècle. La plupart des ménages habitant le village possèdent une chènevière (ou chanvrière), tout comme le curé de La Romagne qui a, outre une somme fixe sur son église, deux arpents de prés et deux chènevières louées dont il tire un revenu de 60 livres[1].


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 267/1 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, articles 2G 267-268 = doyenné de Rethel (1248-1790)], Supplément à ce qui manque aux éclaircissements donnés sur les cures du doyenné de Rethel.


Cordage en chanvre.
Cordage en chanvre.

Ce sont, le plus souvent, de petites pièces de dix à douze verges, ce qui montre le morcellement des terres. Cette culture demande des soins particuliers. La plante se sème au mois de mai, et se récolte en août pour le chanvre mâle. Ce dernier, dépourvu de graines, fournit une filasse de qualité supérieure destinée à la confection de chemises. Le chanvre femelle en donne une de qualité inférieure, que l’on utilise pour les cordages ou les couches des nourrissons.  C’est après la récolte que la présence d’eau est indispensable, afin de faire tremper les tiges pour pouvoir séparer la fibre de la paille.


Ruisseau du Rouage, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ruisseau du Rouage, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 13 mai 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Au début du XVIIe siècle, les paysans sont soumis à un règlement de police rappelé en 1663[1], qui stipule que « les chanvres ne doivent point être mis rouis dans la rivière parce que la pêche en est ruinée et la boisson malsaine, mais dans un fossé ou marais du lieu » et qu’il faut veiller à « ne les seicher[2] jamais au four et cheminée, crainte d’accident de feu, mais dans les rues au soleil et au vent » (article XXXII). Ils creusent donc des fosses à proximité des cours d’eau. Ces endroits dans lesquels le chanvre trempe prennent le nom de roises[3]. La toponymie des villages environnants l’atteste puisque l’on trouve :

  • à La Romagne, la Côte des Roises ou le Pré des Roises ;
  • à Montmeillant, le Fossé Rouge ;
  • à Rocquigny, les prés de la Chènevière[4].

[1] Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin.

[2] Sic, c’est-à-dire sécher.

[3] Sorte de trou rempli d’eau servant pour le rouissage du chanvre.

[4] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 4-LC20-173, Taine, Michel, « Balade cadastrale :  la culture du chanvre » in Terres Ardennaises : revue d’histoire et de géographie locales, Charleville-Mézières : Fédération des œuvres laïques, 1982-, n° 78, mars 2002, p. 25-35.


Après le rouissage[1], de nombreuses opérations sont nécessaires : séchage, broyage, teillage[2], peignage. Le filage, occupation des femmes durant l’hiver, est confirmé par la présence d’un ou plusieurs rouets dans chaque maison, selon les inventaires après décès. Le tissage est l’œuvre de tisserands. On en dénombre quelques-uns au cours du XVIIIe siècle grâce aux impositions. La toile produite, robuste et rêche, constitue la base du linge de maison ou de corps.

AnnéesTisserands
1712Jean Gorget l’aîné
1714Jean Georget l’aîné et Jacques Boudesocq
1721Jacques Boudesocq
1737/1742Jacques Boudesocq et Jean Lahay
1770/1774Jean Trippier et Jean Baptiste Deligny
Quelques tisserands de La Romagne au XVIIIe siècle.

[1] Immersion totale des tiges de chanvre dans l’eau.

[2] Opération qui consiste à enlever la partie ligneuse du chanvre.


Valise en osier typique des années 1920 utilisée pour les voyages.
Valise en osier typique des années 1920 utilisée pour les voyages.

La présence de nombreux rus a aussi pour conséquence que les terroirs romanais et de Rocquigny sont couverts d’osiers et permettent la fabrication de paniers. Une oseraie bien entretenue peut durer de cinquante à quatre-vingts ans, en fonction des soins du terreautage[1].  Un mandelier[2] présent dans un registre des tailles du village en 1702 atteste la pratique de ce métier. Cette culture perdure jusqu’au XXe siècle, tant que les maisons de champagne, principal débouché pour cette culture, utilisent cette matière pour leurs emballages.


[1] Rechargement en terre du pied d’osier.

[2] Vannier.


Creusement de puits à La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).
Creusement de puits à La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).

