Cette étiquette rassemble les articles sur les prisonniers de guerre britanniques. Elle est employée pour les combattants britanniques emprisonnés par l’ennemi.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto : la photographie a été prise à La Romagne (Ardennes), devant la « ferme Boudaud » — aujourd’hui place Jean Malherbe.
Dès le début de la « drôle de guerre[1] », des troupes françaises stationnent dans les villages ardennais du canton de Chaumont-Porcien[2]. A partir de septembre 1939, la 7e compagnie[3] du 71e régiment d’infanterie se trouve à Montmeillant[4] puis, en février 1940, c’est le tour de la 6e compagnie[5] du 445e régiment de pionniers, rattaché à la 11e armée.
[1] Période (septembre 1939 – mai 1940) sans affrontements majeurs à l’Ouest, malgré l’invasion de la Pologne, la guerre d’Hiver, la campagne de Norvège, et une intense préparation militaire.
[3]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/H 26, réquisitions : états, pièces comptables. [intitulé] ; Montmeillant (Ardennes) [producteur] ; 1939-1940 [dates de début et de fin] ; [Série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/MONTMEILLANT = fonds concernant Montmeillant ; série H = affaires militaires au niveau local ; articles H 26-31 = guerre 1939-1945.]
[5]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/H 28, dégâts de la 6e compagnie du 445e régiment de pionniers, exploitations agricoles et artisanales, pillage, attribution de la carte de sinistré : procès-verbal, arrêté préfectoral. [intitulé] ; Montmeillant (Ardennes) [producteur] ; 1940-1948 [dates de début et de fin] ; [Série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/MONTMEILLANT = fonds concernant Montmeillant ; série H = affaires militaires au niveau local ; articles H 26-31 = Seconde Guerre mondiale (1939-1945).]
L’offensive allemande commence dans les Ardennes le 10 mai 1940, par la percée des Panzers[1]. Elle force la population locale à abandonner son domicile, et à fuir cette invasion, pour trouver refuge dans d’autres lieux, en Vendée[2] notamment.
[1] Invariable à l’écrit en allemand. Le pluriel admis en français est Panzers. Ce terme désigne les chars allemands de la Seconde Guerre mondiale (abrégé de Panzerkampfwagen), tandis que « blindé » est un terme générique pour tout véhicule protégé, tous pays confondus.
Congé de courte durée pour prisonnier de guerre français en permission. « An das Frontstalag 204 Charleville » (« [De] Charleville au Frontstalag 204 [Amiens]). Cf.archives départementales des Ardennes, 165W 476, canton de Chaumont-Porcien [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels).]
L’armée française tente de résister, mais le repli est ordonné le 10 juin, et des milliers de soldats français sont capturés. Sous la férule[1]allemande, ces prisonniers traversent les villages ardennais dans les semaines qui suivent, et rejoignent des Frontstalags[2], dont le 190[3] ou le 204[4], où ils sont cantonnés.
[2] Pluriel de Frontstalag, développé en Frontstammlager, invariable, littéralement « camp de base du front » : terme utilisé en français dans sa forme plurielle germanique, désignant les camps de prisonniers de guerre établis par la Wehrmacht en France occupée à partir de 1940.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto : en mai-juin 1940, la France engage dans les combats des dizaines de milliers de tirailleurs sénégalais ainsi que des soldats originaires d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et de Madagascar. La propagande nazie présente cette mobilisation de troupes coloniales comme un signe de la prétendue décadence de la civilisation française. Sur cette photographie apparaissent des militaires d’origines diverses. Certains portent des casques coloniaux rigides ou des chapeaux mous en toile, dits « de brousse » ou « tropicaux ». Le temps est maussade : la route, vraisemblablement celle de Draize à La Romagne, est brillante et réfléchit la lumière, tandis que les soldats cherchent à se protéger de la pluie avec leurs capes imperméables. Le défilé d’environ quarante personnes est suivi par un camion bâché, tandis qu’un engin motorisé croise le convoi en sens inverse. Les visages sont sombres, marqués par la fatigue. Aucun soldat allemand ne semble visible sur la photographie. Pourtant, l’Allemagnenazie joue un rôle de glorification et de démonstration de force : elle entend ainsi afficher sa supériorité face à une armée française cosmopolite. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Ces derniers sont en réalité composés de plusieurs « sous-camps » disséminés sur le territoire ardennais. L’on peut donner pour exemple le grand immeuble de vingt-neuf pièces sis à Rocquigny[1], et propriété de Jean Baptiste Paul Courtois : il est transformé en camp de prisonniers à partir du 30 septembre 1940, et ce pendant cinq cent soixante-dix-sept jours. Les prisonniers peuvent être ensuite transférés dans des camps en Allemagne. Par la suite, cet immeuble est occupé, à plusieurs reprises, par des troupes allemandes.
[1]Archives départementales des Ardennes, 147W 319, Rocquigny (Athanase Bocahut ; Léon Bestel ; André Beuvelet ; Paul Blatié ; Angèle Canon ; Émile Boudsocq ; Alice Charpentier ; René Cherpin ; commune [bureau de poste, mairie-école] ; veuve Compas ; Étienne Costa ; Jean-Baptiste Courtois ; Lucie Courtois ; Roger Croizon ; Léopold Cugnard ; Marcel Cugnart-Brasseur [magasin et grange à grains] ; Ernest Debruelle ; André Deligny [établissements Goulet-Turpin] ; Jean Deligny ; Maurice Dizy ; Raoul Durtette ; Georges Fontenelle ; Victor Fossier ; Gabrielle Gillet-Mermoz [château de Rocquigny] ; Rose Guillaume ; Fernand Husson [notaire] ; Gaston Husson ; Jean Kieffer ; Thérèse Lebas ; Alexandre Lebrun ; Georges Lefebvre ; M. Legros-Mauroy ; André Legros ; Ernest Legros ; Joseph Legros ; Ernest Maquin ; Marie Masson ; Jules Mauroy ; Émile Modeste ; Georges Modeste ; Louis Paroche ; veuve Potron ; Henri Puyravan ; Georges Renault ; René Renault ; Hector Richard ; Jean Robinet ; Henriette Rousselle ; Léon Thonant ; Georges Treuvelot ; André Vilette) ; état nominatif de dépenses de personnel ; demandes d’indemnités de trois cultivateurs pour l’enlèvement d’un avion anglais. [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au verso, une inscription manuscrite à l’encre bleu-noir indique : « Gefangene Franzosen auf dem Rücktransport durch Draize. Ein aktives Regiment mit Standort Paris. Auch ‘farbige Kämpfer’ sind dabei. », ce qui signifie « Prisonniers français lors de leur rapatriement par Draize. Un régiment actif basé à Paris. Des ‘combattants de couleur’ sont également présents. » (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Le pays doit d’autre part fournir aux troupes ennemies des logements de personnes[1], considérés comme nécessaires par les organismes militaires allemands, des hangars, des abris couverts pour animaux, des moyens de locomotion, des armes, des matériels ou des engins de guerre, des ateliers et des locaux de tous genres.
[1]Unterkunft (hébergement) est un terme générique, décliné dans d’autres documents allemands de la Seconde Guerre mondiale en Notunterkunft (hébergement d’urgence), Zwangsunterkunft (hébergement forcé), Arbeitsunterkunft (hébergement de travail), Massenunterkunft (hébergement de masse) ou Unterkunftsbaracke (baraque d’hébergement).
En outre , il faut mettre à la disposition des Allemands mobilier, linge de maison, ustensiles, vaisselle, lumière, chauffage, et approvisionnement en eau. L’armée allemande peut effectuer des travaux chez les particuliers dont ils occupent les lieux. C’est ainsi qu’à Chaumont-Porcien, Gustave Pattée Mossul[1] découvre, lors de son retour en avril 1943, que des W.-C. ont été installés pour les occupants, avant de constater que sa maison a été détériorée et totalement pillée.
[1]Archives départementales des Ardennes, 147W 104, Chaumont-Porcien (André Le Barzic ; Paul Bélorgey ; Arthur Bernard ; Charles Boquillon ; René Camuzeaux [atelier de maréchalerie ; contient un inventaire du matériel et de l’outillage] ; Léo Chemin ; Jeanne Fréal-Cuif ; Paulin Frédéric ; Laure Gaignière ; Pierre Gourand ; Louis Gouverneur ; Henri Grojean ; Marthe Henry ; Émile Lefebvre ; Émile Lefebvre ; Pierre Lefebvre ; Adrien Livoir ; Adrien Livoir [atelier de maréchalerie] ; Aline Mennessier ; Marie Minet ; veuve Niclot ; Gustave Oudet [salon de coiffure] ; Adrien Panthier ; Gustave Pattée-Massul ; Marcel Pierlot ; Marie Rentier ; Juliette Reymond-Devie ; Benjamin Richy ; Ernest Robinet ; Léopold Roger ; veuve Tricot) ; liste nominatives des logements et cantonnements des troupes d’occupation ; états nominatifs liés aux dépenses de personnel réquisitionné. [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1945 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]
Les réquisitions se sont faites durant toute l’Occupation, mais les lieux choisis ne sont pas toujours habités continuellement. C’est l’une des explications qui peut être avancée pour comprendre que l’indemnisation est octroyée selon le nombre de nuits, et non au mois.
Un document administratif[1] présent dans un dossier de Chaumont-Porcien, et concernant des états de logement des troupes allemandes, indique qu’il est proposé :
[2] Ce grade ne fait pas partie du corps des sous-officiers, qui débute à partir du sergent (ou de son équivalent selon les armées).
Dès mai 1940, les troupes allemandes détruisent du matériel communal dans chaque village où elles sont présentes, comme celui de La Romagne ou de Montmeillant[1]. Le cas de Rocquigny[2] est particulier : la mairie et les deux écoles, l’une de filles et l’autre de garçons, sont occupées du 1er septembre 1940 au 28 juin 1941.
Le maire est contraint de louer deux bâtiments à usage scolaire, et une pièce pour le secrétariat de mairie. Les locaux d’origine subissent, du fait de l’occupation allemande, 1 500 francs de dégâts provoqués par :
le gel des conduites d’eau, qui n’ont pas été protégées ;
la détérioration des installations électriques.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/H 30, bâtiments publics : pièces comptables. [intitulé] ; Montmeillant (Ardennes) [producteur] ; 1948-1956 [dates de début et de fin] ; [Série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/MONTMEILLANT = fonds concernant Montmeillant ; série H = affaires militaires au niveau local ; articles H 30-31 = dommages de guerre : décisions d’engagement.]
