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La Romagne dans l’entre-deux guerres : une analyse comparative des recensements de 1926, 1931 et 1936


L’entre-deux guerres est une période marquée par d’importants changements sur le plan international avec :

  • des modifications de la carte européenne après l’effondrement de l’empire austrohongrois ;
  • la montée des régimes totalitaires s’opposant aux régimes démocratiques ;
  • le retour sur le traité de Versailles avec la remilitarisation de l’Allemagne.

Une récession économique se développe des Etats-Unis à l’Europe, à partir de 1929. Elle touche plus particulièrement la France à partir de 1932, avec des faillites d’entreprises et un fort taux de chômage.


Une crise politique se développe en France en 1934. Avec les élections de 1936 et la nomination de Léon Blum, président du Conseil sous le Front populaire, des mesures sociales sont prises et transforment la société par l’adoption, après une période de grèves, de la semaine de travail de quarante heures, et l’octroi de deux semaines de congés payés pour les salariés.


Trois recensements à La Romagne couvrent cette période : 1926[1], 1931[2] et 1936[3]. Ils permettent d’aborder les mutations du village, et offrent des données plus complètes dans ce domaine que les annuaires historiques, administratifs et commerciaux du département des Ardennes des années 1926[4], 1927[5], 1931[6], 1932[7] et 1936[8].


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. – Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1926.], vue 1/11, consultable en ligne.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. – Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1931.], vue 1/11, consultable en ligne.

[3] Archives départementales des Ardennes, 6M 20 [série M = administration générale et économie, sous-série 6M = population, affaires économiques, statistiques.], liste nominative des habitants de la commune de La Romagne, année 1936, vue 1/10, consultable en ligne.

[4] Archives départementales des Ardennes, PERH43 111, annuaire de l’année 1926 [série PERH = périodiques, sous-série PERH43 = annuaires administratifs, commerciaux et industriels du département des Ardennes.]

[5] Archives départementales des Ardennes, PERH43 112, annuaire de l’année 1927 [idem.]

[6] Archives départementales des Ardennes, PERH43 116, annuaire de l’année 1931 [idem.]

[7] Archives départementales des Ardennes, PERH43 117, annuaire de l’année 1932 [idem.]

[8] Archives départementales des Ardennes, PERH43 121, annuaire de l’année 1936 [idem.]


Il est à noter que les données de population indiquées dans les annuaires correspondent à celles du recensement de l’année précédente.

De plus, les chiffres qui y sont indiqués ne concernent que les cultivateurs, et non les autres travailleurs agricoles et les artisans, pas plus que leurs ouvriers ou apprentis. Enfin, la collection de ces annuaires s’arrête en 1936, et reprend les données du recensement de 1931.


Le nombre d’habitants à La Romagne (Ardennes) confirme la dépopulation très nette en dix ans. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’absence d’étrangers en 1931, et leur retour en 1936, suggère des phénomènes migratoires locaux, saisonniers ou familiaux. Il est à noter qu’il y a quelques habitants en plus, car les recensements ne tiennent pas compte des élèves internes des établissements d’instruction publique.


Or, à cette époque, le village en compte quelques-uns. Ne sont pas dénombrés non plus des ouvriers chargés d’exécuter des travaux publics, au moment où se développe l’installation de l’électricité dans les communes du canton de Chaumont-Porcien. Ce phénomène n’est sans rappeler la présence d’ouvriers, d’origine italienne pour la plupart, au moment de l’installation du chemin de fer.


En dix ans, la population du village diminue de cinquante-cinq habitants. En effet, c’est une période de crise économique avec des baisses, selon les années, des rendements et des prix agricoles.


Bien que les progrès techniques et matériels, permis par l’installation de l’électricité, aient amélioré les conditions de vie des habitants, cette diminution peut trouver une explication dans la gestion familiale et patriarcale du travail, que ce soit dans l’agriculture comme dans l’artisanat.


Les jeunes adultes souhaitent avoir plus d’indépendance, et un salaire personnel. Ils se tournent alors vers les métiers de la fonction publique ou de l’industrie. La ville offre également plus de confort, alors que l’habitat local, qui est parfois vétuste.

Ces départs modifient la physionomie de la population active masculine, de manière très ténue dans le domaine de l’agriculture, mais plus marquante dans l’artisanat.


La dépopulation est plus marquée dans le village que dans certains écarts de La Romagne (Ardennes). La rue Haute se taille « la part du lion », alors que les écarts et hameaux sont assez stables, ou en légère progression. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour la première fois, des retraités (un homme et une femme) apparaissent dans le relevé de 1936[1]. La population active féminine (six femmes), ne change pas durant cette décennie. On compte deux couturières, deux commerçantes et deux servantes.


[1] Le curé, compte tenu de sa vocation auprès des paroissiens, n’entre pas dans le décompte de la population active.


L’agriculture à La Romagne (Ardennes) devient proportionnellement plus importante parmi les actifs masculins, du fait d’une forte chute des autres secteurs. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les recensements hiérarchisent la population agricole entre propriétaires, fermiers, ouvriers agricoles, et journaliers. Durant ces dix années, un, puis deux cultivateurs tentent une autre orientation de leur exploitation en devenant herbagers (élevage laitier ou à viande). Mais, en 1936, ils ne sont plus répertoriés dans cette catégorie.


Le nombre des ouvriers agricoles diminue fortement, tout comme celui des journaliers, qui disparaissent en 1936. Les premiers à être affectés par la crise rejoignent la catégorie des manouvriers. Et les seconds sont victimes du développement de la mécanisation. Lorsque l’exploitation est petite, l’exploitant est contraint, pour pouvoir en vivre, d’exercer une autre activité agricole.