Outre ces nombreux petits ruisseaux, de multiples sources sont disséminées sur tout le terroir. Avant l’arrivée de l’eau courante, chacun se la procure grâce à un puits pour alimenter son foyer, si bien qu’au XIXe siècle, on en compte dans chaque hameau, et une cinquantaine dans le village. L’un des derniers creusés est celui du presbytère. A défaut de soleil, La Romagne a eu l’ingéniosité de transformer son climat humide en une richesse locale.

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Les lieux-dits de La Romagne, éléments de toponymie


La densité des noms de parcelles et de lieux-dits autour de La Romagne est beaucoup plus forte entre le Moyen-Age et la fin de l’Ancien Régime que de nos jours. En témoignent les actes notariés qui font allusion à des dénominations que l’on ne peut plus localiser : les Rouages, par exemple, tenaient au chemin qui conduit à Montmeillant et à celui de Saint-Jean-aux-Bois (d’après la vente en 1719 d’une pièce de pré entre Gérard Merlin et Robert Bechet).


Les lieux-dits de La Romagne peuvent tirer leurs noms d'arbres, comme le Grand Poirier ou le Gros Faux (hêtre).
Les lieux-dits de La Romagne peuvent tirer leurs noms d’arbres, comme le Grand Poirier ou le Gros Faux.

Par la suite, les plans cadastraux ont découpé le terroir avec une certaine rigueur. L’absence de terriers[1] ne permet pas de pousser plus loin l’étude comparative. Néanmoins, les relevés qui ont pu être faits dans le passé montrent une grande richesse et mettent en valeur :

  • des noms de propriétaires ;
  • l’aspect des lieux (mont, fosse ou vallon, partie basse ou fond) ;
  • la nature du sol (cailloux, pierre) ;
  • l’humidité de l’endroit ;
  • les plantes (arbres fruitiers et autres, plantes utiles) ;
  • les jardins (courtils) ;
  • les voies ou moyen de communication (chemin, voie ou son diminutif « voyette », pont) ;
  • les carrières ;
  • l’industrie ou le commerce (mines, moulins, briqueterie) ;
  • la religion (la croix, qui peut tout aussi bien désigner un calvaire qu’un carrefour).

[1] Dans les registres nommés terriers, on indiquait les limites des fiefs et des censives, les redevances dues, les services à rendre, les usages locaux. Les terriers de La Romagne ont disparu.


Archives départementales des Ardennes, La Romagne A1 1835, Le bois d'Apremont et les Houis Bas, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne A1 1835, le bois d’Apremont et les Houis Bas, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, consultable en ligne.

Bois, arbres divers et végétation

  • Bois d’Apremont, Bois Promsy, Bois Foissier, Bois de la Cense Longueval, Bois de la Paternotte,  Bois de la Tachette, Bois du Grand Sart, Bois des Ribourés, Bois de la Queue de l’Etang, Bois de la Plaine ;
  • Le Bochet, le Bochet Croët, le Buisson Peautelet, la Haye Colin ;
  • Les Plants, le Plant Foucault, le Gros Faux, le Grand Poirier, les Bruyères.
Fau (faux) vient du latin Fagus sylvatica, le nom scientifique du hêtre commun (planche tirée de la flore médicale de Pierre François Chaumeton, 1817).
Fau (faux) vient du latin Fagus sylvatica, le nom scientifique du hêtre commun (planche tirée de la flore médicale de Pierre François Chaumeton, 1817).

Le pou ou pouil est l'ancien nom du coq (Gallus gallus domesticus). L'ardennaise dorée est une race de poule belge et française.
Le pou ou pouil est l’ancien nom du coq (Gallus gallus domesticus). L’ardennaise dorée est une race de poule belge et française.

Présence d’eau

  • La Fontaine Roger, la Fontaine aux Pous, la Fontaine aux Grues, le Long Ruisseau.
Muséum d'histoire naturelle de Toulouse, MHNT.ZOO.2010.11.65.5, œuf de grue cendrée (Grus grus), collection oologique de Jacques Perrin de Brichambaut (photographie de Roger Culos).
Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, MHNT.ZOO.2010.11.65.5, œuf de grue cendrée (Grus grus), collection oologique de Jacques Perrin de Brichambaut (travail personnel du photographe Roger Culos, 2019).

Nature du sol

  • La Petite Marnière, la Pierre, les Groettes, Les Minières, les Cailloux.