Titre de réquisition délivré à madame veuve Dupont. Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Le département et les cantons sont donc ouverts aux Allemands pour une occupation massive, tandis que les villageois expatriés peinent à rentrer à partir de juillet 1940, faute d’autorisations[1]. Lors de leur retour, ils constatent que leurs maisons et dépendances ont été occupées, ou le sont encore, car la Feldkommandantur[2] 684[3] a délivré des titres de réquisition[4].
[1]Archives départementales des Ardennes, 165W 621, [liste du retour des habitants de la Romagne, en particulier celui des exploitants agricoles (intitulé)] ; La Romagne (Ardennes) [producteur] ;[circa 1939-1945 (dates de début et de fin.)] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels)] ; [dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes, listes nominatives.]
[3]Feldkommandanturen au pluriel en allemand classique. Souvent francisé en Feldkommandanturs. Il s’agit de la Feldkommandantur 684, pour laquelle on peut trouver des renseignements [série R = affaires militaires et organismes de temps de guerre depuis 1800 ; sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945, cotes 12R 101 et 12R 109, passim, documents sur la Feldkommandantur.]
Logement et cantonnement. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur Alexis Boudaud [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Le dépouillement des vingt-quatre dossiers romanais[1], conservés aux archives, qui ne concernent que la section cadastrée du « village[2] », montre que les réquisitions ont été imposées essentiellement entre les mois d’octobre 1940 et juin 1941.
Elle ne tient pas compte de l’invasion qui a eu lieu entre la bataille de France[3] et l’armistice demandé par le maréchal Pétain le 17 juin, et effectif à partir du 22.
[1]Archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Marie Albertini ; Louise Billette ; Ernest Bocquet ; Vital Bonhomme ; Alexis Boudaud ; veuve Carbonneaux-Raulin ; Alcide Cugnart ; veuve Devie-Richard ; Maurice Druart [maréchal-ferrant] ; veuve Dupont ; Henri Falet [percepteur] ; René Jonnart ; Lucie Laroche ; Joseph Léonard ; Edmond Lesein ; Georges Malherbe ; Rosa Malherbe ; Zélia Marandel ; Ernest Marandel ; Joseph Marquigny ; Henri Mauroy ; Fernand Modeste [boulangerie] ; Marie Vuilmet.) [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
[2] A l’exception des hameaux et des fermes de La Bouloie et de La Cour Avril.
Or, les troupes allemandes sont présentes dans toutes les Ardennes, et notamment à La Romagne, comme l’indique la demande d’indemnisation pour pillage de la cidrerie Malherbe[1]. Il y a manifestement des divergences de dates dans les déclarations.
[1]Archives départementales des Ardennes, 13R 1661 [série R = affaires militaires et organismes de temps de guerre depuis 1800, sous-série 13R = dommages de guerre 1939-1945].
Logement et cantonnement. Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne ; Georges Malherbe [lire madame veuve Georges Malherbe] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
L’une de celles-ci, concernant madame veuve Georges Malherbe, fait état d’une occupation par deux soldats, du 1er mars au 1er juillet 1940. La date citée pour le début est manifestement un anachronisme[1].
Du reste, un document allemand rectifie cette erreur. Rares sont les dossiers qui signalent ceux qui ont cohabité avec les ennemis, dans la plus grande partie de cette première occupation. Un seul en fait état, alors que neuf autres soulignent l’absence des propriétaires, et que quatorze sont totalement muets à ce propos.
Cachets et signatures de la mairie de La Romagne (Ardennes) et des autorités allemandes (détail). Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne ; Georges Malherbe [lire madame veuve Georges Malherbe] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]Lopez, Jean. Heinz Guderian : le maître des Panzers. Traduit de Les généraux allemands. Paris : Perrin, 2025. 547 p. ; 25 cm. Collection Perrin biographie. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.) [Nota bene : loin d’un coup de génie isolé, la percée des Ardennes en mai 1940 résulte d’une planification rigoureuse et d’un effort doctrinal collectif amorcé bien avant la guerre. Rendue possible par les fautes du commandement allié, elle repose sur l’efficacité brutale des Panzerdivisionen d’Heinz Guderian. Les journaux de marche et sa correspondance privée révèlent combien il considérait cette opération comme l’aboutissement d’une stratégie fondée sur la mobilité, la coordination tactique et l’emploi massif de blindés.]
Les différences de dates dans les déclarations soulèvent des interrogations. Si l’on tient compte de celle du 15 mai 1940, consignée par Joseph Marquigny, qui figure sur sa déclaration, et qu’il est le seul à indiquer, les troupes allemandes se seraient installées dans les Ardennes dès les premiers jours de la bataille de France[1].
[1] Ce qui est compatible avec la bataille de Dinant, du 12 au 15 mai 1940, quand les Panzers franchissent la Meuse à Dinant, en Belgique, face aux Français, ouvrant la voie à la percée des Ardennes.
Pour avoir une confirmation de cette hypothèse, il est bon d’observer la situation des villages environnants. A Chaumont-Porcien, quatre dossiers signalent que l’Occupation commence dès mai 1940[1], et trois d’entre eux[2] sont plus précis, en donnant la date du 16 mai.
Celle-ci est avancée par le propriétaire, mais ce dernier, réfugié à Lignol[3], ne reprend possession de sa maison qu’au 1er avril 1943. Il ne peut alors que constater que sa maison est totalement pillée, détériorée et envahie de décombres.
Le dossier du curé doyen[1] Benjamin Richy atteste de trois périodes d’occupation : du 18 mai au 17 juin 1940, du 5 octobre 1940 au 22 février 1941, et du 1er au 28 mars 1941. Quant à celui d’Emile Henri Gaston Grosjean, habitant Petite Rue à Chaumont-Porcien, il souligne que sa maison a tout d’abord été occupée à partir de septembre 1939 par le Service des étapes de l’armée française, qui l’a quittée le 15 mai 1940.
En outre, du 5 octobre 1940 au 27 août 1942, une maison est occupée par une infirmerie et la gendarmerie allemande[1], alors que l‘immeuble appartenant à Charles Bocquillon, route de Givron, abrite des bureaux de secrétaires à partir du 8 juillet 1940.
Pour Rocquigny, un dossier évoque le 15 mai, tandis que celui qui concerne l’occupation de la demeure de madame Gillet Mermoz apporte nombre de précisions sur les allées et venues de ces troupes, ainsi que sur la durée de leur présence, qui se prolonge, par intermittence, jusqu’en 1944.
Pour certains Romanais, il y a eu deux périodes d’occupation, tout d’abord du 2 octobre 1940 au 22 février 1941, puis du 15 mars[1] au 30 juin 1941. Sept d’entre eux y échappent. Mais le boulanger, Fernand Modeste, lui, est concerné : il signale une réservation de sa boulangerie par les Allemands une fois par semaine, ces derniers la libérant les autres jours.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au verso, une écriture manuscrite à l’encre violette indique : « Parkplatz in La Romagne » (« stationnement [de véhicules] à La Romagne »), « Juli 40 » (« juillet 1940 ») et « 104 » [numérotation incertaine]. Un tampon, également à l’encre violette, porte la mention : « Schubert Breslau 5 Neue-Schweidnitzer-Str.17 ». (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto : la photographie a été prise à La Romagne (Ardennes), devant la « ferme Boudaud » — aujourd’hui place Jean Malherbe. Elle montre quatre pièces d’artillerie, détachées de leurs moyens de traction, accompagnées de quatre soldats allemands qui semblent poser pour la prise de vue. Le premier soldat, portant un fusil et un casque Stahlhelm, affiche une posture d’autorité. Deux autres sont vêtus de vareuses ou de capotes, tandis que le quatrième se tient entre deux pièces d’artillerie. Aucun autre militaire français ni civil n’apparaît dans la scène. Le village paraît déserté : les volets du rez-de-chaussée sont partiellement ou entièrement fermés. À l’étage, une silhouette ou un objet se dessine à travers une fenêtre ouverte, dont un carreau a été remplacé par un carton — peut-être un signe des dégâts causés par le bombardement de l’église Saint-Jean en mai 1940. Enfin, l’ombre portée par un pylône électrique pourrait permettre d’estimer l’heure approximative à laquelle la photographie a été prise. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Cent quarante militaires allemands environ sont répartis dans ces différentes maisons : une dizaine d’officiers, une trentaine de sous-officiers, et le reste constitué d’hommes de troupe. Outre ces hommes, quelque quatre-vingt-dix chevaux sont répartis dans différentes écuries de La Romagne :
un seul chez Edmond Lesein ;
tous les autres chez Jean-Baptiste Alexis Boudaud, Alcide Cugnart, Joseph Marquigny et Zélia Marandel.
Les maisons sont recensées avec le nombre de pièces, les dépendances, le confort. Ce dernier est parfois sommaire. Aucune maison ne dispose ainsi du chauffage central et du gaz, mais toutes ont l’électricité, et certaines l’eau, parfois à la pompe, ou dans la cour[1]. Sept sont déclarées ne pas en avoir. Les puits ne sont pas répertoriés.
Réquisitions d’immeubles à l’usage d’habitation par l’armée allemande. Occupation d’immeubles à l’usage d’habitation par les troupes allemandes. Recto. Remplissage du formulaire par l’habitant concerné. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur René Jonnart [intitulé] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Deux occupations particulières de maisons sont signalées : celle du 35 rue Haute, avec une réservation pour la Wehrmacht[1] [Nota bene : madame veuve Dupont, qui en est propriétaire, réside en fait à Paris.] ; celle de l’instituteur René Jonnart, réquisitionnée pour la Kommandantur[2].
[1] Littéralement « force de défense », armée du IIIe Reich de mai 1935 jusqu’à sa dissolution par les Alliés en août 1946.
[2] Poste de commandement allemand (pluriel : Kommandanturen, parfois francisé en Kommandanturs).
Réquisition d’immeubles à usage d’habitation par l’armée allemande. Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne ; madame veuve Georges Malherbe ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
A quelques exceptions près, les dépendances (grange, cave, remise, garage, etc.) font l’objet d’une annexion par les occupants.
En 1942[1], des dossiers sont déposés pour l’indemnisation de ces occupations. Celle-ci tient compte, d’une part de la valeur du mobilier, et d’autre part d’une valeur locative, voire de l’imposition du propriétaire (dont l’étendue varie de 24 à 576 francs).