Les petits propriétaires de La Romagne (Ardennes) résistent, mais diversifient leurs revenus. Le fort accroissement des manouvriers plaide pour une recomposition et une précarisation des emplois. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’artisanat, dans cette période, subit des transformations ou des reconversions, voire des disparitions d’activités : comme celles des cordonnier, couvreur, voiturier et vanniers en 1936. Avant qu’il n’y ait plus de cordonnerie, l’artisan qui s’en chargeait était aussi domestique de culture ; la pratique n’étant plus assez nombreuse pour permettre de vivre de ce métier. En effet, il n’y a pas de relève pour ce domaine, tout comme pour la vannerie.


L’érosion des métiers traditionnels à La Romagne (Ardennes) entraîne la raréfaction de certains débouchés d’un côté, et le renforcement des métiers liés à la modernisation de l’autre. La disparition du métier de vannier marque la perte d’un savoir-faire local. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les commerces de La Romagne (Ardennes) qui dépendent d’un marché local sont en régression, alors que certaines activités industrielles locales restent solides. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

En ce qui concerne le service public, des représentants sont présents dans les villages. Ce sont les instituteur, percepteur, facteur, cantonniers (municipal et d’Etat).


L’Etat est toujours présent à La Romagne (Ardennes), ce qui pourrait retenir les habitants, mais des infrastructures tels que le téléphone et le chemin de fer favorisent la mobilité et les départs. Tableau WordPress. Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

En une dizaine d’années, le village évolue et se transforme, tout en subissant des changements économiques. Les activités principales sont liées à l’agriculture et à l’artisanat, mais celui-ci doit s’adapter s’il ne veut pas disparaître. C’est le cas des vanniers, qui répondaient aux besoins des vignerons (avec les paniers pour les vendanges ou les expéditions de bouteilles).


Lorsque ces derniers optent pour des caisses en bois ou des emballages cartonnés, la vannerie voit disparaître l’un de ses principaux débouchés, et s’étiole avant de mourir. Les commerces locaux répondent aux besoins des habitants, et vivent de cette clientèle, tout en contribuant à la vie et l’animation de la commune.


Entre 1926 et 1936, La Romagne illustre une trajectoire typique d’un village rural français touché par la crise intervenue après 1929 : dépopulation structurelle, concentration de l’activité survivante sur l’agriculture, effondrement des petits métiers artisanaux, et recomposition des emplois agricoles. Les indicateurs montrent une communauté qui résiste (propriétaires et exploitants relativement stables), mais qui se transforme rapidement.


Les jeunes partent chercher un salaire et de meilleures conditions en ville, soit dans la fonction publique, soit dans l’industrie ; les activités traditionnelles perdent leurs débouchés (la vannerie, par exemple). L’apparition d’infrastructures (téléphone, employés du chemin de fer) signale une ouverture aux réseaux nationaux qui, paradoxalement, facilitent aussi l’exode rural.


Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. - Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1931.], vue 1/11, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/ F 1 = population. – Dénombrement : listes nominatives, 1911-1936, année 1931.], vue 1/11, consultable en ligne.

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La Romagne après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : une analyse du recensement de 1946


Lors du recensement de mars 1946[1], dix années se sont écoulées depuis le dernier effectué. La Seconde Guerre mondiale a bouleversé le village à plusieurs reprises : tout d’abord avec l’exode, qui l’a vidé presque totalement.

Difficile, le retour s’est heurté aux tracasseries et exigences des occupants, au point que La Romagne n’a retrouvé à la date du 15 mars 1941 que quatre-vingt-dix-huit habitants sur les deux cent neuf que comptait la commune avant la guerre, selon une déclaration[2] du maire intérimaire André Didier.


[1] Archives départementales des Ardennes, 30W 15 : recensement de la population de La Romagne, année 1946 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.], vue 1/7, consultable en ligne.

[2] Archives départementales des Ardennes, 56W 57 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]


A l’exception des prisonniers de guerre français, la quasi-totalité de sa population est de retour en décembre 1941. Celle-ci doit non seulement faire face à l’occupation du village, aux restrictions. Mais les agriculteurs ont en plus affaire à la WOL, et se trouvent dépossédés d’une partie de leurs terres au profit de l’ennemi.


S’ils ont été contraints de produire selon les règles de cette organisation durant plusieurs années, il leur a fallu, lorsqu’elle a été dissoute, récupérer leurs terres, leur bétail, et leur rôle de patron. Ils ont dû s’inscrire dans l’effort collectif pour que le pays retrouve ses moyens de production. Et ce, afin de pourvoir à la nourriture des millions de personnes qui avaient subi des carences alimentaires.


En 1946, La Romagne compte cent quatre-vingt-trois habitants, dont cent soixante-seize de nationalité française et sept étrangers. Inexorablement, la perte de population continue. L’amplitude des âges peut être estimée à environ quatre-vingt-dix ans, et révèle que la doyenne du village est Marie Brodier (épouse Ledouble). Née en 1859 sous le Second Empire, elle a onze ans lorsqu’éclate la guerre franco-prussienne.


Au cours de sa vie, elle aura donc subi par trois fois la présence allemande au sein de son village, et enduré trois guerres. Elle n’est cependant pas la seule, puisque, lors du recensement de 1946, il apparaît que treize personnes (neuf hommes et quatre femmes) vivant à la Romagne sont nés avant le début de la guerre de 1870, et ont été marqués par des souvenirs des trois conflits.