Le chêne pédonculé (Quercus robur) est, avec le hêtre commun, une essence feuillue courante en Champagne-Ardenne.
Le chêne pédonculé (Quercus robur) est une essence courante des Ardennes.

Terre

  • Les Terres de Belair, les Terres Jacques, la Grosse Terre, la Terre Martin, les Terres du Grand Chemin, les Terres de la Cense Longueval, les Terres de la Tachette, les Terres de la Pierre, la Rouge Terre, La Terre Grand-mère, les Longues Terres de la Huée, les Terres du Pré Mellier, les Terres des Hayes, les Terres des Veaux, les Terres Madame, les Terres de la Grosse Soule, la Terre aux Chênes, la Terre du Berger, la Ronde Terre
Le chêne rouvre ou sessile (Quercus petraea) est aujourd'hui utilisé par la Tonnellerie de Champagne-Ardenne.
Le chêne rouvre ou sessile (Quercus petraea) est aujourd’hui utilisé par la Tonnellerie de Champagne-Ardenne.

Planche Deyrolle d'enseignement agricole sur les plantes fourragères des prairies naturelles.
Planche Deyrolle d’enseignement agricole sur les plantes fourragères des prairies naturelles.

Pré

  • Le Pré Agnant, le Pré Agnant sous la Voye Libert, le Pré Potier, le Pré des Roises, le Pré Montagne, le Pré de la Biche, le Pré des Guitons, le Pré de la Houette, le Pré des Moisnes, le Pré Haut du Moulin Garot, le Pré du Chat Noyé, le Pré Merlin, la Huée du Pré Mellier, le Pré de la Passe, les Prés du Grand Sart, le Pré Hudrot, le Pré de la Voyette de Chaumont, le Pré de l’Etang.

Le courtil est un jardin paysan, généralement clos.
Le courtil est un jardin paysan, généralement clos.

Courtil (petit jardin)

  • Le Courtil Monnois, le Courtil Noirette, le Courtil Macheterre, le Courtil Jadin, le Courtil Habert, le Courtil Jean Rousseau, le Courtil Doré, le Courty Rogier.
Le courtillage est un petit jardin potager et, par métonymie, la production de ce dernier.
Le courtillage est un petit jardin potager et, par métonymie, la production de ce dernier.

Archives départementales des Ardennes, La Romagne C1 1835, le village et le Mont de Vergogne, cadastre ancien, plan parcellaire, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne C1 1835, le village et le Mont de Vergogne, cadastre ancien, plan parcellaire consultable en ligne.

Elévation

  • Le Mont Ballot, le Mont de Vergogne, etc. ;
  • La Côte Monnois, la Côte du Petit Moulin, la Côte de Montmeillant, la Côte de la Rouge Cotte, la Côte du Chat Noyé, la Côte Herbin, la Côte Hamel, la Côte au Saint Foin, la Côte des Cayotiers.
Le sainfoin (Onobrychis viciifolia) est une plante des prairies pauvres autrefois cultivée comme fourrage.
Le sainfoin (Onobrychis viciifolia) est une plante des prairies pauvres autrefois cultivée comme fourrage.

La fauchée était la quantité d'herbe qu'un agriculteur pouvait couper en un jour.
La fauchée était la quantité d’herbe qu’un agriculteur pouvait couper en un jour.

Mesures

  • Les Quatre Arpents, les Dix Quartels, la Fauchée Robin.

Contrairement à ceux de La Romagne, disparus, le moulin de Librecy, hameau de la commune de Signy-l'Abbaye a pu être restauré (sa partie meunerie date de 1604). La FFAM (Fédération française des associations de sauvegarde des moulins) et la FDMF (Fédération des moulins de France) tentent de préserver ce patrimoine.
Contrairement à ceux de La Romagne, disparus, le moulin de Librecy, hameau de la commune de Signy-l’Abbaye a pu être restauré (sa partie meunerie date de 1604). La FFAM (Fédération française des associations de sauvegarde des moulins) et la FDMF (Fédération des moulins de France) préservent ce patrimoine.

Lieux anciens

  • Le Fossé du Château, le Grand Fief et le Petit Fief, la Cense Longueval, le Moulin à Vent, le Petit Moulin à Vent, la Croix Renaud, le Pont Cannel, la Briqueterie, la Queue de l’Etang.