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L’église Saint-Jean à La Romagne pendant la Révolution


Talleyrand, évêque d'Autun, est peint coiffé d’une mitre et crosse à la main. Musée Carnavalet (Paris), numéro d'inventaire P1981, David, Louis (Paris 1748-Bruxelles 1825), Serment de Lafayette à la Fête de la Fédération, 1791, peinture à l'huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l'Agence photographique de l'Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (France).
Talleyrand, évêque d’Autun, est peint coiffé d’une mitre et crosse à la main. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire P 1981, David, Louis (Paris 1748-Bruxelles 1825), Serment de Lafayette à la Fête de la Fédération, 1791, peinture à l’huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’Agence photographique de l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (France).

Le 4 août 1789, les privilèges féodaux sont abolis, et par conséquent les droits seigneuriaux et la dîme. Une subvention doit pourvoir aux dépenses du culte divin et à l’entretien des églises et des presbytères.

Dans les premiers temps de la Révolution, les églises sont épargnées. Ce sera de courte durée. La proposition de Talleyrand d’attribuer à la Nation les biens du clergé triomphe le 2 novembre 1789.

Un décret datant de ce jour les confisque. Le 9 novembre, un autre décret supprime les titres ecclésiastiques à l’exception de celui des curés. Le 13 novembre, l’Assemblée demande que les églises fassent connaître l’état de leur domaine à la Nation dans un délai de deux mois.


Surplis en fil, broderie ajourée à la main sur tulle, (XIXe siècle).
Surplis en fil, broderie ajourée à la main sur tulle, (XIXe siècle).

Les inventaires[1] sont dressés en janvier 1790. Les biens de la cure pour le culte sont mis en vente ou réquisitionnés, les livrant à la convoitise de quelques- uns :

  • onze chasubles d’étoffes diverses (damas[2],velours, panne[3]) et de couleurs différentes (rouge, verte, noire, blanche, violette[4]), ornées de motifs floraux. Il y a autant de manipules[5], d’étoles[6] et de voiles ;
  • trois jaquettes d’enfants de chœur rouges ou bleues ;
  • des surplis[7] d’enfants de chœur ;
  • quatre grands surplis de grosse mousseline ;
  • cinq surplis de toilette[8] ;
  • deux chapes[9] de calmande[10] dont une rose ;
  • une chape de damas rouge ;
  • une couverture d’autel en toile d’Orange[11] ;
  • trois petites couvertures de toile ;
  • trois devants d’autel et un petit rideau en toile d’Orange ;
  • neuf serviettes ;
  • trois nappes d’autel en batiste[12] et toile ;
  • quatre nappes de toile ;
  • soixante linges  tant corporaux[13] que lavabo[14] ;
  • un voile de mousseline rembrunie ;
  • un drap de mort et un bidet[15] ;
  • deux bonnets carrés noirs et un blanc ;
  • deux bannières avec leurs bâtons ;
  • un dais en toile d’Orange entourée de franges présumées en fil d’or[16] ;
  • un petit coffre en bois ;
  • une armoire en menuiserie de bois de chêne ;
  • un coffre fermant à deux battants en menuiserie de bois de chêne ;
  • une petite armoire pendante fermant à clé ;
  • un portemanteau ;
  • un porte-cierge, une boîte[17] et un pupitre ;
  • un serpent[18] en fer blanc et un fauteuil ;
  • un missel, deux antiphoniers[19], un graduel[20], deux processionnaux[21],  deux livres pour l’office des morts et un manuel ;
  • les boiseries du grand autel et des deux petits ;
  • un tabernacle[22] avec les marchepieds ;
  • trois livres de cire blanche et deux de jaune ;
  • la boiserie du chœur peinte en bleu et un banc attenant ;
  • six chandeliers et une croix en bois ;
  • la chaire à prêcher ;
  • le confessionnal ;
  • deux échelles ;
  • Un aigle en bois servant de pupitre ;
  • deux « scabelles[23] » et leurs marchepieds ;
  • trente bancs avec leurs marchepieds ;
  • un plat, deux burettes, un porte-missel, et une petite clochette ;
  • une cloche estimée à 1400 livres.

[1] Archives départementales des Ardennes, Q 541 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 469-766 = administration du séquestre des biens nationaux, cotes Q 540-542 = cures et chapelles], documents concernant Librecy-Wé (1790-an VI).

[2] Soie monochrome, avec une armure satin, dont le fond contraste par sa brillance avec le dessin formé par le tissage.

[3] Étoffe en laine, soie ou coton, travaillée comme du velours.

[4] Correspondant aux différents temps liturgiques.

[5] Bande d’étoffe portée sur l’avant-bras gauche par les ministres du culte à l’autel.

[6] Bande de tissu, longue et étroite, que le prêtre et l’évêque portent par devant, suspendue au cou et que le diacre porte en écharpe sur l’épaule gauche.

[7] Vêtement liturgique blanc porté par les ecclésiastiques, les chantres, et les enfants de chœur, par-dessus les habits ou la soutane.

[8] Petite toile.

[9] Long manteau de cérémonie agrafé par devant.

[10] Tissu en laine, en poil de chèvre, ou en soie et laine, lustré sur l’endroit, uni ou rayé.

[11] Terme générique pour désigner les toiles peintes.

[12] Toile fine et blanche de lin ou de chanvre.

[13] Linge consacré, généralement de lin blanc, représentant le suaire du Christ, destiné à recueillir les fragments de l’hostie.

[14] Prière que dit le prêtre en se lavant les doigts durant la messe. Par métonymie, linge avec lequel il s’essuie les doigts qu’il s’est lavés après l’offertoire.