La pyramide des âges montre une population masculine (cent dix hommes) plus importante que la population féminine (soixante-treize femmes) Elle atteste également une présence non négligeable de jeunes, mais moins importante que le groupe des actifs, ce qui est atypique pour l’après-guerre, mais que l’on peut attribuer à un biais causé par un petit échantillon. Graphique de type « barres empilées ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La pyramide des âges montre une population masculine (cent dix hommes) plus importante que la population féminine (soixante-treize femmes) Elle atteste également une présence non négligeable de jeunes, mais moins importante que le groupe des actifs, ce qui est atypique pour l’après-guerre, mais que l’on peut attribuer à un biais causé par un petit échantillon. Graphique de type « barres empilées ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Lors du recensement de 1921, certaines maisons étaient vacantes à la suite du départ de réfugiés, alors qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce sont les troupes allemandes qui, à la suite de leur retraite, ont délaissé les lieux d’habitation qu’elles occupaient.


Les deux rues principales (Haute et Basse) comptent ensemble cinquante-quatre maisons. Parmi elles, sept sont vides. L’une d’entre elles est transformée en épicerie, ce qui est une reconfiguration de fonction, en passant du logement au service.

Quant aux rues Langlet et Canon, elles ne comptent plus, à elles deux, que trois maisons habitées. Dans les écarts, qui représentent en tout dix-neuf maisons, cinq sont vides. Le taux de vacance est de 13 % pour les rues principales et de 26,3 % pour les écarts.


Le détail de la répartition des habitants montre une dizaine de configurations :

  • couple sans enfants ;
  • couple avec enfants ;
  • couple avec enfant, et domestique ou ouvrier ;
  • couple avec deux ascendants ;
  • couple avec un ascendant ;
  • couple et enfant avec un ascendant ;
  • deux couples d’adultes ;
  • homme seul ;
  • femme seule ;
  • deux adultes d’une même famille (oncle et neveu ; père et fils).

Seize familles de La Romagne (Ardennes) comptent ensemble quarante et un enfants, ce qui représente environ le quart de la population. Le nombre d’enfants vivant en famille diffère du total des personnes dont l’âge est inférieur à quinze ans, ce qui s’explique par une autre acception du mot enfant (fils et fille), qui inclut les jeunes jusqu’à la vingtaine. Graphique de type « entonnoir ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Seize familles de La Romagne (Ardennes) comptent ensemble quarante et un enfants, ce qui représente environ le quart de la population. Le nombre d’enfants vivant en famille diffère du total des personnes dont l’âge est inférieur à quinze ans, ce qui s’explique par une autre acception du mot enfant (fils et fille), qui inclut les jeunes jusqu’à la vingtaine. Graphique de type « entonnoir ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Comme lors des recensements précédents, c’est l’agriculture qui est toujours l’activité principale. Les cultivateurs sont dénombrés par leur statut (propriétaire, fermier, ou travailleur agricole) mais un autre document[1] présente les trente exploitations de la commune, quel que soit le mode de faire-valoir.


[1] Archives départementales des Ardennes, 53W 3 : dénombrement agricole 1946, feuille d’exploitation, canton de Chaumont-Porcien, commune de La Romagne [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]


Une forte proportion de fermiers (43 %) domine les tenures diverses, tandis que d’autres cultivateurs montrent une diversification des revenus. Graphique de type « secteurs ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Une forte proportion de fermiers (43 %) domine les tenures diverses, tandis que d’autres cultivateurs montrent une diversification des revenus. Graphique de type « secteurs ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La plus petite surface cultivée a une superficie d’un hectare soixante et un, et la plus importante soixante et onze hectares. Parmi ces exploitations, dix-neuf sont consacrées à l’agriculture générale, huit sont herbagères, et une mixte (agriculture générale et herbagère), deux sans aucune précision.

Fait significatif, la petitesse de quelques-unes et la nature des sols, parfois ingrats, font glisser un certain nombre d’exploitants vers l’élevage. Une amorce de ce changement a pu être observée lors des recensements de la décennie précédente.


La prépondérance d’exploitations petites et moyennes souligne une fragilité économique possible, et des difficultés pour survivre. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La prépondérance d’exploitations petites et moyennes souligne une fragilité économique possible, et des difficultés pour survivre. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Sur les trente cultivateurs de la commune, rares sont ceux qui exploitent seuls leurs terres (sept). D’autres ont recours à un ouvrier (un) ou aux enfants ayant quitté l’école (deux). La plupart travaillent en couple (six), ou en couple et avec l’aide d’un ouvrier (deux), en famille avec leurs femme et enfants de plus de quatorze ans (onze).


Le cas d’une veuve cultivant environ sept hectares avec un membre de sa famille est unique. Durant un laps de temps indéterminé, ceux qui avaient une exploitation comprise entre vingt et un et cinquante hectares auraient bénéficié de la présence d’un prisonnier de guerre allemand (trois)[1].


[1] Cette mention, qui ne comporte ni nom ni date, a été biffée par la suite, ce qui rend son interprétation difficile.


Le nombre d’artisans diminue, ce qui avait déjà été constaté dans la décennie précédente. Dans ce recensement, ne sont plus répertoriés que le charpentier, deux mécaniciens, un maréchal-ferrant et son aide, un bûcheron, un charretier de bois, et un boulanger. Peintre, couvreur, vannier n’auront pas de successeurs locaux, et ils disparaissent à tout jamais.