[1] L’année 1942 marque un tournant décisif dans la Seconde Guerre mondiale, tant sur le plan militaire que politique et idéologique. C’est aussi une année charnière pour la France occupée, avec un durcissement de l’Occupation, et une bascule vers une guerre plus totale et plus radicale.
Il est demandé aux habitants de proposer eux-mêmes le montant de cette indemnité, ou journalière ou mensuelle. La répartition de celle-ci ne peut être étudiée qu’à travers quatorze dossiers uniquement.
Les montants journaliers demandés varient de 10 à 20 francs. Chaque proposition est en général accompagnée de l’avis du maire, Alcide Cugnart. L’une est cependant signée par monsieur Didier, maire intérimaire en l’absence du maire élu[1]. Celle du maire en titre l’est par un conseiller.
Occupation d’immeubles à l’usage d’habitation par les troupes allemandes. Recto. Remplissage du formulaire par l’habitant concerné. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur Alexis Boudaud [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Tous les dossiers ne sont pas traités de la même manière. Un seul ne présente pas de somme proposée par la propriétaire, c’est donc l’édile qui la fixe. Neuf revêtent un avis favorable quant à la somme demandée. Si le maire la trouve exagérée, il ne manque pas de faire une proposition inférieure, ce qui est le cas pour trois d’entre eux. Les derniers sont simplement signés, sans autre mention.
Occupation d’immeubles à l’usage d’habitation par les troupes allemandes. Verso. Observations, renseignements et avis du maire. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur Alexis Boudaud [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Les indemnités tiennent compte du nombre de nuits, et non des mois pleins. Mais tous les dossiers ne comportent pas cet élément, et ne sont pas renseignés de manière exhaustive. Il est donc difficile de savoir s’il est tenu compte du nombre d’occupants, cette variable n’étant pas enregistrée avec précision. Seul un dossier pourrait aller dans ce sens, celui de Louise Billette.
Si l’on se fie aux dates qu’elle indique pour la première occupation, soit du 2 octobre au 6 mars 1941, il y aurait eu cent cinquante-cinq nuits. Or, l’autorité allemande n’en retient que cent quarante et un. Pour la seconde période, soit du 14 février au 30 juin 1941, il y a cent trente-cinq nuits.
Mais seules quatre-vingt-dix-sept sont retenues par les autorités allemandes. Selon l’indemnisation qu’elle souhaitait (300 francs mensuels), elle aurait dû percevoir environ 2 400 francs. Or, elle n’a reçu que 1 903 francs. Les assiettes des calculs d’indemnisation ne sont pas clairement définies dans les fiches.
Les plus petites indemnisations sont de moins de 800 francs, et ne concernent que des occupations de la première période. En revanche, les plus importantes, de 3 000 à 3 500 francs, concernent les occupations de fermes du « village[1] », hébergeant de huit à douze hommes et des chevaux (de six à vingt-cinq).
[1] Entendre « La Romagne sans les écarts et les hameaux ». Cf.supra.
Quant à celle qui a donné lieu à une indemnisation de plus de 4 100 francs — et qui concerne vraisemblablement le percepteur du village à l’époque —, elle s’explique sans doute par les nombreuses déprédations signalées, sans que l’on puisse en connaître la nature.
Peu de personnes[1] ont dénoncé des dégâts et pourtant, d’après quelques témoignages indirects[2], ils ont été réels pour nombre d’habitants. Mais leur ancrage dans la mémoire concerne davantage le domaine affectif que celui du matériel : c’est ici le cadre du diplôme d’une Croix de guerre 1914-1918 qui est piétiné, là un certificat d’études qui est abîmé.
[2] Un témoin indirect est un individu qui, n’ayant pas été présent lors de l’événement, en rapporte les faits d’après les témoignages ou les récits d’autres personnes.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto, plusieurs rangées de prisonniers français sont regroupées devant la maison Lesein, identifiable à sa boîte aux lettres. Cinq soldats allemands se tiennent en demi-cercle, le dos tourné aux prisonniers. Quatre d’entre eux écoutent attentivement leur supérieur, tandis qu’un soldat tient un document, peut-être une carte ou une liste. Les militaires français, à gauche de la photo, regardent vers la droite, et inversement. Ils portent des calots ou des bérets, témoignant probablement de leur appartenance à différentes unités. Leurs chaussures, poussiéreuses ou boueuses, contrastent avec les bottes impeccables des Allemands. Certains tiennent des bâtons de marche, d’autres fument une cigarette, et plusieurs portent boudins, couvertures et musettes. On compte environ une cinquantaine de prisonniers. Un soldat allemand casqué (Stahlhelm) surveille le groupe depuis l’arrière. Une moto est appuyée contre le mur. La photo, prise en léger surplomb, s’inscrit dans le cadre d’une campagne militaire ayant conduit à l’occupation allemande des Ardennes. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Une nouvelle fois, La Romagne et les Ardennes sont concernées par des invasions. La signature de l’armistice entre la France et l’Allemagnenazie le 22 juin 1940 à Rethondes[1], en forêt de Compiègne[2], place le département, et donc le village, dans la zone occupée.
Les conditions en sont très dures : la France doit livrer en partie son matériel de guerre, le sort des prisonniers de guerre est déterminé, la plupart d’entre eux est transférée en Allemagne, etc.
[1] Dans le wagon de l’armistice utilisé en 1918 pour la reddition allemande.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au verso, inscription manuscrite à l’encre violette en allemand : « Ankunft franz. Kriegsgefangener in La Romagne – Ardennes » (« Arrivée de prisonniers de guerre français à La Romagne – Ardennes »), suivie de la mention « Ende Juli 40 » (« fin juillet 1940 ») et du numéro « 109 ». Un tampon commercial à l’encre violette indique : « Schubert Breslau 5 Neue-Schweidnitzer-Str.17 ». L’ensemble suggère un document photographique d’origine allemande, probablement réalisé ou diffusé à des fins documentaires ou de propagande, témoignant de la présence de prisonniers français dans les Ardennes peu après la défaite de juin 1940. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
La défaite qui accable la Nation est refusée par une minorité. Celle-ci est incarnée par le général de Gaulle qui, dès le 18 juin, lance un vibrant et émouvant appel[1] qui s’oppose à la demande d’armistice de la veille. Il est repris le jour de la signature de l’armistice, incitant les Français à réagir.
Lavédrine, Bertrand. (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes. Avec la collaboration de Jean-Paul Gandolfo et de Sibylle Monod ; préface de Michel Frizot. Paris : Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2007. 345 p. ; 22 cm. Illustrations en noir et en couleur, couverture illustrée. Notes bibliographiques, glossaire, index. Collection Orientations et méthodes, no 10. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Par le décret n° 2006-313 du 10 mars 2006, la célébration de cet acte fondateur est officiellement devenue la Journée nationale commémorative de l’appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi.
Hoffmann, Heinrich. Mémoires du photographe d’Hitler : « Hitler était mon ami ». Traduit de l’anglais par Denis-Armand Canal. Édition présentée et annotée par Claude Quétel. Paris : Perrin, 2025. 331 p. ; 21 cm. Avec index, couverture illustrée. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.) [Nota bene : Heinrich Hoffmann, photographe officiel d’Hitler et ami proche, a joué un rôle central dans la création de l’image publique du Führer et la propagande nazie. Auteur de plus de deux millions de clichés diffusés mondialement, il fut témoin des moments clés du nazisme, mêlant opportunisme et engagement politique. Ses mémoires, présentés par Claude Quétel, offrent un témoignage inédit en français sur l’intimité et les rouages visuels du régime.]Apikian, Cédric. La 3e Kamera. Scénario de Cédric Apikian ; dessin de Denis Rodier ; couleurs d’Elise Follin ; dossier historique réalisé par Nicolas Férard. Grenoble : Glénat, 2024. 136 p. ; 32 cm. Illustrations en couleur. Collection 1000 Feuilles. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.) [Nota bene : créées en 1938, les Propagandakompanien (PK) sont des unités de propagande rattachées à la Wehrmacht et à Goebbels, composées de reporters formés et équipés (Leica, Arriflex, Nagra) pour produire images et sons sur tous les fronts. Figures clés : Frentz, Ertl, Hoffmann, Hippler. Dès 1944, les Standarte Kurt Eggers, formation de propagande SS, supplantent les PK. Certains opérateurs utilisent une « 3e caméra » personnelle pour capter des images non autorisées, entre transgression et documentation.]
Drieschner, Axel ; Schulz, Barbara, Stalag III-B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol Verlag, 2006, 212 p. (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts, cahier 4). Collection personnelle de l'auteure.
8 mai 1945 – 8 mai 2025 : les soldats capturés pendant la Seconde Guerre mondiale, mémoire vive de l’histoire européenne
Les jeudi 8 et vendredi 9 mai 2025 marquent deux anniversaires majeurs : les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945 et les 35 ans de la Journée de l’Europe, célébrée le 9 mai. Le 8 mai s’annonce comme la dernière grande commémoration en présence des témoins directs de la Seconde Guerre mondiale : anciens combattants, rescapés des camps, requis du STO[1], incorporés de force[2]… et prisonniers de guerre[3], dont le sort particulier est relégué dans l’ombre.
Capturés en masse dès 1940, contraints au travail forcé en Allemagne, ces hommes vécurent une guerre marquée par la captivité, l’attente, et un retour difficile en France.
[1] Le Service du travail obligatoire était une contrainte imposée par le régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, forçant les jeunes hommes français à travailler en Allemagne pour soutenir l’effort de guerre nazi.
[2] Les « malgré-nous » étaient des hommes d’Alsace-Moselle contraints par le régime de Vichy de rejoindre l’armée allemande après l’annexion de fait de ces régions par le IIIᵉ Reich en 1942.
[3] Les Stalags accueillaient les soldats et sous-officiers soumis au travail forcé (Zwangsarbeit), tandis que les Oflags étaient destinés aux officiers, qui bénéficiaient de conditions de vie relativement meilleures. La notion de Zwangsarbeit (travail forcé) pendant la Seconde Guerre mondiale peut, dans de nombreux cas, être considérée comme une forme de moderne Sklaverei (esclavage moderne), bien que ces deux concepts renvoient à des contextes historiques et juridiques différents.
Après avoir cherché les traces de Pierre Bonhomme, natif de La Romagne, prisonnier de guerre n° 53026 dans les Stalags allemands III-A Luckenwalde et III-D Berlin, une nouvelle mission historique et mémorielle s’est accomplie au Stalag III-B Fürstenberg[1] (Oder), actuellement Eisenhüttenstadt, en Allemagne) du jeudi 24 octobre au vendredi 1er novembre 2024.