[15] Petit cheval de selle ou de trait.

[16] Et peut-être en fil métal doré. Dans le doute, l’objet n’a pas été estimé.

[17] Dans les Ardennes, le mot s’écrivait boëtte et se prononçait \bwɛt\.

[18] Instrument à vent utilisé jusqu’au XIXe siècle dans la musique d’Eglise.

[19] Un antiphonaire (ou antiphonier) est un recueil où sont inscrits des antiennes et autres parties de l’office, avec leur notation en plain-chant.

[20] Le graduel est le livre de chant grégorien utilisé à la messe.

[21] Le processionnal est un recueil des prières chantées aux processions.

[22] Ouvrage en forme d’armoire fermant à clef, et où sont conservées les hosties consacrées.

[23] La forme académique est escabelle, siège bas, sans bras, avec ou sans dossier. Le mot a la même signification qu’escabeau. La variante scabelle, aujourd’hui disparue, est attestée à Reims en 1328.


Messidor, dixième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14035, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Messidor, dixième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14035, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Les terrains qui appartiennent à l’église de La Romagne (non à la cure ou à la fabrique sont également mis à l’encan. Les surfaces concernent :

  • trente-sept verges et demie au lieu-dit le Vertillon ;
  • cent douze verges et demie (terre + pré +  jardin) au lieu-dit la Pierre ;
  • cinquante verges au lieu-dit le Presbytère ;
  • soixante verges au lieu-dit le Jardin de Monsieur le Curé ;
  • soixante-quinze verges au lieu-dit les Rouages ;
  • dix-huit verges au lieu-dit le Pré Mortagne ;
  • dix-huit verges au lieu-dit la Hué ;
  • trente-sept verges et demie au lieu-dit le Pluteau ;
  • trente-sept verges et demie au lieu-dit le Pregnaux.

Prairial, neuvième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14034, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Prairial, neuvième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14034, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

D’autres surfaces dépendent de la cure de la Romagne et sont exploitées à ce titre directement par le curé [1]. Gérard Mallet, domestique habitant le village, reçoit pour la somme de 2225 livres l’adjudication définitive de cent douze verges de terre, cent dix verges de jardinet et cent trente-six verges de prés.


[1] Archives départementales des Ardennes, Q 274 n° 406, ventes du 25 juin 1791 au 18 prairial an III [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 272-282 = vente de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV].


Frimaire, troisième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14028, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte (Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Frimaire, troisième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14028, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte (Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Parallèlement à la vente du patrimoine ecclésiastique se déroule celle des biens des émigrés, comme c’est le cas pour François Courtin, dont les terres se trouvent en divers lieux de La Romagne[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, Q 278 n° 332 à 338, ventes du 29 fructidor an II au 18 nivôse an III [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 272-282 = vente de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV].


Jean de Médicis, pape sous le nom de Léon X, a signé le concordat de Bologne le 18 août 1516 à Rome. Galleria palatina (Florence, Italie), numéro d'inventaire 00287216, Raphaël, Portrait du pape Léon X ou Le Pape Léon X avec les cardinaux Giulio de Medicis et Luigi de Rossi, peinture à l'huile sur bois, 1518-1520.
Jean de Médicis, pape sous le nom de Léon X, a signé le concordat de Bologne le 18 août 1516 à Rome. Galleria palatina (Florence, Italie), numéro d’inventaire 00287216, Raphaël, Portrait du pape Léon X ou Le Pape Léon X avec les cardinaux Giulio de Medicis et Luigi de Rossi, peinture à l’huile sur bois, 1518-1520.

Dès le 12 juillet 1790, le concordat de Bologne signé avec François Ier  est  dénoncé, ce qui permet la nationalisation des biens de l’Eglise. L’Assemblée constituante supprime les titres, offices, dignités, canonicats[1], prébendes[2].


[1] Bénéfices de chanoines dans une église, une cathédrale ou une collégiale.

[2] Revenus ecclésiastiques.


Le futur Louis XVI à quinze ans. Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d'inventaire MV 3889, Van Loo, Louis-Michel , Louis-Auguste, duc de Berry (1754-1793), huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne.
Le futur Louis XVI à quinze ans. Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d’inventaire MV 3889, Van Loo, Louis-Michel , Louis-Auguste, duc de Berry (1754-1793), huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne.

La Constitution civile du clergé, sanctionnée[1] et promulguée par le roi Louis XVI le 24 août 1790, réorganise l’Eglise et la sécularise[2]. Le 27 novembre 1790, chaque prêtre doit jurer d’être fidèle à la Nation, à la loi, au roi et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale constituante et acceptée par le souverain.


[1] Adoptée.

[2] L’État considère qu’il lui revient de prendre en charge l’organisation de la religion. Ce qui ne saurait être confondu avec le principe de séparation des Eglises et de l’Etat, qui implique qu’il ne s’en occupe plus.


Par les brefs Quod aliquantum du 10 mars 1791 et Caritas du 13 avril 1791, le pape Pie VI s'oppose à la Constitution civile du clergé. Musei vaticani, numéro d'inventaire Inv. 40455, Pompeo Batoni, (Lucques 1708 - Rome 1787) et atelier, Portrait de Pie VI, huile sur toile, 1775, notice descriptive consultable en ligne.
Par les brefs Quod aliquantum du 10 mars 1791 et Caritas du 13 avril 1791, le pape Pie VI s’oppose à la Constitution civile du clergé. Musei vaticani, numéro d’inventaire Inv. 40455, Pompeo Batoni, (Lucques 1708 – Rome 1787) et atelier, Portrait de Pie VI, huile sur toile, 1775, notice descriptive consultable en ligne.