La cidrerie fondée dans l’entre-deux guerres a pour personnel deux fabricants de cidre, un ouvrier cidrier et un aide-cidrier. Des employés sont affectés à la scierie de Montmeillant, montrant ainsi la présence de petites industries disséminées dans le canton, comme les laiteries par exemple.


La commune emploie toujours quelques personnes : un cantonnier municipal, un tambour afficheur, un secrétaire de mairie (qui est aussi l’instituteur de l’école mixte du village). La SNCF a pour sa part recruté un cantonnier à la gare de Draize – La Romagne.


Le village a subi la guerre, l’exode et l’occupation par la WOL, qui a dépossédé partiellement les agriculteurs. En 1946, l’activité et la population se stabilisent autour d’un mode de vie agricole familial, orienté désormais vers l’élevage et la production laitière.


Les exploitants agricoles sont conscients de la nécessité d’introduire des changements s’ils veulent répondre aux besoins du pays, et pourvoir à la nourriture de millions de Français, comme il leur est demandé par le gouvernement. La mécanisation se développe, mais chevaux et tracteurs cohabitent encore pour quelque temps.


En revanche, la diminution de l’artisanat souligne un effritement des métiers traditionnels, tandis que les commerces fixes, dont le nombre est limité à deux, préfigurent le risque de désertification des services.


Archives départementales des Ardennes, 30W 15 : recensement de la population de La Romagne, année 1946 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.], vue 1/7, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, 30W 15 : recensement de la population de La Romagne, année 1946 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.], vue 1/7, consultable en ligne.

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Administration communale après la Révolution à La Romagne


La structure de la commune se met en place avec la loi du 22 décembre 1789. Elle établit une municipalité par ville (bourg, paroisse ou communauté de campagne), qui prend le relais des assemblées d’habitants.

A partir de cette date, le système électoral proposé est un suffrage à deux degrés. Il y a tout d’abord les électeurs primaires, qui votent pour les élections municipales, et qui choisissent des grands électeurs, seuls habilités à désigner les députés.


Selon les époques, on assiste à la mise en place d’un certain nombre de contraintes, ou d’assouplissements, pour être électeur ou éligible :

  • des conditions d’âge : vingt-cinq ans en 1791, vingt et un ans (sous le Consulat avec la constitution de l’an VIII, pendant le Premier Empire, ou lors des Cent-Jours), et même trente ans (sous la Restauration et la monarchie de Juillet), vingt et un ans à partir de la IIIe République, dix-huit ans depuis 1974 sous la Ve république ;
  • des conditions d’habitation : être dans le canton depuis six mois à un an, voire trois ans au moment du Second Empire ;
  • payer des contributions directes en 1789 (allant de la valeur de trois journées de travail en 1789, à 200 et 300 francs sous la Restauration ou la monarchie de Juillet). Ces conditions écartent du vote un certain nombre d’habitants du village.

Depuis la loi de 2010, il est nécessaire d’avoir dix-huit ans pour être éligible comme conseiller municipal.  En outre, il faut avoir une attache dans la commune, soit en y étant électeur, soit en étant inscrit au rôle des contributions directes. Dans certains cas, il existe des clauses d’inégibilité, liées aux fonctions exercées.

Ces lois sont à maintes reprises modifiées, et le suffrage universel masculin sans condition n’apparaît qu’à partir de la Seconde République, et ce pour une courte durée. Puis il est repris par la loi du 5 avril 1884, qui promulgue l’élection des conseils municipaux au suffrage universel, et l’élection du maire par les conseillers municipaux. Pendant le Second Empire, les nominations par le préfet prévalaient.


Fiche d'électrice de madame Adrienne Euphrasie Modeste née Marandel, boulangère, qui exerce pour la première fois son droit de vote à La Romagne (Ardennes). Archives départementales des Ardennes, 1010W 125 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels).]
Fiche d’électrice de madame Adrienne Euphrasie Modeste née Marandel, boulangère, qui exerce pour la première fois son droit de vote à La Romagne (Ardennes). Archives départementales des Ardennes, 1010W 125 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels).]

Quant au droit de vote des femmes, il faut attendre une ordonnance du 21 avril 1944 pour qu’il soit accordé. Et c’est le 29 avril 1945, lors des élections municipales, qu’il devient effectif.

De nos jours, le code électoral en vigueur distingue, pour les élections municipales, les communes de moins de trois mille cinq cents habitants, ce qui est le cas de La Romagne, et celles qui en ont davantage. Dans tous les cas, les conseillers municipaux sont élus pour six ans. Le conseil municipal détermine librement le nombre des adjoints.

Ainsi, à La Romagne, n’y en a-t-il qu’un seul jusqu’en 1993, et deux depuis. Ces derniers peuvent remplacer le maire dans ses prérogatives. L’élection du maire et de ses adjoints a lieu lors de la première réunion du nouveau conseil municipal élu. On constate que la première femme conseillère municipale a été élue en 1971 et que, depuis cette date, deux ou trois femmes y siègent, sans que l’on atteigne la parité.


La dénomination de maire est ancienne, et remonte au Moyen Âge. A partir de1792, la commune est administrée, tout d’abord par un officier public puis, à partir de l’année suivante, par trois membres, dont l’un est dénommé désormais agent municipal. De 1795 à 1799, les communes se regroupent en municipalités cantonales.

Chacune élit un agent municipal, qui devient membre de la municipalité cantonale. L’an IV[1], Pierre Langlet est nommé trésorier conservateur des biens communaux de La Romagne. En l’an V[2], Jean-Baptiste Devie est désigné agent municipal pour la Romagne. Tandis qu’en l’an VI[3], Pierre Gérard Merlin en devient adjoint.