[1] Fürstenberg-sur-Oder, commune située actuellement dans l’arrondissement de l’Oder-Spree et le Land de Brandebourg, en Allemagne, ne doit pas être confondue avec Fürstenberg-Havel, qui se trouve également dans le Land de Brandebourg, mais dans l’arrondissement de la Haute-Havel.
Ce déplacement a compris plusieurs rendez-vous avec des historiens, archivistes, bibliothécaires, documentalistes, libraires, etc., dont :
plusieurs rencontres avec Erich Opitz, historien local engagé dans la préservation de la mémoire du quartier de Fürstenberg (Oder). Président d’une association culturelle[1], membre du conseil municipal, il a publié plusieurs ouvrages[2] et articles[3] sur Eisenhüttenstadt. Il est par ailleurs collectionneur d’archives sur la Seconde Guerre mondiale (tracts, photographies, cartes postales, etc.) ;
des échanges électroniques[4] avec Axel Drieschner, historien de l’art et historien, conservateur au musée Utopie et vie quotidienne[5] (qui regroupe le Centre de documentation[6] sur la vie quotidienne en RDA[7] et des archives d’artistes[8] au château de Beskow[9]), impliqué dans les projets d’exposition et le développement des collections, co-directeur de publication avec Barbara Schulz de Stalag III-B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol Verlag, 2006, 212 p. (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts, cahier 4).[10];
une inscription à la bibliothèque municipale[11], dont le fonds documentaire actuel et varié comprend plusieurs ouvrages d’histoire locale. La délivrance d’une carte de lectrice à l’auteure a autorisé le prêt « à domicile[12] » de la monographie citée supra[13], dans le cadre d’une procédure spécifique ;
une consultation aux archives municipales[14]. Un exemplaire du titre référencé ci-dessus étant déjà conservé dans les fonds, la directrice a exceptionnellement autorisé, à titre dérogatoire et dans un cadre strictement non renouvelable, la remise d’un doublon à l’auteure ;
une visite du musée municipal[15], ancienne maison d’armateur, au style Art nouveau, arborant une façade décorée de motifs maritimes. Ses collections portent sur l’histoire locale d’Eisenhüttenstadt, et une salle en particulier est dédiée au Stalag III-B Fürstenberg (Oder) ;
des passages à l’office de tourisme[16], qui propose sur présentoir des périodiques, des monographies sur l’histoire locale, ainsi que des reproductions de cartes anciennes. Il met également à disposition, gratuitement, des dépliants[17], un livret d’accueil[18] et un itinéraire de découverte de la ville[19] ;
un tour à la librairie Thalia[20], qui comprend un rayon sur l’histoire locale, et qui vend des plans de la ville, ainsi que des cartes topographiques[21] de la région ;
une correspondance informatique avec la mairie[22] ;
une découverte de la galerie d’art de Fürstenberg (Oder)[23], qui organise un dépôt-vente d’ouvrages et d’un lot de cartes postales[24].
[2] Parmi lesquels un recueil de photographies du vieux Fürstenberg (Oder) : Gansleweit, Klaus-Dieter ; Opitz, Erich ; Schieche, Manfred, Das alte Fürstenberg (Oder), Erfurt : Sutton Verlag, 2016, 136 p.
[3] Erich Opitz a notamment rédigé la partie I (pp. 20-55) d‘une chronologie (Zeitafel) de Fürstenberg (Oder), du moyen-âge à nos jours, avec Klaus-Dieter Gansleweit, dans l’article « Fürstenberg (Oder) im Wandel der Zeiten » (« Fürstenberg-sur-Oder au fil du temps »), paru dans Gansleweit, Klaus-Dieter (dir.), Festschrift zur 750-Jahr-Feier von Fürstenberg (Oder), Heimatkalender Eisenhüttenstadt und Umgebung, 23e année, édition spéciale, 1e édition, Eisenhüttenstadt : Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V., 2005, 284 p. Erich Opitz a ensuite co-signé avec Klaus-Dieter Gansleweit, ou signé seul, les parties II à VI dans les volumes 1 (2011, 248 pages, pp. 17-42), 2 (2017, 224 pages, pp. 6-24), 3 (2020, 216 pages, pp. 6-43), 4 (2022, 203 pages, pp. 6-41), 5 (2024, 228 pages, pp. 6-37) de la revue Ganslweit, Klaus-Dieter (dir.), Fürstenberger Blätter :Beiträge zur Geschichte von Fürstenberg (Oder) und Umgebung, Eisenhüttenstadt: Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V.
[4] Étant donné qu’Axel Drieschner était en déplacement professionnel à cette période, l’auteure n’a pas pu le rencontrer en personne.
[5]Museum Utopie und Alltag (DOK-Zentrum), Erich-Weinert-Allee 3, 15890 Eisenhüttenstadt.
[6]Dokumentationszentrum Alltagskultur der DDR, organisme soutenu par le ministère des Sciences, de la Recherche et de la Culture du Land de Brandebourg, l’arrondissement de l’Oder-Spree et la ville d’ Eisenhüttenstadt.
[8]Museum Utopie und Alltag (Kunstarchiv), Breitscheidstraße 7, 15848 Beeskow.
[9] Commune située actuellement dans l’arrondissement de l’Oder-Spree et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
[10] Ce livre a joué un rôle essentiel dans la rédaction de cet article, et demeure une référence incontournable pour tout lecteur germanophone s’intéressant au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Bien que les citations complètes n’aient pas été intégrées, l’auteure reconnaît l’importance capitale de cette œuvre dans ses recherches. Elle a constitué une ressource clé pour l’analyse, et sa mention explicite dans le texte s’inscrit dans les pratiques académiques, attestant ainsi de son apport déterminant.
[12] En fait, à l’hôtel, qui, en tant que lieu d’hébergement temporaire, ne revêt pas le statut de domicile légal et ne peut, dans le cadre d’un voyage touristique, être considéré comme une adresse officielle.
[13] Ce titre est épuisé. Publié en édition monolingue allemande, il n’a à ce jour pas été traduit en français, en anglais ni en russe.
[17]Erlebnisreich Eisenhüttenstadt : die Vielfalt Eisenhüttenstadts erleben (Eisenhüttenstadt, riche en événements : découvrez la diversité d’Eisenhüttenstadt) ; Filmreich Eisenhüttenstadt : die Filmkulisse Eisenhüttenstadts erkunden (Eisenhüttenstadt, riche en films : découvrir les coulisses cinématographiques d’Eisenhüttenstadt) ; Fürstenberg (Oder) Eisenhüttenstadt : Spaziergang durch die historische Altstadt (Eisenhüttenstadt : promenade dans la vieille ville historique) ; Kunstreich Eisenhüttenstadt : Kunstwerke im öffentlichen Raum entdecken (Eisenhüttenstadt, riche en art : découvrir des œuvres d’art dans l’espace public) ; Naturreich Eisenhüttenstad t: Eisenhüttenstadt für Naturliebhaber (Eisenhüttenstadt, riche en nature : Eisenhüttenstadt pour les amoureux de la nature).
[18]Willkommen in Eisenhüttenstadt : Informationsbroschüre für Bürgerinnen, Bürger und Gäste unserer Stadt (Bienvenue à Eisenhüttenstadt : brochure d’information destinée aux citoyens et aux visiteurs de notre ville).
[19]Eisenhüttenstadt : die Planstadt zu Fuß entdecken (Eisenhüttenstadt : découvrir la ville planifiée à pied). Par « ville planifiée », on entend une ville conçue selon un plan d’urbanisme cohérent, élaboré dans le contexte politique de la RDA, l’État socialiste des années 1950.
[21] Les feuilles L3952 et L3954 de la carte topographique du Brandebourg, à l’échelle 1 : 50 000 [deux centimètres sur la carte ≙ un kilomètre dans la réalité], couvrent Eisenhüttenstadt. Elles sont éditées par le Service topographique et d’information géographique du Brandebourg (Landesvermessung und Geobasisinformation Brandenburg).
Le voyage a aussi été l’occasion de découvrir Fürstenberg (Oder), le centre historique de la ville d’Eisenhüttenstadt, mentionné pour la première fois en 1286, et qui conserve quelques traces de la Seconde Guerre mondiale :
l’église catholique Saint-Nicolas[2] (nommée d’après le patron des marins, référencée dès 1450, plusieurs fois détruite et reconstruite) ;
un remblai sur le canal Oder-Spree, utilisé depuis 1890 comme lieu de stockage et d’amarrage, rénové en 2008 avec la construction de pontons modernes, d’un embarcadère, et d’une promenade[3] ;
une « échelle céleste[4] », en fait un escalier étroit au fort dénivelé reliant le quartier de Kietz à l’Oderstraße ;
un monument[5] érigé en 1949 en l’honneur des vingt-trois membres de la flottille du Dniepr, tombés au combat au printemps 1945, lors des combats à Fürstenberg (Oder) ;
Un ancien embarcadère[6] : au lieu du pont sur la digue, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, un bac à câble actionné à la main a permis le passage jusqu’en 1996 ;
le cimetière protestant de Fürstenberg (Oder)[7], qui comprend une stèle en l’honneur de prisonniers de guerre décédés en 1939-1945, dont neuf Français[8] ;
[8] Ce lieu funéraire a été visité en compagnie d’Erich Opitz, reconnu pour ses recherches sur les sépultures oubliées, et pour sa connaissance de l’histoire des cultes des morts sous le national-socialisme à l’échelle régionale. Voir Opitz, Erich, Für Führer, Volk und Vaterland : zum regionalen Totenkult im Nationalsozialismus, Eisenhüttenstadt : Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V., 2019, 188 p.
[12] Les deux victimes du nazisme ont été fusillées le 13 février 1945. Leurs corps ont été retrouvés au Stalag III-B Fürstenberg (Oder), mais le lieu exact de leur assassinat demeure incertain. Depuis 1946, la Prinz-Carolath-Straße n’existe plus et a été renommée Fellertstraße en leur honneur.
[13] Słubice est située juste de l’autre côté de la frontière, séparée de l’Allemagne par la rivière Oder. Elle est la voisine directe de Francfort-sur-l’Oder (Frankfurt an der Oder), commune située actuellement dans l’arrondissement de Francfort-sur-l’Oder et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
[16]Altes Rathaus und Feuerwache. Ce bâtiment a servi aux pompiers jusqu’à la mise en service, en 2022, de la nouvelle caserne centrale : Zentrale Feuerwache, Oderlandstraße 18, 15890 Eisenhüttenstadt.