De la passation ou non de ce serment découlent les termes de prêtres assermentés[1] ou insermentés[2]. Le pape Pie VI condamne formellement ce texte le 10 mars 1791 et somme les prêtres qui ont prêté serment à la Constitution de se rétracter sous peine de suspense[3].

Ce qui occasionne cette année-là une scission entre l’Eglise et l’Etat, et une division à l’intérieur même du clergé : cela peut être constaté pour le diocèse de Reims[4].


[1] Constitutionnels ou jureurs.

[2] Réfractaires ou non-jureurs.

[3] En droit canonique, la suspense (substantif féminin) est une mesure par laquelle l’autorité ecclésiastique suspend un prêtre de ses fonctions ou le prive de l’usage de son bénéfice.

[4] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-3639, Jadart, Henri, « Etat du clergé du diocèse de Reims, insermenté ou assermenté en 1791, d’après les notes de l’abbé Baronnet, curé de Cernay-en-Dormois (à suivre) », in Revue d’Ardenne & d’Argonne : scientifique, historique, littéraire et artistique [publiée par la Société d’études ardennaises « La Bruyère » puis, à partir de mars/avril 1895 par la Société d’études ardennaises], 1re année, n° 1 (novembre/décembre 1893) -22e année, n° unique (1915/1923), Sedan : imprimerie Laroche, 1893-1923, 19e année, n° 2, janvier-février 1912, pages 33-40, vue 3/48, article consultable en ligne sur Gallica [Nota bene : la collectivité éditrice du périodique, née en 1888 et morte dans les années 20, ne saurait être confondue avec la Société d’études ardennaises fondée le 26 janvier 1955 et devenue la Société d’histoire des Ardennes le 2 mars 2013].


Pluviôse, cinquième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14030, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte (Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Pluviôse, cinquième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14030, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte (Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Pour ce qui est de La Romagne, il est de notoriété publique que le curé Bourdon a prêté le serment et qu’il l’a confirmé le 28 janvier 1791, « quoique cela ne figure sur aucun registre »[1].


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 142 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].


Ventôse, sixième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14031, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Ventôse, sixième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14031, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

La séparation des Eglises et de l’Etat est marquée par le décret du 3 ventôse an III[1], qui affirme que la République ne salarie aucun culte et ne fournit aucun local, ni pour son exercice, ni pour le logement des ministres.

« Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui lui est affecté ; aucune proclamation ni convocation publique ne peuvent être faites pour y inviter les citoyens. »

Article VII.

[1] Soit le 21 février 1795.


Germinal, septième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14032, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Germinal, septième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14032, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

La loi du 22 germinal an IV[1] précise qu’à ce titre le son des cloches est puni d’un emprisonnement par voie de police correctionnelle. Les cloches des églises du canton sont en général acheminées à Metz, où leur métal est fondu pour produire des bouches à feu[2].


[1] Soit le 11 avril 1796.

[2] Pièces d’artillerie.


Fructidor, douzième et dernier mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14037, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Fructidor, douzième et dernier mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14037, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Les églises sont dépouillées de leur richesse mobilière. On s’abstient donc pendant de longues années d’effectuer des travaux de réparation et d’entretien. Les objets en métal précieux rejoignent la Monnaie.

Le 25 fructidor an IV[1],  Langlet (maire), Boudié et Letellier, les trois signataires du document, répondent à un questionnaire qui permet d’apprendre que :

  • l’inventaire de l’argenterie de l’église a été fait par le « citoyen Macquart » ;
  • celui-ci demeure à Saint-Jean-aux-Bois ;
  • ce dernier est nommé commissaire ;
  • les objets ont été conduits au commissaire des monnaies du district de Rethel ;
  • qu’ainsi il n’y a plus rien en argent dans l’église.

[1] Soit le 11 septembre 1796.


Brumaire, deuxième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14027, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Brumaire, deuxième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14027, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Durant toute cette période, des courriers confidentiels sont expédiés à l’administration centrale, de manière à rendre compte de l’état d’esprit de la population. Des idées radicales y sont exprimées par rapport aux nouvelles fêtes instaurées.

C’est ainsi que l’auteur d’une missive datée de l’an VII note que, selon ses observations, la religion catholique tient encore à La Romagne une place trop importante par rapport aux nouvelles fêtes. Il se fonde sur les points suivants :

  • les anciens jours de repos (en particulier les dimanches) sont plus respectés que les nouveaux ;
  • cela se manifeste par une population « vêtue de ses plus beaux atours » ;
  • la présence aux cérémonies du culte est manifeste ;
  • les habitants de La Romagne ne souhaitent pas garder les décades ;
  • les prêtres assermentés ne se montrent obéissants que de l’extérieur.

Floréal, huitième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14033, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Floréal, huitième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14033, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Pour contrer cela, il suggère de n’ouvrir les églises que les jours des décadis[1], afin que les cérémonies religieuses et décadaires se passent au même moment. Le but est de rendre le peuple docile, et les assemblées civiles plus brillantes.

Ces propos montrent bien que l’objectif des fêtes prévues par la Nation, qui est de rapprocher les êtres et de combattre l’intolérance, est loin d’être atteint[2].


[1] Le décadi est le dixième et dernier jour de la décade républicaine, chômé et correspondant en quelque sorte au dimanche.

[2] Archives départementales des Ardennes, L 1213 n° 493 [série L = administration et tribunaux de la période révolutionnaire (1790-1800), articles L 1168-1230 = affaires militaires, ponts et chaussées].