[1] Du 23 septembre 1795 au 21 septembre 1796.

[2] Du 22 septembre 1796 au 21 septembre 1797.

[3] Du 22 septembre 1797 au 21 septembre 1798.


Ce n’est qu’à partir de 1800 que le terme de maire est employé à nouveau, pour désigner le premier magistrat d’une commune. A cette époque, et contrairement à la nôtre, cette fonction n’est pas rémunérée. Ce qui fait que ceux qui sont désignés par le préfet, sur une liste établie par les électeurs, doivent être assez aisés.


La vie administrative de la commune change avec le décret du 20 septembre 1792, puisqu’il impose désormais aux officiers publics de chaque municipalité de tenir en double exemplaire les registres d’état civil, qui jusque-là l’étaient par les curés (depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts).


Les premiers registres d’état civil[1] non religieux à La Romagne apparaissent en 1793. Parallèlement, les tables annuelles et décennales sont créées. Le point le plus important de ce décret est la prééminence du mariage civil sur le mariage religieux[2], et la reconnaissance du divorce. Le premier mariage dissous à La Romagne l’est par le maire de l’époque, Jean-Baptiste Devie.

Ce divorce[3] est prononcé le 5 vendémiaire an IX[4]. Il met fin à l’union célébrée le 27 novembre 1785 entre Thomas Tavernier et Marie-Catherine Dupont : la différence d’âge des époux est importante, la femme ayant quelque quinze ans de plus que son mari.


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 8 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, sous-série E 8 = naissances 1793-an X, pages non paginées, vue 1/53 et suivantes, consultables en ligne. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 9 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, sous-série E 9 = mariages 1793-an X, pages non paginées, vue 1/42 et suivantes, consultables en ligne. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 10 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, sous-série E 10 = décès 1793-an X, pages non paginées, vue 1/35 et suivantes, consultables en ligne.

[2] L’enregistrement des décès et des mariages datait de l’ordonnance de Blois (1579), et de celle de Saint-Germain-en-Laye (1667).

[3] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 9 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, sous-série E 9 = mariages 1793-an X, pages non paginées, vue 33/42 et suivantes, consultables en ligne.]

[4] 27 septembre 1800.


Alors que le choix des prénoms était, jusqu’à la Révolution, lié au martyrologe de l’Eglise, on assiste dans quelques familles de La Romagne (Hamel, Devie, Boudier, etc.) à l’octroi en deuxième ou troisième position des prénoms de Liberté, Egalité ou Victoire, sous l’influence des évènements révolutionnaires, et peut être par attachement aux valeurs nouvelles, entre l’an III[1] et l’an VI.

On retrouve ce même principe juste après la proclamation du Second Empire, avec l’exemple unique d’un enfant prénommé Louis-Napoléon.


[1] Du 22 septembre 1794 au 22 septembre 1795.


Rapidement, la loi du 11 germinal An XI[1] fixe l’immuabilité du prénom donné à la naissance, et choisi dans les différents calendriers, ou parmi les personnages de l’histoire ancienne. Néanmoins, on accorde à ceux qui avaient reçu un prénom révolutionnaire le pouvoir d’en changer.


[1] 1er avril 1803.


Depuis la loi du 28 pluviôse an VIII[1], chaque municipalité a un maire[2], un adjoint et un conseil municipal (le nombre de ses membres varie en fonction de l’importance de la population de la commune). En 2024, pour La Romagne, les conseillers municipaux sont au nombre de onze.

Les maires ont des fonctions administratives en lien avec la police et l’état civil. Quant au conseil municipal, il est concerné par les finances de la commune (contributions en centimes additionnels), les travaux nécessaires pour les biens communaux, en particulier l’entretien des chemins.


[1] 17 février 1800.

[2] Ce terme est employé dans les registres de la commune à partir de l’an IX (du 23 septembre 1800 au 22 septembre 1801).


Durant une courte période, la loi du 13 fructidor an VI[1] décrète que le mariage civil ne peut être célébré que par le président de l’administration municipale du chef-lieu de canton (Joseph Lacroix), juste après les cérémonies et discours officiels, et parfois avec un accompagnement de chants patriotiques. Le mariage d’Elisabeth Lepinois, originaire de La Romagne, se déroule ainsi à Rocquigny le 10 vendémiaire an VII[2].


[1] 30 août 1798.

[2] 1er octobre 1798. Voir Archives départementales des Ardennes, L 1337 [série L = administration générale, articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 : canton de Rocquigny. Délibérations. An IV-1819.]



Carte d'électeur de monsieur François Merlin, maire de La Romagne (Ardennes) de 1817 à 1837. Archives départementales des Ardennes, 7 J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection du docteur Octave Guelliot, érudit local, cote 7J 43 = ex-libris ardennais].
Carte d’électeur de monsieur François Merlin, maire de La Romagne (Ardennes) de 1817 à 1837. Archives départementales des Ardennes, 7 J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection du docteur Octave Guelliot, érudit local, cote 7J 43 = ex-libris ardennais].

Sous le Consulat, des listes de notables éligibles sont établies. Elles représentent un vivier pour le choix des maires par les préfets. Cette situation change peu jusqu’à la fin de la Restauration, car le pouvoir souhaite exercer un contrôle sur la gestion des communes.

