Les incendies sont depuis toujours un véritable fléau pour les villages. C’est pour pouvoir les combattre que le premier corps des sapeurs-pompiers est organisé en 1670 à Paris. Ce n’est cependant qu’en 1755 que les premières pompes apparaissent dans les Ardennes à Sedan.
Ce corps est réorganisé par le décret du 29 décembre 1875. Les officiers sont nommés par le président de la République. On trouve dans les villes les plus importantes et les gros bourgs un capitaine et un lieutenant, dans les communes de moindre importance (comme à Château-Porcien), uniquement un lieutenant et, dans toutes les autres communes, un sous-lieutenant.
La date de création à La Romagne du premier corps de sapeurs-pompiers reste assez énigmatique. Mais on peut penser qu’il existe au moins depuis 1878 puisque Jean Bompart, sergent-fourrier à la subdivision de La Romagne reçoit en 1908 un diplôme d’honneur accordé à un sapeur-pompier qui « compte plus de 30 ans de service et qui a fait constamment preuve de dévouement[1] ».
[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 58, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, n° 9921, 3 décembre 1908, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Jusqu’après la première guerre mondiale, et toujours à cause de la disparition de documents, il est bien difficile de donner plus d’explications en matière de lutte contre l’incendie dans la commune. Néanmoins, lors de la délibération du 11 juin 1882, le maire suggère « qu’il serait bon de rétablir la compagnie de sapeurs-pompiers », ce qui permet de confirmer qu’une unité existait antérieurement à cette date.
L’organisation générale se structure encore plus à partir de 1890. Sur la totalité des communes que compte le département, il y a 250 compagnies de pompiers. En effet, les municipalités doivent prendre les mesures nécessaires pour disposer du matériel suffisant pour lutter au plus tôt contre les incendies, et sans attendre le secours des communes voisines. Cependant, on peut s’interroger sur l’importance et la disponibilité de celle de La Romagne, lorsque des incendies éclatent dans le canton de Chaumont entre 1890 et 1895. La relation qui en est faite dans la presse (Le Petit Ardennais en particulier) ne mentionne jamais le village. Pourquoi ?
De plus, pour lutter plus efficacement contre les sinistres les plus graves, une inspection départementale (créée à partir de 1891) veille à l’instruction des différents corps. Son objectif est de la rendre la plus uniforme possible, pour qu’elle puisse être employée utilement lorsque plusieurs compagnies sont nécessaires pour lutter contre les incendies les plus importants.
La mission des sapeurs-pompiers d’une commune est entièrement gratuite, voire coûteuse. Ces derniers ne reçoivent aucune indemnité pour la perte de leur salaire, voire pour les chaussures ou les vêtements endommagés lors de la lutte contre l’incendie (au fil des années, ces points vont changer).
En 1905, l’effectif de la commune est de 21 hommes mais il sera porté à 23 pour diverses raisons : la pompe est difficile à manœuvrer. Et deux jeunes gens souhaitent réintégrer le corps des sapeurs-pompiers après leur service militaire. Quatre années plus tard, le conseil municipal souhaite mobiliser 25 hommes[1].
Bocquet, Arthur | Devie, Alfred |
Bocquet, Ernest | Devie, Jean |
Bompart, Charles | Douce, Henri |
Bonhomme, Désiré Vital | Druart, Maurice |
Boudsocq, Gaston | Lange, Pierre |
Carbonneaux, Aristide | Legros, André |
Carbonneaux, Marceau | Marquigny, Henri |
Carbonneaux, Maurice | Modeste, Fernand |
Chrétien, Firmin | Quentin, Omer |
Cugnard, Alcide | Trochain, Marcel |
Devie, Albert | Vuilmet, Aimé |
Pour La Romagne, comme pour les autres communes ardennaises, l’arrêté préfectoral en date du 22 mars 1923 réorganise les corps de sapeurs-pompiers. Celui du village se compose de 22 hommes (un lieutenant, un sergent-fourrier, un caporal, un clairon, un tambour et des sapeurs). L’uniforme choisi est en toile. A partir de 1925, la municipalité contracte une assurance au profit des pompiers contre les accidents et maladies qui pourraient survenir pendant le service[2].
[1] Archives départementales des Ardennes, délibérations du conseil municipal de La Romagne des 19 mars 1905 et 14 mars 1909.
[2] Archives départementales des Ardennes, délibération du conseil municipal de La Romagne du 26 février 1925.
Chaque homme recruté doit répondre à des obligations précises : une moralité et une probité reconnues, posséder les aptitudes physiques nécessaires, et s’engager pour cinq ans. En cas de rupture, le démissionnaire doit verser une somme de 50 francs qui sera utilisée lors d’un achat de matériel ou d’uniformes.