Pour ce qui est de sa partie moderne, Eisenhüttenstadt, qui est jumelée avec Drancy[1] depuis 1963, compte un théâtre[2], un cinéma[3], et a été le décor de plusieurs films en rapport avec la RDA[4]. La ville offre d’autre part au regard plus d’une centaine d’œuvres d’art dans les espaces publics, dont certaines en relation avec la Seconde Guerre mondiale, comme :
la place autrefois nommée « place de l’Amitié germano-soviétique[5] », et actuellement « place du Souvenir[6] », qui accueille un mémorial dédié aux prisonniers soviétiques du Stalag III-B Fürstenberg (Oder) (Les corps, déplacés lors de la construction de l’aciérie d’Eisenhüttenstadt, reposent sous un obélisque en granit, initialement destiné aux projets nazis pour Berlin[7], et réutilisé dans les années 1950) ;
la mosaïque murale[8] « Amitié entre les peuples[9] » de Walter Womacka ;
La peinture murale « Travailler pour la paix[10] » de Walter Womacka ;
La sculpture « Germania[11] Barbarica » d’Eckhard Herrmann.
[1] Commune située actuellement dans le département de la Seine-Saint-Denis, en région Île-de-France, faisant partie de la Métropole du Grand Paris. Le camp de Drancy fut le principal centre de transit des juifs arrêtés en France entre 1941 et 1944. Plus de soixante-trois mille personnes y furent internées avant d’être déportées, surtout à Auschwitz. Administré d’abord par la police française, puis par la Gestapo (abréviation de Geheime Staatspolizei, soit « police secrète d’État »), le camp fut libéré en août 1944. Il est aujourd’hui un lieu de mémoire de la Shoah en France.
[4] En 2018, Das schweigende Klassenzimmer (La Révolution silencieuse), qui raconte comment des lycéens dénoncent la répression soviétique lors de l’insurrection de Budapest, a été partiellement tourné à Eisenhüttenstadt pour recréer l’atmosphère de la RDA des années 1950. En 2019, Und der Zukunft zugewandt (sorti en France sous le titre anglais Sealed Lips), qui raconte l’histoire d’une communiste allemande accusée d’espionnage en URSS, a également été filmé dans la ville.
[7]Germania était un projet de « ville planifiée » conçu par Adolf Hitler pour transformer Berlin en une capitale mondiale monumentale, symbole de la puissance du régime nazi. Ce programme, imaginé avec l’architecte Albert Speer, prévoyait la construction de bâtiments gigantesques, notamment une grande avenue, un arc de triomphe géant et une salle pouvant accueillir jusqu’à cent quatre-vingt mille personnes. Cependant, le chantier n’a jamais été réalisé, abandonné en raison de l’évolution de la guerre et des destructions causées par le conflit.
[8] En porcelaine de Meißen : celle-ci, créée dès le début du XVIIIe siècle, se distingue par sa qualité exceptionnelle et ses designs raffinés, devenant ainsi un symbole du luxe et de l’artisanat en Europe.
[11] Germania incarne l’unité et la puissance de l’Allemagne depuis le XIXe siècle. Guerrière couronnée, armée d’une épée ou d’un bouclier, elle symbolise un nationalisme conservateur. Marianne, quant à elle, née de la Révolution française, représente la République, la liberté et la souveraineté du peuple. Coiffée d’un bonnet phrygien, elle incarne les idéaux démocratiques et laïques de la France.
En 1961, le nom de Stalinstadt disparaît au profit de celui d’Eisenhüttenstadt. La « ville sidérurgique[1] », pensée comme la « première ville socialiste d’Allemagne[2] », doit incarner le renouveau de la RDA.
En 2001, la transformation d’une partie de la ville en zone industrielle donne lieu à des fouilles d’archéologie préventive[3] .
En 2024, les vestiges témoignent discrètement d’un passé longtemps occulté. Tout a presque totalement disparu, englouti par une nature luxuriante et exubérante, qui a repris ses droits depuis des décennies. La plupart du temps, les rares ruines affleurant à la surface sont difficiles à lire et à interpréter.
Dès 1929, dans Fürstenberg (Oder), le NSDAP[1] affronte de manière paramilitaire[2] les communistes[3] et les sociaux-démocrates[4]. En mars 1933, Adolf Hitler consolide son pouvoir avec plusieurs événements clés. Le 5 mars, les élections législatives renforcent son soutien, mais sans majorité absolue.
Le 27 février, l’incendie du Reichstag permet d’adopter un décret répressif. Le 23 mars, la loi des pleins pouvoirs[5] lui donne le pouvoir de légiférer sans le Reichstag, établissant ainsi sa dictature et mettant fin à la démocratie de la République de Weimar.
[1] Le NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) était le parti dirigé par Adolf Hitler, qui a gouverné l’Allemagne sous le régime nazi à partir de 1933.
[2] Le parti politique nazi n’était pas en soi une organisation paramilitaire, mais il s’est entouré de groupes paramilitaires pour assurer sa protection, intimider ses adversaires, et soutenir l’ascension du régime nazi. Parmi les exemples les plus emblématiques figurent les SA (Sturmabteilung) ou « chemises brunes », les SS (Schutzstaffel) à la sinistre tête de mort (Totenkopf), ainsi que les Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend ou HJ, littéralement la Jeunesse hitlérienne).
[3] En riposte, les communistes utilisaient le RFB (Rotfrontkämpferbund), ou Union des combattants du front rouge, qui visait à protéger les ouvriers et à lutter contre les nazis.
[4] Pour se défendre, les sociaux-démocrates s’appuyaient sur le Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold (Bannière noire-rouge-or) , une organisation destinée à défendre la République de Weimar contre l’extrême-droite.
„Die beiden hier verwendeten Granitblöcke wurden 2011 am Ufer des Oder-Spree-Kanal in Eisenhüttenstadt geborgen. Dort überdauerten sie als Rest eines Steinvorrats, der während des Zweiten Weltkriegs für ein von Hitler in Berlin geplantes Bauvorhaben der Deutschen Wehrmacht angelegt wurde, den Neubau des Oberkommandos des Heeres mit der sogenannten„Soldatenhalle ». Um hochwertige Natursteine für dieses Bauprojekt einzulagern, entstand ab 1940 eigens eine Hafenanlage unmittelbar südlich des Stalag III-B. Beim Aushub des 400 Meter langen Hafenbeckens wurde ein Kommando französischer Juden aus dem Kriegsgefangenlager eingesetzt. Auf dem Hafengelände wurden etwa 20 000 Kubikmeter Großquader gestapelt, darunter Granit aus Skandinavien und aus den Steinbrüchen der SS, wo KZ-Häftlinge unter mörderischen Bedingungen Zwangsarbeit leisteten. Nach Kriegsende nutzte unter anderem die sowjetische Besatzungsmacht den Steinvorrat, so zum Bau der Ehrenmale in Berlin-Treptow und auf dem Platz des Gedenkens in Eisenhüttenstadt.“
Fürstenberg (Oder) tombe sous la coupe des hitlériens. Dès lors, des mesures de terreur sont instaurées dans la ville et ses alentours, et les opposants politiques sont, soit enfermés dans des centres de détention, soit envoyés dans des camps de concentration[1].
[1] Les camps de concentration ont été créés dès 1933 pour détenir les opposants politiques et d’autres groupes « indésirables ». Les camps d’extermination, ouverts en 1941, étaient spécifiquement destinés à l’assassinat de masse, principalement des juifs.
« Les deux blocs de granit utilisés ici ont été récupérés en 2011 sur les rives du canal Oder-Spree à Eisenhüttenstadt. Ils y avaient survécu comme vestiges d’un stock de pierres constitué pendant la Seconde Guerre mondiale pour un projet de construction de la Wehrmacht prévu par Hitler à Berlin, à savoir le nouveau quartier général de l’armée avec la ‘halle des soldats’. Afin de stocker des pierres naturelles de haute qualité pour ce projet de construction, une installation portuaire a été spécialement construite à partir de 1940, juste au sud du Stalag III-B. Un commando de juifs français du camp de prisonniers de guerre a été utilisé pour creuser le bassin portuaire de 400 mètres de long. Environ 20 000 mètres cubes de gros blocs de pierre ont été empilés sur le site portuaire, dont du granit provenant de Scandinavie et des carrières de la SS, où les détenus des camps de concentration étaient soumis à un travail forcé dans des conditions inhumaines. Après la fin de la guerre, les forces d’occupation soviétiques ont notamment utilisé ces réserves de pierres pour construire le mémorial de Berlin-Treptow et la place du Souvenir à Eisenhüttenstadt. »
Le bellicisme d’Adolf Hitler se manifeste à travers la préparation de la guerre, notamment avec l’action de la Wehrmacht[1]. Dès août 1938, le commandement de cette dernière se voit chargé de planifier l’installation de camps de prisonniers, en prévision des invasions de la Tchécoslovaquie (le 15 mars 1939) et de la Pologne (le 1er septembre 1939).
Ces instructions incluent la construction des camps, ainsi que des directives sur le traitement des prisonniers, notamment la surveillance, l’hébergement, le ravitaillement et le travail.
[1] Cette « force de défense » (traduction littérale en français), créée en 1935 à partir de la Reichswehr (armée nationale), comprenait l’Heer (armée de Terre), la Kriegsmarine (Marine) et la Luftwaffe (armée de l’Air). La Wehrmacht a été dissoute en 1946 après la défaite de l’Allemagne.
„Hier befand sich während des Zweiten Weltkriegs das sogenannte Mannschafts- Stammlager Stalag III B. Das Lager diente der Deutschen Wehrmacht während ihrer Angriffskriege zur Aufnahme gefangener gegnerischer Soldaten und zu ihrer Weiterführung in die regionale Kriegswirtschaft. Über das Gebiet des Deutschen Reichs waren etwa siebzig Lager gleicher Funktion und Größenordnung verteilt.
Das Stalag III B war zur Unterbringung von maximal 10 000 Kriegsgefangenen ausgelegt. Dazu wurden vierzig Baracken entlang einer zentralen Erschließungsstraße errichtet. Während des Krieges, durchliefen etwa 100 000 Gefangene das Stalag III B. Sie stammten aus Polen, Frankreich, Belgien, den Niederlanden, Jugoslawien, der Sowjetunion, den USA und aus Italien. Die Gefangenen wurden, je nach ihrer nationalen Herkunft, sehr unterschiedlich behandelt. Gegenüber den Soldaten der westlichen Alliierten beachtete man weitgehend die Grundsätze des Völkerrechts. Dieitalienischen Gefangenen dagegen wurden, da ihr Land das Bündnis mit Deutschland verlassen hatte, als „Verräter“ bezeichnet und schlechter gestellt.