La loi de 1831 sous la monarchie de Juillet permet aux Français d’élire leurs conseillers municipaux, et de prévoir un renouvellement du conseil municipal tous les trois ans. Le maire, lui, est chargé, à partir de 1837, de la nomination des agents communaux et de la réunion du conseil municipal quatre fois par an.


Après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, qui fait du premier président de la Deuxième République Louis-Napoléon Bonaparte un empereur, le maire et chacun des conseillers se doivent chaque année désormais, lors d’une séance, de prêter serment d’obéissance à la constitution et fidélité à l’homme d’Etat.

C’est le cas par exemple lors de la séance du 2 mai 1852[1], qui s’adresse au président de la République. Puis, le 27 février 1853, le maire et l’adjoint prêtent cette fois serment à l’empereur. Il est à noter que, pour les chefs-lieux de canton, ce dernier garde des prérogatives pour la nomination du maire et des adjoints.

Afin de disposer dans toute la France de municipalités dociles, la loi du 5 mai 1855 ordonne le renouvellement total des conseils municipaux, par des élections qui ont lieu en juillet. Ce nouveau conseil, où l’on retrouve comme membres la moitié de ceux élus précédemment (dont Séraphin Guillaume, Pierre Devie-Laroche, Jean Charles Boudié, Joseph Raulin), est installé en août de cette même année.


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série D = conseil municipal : registre des délibérations, sous-série D 1 = 24 juin 1849-6 août 1893.]


Les changements de régime entraînent toujours des bouleversements, si bien qu’après la guerre de 1870, et la débâcle qui s’ensuit, une nouvelle loi (du 14 avril 1871) impose un nouveau renouvellement des conseils municipaux, tout en rétablissant le principe de l’élection du maire par le conseil municipal.

Celui de La Romagne n’en est pas profondément transformé, puisque l’on y retrouve, comme auparavant, une bonne proportion de conseillers de la précédente municipalité : Pierre Gustave Devie-Collet, Séraphin Guillaume, Nicolas Laroche, Jean Charles Bonpart, et Philogone Legros.  Ils se retrouvent siéger avec Florentin Bocquet, Jean-Baptiste Devie (dit Devie-Devie), Noizet[1], et Hezette (maréchal-ferrant)[2].


[1] Le prénom est manquant.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série D = conseil municipal : registre des délibérations, sous-série D 1 = 24 juin 1849-6 août 1893.] Les pages arrachées à ce registre des comptes rendus des conseils municipaux, entre le 12 septembre 1872 et le début de l’année 1875, soustraient des informations pour cette période.


Signatures des conseillers municipaux de La Romagne (Ardennes) après la séance du 23 septembre 1900. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série D = conseil municipal : registre des délibérations, sous-série D 2 = 5 octobre 1893-13 mai 1922.]
Signatures des conseillers municipaux de La Romagne (Ardennes) après la séance du 23 septembre 1900. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série D = conseil municipal : registre des délibérations, sous-série D 2 = 5 octobre 1893-13 mai 1922.]

Sous la Troisième République, le scrutin municipal se déroule tous les quatre ans puis, après la Seconde Guerre mondiale, tous les six ans, avec un scrutin à deux tours.

Par une ordonnance du 21 avril 1944 du Gouvernement provisoire de la République, et jusqu’au jour où des élections régulières sont organisées, les maires, adjoints et conseillers élus avant le 1er septembre 1939 sont maintenus ou rétablis dans leurs droits et fonctions, sauf en cas d’indignité pour délit de droit commun, ou d’attitude trop passive durant la guerre.

Contrairement à Chappes, Wasigny, La Romagne n’est pas dépourvue d’un maire. En effet, depuis octobre 1941, la municipalité élue avant la guerre est rentrée, à l’exception de Maurice Druart et de Léon Briard (qui a quitté la commune).


Les conseillers municipaux de La Romagne (Ardennes) sont élus en 1945 selon un scrutin plurinominal, à deux tours, à la majorité absolue. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les conseillers municipaux de La Romagne (Ardennes) sont élus en 1945 selon un scrutin plurinominal, à deux tours, à la majorité absolue. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Des élections municipales sont organisées dans toute la France le 29 avril 1945[1]. Pour celles-ci, La Romagne compte cent trente-trois inscrits et quatre-vingt-dix-sept votants. Quatre-vingt-seize suffrages sont exprimés (un bulletin étant jugé nul). La liste comportait quarante et une candidatures, dont sept féminines.


[1] Archives départementales des Ardennes, 3M9 45 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 3M = élections et plébiscites, sous-sous série 3M9 = élections municipales, résultats pour le canton de Chaumont-Porcien en 1945, cote 3M9 45 = procès-verbaux des élections municipales ; procès-verbal de l’installation du conseil municipal.]


La majorité absolue étant fixée à quarante-neuf voix sur quatre-vingt-seize, les dix conseillers municipaux sont élus au premier tour. Alcide Cugnart devient maire avec neuf voix sur dix. Son adjoint Ernest Bauquet le suit de près, avec huit voix sur dix. Le succès de ces dix candidats creuse l’écart avec les trente et un autres, qui n’ont recueilli que d’une à dix-huit voix.

Les voix obtenues par les candidats non élus aux élections municipales de La Romagne (Ardennes) du 29 avril 1945 montrent une large dispersion de ces dernières. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les voix obtenues par les candidats non élus aux élections municipales de La Romagne (Ardennes) du 29 avril 1945 montrent une large dispersion de ces dernières. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le conseil municipal, ainsi constitué après un unique tour, est dominé par la présence de sept cultivateurs, un artisan, un employé de commerce et un commerçant.