Nivôse, quatrième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14029, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Nivôse, quatrième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14029, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

La période révolutionnaire marque une évolution des sociétés vers la laïcité, à travers la reconnaissance de la liberté de conscience[1], et la nationalisation des biens de l’Eglise. Bonaparte prépare un retour de la paix religieuse en accordant le 7 nivôse an VIII[2] la liberté de culte. Cette décision conforte la hiérarchie catholique dans son action de restauration de la foi.


[1] Reconnue dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

[2] Soit le 28 décembre 1799.


Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d'inventaire MV2573, Wicar Jean-Baptiste Joseph (1762-1834) (d'après), Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, par le pape Pie VII, le 15 août 1801, dessin à la pierre noire, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l'Agence photographique de l'Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (France).

Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d’inventaire MV 2573, Wicar Jean-Baptiste Joseph (1762-1834) (d’après), Signature du Concordat entre la France et le Saint-Siège, par le pape Pie VII, le 15 août 1801, dessin à la pierre noire, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’Agence photographique de l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (France).

Le Concordat signé le 15 juillet 1801 entre Bonaparte et le Pape Pie VII rétablit le culte et marque le retour du dimanche comme jour de repos légal.  Les églises peuvent être de nouveau ouvertes n’importe quel jour, et l’on revient au calendrier grégorien.

La religion catholique n’est plus religion d’Etat, mais celle de la majorité des Français. Les prêtres ont désormais pour fonction d’assurer la paix, la cohésion sociale, et le respect des lois. Ils sont rémunérés par l’Etat.


Archives nationales, document numérique, AE/II/1265, page non paginée, vue 1/1, consultable en ligne sur Archim, Décret de l'Assemblée législative prescrivant aux directoires de départements de prononcer la déportation contre les ecclésiastiques insermentés, daté du 27 mai 1792 (an IV), texte numérisé d’après l’original des Archives nationales, site de Paris, A//122 pièce 3.
Archives nationales, document numérique, AE/II/1265, page non paginée, vue 1/1, consultable en ligne sur ArchimDécret de l’Assemblée législative prescrivant aux directoires de départements de prononcer la déportation contre les ecclésiastiques insermentés, daté du 27 mai 1792 (an IV), texte numérisé d’après l’original des Archives nationales, site de ParisA//122 pièce 3.

C’est aussi la fin de l’exil pour les prêtres réfractaires, émigrés ou réfugiés à l’étranger. Ils peuvent regagner leur pays, moyennant la signature des actes de soumission, et l’acceptation de la nouvelle organisation de l’Eglise.

Les nominations des curés des ans IX et X se font par entente entre le pouvoir civil et religieux. De plus, comme les ressources font défaut, on essaye de rapprocher le desservant de sa famille et de son pays natal[1].


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 139 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].


Vendémiaire, premier mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14026, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Vendémiaire, premier mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14026, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Il faut une nouvelle fois se procurer à grands frais un mobilier nouveau, puisque l’ancien a disparu durant la Révolution. Il est d’autre part nécessaire de consolider et de conserver les bâtiments. Ce n’est que progressivement que les églises retrouvent la richesse artistique du passé.

Thermidor, onzième mois de l'année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14036, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 - Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 - 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.
Thermidor, onzième mois de l’année républicaine. Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire G.14036, Tresca, Salvatore (Palerme, vers 1750 – Paris, en 1815), graveur et éditeur ; Lafitte, Louis (15 novembre 1770 – 3 août 1828), auteur du modèle, Calendrier républicain, estampe (technique de la gravure), entre 1792 et 1806, notice descriptive consultable en ligne sur le site des collections de Paris Musées.

Musée d'Orsay (Paris), numéro d'inventaire RF 469, Dagnan-Bouveret Pascal Adolphe Jean (1852-1929), Le Pain bénit, 1885, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l'Agence photographique de l'Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (France).
Musée d’Orsay (Paris), numéro d’inventaire RF 469, Dagnan-Bouveret Pascal Adolphe Jean (1852-1929), Le Pain bénit, 1885, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’Agence photographique de l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (France).

A La Romagne, la fabrique de l’église n’a que de très maigres revenus (issus des pains bénits et les quêtes). Les réparations du bâtiment sont donc difficilement envisageables. En 1803[1], l’église est encore dans un complet état de dénuement…


[1] Des visites canoniques enquêtent sur l’état des paroisses de 1803 à 1886 dans le diocèse de Metz, dont dépend à l’époque l’église de La Romagne.

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L’extérieur de l’église Saint-Jean à La Romagne


Mur ouest de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), correspondant à son portail d'entrée. Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Mur ouest de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), correspondant à son portail d’entrée. Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’église située au cœur du village est consacrée à saint Jean l’Evangéliste, alors que celle de Sery est dédiée à saint Jean le Baptiste. Sa fête est fixée par l’Eglise catholique au 27 décembre[1]. Il est un des douze apôtres du Christ et un des quatre annonciateurs de l’Évangile, avec Luc, Marc et Mathieu. Son symbole est l’aigle.


[1] Autour de cette période sont parfois célébrées la Saint-Jean d’hiver ou le solstice.


L'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) est actuellement bâtie en dur (moellons, calcaire, mortier, briques, ardoise, etc.). Contrefort nord-ouest. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) est actuellement bâtie en dur (moellons, calcaire, mortier, briques, ardoise, etc.). Contrefort nord-ouest. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La construction de l’église est organisée dès 1227 par Simon Pied de Loup pour faciliter la vie des habitants de La Romagne, qui doivent alors aller jusqu’à Rocquigny pour assister aux offices. Elle est très certainement en bois, comme toutes celles qui sont construites à cette époque.


Au Moyen Âge, les églises paroissiales se trouvent sous l’autorité d’un évêque ou d’un abbé[1], en qualité de fondateurs. Les prémontrés de Chaumont-Porcien et les cisterciens de Signy-l’Abbaye règnent sur les villages circonvoisins.