Tous ces hommes exercent par ailleurs une profession et, parmi eux, on trouve douze cultivateurs, deux maréchaux-ferrants, deux vanniers, un boulanger, un charpentier, un domestique, un employé, un journalier et un peintre. Cet engagement au service du village ne concerne pas uniquement des adultes, car des jeunes gens souhaitent également en faire partie et pour cela doivent avoir l’accord de leurs parents.
Quinze ans plus tard (en 1938), lorsque l’on compare les effectifs, certains sont encore présents, ce qui montre ainsi leur implication dans la vie de la commune.
Bart, Jean | Dudur |
Bolle, A. | Ledouble |
Bonhomme, Désiré Vital | Legros |
Boudsocq, Gaston | Lelong |
Carbonneaux, Aristide | Malherbe |
Chiche | Mauroy |
Chrétien | Raymond, Jules |
Devie, Albert | Vuilmet |
Devie, Alfred | |
Douce, Henri | |
Druart, Maurice |
A cette date, le conseil municipal s’engage (sur une durée de 15 ans) à subvenir aux dépenses du service, et accorde une subvention aux sapeurs-pompiers chaque année.
L’uniforme obligatoire change. Il se compose désormais d’une veste, d’un pantalon de drap, et d’une ceinture. L’entraînement, depuis la formation du corps en 1923, se fait, par diverses manœuvres, chaque premier dimanche du mois. C’est aussi l’occasion de vérifier l’état des accessoires et de la pompe qui se trouvent dans la remise jouxtant l’église. En cas d’incendie, les pompiers sont alertés par la sonnerie des cloches, tant que celles-ci seront en usage, ou par le clairon par la suite.
Lorsqu’en 1927, la remise à pompe où était entreposé le matériel menace de s’écrouler dans la mare voisine (en raison de ses murs crevassés), la seule solution à prendre est de la démolir.
Pour la reconstruire, on utilise certains des matériaux et on confie l’exécution des travaux à M. Hayot. Le matériel dont disposent les pompiers est soigneusement répertorié, et l’inventaire dressé en 1939 permet de dire que la commune possède au moins :
- une pompe aspirante et foulante ;
- une pompe à bras foulante plus ancienne ;
- des tuyaux de cuir, de toile et de caoutchouc ;
- deux lances en cuivre ;
- une quarantaine de seaux en toile ;
- les valises pour les ranger ;
- une hache et une pioche ;
- les tenues d’officier et de sapeurs ;
- les ceintures de feu ;
- trois clairons, un tambour et le drapeau.
L’alimentation en eau est un véritable problème à partir de cette époque : les mares, au centre du village, et qui servent depuis longtemps de « réserve d’eau », voient leur niveau baisser et ont besoin d’être curées. De plus, il n’existe aucun autre réseau de distribution d’eau avec des bornes d’incendie.
Durant les années de guerre, le système de défense contre l’incendie sera très précaire[1]. Après la guerre, le matériel va devoir être remplacé. Pour cela, on utilise une partie des sommes consacrées aux dommages de guerre. En 1948, la commune remplace la motopompe hors d’usage (en rachetant celle que Rumigny revend et, par la suite, celle de Remaucourt).
[1] Archives départementales des Ardennes, 9R 1-17 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 9R = service de défense contre les incendies, les sapeurs-pompiers, la défense passive].
A partir de 1950, c’est une bonne partie du matériel qui est racheté. Le village a un nouvel équipement constitué de lances, tuyaux, dévidoirs, etc. Ces achats s’élèvent à peu près à la somme de 483 000 francs.
De 1952 à 1958, ce sont de nouvelles tenues et des vestes de cuir qui viendront équiper les pompiers[1]. Les interventions pour des incendies à La Romagne s’espacent (en raison du développement de nouveaux critères de sécurité), mais l’entraînement régulier perdure.
[1] Archives départementales des Ardennes, 9R 86 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 9R = service de défense contre les incendies, les sapeurs-pompiers, la défense passive].
Afin de renforcer les liens qui existent entre les pompiers des diverses communes d’un canton, les officiers et sous-officiers forment des associations amicales, comme c’est le cas pour le canton de Chaumont-Porcien dès 1907. Elles se réunissent périodiquement, et notamment chaque 4 décembre, lors d’un banquet où ils honorent sainte Barbe[1] (la patronne de tous ceux qui travaillent avec le feu ou la foudre).
[1] Nota bene : si on cite le personnage de sainte Barbe, l’adjectif « sainte » s’écrit avec une minuscule et n’est pas suivi d’un trait d’union. Si, en revanche, le nom de la sainte contribue à la dénomination d’une rue, d’un édifice, d’un ordre religieux, d’une fête, etc., majuscule et trait d’union s’imposent. Et donc, dans ce cas, on écrira « fête de la Sainte-Barbe ».