Les conseillers municipaux de La Romagne (Ardennes) élus le 29 avril 1945 sont majoritairement dans le domaine de l'agriculture, ce qui témoigne d'une société encore fort rurale. Graphique de type « secteur ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les conseillers municipaux de La Romagne (Ardennes) élus le 29 avril 1945 sont majoritairement dans le domaine de l’agriculture, ce qui témoigne d’une société encore fort rurale. Graphique de type « secteur ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La France ayant retrouvé ses institutions politiques, avec la disparition de l’Etat Français[1], et la naissance de la IVe République, de nouvelles élections municipales sont organisées le 19 octobre 1947[2]. Au premier tour, huit conseillers sont élus. L’un d’entre eux refuse cette fonction (Monsieur Jonnart), arguant qu’il est désigné, mais qu’il n’était pas candidat.

Lors du scrutin précédent de 1945, une des trois femmes candidates avait obtenu trois voix, et les autres une seule. Dans le premier tour du scrutin de 1947, Thérèse Mouton Marquigny (seule femme à se présenter) obtient trente et une voix. Le second tour[3] permet l’élection des trois derniers conseillers, sur les six qui s’étaient maintenus. La composition change peu par rapport à celle de 1945. Il y a toujours 70 % de cultivateurs, mais un ouvrier fait son entrée. Le reste est représenté par un commerçant et un artisan.


[1] Nom du gouvernement de la France durant l’occupation allemande, de 1940 à 1944, désigné comme régime de Vichy, gouvernement de Vichy, ou simplement Vichy.

[2] Archives départementales des Ardennes, 3M9 45 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 3M = élections et plébiscites ; sous-sous série 3M9 = élections municipales, résultats pour le canton de Chaumont-Porcien en 1945, cote 3M9 45 = procès-verbaux des élections municipales ; procès-verbal de l’installation du conseil municipal.]

[3] Archives départementales des Ardennes, 3M9 172 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 3M = élections et plébiscites, sous-sous série 3M9 = élections municipales, résultats pour le canton de Chaumont-Porcien en 1945, cote 3M9 172 = tableau des conseillers municipaux en date du 27 octobre 1947.]


Les élections donnent parfois matière à querelle, et suscitent rumeurs ou diffamations, ce qui provoque des répliques parfois sibyllines de certains habitants, qui se sentent atteints dans leur honneur. Bien souvent, ce sont des électeurs de tendance cléricale ou républicaine qui s’affrontent.

Au cours des élections municipales de mars 1892, c’est ce que l’on peut voir de la part d’un correspondant anonyme, au soutien sans faille apporté au maire (certainement Paul Merlin) et à l’instituteur public, après son arrivée en novembre de l’année précédente. A cet article, un autre correspondant, tout aussi anonyme, répond par le biais d’une fable à la manière de La Fontaine, dépeignant le premier sous les traits d’un vil crapaud.

Il n’est pas possible de dire si ces attaques étaient monnaie courante, ou si elles correspondaient à des moments d’agitation politique particuliers, comme a pu en connaître la France.


Papillon anonyme, encre bleue sur papier, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Papillon anonyme, encre bleue sur papier, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.

Toujours est-il que, dans les années 1960 et 1970, les élections municipales provoquent la distribution de billets anonymes, parfois illustrés et souvent énigmatiques, tels que celui-ci : « Prépare les caboulets, l’heure va sonner. Les jeunes vont rentrer ». Le dessin d’une marmite évoque la caboulée[1], ou nourriture bouillie destinée aux porcs, mais aussi une soupe grossière.

La table compte douze places, mais le conseil municipal ne compte que 11 membres. Pierre Fleury se souvient que ces billets étaient mis dans les boîtes aux lettres, glissés sous les portes, ou jetés dans la cour de l’école.


[1] Régionalisme pour soupe, selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales.


Discours de monsieur Michel Mauroy, candidat pour le second tour aux élections municipales de La Romagne (Ardennes) en 1983, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Discours de monsieur Michel Mauroy, candidat pour le second tour aux élections municipales de La Romagne (Ardennes) en 1983, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.

En 1983, Michel Mauroy, candidat aux municipales, adresse aux électeurs du second tour une missive, dans laquelle il expose ce que doit être un bon conseiller municipal. Il y soutient que de jeunes conseillers sont un atout, et que la gestion d’une commune est loin d’un assemblage d’affaires personnelles. Cette lettre a probablement aidé ses électeurs à se décider, puisqu’il a été élu. Ce sera le seul mandat qu’il exercera.


Résultats du premier tour des élections municipales de La Romagne (Ardennes) en 2008. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Résultats du premier tour des élections municipales de La Romagne (Ardennes) en 2008. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Actuellement, pour la commune de La Romagne, qui compte plus de cent habitants, et moins de quatre cent quatre-vingt-dix-neuf, le nombre des conseillers à élire est de onze. En 2008, sur les cent quatorze inscrits, cent ont voté. Au premier tour, ils avaient à choisir parmi une liste de trente-deux personnes, dont cinq candidates et vingt-sept candidats. A l’issue du second tour (où il ne reste que dix candidats), le conseil municipal se compose de neuf hommes, et de deux femmes (Andrée Lequeux et Isabelle Marandel).


Résultats du second tour des élections municipales de La Romagne (Ardennes) en 2008. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Résultats du second tour des élections municipales de La Romagne (Ardennes) en 2008. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Après l’élection du maire, dont la fonction requiert de nombreuses aptitudes, le conseil municipal peut créer des commissions dans le cadre de délibérations, sur des sujets tels que la voirie, les travaux à entreprendre, le budget, etc.