Absolut menschenverachtend war die Behandlung der sowjetischen Gefangenen. Gemäß der rassistischen NS-Ideo!ogie, die sie zu „Untermenschen“ erklärte, verweigerten die Deutschen ihnen eine lebenserhaltende Ernährung, Hygiene und Medizinische Versorgung.
Mehr als 4000 sowjetische Gefangene verhungerten, deshalb im Stalag III B oder starben an Seuchen. Weitere Rotarmisten, insbesondere solchen jüdischen Glaubens, wurden zur sofortigen Ermordung an Konzentrationslager überstellt.
Das Gebeine der sowjetischen Gefangenen wurden zunächst in Massengräbern verscharrt. Bei Errichtung des Eisenhüttenwerks 1951 umgebettet, ruhen sie heute auf dem Platz des Gedenkens in Eisenhüttenstadt. 80 weiterer Opfer verschiedener Nationalität wurden auf dem Friedhof der evangelischen Kirchengemeine im Ortsteil Fürstenberg, Kastanienstraße 15 b, beigesetz.“
A la mi-septembre 1939, il apparaît que les lieux initialement prévus ne suffisent pas, si bien que la construction de nouveaux camps tels que le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) se révèle indispensable aux yeux des autorités allemandes. Ce Stalag est intégré dans le Wehrkreis[1] III Berlin Brandebourg[2].
[1] Abrégé en WK. Les Wehrkreise (circonscriptions militaires) étaient des régions militaires allemandes créées sous la République de Weimar pour le recrutement et la formation des troupes. Elles ont été renforcées par le IIIᵉ Reich pour l’organisation de la Wehrmacht.
[2] Cette zone englobait les provinces de Berlin et de la Marche de Brandebourg, avec son quartier général situé à Berlin-Grunewald.
« C’est ici que se trouvait pendant la Seconde Guerre mondiale le Stalag III-B. Ce camp servait à la Wehrmacht pendant ses guerres d’agression pour accueillir les soldats ennemis faits prisonniers et les affecter à l’économie de guerre régionale. Environ soixante-dix camps de même fonction et de même taille étaient répartis sur le territoire du Reich allemand.
Le Stalag III-B était conçu pour accueillir jusqu’à 10 000 prisonniers de guerre. À cette fin, quarante baraques ont été construites le long d’une route centrale. Pendant la guerre, environ 100 000 prisonniers sont passés par le Stalag III-B. Ils venaient de Pologne, de France, de Belgique, des Pays-Bas, de Yougoslavie, d’Union soviétique, des États-Unis et d’Italie. Les prisonniers étaient traités de manière très différente selon leur origine nationale. Les principes du droit international étaient largement respectés à l’égard des soldats des Alliés occidentaux. Les prisonniers italiens, en revanche, leur pays ayant quitté l’alliance avec l’Allemagne, étaient qualifiés de « traîtres » et traités plus durement.
Le traitement réservé aux prisonniers soviétiques était absolument inhumain. Conformément à l’idéologie raciste nazie qui les déclarait « sous-humains », les Allemands leur refusaient une alimentation suffisante, l’hygiène et les soins médicaux.
Plus de 4 000 prisonniers soviétiques sont ainsi morts de faim ou d’épidémies dans le Stalag III-B. D’autres soldats de l’Armée rouge, en particulier ceux de confession juive, ont été transférés vers des camps de concentration pour y être immédiatement assassinés.
Les ossements des prisonniers soviétiques ont d’abord été enterrés dans des fosses communes. Transférés lors de la construction de l’usine sidérurgique en 1951, ils reposent aujourd’hui sur la place du Mémorial à Eisenhüttenstadt. 80 autres victimes de différentes nationalités ont été inhumées dans le cimetière de la paroisse évangélique dans le quartier de Fürstenberg, Kastanienstraße 15 b. »
Le site de Fürstenberg (Oder) est choisi dès le 23 septembre 1939[1] par le lieutenant-colonel[2] Paul May, nommé commandant du camp de 1939 à 1940[3], après que le Dulag[4] D Amtitz[5], implanté à proximité de Guben[6] (et qu’il dirigeait) a été dissous.
Il reconnait les lieux en compagnie de représentants de l’autorité civile et du directeur de l’Office du travail[7]. Le terrain sélectionné, long de deux kilomètres, et large de cinq cents à sept cent cinquante mètres, est plat, sec, et recouvert de bruyères sur un sol sableux[8].
[1] Il existe officiellement à partir du 6 décembre 1939.
[2]Oberstleutnant (code OTAN OF-4 selon le document STANAG 2116).
[4] Le Dulag (Durchgangslager) était un camp de transit, à travers lequel passait tout prisonnier de guerre pour enregistrement, mais aussi pour vérifier son état médical.
[5] La localité, située dans la région de Gubin, est aujourd’hui connue sous le nom de Gębice, en Pologne, dans la voïvodie de Lubusz. Avant 1945, Amtitz faisait partie de l’Allemagne, mais après les accords de Potsdam, la région est devenue polonaise. Gubin, proche de Gębice, est une ville polonaise située à la frontière allemande.
[6] Commune située actuellement dans l’arrondissement de Spree-Neisse et le Land de Brandebourg, en Allemagne. Traversée par la Neisse, elle est séparée de la ville polonaise de Gubin par la frontière germano-polonaise établie après la Seconde Guerre mondiale, conformément aux accords de Potsdam en 1945.
[7]Arbeitsamt, organisme officiel responsable de la gestion du travail et de la main-d’œuvre.
[8] Pour un usage militaire, une telle terre présente l’avantage d’être sèche, bien drainée et aisée à aménager, ce qui permet l’installation rapide d’un camp. Bien qu’inexploitable sur le plan agricole ou économique, elle offre néanmoins deux atouts majeurs : un accès relativement aisé à l’eau et une desserte efficace par le chemin de fer et la route.
Le camp[1] est prévu au départ pour dix mille prisonniers[2] mais, à la fin de 1939, aucune baraque n’est encore construite pour les héberger. Les prisonniers passent donc le premier hiver de leur captivité sous des tentes, par un froid rigoureux. Les baraques, souvent construites par les prisonniers eux-mêmes, ne sont achevées qu’en août 1940. C’est à cette période que de nombreux prisonniers français y sont internés[3].
[1] Sur le plan organisationnel, il est directement issu du camp de transit d’Amtitz.
[2] Dans les faits, le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) a connu une surpopulation extrême, accueillant jusqu’à cinquante mille prisonniers de guerre à son apogée, soit cinq fois sa capacité. Cette surcharge a entraîné des conditions de détention très difficiles : promiscuité, manque d’hygiène, pénurie de soins et de nourriture.
[3] L’augmentation du nombre de prisonniers français dans les Stalags en 1940 est le résultat de la défaite rapide de la France face à la Blitzkrieg (guerre éclair) allemande lors de la bataille de France, en mai-juin.
Le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) comprend plus d’une quarantaine de baraques d’hébergement, qui ont accueilli pendant la Seconde Guerre mondiale au moins quatre-vingt mille prisonniers, toutes nationalités confondues (Américains, Belges, Français, Italiens, Néerlandais, Polonais, Soviétiques, Yougoslaves, etc.).
L’avant-camp[1] est agrémenté de parterres de fleurs et de jardins. Il regroupe les maisons des gardes du camp[2]. Elles sont à colombages[3]. Le 1er septembre 1943, le colonel[4] Albrecht Blau, commandant du camp[5], inaugure une stèle commémorative et fait planter un chêne[6], près de la voie d’accès au Stalag III-B Fürstenberg (Oder)[7].
[1]Vorlager, c’est-à-dire la zone située devant le camp.
[2] Ce sont des Unterkunftsbaracken (« baraques d’hébergement » ou « baraques de logement ») et plus exactement des Stabsbaracken (« baraques du personnel », ou « baraques du commandement »). Datant de la Seconde Guerre mondiale, elles comptent parmi les rares encore conservées. Elles sont aujourd’hui utilisées par un refuge pour animaux, plus précisément un chenil : Tierheim/Tierpension Eisenhüttenstadt e.V., Oderlandstraße 3b, 15890 Eisenhüttenstadt.
[3] « Mur en charpente dont les vides sont remplis de briques, de torchis ou de plâtre. Par extension. Les parties visibles de cette charpente. Une maison alsacienne, normande, à colombages. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[4]Oberst (code OTAN OF-5 selon le document STANAG 2116).
[5] Il l’a dirigé du 15 avril 1943 au 25 février 1945. Son cadavre a été retrouvé le 30 août 1945 au Gamskarkogel, sommet de 2 467 mètres dans le massif de l’Ankogel, en Autriche.
[6] Tous les deux sont encore visibles actuellement. Une allée de bouleaux reliait d’autre part le tronçon de route entre les troupes et le camp de prisonniers, et quelques-uns de ces arbres subsistent.
[7]Lagerzufahrt . Dans le contexte d’un camp nazi comme un Stalag, ce terme désigne généralement la route d’accès principale utilisée pour les transports de prisonniers, de matériel ou de personnel.
Défilé de soldats allemands dans le quartier de Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Cette entrée[1], tournée vers la ville, est dominée par une tour de guet[2] en briques, très massive, alors que les autres miradors de surveillance sont en bois. Elle regroupe les bureaux de la Kommandantur[3], de l’Abwehr[4], de la poste, des bâtiments (pour la désinfection ou le stockage de combustible), et des ateliers[5]. Le camp est entouré extérieurement d’une double clôture de barbelés, dont les poteaux sont enterrés d’au moins cinquante centimètres.
[3] Le terme Kommandantur désigne les services de commandement militaires allemands, le bâtiment où ils sont installés, ainsi que le territoire qu’ils administrent. Dans certains contextes, il peut être traduit par PC (poste de commandement), notamment lorsqu’il se réfère à l’endroit où les autorités militaires exercent leur commandement.