La rivalité des uns et des autres se manifeste par le nombre de paroisses à gouverner. Cette attitude explique le nombre considérable de lieux de culte construits dans les villes et les bourgades aux XIIe et XIIIe siècles.


[1] Supérieur ecclésiastique exerçant sa juridiction sur une abbaye ou un monastère régulier.


Meurtrière (probablement une arquebusière) de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), bouchée avec du mortier et des briques. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Meurtrière (probablement une arquebusière) de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), bouchée avec du mortier et des briques. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’actuelle église de La Romagne date probablement de la première moitié du XVIe siècle. Elle est fortifiée : la région est en butte aux guerres civiles et religieuses, de manière presque ininterrompue pendant quatre-vingt-dix-ans. La situation est telle que le village est incendié à plusieurs reprises.


Plan de masse cadastral de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).

Elle est construite, non en forme de croix latine, mais selon un rectangle. Ce plan basilical hérité des Romains a été repris dans la tradition champenoise. En effet, de nombreuses églises rurales sont bâties ainsi en Champagne, province qui recouvrait entre autres les départements actuels de la Marne et des Ardennes.


La visite paroissiale de 1774 permet de dire que le bâtiment se compose d’un sanctuaire de vingt-sept pieds de large sur quinze de long, et d’une nef de vingt-sept pieds sur trente-huit.


Maçonnerie en moellons de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Maçonnerie en moellons de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les quatre murs (d’au moins soixante-dix centimètres d’épaisseur) reposent sur un soubassement de pierres régulièrement taillées. Ils sont construits en moellons du pays, très durs et irrégulièrement disposés. Au contraire, d’autres églises assez voisines, telles celles de Fraillicourt ou de Rocquigny sont en brique (ce matériau est moins cher car de fabrication locale).


Contrefort (pilier de maçonnerie servant à consolider un mur) nord-est de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 . Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Contrefort (pilier de maçonnerie servant à consolider un mur) nord-est de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 . Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les murs sont soutenus par d’épais contreforts, montrant parfois des reprises à chaque angle, comme ceux du pignon est. Chaque paroi présente de petits décrochements, dont l’un correspond aux fenêtres hautes. Certaines parties doivent être enduites car, en 1745, il est conseillé, pour l’extérieur, de « refaire un crépy[1] qui paraît nécessaire pour conserver les matériaux[2] ».


[1] En orthographe moderne, lire crépi, à savoir une couche de mortier, de plâtre ou de ciment non lissée.

[2] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 268 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 267-268, = doyenné de Rethel (1248-1790)].


Porte basse en  arc surbaissé de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 . Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Porte basse en arc surbaissé de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 . Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

A l’est, le pignon ou chevet se trouve percé dans le haut de quelques lucarnes d’observation (ou d’arquebusières). Les murs nord et sud laissent voir dans le bas des meurtrières. Il subsiste, sur le mur latéral gauche en partant du portail d’entrée, la trace d’une ancienne porte basse.

Elle pourrait avoir permis aux habitants de se réfugier dans cet édifice : le danger était fréquent en ces temps peu sûrs. Sa taille empêche les cavaliers ennemis de s’y introduire et de terroriser un peu plus la population.


L'église Saint-Jean à  La Romagne (Ardennes) est un ouvrage fortifié. La fente défensive permet de lancer des projectiles ou de tirer sur des assaillants. Cette meurtrière est aujourd'hui obturée à l'intérieur par du plexiglas. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) est un ouvrage fortifié. La fente défensive permet de lancer des projectiles ou de tirer sur des assaillants. Cette meurtrière est aujourd’hui obturée à l’intérieur par du plexiglas. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Terwel, envoyé par le roi pour enquêter sur l’état du royaume après la guerre de Trente Ans et la Fronde, signale qu’en 1657 l’église est dans une condition désastreuse. En 1665, l’église est toujours «  en très mauvais état tant pour les bâtiments que pour les ornements ». Elle ne retrouve un meilleur aspect que quelque trente ans après ce constat.


Des arquebusières (ouvertures d’une fortification destinées à des arquebuses) sont encore visibles sur le pignon est de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Elles peuvent servir également de lucarnes d'observation. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Des arquebusières (ouvertures d’une fortification destinées à des arquebuses) sont encore visibles sur le pignon est de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Elles peuvent servir également de lucarnes d’observation. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le pignon ouest qui sert de façade devait probablement être, lui aussi, percé d’ouvertures de surveillance. Les nombreux travaux de réfection entrepris à diverses époques ont vraisemblablement abouti à leur disparition.


Baie en arc brisé et ouverture plus ancienne en plein-cintre (demi-cercle parfait) de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), actuellement obturée. Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Baie en arc brisé et ouverture plus ancienne en plein-cintre (demi-cercle parfait) de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), actuellement obturée. Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour les fenêtres les plus anciennes, il s’agit de simples ouvertures ménagées dans l’épaisseur de la maçonnerie. Jusqu’au XVIIIe siècle, elles sont sur chaque mur au nombre de trois et assez hautes, ce qui fait que l’église est non seulement peu lumineuse mais aussi humide. C’est pourquoi il est conseillé, lors de la visite de 1774, non seulement de les agrandir, mais aussi d’en percer une quatrième.


Durant la Révolution, il semblerait que les vitraux existants aient été brisés ou aient disparu : l’état des lieux fait pour la réouverture au culte souligne que « certaines fenêtres sont bouchées avec de la paille ». Les autorités ecclésiastiques du diocèse se plaignent de la situation piteuse dans lequel se trouvent les églises de l’arrondissement de Rethel.