En 1984, pour récompenser leur fidélité à leur engagement municipal, Roger Bocquet, André Druart et Henri Claise sont proposés pour être décorés de la médaille d’argent départementale et communale, car ils ont été conseillers municipaux durant vingt-quatre ans au moins. L’année suivante marque le tour de Victor Devie.

Puis, en 1987, est créée, par décret, une nouvelle décoration civile destinée à récompenser des services de longue durée accomplis au service de la région, du département ou de la commune : la médaille d’honneur régionale, départementale et communale. Elle est aussi bien attribuée aux conseillers qu’aux secrétaires de mairie. Elle se décline en trois échelons, correspondant aux années de service :

  • argent (vingt ans) ;
  • vermeil (trente ans) ;
  • or (trente-cinq ans).

En 1989, l’instituteur Pierre Fleury reçoit la médaille d’argent pour vingt-deux ans de secrétariat de mairie. En 1994, c’est le tour d’Yves Petipas (médaille d’argent) et de Victor Devie (médaille vermeil). Leur dévouement à la commune est à nouveau distingué en 2006 : Victor Devie est récipiendaire de la médaille d’or, tandis qu’Yves Petipas l’est de celle de vermeil, pour sa présence au conseil depuis 1971, et ses six années comme adjoint.


Pour pallier certains désordres apparus à la Révolution, en particulier l’abolition du droit exclusif de chasse, on instaure une police rurale, avec la création d’un agent chargé de la protection du domaine communal.

L’institution du garde-champêtre date de la loi du 20 messidor an III[1]. Il est proposé par le maire, mais est nommé par le préfet. C’est un homme digne de confiance, chargé d’annoncer les nouvelles officielles, et de veiller à la tranquillité du village.


[1] 8 juillet 1795.


Le premier dont on trouve une trace dans les archives est Mathieu Arbonville, en l’an II[1], puis Jean-Baptiste Grenet, originaire de Draize. Présenté par le citoyen Devie, ce dernier est agréé et jure, au cours de la séance du 24 pluviôse an IV[2], qui se tient à Rocquigny, de bien remplir les fonctions qui lui sont déférées[3].

Il est chargé de veiller à la stricte exécution des décisions prises par l’administration communale. Il est chargé, en plus, de verbaliser tous ceux qui enfreindraient l’observation des décadis.


[1] Du 6 octobre 1793 au 21 septembre 1794.

[2] 13 février 1796.

[3] Archives départementales des Ardennes, L 1337 [série L = administration générale, articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 : canton de Rocquigny. Délibérations. An IV-1819.]


Vote d'une indemnité au garde-champêtre de La Romagne (Ardennes). Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série D = conseil municipal : registre des délibérations, sous-série D 2 = 5 octobre 1893-13 mai 1922.]
Vote d’une indemnité au garde-champêtre de La Romagne (Ardennes). Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série D = conseil municipal : registre des délibérations, sous-série D 2 = 5 octobre 1893-13 mai 1922.]

Plus tard, on le découvre dans ce même rôle. Il dresse des procès-verbaux à tous ceux qui ne respectent pas les règlements communaux concernant :

  • la pâture (que ce soit pour la garde des troupeaux de moutons, d’oies et de dindons) ;
  • la protection contre l’incendie (d’aucuns ont été condamnés à payer une amende, pour s’être promenés avec une bougie dans des lieux remplis de paille) ;
  • la circulation (comme passer avec des charrois trop lourds pour certains chemins).

Le Second Empire cadre strictement son recrutement, puisqu’il doit être âgé d’au moins vingt-cinq ans, prêter serment, et s’engager à ne jamais s’attabler à l’auberge pour boire, sous peine de révocation. Son traitement fait partie des dépenses obligatoires de la commune.


L’évolution du village, à la suite des deux guerres mondiales et des changements sociétaux, amène La Romagne à créer divers postes, qui répondent à des besoins spécifiques temporaires ou durables. Ils traduisent aussi la situation de l’emploi pour une période donnée.


Durée des mandats des maires de La Romagne (Ardennes) en 2008. Graphique de type « entonnoir ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Durée des mandats des maires de La Romagne (Ardennes) en 2008. Graphique de type « entonnoir ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

De la IIe République à nos jours, quinze maires soutenus par leurs adjoints se sont succédé pour gérer, améliorer, développer, et faire vivre le village et ses habitants, en temps de paix ou de guerre, montrant ainsi leur dévouement et leur attachement au bien-être de leurs concitoyens.

Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 101, « La Romagne. — Obsèques » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s. n.], 1880-1944, quarante-neuvième année, n° 15166, lundi 23 et mardi 24 décembre 1929, p. 3, deuxième et troisième colonnes [presse locale ancienne, vue 3/6, consultable en ligne].
Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 101, « La Romagne. — Obsèques » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicainquotidien. Charleville : [s. n.], 1880-1944, quarante-neuvième année, n° 15166, lundi 23 et mardi 24 décembre 1929, p. 3, deuxième et troisième colonnes [presse locale ancienne, vue 3/6, consultable en ligne].

L’administration communale de La Romagne a vu une diversification socioprofessionnelle des élus municipaux, et une lente progression de la participation féminine. La police rurale, incarnée par les gardes-champêtres, a adapté ses missions pour répondre aux besoins de sécurité et d’ordre public, tout en se professionnalisant. La Romagne illustre ainsi un équilibre entre tradition et innovation dans sa gestion locale, en s’adaptant aux mutations de la société.