[4] L’Abwehr (défense, riposte, parade), service de renseignement militaire allemand, a été fondée le 1er janvier 1921, en succession du Service IIIb (Abteilung ou Sektion IIIb, soit section IIIb) de la Première Guerre mondiale. Chargée du Gegenspionage (contre-espionnage), du Auslandsnachrichtendienst (renseignement extérieur) et du Sabotage (sabotage), elle est dirigée par l’amiral Wilhelm Canaris à partir de 1935. En conflit croissant avec la SS (Schutzstaffel, escadron de protection), accusée de trahison, elle est dissoute par Adolf Hitler le 18 février 1944.
[5] Les locaux non destinés à l’habitation sont désignés comme Lagerbaracken (baraques de stockage) ou Lagerflächen (zones ou surfaces de stockage).
Le miroir routier ou miroir de sécurité qui se voit à gauche a pour but d’améliorer la visibilité dans les zones où le champ de vision est réduit, notamment aux intersections. Entrée du Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Cette structure du camp est identique à celle du Stalag III-A Luckenwalde[1] ou du Stalag XVII-B Gneixendorf[2], où Pierre Bonhomme a été prisonnier de guerre, ainsi qu’à de nombreux autres camps[3]. Il est à noter que ce camp n’a pas d’hôpital mais de simples infirmeries jusqu’en 1944[4].
[1] Commune située actuellement dans l’arrondissement de Teltow-Fläming et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
[2] Village rattaché à Krems an der Donau (Krems-sur-le-Danube), commune située actuellement dans le district (Bezirk) de Krems et le Land de Basse-Autriche, en Autriche.
[3] Les Stalags II-A Neubrandenburg, III-A Luckenwalde, IV-B Mühlberg, VII-A Moosburg, IX-A Ziegenhain, X-B Sandbostel et XVII-B Gneixendorf sont tous construits sur le même modèle. Au Stalag VIII-A Görlitz, le plan a été légèrement modifié.
[4] Cette année-là, une annexe du camp de concentration de Sachsenhausen fut établie au sein de la nouvelle verrerie.
Baraques des gardes du Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
A l’intérieur du camp, d’autres clôtures divisent l’espace en fonction des nationalités. Chaque enclos compte en général cinq baraques, chacune ayant une capacité approximative de deux cent cinquante hommes.
Leur comptage se fait dans le sens des aiguilles d’une montre : celles numérotées de 5 à 24 se trouvent à l’ouest, tandis que celles de 25 à 44 sont à l’est. La partie française regroupe notamment les baraques 6 et 8, tandis que la baraque 41 accueille des Français employés au service du camp.
La cuisine est dans un bâtiment de soixante-sept mètres de long sur treize de large, séparé par des barbelés des hébergements. L’endroit comprend des locaux à ordures, des espaces pour le stockage des denrées alimentaires, et une zone de lavage des ustensiles de cuisine.
Lagerstraße (route du camp) du Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Extérieurement, les baraquements sont des constructions en briques. Intérieurement, ils sont divisés en plusieurs parties :
deux dortoirs respectivement de vingt-cinq et trente mètres, chacun comportant plus de cent prisonniers. Ces derniers ne disposent que d’une surface de deux mètres carrés cinquante. Elle est réduite à un mètre carré soixante-dix en cas de surpopulation[1].
Un espace central réservé aux salles d’eau : la première, destinée à l’hygiène corporelle ; la deuxième, au lavage du linge ; la troisième, probablement au séchage.
[1] Le camp a pu être plus peuplé que la ville elle-même.
Ce Stalag sert d’accueil, de centre administratif pour les prisonniers de guerre qui y arrivent. Ils sont enregistrés et, après la quarantaine habituelle, transférés dans des commandos de travail à l’extérieur des camps.
Lorsque la main-d’œuvre du Wehrkreis III Berlin Brandebourg est détachée du Stalag III-B Fürstenberg (Oder), elle est rattachée administrativement au Stalag III-D Berlin, et répartie dans des camps secondaires disséminés en dehors de la capitale[1].
[1] Plusieurs Schattenlager (camps satellites, ou « camps de l’ombre ») ont été installés à Berlin et dans ses environs pendant la Seconde Guerre mondiale.
„Gesprengte Oderbrücke. Am 6. 2. 1945 sprengte der Baupionier Justus Jürgensen mit einer Handgranate die Oderbrücke, nachdem die Zündleitung versagte. Er ließ dabei sein Leben.“
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
« Pont sur l’Oder détruit. Le 6 février 1945, le pionnier du génie civil Justus Jürgensen fit sauter le pont sur l’Oder à l’aide d’une grenade à main après que le dispositif de mise à feu eut échoué. Il perdit la vie dans l’opération. »
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
„Gesprengte Neue Deichbrücke (I). Von 1945 bis 1996 ersetzte die Fähre die gesprengte Deichbrücke.“
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
« Le nouveau pont de la digue détruit (I). De 1945 à 1996, le ferry a remplacé le pont de la digue détruit. »
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
L’évacuation du Stalag III-B Fürstenberg (Oder) commence avec l’avancée des troupes soviétiques dans de très mauvaises conditions, avec le froid, le manque d’eau et de nourriture. Le 4 février 1945, le pont sur l’Oder est détruit, lors de la retraite allemande. Le 9 février, l’évacuation des habitants de Fürstenberg (Oder) est ordonnée.
„An der Stelle der am 23.04.1945 gesprengten Brücke entstand in den Jahren 1995/96 diese „Neue Deichbrücke“. Ermöglicht wurde der Wiederaufbau durch Gelder des Landes Brandenburg, der Stadt Eisenhüttenstadt und vieler Bürger aus Fürstenberg/Oder, die nach Ende des 2. Weltkrieges für diese Brücke spendeten.“
« À l’emplacement du pont détruit le 23 avril 1945, ce ‘nouveau pont sur la digue’ a été construit en 1995/96. Sa reconstruction a été rendue possible grâce aux fonds du Land de Brandebourg, de la ville d’Eisenhüttenstadt et de nombreux citoyens de Fürstenberg-sur-Oder qui ont fait des dons pour ce pont après la fin de la Seconde Guerre mondiale. »
Désertée, la ville est prise par la 33e armée (URSS)[1] le 24 avril 1945. Les prisonniers sont dirigés sur le Stalag III-A Luckenwalde. Quant aux captifs soviétiques, fragilisés par leurs conditions de détention, beaucoup trouvent la mort.
[1]33-я армия (СССР), unité de l’Armée rouge durant la Grande Guerre patriotique.
Les baraques, bien que situées sur la ligne de front à Fürstenberg (Oder), sont épargnées[1]. Jusqu’à l’automne 1947, elles sont occupées par l’Armée rouge, avant d’être habitées par la population locale. La Wehrmacht a creusé des tranchées et posé des champs de mines le long du canal Oder-Spree.
Des démineurs sont désignés par les Soviétiques parmi les habitants de Fürstenberg (Oder), une dizaine d’hommes, ainsi que six adolescents, membres des Jeunesses hitlériennes, perdent la vie dans des explosions.
[1] La ville a connu des combats isolés et des tirs d’artillerie, mais n’a pas subi de destructions majeures.
„Ewiger Ruhm den Helden die im Kampf für die Freiheit und Unabhängigkeit unserer Heimat gefallen sind.“
Après la création de la RDA le 7 octobre 1949, la décision de construire un combinat sidérurgique est prise lors du IIIe congrès du SED[1] en juillet 1950. Le terrain du Stalag III-B Fürstenberg (Oder) est transformé au sud en un complexe industriel (usine de ciment, extension de voies ferrées[2] publiques ou privées[3], etc.).
Il se trouve plus tard intégré dans la création d’une « ville nouvelle », Stalinstadt[4], dont Fürstenberg (Oder) est désormais un simple quartier.
[2] Dès le milieu du XIXe siècle, Krupp fournissait des produits en acier moulé pour l’industrie ferroviaire en plein essor. Le nom du conglomérat industriel allemand apparaît sur certains rails d’Eisenhüttenstadt.
[3] Les embranchements particuliers (EP sous une forme abrégée en France) désignent des sections de voie ferrée raccordées au réseau principal, et utilisées par des entreprises pour leurs besoins logistiques.
[4] Ou « ville de Staline », appelée ainsi de 1953 à 1961, sur le modèle de Stalingrad, qui porta ce nom de 1925 à 1961 avant d’être rebaptisée Volgograd.
En 1940, la société allemande Degussa[1] acquiert auprès de la municipalité un terrain convoité par Siemens & Halske AG[2], situé à proximité du camp. Elle y implante un complexe chimique destiné à la production de sodium, de formaldéhyde et d’autres substances utilisées dans la fabrication d’explosifs.
[1] Fondée en 1873, Degussa (Deutsche Gold- und Silberscheideanstalt vormals Roessler) était à l’origine spécialisée dans le raffinage des métaux précieux en Allemagne. Avant 1933, elle dominait ce secteur, puis elle s’est progressivement diversifiée, devenant un acteur important de la chimie industrielle et d’autres domaines liés à l’industrie lourde.
Lors de la deuxième phase d’extension, la production de carbure de calcium est introduite, suivie, dans une troisième phase, de la fabrication d’acétylène, de peroxyde de sodium, de cyanure de sodium, d’acide cyanhydrique, d’examéthylènetétramine, d’acétaldéhyde, d’ester acétique, d’acétone et d’acétone-cyanhydrine.
Opitz, Erich, Für Führer, Volk und Vaterland : zum regionalen Totenkult im Nationalsozialismus, Eisenhüttenstadt : Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V., 2019, 188 p. Collection personnelle de l’auteure.
Près de deux mille prisonniers de guerre ont été employés pour transformer la ville en site d’armement. Or, selon les conventions de Genève, le travail dans des usines produisant des substances pour l’effort de guerre, comme des explosifs, constitue une violation flagrante du droit international humanitaire.
En janvier 1941, deux cent dix hommes travaillent sur le chantier de Degussa, et de nombreux prisonniers de guerre les rejoignent par la suite. La société exploite la main-d’œuvre bon marché fournie par les victimes de guerre. Elle n’est pas seule : en 1943, cinq cents juifs polonais déportés sont employés non seulement pour cette entreprise, mais aussi sur le chantier de construction d’une centrale électrique MEW[1], près de Vogelsang[2].
Après la Seconde Guerre mondiale, l’usine Degussa est démantelée, et l’extraction du lignite reprend à Schönfließ[1]. Les machines et installations sont démontées, puis transportées par bateau comme réparations de guerre. Les bâtiments détruits sont déblayés, et les décombres sont mis à la disposition des habitants pour le programme de reconstruction et de réaménagement du sol.