En ce qui concerne La Romagne en 1807, l’édifice est considéré défavorablement « tant pour la couverture que pour les murs qui ont besoin d’être reconstruits car ils sont défectueux[1] ». Et pourtant, selon un arrêté du préfet du département des Ardennes le 3 août 1809, l’église est déclarée conforme  : les critères d’appréciation seraient-ils différents entre les autorités religieuses et civiles ?


[1] Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 363/365 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886]


Les réparations les plus urgentes ont été réalisées à partir de 1824 par la fabrique. Les autres se font aux dépens de la commune[1], si bien que, vers 1830, l’église retrouve une nouvelle fois un aspect extérieur correct. Cependant, le portail et les quatre piliers ont besoin de réfection, tout comme la toiture, qui est à remettre à neuf.


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 64 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].


Or, en 1852, le conseil municipal constate que le devis des réparations à faire à l’église (sans que leur nature ne soit précisée) s’élève à plus de 4500 francs. Il en ressort que la commune aura les plus grandes difficultés pour y faire face[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre du conseil municipal], délibération du 12 mai 1852.


Fenêtre en arc surbaissé de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Le moellon (pierre de construction dans les murs) est recouvert de mortier. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Fenêtre en arc surbaissé de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Le moellon (pierre de construction dans les murs) est recouvert de mortier. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le conseil d’arrondissement de Rethel, après avoir reçu des subventions pour la réparation des églises, marque son intérêt pour la conservation du patrimoine. Il souhaite que les réparations ne soient pas l’occasion de mutilations, et que les architectes conservent le caractère reçu des siècles qui les a érigées.

En outre il faut « empêcher les dilapidations des boiseries, des sculptures, la disparition des dalles tumulaires[1] par un changement du parage [2]». Il semble inutile de préciser que ce vœu n’est pas toujours respecté.


[1] Les dalles funéraires, ou tumulaires, sont les plaques mises en place au-dessus des sépultures. Elles sont souvent décorées de motifs gravés en creux. Ce terme a été très utilisé au Moyen Âge pour désigner les pierres tombales.

[2] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 124 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].


Baie en arc surbaissé (hauteur de flèche inférieure à celle du plein-cintre) de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Maçonnerie en moellons recouverts de mortier et entourés de briques. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 . Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Baie en arc surbaissé (hauteur de flèche inférieure à celle du plein-cintre) de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Maçonnerie en moellons recouverts de mortier et entourés de briques. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 . Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’abbé Grégoire, curé de La Romagne, décrivant l’édifice en 1890, tient le propos suivant : « L’église est sans intérêt particulier, elle a un porche en brique et fenêtre de même. ».


Baie géminée (groupée deux par deux sans être en contact) en arc brisé de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Baie géminée (groupée deux par deux sans être en contact) en arc brisé de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Une transformation tardive voit le jour avec le percement de baies (géminée sur le pignon est, simple au-dessus du portail ouest). Il n’est pas possible d’avancer une date précise pour ces travaux, en l’absence de documents primaires. Elle a eu lieu très certainement vers 1903 pour la première, si l’on se fie à la date du vitrail qui l’orne.


Portail en arc surbaissé de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), surmonté d'une fenêtre en arc brisé . Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Portail en arc surbaissé de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), surmonté d’une fenêtre en arc brisé . Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le portail d’entrée est modifié à de nombreuses reprises. Jules Carlier le décrit en 1913 comme « très sobre et surmonté d’arcs formés par des tores[1] qui reposent sur des colonnettes disposées en ébrasement ».

Il conserve également des vestiges « de crochets et de clochetons » qui ont désormais disparu. En 1890, le curé Grégoire, dépeint un petit portail triangulaire. Avant cette date, l’abbé Noiville, dans son désir d’embellir son église, a veillé à la réfection de celui-ci et à son rehaussement. De nos jours, il est d’une grande simplicité, sobrement surmonté d’une croix au-dessus de la baie.


[1] Moulure saillante demi-cylindrique entourant la base d’une colonne ou d’un pilier. Boudin est son synonyme.


Archives nationales, document numérique, AE/II/2991, page non paginée, vue 1/1, consultable en ligne sur Archim, Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, texte numérisé d’après l’original des Archives nationales, site de Paris, A1610.
Archives nationales, document numérique, AE/II/2991, page non paginée, vue 1/1, consultable en ligne sur Archim, Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, texte numérisé d’après l’original des Archives nationales, site de ParisA1610.

A partir de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, le bâtiment est officiellement la propriété de la commune. En réalité, il l’est depuis la Révolution, mais celle-ci est en plus chargée de son entretien.

Désormais, le ministre du culte (ou curé) a l’autorité de police à l’intérieur de l’édifice religieux, tandis que le maire l’a dans tous les autres lieux de la commune. Tous deux sont détenteurs des clés du bâtiment.

Avant cette période, la clé de l’église était déposée entre les mains du curé et, en principe, le maire n’avait le droit qu’à une clé du clocher (pour ce qui regardait la vie journalière des habitants). Si l’accès à ce dernier n’était pas indépendant de l’entrée de l’église, une clé de celle-ci devait être en théorie remise au maire[1]. Il arrivait qu’elle ne le fût pas, d’où, parfois, quelques petits incidents…


[1] Loi du 5 avril 1884 relatif à l’organisation municipale, article 101.


En 1907, les curés des différentes paroisses des Ardennes doivent se rendre auprès des maires des villes ou villages où ils exercent leur ministère, afin de demander la location des églises pour dix-huit ans (la plupart d’entre elles étant devenues depuis la Révolution des biens communaux).

Cette demande est assortie d’une condition que les maires ne peuvent refuser : ils doivent accepter, sans opposition possible, les différents locataires qu’il plait à l’évêque d’y nommer. Ainsi, cette clause permet, malgré la loi, d’avoir une reconnaissance de la hiérarchie ecclésiastique.


Quelques arrêts du Conseil d’Etat (en particulier celui du 11 juin 1913) permettent aux communes d’engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est attribuée. L’église de La Romagne relève donc désormais du conseil municipal.  Ce dernier est autorisé à restaurer les objets mobiliers en usage qui sont déclarés « propriété communale » et qui figurent dans un inventaire.


L’église ne subit pas de dégâts extérieurs en 1914-1918 : elle n’est pas incendiée. Ce n’est pas le cas durant la Seconde Guerre mondiale. Le 15 mai 1940, une bombe tombe sur une partie de la sacristie et du mur sud, provoquant la mort de deux habitants et d’importants dégâts : la toiture et la charpente sont éventrées.

Une partie du toit menace de s’effondrer. Pour pallier des risques plus importants, deux Romanais (madame Devie-Richard et monsieur Achille Cotte) font chacun don d’un arbre de taille imposante, afin de consolider la charpente.


C’est le charpentier du village[1] qui est chargé de tailler à l’herminette ces poutres avant de les mettre en place. Dès 1942, quelques travaux de couverture sont entrepris. Ils ne représentent qu’un petit pourcentage de ce qui doit être fait lors du retour de la paix pour que l’église retrouve son rôle.

Outre la charpente et la toiture, il faut refaire des parties de maçonnerie. Dans l’état où se trouve l’église, il n’est plus possible de célébrer le culte. Celui-ci le sera pour un certain temps dans un bâtiment situé dans la cour de la famille Druart.


[1] Vital Bonhomme.


Le mardi 14 septembre 1948, une cérémonie solennelle est célébrée pour la réouverture au culte de cet édifice.  Au cours de cette dernière, trois statues (celles de saint Jean l’Evangéliste, du Sacré- Cœur, de Marie Immaculée) et le chemin de croix sont bénits.

Une assemblée nombreuse venue des trois annexes (Draize, Givron et Montmeillant) se recueille durant la messe, au cours de laquelle on célèbre la confirmation de trente enfants. Cette cérémonie s’achève au monument aux morts par une prière et un chant[1].

[1] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LC11-842 (7), Eglise catholique. Diocèse (Reims, Marne), Bulletin du diocèse de Reims : revue religieuse, historique et littéraire, 1e année, n° 1 (6 juil. 1867)-89e année, n° 12 (25 mars 1961), Reims : [s.n.], 1867-1961, numéro du 28 septembre 1948.



La sacristie, salle attenante à l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), est affectée au rangement des objets nécessaires au culte. Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La sacristie, salle attenante à l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), est affectée au rangement des objets nécessaires au culte. Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La sacristie est un bâtiment qui dépend, tant pour sa construction que pour son entretien, de la fabrique. Jusqu’en 1710, on ne trouve aucune allusion à ce lieu. Trente-cinq ans plus tard, on apprend que celle qui existe est « trop étroite et malpropre ».

Un projet de reconstruction est établi, ainsi qu’un devis pour sa réalisation. Les deniers proviennent de la fabrique, qui vend des arbres lui appartenant, le long du cimetière. La visite de 1774 atteste qu’une sacristie se distingue de l’église.


Une nouvelle fois visitée en 1783, la sacristie apparaît comme suffisamment grande, mais elle n’est pas notée comme saine. Pour cela, il conviendrait qu’elle fût « planchée et boisée pour la rendre moins humide[1]. Par ce moyen, « les ornements qui sont décents ne se terniraient pas si vite[2] ». Elle renferme « le nécessaire pour le service divin et les linges sont bien tenus ».

Ces remarques montrent combien la situation s’est améliorée depuis que le curé Dehaulme a essayé de redonner , un siècle auparavant, un peu de lustre à son église.


[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 268 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, articles 2G 267-268 = doyenné de Rethel (1248-1790)]

[2] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 23 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].


En 1838, le mauvais état de la sacristie est une nouvelle fois signalé. En 1890, le curé Grégoire, qui répond au questionnaire concernant le pouillé[1] constitué par monseigneur Pierre-Louis Péchenard, porte le jugement suivant :

« La sacristie tombe en ruine, tout y est pauvre et en mauvais état, on parle d’une reconstruction prochaine et monsieur le curé s’occupe activement du mobilier ».

Réponse du curé Grégoire aux questions de monseigneur Pierre-Louis Péchenard.

[1] Relevé des biens et bénéfices d’une abbaye, d’un diocèse, d’une province.


La nouvelle est bâtie en brique. L’un des murs est percé d’une fenêtre assez large, qui laisse pénétrer la lumière. Elle est lourdement touchée lors du bombardement de mai 1940. Comme le reste de l’édifice, elle ne sera définitivement réparée qu’après la fin de la guerre.


A plusieurs reprises, il apparaît qu’il n’y a pas de clocher sur l’église. Comme l’indique l’enquête de 1774, « Il n’y a qu’une grosse cloche mauvaise ». En 1807, la cloche de l’église de La Romagne est estimée convenable[1], quoique d’une sonorité de piètre qualité. Le village, durant la Révolution, a dû échapper à la réquisition de celle-ci. Ou elle a pu être remplacée…


[1] Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].


En 1832, l’église est dotée d’une nouvelle  cloche, dont le diamètre est de quatre-vingt-sept décimètres. Elle est fabriquée par Antoine et Loiseau, des fondeurs de Robécourt dans les Vosges. On en retrouve de nombreuses consœurs dans l’arrondissement de Rethel, et en particulier dans le canton de Château-Porcien.