[1] Schönfließ était à l’origine un village indépendant, devenu en 1961 un quartier historique d’Eisenhüttenstadt. Il a connu une activité industrielle dès la découverte de lignite en 1847, avec le début de son exploitation en 1858. Après une relance temporaire de l’extraction en 1947, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation a finalement cessé de façon définitive en 1952.
Le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) sert de réservoir de main-d’œuvre pour les secteurs industriel, minier, agricole et sylvicole. Cependant, les prisonniers y restent rarement plus de six à huit semaines, le temps nécessaire pour les formalités administratives et la quarantaine.
Drieschner, Axel ; Schulz, Barbara, Stalag III-B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol Verlag, 2006, 212 p. (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts, cahier 4). Collection personnelle de l’auteure.
Ils sont ensuite répartis dans divers commandos de travail, selon le lieu, la taille de l’entreprise et les compétences requises. Les conditions de vie varient considérablement d’un endroit à un autre. Par ailleurs, les besoins en travailleurs dépassent souvent largement les capacités du camp, malgré le grand nombre de prisonniers de guerre disponibles.
Le ministère du Travail du Reich[1] constate ainsi que la Wehrmacht n’a pu fournir que vingt mille des vingt-huit mille prisonniers demandés par le Wehrkreis III, mettant en péril la récolte des betteraves.
Groupe de prisonniers au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Depuis 1940-1941, les employeurs de prisonniers français (principalement issus de l’armée de Terre) sont satisfaits de leur travail, et ne souhaitent pas les remplacer par des prisonniers soviétiques, malgré les propositions faites à cet effet. En effet, l’état de faiblesse de ces derniers les rend inaptes au travail, et non « rentables ».
Les prisonniers de guerre français sont employés essentiellement dans la production d’armement, tandis que les projets de construction d’autoroutes, pour lesquels ils avaient été initialement affectés, sont abandonnés.
Groupe de prisonniers au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Le commandant du Stalag est en théorie responsable de l’application des conventions de Genève, tant dans les camps principaux que dans leurs satellites. Le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) faisant partie du Wehrkreis III Berlin Brandebourg, son territoire correspond avec celui de l’Office du travail du Land de Brandebourg et de la région métropolitaine de Berlin-Brandebourg.
Il a pour attribution le gouvernement de l’arrondissement de Francfort-sur-l’Oder, dans le Land de Brandebourg. Néanmoins des changements interviennent par la suite après la création du Stalag III-D Berlin et du Stalag III-E Kirchhain[1].
[1] Doberlug-Kirchhain, commune située actuellement dans l’arrondissement de l’Elbe-Elster et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
La Wehrmacht viole de plus en plus les règles des conventions de Genève. En pratique, le traitement des prisonniers varie selon leur nationalité, en fonction de la position politique de leur pays d’origine, et de critères ouvertement racistes. Les plus maltraités sont les Soviétiques.
À partir de 1943, le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) fait l’objet de visites du Comité international de la Croix-Rouge, chargé de veiller au respect des conventions de Genève. Toutefois, ce contrôle reste très limité.
Livraison de colis par la Croix-Rouge au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Si des inspections sont autorisées dans les camps où sont détenus des prisonniers de guerre occidentaux (français, britanniques, américains), les représentants de la Croix-Rouge sont tenus à l’écart des zones de détention réservées aux prisonniers soviétiques, que l’Allemagne nazie ne reconnaît pas comme protégés par ces conventions.
L’envoi de colis et les visites, strictement encadrés, ne permettent qu’une intervention restreinte, souvent instrumentalisée par le régime à des fins de propagande.
Dans les premiers temps de détention au Stalag III-B Fürstenberg (Oder), des prisonniers français mettent fin à leurs jours[1]. Après le choc de la défaite, la capture, puis les transferts successifs — d’un Frontstalag[2] à un Dulag, puis à un Stalag, souvent entassés dans des wagons à bestiaux —, ils arrivent épuisés, affamés, sans nouvelles de leurs proches.
[1] Six suicides ont été recensés par le bureau d’état civil d’Eisenhüttenstadt.
[2] Abréviation de l’allemand Front-Stammlager, « camp principal de front », ce terme désigne un camp de prisonniers de guerre installé par l’armée allemande à proximité du front, notamment en France occupée, pendant la Seconde Guerre mondiale.
À la gare de marchandises de Fürstenberg (Oder), il leur reste encore plusieurs kilomètres à parcourir à pied, généralement dans l’obscurité. Face à l’incertitude, à l’isolement, à la douleur physique et à la souffrance morale, certains ne supportent plus cette accumulation d’épreuves.
Certains prisonniers français trouvent un peu d’espoir dans la culture, grâce à une partie de baraque transformée en bibliothèque, salle de lecture et de classe, tandis que d’autres se tournent vers la religion, avec une chapelle aménagée dans une autre section de baraque.
Salle de lecture et de classe au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Tous endurent des années de privations, de peur et de violences jusqu’à la libération du camp par les Soviétiques à la fin du mois d’avril 1945.
« Вечная слава героям — морякам Краснознаменной ордена Ушакова Днепровской флотилии, павшим в боях за честь, свободу и независимость Советской Родины.
« Gloire éternelle aux héros, marins de la flottille du Dniepr[1] décorée de l’Ordre de l’Étoile rouge[2] et de l’Ordre d’ Ouchakov[3], tombés au combat pour l’honneur, la liberté et l’indépendance de la patrie soviétique.
Matelots[7] : Borovykh D.T., Beltikov A.L., Bogdanov E. I., Vandychev Iou.V., Gogolev V. N., Dorofeev A.D., Zalivin A.M., Kapriilov F.M., Kouznetsov V.N., Novojilov V.A., Nojlev N. Kh., Polovenko L. Ia., Smakovoi C. Ia., Smirnov I. M., Trofimtchouk V. N., Ufumov F. D., Chichkine E. A., Kostylevskiï Iou. D. »
[1] La flottille du Dniepr a été rétablie le 20 mars 2024, dans le cadre de la Marine russe.
[2] L’ordre de l’Étoile rouge (Орден Краснoй Звезды), décoration militaire soviétique, a été instituée par décret le 6 avril 1930.
[3] L’ordre d’Ouchakov (Орден Ушакова), distinction honorifique navale, a été créée en Union soviétique le 3 mars 1944. Elle rend hommage à Fiodor Fiodorovitch Ouchakov, un amiral russe du XVIIIe siècle.
[4]Лейтенант (« lieutenant »). Ce grade est approximativement équivalent à « enseigne de vaisseau de première classe » dans la Marine française (code OTAN OF-1 selon le document STANAG 2116).
[5]Старшина 1-й статьи (« maître de première classe »). Ce grade est approximativement équivalent à « maître » dans la Marine française (code OTAN OR-6 selon le document STANAG 2116).
[6]Старший краснофлотец (« marin rouge de première classe »). Ce grade est approximativement équivalent à « quartier-maître de première classe » dans la Marine française (code OTAN OR-4 selon le document STANAG 2116).
[7]Краснофлотец (« marin rouge »). Ce grade est approximativement équivalent à « matelot de deuxième classe » dans la Marine française. Le terme a été remplacé en 1946 par « матрос » (matelot), dénomination plus classique (code OTAN] OR-1 selon le document STANAG 2116).
La présence du camp est bien connue de la population locale, et ce d’autant plus qu’une route, le long de laquelle se promènent les habitants, borde les barbelés du Stalag III-B Fürstenberg (Oder).
Avant 1945, Fürstenberg (Oder) fait partie de la province de Brandebourg, qui intègre le royaume de Prusse, puis l’État libre de Prusse sous la République de Weimar et le Troisième Reich. Après la guerre, les Alliés dissolvent officiellement la Prusse en 1947, redistribuant son territoire entre de nouvelles entités administratives.
L’État militaire prussien, fondé sur une armée disciplinée, joue un rôle clé dans l’unification de l’Allemagne sous Bismarck au XIXe siècle. Bismarck utilise les guerres pour créer l’Empire allemand.
Plus tard, Adolf Hitler radicalise ce militarisme pour mener des guerres d’agression[1] et commettre des atrocités durant la Seconde Guerre mondiale. Le procès de Nuremberg met en lumière la fois la continuité et la rupture entre ces deux périodes.
[1] Invasions menées par l’Allemagne nazie et ses alliés pour étendre leur territoire et imposer leur idéologie.
Le général Hermann Reinecke (1888-1973), chef de l’Office général de la Wehrmacht[1], acteur central de la politique répressive à l’égard des prisonniers de guerre et du travail forcé[2], est jugé pour cela puis a vu sa peine réduite[3].
[1] L’AWA (Allgemeines Wehrmachtamt, ou Office général de la Wehrmacht) était un service central de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW), le haut commandement militaire du IIIeReich. Il gérait les affaires administratives générales des forces armées, dont l’organisation, la législation militaire, le personnel et la coordination entre les différentes armes.
[2] Le procès de Nuremberg s’est tenu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 au palais de justice de Nuremberg. Ce tribunal militaire international a jugé les principaux responsables nazis pour leurs crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes contre la paix.
[3] Condamné à la réclusion à perpétuité en 1948 pour crimes de guerre, il a été libéré en 1954, dans le contexte du réarmement de la RFA (République fédérale d’Allemagne). Il incarne pourtant le type du général étroitement lié au régime nazi.
Pour de nombreux autres officiers de la Wehrmacht impliqués dans la gestion des camps de prisonniers, les poursuites ne sont pas à la hauteur de ce qu’elles auraient dû être, ces derniers occupant, quelques années après la Seconde Guerre mondiale, des postes importants dans la Bundeswehr[1].
[1] La Bundeswehr est l’armée nationale, créée en 1955 après la Seconde Guerre mondiale pour défendre la RFA dans le cadre de l’OTAN.
La loi Dreher du 1er octobre 1968 entraîne l’arrêt de nombreuses procédures judiciaires pour crimes nazis, en fixant un délai de prescription à vingt ans, empêchant ainsi de juger de nombreux responsables.
Quant au Stalag III-B Fürstenberg (Oder), il demeure aujourd’hui absent de l’espace public : aucune signalétique, aucun transport en commun ne permet d’y accéder, et les brochures touristiques l’ignorent totalement.
Enfoui sous des friches industrielles ou dissimulé sous la terre, il semble littéralement effacé du paysage – comme enseveli sous une chape de béton, matérielle et mémorielle. Cette disparition interroge : comment un site d’une telle importance historique a-t-il pu être relégué au silence spatial et symbolique ?