Tombe de membres de la famille Merlin au cimetière de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Tombe de membres de la famille Merlin au cimetière de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Elle est bénite lors de son baptême par le curé de la paroisse, l’abbé Morin, et reçoit le nom de Marie – Françoise – Prudence, en l’honneur de sa marraine Marie Françoise Merlin. Cette dernière est la femme du maire de l’époque, François Merlin. Ce dernier est le parrain de la cloche de l’église[1]. Elle est décorée d’un Christ en croix et de la Vierge Marie, avec une course de fleurs et de feuillage.


[1] Pouillé (registre ecclésiastique) 1874/1894 du diocèse de Reims établi par monseigneur Pierre Louis Péchenard.


Le sous-sol des Ardennes alterne les bancs de grès et de schiste (dont fait partie l'ardoise). Par l'utilisation de ce matériau, l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) relève de l'architecture vernaculaire (propre à un pays, à un terroir, à une aire donnée). Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Le sous-sol des Ardennes alterne les bancs de grès et de schiste (dont fait partie l’ardoise). Par l’utilisation de ce matériau, l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) relève de l’architecture vernaculaire (propre à un pays, à un terroir, à une aire donnée). Prise de vue effectuée le dimanche 18 juillet 2021. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

En 1848, l’église est dotée d’un clocher de forme carrée. Il est totalement recouvert d’ardoise avec deux faces présentant des abat-son, dont le rôle est à la fois de ventiler les charpentes mais aussi de rabattre le son vers le sol. Il est également surmonté d’un lanternon à dôme polygonal.


Quatre pièces de bois équarries de grandes dimensions soutiennent le clocher de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Quatre pièces de bois équarries de grandes dimensions soutiennent le clocher de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le poids de ce clocher est important et nécessite l’installation de quatre poutres intérieures, à l’instar de Saint-Nicaise à Montmeillant. Cette construction est due à l’action conjointe de la commune et de l’abbé Noiville.


Pour pouvoir réaliser une partie de ces travaux, il réunit une somme de quasiment 5 000 francs, offerte par de généreux donateurs pour mener à bien ce projet. Mais sa gestion « fantaisiste » des comptes le met dans une situation délicate vis-à-vis de la municipalité.

Il se soustrait aux demandes réitérées de celle-ci de produire les comptes. Il n’hésite pas à ne pas se présenter aux rendez-vous qui lui sont donnés. Voire, quand il finit par s’y rendre, à se sauver dès que des demandes d’explication lui sont faites[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération du 30 avril 1884.


Cependant, dès 1850, des réparations sont  menées pour ce clocher. Elles nécessitent l’intervention de deux artisans : Alloy Bosserelle et Alexandre Richard (maréchal-ferrant).


En 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat fixe la possibilité d’utiliser les cloches. Elles font certes partie de l’édifice cultuel, mais peuvent être tintées pour des sonneries civiles en cas de péril commun (alerte, catastrophe naturelle, incendie, mobilisation générale, telle celle qui a eu lieu lors de la Première Guerre mondiale). Elles sonnent alors le tocsin…


Ces cloches annoncent aussi la messe, les vêpres, les mariages et les baptêmes avec des sonneries joyeuses. Elles marquent les enterrements par la tristesse du glas[1]. A l’occasion de la Semaine Sainte qui précède le dimanche de Pâques, elles restent silencieuses du jeudi au samedi, et sont remplacées parfois par des crécelles. Elles sonnent en revanche à toute volée le dimanche de Pâques, pour annoncer la Résurrection.


[1] Tintement d’une cloche d’église pour annoncer l’agonie, la mort ou les obsèques de quelqu’un.


A son tour, cette cloche est remplacée après la Première Guerre mondiale par une autre, dont le décor de feuillage n’est pas sans rappeler le précédent, et qui porte le nom de Marquigny. On trouve la nécessité d’une nouvelle cloche dans les délibérations du conseil municipal pour l’année 1920. Or, les enquêtes lancées par l’archevêché juste après la fin de la guerre ne font aucunement allusion au mauvais état de la cloche. Il semble exister encore sur ce point-là une divergence d’avis…


Lors de la séance du conseil municipal du 26 décembre 1950, la commune se dote d’un sonneur communal. En 1989, la cloche est électrifiée, de manière à sonner l’angélus[1]. Cette décision fait regretter à des générations d’enfants le moment où, échappant momentanément à la surveillance de leurs parents, ils se suspendaient à la corde dans l’espoir de s’envoler à quelques mètres du sol.


[1] Prière latine qui commence par le mot angelus et se récite matin, midi et soir.


Le coq sur le clocher de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) signifie la lumière et la résurrection. Prise de vue effectuée le samedi 2 septembre 2017, photographie en couleurs, (collection privée, avec l’aimable autorisation de son auteure, madame Odette Corneille).
Le coq sur le clocher de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) signifie la lumière et la résurrection. Prise de vue effectuée le samedi 2 septembre 2017, photographie en couleurs, (collection privée, avec l’aimable autorisation de son auteure, madame Odette Corneille).

Depuis sa création, ce clocher fait régulièrement l’objet de campagnes de restauration. L’une des dernières remonte aux années 1990, à la suite de la chute de la foudre. Il est surmonté d’un coq faisant office de girouette. Sa symbolique est multiple entre l’annonce du jour, le zèle pour le service de Dieu[1] ou l’emblème du Christ protecteur. Le nouveau coq installé au sommet du clocher en janvier 2007 veille désormais sur le village…


[1] Il est une allusion au reniement de saint Pierre et à la parole du Christ : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois ».