Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto : la photographie a été prise à La Romagne (Ardennes), devant la « ferme Boudaud » — aujourd’hui place Jean Malherbe.
Dès le début de la « drôle de guerre[1] », des troupes françaises stationnent dans les villages ardennais du canton de Chaumont-Porcien[2]. A partir de septembre 1939, la 7e compagnie[3] du 71e régiment d’infanterie se trouve à Montmeillant[4] puis, en février 1940, c’est le tour de la 6e compagnie[5] du 445e régiment de pionniers, rattaché à la 11e armée.
[1] Période (septembre 1939 – mai 1940) sans affrontements majeurs à l’Ouest, malgré l’invasion de la Pologne, la guerre d’Hiver, la campagne de Norvège, et une intense préparation militaire.
[3]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/H 26, réquisitions : états, pièces comptables. [intitulé] ; Montmeillant (Ardennes) [producteur] ; 1939-1940 [dates de début et de fin] ; [Série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/MONTMEILLANT = fonds concernant Montmeillant ; série H = affaires militaires au niveau local ; articles H 26-31 = guerre 1939-1945.]
[5]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/H 28, dégâts de la 6e compagnie du 445e régiment de pionniers, exploitations agricoles et artisanales, pillage, attribution de la carte de sinistré : procès-verbal, arrêté préfectoral. [intitulé] ; Montmeillant (Ardennes) [producteur] ; 1940-1948 [dates de début et de fin] ; [Série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/MONTMEILLANT = fonds concernant Montmeillant ; série H = affaires militaires au niveau local ; articles H 26-31 = Seconde Guerre mondiale (1939-1945).]
L’offensive allemande commence dans les Ardennes le 10 mai 1940, par la percée des Panzers[1]. Elle force la population locale à abandonner son domicile, et à fuir cette invasion, pour trouver refuge dans d’autres lieux, en Vendée[2] notamment.
[1] Invariable à l’écrit en allemand. Le pluriel admis en français est Panzers. Ce terme désigne les chars allemands de la Seconde Guerre mondiale (abrégé de Panzerkampfwagen), tandis que « blindé » est un terme générique pour tout véhicule protégé, tous pays confondus.
Congé de courte durée pour prisonnier de guerre français en permission. « An das Frontstalag 204 Charleville » (« [De] Charleville au Frontstalag 204 [Amiens]). Cf.archives départementales des Ardennes, 165W 476, canton de Chaumont-Porcien [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels).]
L’armée française tente de résister, mais le repli est ordonné le 10 juin, et des milliers de soldats français sont capturés. Sous la férule[1]allemande, ces prisonniers traversent les villages ardennais dans les semaines qui suivent, et rejoignent des Frontstalags[2], dont le 190[3] ou le 204[4], où ils sont cantonnés.
[2] Pluriel de Frontstalag, développé en Frontstammlager, invariable, littéralement « camp de base du front » : terme utilisé en français dans sa forme plurielle germanique, désignant les camps de prisonniers de guerre établis par la Wehrmacht en France occupée à partir de 1940.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto : en mai-juin 1940, la France engage dans les combats des dizaines de milliers de tirailleurs sénégalais ainsi que des soldats originaires d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et de Madagascar. La propagande nazie présente cette mobilisation de troupes coloniales comme un signe de la prétendue décadence de la civilisation française. Sur cette photographie apparaissent des militaires d’origines diverses. Certains portent des casques coloniaux rigides ou des chapeaux mous en toile, dits « de brousse » ou « tropicaux ». Le temps est maussade : la route, vraisemblablement celle de Draize à La Romagne, est brillante et réfléchit la lumière, tandis que les soldats cherchent à se protéger de la pluie avec leurs capes imperméables. Le défilé d’environ quarante personnes est suivi par un camion bâché, tandis qu’un engin motorisé croise le convoi en sens inverse. Les visages sont sombres, marqués par la fatigue. Aucun soldat allemand ne semble visible sur la photographie. Pourtant, l’Allemagnenazie joue un rôle de glorification et de démonstration de force : elle entend ainsi afficher sa supériorité face à une armée française cosmopolite. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Ces derniers sont en réalité composés de plusieurs « sous-camps » disséminés sur le territoire ardennais. L’on peut donner pour exemple le grand immeuble de vingt-neuf pièces sis à Rocquigny[1], et propriété de Jean Baptiste Paul Courtois : il est transformé en camp de prisonniers à partir du 30 septembre 1940, et ce pendant cinq cent soixante-dix-sept jours. Les prisonniers peuvent être ensuite transférés dans des camps en Allemagne. Par la suite, cet immeuble est occupé, à plusieurs reprises, par des troupes allemandes.
[1]Archives départementales des Ardennes, 147W 319, Rocquigny (Athanase Bocahut ; Léon Bestel ; André Beuvelet ; Paul Blatié ; Angèle Canon ; Émile Boudsocq ; Alice Charpentier ; René Cherpin ; commune [bureau de poste, mairie-école] ; veuve Compas ; Étienne Costa ; Jean-Baptiste Courtois ; Lucie Courtois ; Roger Croizon ; Léopold Cugnard ; Marcel Cugnart-Brasseur [magasin et grange à grains] ; Ernest Debruelle ; André Deligny [établissements Goulet-Turpin] ; Jean Deligny ; Maurice Dizy ; Raoul Durtette ; Georges Fontenelle ; Victor Fossier ; Gabrielle Gillet-Mermoz [château de Rocquigny] ; Rose Guillaume ; Fernand Husson [notaire] ; Gaston Husson ; Jean Kieffer ; Thérèse Lebas ; Alexandre Lebrun ; Georges Lefebvre ; M. Legros-Mauroy ; André Legros ; Ernest Legros ; Joseph Legros ; Ernest Maquin ; Marie Masson ; Jules Mauroy ; Émile Modeste ; Georges Modeste ; Louis Paroche ; veuve Potron ; Henri Puyravan ; Georges Renault ; René Renault ; Hector Richard ; Jean Robinet ; Henriette Rousselle ; Léon Thonant ; Georges Treuvelot ; André Vilette) ; état nominatif de dépenses de personnel ; demandes d’indemnités de trois cultivateurs pour l’enlèvement d’un avion anglais. [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au verso, une inscription manuscrite à l’encre bleu-noir indique : « Gefangene Franzosen auf dem Rücktransport durch Draize. Ein aktives Regiment mit Standort Paris. Auch ‘farbige Kämpfer’ sind dabei. », ce qui signifie « Prisonniers français lors de leur rapatriement par Draize. Un régiment actif basé à Paris. Des ‘combattants de couleur’ sont également présents. » (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Le pays doit d’autre part fournir aux troupes ennemies des logements de personnes[1], considérés comme nécessaires par les organismes militaires allemands, des hangars, des abris couverts pour animaux, des moyens de locomotion, des armes, des matériels ou des engins de guerre, des ateliers et des locaux de tous genres.
[1]Unterkunft (hébergement) est un terme générique, décliné dans d’autres documents allemands de la Seconde Guerre mondiale en Notunterkunft (hébergement d’urgence), Zwangsunterkunft (hébergement forcé), Arbeitsunterkunft (hébergement de travail), Massenunterkunft (hébergement de masse) ou Unterkunftsbaracke (baraque d’hébergement).
En outre , il faut mettre à la disposition des Allemands mobilier, linge de maison, ustensiles, vaisselle, lumière, chauffage, et approvisionnement en eau. L’armée allemande peut effectuer des travaux chez les particuliers dont ils occupent les lieux. C’est ainsi qu’à Chaumont-Porcien, Gustave Pattée Mossul[1] découvre, lors de son retour en avril 1943, que des W.-C. ont été installés pour les occupants, avant de constater que sa maison a été détériorée et totalement pillée.
[1]Archives départementales des Ardennes, 147W 104, Chaumont-Porcien (André Le Barzic ; Paul Bélorgey ; Arthur Bernard ; Charles Boquillon ; René Camuzeaux [atelier de maréchalerie ; contient un inventaire du matériel et de l’outillage] ; Léo Chemin ; Jeanne Fréal-Cuif ; Paulin Frédéric ; Laure Gaignière ; Pierre Gourand ; Louis Gouverneur ; Henri Grojean ; Marthe Henry ; Émile Lefebvre ; Émile Lefebvre ; Pierre Lefebvre ; Adrien Livoir ; Adrien Livoir [atelier de maréchalerie] ; Aline Mennessier ; Marie Minet ; veuve Niclot ; Gustave Oudet [salon de coiffure] ; Adrien Panthier ; Gustave Pattée-Massul ; Marcel Pierlot ; Marie Rentier ; Juliette Reymond-Devie ; Benjamin Richy ; Ernest Robinet ; Léopold Roger ; veuve Tricot) ; liste nominatives des logements et cantonnements des troupes d’occupation ; états nominatifs liés aux dépenses de personnel réquisitionné. [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1945 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquête, listes nominatives.]
Les réquisitions se sont faites durant toute l’Occupation, mais les lieux choisis ne sont pas toujours habités continuellement. C’est l’une des explications qui peut être avancée pour comprendre que l’indemnisation est octroyée selon le nombre de nuits, et non au mois.
Un document administratif[1] présent dans un dossier de Chaumont-Porcien, et concernant des états de logement des troupes allemandes, indique qu’il est proposé :
[2] Ce grade ne fait pas partie du corps des sous-officiers, qui débute à partir du sergent (ou de son équivalent selon les armées).
Dès mai 1940, les troupes allemandes détruisent du matériel communal dans chaque village où elles sont présentes, comme celui de La Romagne ou de Montmeillant[1]. Le cas de Rocquigny[2] est particulier : la mairie et les deux écoles, l’une de filles et l’autre de garçons, sont occupées du 1er septembre 1940 au 28 juin 1941.
Le maire est contraint de louer deux bâtiments à usage scolaire, et une pièce pour le secrétariat de mairie. Les locaux d’origine subissent, du fait de l’occupation allemande, 1 500 francs de dégâts provoqués par :
le gel des conduites d’eau, qui n’ont pas été protégées ;
la détérioration des installations électriques.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/H 30, bâtiments publics : pièces comptables. [intitulé] ; Montmeillant (Ardennes) [producteur] ; 1948-1956 [dates de début et de fin] ; [Série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/MONTMEILLANT = fonds concernant Montmeillant ; série H = affaires militaires au niveau local ; articles H 30-31 = dommages de guerre : décisions d’engagement.]
Titre de réquisition délivré à madame veuve Dupont. Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Le département et les cantons sont donc ouverts aux Allemands pour une occupation massive, tandis que les villageois expatriés peinent à rentrer à partir de juillet 1940, faute d’autorisations[1]. Lors de leur retour, ils constatent que leurs maisons et dépendances ont été occupées, ou le sont encore, car la Feldkommandantur[2] 684[3] a délivré des titres de réquisition[4].
[1]Archives départementales des Ardennes, 165W 621, [liste du retour des habitants de la Romagne, en particulier celui des exploitants agricoles (intitulé)] ; La Romagne (Ardennes) [producteur] ;[circa 1939-1945 (dates de début et de fin.)] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels)] ; [dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes, listes nominatives.]
[3]Feldkommandanturen au pluriel en allemand classique. Souvent francisé en Feldkommandanturs. Il s’agit de la Feldkommandantur 684, pour laquelle on peut trouver des renseignements [série R = affaires militaires et organismes de temps de guerre depuis 1800 ; sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945, cotes 12R 101 et 12R 109, passim, documents sur la Feldkommandantur.]
Logement et cantonnement. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur Alexis Boudaud [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Le dépouillement des vingt-quatre dossiers romanais[1], conservés aux archives, qui ne concernent que la section cadastrée du « village[2] », montre que les réquisitions ont été imposées essentiellement entre les mois d’octobre 1940 et juin 1941.
Elle ne tient pas compte de l’invasion qui a eu lieu entre la bataille de France[3] et l’armistice demandé par le maréchal Pétain le 17 juin, et effectif à partir du 22.
[1]Archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Marie Albertini ; Louise Billette ; Ernest Bocquet ; Vital Bonhomme ; Alexis Boudaud ; veuve Carbonneaux-Raulin ; Alcide Cugnart ; veuve Devie-Richard ; Maurice Druart [maréchal-ferrant] ; veuve Dupont ; Henri Falet [percepteur] ; René Jonnart ; Lucie Laroche ; Joseph Léonard ; Edmond Lesein ; Georges Malherbe ; Rosa Malherbe ; Zélia Marandel ; Ernest Marandel ; Joseph Marquigny ; Henri Mauroy ; Fernand Modeste [boulangerie] ; Marie Vuilmet.) [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
[2] A l’exception des hameaux et des fermes de La Bouloie et de La Cour Avril.
Or, les troupes allemandes sont présentes dans toutes les Ardennes, et notamment à La Romagne, comme l’indique la demande d’indemnisation pour pillage de la cidrerie Malherbe[1]. Il y a manifestement des divergences de dates dans les déclarations.
[1]Archives départementales des Ardennes, 13R 1661 [série R = affaires militaires et organismes de temps de guerre depuis 1800, sous-série 13R = dommages de guerre 1939-1945].
Logement et cantonnement. Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne ; Georges Malherbe [lire madame veuve Georges Malherbe] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
L’une de celles-ci, concernant madame veuve Georges Malherbe, fait état d’une occupation par deux soldats, du 1er mars au 1er juillet 1940. La date citée pour le début est manifestement un anachronisme[1].
Du reste, un document allemand rectifie cette erreur. Rares sont les dossiers qui signalent ceux qui ont cohabité avec les ennemis, dans la plus grande partie de cette première occupation. Un seul en fait état, alors que neuf autres soulignent l’absence des propriétaires, et que quatorze sont totalement muets à ce propos.
Cachets et signatures de la mairie de La Romagne (Ardennes) et des autorités allemandes (détail). Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne ; Georges Malherbe [lire madame veuve Georges Malherbe] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]Lopez, Jean. Heinz Guderian : le maître des Panzers. Traduit de Les généraux allemands. Paris : Perrin, 2025. 547 p. ; 25 cm. Collection Perrin biographie. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.) [Nota bene : loin d’un coup de génie isolé, la percée des Ardennes en mai 1940 résulte d’une planification rigoureuse et d’un effort doctrinal collectif amorcé bien avant la guerre. Rendue possible par les fautes du commandement allié, elle repose sur l’efficacité brutale des Panzerdivisionen d’Heinz Guderian. Les journaux de marche et sa correspondance privée révèlent combien il considérait cette opération comme l’aboutissement d’une stratégie fondée sur la mobilité, la coordination tactique et l’emploi massif de blindés.]
Les différences de dates dans les déclarations soulèvent des interrogations. Si l’on tient compte de celle du 15 mai 1940, consignée par Joseph Marquigny, qui figure sur sa déclaration, et qu’il est le seul à indiquer, les troupes allemandes se seraient installées dans les Ardennes dès les premiers jours de la bataille de France[1].
[1] Ce qui est compatible avec la bataille de Dinant, du 12 au 15 mai 1940, quand les Panzers franchissent la Meuse à Dinant, en Belgique, face aux Français, ouvrant la voie à la percée des Ardennes.
Pour avoir une confirmation de cette hypothèse, il est bon d’observer la situation des villages environnants. A Chaumont-Porcien, quatre dossiers signalent que l’Occupation commence dès mai 1940[1], et trois d’entre eux[2] sont plus précis, en donnant la date du 16 mai.
Celle-ci est avancée par le propriétaire, mais ce dernier, réfugié à Lignol[3], ne reprend possession de sa maison qu’au 1er avril 1943. Il ne peut alors que constater que sa maison est totalement pillée, détériorée et envahie de décombres.
Le dossier du curé doyen[1] Benjamin Richy atteste de trois périodes d’occupation : du 18 mai au 17 juin 1940, du 5 octobre 1940 au 22 février 1941, et du 1er au 28 mars 1941. Quant à celui d’Emile Henri Gaston Grosjean, habitant Petite Rue à Chaumont-Porcien, il souligne que sa maison a tout d’abord été occupée à partir de septembre 1939 par le Service des étapes de l’armée française, qui l’a quittée le 15 mai 1940.
En outre, du 5 octobre 1940 au 27 août 1942, une maison est occupée par une infirmerie et la gendarmerie allemande[1], alors que l‘immeuble appartenant à Charles Bocquillon, route de Givron, abrite des bureaux de secrétaires à partir du 8 juillet 1940.
Pour Rocquigny, un dossier évoque le 15 mai, tandis que celui qui concerne l’occupation de la demeure de madame Gillet Mermoz apporte nombre de précisions sur les allées et venues de ces troupes, ainsi que sur la durée de leur présence, qui se prolonge, par intermittence, jusqu’en 1944.
Pour certains Romanais, il y a eu deux périodes d’occupation, tout d’abord du 2 octobre 1940 au 22 février 1941, puis du 15 mars[1] au 30 juin 1941. Sept d’entre eux y échappent. Mais le boulanger, Fernand Modeste, lui, est concerné : il signale une réservation de sa boulangerie par les Allemands une fois par semaine, ces derniers la libérant les autres jours.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au verso, une écriture manuscrite à l’encre violette indique : « Parkplatz in La Romagne » (« stationnement [de véhicules] à La Romagne »), « Juli 40 » (« juillet 1940 ») et « 104 » [numérotation incertaine]. Un tampon, également à l’encre violette, porte la mention : « Schubert Breslau 5 Neue-Schweidnitzer-Str.17 ». (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto : la photographie a été prise à La Romagne (Ardennes), devant la « ferme Boudaud » — aujourd’hui place Jean Malherbe. Elle montre quatre pièces d’artillerie, détachées de leurs moyens de traction, accompagnées de quatre soldats allemands qui semblent poser pour la prise de vue. Le premier soldat, portant un fusil et un casque Stahlhelm, affiche une posture d’autorité. Deux autres sont vêtus de vareuses ou de capotes, tandis que le quatrième se tient entre deux pièces d’artillerie. Aucun autre militaire français ni civil n’apparaît dans la scène. Le village paraît déserté : les volets du rez-de-chaussée sont partiellement ou entièrement fermés. À l’étage, une silhouette ou un objet se dessine à travers une fenêtre ouverte, dont un carreau a été remplacé par un carton — peut-être un signe des dégâts causés par le bombardement de l’église Saint-Jean en mai 1940. Enfin, l’ombre portée par un pylône électrique pourrait permettre d’estimer l’heure approximative à laquelle la photographie a été prise. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Cent quarante militaires allemands environ sont répartis dans ces différentes maisons : une dizaine d’officiers, une trentaine de sous-officiers, et le reste constitué d’hommes de troupe. Outre ces hommes, quelque quatre-vingt-dix chevaux sont répartis dans différentes écuries de La Romagne :
un seul chez Edmond Lesein ;
tous les autres chez Jean-Baptiste Alexis Boudaud, Alcide Cugnart, Joseph Marquigny et Zélia Marandel.
Les maisons sont recensées avec le nombre de pièces, les dépendances, le confort. Ce dernier est parfois sommaire. Aucune maison ne dispose ainsi du chauffage central et du gaz, mais toutes ont l’électricité, et certaines l’eau, parfois à la pompe, ou dans la cour[1]. Sept sont déclarées ne pas en avoir. Les puits ne sont pas répertoriés.
Réquisitions d’immeubles à l’usage d’habitation par l’armée allemande. Occupation d’immeubles à l’usage d’habitation par les troupes allemandes. Recto. Remplissage du formulaire par l’habitant concerné. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur René Jonnart [intitulé] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Deux occupations particulières de maisons sont signalées : celle du 35 rue Haute, avec une réservation pour la Wehrmacht[1] [Nota bene : madame veuve Dupont, qui en est propriétaire, réside en fait à Paris.] ; celle de l’instituteur René Jonnart, réquisitionnée pour la Kommandantur[2].
[1] Littéralement « force de défense », armée du IIIe Reich de mai 1935 jusqu’à sa dissolution par les Alliés en août 1946.
[2] Poste de commandement allemand (pluriel : Kommandanturen, parfois francisé en Kommandanturs).
Réquisition d’immeubles à usage d’habitation par l’armée allemande. Cf.archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne ; madame veuve Georges Malherbe ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
A quelques exceptions près, les dépendances (grange, cave, remise, garage, etc.) font l’objet d’une annexion par les occupants.
En 1942[1], des dossiers sont déposés pour l’indemnisation de ces occupations. Celle-ci tient compte, d’une part de la valeur du mobilier, et d’autre part d’une valeur locative, voire de l’imposition du propriétaire (dont l’étendue varie de 24 à 576 francs).
[1] L’année 1942 marque un tournant décisif dans la Seconde Guerre mondiale, tant sur le plan militaire que politique et idéologique. C’est aussi une année charnière pour la France occupée, avec un durcissement de l’Occupation, et une bascule vers une guerre plus totale et plus radicale.
Il est demandé aux habitants de proposer eux-mêmes le montant de cette indemnité, ou journalière ou mensuelle. La répartition de celle-ci ne peut être étudiée qu’à travers quatorze dossiers uniquement.
Les montants journaliers demandés varient de 10 à 20 francs. Chaque proposition est en général accompagnée de l’avis du maire, Alcide Cugnart. L’une est cependant signée par monsieur Didier, maire intérimaire en l’absence du maire élu[1]. Celle du maire en titre l’est par un conseiller.
Occupation d’immeubles à l’usage d’habitation par les troupes allemandes. Recto. Remplissage du formulaire par l’habitant concerné. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur Alexis Boudaud [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Tous les dossiers ne sont pas traités de la même manière. Un seul ne présente pas de somme proposée par la propriétaire, c’est donc l’édile qui la fixe. Neuf revêtent un avis favorable quant à la somme demandée. Si le maire la trouve exagérée, il ne manque pas de faire une proposition inférieure, ce qui est le cas pour trois d’entre eux. Les derniers sont simplement signés, sans autre mention.
Occupation d’immeubles à l’usage d’habitation par les troupes allemandes. Verso. Observations, renseignements et avis du maire. Cf. archives départementales des Ardennes, 147W 322, La Romagne (Ardennes) ; monsieur Alexis Boudaud [intitulé] ; Ardennes. Préfecture, 2e division, 3e bureau [producteur] ; 1941-1946 [dates de début et de fin] ; [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels) ; dossiers individuels, questionnaires d’enquêtes.]
Les indemnités tiennent compte du nombre de nuits, et non des mois pleins. Mais tous les dossiers ne comportent pas cet élément, et ne sont pas renseignés de manière exhaustive. Il est donc difficile de savoir s’il est tenu compte du nombre d’occupants, cette variable n’étant pas enregistrée avec précision. Seul un dossier pourrait aller dans ce sens, celui de Louise Billette.
Si l’on se fie aux dates qu’elle indique pour la première occupation, soit du 2 octobre au 6 mars 1941, il y aurait eu cent cinquante-cinq nuits. Or, l’autorité allemande n’en retient que cent quarante et un. Pour la seconde période, soit du 14 février au 30 juin 1941, il y a cent trente-cinq nuits.
Mais seules quatre-vingt-dix-sept sont retenues par les autorités allemandes. Selon l’indemnisation qu’elle souhaitait (300 francs mensuels), elle aurait dû percevoir environ 2 400 francs. Or, elle n’a reçu que 1 903 francs. Les assiettes des calculs d’indemnisation ne sont pas clairement définies dans les fiches.
Les plus petites indemnisations sont de moins de 800 francs, et ne concernent que des occupations de la première période. En revanche, les plus importantes, de 3 000 à 3 500 francs, concernent les occupations de fermes du « village[1] », hébergeant de huit à douze hommes et des chevaux (de six à vingt-cinq).
[1] Entendre « La Romagne sans les écarts et les hameaux ». Cf.supra.
Quant à celle qui a donné lieu à une indemnisation de plus de 4 100 francs — et qui concerne vraisemblablement le percepteur du village à l’époque —, elle s’explique sans doute par les nombreuses déprédations signalées, sans que l’on puisse en connaître la nature.
Peu de personnes[1] ont dénoncé des dégâts et pourtant, d’après quelques témoignages indirects[2], ils ont été réels pour nombre d’habitants. Mais leur ancrage dans la mémoire concerne davantage le domaine affectif que celui du matériel : c’est ici le cadre du diplôme d’une Croix de guerre 1914-1918 qui est piétiné, là un certificat d’études qui est abîmé.
[2] Un témoin indirect est un individu qui, n’ayant pas été présent lors de l’événement, en rapporte les faits d’après les témoignages ou les récits d’autres personnes.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au recto, plusieurs rangées de prisonniers français sont regroupées devant la maison Lesein, identifiable à sa boîte aux lettres. Cinq soldats allemands se tiennent en demi-cercle, le dos tourné aux prisonniers. Quatre d’entre eux écoutent attentivement leur supérieur, tandis qu’un soldat tient un document, peut-être une carte ou une liste. Les militaires français, à gauche de la photo, regardent vers la droite, et inversement. Ils portent des calots ou des bérets, témoignant probablement de leur appartenance à différentes unités. Leurs chaussures, poussiéreuses ou boueuses, contrastent avec les bottes impeccables des Allemands. Certains tiennent des bâtons de marche, d’autres fument une cigarette, et plusieurs portent boudins, couvertures et musettes. On compte environ une cinquantaine de prisonniers. Un soldat allemand casqué (Stahlhelm) surveille le groupe depuis l’arrière. Une moto est appuyée contre le mur. La photo, prise en léger surplomb, s’inscrit dans le cadre d’une campagne militaire ayant conduit à l’occupation allemande des Ardennes. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Une nouvelle fois, La Romagne et les Ardennes sont concernées par des invasions. La signature de l’armistice entre la France et l’Allemagnenazie le 22 juin 1940 à Rethondes[1], en forêt de Compiègne[2], place le département, et donc le village, dans la zone occupée.
Les conditions en sont très dures : la France doit livrer en partie son matériel de guerre, le sort des prisonniers de guerre est déterminé, la plupart d’entre eux est transférée en Allemagne, etc.
[1] Dans le wagon de l’armistice utilisé en 1918 pour la reddition allemande.
Photographie ancienne, tirage argentique en noir et blanc viré au sépia, sur papier à bords dentelés. Toute reproduction, totale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation expresse de l’auteure. Au verso, inscription manuscrite à l’encre violette en allemand : « Ankunft franz. Kriegsgefangener in La Romagne – Ardennes » (« Arrivée de prisonniers de guerre français à La Romagne – Ardennes »), suivie de la mention « Ende Juli 40 » (« fin juillet 1940 ») et du numéro « 109 ». Un tampon commercial à l’encre violette indique : « Schubert Breslau 5 Neue-Schweidnitzer-Str.17 ». L’ensemble suggère un document photographique d’origine allemande, probablement réalisé ou diffusé à des fins documentaires ou de propagande, témoignant de la présence de prisonniers français dans les Ardennes peu après la défaite de juin 1940. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
La défaite qui accable la Nation est refusée par une minorité. Celle-ci est incarnée par le général de Gaulle qui, dès le 18 juin, lance un vibrant et émouvant appel[1] qui s’oppose à la demande d’armistice de la veille. Il est repris le jour de la signature de l’armistice, incitant les Français à réagir.
Lavédrine, Bertrand. (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes. Avec la collaboration de Jean-Paul Gandolfo et de Sibylle Monod ; préface de Michel Frizot. Paris : Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2007. 345 p. ; 22 cm. Illustrations en noir et en couleur, couverture illustrée. Notes bibliographiques, glossaire, index. Collection Orientations et méthodes, no 10. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Par le décret n° 2006-313 du 10 mars 2006, la célébration de cet acte fondateur est officiellement devenue la Journée nationale commémorative de l’appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi.
Hoffmann, Heinrich. Mémoires du photographe d’Hitler : « Hitler était mon ami ». Traduit de l’anglais par Denis-Armand Canal. Édition présentée et annotée par Claude Quétel. Paris : Perrin, 2025. 331 p. ; 21 cm. Avec index, couverture illustrée. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.) [Nota bene : Heinrich Hoffmann, photographe officiel d’Hitler et ami proche, a joué un rôle central dans la création de l’image publique du Führer et la propagande nazie. Auteur de plus de deux millions de clichés diffusés mondialement, il fut témoin des moments clés du nazisme, mêlant opportunisme et engagement politique. Ses mémoires, présentés par Claude Quétel, offrent un témoignage inédit en français sur l’intimité et les rouages visuels du régime.]Apikian, Cédric. La 3e Kamera. Scénario de Cédric Apikian ; dessin de Denis Rodier ; couleurs d’Elise Follin ; dossier historique réalisé par Nicolas Férard. Grenoble : Glénat, 2024. 136 p. ; 32 cm. Illustrations en couleur. Collection 1000 Feuilles. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.) [Nota bene : créées en 1938, les Propagandakompanien (PK) sont des unités de propagande rattachées à la Wehrmacht et à Goebbels, composées de reporters formés et équipés (Leica, Arriflex, Nagra) pour produire images et sons sur tous les fronts. Figures clés : Frentz, Ertl, Hoffmann, Hippler. Dès 1944, les Standarte Kurt Eggers, formation de propagande SS, supplantent les PK. Certains opérateurs utilisent une « 3e caméra » personnelle pour capter des images non autorisées, entre transgression et documentation.]
Jean Roland Boudsocq naît le 2 juin 1705 à La Romagne[1]. Il est le quatrième enfant du couple formé par Henry Boutsocq[2] et Jeanne Dehaulme. Il est baptisé par le prieur curé du village, Louis Potin, qui officie dans la paroisse Saint-Jean[3] de La Romagne depuis mai 1704. Son parrain est Roland Dehaulme (duquel il reçoit le prénom), et sa marraine, Marguerite Dehaulme.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 23 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 23 = années 1703-1712], page non paginée, vue 9/32, consultable en ligne.
L’absence d’acte de mariage[1] fait que la filiation des parents ne peut être attestée avec certitude. Sont-ils des descendants de la famille Boudsocq qui a donné son nom à une cense proche de La Romagne[2] ? Le sont-ils de ceux qui ont essaimé dans les villages voisins ? Aucun document ne permet de l’affirmer.
[1] Tous les registres BMS (baptêmes mariages sépultures) de l’année 1700 ont disparu.
L’aînée des enfants est une fille, Jeanne, née certainement en décembre 1700. Elle meurt[1] âgée de 11 mois, le 1er octobre 1701, et est inhumée dans le cimetière paroissial.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 1 = années 1693-1702], page non paginée, vue 32/38, consultable en ligne.
François[1], le deuxième enfant, né probablement le 24 février[2] 1702 décède[3] alors qu’il est âgé de dix-sept jours, soit vers le 13 mars suivant[4].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 1 = années 1693-1702], page non paginée, vue 35/38, consultable en ligne.
[2] Les ratures rendent difficile la lecture du jour.
[3]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 1 = années 1693-1702], page non paginée, vue 35/38, consultable en ligne.
[4] Les deux actes cités supra se suivent sur le registre.
Deux autres enfants naissent ensuite, Nicolas le 23 juin 1707[1], et Antoine le 19 septembre 1712[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 23 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 23 = années 1703-1712], page non paginée, vue 16/32, consultable en ligne.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 23 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 23 = années 1703-1712], page non paginée, vue 31/32, consultable en ligne.
Jean Roland à dix ans lorsque ses parents décèdent à quelques jours d’intervalle : le père disparaît le 2 août 1715, la mère le 14 août suivant[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 2 = années 1713-1721], page non paginée, vue 12/34, consultable en ligne.
Nul ne sait ce que devient cette fratrie : les registres des actes BMS[1] de La Romagne ont disparu pour la période de 1722 à 1732, et ceux qui leur sont postérieurs restent muets à son sujet. Seul apparaît dans ces derniers un Jacques Boudsocq, qui se révèle être né à Rocquigny et marié en 1713 à La Romagne. La recherche dans les registres des tailles est, elle aussi, infructueuse pour cette période et au-delà. De même, on ne retrouve plus aucune trace de membres de la famille Deheaulme.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105357, Plan de Lille de Bourbon sur les mémoires des S[ieu]rs Boucher et Feuilly, 1710, carte manuscrite en couleur, échelle de 5 lieues [= 11 cm], 41,5 × 54,5 cm, note manuscrite historique sur la prise de possession de l’île entre 1642 et 1664, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 2 P 11/1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Cependant, une preuve de son existence et de son changement de vie apparaît en 1729, lorsqu’il est répertorié[1] sur l’île Bourbon. Comment a-t-il eu connaissance de la colonisation de cette île, située dans l’Océan Indien à plus de douze mille lieues[2] de son village natal, pour commencer une vie totalement différente de celle qu’il a vécue dans le territoire continental?
Qu’a-t-il ressenti en entreprenant un aussi long voyage ? Sur ces différents points, comme sur la première année de son installation dans l’île, on ignore tout, si ce n’est que cette aventure débute par un très long voyage…
[1]Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-841690, Ricquebourg, Lucien-Jacques-Camille. Dictionnaire généalogique des familles de l’île Bourbon (La Réunion), 1665-1810. Rosny-sur-Seine : L.J.C. Ricquebourg, 1983. 3 vol., LXI-2881 p. ; 21 cm. Imprimé en Mayenne : Imprimerie de la Manutention. Bibliographie p. VI., notice de la page 1235, consultable sur place en bibliothèque de recherche, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 16-LM2-658 (1).
[2] Environ mille trois cent soixante « lieues de Paris », soit neuf mille deux cents kilomètres en distance à vol d’oiseau ((orthodromique) ; entre deux mille sept cents et trois mille cent « lieues de Paris », soit de dix mille cinq cents à douze mille kilomètres en distance réelle par trajet maritime.
Institut national d’histoire de l’art, document numérique, NUM OA 349, Projet architectural de Lorient & Port-Louis attribué à La Rozière, 18ᵉ siècle, planche à la plume, encre noire et aquarelle, 48 × 102 cm, au verso : inscription au crayon indiquant la cote, image cartographique, reproduite d’après l’original de l’Institut national d’histoire de l’art, OA 349, numérisation effectuée en 2006, notice descriptive consultable en ligne.
Selon les règles de la navigation à voile de l’époque, et le lieu de destination, le voyage peut prendre des mois, voire un an pour les destinations les plus lointaines. Le départ se fait en général de Lorient[1], et plus précisément de Port-Louis[2], une citadelle[3] fortifiée, entre novembre et février pour la Chine, décembre et mars pour l’Inde, mars et avril pour l’île Bourbon[4].
Des escales sont prévues au Cap de Bonne-Espérance[5], que l’on atteint en général au bout de quatre à cinq mois, puis à Madagascar, aux îles Bourbon[6] ou de France[7].
[1] Commune située actuellement dans le département du Morbihan, en région Bretagne.
[2] Commune située actuellement dans le département du Morbihan, en région Bretagne.
[4] Haudrère, Philippe. « Les Voyages », dans Les Compagnies des Indes, nouvelle édition augmentée et mise à jour, direction Philippe Haudrère et Gérard Le Bouëdec ; avec la participation du musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), Brigitte Nicolas et Louis Mézin. Rennes : Éditions Ouest-France, 2024, p. 67-82. 1 vol. (171 p.) : illustrations en couleurs ; 27 cm. Imprimé à Palaiseau : Imprimerie PPO Graphic. Bibliographie p. 166-168. (Exemplaire provenant de la collection personnelle de l’auteure.)
[5] Éperon rocheux situé actuellement dans la région du Cap-Occidental, en Afrique du Sud.
[6]La Réunion, actuellement département et région d’outre-mer français (DROM).
Là-bas, au flanc d’un mont couronné par la brume, Entre deux noirs ravins roulant leurs frais échos, Sous l’ondulation de l’air chaud qui s’allume Monte un bois toujours vert de sombres filaos.
A l’arrivée, il découvre un milieu naturel, dont on peut se faire une idée grâce aux descriptions et aux récits de navigateurs, et qui est à l’opposé de ce qu’il connaissait en quittant le royaume de France.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8595762, L’Isle de Bourbon anciennement dicte Isle de Mascaregne, [17ᵉ siècle], carte imprimée, 18 × 20,5 cm, figurant des poissons et des navires à voiles, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE DD-2987 (8415), consultable en ligne sur Gallica.
L’île Bourbon est une terre volcanique située au cœur de l’océan Indien[1]. Elle est dominée par deux sommets majeurs : le Piton des Neiges et le Piton de la Fournaise. D’une superficie d’environ deux mille cinq cents kilomètres carrés, elle est entièrement recouverte de forêts au moment de sa découverte.
Ces forêts varient selon l’altitude et abritent des essences spécifiques[2] telles que les tamarins[3], les calumets de Bourbon[4] et les fougères arborescentes[5]. Deux zones échappent toutefois à ce couvert forestier : elles se caractérisent par des paysages de savane ou de bruyère.
[1] Lavaux, Catherine. La Réunion : du battant des lames au sommet des montagnes. Paris : Éditions du Pacifique, 1991. 383 p. : illustrations ; 23 cm. Bibliographie p. 380. Index. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
[2] Indigènes ou autochtones, voire endémiques pour certaines d’entre elles.
[3] Le « Petit Tamarin des Hauts » correspond à Sophora denudata Bory, 1804, tandis que le « Tamarin des Hauts » désigne Acacia heterophylla (Lam.) Willd., 1806. Voir les notices descriptives consultables en ligne sur le site du parc national de La Réunion.
[4]Nastus borbonicus J. F. Gmel., 1791, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).
[5]Cyathea glauca Bory, 1804 (Fanjan femelle) et Cyathea borbonica Desv., 1811 (Fanjan mâle). Voir les notices descriptives consultables en ligne sur le site du parc national de La Réunion.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8595761, I. do Mascarenhas, [16e siècle], carte imprimée, 11,5 × 16 cm, pagination : 8, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE DD-2987 (8414), consultable en ligne sur Gallica.
Cette île fait partie de l’archipel des Mascareignes[1], nom donné en l’honneur du navigateur portugais Pedro Mascarenhas[2]. Durant une trentaine d’années, sa côte n’est qu’un point de relâche[3] pour les navires, qui peuvent ainsi se ravitailler en eau.
[3]Relâcher signifie dans le vocabulaire de la navigation « s’arrêter, faire escale en un lieu, souvent en fonction des nécessités de la navigation ou d’incidents imprévus. La tempête les obligea à relâcher. Le navire a relâché à Brest. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Jacques Pronis[1], agent de la Compagnie française d’Orient (1642-1664), créée par Richelieu, fonde la colonie de Fort-Dauphin[2] à Madagascar, qu’il gouverne. Ses manières de faire provoquent la colère et la révolte de certains colons. En 1646, il exile sur l’île « Bourbon[3] » quelques mutins, qui y resteront jusqu’en 1649.
[1] Ou Jacques de Pronis (6 octobre 1619, La Rochelle – 23 mai 1655, Madagascar), administrateur colonial français, actif au XVIIe siècle, notamment dans la région de l’océan Indien.
[2] Ou Tôlanaro, commune située actuellement dans le district de Taolanaro, la région Anosy, la province de Toliara, à Madagascar.
[3] Elle n’est pas nommée ainsi à cette époque. L’île aujourd’hui connue sous le nom de La Réunion a porté diverses appellations au fil de son histoire : d’abord désignée sous la dénomination de Santa Apolonia, en référence au jour de la Sainte Apolline, sur les cartes portugaises, elle devint l’île Bourbon en 1649 sous la domination française, rebaptisée Île de La Réunion en 1793 lors de la Révolution, temporairement appelée Île Bonaparte entre 1806 et 1810, avant de retrouver le nom d’île Bourbon après 1815, pour finalement reprendre définitivement le nom de La Réunion après 1848.
La colonisation ne devient effective qu’à partir de la disparition de la Compagnie française de l’Orient, et de la création par Colbert de la Compagnie des Indes orientales (1664-1719) : celle-ci répond à la volonté de Louis XIV de développer la puissance maritime de la France, et de contrecarrer le commerce des Anglais et des Hollandais.
Ces derniers, présents sur l’île Mauritius[1], l’abandonnent en 1715, si bien que les Français la récupèrent au nom du roi de France et s’y installent. Elle prend alors le nom d’île de France.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8595768, Plan de l’isle de Bourbon, [17e siècle], carte manuscrite, 38,5 × 49 cm, présence d’une rose des vents, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE DD-2987 (8421), consultable en ligne sur Gallica.
Lorsque la colonisation de l’île Bourbon est décidée, la Compagnie des Indes recrute pour en faire des colons, des artisans de différents corps de métier, mais aussi des soldats, dont elle exige qu’ils aient un métier civil.
Elle fait construire par des esclaves, qui viennent majoritairement de Madagascar, des habitations en bois, des magasins, des entrepôts, des bâtiments administratifs, etc. Étienne Régnault, ancien commis aux écritures de Colbert, est le premier gouverneur de l’île de Bourbon du 5 août 1665 au 8 mai 1671.
Une partie de la forêt de l’île disparaît au début du XVIIIe siècle avec :
l’accélération de la colonisation ;
l’accroissement d’une population qui a besoin de terres pour les cultures vivrières ;
la construction d’une flotte pour transporter les marchandises, acheminer (gratuitement) les missionnaires évangélisateurs, et défendre les biens et les personnes[1].
[1] Cependant, en cas de « fortune de mer » (tempêtes, naufrages, abordages, avaries, etc.), la flotte royale lui prête assistance.
A partir du peuplement de cette île, les navires (dont certains appartiennent à des corsaires[1] ou des pirates[2]) se procurent aussi des denrées alimentaires diverses, pour que les escadres[3] soient en mesure de poursuivre leurs voyages jusqu’aux comptoirs de l’Inde, et que l’équipage puisse résister au scorbut[4].
[1] « Bâtiment qui, en temps de guerre, était armé en course par des particuliers en vertu d’une commission du gouvernement. » et, par métonymie, le « capitaine commandant un tel bâtiment. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[2] « Aventurier qui se livre au brigandage sur mer, membre d’un équipage qui attaque et pille des navires marchands. », selon le Dictionnaire de l’Académie française. [Nota bene : le flibustier est un « aventurier appartenant aux bandes de pirates qui, au XVIIe et au XVIIIe siècle, écumaient les mers des Antilles. »]
[3] « Force navale, d’importance variable, composée de bâtiments de combat de divers types, placés sous les ordres d’un officier général. », terme utilisé dans le domaine de la marine militaire, selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[4] « Maladie due à une carence en vitamine C, qui se manifeste par des hémorragies, des troubles gastro-intestinaux, le déchaussement des dents et une cachexie progressive pouvant être mortelle. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Vers 1715, la Compagnie est rattachée à Fort-Dauphin. Elle reçoit un certain nombre de privilèges dont :
le droit de propriété des terres ;
le droit de justice ;
le droit d’établir des garnisons ;
le droit de battre monnaie ;
le droit de faire commerce d’esclaves ;
le droit d’armer des navires de commerce et de guerre.
Musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), n° d’inventaire ML 389 C 195. Bouteille à thé quadrangulaire en porcelaine, Jingdezhen, Chine, vers 1720. Col cerclé de métal et bouchon en bois sculpté. Décor imari chinois combinant bleu de cobalt sous couverte et émaux polychromes sur couverte (rouge de fer, vert, noir, doré). Chaque face alterne entre scène galante à l’européenne — figures hollandaises en promenade — et composition florale nouée. Chrysanthèmes sur fond rouge sur l’épaulement. Production d’exportation sous le règne de Kangxi.
Ces pouvoirs qui lui sont attribués s’étendent de l’Afrique (jusqu’à Madagascar) à la Chine. Ils sont abolis en 1764, lors de la rétrocession de l’île au roi de France. Mais auparavant, ils lui permettent d’administrer l’île, de développer ses ressources et de s’enrichir.
Dès 1769, le commerce privé s’empare du négoce de l’Océan Indien, et ce jusqu’en 1785. Une troisième organisation voit alors le jour : la Compagnie de Calonne (1785-1793) qui, à l’inverse des précédentes, n’a pas de pouvoir civil ou militaire dans ses comptoirs.
Un large ruban d’or illumine la cime Des coteaux dont la brume a noyé le versant. L’horizon se déchire, et le soleil descend Sous les nuages roux qui flottent dans l’abîme Comme un riche archipel sur une mer de sang.
Elle fournit aux colons des terres à mettre en valeur, sous forme de concessions. Celles-ci sont soumises à des impôts (cens[1], « lods[2] et ventes », etc.). Au départ, elles s’étendent sur plusieurs centaines d’hectares. Mais au fil des arrivées successives au cours du XVIIIe siècle, leur superficie diminue progressivement, ne représentant plus que cinq à cinquante hectares selon les endroits.
[1] « Redevance de toute nature que certains détenteurs de biens devaient annuellement au seigneur du fief dont ils relevaient. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[2] « Seulement dans l’expression Lods et ventes, pour désigner la redevance due au seigneur lors de la vente d’une partie du territoire sur lequel s’étendaient ses droits. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Bibliothèque départementale de La Réunion, R14935.130. Louis Antoine Roussin (1819–1894), Album de la Réunion. Café. Coffea Arabica : famille des Rubiacées, 1860. Lithographie en couleurs sur papier ; dimensions de la feuille : 31 × 23 cm. Imprimée à La Réunion par A. Roussin (Imprimerie A. Roussin). Estampe extraite de l’Album de l’île de La Réunion : recueil de dessins représentant les sites les plus pittoresques…, tome 2, page 130, publié à Saint-Denis entre 1860 et 1867. Langue : français.
Au début du XVIIIe siècle, la Compagnie développe la culture du café. Elle s’occupe de la fourniture des plants, qu’elle achemine. Elle impose, par une ordonnance de 1724, la culture d’au moins deux cents pieds par habitation[1] se lançant dans cette production. A la récolte, le café est acheté aux producteurs cinq sous la livre.
Elle gère ensuite la commercialisation d’autant qu’elle dispose du monopole pour la France. Elle assure grâce à ce produit, le fret de retour de ses navires.
[1] L’habitation désigne à la fois la maison du propriétaire, les cases et les entrepôts faisant partie du domaine.
Musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), n° d’inventaire 793.1.736. Bassin ovale en porcelaine « famille verte », Chine, vers 1715-1720. Porcelaine à glaçure polychrome et rehauts dorés, produite sous le règne de Kangxi. Le décor, caractéristique de la « famille verte », associe oiseaux, fleurs (pivoine, prunus, chrysanthème) et poissons en médaillon. Ornementation répartie sur les parois intérieures et extérieures. Objet d’exportation vers l’Europe, issu de la collection Robien, saisie à Rennes en 1794.
La compagnie prend pour nom celui de Compagnie perpétuelle des Indes (1719-1769)[1] jusqu’à sa rétrocession. Elle naît d’une fusion de diverses compagnies de commerces à privilèges comme l’étaient les Compagnies des Indes orientales, du Sénégal ou de Chine, ce qui entraîne des changements politiques et administratifs.
[1] La Compagnie perpétuelle des Indes, fondée en 1719 par John Law, résulte de la fusion de plusieurs compagnies, dont la Compagnie des Indes orientales (1664). L’adjectif « perpétuelle » est ajouté en 1723 pour souligner un monopole commercial censé durer indéfiniment, mais qui ne sera pas maintenu dans les faits.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105372, Veue de la Rade et du bourg de St. Denis à l’Isle de Mascarin, manuscrit daté du 17ᵉ ou 18ᵉ siècle [S.l.]. Format : 1 carte manuscrite, 25 x 36,5 cm. Notes manuscrites au verso indiquant « Vue de la rade de St Denis » ; légende des bâtiments représentés présente. Orientation au sud, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 8 P 1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Alors que les débuts de l’organisation de la colonisation ont été assez anarchiques, la Compagnie entretient à partir de 1722 une troupe de cent cinquante hommes pour veiller à la sérénité de l’île, et ce d’autant plus que des révoltes d’esclaves éclatent assez souvent, et que le marronnage[1] se développe sur toute l’île.
Des règlements régulièrement promulgués durcissent les sanctions[1] (« fers à un pied », flétrissure sur une ou deux épaules, fouet, patrouille de recherches nocturnes). Des récompenses (en espèces ou sous la forme du don d’un esclave) sont accordées aux « chasseurs de marrons[2] ». Quand c’est un esclave qui réalise cette prise, il reçoit une pièce de toile.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105366, Carte particulière de la côte de l’Isle de Bourbon depuis la rivière de Ste. Suzanne jusque à la Grande Ravine ; Plan de la baie et du mouillage de St. Denis dans le nord de l’Isle de Bourbon, [17e ou 18e siècle], document cartographique manuscrit en couleur, 36,5 × 47 cm, échelles : 2 lieues [= 14,5 cm] et 600 toises [= 8 cm], orienté au sud, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 3 P 1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Administrativement, entre 1735 et 1746, l’île Bourbon est dirigée par un commandant subordonné au gouverneur général résidant à l’île de France. Il est accompagné d’un Conseil supérieur, sorte de corps administratif et d’assemblée de marchands. Trois de ces conseillers font office de commandant de quartier : à Saint-Paul[1], Saint-Pierre[2] et Sainte-Suzanne[3].
[1] Commune située actuellement dans le département et région d’outre-mer de La Réunion (DROM).
[2] Commune située actuellement dans le département et région d’outre-mer de La Réunion (DROM).
[3] Commune située actuellement dans le département et région d’outre-mer de La Réunion (DROM).
Comme le nombre de soldats entretenus par la compagnie est insuffisant, chaque quartier, que ce soit Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-Denis[1] a une milice composée de deux classes : les colons, et un groupe statutaire composé d’affranchis et de descendants d’affranchis. Elle est chargée de la police intérieure et de la défense de l’île.
[1] Commune située actuellement dans le département et région d’outre-mer de La Réunion (DROM).
Musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris), document numérique, numéro d’inventaire 75.14892, La culture du café à l’île Bourbon : vue des terrains où l’on fait sécher le grain, attribué à Jean-Joseph Patu de Rosemont (1767–1818), vers 1800, crayon, aquarelle et encre sur papier, encadré, dimensions de la feuille : 42,8 × 61,9 cm, notice descriptive consultable en ligne. [Nota bene : Jean-Joseph Patu de Rosemont (1766–1817) arrive à l’île Bourbon en 1788 après un naufrage. Planteur d’épices à Bras-Panon, il peint de nombreux paysages de l’île.]
Lors de son arrivée, Jean Roland Boudsocq peut constater que la population originaire du territoire métropolitain est moins importante que celle des esclaves. Il est vrai que la culture des caféiers provoque une demande accrue de main-d’œuvre.
Son mariage avec une créole[1], Marie Anne Gruchet[2], peut s’expliquer par les relations qui ont pu exister entre lui et Jean Gruchet, son beau-père. Le premier est employé par la Compagnie dès 1730, et le deuxième est aussi au service de celle-ci.
[1] « Originellement, personne de famille européenne, née dans une des anciennes colonies des régions tropicales de l’Amérique et de l’océan Indien, et plus particulièrement aux Antilles. » Par extension, « toute personne née dans ces régions, quelle que soit son ascendance. Adjectivement. Un Noir créole, né dans ces colonies et non en Afrique. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[2] Née le 2 novembre 1710 à Saint-Paul [Nota bene : la date de son décès demeure inconnue à ce jour, en l’état actuel des recherches.]
Les relations avec la Compagnie, qu’elles soient professionnelles ou personnelles, sont d’ailleurs incontournables : pour se procurer la moindre chose, il faut y avoir recours, car elle détient dans ses entrepôts les objets et des denrées indispensables à la vie au quotidien.
Flots qui portiez la vie au seuil obscur des temps, Qui la roulez toujours en embryons flottants Dans le flux et reflux du primitif servage, Eternels escadrons cabrés sur un rivage Ou contre un roc, l’écume au poitrail, flots des mers, Que vos bruits et leur rythme immortel me sont chers !
Flots des mers – Léon Dierx, né à Saint-Denis (La Réunion) le 10 mars 1838 et mort à Paris le 11 juin 1912.
Jean Gruchet[1] est né vers 1666 à Lisieux[2]. Il est mort le 8 juillet 1744[3] à Saint-Paul[4]. Après un voyage de sept mois jusqu’à l’île de Bourbon sur le Saint-Jean-Baptiste[5], il débarque en décembre 1689 avec une vingtaine d’autres colons, principalement des artisans.
[1]Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-841690, Ricquebourg, Lucien-Jacques-Camille. Dictionnaire généalogique des familles de l’île Bourbon (La Réunion), 1665-1810. Rosny-sur-Seine : L.J.C. Ricquebourg, 1983. 3 vol., LXI-2881 p. ; 21 cm. Imprimé en Mayenne : Imprimerie de la Manutention. Bibliographie p. VI., notice de la page 1179, consultable sur place en bibliothèque de recherche, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 16-LM2-658 (1).
[2] Commune située actuellement dans le département du Calvados, en région Normandie.
[3] L’état civil est manquant pour l’année 1744. Cette date provient de la source mentionnée infra.
[4]Archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant un inventaire et partage de la succession Jean Gruchet, époux de Jacquette Leverque en secondes noces. [Nota bene : Lise Di Pietro, adjointe à la directrice des archives départementales de La Réunion, et Mireille Robert, qui a suivi le dossier, ont informé l’auteure que le contrat du premier mariage de Roland Boutsocq Deheaulme avec Marie Anne Gruchet (1732) demeure introuvable malgré leurs recherches. En revanche, elles ont pu localiser l’inventaire et le partage cotés 3E 41. Ces documents, trop volumineux pour être reproduits, nécessitaient une consultation sur place. L’auteure remercie chaleureusement Patrick Jacquemart d’en avoir transmis les images.]
[5] Ce navire eut par la suite un destin tragique : d’une capacité de 150 tonneaux et armé à Port-Louis (Morbihan), il arriva à l’île Bourbon le 5 décembre 1689. Moins d’un mois plus tard, le 31 décembre 1689, il fut détruit par un cyclone dans la baie de Saint-Paul, où il fit naufrage.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105380, Port découvert par le Sr Habert de Vauboulon en l’Isle Bourbon vers la rivière du Marsouin…, 1690, plan manuscrit, 46,5 × 34 cm, note manuscrite au verso : « Avec sa lettre à Monsieur [Dehargny] du 1er octobre 1690 », image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 9 P 1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Henry Habert de Vauboulon[1], qui deviendra gouverneur de l’île, se trouve sur le même navire de la Compagnie. Ces deux passagers restent assez proches l’un de l’autre, mais Jean Gruchet ne suivra pas le gouverneur dans ses turpitudes, et autres opérations hasardeuses.
[1] Bibliothèque François-Mitterrand, site François-Mitterrand, 8-O3S-479, Bénard, Jules ; Bernard Monge. L’épopée des cinq cents premiers Réunionnais : dictionnaire du peuplement, 1663-1713. Saint-Denis : Azalées éditions. Imprimé à Saint-André (La Réunion) : Imprimerie Graphica, 1994, 215 pp., pages 201-202.
Recruté d’abord comme armurier par la Compagnie des Indes, il exerce plusieurs métiers une fois installé dans l’île, en fonction des besoins du moment, ce qui implique d’une manière générale, pour les colons, d’être habiles dans divers domaines : il est ainsi coutelier, taillandier, charpentier, menuisier, forgeron, etc.
Jean Gruchet séjourne à Saint-Paul à partir de son mariage le 28 juillet 1692 avec une jeune créole, Jeanne Bellon (née le 4 novembre 1676 à Saint-Paul, mort le 30 mai 1729 à Saint-Paul). De ce couple naissent onze enfants, dont neuf filles et deux garçons. Marie Anne Gruchet, cité supra, est la huitième.
Totalement illettré, Jean Gruchet est décrit comme un homme plutôt sobre, qui ne joue pas, et un travailleur acharné, selon Antoine Boucher[1]. Il réussir à bâtir une solide fortune, aidé en cela par la découverte de deux jarres d’argent et d’or en 1729, trésor qu’auraient laissé des pirates qui relâchaient dans l’île.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2015-309679, Boucher, Antoine ; Barassin, Jean ; Cercle généalogique de Bourbon. Mémoire pour servir à la connoissance particulière de chacun des habitans de l’isle Bourbon ; suivi des notes du père Barassin. Sainte-Clotilde : Surya éditions, imprimé en Inde, 2015, 452 p., illustrations, 24 cm, pages 141-143, 338, passim.
Monts superbes, dressez vos pics inaccessibles Sur le cirque brumeux où plongent vos flancs verts ! Métaux, dans le regret des chaleurs impossibles, Durcissez-vous au fond des volcans entr’ouverts !
Il obtient, en 1720, la concession de trois terrains à la « montagne Saint-Paul »[1], chacun d’entre eux jouxtant des propriétés appartenant aux sœurs de sa femme. Le premier se situe en hauteur, à côté d’une forêt de bois de fer[2], le deuxième est au milieu, et le troisième en bas, à proximité de pignons d’Inde[3]. Ils longent également d’un autre côté un massif de bois rouge[4] et, plus bas, de bois jaune[5]. Il fait défricher ces terres par ses esclaves, et s’en procure d’autres au Boucan des malades[6], où il fait de l’élevage.
[1] « 1720. Extraits de contrats de concession accordés à divers. 3 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 114, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 33/381, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 2093 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1915-2278 = régime foncier ; articles C 1917-2137 = II. – Contrats de concession de terre ; pièces C 2088-2131 = D. Etats et extraits ; cotes 2088-2105 = 1. – Canton de Saint-Paul.]
[2]Sideroxylon majus (Gaertner fils) Baehni, notice descriptive consultable en ligne sur le site du parc national de La Réunion.
[3]Jatropha curcas L., 1753, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).
[4]Cassine orientalis (Jacq.) Kuntze, 1891, notice descriptive consultable en ligne sur le site du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).
[5]Ochrosia borbonica J. F. Gmel,1791, notice descriptive consultable en ligne sur le site du site des Parcs nationaux de France.
[6] Ce lieu-dit dépend aujourd’hui de la commune de Saint-Paul, sur la côte ouest de La Réunion, entre Boucan Canot et Saint-Gilles-les-Bains.
Archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant le partage des biens de Jean Gruchet. Première page de l’acte. Rappel de l’apposition des scellés le 8 juillet 1744 et annonce de l’inventaire le 14 juillet. Fait à la requête de Roland Boudsocq Deheaulme, garde-magasin de la Compagnie des Indes, et d’Antoine Maunier, ancien capitaine de bourgeoisie. [Nota bene : ce document volumineux a été photographié et transmis par monsieur Patrick Jacquemart depuis La Réunion.]
Archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant le partage des biens de Jean Gruchet. Inventaire des biens meubles et immeubles, qui commence par la description d’une couchette à bas piliers en bois de natte à petites feuilles garnie de deux matelas, d’une couverture, et de deux oreillers. [Nota bene : ce document volumineux a été photographié et transmis par monsieur Patrick Jacquemart depuis La Réunion.]
L’inventaire de sa succession[1], dressé à partir du 14 juillet 1744, détaille le mobilier contenu dans les différentes habitations. On y trouve des couchettes à bas piliers[2] garnies de matelas de laine, d’oreillers et de couverture de « chitte[3] », des tables en natte à petites feuilles[4], avec tiroir et pieds en bois tournés, des chaises ou des pliants en bois de pomme[5], de nombreux miroirs , souvent de petite taille, une pendule, des coffres, une armoire à deux battants et trois tablettes, un buffet à deux battants, etc.
[1]Archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant un inventaire et partage de la succession Jean Gruchet, époux de Jacquette Leverque en secondes noces.
[2] Lits légèrement surélevés par de petits supports, destinés à isoler du sol, favoriser la ventilation et protéger de l’humidité ou des nuisibles.
[4] Petit natte ou Labourdonnaisia calophylloides Bojer, 1841, notice descriptive consultable en ligne sur le site du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement).
[5]Syzygium cordemoyi Bosser & Cadet, 1987, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).
Musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), numéro d’inventaire 996.71. Vase balustre en porcelaine, « famille verte », Jingdezhen, Chine, vers 1710. À panse renflée et col resserré, cette pièce en porcelaine est recouverte d’une glaçure vitrifiée. Produite à Jingdezhen, centre majeur de la porcelaine impériale, elle témoigne du raffinement technique encouragé sous le règne de l’empereur Kangxi. À cette époque, les fours impériaux sont dirigés par Lang Tingji, grand promoteur de la qualité des porcelaines destinées à la cour et à l’exportation. Ces pièces séduisent alors l’élite européenne, notamment par l’intermédiaire de la Compagnie des Indes, qui contribue activement à leur diffusion en Occident.
Pour les repas et les réceptions, la vaisselle est importante, avec au moins cinq services de verres, de nombreux gobelets, flacons et carafes, des plats en étain, des services en porcelaine, des gargoulettes[1], des pots en faïence, vingt-deux nappes, soixante-quatorze serviettes en toile de coton, et des « couteaux flamands »[2].
[1] « Vase en terre poreuse où l’eau se rafraîchit par évaporation, et dont le bec étroit permet de diriger le jet d’eau au fond de la gorge. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[2] Soulat, Jean. « Le couteau flamand : du marin hollandais à la traite coloniale », Les Cahiers LandArc, n° 48, août 2022, 17 pages [article PDF], consultable en ligne sur le site du LandArc. [Nota bene : LandArc est un laboratoire français spécialisé en archéologie, archéométrie et histoire des techniques. Il publie régulièrement ses Cahiers LandArc, une revue scientifique portant sur des fouilles, des découvertes et des patrimoines archéologiques, avec un accent particulier sur les contextes littoraux et maritimes.]
En outre, l’inventaire vestimentaire donne des précisions sur la provenance des étoffes : de la calmande[1], du nankin[2], du guingan[3], de la mousseline[4], du gros drap[5], du camelot[6], de l’armoisin[7], qui soulignent la prospérité du commerce établi avec l’Inde et la Chine par la Compagnie. La présence de fils de coton bleus, et de vingt livres de laine, suggère une économie domestique, destinée à un usage personnel.
[5] « Étoffe de laine pure ou mélangée, à la surface duveteuse, que diverses opérations ont resserrée et rendue plus résistante. Une pièce de drap fin, de gros drap. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[6] « Étoffe faite primitivement de poil de chameau, fort prisée au Moyen Âge, puis simplement de poil de chèvre ou de laine de mouton. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant le partage des biens de Jean Gruchet. Reconnaissance de l’exactitude du début de l’inventaire établi devant des témoins, dont Roland Deheaulme. Le paraphe de certains manque, bien qu’ils soient présents, car ils ne savaient ni écrire ni signer. [Nota bene : ce document volumineux a été photographié et transmis par monsieur Patrick Jacquemart depuis La Réunion.]
Archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant le partage des biens de Jean Gruchet. Signature de l’acte établi à la fin de la journée du 14 juillet 1744. [Nota bene : ce document volumineux a été photographié et transmis par monsieur Patrick Jacquemart depuis La Réunion.]
Des outils (dont quatre-vingt-dix-sept différents) : haches, serpes, varlopes[1], rabots, établi de menuisier, scies, scie de long, masse, pioches, bêches, étrille[2] avec gouge, lames de couteaux, et cent soixante-dix-huit livres de fer attestent des nombreuses activités exercées par Jean Gruchet à la suite de son installation dans l’île. Ses biens témoignent aussi de son enrichissement, qui assure une certaine aisance à ses héritiers[3].
[1] « Très long rabot, muni à l’arrière d’une poignée facilitant la poussée, qui sert à travailler, à aplanir une pièce, une surface. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[3] Une telle analyse historique d’un inventaire de succession offre un éclairage concret sur la vie quotidienne à La Réunion au XVIIIe siècle. Sur ce point, voir aussi l’ouvrage d’Albert Jauze, Vivre à l’île Bourbon au XVIIIe siècle : usages, mœurs et coutumes d’une colonie française sur la route des Indes de 1715 à 1789, illustrations originales de Benjamin Combard, préface de Daniel Roche, Paris, Riveneuve éditions ; musée historique de Villèle, Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), 2017, 376-XIV p. : illustrations en couleur ; 27 cm. (Collection patrimoniale Histoire ; Riveneuve océan Indien), quatrième partie « Rusticité, facettes multiples d’une société agreste », chapitre 3 : « L’exemple d’un habitant, François Lelièvre époux de Jeanne Lépinay », p. 335-344. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Jauze, Albert. Vivre à l’île Bourbon au XVIIIe siècle : usages, mœurs et coutumes d’une colonie française sur la route des Indes de 1715 à 1789. Illustrations originales de Benjamin Combard ; préface de Daniel Roche. Paris : Riveneuve éditions ; musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), 2017. 376-XIV p. : illustrations en couleur ; 27 cm. (Collection patrimoniale Histoire ; Riveneuve océan Indien). Impression en Belgique. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Sa première femme est la fille de Jean Bellon[1] et d’Antoinette Renaud[2], des primo-arrivants, venus dès 1667 sur l’un des navires de la flotte de Mondevergue[3]. Elle veille à l’éducation de ses filles, dont plusieurs savent écrire. Marianne[4] reçoit, lorsque sa mère est veuve pour la seconde fois, la part d’héritage lui revenant de son père.
[1]Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-841690, Ricquebourg, Lucien-Jacques-Camille. Dictionnaire généalogique des familles de l’île Bourbon (La Réunion), 1665-1810. Rosny-sur-Seine : L.J.C. Ricquebourg, 1983. 3 vol., LXI-2881 p. ; 21 cm. Imprimé en Mayenne : Imprimerie de la Manutention. Bibliographie p. VI., notice de la page 138, consultable sur place en bibliothèque de recherche, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 16-LM2-658 (1).
[2] Elle sera la première marraine figurant dans les registres de l’île.
[3] François Lopès [Lopis], marquis de Montdevergues, marin et administrateur colonial français. Cf. Bibliothèque François-Mitterrand, site François-Mitterrand, 8-O3S-479, Bénard, Jules ; Bernard Monge. L’épopée des cinq cents premiers Réunionnais : dictionnaire du peuplement, 1663-1713. Saint-Denis : Azalées éditions. Imprimé à Saint-André (La Réunion) : Imprimerie Graphica, 1994, 215 pp., page 208.
Le contrat de mariage, signé le 25 septembre 1732 auprès de maître Morel[1], aurait pu apporter des renseignements sur les futurs époux et leurs ascendants. Mais la communication de celui-ci s’est révélée impossible[2], le dossier étant « en déficit[3] ».
[1]Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-841690, Ricquebourg, Lucien-Jacques-Camille. Dictionnaire généalogique des familles de l’île Bourbon (La Réunion), 1665-1810. Rosny-sur-Seine : L.J.C. Ricquebourg, 1983. 3 vol., LXI-2881 p. ; 21 cm. Imprimé en Mayenne : Imprimerie de la Manutention. Bibliographie p. VI., notice de la page 1235, consultable sur place en bibliothèque de recherche, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 16-LM2-658 (1).
[2] Selon des échanges par courriel des 11 et 21 mars 2025 avec Lise Di Pietro, adjointe à la directrice des archives départementales de La Réunion, et Mireille Robert, qui a suivi le dossier, ce document demeure introuvable (voir supra).
[3] En archivistique, cette expression désigne une absence ou une lacune dans un fonds ou une collection, par rapport à ce qui serait attendu ou nécessaire pour assurer une représentation complète, cohérente et fiable d’un ensemble documentaire.
L’acte d’état civil, établi le 30 septembre 1732[1], montre que deux mariages sont célébrés à la même date. Le premier concerne celui de Jean Malesse[2] et de Marie Monique Gruchet, sœur cadette de Marianne. Le second, entre cette dernière et Jean-Roland, comporte des erreurs, qui expliquent le glissement du nom de Boutsocq à celui de Dehaulme[3]. Le marié est en effet déclaré comme étant le fils d’Henry Dehaulme et de Jeanne Bourdois[4].
Non seulement, il y a une confusion entre la filiation paternelle (Henry Boudsocq) et la filiation maternelle (Jeanne Deheaulme). Mais, en plus, cette dernière est remplacée par Jeanne Bourdois (en fait, probablement sa grand-mère maternelle). Cette erreur s’explique sans doute par la similitude des prénoms.
Du fait de cet imbroglio, les enfants, puis les descendants de Henry Boutsocq, vont désormais s’appeler « Deheaulme », en un ou deux mots, et avec des variantes orthographiques et anthroponymiques[1]. Alors que le double nom est le plus souvent présent dans les documents de la Compagnie, ce n’est pas le cas pour l’état civil.
Cependant, en 1790, sur l’acte de mariage d’une de ses petites-filles[1], le nom de Boutsocq réapparaît sous une orthographe éloignée de la graphie d’origine (Boutsooc), et en 1816 sous la forme de Boutsoock Deheaulme.
[1] Anne Marie Françoise, décédée le 6 août 1861 à Saint-Pierre.
Musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris), document numérique, n° d’inventaire 75.3407.1-60, Armand Léon (1835-1922), Carnet de dessins et d’aquarelles de voyage en Océanie, Guyane et en Terre de Feu, 1861, aquarelle sur papier pleine page, 27,5 × 39 cm, représentant Saint-Denis, île de La Réunion, carnet relié contenant 59 aquarelles, dessins et tirages sur papier albuminé, donateur monsieur Joubert, image reproduite d’après l’original du musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris), numéro d’inventaire PA000361, notice descriptive consultable en ligne.
On peut désormais suivre l’itinéraire familial et professionnel de Jean Roland Boutsocq à partir de son entrée dans l’une des premières familles établies dans l’île. De 1733 à 1753, naissent douze enfants :
Marie Anne Charlotte, née le 5 juillet 1733 à Saint-Paul.
Antoine Roland, ne lé 26 août 1735 à Saint-Paul et baptisé le 27 août ;
[1] Lire Montan, déformation du prénom Montain en usage dans la Thiérache axonaise, une sous-région du massif thiernois s’étendant du nord-est de la Picardie aux contreforts ardennais.
L’acte de naissance et de baptême d’Antoine Roland révèle plusieurs éléments significatifs. D’une part, la mention de son père sous le nom de « Roland Boudsoc de Heaulme » témoigne d’une réintégration explicite du nom patronymique.
D’autre part, les pratiques de sociabilité se manifestent à travers des échanges croisés de parrainage[1] entre deux familles, reproduisant un schéma typique du village natal du père. En revanche, pour Françoise Geneviève, le choix des parrain et marraine s’inscrit dans une logique strictement familiale, puisqu’il s’agit de son frère et de sa sœur aînée.
[1] Le 23 juillet 1735 naît François Roland Maunier, fils d’Antoine Maunier, capitaine de quartier. Il est baptisé le 25 juillet. Son parrain est Roland Boutsoc de Heaulme. Quant à Antoine Roland, le fils de Roland Boutsoc, né le 26 juillet de la même année, et baptisé le 27 juillet de la même année, il a pour parrain Antoine Maunier. Cf.archives nationales d’outre-mer, registres paroissiaux (antérieurs à 1792) et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, La Réunion, Saint-Paul, année 1735, vue 5/6, consultable en ligne.
On ne sait quasiment rien de la vie des jumelles, si ce n’est qu’elles voyagent avec leur dernière sœur, toujours accompagnées de leur père, et souvent de leur mère et de deux domestiques, Alexis et Marie. Elles sont inscrites sur les rôles d’équipage à bord de différents navires de la Compagnie , comme le Bertin[1], la Paix[2], le Saint-Louis[3]. Il arrive que Jean Roland soit avec son épouse, un seul domestique, et sans ses enfants, sur le Massiac[4], par exemple, qui est une flûte[5] de la Compagnie.
[1]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 40-II.1, rôle du Bertin (1765-1766), p. 25 : dans la table des noms, sous le n° 264, à l’entrée Deheaulme (« individu – parents »), Jean Roland et sa famille sont désignés comme « passagers » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « restés à l’île Bourbon – monsieur, madame et trois enfants, passagers à prendre à l’île Bourbon. », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
[2]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 40-II.7, rôle de la Paix (1764-1766), p. 25 : dans la table des noms, sous le n° 312, à l’entrée Deheaulme (« individu – parents »), Jean Roland et sa famille sont désignés comme « passagers » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon le 12 mars 1766 ; resté à terre à l’île Bourbon – à la table aux frais de la Compagnie, avec ses trois demoiselles et deux domestiques créoles (Alexis et Marie). », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
[3]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 41-II.7, rôle du Saint-Louis (1766-1768), pages 40 et 41 : dans la table des noms, sous le n° 488, à l’entrée Dehaulme (« individu – parents »), Jean Roland est désigné comme « passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon ; débarqué au désarmement – monsieur, aux frais de la Compagnie » ; sous le n° 492, à l’entrée Dehaulme (« individu – parents »), la femme de Jean Roland est désignée comme « passagère » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarquée à l’île Bourbon ; débarquée au désarmement – madame, mère, à ses frais, a payé à l’île Bourbon. » ; sous le n° 493, à l’entrée Dehaulme (« individu – parents »), Anne est désignée comme « passagère » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarquée à l’île Bourbon ; débarquée au désarmement – fille du sieur Dehaulme, à ses frais, a payé à l’île Bourbon. » ; sous le n° 494, à l’entrée Dehaulme (« individu – parents »), Elisabeth est désignée comme « passagère » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarquée à l’île Bourbon ; débarquée au désarmement – fille du sieur Dehaulme, à ses frais, a payé à l’île Bourbon. » ; sous le n° 495, à l’entrée Dehaulme (« individu – parents »), Françoise Geneviève est désignée comme « passagère » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarquée à l’île Bourbon ; débarquée au désarmement – fille du sieur Dehaulme, à ses frais, a payé à l’île Bourbon. », sous le n° 502, à l’entrée Marie [sans patronyme] (« individu – parents »), une femme est désignée comme « domestique passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarquée à l’île Bourbon ; débarquée au débarquement – négresse, domestique de monsieur Dehaulme, à ses frais à l’office. » ; sous le n° 503, à l’entrée Alexis [sans patronyme] (« individu – parents »), un homme est désigné comme « domestique passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon ; débarqué au désarmement – nègre, domestique de monsieur Dehaulme, à l’office à ses frais. », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
[4]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 41-II.5, rôle du Massiac (1766-1768), p. 26 : dans la table des noms, sous le n° 306, à l’entrée Deheaulme (« individu – parents »), Jean Roland est désigné comme « conseiller passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon ; n’ont pas embarqué – à la table, aux frais de la Compagnie, avec son épouse. » ; sous le n° 307, à l’entrée « Anonyme » (« individu – parents »), un homme est désigné comme « passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon ; n’a pas embarqué – domestique de monsieur et madame Deheaulme, à l’office. », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
[5] « Navire de charge utilisé aux XVIIe et XVIIIe siècles pour le transport des munitions et l’approvisionnement des navires en campagne. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
En revanche, faute de prénom, et en l’absence de précisions suffisantes, il n’est pas possible d’établir avec une totale certitude un lien entre Jean Roland et le Deheaulme « passager » mentionné à bord du Duc de Parme[1], ou le Dehaulme « commis passager » cité sur le Puisieulx[2]. Pas plus qu’il n’est possible d’identifier de quel « monsieur Deheaulme » le « soldat passager » Jean-Baptiste Sorin dit « sans allarme[3] » a reçu un ordre d’embarquement sur la Paix[4].
[1]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 36-23, rôle du Duc de Parme (1752-1754), p. 27 : dans la table des noms, sous le n° 302, à l’entrée Deheaulme (« individu – parents »), un homme est désigné comme « passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon le 2 juin 1753, débarqué à Pondichéry le 8 juillet 1753 – passager pour Pondichéry à la table. », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
[2]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 36-15, rôle du Puisieulx (1752-1754), p. 32 : dans la table des noms, sous le n° 373, à l’entrée Dehaulme (« individu – parents »), un homme est désigné comme « commis passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à Lorient ; débarqué à Pondichéry le 20 avril 1753 – passager à la table pour Pondichéry », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
[3] Lire « sans alarme », sans doute un sobriquet militaire pouvant être valorisant (sang-froid, bravoure tranquille) ou ironique (lâcheté, lenteur).
[4]Service historique de la Défense (SHD), site de Lorient, bureau des classes de Port-Louis, sous-série 2P, rôle au désarmement – long cours, 2P 39-II.13, rôle de la Paix (1763-1764), p. 23 : dans la table des noms, sous le n° 274, à l’entrée Sorin dit « sans allarme » Jean-Baptiste (« individu – parents »), un homme est désigné comme « soldat passager » (fonction, solde). La rubrique des « remarques – mouvements » porte la mention suivante : « embarqué à l’île Bourbon ; débarqué au désarmement – soldat du régiment de Lorraine prisonnier des Anglais embarqué en Chine et débarqué à Maurice, venu à l’île Bourbon sur le Choiseul ; embarqué à l’île Bourbon sur ordre de monsieur Deheaulme. », liste consultable en ligne sur le site Mémoire des hommes, portail culturel du ministère des Armées.
En dehors de sa vie familiale, Roland Deheaulme occupe diverses fonctions au sein de la Compagnie, tant sur le plan commercial qu’administratif. Sa place de commis est confirmée dans deux documents :
l’acte de vente, le 14 octobre 1732[1], d’une maison située dans le quartier Saint-Paul, en bois équarri, de dix-neuf pieds de long sur quinze de large (environ cinq mètres soixante-quinze sur quatre mètres cinquante), dont il se rend acquéreur auprès de sa belle sœur Marie Monique Gruchet, pour la somme de 648 livres ;
l’acte de partage de la succession de Jeanne Bellon, décédée trois ans plus tôt.
[1] Copie transmise par Lise Di Pietro, adjointe à la directrice, et Mireille Robert, qui a suivi le dossier, aux archives départementales de La Réunion [cote 3E 6 — série E : état civil, officiers publics et ministériels ; sous-série 3E = notaires]. Ce document, établi par maître François Morel et Dussart de Lasalle, relate la cession d’un bien par Marie Monique Gruchet à Roland Boutsocq Deheaulme et à son épouse Marie Anne Gruchet.
Détail de la signature de Jean Roland Dehaulme. Cf.archives départementales de La Réunion, 3E 41 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires], acte notarié concernant le partage des biens de Jean Gruchet. Inventaire des biens meubles et immeubles, qui commence par la description d’une couchette à bas piliers en bois de natte à petites feuilles garnie de deux matelas, d’une couverture, et de deux oreillers. [Nota bene : ce document volumineux a été photographié et transmis par monsieur Patrick Jacquemart depuis La Réunion.]
La signature de Jean Roland, apposée sur différents actes, montre une bonne maitrise de l’écriture, qui s’enrichit au cours de ses activités de quelques fioritures[1] à la manière des notaires.
Avant 1734, il est « commis de premier ordre », avec des appointements annuels de 900 livres. Assez rapidement, il exerce des fonctions liées au commerce de la Compagnie (et d’autres) dans l’organisation administrative de l’île. L’année suivante, il effectue le bilan administratif et financier d’un « lascar[1] », et signe comme garde-magasin[2]. Son ascension commence.
[1] « Matelot naviguant notamment dans l’océan Indien. », selon le Trésor de la langue française informatisé.
[2] « 1735 – Saint-Paul, 27 août. Décompte d’un lascar. 1 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 102/R2, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 258/357, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1717 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1580-1914 = finances ; articles C 1623-1744 = II. – Budget général dépenses ; pièces C 1625-1727 = B. Dépenses de divers services, états ; documents C 1716-1727 = 5. – Marine.]
Le 14 avril 1738, il est nommé conseiller juge adjoint, à la demande du procureur général du roi au Conseil supérieur, et prête serment. Il demande un certificat de bonne conduite[1].
[1] « 1738 – Saint-Paul, 2 décembre. Boutsoocq Deheaulme au Conseil supérieur pour lui demander un certificat de bonne conduite . 1 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 37, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 35/83 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 695 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 685-717 = II. – Personnel ; pièces C 689-717 = B. Demandes d’emploi, nominations, congés, réclamations.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105348, Isle Bourbon, par Étienne de Flacourt (1607–1660), 1653, carte manuscrite en couleur, 49 × 67,5 cm, échelle : 3 lieues [= 7 cm], avec dédicaces manuscrites à Louis XIV et Jean III du Portugal, titre au verso : « Isle Bourbon par le Sieur de Flacours 1653 », image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 2 P 1 D, consultable en ligne sur Gallica.
En 1739, il signe des contrats de trois ans dans le quartier Saint-Paul, pour recruter dans l’exercice de leur métier d’anciens soldats de la Compagnie. Il emploie ainsi, en 1739, un meunier[1] et, en 1745, un boulanger[2] nommée Denis Dumelle.
[1] « 1739 – Saint-Paul, 17 octobre. Engagement de Guillaume Cousian à la Compagnie des Indes en qualité de meunier. 2 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 92, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 62/86, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1134 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1121-1185 = travaux civils et militaires ; articles C 1125-1141 = II. – Personnel ; pièces 1125-1138 = A. Européens et Malabars libres.]
[2] « 1745 – Saint-Paul, 27 novembre. Engagement de Denis Dumielle à la Compagnie des Indes en qualité de boulanger. 2 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 92, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 68/86, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1136 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1121-1185 = travaux civils et militaires ; articles C 1125-1141 = II. – Personnel ; pièces C 1125-1138 = A. Européens et Malabars libres.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105384, Plan et projet d’un petit port à la Rivière d’Abord en l’Isle de Bourbon, par le chevalier de Tromelin, [18e siècle], plan manuscrit en couleur, 55 × 66,5 cm, échelle : 100 toises [= 7 cm], avec légende et remarques en carton à gauche, orienté nord-est, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 11 P 3 D, consultable en ligne sur Gallica.
Le 7 avril 1741 il est « garde-magasin pour la Compagnie des Indes, en cette île »[1]. En 1750, il est garde-magasin de l’entrepôt de la rivière d’Abord[2]. C’est une charge qui comporte de nombreuses responsabilités, et que l’on confie à une personne de confiance et instruite. Parallèlement, il est caissier particulier pour le quartier Saint-Paul, mais aussi garde-magasin des cafés s’y trouvant, ainsi que des marchandises venues de l’Inde et de la Chine.
[1] « 1741 – Déclarations de retour. 6 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 87, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 129/158 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 984 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 940-1068 = VIII. – Esclavage ; pièces C 974-1011= D. Détachements contre des marrons ; cotes C 981-1009 = 2. – déclarations de retours des détachements.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105375, Quartier St. Denis à Bourbon, [17ᵉ ou 18ᵉ siècle], carte manuscrite en couleur, 30 × 50 cm, bâtiments légendés à droite, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 8 P 5 D, consultable en ligne sur Gallica.
De 1751 à 1757, qualifié de sous-marchand[1] (sorte d’intermédiaire), il perçoit un salaire annuel de 1 000 livres puis de 1 500 livres[2], auxquelles s’ajoutent des gratifications en vins et eaux de vie, dont le montant peut varier de 300 livres au double.
[1] « 1757 – Saint-Denis, 31 mars. Etat des appointements depuis le 1er janvier jusqu’au 31 mars. 2 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 102/R2, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 26/357, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1646 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1580-1914 = finances ; articles C 1623-1744 = II. – Budget général dépenses ; pièces C 1625-1727 = B. Dépenses de divers services, états ; documents C 1625-1673 = 1. Administration générale, cotes 1625-1654 = a. Soldes, indemnités, gratifications.]
[2] « 1755 – Saint-Denis, 31 mars. Etat des appointements dus aux employés, officiers et autres depuis le 1er janvier jusqu’au 31 mars. 4 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 102/R2, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 19/357, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1644 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1580-1914 = finances ; articles C 1623-1744 = II. – Budget général dépenses ; pièces C 1625-1727 = B. Dépenses de divers services, états ; documents C 1625-1673 = 1. Administration générale, cotes 1625-1654 = a. Soldes, indemnités, gratifications.]
Dessus : Institut national d’histoire de l’art, document numérique, NUM VO Ori 12, Vue des Magasins de la Compagnie des Indes à Pondichéry, de l’Amirauté et de la Maison du Gouverneur, estampe en eau-forte coloriée par André Basset (17..-1787), 18ᵉ siècle. Format : 1 estampe, 25,6 x 42,6 cm (élément d’impression) ; 33,5 x 50 cm (feuille). Éditée à Paris chez Basset, Rue Saint-Jacques. Titre en miroir dans la marge supérieure : « Vue des magazins de la compagnie des Indes a Pontichery ». En haut à droite : numéro 56, image reproduite d’après l’original de l’Institut national d’histoire de l’art, VO Ori 12, numérisation effectuée en 2022, notice descriptive consultable en ligne. Dessous : Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-6949524, Vue de Pondichéry dans les Indes Orientales, estampe coloriée, publiée vers 1760 à Paris chez Jean-François Daumont, éditeur actif au 18ᵉ siècle. Format : 1 estampe, 27 x 41 cm (élément d’impression). Titre en miroir dans la marge supérieure : « Pondichery », image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, LI-72 (8)-FOL, consultable en ligne sur Gallica.
Le 8 juillet 1753, il aurait débarqué à Pondichéry[1], après avoir fait le voyage sur le Duc de Parme, un navire de la Compagnie. Il aurait été passager à la table, et aux frais de la Compagnie. Ce voyage entretiendrait-il un lien avec ses fonctions de sous-marchand ? Comme caissier de la Compagnie, il signe les quittances pour les vivres et rafraichissements qui sont fournis à une escadre. Il règle souvent en esclaves[2].
[1] Pour les problèmes d’identification concernant l’identité du voyageur, cf. supra. Pondichéry est une commune située actuellement dans le district et le territoire du même nom, en Inde.
[2] « 1735 – Etat des esclaves accordés à divers habitants de Bourbon en payement des vivres et rafraîchissements fournis aux vaisseaux de l’escadre de d’Aché. 26 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 102/R2, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vue 265/357, consultable en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1720 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1580-1914 = finances ; articles C 1623-1744 = II. – Budget général dépenses ; pièces C 1625-1727 = B. Dépenses de divers services, états ; documents C 1716-1727 = 5. – Marine.]
En 1758, dans des actes relatifs à l’administration des hôpitaux, il est mentionné comme substitut de monsieur le procureur général du roi. Il constate le décès de marins, le plus souvent victimes de la petite vérole[1].
On redoute que cette maladie ne se transforme en épidémie, en raison de la rapidité avec laquelle elle se propage[2]. En ce qui concerne la grande vérole[3], Jean Roland est condamné le 20 juin 1736[4] pour avoir vendu à un certain Louis Martin, canonnier au service de la Compagnie des Indes, une esclave « traitée » mais non « guérie ».
[2] « 1758 – Saint-Paul, décembre. Procès-verbaux de destruction des hardes et effets de Guillaume Tancret, Poitiers, Frompton, Noël Liwat, Gilles Inal, matelots du Duc d’Orléans, du Minotaure, du Fortuné, du Vengeur et de l’Eléphant, décédés à l’hôpital de la variole . 5 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 86, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 13/30 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 938 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 933-939 = VII. – Hôpitaux ; pièces C 936-939 = B. Maladies contagieuses (lèpre, variole).]
[4] « 1733-1737 – Registre des arrêts du Conseil supérieur. 38 x 25 cm. 231 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 121, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 381/455 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 2519 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 2279-2807 = greffe ; articles C 2516-2568 = V. – Arrêts et jugements ; pièces C 2516-2561 = A. Arrêts du Conseil provincial et du Conseil supérieur ; cotes 2516-2532 = 1. Registres.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105250, Pont construit à l’isle de Bourbon quartiers St. Denis par Mr. Mahé de La Bourdonnais, chevalier de l’ordre militaire de St. Louis, officier des Vaisseaux du Roy, Gouverneur Général des Isles de France et de Bourbon, Présidant aux dits Conseils, commencé le Ier juillet et finy le mois de septembre suivant, 1738, plan manuscrit en couleur, 54,5 × 148,5 cm, cartouche de titre orné de deux tritons, légende détaillant les éléments du pont et les bâtiments alentours à droite et à gauche du cartouche, image cartographique sans médiation reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 8 P 4, consultable en ligne sur Gallica.
En 1763, le 26 octobre, il est nommé adjoint au Conseil supérieur[1], juge et receveur, sans que cela n’affecte les autres commissions dont il fait partie. Il prête serment, séparément, dans les mains du commandant président du conseil.
[1] « 1763 – Saint-Denis, 26 octobre. Demande du procureur général que les sieurs Dehaulme, Roudic, Dejean et Bellier soient adjoints au Conseil supérieur insuffisamment nombreux. 2 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 37, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 54/83 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 703 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 685-717 = II. – Personnel ; pièces C 689-717 = B. Demandes d’emploi, nominations, congés, réclamations.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105369, Carte particulière de la côte de l’Isle de Bourbon depuis Ste. Suzanne jusqu’à St. Gilles, où sont renfermés les mouillages de St. Denis et de St. Paul, [17e ou 18e siècle], document cartographique manuscrit en couleur, 34 × 68 cm, échelle : 3 lieues marines de 3000 toises [= 22 cm], orienté au sud, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 3 P 2 D, consultable en ligne sur Gallica.
Jean Roland Deheaulme est impliqué dans la répression des esclaves en fuite. Non seulement, il milite pour un durcissement des sanctions, mais il est aussi, en tant que « commandant et juge de police en ce quartier Saint-Paul », un de ceux qui prononcent ces sanctions, en fonction de la durée du marronnage, et du nombre de récidives[1].
[1] « 1742-1755 – Extraits du registre de déclarations de marronnage au quartier Saint-Paul. 23 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 87, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 129/158 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 948 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 940-1068 = VIII. – Esclavage ; pièces C 943-954 = B. Déclarations de marronnage.]
A gauche : musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 2019.1.38, Cafre, dessin de Léopold Massard, gravure de Choubard (1e moitié du XIXe siècle), estampe rehaussée à l’aquarelle sur papier, 35 × 25,5 cm, notice descriptive consultable en ligne. A droite : musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 2019.1.39, Femme cafre, dessin de Léopold Massard, gravure de Choubard (1e moitié du XIXe siècle), estampe rehaussée à l’aquarelle sur papier, 35 × 25,5 cm, notice descriptive consultable en ligne.
Ainsi, Laurent[1], un Cafre[2] de vingt-cinq ans et Fidel[3], un Malabar[4] de dix-huit ans, tous deux esclaves d’Augustin Auber, sont jugés à plusieurs reprises, à quelques semaines d’intervalle. Ces deux hommes, parmi d’autres, incarnent la ténacité des esclaves en quête de liberté, malgré la menace de châtiments sévères.
Laurent s’évade une première fois le 1er juillet 1750 et se rend à son maître quinze jours plus tard. Il fuit de nouveau le 18 septembre 1752, revient le 21 octobre, repart le 29 octobre et se rend le 28 novembre. Sa dernière fuite a lieu le 27 juin 1753, suivie d’un retour dès le lendemain.
Fidel part le 6 décembre 1751 et réintègre le domaine douze jours plus tard. Il récidive le 16 novembre 1752 et revient deux jours après. Le 17 novembre 1753, il prend à nouveau la fuite. Le 18 décembre, il est blessé par un coup de fusil tiré par son maître aux Colimaçons, capturé, puis enfermé au bloc du quartier Saint-Paul. En dépit des peines encourues, ces tentatives d’évasion expriment avec force l’aspiration des esclaves à échapper à la servitude.
Roland Dehaulme prononce de lourdes sentences à l’encontre de Laurent et de Fidel, reconnus coupables de multiples récidives. La peine initialement prévue consiste en la mutilation des oreilles et l’apposition d’un fer en forme de fleur de lys sur l’épaule droite, marquant ainsi l’infamie.
Toutefois, en l’absence d’un exécuteur des sentences criminelles, la procédure judiciaire s’adapte aux circonstances locales : l’esclave est publiquement flagellé à la sortie de la messe paroissiale, conformément aux usages en vigueur, le condamné étant d’ordinaire attaché au carcan[5], puis remis à son propriétaire.
[1] « 1742-1755 – Extraits du registre de déclarations de marronnage au quartier Saint-Paul. 23 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 87, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 144/158 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 948 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 940-1068 = VIII. – Esclavage ; pièces C 943-954 = B. Déclarations de marronnage.]
[3] « 1742-1755 – Extraits du registre de déclarations de marronnage au quartier Saint-Paul. 23 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 87, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 143/158 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 948 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 669-1068 = administration générale ; articles C 940-1068 = VIII. – Esclavage ; pièces C 943-954 = B. Déclarations de marronnage.]
[4] Le terme « Malabar » désigne à La Réunion les travailleurs indiens originaires de la côte de Malabar (sud-ouest de l’Inde, aujourd’hui états de Karnataka, Kerala, Tamil Nadu). Dans son sens populaire, « homme de grande taille, très fort et robuste. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[5] « Cercle fixé à un pilori, et auquel on attachait par le cou des criminels condamnés à l’exposition publique. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-5973090, Isle Dauphine, communément nommée par les Européens Madagascar et St Laurens et par les habitants du pays Madecase, par Guillaume Sanson (1633–1703), 1667, carte imprimée en couleur, 58 × 45 cm, échelle : 120 mille pas géométriques, 48 lieues communes de France [= 7,6 cm ; 1:2 900 000 environ], décor avec navire à voiles, titre en bas à droite dans un cartouche illustré de personnages, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE BB-565 (14, 65), consultable en ligne sur Gallica.
Jean Roland Deheaulme est pressenti en 1754 comme responsable pour diriger les opérations de traite à Sainte-Marie[1], qui a été cédé à la France par sa souveraine, et y être ainsi élevé au rang de « commandant de l’île ».
Son alliance matrimoniale avec une femme créole constitue cependant un obstacle social ou administratif, car un règlement postérieur à leur mariage interdit au mari d’être conseiller si sa femme est créole.
[1] Appelée aujourd’hui Nosy Boraha, l’île est actuellement située dans le district de Nosy Boraha, au sein de la région d’Analanjirofo, dans la province de Toamasina, à Madagascar.
La maquette du Massiac, navire de 900 tonneaux reproduit par Jean Delouche en 1976, illustre la vie difficile à bord. Lancée à Lorient en 1758 pour la Compagnie des Indes, cette flûte transportait hommes, vivres et marchandises précieuses comme le thé, les soieries ou la porcelaine. L’équipage dormait dans des hamacs, près de la cuisine, du charbon et du parc à moutons. L’hygiène était sommaire, et l’hôpital ne comptait que quatre lits. La Sainte-Barbe, où étaient stockés les armes et la poudre, rappelait le danger constant. Officiers et passagers de marque disposaient, eux, de cabines séparées et de salles mieux aménagées. Le confort à bord dépendait fortement du rang. [Nota bene : cette carte postale, diffusée par le musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), labellisé « musée de France », est destinée principalement à un usage pédagogique et non commercial.]
Or, ce règlement n’aurait pas dû s’appliquer rétroactivement dans son cas. Bien que d’autres conseillers soient dans la même situation, aucune solution n’est cependant trouvée pour lui. Si ces unions sont fréquentes, elles peuvent néanmoins limiter l’accès aux postes les plus élevés, en raison des attentes de loyauté et de distance que l’administration impose à ses agents coloniaux.
Musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris), document numérique, numéro d’inventaire 75.14892, La culture du café à l’île Bourbon : vue des terrains où l’on fait sécher le grain, attribué à Jean-Joseph Patu de Rosemont (1767–1818), vers 1800, crayon, aquarelle et encre sur papier, encadré, dimensions de la feuille : 42,8 × 61,9 cm, notice descriptive consultable en ligne. [Nota bene : Jean-Joseph Patu de Rosemont (1766–1817) arrive à l’île Bourbon en 1788 après un naufrage. Planteur d’épices à Bras-Panon, il peint de nombreux paysages de l’île.]
Dès juillet 1730, il fait une demande auprès de la Compagnie des Indes, dont il est déjà un employé, pour obtenir la concession d’une terre à mettre en valeur, et pour y cultiver du moka[1].
Il reçoit ainsi un terrain de trente-cinq gaulettes[2] de large, sur plus de cinq cents de long, situé entre la ravine des Cafres[3] et la ravine de l’Anse[4], à quelque six cent cinquante gaulettes de la mer. Il dispose de trois ans pour le défricher et l’exploiter en y plantant des caféiers.
[1] « Variété de café, originaire d’Arabie ; boisson préparée avec la graine de ce café. Du moka d’Éthiopie. Boire un moka. Tasse, cuiller à moka. », terme apparu au « XVIIIe siècle. De Moka, nom du port du Yémen d’où le café d’Arabie était exporté vers l’Europe. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[2] Cette mesure agraire, qui équivaut à quinze pieds, donne en réalité quatre mètres huit cent soixante-douze centimètres, un chiffre qu’on peut arrondir à cinq mètres pour simplifier.
[3] Cours d’eau intermittent formant actuellement la limite entre les communes du Tampon et de Saint-Pierre.
[4] La ravine de l’Anse sert actuellement de frontière naturelle entre les communes de Saint-Pierre et Petite-Île.
Musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris), document numérique, numéro d’inventaire 75.14892, La culture du café à l’île Bourbon : vue des terrains où l’on fait sécher le grain, attribué à Jean-Joseph Patu de Rosemont (1767–1818), vers 1800, crayon, aquarelle et encre sur papier, encadré, dimensions de la feuille : 42,8 × 61,9 cm, notice descriptive consultable en ligne. [Nota bene : Jean-Joseph Patu de Rosemont (1766–1817) arrive à l’île Bourbon en 1788 après un naufrage. Planteur d’épices à Bras-Panon, il peint de nombreux paysages de l’île.]
Il en a la « propriété roturière », tandis que la Compagnie se réserve les droits de seigneurie directe, de banalité[1], chasse et pêche, ainsi que l’application de règlements concernant les cultures. Lui, doit payer au domaine de la Compagnie trois « coqs d’Inde[2] » et cinq poules[3] comme redevance, plus quatre onces de café par arpent de terre défrichable[4].
[1] « Servitude imposant aux vassaux d’un seigneur d’utiliser certains services (moulin, pressoir, etc.) moyennant le paiement d’un droit ou d’une redevance. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[4] « 1731-1764 – Registre des concessions faites par les administrateurs de l’île de Bourbon depuis 1731 jusqu’au mois d’août 1764. 41 x 26 cm. 296 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 112, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 265/299 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1923 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1915-2278 = régime foncier ; articles C 1917-2137 = II. – Contrats de concession de terre ; pièces C 1921-1923 = B. Registres généraux, copies.]
Bibliothèque interuniversitaire de santé (Paris), document numérique, 039321×1, référence de l’image CICL07711, Branche du caffier, gravure au burin d’O. Michel, extraite de Dissertation sur le caffé de Claude Joseph Gentil, Paris, chez l’auteur, 1787, notice descriptive consultable en ligne.
Le 17 mars 1732, il reçoit, avec un autre colon, une nouvelle parcelle de terre, toujours située entre la ravine des Cafres et la ravine de l’Anse. Cette terre borde les terrains déjà exploités par d’autres colons. Sa largeur s’étend sur trois cents gaulettes jusqu’aux habitations, et à cinquante du littoral. Les redevances sont assez identiques[1].
[1] « 1731-1764 – Registre des concessions faites par les administrateurs de l’île de Bourbon depuis 1731 jusqu’au mois d’août 1764. 41 x 26 cm. 296 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 112, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 27/299 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1923 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1915-2278 = régime foncier ; articles C 1917-2137 = II. – Contrats de concession de terre ; pièces C 1921-1923 = B. Registres généraux, copies.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105382, Plan de la rivière Dabord, [18ᵉ siècle], plan manuscrit, 42 × 27,5 cm, échelle : 20 toises [= 5 cm], notes manuscrites au verso : « Isle de Bourbon », « Embouchure de la rivière Dabord avec les sondes », image cartographique sans médiation reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 11 P 1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Le 29 septembre de la même année, alors qu’il vient de se marier, il obtient un emplacement à la rivière d’Abord, pour s’y établir et y bâtir des cases et des magasins. La compagnie lui accorde un terrain de vingt-cinq gaulettes carrées, pour lequel il devra payer la redevance annuelle d’un denier[1].
[1] « 1731-1764 – Registre des concessions faites par les administrateurs de l’île de Bourbon depuis 1731 jusqu’au mois d’août 1764. 41 x 26 cm. 296 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 112, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 50/299 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1923 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1915-2278 = régime foncier ; articles C 1917-2137 = II. – Contrats de concession de terre ; pièces C 1921-1923 = B. Registres généraux, copies.]
Bibliothèque interuniversitaire de santé (Paris), document numérique, 039269, référence image CICL03189, Tige de la plante du caffé, gravure à l’eau-forte réalisée par J. H., extraite de l’ouvrage de Nicolas de Blégny, Le bon usage du thé, du caffé et du chocolat pour la preservation & pour la guerison des maladies (Lyon : Thomas Amaulry, 1687), image placée en page 86, taille originale 120 x 70 mm, notice descriptive consultable en ligne.
En 1735, il possède à Saint-Louis cent quarante-cinq arpents de terre. Après plusieurs années prospères, la culture du café et du blé rencontre diverses difficultés dues à des aléas climatiques, tels que des ouragans et des pluies diluviennes, ainsi qu’à des invasions d’insectes comme les pucerons. Cette même année, une attaque de sauterelles[1] provoque des dégâts importants.
[1]Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-21669, « Les invasions de sauterelles à l’île Bourbon », Revue historique et littéraire de l’île Maurice. Archives coloniales, 5ᵉ année, n° 7, 19 juillet 1891, pages 73–76, vues 1/12 et suivantes, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-NT-4067
Musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 1990.63, Histoire naturelle, Fig. 1 Le café ; Fig. 2 La canne à sucre ; Fig. 3 Le thé, Martinet (dessinateur, 18ᵉ siècle), Bénard Robert (graveur, 18ᵉ siècle), édité par Martinet, Paris, 1768, estampe sur papier, 39,6 × 25 cm, notice descriptive consultable en ligne.
Pour tenter de limiter leur multiplication, il est décidé que les propriétaires de terres et habitations doivent fournir des esclaves pour lutter contre ce fléau. Il importe au capitaine du quartier Saint-Paul de dresser la liste des propriétaires, pour les obliger à fournir la main d’œuvre nécessaire.
Or, certains s’abstiennent, dont un certain Deheaulme. Celui-ci ne peut être que Jean Roland, compte tenu de la date des évènements. Il est condamné à verser une amende de onze piastres[1], par jour et par ouvrier. L’année suivante, le même système est remis en place pour faire face à de nouveaux assauts de parasites.
[1] « Monnaie d’argent espagnole, en usage aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui devint l’unité monétaire de certains pays et resta longtemps une monnaie de référence du commerce international. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105249, Partie de l’Isle de Bourbon qui comprend les mouillages de St. Denis & de St. Paul avec un plan particulier de la rade de St. Denis et un autre de l’Isle Entière, ou la montagne est représentée telle quelle paroist de 9 à 10 lieues dans l’Est, elle est située par 21 degrés de latitude Sud et par 16 degrés 30 minutes de longitude, le premier méridien passant par l’isle de Tenerif, carte manuscrite en couleur attribuée à Antoine Boucher (1680–1725), [18e siècle], 33,5 × 89 cm. Trois plans : mouillages de Saint-Denis et Saint-Paul, plan particulier de la rade de Saint-Denis, et vue en perspective de l’île avec représentation du volcan. Échelle principale : 3 lieues [= 21 cm]. Image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 3 P 2/2, consultable en ligne sur Gallica.
Le 18 mars 1741, il fait valoir qu’il travaille depuis plus de huit ans pour la Compagnie, et en profite pour obtenir un nouvel emplacement pour s’y loger avec sa famille. La compagnie lui confirme la jouissance depuis le 29 mai 1740 d’une parcelle (vingt-trois sur vingt-quatre gaulettes), dont il devient propriétaire[1]. Désormais, il se trouve au quartier Saint-Paul, à proximité de sa belle-famille.
[1] « 1731-1764 – Registre des concessions faites par les administrateurs de l’île de Bourbon depuis 1731 jusqu’au mois d’août 1764. 41 x 26 cm. 296 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 112, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 176/299 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1923 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1915-2278 = régime foncier ; articles C 1917-2137 = II. – Contrats de concession de terre ; pièces C 1921-1923 = B. Registres généraux, copies.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105241, Isle de Bourbon, par Denis de Nyon (Chevalier de Saint-Louis), 1723, carte manuscrite en couleur, 55,5 × 81 cm, échelle : 5 lieues [= 10,5 cm], encartés : plans de la rade de Saint-Denis, de la rade de Saint-Paul, du fort et batterie basse de Saint-Denis, et du fort et batterie de Saint-Paul, mention manuscrite : « À l’Isle de France, le 15 septembre 1723, Le Chevalier Denyon », image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 2 P 13, consultable en ligne sur Gallica.
Le 28 novembre 1744, il conteste le mesurage d’un terrain entrant dans la succession de son beau-père. Seules quatre gaulettes sont concernées, mais en obtenant gain de cause pour sa réclamation, il parvient à agrandir son terrain situé sur les sables du quartier de Saint-Paul, en contrepartie d’un paiement annuel symbolique d’un denier.[1].
[1] « 1731-1764 – Registre des concessions faites par les administrateurs de l’île de Bourbon depuis 1731 jusqu’au mois d’août 1764. 41 x 26 cm. 296 fol. » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 112, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 211/299 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 1923 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 1915-2278 = régime foncier ; articles C 1917-2137 = II. – Contrats de concession de terre ; pièces C 1921-1923 = B. Registres généraux, copies.]
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105242, Carte de l’Isle de Bourbon, par Jacques-Nicolas Bellin (1703–1772), cartographe, dressée au Dépôt des cartes et plans de la Marine sur ordre du duc de Choiseul, 1763, carte imprimée et manuscrite en couleur, 56,5 × 73 cm, échelle : quatre lieues communes de France de 2282 toises [= 10 cm], note manuscrite au verso : « Provenant du Cabinet du ci-devant Roi le 7 février 1793, l’an 2e de la République », image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 2 P 18, consultable en ligne sur Gallica.
En 1751, il possède une habitation à la montagne Saint-Paul. En 1758, il détient également quatre-vingt-huit arpents de terre dans le quartier, exploités par ses trente-neuf esclaves.
Le Code noir[1], promulgué par Louis XIV en mars 1685, s’applique à l’île Bourbon en 1723, alors qu’il est en vigueur depuis plus longtemps aux Antilles. Il stipule dans son article deux que les esclaves doivent être instruits dans la religion catholique, et baptisés, sous peine d’amendes. La religion est dispensée par des missionnaires membres de la congrégation de la Mission, appelés aussi lazaristes. C’est ce que l’on constate pour les esclaves de Jean Roland.
[1] Intitulé officiellement Édit du Roi, servant de règlement pour le gouvernement et l’administration de la justice, police, discipline et le commerce des nègres dans la colonie française de Saint-Domingue ».
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8493555, Ille Bourbon ou Mascarin, par Alexandre Maupin, vers 1700, carte nautique manuscrite au lavis, 56 × 41,5 cm, échelle de cinq lieues [= 0 m.129 ; 1 : 215 000 environ], orientée à gauche, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE D-15722, consultable en ligne sur Gallica.
Bien que ces derniers soient considérés comme des biens meubles, il est interdit de disperser les membres d’une même famille, c’est-à-dire le père, la mère et les enfants. Un arrêt du Conseil supérieur de l’île Bourbon fait aux maîtres et maîtresses « très expresses défenses de laisser vivre leurs esclaves en concubinage, ni de séparer, sous quel prétexte que ce puisse être, les noirs mariés d’avec leurs femmes ».
Il enjoint en outre aux maîtres et maîtresses « d’envoyer leurs esclaves non baptisés aux instructions ou de les instruire eux-mêmes, dans l’espace de quatre années à compter du jour qu’ils en seront propriétaires, pour les mettre en état de mériter la grâce du baptême[1] ».
[1] « 1737-1739. – Registre des arrêts du Conseil supérieur. 53 x 39 cm. 145 fol. ; 1739-1743.– idem, en déficit » Cf.archives départementales de la Réunion, microfilm en rouleau, 2MI 122, fonds de la Compagnie des Indes orientales numérisé, vues 222/294 et suivantes, consultables en ligne, texte reproduit d’après l’original des archives départementales de la Réunion, C 2520 [série C = classement et inventaire du fonds de la Compagnie des Indes, 1665-1767, sous-fonds C 2279-2807 = greffe ; articles C 2516-2568 = V. – Arrêts et jugements ; pièces C 2516-2561 = A. Arrêts du Conseil provincial et du Conseil supérieur ; cotes 2516-2532 = 1. Registres.]
Le dépouillement de l’état civil permet d’avoir un premier exemple que Jean Roland respecte ces préceptes religieux. Née la veille, Benonie est baptisée à Saint-Paul[1] le 15 janvier 1749. Elle est la fille de Dominique et de Rose, originaires de Madagascar, mariés, tous deux esclaves de monsieur de Heaulme.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105355, Isle de Bourbon ou Mascareigne, [17ᵉ ou 18ᵉ siècle], carte manuscrite en couleur, 50,5 × 32 cm, échelle : 4 lieues françoises [= 7,5 cm], note manuscrite sous le titre : « Nota que ou l’on voit des lieux marqués A, cela denote habitation », image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 2 P 10/1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Un deuxième cas est illustré par la naissance d’Olive le 8 septembre 1753[1], fille de Marie Joseph, esclave de monsieur de Heaulme, et dont le père est un esclave du commandant de Saint-Pierre. L’attribution du prénom Olive, sainte[2] honorée tout particulièrement dans le Porcien[3], ne peut être que le choix de Jean Roland de Heaulme, originaire des Ardennes. Enfin, le 22 octobre 1753, deux de ses esclaves se marient[4] : Narcice[5] et Pélagie[6], dont le premier est un Cafre, et la seconde, une créole.
Lorsque des esclaves mariés appartiennent au même maître, l’enfant né de leur union lui appartient entièrement. En revanche, Olive, née de parents esclaves appartenant à deux maîtres différents, devient la propriété conjointe de ces deux planteurs.
[2] Sainte Olive d’Hauteville (Ardennes) est une figure de la tradition chrétienne ardennaise du Xe siècle. Disciple de saint Berthauld, ermite installé à Chaumont-Porcien (Ardennes), elle incarne l’élan spirituel qui marqua la région à cette époque.
[4] Archives nationales d’outre-mer, registres paroissiaux (antérieurs à 1792) et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, La Réunion, Saint-Paul, année 1753, vue 18/22, consultable en ligne.
[5] Dérivé de Narcisse, du grec ancien Νάρκισσος (Narkissos). Dans la mythologie grecque, Narcisse était un jeune homme d’une grande beauté qui s’éprit de son propre reflet. Son nom est lié au mot grec νάρκη (narkē), signifiant « engourdissement » ou « sommeil profond », en référence à la fleur de narcisse qui aurait poussé à l’endroit de sa mort.
[6] Vient du grec Πελαγία (Pelagía), dérivé de πέλαγος (pélagos) qui signifie « mer » ou « haute mer ». Le prénom signifie donc « celle de la mer » ou « marine ».
Musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris), document numérique, numéro d’inventaire 75.14892, La culture du café à l’île Bourbon : vue des terrains où l’on fait sécher le grain, attribué à Jean-Joseph Patu de Rosemont (1767–1818), vers 1800, crayon, aquarelle et encre sur papier, encadré, dimensions de la feuille : 42,8 × 61,9 cm, notice descriptive consultable en ligne. [Nota bene : Jean-Joseph Patu de Rosemont (1766–1817) arrive à l’île Bourbon en 1788 après un naufrage. Planteur d’épices à Bras-Panon, il peint de nombreux paysages de l’île.]
Jean Roland possède ainsi au moins dix esclaves en « copropriété » avec d’autres personnes, parmi lesquelles figurent les sieurs Martin, Baillif, Paulet, le commandant de Saint-Paul, ou encore la Compagnie des Indes, qui organise elle-même la traite des esclaves[1] en son nom. Les planteurs ne sont pas les seuls dans la société bourbonnaise à avoir des esclaves. C’est le cas également des missionnaires.
[1] En allant les chercher, au départ à Madagascar, puis en Afrique et en Inde.
Haudrère, Philippe ; Le Bouëdec, Gérard. Les Compagnies des Indes. Nouvelle édition augmentée, mise à jour. Avec la participation du musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), Brigitte Nicolas et Louis Mézin. Rennes : Éditions Ouest-France, 2025. 171 p. : illustrations en couleur ; 27 cm. Bibliographie p. 166-168. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Roland de Heaulme décède le 3 octobre 1773, après quarante années de service au sein de la Compagnie des Indes, et s’être retiré en France continentale. Ses obsèques[1] sont célébrées près de Semblançay par le curé de l’église Saint-Etienne-du-Serrain[2]. L’acte dressé à cette occasion mentionne sa fonction d’ancien commandant du quartier de Saint-Paul, cinquième circonscription de l’île.
[2] L’église Saint-Étienne-du-Serrain a été détruite en 1800, et intégrée à Semblançay en 1821.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105350, Carte de l’Isle Bourbon apartenant aux Mrs. de la Royalle Compagnie de France, [17e siècle], carte manuscrite en couleur, 43 × 56,5 cm, orientation : vue d’est ; indication du mouillage : 18 graffes d’eau, fond de sable noir, au N. 1/4 NE. de la maison de Saint-Denis, située par 76° de longitude et 21° de latitude sud, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 2 P 4 D, consultable en ligne sur Gallica.
Selon les données actuellement disponibles, seuls trois enfants du couple formé par Jean Roland et son épouse auraient laissé une descendance. Celle-ci s’est constituée principalement par le biais de mariages avantageux avec des membres de la petite noblesse ou de la vieille bourgeoisie de l’île Bourbon, notamment les familles Hoarau et Ricquebourg, ou encore avec des familles établies en France centrale. Dans les générations suivantes, les alliances deviennent plus fréquemment endogames.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105251, Plan du cartier de St. Paul en l’île de Bourbon, par Étienne de Champion (18ᵉ siècle), plan manuscrit en couleur, 51 × 73,5 cm, échelles : mille pas géométriques [= 16,5 cm] et 800 toises [= 15,5 cm], légende « Explication des renvoys » sous le titre, note manuscrite « Cote V n° 95 » avec signature, orientation sud-ouest, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 13 P 3, consultable en ligne sur Gallica.
Marie Anne Charlotte[1], l’aînée de la fratrie, naît le 5 juillet 1733 à Saint-Paul. Elle épouse vers le 31 mars 1752, à Paris[2], Denis Toussaint Julienne, sieur d’Auzicour, né le 27 septembre 1715. Ce dernier exerce les fonctions de receveur des Aides, receveur général des Fermes du roi à Caen, puis trésorier général de l’artillerie[3]. Le couple a sept enfants[4], parmi lesquels une fille, Jeanne Marguerite, et un fils, Jean Charles[5].
[2] Actuellement, chef-lieu de la région Île-de-France et siège de la Métropole du Grand Paris.
[3] Indications des activités données dans l’acte de mariage de Jean Charles Julienne avec Marie-Françoise Lagourgue le 18 juin 1781 à Saint-Denis. Cf.archives nationales d’outre-mer, registres paroissiaux (antérieurs à 1792) et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, La Réunion, Saint-Denis, année 1781, vues 8/9 et suivante, consultables en ligne.
[4]Archives nationales d’outre-mer, COL E 233, vues 1/9 et suivantes, consultables en ligne, dossier concernant « Julienne, de, fille de Dehaulme, ancien commandant du quartier Saint-Paul à l’île de Bourbon, ancien conseiller au Conseil supérieur de la colonie ».
[5] Marié le 18 juin 1781 à Saint-Denis avec Françoise Lagourgue. Cf.archives nationales d’outre-mer, registres paroissiaux (antérieurs à 1792) et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, La Réunion, Saint-Denis, année 1781, vues 8/9 et suivante, consultables en ligne.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105389, Plan de la baye de St Paul sittuée au nord-ouest quart de nord de Lisle de Bourbon, [S.l.], [17e ou 18e siècle], 1 plan manuscrit aquarellé, 20,5 × 31,5 cm, échelle : 2 lieues [= 14 cm], image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 13 P 1 D, consultable en ligne sur Gallica.
Devenu infirme[1] depuis une quinzaine d’années, Denis Toussaint Julienne décède le 3 novembre 1800 à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe[2], commune où il résidait avec son épouse depuis au moins 1780[3].
[1] Indiqué dans une lettre du 23 février 1785, Cf. Archives nationales d’outre-mer, COL E 233 vue 2/9, consultable en ligne, dossier concernant « Julienne, de, fille de Dehaulme, ancien commandant du quartier Saint-Paul à l’île de Bourbon, ancien conseiller au Conseil supérieur de la colonie ».
[2] Commune située actuellement dans le département du Calvados, en région Normandie.
[3] Indications tirées de l’acte de mariage de leur fille Jeanne Marguerite. Cf. archives départementales du Calvados, document numérique, état civil (communes de S à V) ; Saint-Germain-la-Blanche-Herbe ; baptêmes, mariages, sépultures ; 1761-1792, 5MI 1, vue 96/82, consultable en ligne [série MI = microfilms ; sous-série 5MI = microfilms d’état civil réalisés par la Société généalogique d’Utah.]
Louis Norbert de Heaulme naît le 21 août 1737[1] à Saint-Paul et épouse Marguerite Mercier, selon le contrat de mariage daté du 11 juin 1779 par un acte notarié[2]. Il est mentionné comme commissaire des colonies de la Marine dans un document daté du 8 février 1783, jour de la « réformation[3] de l’acte de baptême[4] » de leur fils aîné, Louis Marie Joseph, initialement baptisé le 11 septembre 1771 à la paroisse Saint-Eustache à Paris. D’après ce même document, leur mariage a été célébré le 15 juin 1779 à l’église Saint-Roch[5].
[2] Archives nationales, document numérique, MC/RE/LIX/5, vue 17/36, images des répertoires du notaire Simon Provost pour l’étude LIX, répertoire chronologique pour la période du 2 janvier 1778 au 12 août 1789, mention du contrat de mariage à la date du 11 juin 1779.
[3] Ou rectification, c’est-à-dire une procédure canonique dans l’Église catholique qui consiste à corriger un acte de baptême qui présente une erreur ou une irrégularité.
[4] Archives nationales, site de Paris, Y//5102/A 1er -15 févr. 1783. Registres de tutelles. – 1er février 1783 – 1er février 1783 [sous-fonds Y//1-Y//10718 = châtelet de Paris. – Répertoire numérique, tome 1 : les chambres ; articles Y//495/A-Y//6612 = parc civil ; pièces Y//3879-Y//5219 = actes faits en l’hôtel du lieutenant civil ; Y//3879-Y//5198/B = minutes.]
[5] Archives nationales, site de Paris, Y//5102/A 1er -15 févr. 1783. Registres de tutelles. – 1er février 1783 – 1er février 1783 [sous-fonds Y//1-Y//10718 = châtelet de Paris. – Répertoire numérique, tome 1 : les chambres ; articles Y//495/A-Y//6612 = parc civil ; pièces Y//3879-Y//5219 = actes faits en l’hôtel du lieutenant civil ; Y//3879-Y//5198/B = minutes.]
L’acte de réformation corrige le nom du père, passant de Louis Milliaucourt à Louis Norbert Deheaulme de Vallombreuse. Il acte l’emploi de ce nom composé, transmis aux descendants, et affirme ainsi une nouvelle identité familiale. Cf. Archives nationales, site de Paris, Y//5102/A 1er -15 févr. 1783. Registres de tutelles. – 1er février 1783 – 1er février 1783 [sous-fonds Y//1-Y//10718 = châtelet de Paris. – Répertoire numérique, tome 1 : les chambres ; articles Y//495/A-Y//6612 = parc civil ; pièces Y//3879-Y//5219 = actes faits en l’hôtel du lieutenant civil ; Y//3879-Y//5198/B = minutes.]
Dans l’acte original, l’enfant est déclaré fils de Louis Milliaucourt, bourgeois de Paris, et de Marguerite Mercier. Cette mention est supprimée dans l’acte de réformation et remplacée par « fils de Louis Norbert Deheaulme de Vallombreuse, bourgeois de Paris, et de Marguerite Mercier, ses père et mère ». C’est à partir de ce document qu’apparaît le nom composé « de Heaulme de Vallombreuse », qui sera conservé par les générations suivantes. Le couple a également deux autres fils : François Norbert et Louis Casimir.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105390, Plan de la rade de Saint-Paul à l’Isle de Bourbon, [17ᵉ ou 18ᵉ siècle], plan manuscrit en couleur, 16 × 20 cm, avec mention manuscrite « N° 26 » en haut à gauche, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 13 P 2 D, consultable en ligne sur Gallica.
Par la suite, il est commissaire de marine en chef à Libourne (Gironde) où il est domicilié avec son épouse. Le mariage de son troisième fils, daté du 8 avril 1818 à Saint-Paul, signale que son père est commissaire des classes de Marine et que ses parents appartiennent à la paroisse de Saint-Jacques-le-Majeur de Bergerac[1].
[1] Commune située actuellement dans le département de la Dordogne, en région Nouvelle-Aquitaine.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105383, Plan d’un port à faire à la Rivière d’Abord, [17ᵉ ou 18ᵉ siècle], carte manuscrite en couleur, 54 × 46,5 cm, échelle : 80 toises [= 13 cm], légende en carton à gauche, orientation sud, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 11 P 2 D, consultable en ligne sur Gallica. [Nota bene : La rivière d’Abord prend naissance sur le territoire de la commune du Tampon (La Réunion) et termine son cours dans l’océan Indien, au niveau de la commune de Saint-Pierre (La Réunion).]
Jean Valfroy[1] (né le 13 octobre 1748 à Saint-Paul, et décédé le 11 février 1819 à Saint-Pierre) épouse Anne Marie Potier le 21 août 1775 à Saint-Paul.
[1] Saint Walfroy (ou Vulflaïc, mort vers 595) est un ermite venu s’établir dans les Ardennes près de Margut. Stylite pendant plusieurs années, il évangélise la région en détruisant un sanctuaire païen dédié à la déesse Arduinna. Sur ordre de l’évêque de Trèves, il quitte sa colonne pour fonder une église dédiée à saint Martin, devenant un centre religieux important dans le diocèse de Reims (Marne). Sa fête est célébrée le 21 octobre. Ce prénom se perpétue pendant deux siècles dans la famille Dehaulme.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8617961, Lettres patentes concernant les billets de caisse, récépissés et autres effets de la Compagnie des Indes, circulant dans les Isles de France et de Bourbon, Versailles, 25 janvier 1767, texte imprimé, in-4°, 6 p., registrées en Parlement le 31 janvier 1767, image textuelle sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21174 (14) , consultable en ligne sur Gallica.
Son dossier pour l’obtention de la Croix de Saint-Louis[1] révèle qu’il s’embarque le 10 juillet 1757 comme officier sur les vaisseaux de guerre de la Compagnie des Indes, au sein des escadres commandées par Bouvel, Dauhel et Saint Georges.
Il sert comme enseigne à bord du Fortuné, embarquant le 3 octobre 1761 et débarquant le 1er mars 1762. En mai 1763, il rejoint le Volant, qui fait naufrage ; il est alors débarqué au Cap de Bonne-Espérance, avant d’embarquer sur le Condé en novembre 1763. Il poursuit son service tout au long de la guerre[2], jusqu’à la suppression de la Compagnie des Indes et la rétrocession de l’île au roi de France.
[1]Archives nationales d’outre-mer, COL E 114, vues 1/3 et suivantes, consultables en ligne, dossier d’attribution de l’ordre de la Croix de Saint-Louis à « Deheaulme, Jean Valfroy, capitaine de milices à l’île de Bourbon ».
[2] La guerre de Sept Ans (1756–1763) est un conflit mondial opposant principalement la France et la Grande-Bretagne, avec leurs alliés respectifs, sur les terrains européens, américains, africains et asiatiques. Elle marque un tournant dans l’équilibre colonial au profit de la Grande-Bretagne.
Le 10 avril 1765, il entre dans le corps des gendarmes de la garde du Roi. Peu de temps après, il doit se rendre à l’île de France (aujourd’hui île Maurice) pour des affaires de famille. En 1772, il obtient du maréchal de Soubise[1] un congé illimité. Mais, au moment où il s’apprête à rejoindre son corps, celui-ci est réformé et supprimé.
[1] Le maréchal de Soubise (1715-1787), prince de Rohan, est un aristocrate et militaire français du XVIIIe siècle. Favori de Louis XV, il connut une carrière contrastée, marqué par la défaite de Rossbach (1757) durant la guerre de Sept Ans.
Musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 1992.147.4, Site des environs de la rivière d’Abord – Saint-Pierre, par Jean-Baptiste Geneviève Marcellin Bory de Saint-Vincent (1778-1846, dessinateur), d’après Jean-Joseph Patu de Rosemont (1747-1814, peintre), gravé par Fortier et F. Buisson, imprimé par Adam, 1804, eau-forte et burin sur papier vélin, dimensions non précisées, notice descriptive consultable en ligne.
Il poursuit sa carrière dans les milices. Le 22 novembre 1778, il est nommé capitaine d’infanterie dans ces dernières. Le 9 avril 1787, il reçoit le commandement d’une compagnie d’artillerie, à la tête des Dragons des quartiers Saint-Pierre et Saint-Louis. Il exerce cette fonction jusqu’en 1790, date à laquelle les milices sont supprimées pour faire place à l’organisation de la garde nationale, dans laquelle il est élu. Il décède en 1819.
Musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 2002.1.4, La Basse Terre (à Mr de Heaulme) : Quartier St Pierre, extrait de l’Album de La Réunion, dessin de Hastrel de Rivedoux Étienne-Adolphe d’ (1836-1837), lithographié par Honoré Clerget, imprimé par Lemercier (Paris), édité par V. Delarue et Cie (Londres) et E. Gambart, Junin et Co (2e quart XIXe siècle), lithographie sur papier, 29,6 × 41,4 cm, estampe, notice descriptive consultable en ligne. [Nota bene : la propriété est celle de Roland Valfroy Dehaulme (1782-1854).]
Il a eu sept enfants : Anne Marie Françoise (1776-1861), Marie Victoire (1778-1829), Jeanne Marie (1779-1811), Roland Valfroy (1782-1854), Elisabeth Adélaïde (1783-1857), Henry Norbert (1785-1840) et Gaspard Victor (1788-1857).
Musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 1992.24.1, Sucrerie, vue d’une habitation, Coupe d’une étuve et canot avec ses Pilons, numéro d’inventaire 1992.24.1, création/exécution par un directeur artistique au 18e siècle, auteurs Bernard Robert (éditeur, 1785, Paris) et Panckoucke (éditeur), matière et technique : eau-forte sur papier vergé, 31,7 x 46,7 cm, notice descriptive consultable en ligne.
Jean Valfroy, important propriétaire foncier, appartient à la bourgeoisie active de l’ile. Il développe l’exploitation de ses cultures de cannes à sucre en créant une première sucrerie dans la plaine du Gol, dont il se débarrasse rapidement en la revendant à un nommé Pinard.
Lavaux, Catherine. La Réunion : du battant des lames au sommet des montagnes. Paris : Éditions du Pacifique, 1991. 383 p. : illustrations ; 23 cm. Bibliographie p. 380. Index. (Exemplaire conservé dans la collection personnelle de l’auteure.)
Jean Valfroy, comme quelques autres grands propriétaires de l’île, dispose des moyens nécessaires pour prêter de l’argent à d’autres membres de la colonie. Il en tire profit, accroît sa fortune, et acquiert progressivement des biens immobiliers.
C’est ainsi qu’en 1784, François Marie Pascalis peut acheter le château du Gol, grâce à un prêt de Valfroy. Mais à sa mort en 1817, n’ayant pas remboursé sa dette, la propriété passe entre les mains de son créancier, puis à celles des héritiers de ce dernier : son fils Roland, et son gendre Laurent Philippe Robin.
Musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), n° d’inventaire ML 379 C 183. Assiette ronde en porcelaine, Jingdezhen, Chine, vers 1735-1740. Décor polychrome sur couverte, enrichi de dorure. Le médaillon central, peint en grisaille, figure une scène portuaire de style européen inspirée de Meissen. Marli orné de réserves paysagées alternant avec un fond mosaïqué. Production d’exportation réalisée sous les Qing, au début du règne de Qianlong, dans les fours de Jingdezhen.
En l’espace d’un siècle, Jean Roland Boudsocq et ses successeurs bâtissent une fortune familiale. Celle-ci est parfois fragilisée par les aléas de la conjoncture économique, comme ce sera le cas pour Bois-Rouge, propriété d’Adrien Bellier Montrose et de Clémentine de Heaulme.
Musée historique de Villèle (Saint-Gilles-les-Hauts, La Réunion), document numérique, numéro d’inventaire 1990.112, a. Arundo saccharifera, Canne de sucre ; b. Coma Arundinis saccharierce, fleure à canne de sucre, dessin attribué à Georg Dionysius Ehret, gravure attribuée à Johann Jakob Haid, 1737, estampe en manière noire (mezzo-tinto) rehaussée de couleur sur papier, 39,2 × 24,6 cm, notice descriptive consultable en ligne.
Ses descendants sont donc nombreux, bien que la mortalité infantile ait parfois été élevée. Certains demeurent attachés à leur île natale et s’investissent dans le développement agricole ou le négoce du sucre.
D’autres s’établissent hors de La Réunion, et jouent un rôle politique dans d’autres colonies, comme Henry de Heaulme (1899-1986) à Madagascar. D’autres encore s’orientent vers des carrières dans la finance, les assurances, ou les chemins de fer, en tant qu’agents de change, directeurs de banque ou responsables d’entreprises, avec des fortunes diverses.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53105374, Plan de la rade de Saint-Denis sur l’Isle Bourbon, [17ᵉ ou 18ᵉ siècle], carte manuscrite, 25 × 37,5 cm, orientation sud-est, notes manuscrites au recto et au verso, image cartographique sans médiation, reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE SH 18 PF 218 DIV 8 P 3 D, consultable en ligne sur Gallica.
Parmi les descendants de Jean Roland Boudsocq, trois figures se distinguent par leur contribution notable à la culture, aux arts et à l’histoire militaire :
Léon Dierx[1], né le 31 mars 1838 à Saint-Denis et mort le 11 juin 1912 à Paris, fils de Jacques Marais Dierx et d’Anne Marie Deheaulme, est un poète parnassien élu « prince des poètes » après la mort de Stéphane Mallarmé en 1898. Il côtoie des figures majeures telles que Paul Verlaine, Guy de Maupassant et Catulle Mendès, et joue un rôle important dans la vie littéraire française de la fin du XIXᵉ siècle. Bien que moins connu aujourd’hui que Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul, le Réunionnais a su influencer durablement la scène artistique de sa génération par son œuvre et son implication.
Henri de Vallombreuse (né le 27 juin 1856 à Saint-Denis – mort le 25 août 1919 à Paris) est un peintre et céramiste influencé par le japonisme et les Nabis. Après ses études à l’Académie Julian à Paris, il se forme à la céramique à Saint-Amand-en-Puisaye auprès d’Émile Gaubier. Sa production, reconnue pour ses émaux subtils et son esthétique naturaliste, connaît un succès national et international. Certaines de ses œuvres sont conservées au musée d’Orsay[2].
Jean de Heaulme de Boutsocq[3] (né le 9 janvier 1923 à Hanoï, Indochine française) est un officier français ayant servi comme responsable des renseignements dans la région du delta du fleuve Rouge, durant la guerre d’Indochine. Il participe à la bataille de Vĩnh Yên (du 13 au 17 janvier 1951). En 1956, il se marie avec Geneviève de Galard Terraube, née le 13 avril 1925 à Paris et décédée le 30 mai 2024 à Toulouse[4]. Affectée au Service de santé des armées et convoyeuse de l’air, elle est restée dans les mémoires comme « l’infirmière de Diên Biên Phu ».
[1] Matricule n° 42486 dans l’ordre de la Légion d’honneur, fait chevalier le 13 juillet 1890, officier le 23 juillet 1901, selon la base de données Léonore.
[3] Elevé au grade d’officier le 23 septembre 1968, et promu à celui de commandeur le 31 décembre 2015, selon le Journal officiel électronique authentifié n° 0001 du 01/01/2016, texte 3 sur 55, vue 7/103, consultable en ligne.
[4] Commune située actuellement dans le département de la Haute-Garonne, en région Occitanie.
Au XVIIIe siècle, la carte du monde se redessine au rythme du commerce maritime. L’argent extrait des mines d’Amérique alimente les échanges avec l’Asie : il paie les soieries, les épices, le thé et les porcelaines chinoises. Cette circulation des métaux, des biens et des hommes fonde une première mondialisation, où l’Europe organise les flux, mais dépend des richesses venues d’ailleurs. [Nota bene : cette carte postale, diffusée par le musée de la Compagnie des Indes (Port-Louis, Morbihan), labellisé « musée de France », est destinée principalement à un usage pédagogique et non commercial.]
De La Romagne, modeste village des Ardennes, à l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion[1]), le destin de Jean Roland Boudsocq illustre le chemin d’une famille dont l’histoire s’inscrit dans les grands mouvements de son temps.
[1] L’auteure remercie Olivia Pelletier, conservatrice en chef du patrimoine et responsable des fonds patrimoniaux Inde et Indochine aux archives nationales d’outre-mer (ANOM), Lise Di Pietro, adjointe à la directrice des archives départementales de La Réunion, ainsi que Mireille Robert, Bofwa Mukenge, Patrick Jacquemart, Michèle Jacquemart et Valérie Cadet pour les contacts, les indications et les échanges qu’ils lui ont aimablement transmis au sujet de La Réunion.
Je suis tel qu’un ponton sans vergues et sans mâts, Aventureux débris des trombes tropicales, Et qui flotte, roulant des lingots dans ses cales, Sur une mer sans borne et sous de froids climats.
Le vieux solitaire – Léon Dierx, né à Saint-Denis (La Réunion) le 10 mars 1838 et mort à Paris le 11 juin 1912.
Ses descendants les plus célèbres, de Léon Dierx à Jean de Heaulme de Boutsocq, ont marqué leur époque, témoignant d’un enracinement profond conjugué à une ouverture sur le monde. Ce parcours révèle comment une lignée locale peut s’inscrire durablement dans la mémoire collective, entre continuité et mutation.
Musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis (Morbihan). Blason de la Compagnie française des Indes : écu d’argent au chef d’azur semé de fleurs de lys d’or ; dans la partie inférieure, un fleuve couché au naturel s’appuie sur une corne d’abondance d’or. L’ensemble est timbré d’une couronne royale tréflée et soutenu par deux figures de « sauvages ». Devise en latin : Florebo quocumque ferar (« Je fleurirai partout où je serai portée »).
Drieschner, Axel ; Schulz, Barbara, Stalag III-B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol Verlag, 2006, 212 p. (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts, cahier 4). Collection personnelle de l'auteure.
8 mai 1945 – 8 mai 2025 : les soldats capturés pendant la Seconde Guerre mondiale, mémoire vive de l’histoire européenne
Les jeudi 8 et vendredi 9 mai 2025 marquent deux anniversaires majeurs : les 80 ans de la victoire du 8 mai 1945 et les 35 ans de la Journée de l’Europe, célébrée le 9 mai. Le 8 mai s’annonce comme la dernière grande commémoration en présence des témoins directs de la Seconde Guerre mondiale : anciens combattants, rescapés des camps, requis du STO[1], incorporés de force[2]… et prisonniers de guerre[3], dont le sort particulier est relégué dans l’ombre.
Capturés en masse dès 1940, contraints au travail forcé en Allemagne, ces hommes vécurent une guerre marquée par la captivité, l’attente, et un retour difficile en France.
[1] Le Service du travail obligatoire était une contrainte imposée par le régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, forçant les jeunes hommes français à travailler en Allemagne pour soutenir l’effort de guerre nazi.
[2] Les « malgré-nous » étaient des hommes d’Alsace-Moselle contraints par le régime de Vichy de rejoindre l’armée allemande après l’annexion de fait de ces régions par le IIIᵉ Reich en 1942.
[3] Les Stalags accueillaient les soldats et sous-officiers soumis au travail forcé (Zwangsarbeit), tandis que les Oflags étaient destinés aux officiers, qui bénéficiaient de conditions de vie relativement meilleures. La notion de Zwangsarbeit (travail forcé) pendant la Seconde Guerre mondiale peut, dans de nombreux cas, être considérée comme une forme de moderne Sklaverei (esclavage moderne), bien que ces deux concepts renvoient à des contextes historiques et juridiques différents.
Après avoir cherché les traces de Pierre Bonhomme, natif de La Romagne, prisonnier de guerre n° 53026 dans les Stalags allemands III-A Luckenwalde et III-D Berlin, une nouvelle mission historique et mémorielle s’est accomplie au Stalag III-B Fürstenberg[1] (Oder), actuellement Eisenhüttenstadt, en Allemagne) du jeudi 24 octobre au vendredi 1er novembre 2024.
[1] Fürstenberg-sur-Oder, commune située actuellement dans l’arrondissement de l’Oder-Spree et le Land de Brandebourg, en Allemagne, ne doit pas être confondue avec Fürstenberg-Havel, qui se trouve également dans le Land de Brandebourg, mais dans l’arrondissement de la Haute-Havel.
Ce déplacement a compris plusieurs rendez-vous avec des historiens, archivistes, bibliothécaires, documentalistes, libraires, etc., dont :
plusieurs rencontres avec Erich Opitz, historien local engagé dans la préservation de la mémoire du quartier de Fürstenberg (Oder). Président d’une association culturelle[1], membre du conseil municipal, il a publié plusieurs ouvrages[2] et articles[3] sur Eisenhüttenstadt. Il est par ailleurs collectionneur d’archives sur la Seconde Guerre mondiale (tracts, photographies, cartes postales, etc.) ;
des échanges électroniques[4] avec Axel Drieschner, historien de l’art et historien, conservateur au musée Utopie et vie quotidienne[5] (qui regroupe le Centre de documentation[6] sur la vie quotidienne en RDA[7] et des archives d’artistes[8] au château de Beskow[9]), impliqué dans les projets d’exposition et le développement des collections, co-directeur de publication avec Barbara Schulz de Stalag III-B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol Verlag, 2006, 212 p. (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts, cahier 4).[10];
une inscription à la bibliothèque municipale[11], dont le fonds documentaire actuel et varié comprend plusieurs ouvrages d’histoire locale. La délivrance d’une carte de lectrice à l’auteure a autorisé le prêt « à domicile[12] » de la monographie citée supra[13], dans le cadre d’une procédure spécifique ;
une consultation aux archives municipales[14]. Un exemplaire du titre référencé ci-dessus étant déjà conservé dans les fonds, la directrice a exceptionnellement autorisé, à titre dérogatoire et dans un cadre strictement non renouvelable, la remise d’un doublon à l’auteure ;
une visite du musée municipal[15], ancienne maison d’armateur, au style Art nouveau, arborant une façade décorée de motifs maritimes. Ses collections portent sur l’histoire locale d’Eisenhüttenstadt, et une salle en particulier est dédiée au Stalag III-B Fürstenberg (Oder) ;
des passages à l’office de tourisme[16], qui propose sur présentoir des périodiques, des monographies sur l’histoire locale, ainsi que des reproductions de cartes anciennes. Il met également à disposition, gratuitement, des dépliants[17], un livret d’accueil[18] et un itinéraire de découverte de la ville[19] ;
un tour à la librairie Thalia[20], qui comprend un rayon sur l’histoire locale, et qui vend des plans de la ville, ainsi que des cartes topographiques[21] de la région ;
une correspondance informatique avec la mairie[22] ;
une découverte de la galerie d’art de Fürstenberg (Oder)[23], qui organise un dépôt-vente d’ouvrages et d’un lot de cartes postales[24].
[2] Parmi lesquels un recueil de photographies du vieux Fürstenberg (Oder) : Gansleweit, Klaus-Dieter ; Opitz, Erich ; Schieche, Manfred, Das alte Fürstenberg (Oder), Erfurt : Sutton Verlag, 2016, 136 p.
[3] Erich Opitz a notamment rédigé la partie I (pp. 20-55) d‘une chronologie (Zeitafel) de Fürstenberg (Oder), du moyen-âge à nos jours, avec Klaus-Dieter Gansleweit, dans l’article « Fürstenberg (Oder) im Wandel der Zeiten » (« Fürstenberg-sur-Oder au fil du temps »), paru dans Gansleweit, Klaus-Dieter (dir.), Festschrift zur 750-Jahr-Feier von Fürstenberg (Oder), Heimatkalender Eisenhüttenstadt und Umgebung, 23e année, édition spéciale, 1e édition, Eisenhüttenstadt : Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V., 2005, 284 p. Erich Opitz a ensuite co-signé avec Klaus-Dieter Gansleweit, ou signé seul, les parties II à VI dans les volumes 1 (2011, 248 pages, pp. 17-42), 2 (2017, 224 pages, pp. 6-24), 3 (2020, 216 pages, pp. 6-43), 4 (2022, 203 pages, pp. 6-41), 5 (2024, 228 pages, pp. 6-37) de la revue Ganslweit, Klaus-Dieter (dir.), Fürstenberger Blätter :Beiträge zur Geschichte von Fürstenberg (Oder) und Umgebung, Eisenhüttenstadt: Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V.
[4] Étant donné qu’Axel Drieschner était en déplacement professionnel à cette période, l’auteure n’a pas pu le rencontrer en personne.
[5]Museum Utopie und Alltag (DOK-Zentrum), Erich-Weinert-Allee 3, 15890 Eisenhüttenstadt.
[6]Dokumentationszentrum Alltagskultur der DDR, organisme soutenu par le ministère des Sciences, de la Recherche et de la Culture du Land de Brandebourg, l’arrondissement de l’Oder-Spree et la ville d’ Eisenhüttenstadt.
[8]Museum Utopie und Alltag (Kunstarchiv), Breitscheidstraße 7, 15848 Beeskow.
[9] Commune située actuellement dans l’arrondissement de l’Oder-Spree et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
[10] Ce livre a joué un rôle essentiel dans la rédaction de cet article, et demeure une référence incontournable pour tout lecteur germanophone s’intéressant au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Bien que les citations complètes n’aient pas été intégrées, l’auteure reconnaît l’importance capitale de cette œuvre dans ses recherches. Elle a constitué une ressource clé pour l’analyse, et sa mention explicite dans le texte s’inscrit dans les pratiques académiques, attestant ainsi de son apport déterminant.
[12] En fait, à l’hôtel, qui, en tant que lieu d’hébergement temporaire, ne revêt pas le statut de domicile légal et ne peut, dans le cadre d’un voyage touristique, être considéré comme une adresse officielle.
[13] Ce titre est épuisé. Publié en édition monolingue allemande, il n’a à ce jour pas été traduit en français, en anglais ni en russe.
[17]Erlebnisreich Eisenhüttenstadt : die Vielfalt Eisenhüttenstadts erleben (Eisenhüttenstadt, riche en événements : découvrez la diversité d’Eisenhüttenstadt) ; Filmreich Eisenhüttenstadt : die Filmkulisse Eisenhüttenstadts erkunden (Eisenhüttenstadt, riche en films : découvrir les coulisses cinématographiques d’Eisenhüttenstadt) ; Fürstenberg (Oder) Eisenhüttenstadt : Spaziergang durch die historische Altstadt (Eisenhüttenstadt : promenade dans la vieille ville historique) ; Kunstreich Eisenhüttenstadt : Kunstwerke im öffentlichen Raum entdecken (Eisenhüttenstadt, riche en art : découvrir des œuvres d’art dans l’espace public) ; Naturreich Eisenhüttenstad t: Eisenhüttenstadt für Naturliebhaber (Eisenhüttenstadt, riche en nature : Eisenhüttenstadt pour les amoureux de la nature).
[18]Willkommen in Eisenhüttenstadt : Informationsbroschüre für Bürgerinnen, Bürger und Gäste unserer Stadt (Bienvenue à Eisenhüttenstadt : brochure d’information destinée aux citoyens et aux visiteurs de notre ville).
[19]Eisenhüttenstadt : die Planstadt zu Fuß entdecken (Eisenhüttenstadt : découvrir la ville planifiée à pied). Par « ville planifiée », on entend une ville conçue selon un plan d’urbanisme cohérent, élaboré dans le contexte politique de la RDA, l’État socialiste des années 1950.
[21] Les feuilles L3952 et L3954 de la carte topographique du Brandebourg, à l’échelle 1 : 50 000 [deux centimètres sur la carte ≙ un kilomètre dans la réalité], couvrent Eisenhüttenstadt. Elles sont éditées par le Service topographique et d’information géographique du Brandebourg (Landesvermessung und Geobasisinformation Brandenburg).
Le voyage a aussi été l’occasion de découvrir Fürstenberg (Oder), le centre historique de la ville d’Eisenhüttenstadt, mentionné pour la première fois en 1286, et qui conserve quelques traces de la Seconde Guerre mondiale :
l’église catholique Saint-Nicolas[2] (nommée d’après le patron des marins, référencée dès 1450, plusieurs fois détruite et reconstruite) ;
un remblai sur le canal Oder-Spree, utilisé depuis 1890 comme lieu de stockage et d’amarrage, rénové en 2008 avec la construction de pontons modernes, d’un embarcadère, et d’une promenade[3] ;
une « échelle céleste[4] », en fait un escalier étroit au fort dénivelé reliant le quartier de Kietz à l’Oderstraße ;
un monument[5] érigé en 1949 en l’honneur des vingt-trois membres de la flottille du Dniepr, tombés au combat au printemps 1945, lors des combats à Fürstenberg (Oder) ;
Un ancien embarcadère[6] : au lieu du pont sur la digue, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, un bac à câble actionné à la main a permis le passage jusqu’en 1996 ;
le cimetière protestant de Fürstenberg (Oder)[7], qui comprend une stèle en l’honneur de prisonniers de guerre décédés en 1939-1945, dont neuf Français[8] ;
[8] Ce lieu funéraire a été visité en compagnie d’Erich Opitz, reconnu pour ses recherches sur les sépultures oubliées, et pour sa connaissance de l’histoire des cultes des morts sous le national-socialisme à l’échelle régionale. Voir Opitz, Erich, Für Führer, Volk und Vaterland : zum regionalen Totenkult im Nationalsozialismus, Eisenhüttenstadt : Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V., 2019, 188 p.
[12] Les deux victimes du nazisme ont été fusillées le 13 février 1945. Leurs corps ont été retrouvés au Stalag III-B Fürstenberg (Oder), mais le lieu exact de leur assassinat demeure incertain. Depuis 1946, la Prinz-Carolath-Straße n’existe plus et a été renommée Fellertstraße en leur honneur.
[13] Słubice est située juste de l’autre côté de la frontière, séparée de l’Allemagne par la rivière Oder. Elle est la voisine directe de Francfort-sur-l’Oder (Frankfurt an der Oder), commune située actuellement dans l’arrondissement de Francfort-sur-l’Oder et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
[16]Altes Rathaus und Feuerwache. Ce bâtiment a servi aux pompiers jusqu’à la mise en service, en 2022, de la nouvelle caserne centrale : Zentrale Feuerwache, Oderlandstraße 18, 15890 Eisenhüttenstadt.
Pour ce qui est de sa partie moderne, Eisenhüttenstadt, qui est jumelée avec Drancy[1] depuis 1963, compte un théâtre[2], un cinéma[3], et a été le décor de plusieurs films en rapport avec la RDA[4]. La ville offre d’autre part au regard plus d’une centaine d’œuvres d’art dans les espaces publics, dont certaines en relation avec la Seconde Guerre mondiale, comme :
la place autrefois nommée « place de l’Amitié germano-soviétique[5] », et actuellement « place du Souvenir[6] », qui accueille un mémorial dédié aux prisonniers soviétiques du Stalag III-B Fürstenberg (Oder) (Les corps, déplacés lors de la construction de l’aciérie d’Eisenhüttenstadt, reposent sous un obélisque en granit, initialement destiné aux projets nazis pour Berlin[7], et réutilisé dans les années 1950) ;
la mosaïque murale[8] « Amitié entre les peuples[9] » de Walter Womacka ;
La peinture murale « Travailler pour la paix[10] » de Walter Womacka ;
La sculpture « Germania[11] Barbarica » d’Eckhard Herrmann.
[1] Commune située actuellement dans le département de la Seine-Saint-Denis, en région Île-de-France, faisant partie de la Métropole du Grand Paris. Le camp de Drancy fut le principal centre de transit des juifs arrêtés en France entre 1941 et 1944. Plus de soixante-trois mille personnes y furent internées avant d’être déportées, surtout à Auschwitz. Administré d’abord par la police française, puis par la Gestapo (abréviation de Geheime Staatspolizei, soit « police secrète d’État »), le camp fut libéré en août 1944. Il est aujourd’hui un lieu de mémoire de la Shoah en France.
[4] En 2018, Das schweigende Klassenzimmer (La Révolution silencieuse), qui raconte comment des lycéens dénoncent la répression soviétique lors de l’insurrection de Budapest, a été partiellement tourné à Eisenhüttenstadt pour recréer l’atmosphère de la RDA des années 1950. En 2019, Und der Zukunft zugewandt (sorti en France sous le titre anglais Sealed Lips), qui raconte l’histoire d’une communiste allemande accusée d’espionnage en URSS, a également été filmé dans la ville.
[7]Germania était un projet de « ville planifiée » conçu par Adolf Hitler pour transformer Berlin en une capitale mondiale monumentale, symbole de la puissance du régime nazi. Ce programme, imaginé avec l’architecte Albert Speer, prévoyait la construction de bâtiments gigantesques, notamment une grande avenue, un arc de triomphe géant et une salle pouvant accueillir jusqu’à cent quatre-vingt mille personnes. Cependant, le chantier n’a jamais été réalisé, abandonné en raison de l’évolution de la guerre et des destructions causées par le conflit.
[8] En porcelaine de Meißen : celle-ci, créée dès le début du XVIIIe siècle, se distingue par sa qualité exceptionnelle et ses designs raffinés, devenant ainsi un symbole du luxe et de l’artisanat en Europe.
[11] Germania incarne l’unité et la puissance de l’Allemagne depuis le XIXe siècle. Guerrière couronnée, armée d’une épée ou d’un bouclier, elle symbolise un nationalisme conservateur. Marianne, quant à elle, née de la Révolution française, représente la République, la liberté et la souveraineté du peuple. Coiffée d’un bonnet phrygien, elle incarne les idéaux démocratiques et laïques de la France.
En 1961, le nom de Stalinstadt disparaît au profit de celui d’Eisenhüttenstadt. La « ville sidérurgique[1] », pensée comme la « première ville socialiste d’Allemagne[2] », doit incarner le renouveau de la RDA.
En 2001, la transformation d’une partie de la ville en zone industrielle donne lieu à des fouilles d’archéologie préventive[3] .
En 2024, les vestiges témoignent discrètement d’un passé longtemps occulté. Tout a presque totalement disparu, englouti par une nature luxuriante et exubérante, qui a repris ses droits depuis des décennies. La plupart du temps, les rares ruines affleurant à la surface sont difficiles à lire et à interpréter.
Dès 1929, dans Fürstenberg (Oder), le NSDAP[1] affronte de manière paramilitaire[2] les communistes[3] et les sociaux-démocrates[4]. En mars 1933, Adolf Hitler consolide son pouvoir avec plusieurs événements clés. Le 5 mars, les élections législatives renforcent son soutien, mais sans majorité absolue.
Le 27 février, l’incendie du Reichstag permet d’adopter un décret répressif. Le 23 mars, la loi des pleins pouvoirs[5] lui donne le pouvoir de légiférer sans le Reichstag, établissant ainsi sa dictature et mettant fin à la démocratie de la République de Weimar.
[1] Le NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) était le parti dirigé par Adolf Hitler, qui a gouverné l’Allemagne sous le régime nazi à partir de 1933.
[2] Le parti politique nazi n’était pas en soi une organisation paramilitaire, mais il s’est entouré de groupes paramilitaires pour assurer sa protection, intimider ses adversaires, et soutenir l’ascension du régime nazi. Parmi les exemples les plus emblématiques figurent les SA (Sturmabteilung) ou « chemises brunes », les SS (Schutzstaffel) à la sinistre tête de mort (Totenkopf), ainsi que les Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend ou HJ, littéralement la Jeunesse hitlérienne).
[3] En riposte, les communistes utilisaient le RFB (Rotfrontkämpferbund), ou Union des combattants du front rouge, qui visait à protéger les ouvriers et à lutter contre les nazis.
[4] Pour se défendre, les sociaux-démocrates s’appuyaient sur le Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold (Bannière noire-rouge-or) , une organisation destinée à défendre la République de Weimar contre l’extrême-droite.
„Die beiden hier verwendeten Granitblöcke wurden 2011 am Ufer des Oder-Spree-Kanal in Eisenhüttenstadt geborgen. Dort überdauerten sie als Rest eines Steinvorrats, der während des Zweiten Weltkriegs für ein von Hitler in Berlin geplantes Bauvorhaben der Deutschen Wehrmacht angelegt wurde, den Neubau des Oberkommandos des Heeres mit der sogenannten„Soldatenhalle ». Um hochwertige Natursteine für dieses Bauprojekt einzulagern, entstand ab 1940 eigens eine Hafenanlage unmittelbar südlich des Stalag III-B. Beim Aushub des 400 Meter langen Hafenbeckens wurde ein Kommando französischer Juden aus dem Kriegsgefangenlager eingesetzt. Auf dem Hafengelände wurden etwa 20 000 Kubikmeter Großquader gestapelt, darunter Granit aus Skandinavien und aus den Steinbrüchen der SS, wo KZ-Häftlinge unter mörderischen Bedingungen Zwangsarbeit leisteten. Nach Kriegsende nutzte unter anderem die sowjetische Besatzungsmacht den Steinvorrat, so zum Bau der Ehrenmale in Berlin-Treptow und auf dem Platz des Gedenkens in Eisenhüttenstadt.“
Fürstenberg (Oder) tombe sous la coupe des hitlériens. Dès lors, des mesures de terreur sont instaurées dans la ville et ses alentours, et les opposants politiques sont, soit enfermés dans des centres de détention, soit envoyés dans des camps de concentration[1].
[1] Les camps de concentration ont été créés dès 1933 pour détenir les opposants politiques et d’autres groupes « indésirables ». Les camps d’extermination, ouverts en 1941, étaient spécifiquement destinés à l’assassinat de masse, principalement des juifs.
« Les deux blocs de granit utilisés ici ont été récupérés en 2011 sur les rives du canal Oder-Spree à Eisenhüttenstadt. Ils y avaient survécu comme vestiges d’un stock de pierres constitué pendant la Seconde Guerre mondiale pour un projet de construction de la Wehrmacht prévu par Hitler à Berlin, à savoir le nouveau quartier général de l’armée avec la ‘halle des soldats’. Afin de stocker des pierres naturelles de haute qualité pour ce projet de construction, une installation portuaire a été spécialement construite à partir de 1940, juste au sud du Stalag III-B. Un commando de juifs français du camp de prisonniers de guerre a été utilisé pour creuser le bassin portuaire de 400 mètres de long. Environ 20 000 mètres cubes de gros blocs de pierre ont été empilés sur le site portuaire, dont du granit provenant de Scandinavie et des carrières de la SS, où les détenus des camps de concentration étaient soumis à un travail forcé dans des conditions inhumaines. Après la fin de la guerre, les forces d’occupation soviétiques ont notamment utilisé ces réserves de pierres pour construire le mémorial de Berlin-Treptow et la place du Souvenir à Eisenhüttenstadt. »
Le bellicisme d’Adolf Hitler se manifeste à travers la préparation de la guerre, notamment avec l’action de la Wehrmacht[1]. Dès août 1938, le commandement de cette dernière se voit chargé de planifier l’installation de camps de prisonniers, en prévision des invasions de la Tchécoslovaquie (le 15 mars 1939) et de la Pologne (le 1er septembre 1939).
Ces instructions incluent la construction des camps, ainsi que des directives sur le traitement des prisonniers, notamment la surveillance, l’hébergement, le ravitaillement et le travail.
[1] Cette « force de défense » (traduction littérale en français), créée en 1935 à partir de la Reichswehr (armée nationale), comprenait l’Heer (armée de Terre), la Kriegsmarine (Marine) et la Luftwaffe (armée de l’Air). La Wehrmacht a été dissoute en 1946 après la défaite de l’Allemagne.
„Hier befand sich während des Zweiten Weltkriegs das sogenannte Mannschafts- Stammlager Stalag III B. Das Lager diente der Deutschen Wehrmacht während ihrer Angriffskriege zur Aufnahme gefangener gegnerischer Soldaten und zu ihrer Weiterführung in die regionale Kriegswirtschaft. Über das Gebiet des Deutschen Reichs waren etwa siebzig Lager gleicher Funktion und Größenordnung verteilt.
Das Stalag III B war zur Unterbringung von maximal 10 000 Kriegsgefangenen ausgelegt. Dazu wurden vierzig Baracken entlang einer zentralen Erschließungsstraße errichtet. Während des Krieges, durchliefen etwa 100 000 Gefangene das Stalag III B. Sie stammten aus Polen, Frankreich, Belgien, den Niederlanden, Jugoslawien, der Sowjetunion, den USA und aus Italien. Die Gefangenen wurden, je nach ihrer nationalen Herkunft, sehr unterschiedlich behandelt. Gegenüber den Soldaten der westlichen Alliierten beachtete man weitgehend die Grundsätze des Völkerrechts. Dieitalienischen Gefangenen dagegen wurden, da ihr Land das Bündnis mit Deutschland verlassen hatte, als „Verräter“ bezeichnet und schlechter gestellt.
Absolut menschenverachtend war die Behandlung der sowjetischen Gefangenen. Gemäß der rassistischen NS-Ideo!ogie, die sie zu „Untermenschen“ erklärte, verweigerten die Deutschen ihnen eine lebenserhaltende Ernährung, Hygiene und Medizinische Versorgung.
Mehr als 4000 sowjetische Gefangene verhungerten, deshalb im Stalag III B oder starben an Seuchen. Weitere Rotarmisten, insbesondere solchen jüdischen Glaubens, wurden zur sofortigen Ermordung an Konzentrationslager überstellt.
Das Gebeine der sowjetischen Gefangenen wurden zunächst in Massengräbern verscharrt. Bei Errichtung des Eisenhüttenwerks 1951 umgebettet, ruhen sie heute auf dem Platz des Gedenkens in Eisenhüttenstadt. 80 weiterer Opfer verschiedener Nationalität wurden auf dem Friedhof der evangelischen Kirchengemeine im Ortsteil Fürstenberg, Kastanienstraße 15 b, beigesetz.“
A la mi-septembre 1939, il apparaît que les lieux initialement prévus ne suffisent pas, si bien que la construction de nouveaux camps tels que le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) se révèle indispensable aux yeux des autorités allemandes. Ce Stalag est intégré dans le Wehrkreis[1] III Berlin Brandebourg[2].
[1] Abrégé en WK. Les Wehrkreise (circonscriptions militaires) étaient des régions militaires allemandes créées sous la République de Weimar pour le recrutement et la formation des troupes. Elles ont été renforcées par le IIIᵉ Reich pour l’organisation de la Wehrmacht.
[2] Cette zone englobait les provinces de Berlin et de la Marche de Brandebourg, avec son quartier général situé à Berlin-Grunewald.
« C’est ici que se trouvait pendant la Seconde Guerre mondiale le Stalag III-B. Ce camp servait à la Wehrmacht pendant ses guerres d’agression pour accueillir les soldats ennemis faits prisonniers et les affecter à l’économie de guerre régionale. Environ soixante-dix camps de même fonction et de même taille étaient répartis sur le territoire du Reich allemand.
Le Stalag III-B était conçu pour accueillir jusqu’à 10 000 prisonniers de guerre. À cette fin, quarante baraques ont été construites le long d’une route centrale. Pendant la guerre, environ 100 000 prisonniers sont passés par le Stalag III-B. Ils venaient de Pologne, de France, de Belgique, des Pays-Bas, de Yougoslavie, d’Union soviétique, des États-Unis et d’Italie. Les prisonniers étaient traités de manière très différente selon leur origine nationale. Les principes du droit international étaient largement respectés à l’égard des soldats des Alliés occidentaux. Les prisonniers italiens, en revanche, leur pays ayant quitté l’alliance avec l’Allemagne, étaient qualifiés de « traîtres » et traités plus durement.
Le traitement réservé aux prisonniers soviétiques était absolument inhumain. Conformément à l’idéologie raciste nazie qui les déclarait « sous-humains », les Allemands leur refusaient une alimentation suffisante, l’hygiène et les soins médicaux.
Plus de 4 000 prisonniers soviétiques sont ainsi morts de faim ou d’épidémies dans le Stalag III-B. D’autres soldats de l’Armée rouge, en particulier ceux de confession juive, ont été transférés vers des camps de concentration pour y être immédiatement assassinés.
Les ossements des prisonniers soviétiques ont d’abord été enterrés dans des fosses communes. Transférés lors de la construction de l’usine sidérurgique en 1951, ils reposent aujourd’hui sur la place du Mémorial à Eisenhüttenstadt. 80 autres victimes de différentes nationalités ont été inhumées dans le cimetière de la paroisse évangélique dans le quartier de Fürstenberg, Kastanienstraße 15 b. »
Le site de Fürstenberg (Oder) est choisi dès le 23 septembre 1939[1] par le lieutenant-colonel[2] Paul May, nommé commandant du camp de 1939 à 1940[3], après que le Dulag[4] D Amtitz[5], implanté à proximité de Guben[6] (et qu’il dirigeait) a été dissous.
Il reconnait les lieux en compagnie de représentants de l’autorité civile et du directeur de l’Office du travail[7]. Le terrain sélectionné, long de deux kilomètres, et large de cinq cents à sept cent cinquante mètres, est plat, sec, et recouvert de bruyères sur un sol sableux[8].
[1] Il existe officiellement à partir du 6 décembre 1939.
[2]Oberstleutnant (code OTAN OF-4 selon le document STANAG 2116).
[4] Le Dulag (Durchgangslager) était un camp de transit, à travers lequel passait tout prisonnier de guerre pour enregistrement, mais aussi pour vérifier son état médical.
[5] La localité, située dans la région de Gubin, est aujourd’hui connue sous le nom de Gębice, en Pologne, dans la voïvodie de Lubusz. Avant 1945, Amtitz faisait partie de l’Allemagne, mais après les accords de Potsdam, la région est devenue polonaise. Gubin, proche de Gębice, est une ville polonaise située à la frontière allemande.
[6] Commune située actuellement dans l’arrondissement de Spree-Neisse et le Land de Brandebourg, en Allemagne. Traversée par la Neisse, elle est séparée de la ville polonaise de Gubin par la frontière germano-polonaise établie après la Seconde Guerre mondiale, conformément aux accords de Potsdam en 1945.
[7]Arbeitsamt, organisme officiel responsable de la gestion du travail et de la main-d’œuvre.
[8] Pour un usage militaire, une telle terre présente l’avantage d’être sèche, bien drainée et aisée à aménager, ce qui permet l’installation rapide d’un camp. Bien qu’inexploitable sur le plan agricole ou économique, elle offre néanmoins deux atouts majeurs : un accès relativement aisé à l’eau et une desserte efficace par le chemin de fer et la route.
Le camp[1] est prévu au départ pour dix mille prisonniers[2] mais, à la fin de 1939, aucune baraque n’est encore construite pour les héberger. Les prisonniers passent donc le premier hiver de leur captivité sous des tentes, par un froid rigoureux. Les baraques, souvent construites par les prisonniers eux-mêmes, ne sont achevées qu’en août 1940. C’est à cette période que de nombreux prisonniers français y sont internés[3].
[1] Sur le plan organisationnel, il est directement issu du camp de transit d’Amtitz.
[2] Dans les faits, le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) a connu une surpopulation extrême, accueillant jusqu’à cinquante mille prisonniers de guerre à son apogée, soit cinq fois sa capacité. Cette surcharge a entraîné des conditions de détention très difficiles : promiscuité, manque d’hygiène, pénurie de soins et de nourriture.
[3] L’augmentation du nombre de prisonniers français dans les Stalags en 1940 est le résultat de la défaite rapide de la France face à la Blitzkrieg (guerre éclair) allemande lors de la bataille de France, en mai-juin.
Le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) comprend plus d’une quarantaine de baraques d’hébergement, qui ont accueilli pendant la Seconde Guerre mondiale au moins quatre-vingt mille prisonniers, toutes nationalités confondues (Américains, Belges, Français, Italiens, Néerlandais, Polonais, Soviétiques, Yougoslaves, etc.).
L’avant-camp[1] est agrémenté de parterres de fleurs et de jardins. Il regroupe les maisons des gardes du camp[2]. Elles sont à colombages[3]. Le 1er septembre 1943, le colonel[4] Albrecht Blau, commandant du camp[5], inaugure une stèle commémorative et fait planter un chêne[6], près de la voie d’accès au Stalag III-B Fürstenberg (Oder)[7].
[1]Vorlager, c’est-à-dire la zone située devant le camp.
[2] Ce sont des Unterkunftsbaracken (« baraques d’hébergement » ou « baraques de logement ») et plus exactement des Stabsbaracken (« baraques du personnel », ou « baraques du commandement »). Datant de la Seconde Guerre mondiale, elles comptent parmi les rares encore conservées. Elles sont aujourd’hui utilisées par un refuge pour animaux, plus précisément un chenil : Tierheim/Tierpension Eisenhüttenstadt e.V., Oderlandstraße 3b, 15890 Eisenhüttenstadt.
[3] « Mur en charpente dont les vides sont remplis de briques, de torchis ou de plâtre. Par extension. Les parties visibles de cette charpente. Une maison alsacienne, normande, à colombages. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[4]Oberst (code OTAN OF-5 selon le document STANAG 2116).
[5] Il l’a dirigé du 15 avril 1943 au 25 février 1945. Son cadavre a été retrouvé le 30 août 1945 au Gamskarkogel, sommet de 2 467 mètres dans le massif de l’Ankogel, en Autriche.
[6] Tous les deux sont encore visibles actuellement. Une allée de bouleaux reliait d’autre part le tronçon de route entre les troupes et le camp de prisonniers, et quelques-uns de ces arbres subsistent.
[7]Lagerzufahrt . Dans le contexte d’un camp nazi comme un Stalag, ce terme désigne généralement la route d’accès principale utilisée pour les transports de prisonniers, de matériel ou de personnel.
Défilé de soldats allemands dans le quartier de Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Cette entrée[1], tournée vers la ville, est dominée par une tour de guet[2] en briques, très massive, alors que les autres miradors de surveillance sont en bois. Elle regroupe les bureaux de la Kommandantur[3], de l’Abwehr[4], de la poste, des bâtiments (pour la désinfection ou le stockage de combustible), et des ateliers[5]. Le camp est entouré extérieurement d’une double clôture de barbelés, dont les poteaux sont enterrés d’au moins cinquante centimètres.
[3] Le terme Kommandantur désigne les services de commandement militaires allemands, le bâtiment où ils sont installés, ainsi que le territoire qu’ils administrent. Dans certains contextes, il peut être traduit par PC (poste de commandement), notamment lorsqu’il se réfère à l’endroit où les autorités militaires exercent leur commandement.
[4] L’Abwehr (défense, riposte, parade), service de renseignement militaire allemand, a été fondée le 1er janvier 1921, en succession du Service IIIb (Abteilung ou Sektion IIIb, soit section IIIb) de la Première Guerre mondiale. Chargée du Gegenspionage (contre-espionnage), du Auslandsnachrichtendienst (renseignement extérieur) et du Sabotage (sabotage), elle est dirigée par l’amiral Wilhelm Canaris à partir de 1935. En conflit croissant avec la SS (Schutzstaffel, escadron de protection), accusée de trahison, elle est dissoute par Adolf Hitler le 18 février 1944.
[5] Les locaux non destinés à l’habitation sont désignés comme Lagerbaracken (baraques de stockage) ou Lagerflächen (zones ou surfaces de stockage).
Le miroir routier ou miroir de sécurité qui se voit à gauche a pour but d’améliorer la visibilité dans les zones où le champ de vision est réduit, notamment aux intersections. Entrée du Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Cette structure du camp est identique à celle du Stalag III-A Luckenwalde[1] ou du Stalag XVII-B Gneixendorf[2], où Pierre Bonhomme a été prisonnier de guerre, ainsi qu’à de nombreux autres camps[3]. Il est à noter que ce camp n’a pas d’hôpital mais de simples infirmeries jusqu’en 1944[4].
[1] Commune située actuellement dans l’arrondissement de Teltow-Fläming et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
[2] Village rattaché à Krems an der Donau (Krems-sur-le-Danube), commune située actuellement dans le district (Bezirk) de Krems et le Land de Basse-Autriche, en Autriche.
[3] Les Stalags II-A Neubrandenburg, III-A Luckenwalde, IV-B Mühlberg, VII-A Moosburg, IX-A Ziegenhain, X-B Sandbostel et XVII-B Gneixendorf sont tous construits sur le même modèle. Au Stalag VIII-A Görlitz, le plan a été légèrement modifié.
[4] Cette année-là, une annexe du camp de concentration de Sachsenhausen fut établie au sein de la nouvelle verrerie.
Baraques des gardes du Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
A l’intérieur du camp, d’autres clôtures divisent l’espace en fonction des nationalités. Chaque enclos compte en général cinq baraques, chacune ayant une capacité approximative de deux cent cinquante hommes.
Leur comptage se fait dans le sens des aiguilles d’une montre : celles numérotées de 5 à 24 se trouvent à l’ouest, tandis que celles de 25 à 44 sont à l’est. La partie française regroupe notamment les baraques 6 et 8, tandis que la baraque 41 accueille des Français employés au service du camp.
La cuisine est dans un bâtiment de soixante-sept mètres de long sur treize de large, séparé par des barbelés des hébergements. L’endroit comprend des locaux à ordures, des espaces pour le stockage des denrées alimentaires, et une zone de lavage des ustensiles de cuisine.
Lagerstraße (route du camp) du Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Extérieurement, les baraquements sont des constructions en briques. Intérieurement, ils sont divisés en plusieurs parties :
deux dortoirs respectivement de vingt-cinq et trente mètres, chacun comportant plus de cent prisonniers. Ces derniers ne disposent que d’une surface de deux mètres carrés cinquante. Elle est réduite à un mètre carré soixante-dix en cas de surpopulation[1].
Un espace central réservé aux salles d’eau : la première, destinée à l’hygiène corporelle ; la deuxième, au lavage du linge ; la troisième, probablement au séchage.
[1] Le camp a pu être plus peuplé que la ville elle-même.
Ce Stalag sert d’accueil, de centre administratif pour les prisonniers de guerre qui y arrivent. Ils sont enregistrés et, après la quarantaine habituelle, transférés dans des commandos de travail à l’extérieur des camps.
Lorsque la main-d’œuvre du Wehrkreis III Berlin Brandebourg est détachée du Stalag III-B Fürstenberg (Oder), elle est rattachée administrativement au Stalag III-D Berlin, et répartie dans des camps secondaires disséminés en dehors de la capitale[1].
[1] Plusieurs Schattenlager (camps satellites, ou « camps de l’ombre ») ont été installés à Berlin et dans ses environs pendant la Seconde Guerre mondiale.
„Gesprengte Oderbrücke. Am 6. 2. 1945 sprengte der Baupionier Justus Jürgensen mit einer Handgranate die Oderbrücke, nachdem die Zündleitung versagte. Er ließ dabei sein Leben.“
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
« Pont sur l’Oder détruit. Le 6 février 1945, le pionnier du génie civil Justus Jürgensen fit sauter le pont sur l’Oder à l’aide d’une grenade à main après que le dispositif de mise à feu eut échoué. Il perdit la vie dans l’opération. »
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
„Gesprengte Neue Deichbrücke (I). Von 1945 bis 1996 ersetzte die Fähre die gesprengte Deichbrücke.“
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
« Le nouveau pont de la digue détruit (I). De 1945 à 1996, le ferry a remplacé le pont de la digue détruit. »
Reproduction moderne d’une carte postale ancienne issue du lot Historische Brückeansichten von Fürstenberg/Oder (Vues historiques du pont de Fürstenberg/Oder). Collection personnelle de l’auteure.
L’évacuation du Stalag III-B Fürstenberg (Oder) commence avec l’avancée des troupes soviétiques dans de très mauvaises conditions, avec le froid, le manque d’eau et de nourriture. Le 4 février 1945, le pont sur l’Oder est détruit, lors de la retraite allemande. Le 9 février, l’évacuation des habitants de Fürstenberg (Oder) est ordonnée.
„An der Stelle der am 23.04.1945 gesprengten Brücke entstand in den Jahren 1995/96 diese „Neue Deichbrücke“. Ermöglicht wurde der Wiederaufbau durch Gelder des Landes Brandenburg, der Stadt Eisenhüttenstadt und vieler Bürger aus Fürstenberg/Oder, die nach Ende des 2. Weltkrieges für diese Brücke spendeten.“
« À l’emplacement du pont détruit le 23 avril 1945, ce ‘nouveau pont sur la digue’ a été construit en 1995/96. Sa reconstruction a été rendue possible grâce aux fonds du Land de Brandebourg, de la ville d’Eisenhüttenstadt et de nombreux citoyens de Fürstenberg-sur-Oder qui ont fait des dons pour ce pont après la fin de la Seconde Guerre mondiale. »
Désertée, la ville est prise par la 33e armée (URSS)[1] le 24 avril 1945. Les prisonniers sont dirigés sur le Stalag III-A Luckenwalde. Quant aux captifs soviétiques, fragilisés par leurs conditions de détention, beaucoup trouvent la mort.
[1]33-я армия (СССР), unité de l’Armée rouge durant la Grande Guerre patriotique.
Les baraques, bien que situées sur la ligne de front à Fürstenberg (Oder), sont épargnées[1]. Jusqu’à l’automne 1947, elles sont occupées par l’Armée rouge, avant d’être habitées par la population locale. La Wehrmacht a creusé des tranchées et posé des champs de mines le long du canal Oder-Spree.
Des démineurs sont désignés par les Soviétiques parmi les habitants de Fürstenberg (Oder), une dizaine d’hommes, ainsi que six adolescents, membres des Jeunesses hitlériennes, perdent la vie dans des explosions.
[1] La ville a connu des combats isolés et des tirs d’artillerie, mais n’a pas subi de destructions majeures.
„Ewiger Ruhm den Helden die im Kampf für die Freiheit und Unabhängigkeit unserer Heimat gefallen sind.“
Après la création de la RDA le 7 octobre 1949, la décision de construire un combinat sidérurgique est prise lors du IIIe congrès du SED[1] en juillet 1950. Le terrain du Stalag III-B Fürstenberg (Oder) est transformé au sud en un complexe industriel (usine de ciment, extension de voies ferrées[2] publiques ou privées[3], etc.).
Il se trouve plus tard intégré dans la création d’une « ville nouvelle », Stalinstadt[4], dont Fürstenberg (Oder) est désormais un simple quartier.
[2] Dès le milieu du XIXe siècle, Krupp fournissait des produits en acier moulé pour l’industrie ferroviaire en plein essor. Le nom du conglomérat industriel allemand apparaît sur certains rails d’Eisenhüttenstadt.
[3] Les embranchements particuliers (EP sous une forme abrégée en France) désignent des sections de voie ferrée raccordées au réseau principal, et utilisées par des entreprises pour leurs besoins logistiques.
[4] Ou « ville de Staline », appelée ainsi de 1953 à 1961, sur le modèle de Stalingrad, qui porta ce nom de 1925 à 1961 avant d’être rebaptisée Volgograd.
En 1940, la société allemande Degussa[1] acquiert auprès de la municipalité un terrain convoité par Siemens & Halske AG[2], situé à proximité du camp. Elle y implante un complexe chimique destiné à la production de sodium, de formaldéhyde et d’autres substances utilisées dans la fabrication d’explosifs.
[1] Fondée en 1873, Degussa (Deutsche Gold- und Silberscheideanstalt vormals Roessler) était à l’origine spécialisée dans le raffinage des métaux précieux en Allemagne. Avant 1933, elle dominait ce secteur, puis elle s’est progressivement diversifiée, devenant un acteur important de la chimie industrielle et d’autres domaines liés à l’industrie lourde.
Lors de la deuxième phase d’extension, la production de carbure de calcium est introduite, suivie, dans une troisième phase, de la fabrication d’acétylène, de peroxyde de sodium, de cyanure de sodium, d’acide cyanhydrique, d’examéthylènetétramine, d’acétaldéhyde, d’ester acétique, d’acétone et d’acétone-cyanhydrine.
Opitz, Erich, Für Führer, Volk und Vaterland : zum regionalen Totenkult im Nationalsozialismus, Eisenhüttenstadt : Bürgervereinigung Fürstenberg (Oder) e. V., 2019, 188 p. Collection personnelle de l’auteure.
Près de deux mille prisonniers de guerre ont été employés pour transformer la ville en site d’armement. Or, selon les conventions de Genève, le travail dans des usines produisant des substances pour l’effort de guerre, comme des explosifs, constitue une violation flagrante du droit international humanitaire.
En janvier 1941, deux cent dix hommes travaillent sur le chantier de Degussa, et de nombreux prisonniers de guerre les rejoignent par la suite. La société exploite la main-d’œuvre bon marché fournie par les victimes de guerre. Elle n’est pas seule : en 1943, cinq cents juifs polonais déportés sont employés non seulement pour cette entreprise, mais aussi sur le chantier de construction d’une centrale électrique MEW[1], près de Vogelsang[2].
Après la Seconde Guerre mondiale, l’usine Degussa est démantelée, et l’extraction du lignite reprend à Schönfließ[1]. Les machines et installations sont démontées, puis transportées par bateau comme réparations de guerre. Les bâtiments détruits sont déblayés, et les décombres sont mis à la disposition des habitants pour le programme de reconstruction et de réaménagement du sol.
[1] Schönfließ était à l’origine un village indépendant, devenu en 1961 un quartier historique d’Eisenhüttenstadt. Il a connu une activité industrielle dès la découverte de lignite en 1847, avec le début de son exploitation en 1858. Après une relance temporaire de l’extraction en 1947, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation a finalement cessé de façon définitive en 1952.
Le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) sert de réservoir de main-d’œuvre pour les secteurs industriel, minier, agricole et sylvicole. Cependant, les prisonniers y restent rarement plus de six à huit semaines, le temps nécessaire pour les formalités administratives et la quarantaine.
Drieschner, Axel ; Schulz, Barbara, Stalag III-B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol Verlag, 2006, 212 p. (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts, cahier 4). Collection personnelle de l’auteure.
Ils sont ensuite répartis dans divers commandos de travail, selon le lieu, la taille de l’entreprise et les compétences requises. Les conditions de vie varient considérablement d’un endroit à un autre. Par ailleurs, les besoins en travailleurs dépassent souvent largement les capacités du camp, malgré le grand nombre de prisonniers de guerre disponibles.
Le ministère du Travail du Reich[1] constate ainsi que la Wehrmacht n’a pu fournir que vingt mille des vingt-huit mille prisonniers demandés par le Wehrkreis III, mettant en péril la récolte des betteraves.
Groupe de prisonniers au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Depuis 1940-1941, les employeurs de prisonniers français (principalement issus de l’armée de Terre) sont satisfaits de leur travail, et ne souhaitent pas les remplacer par des prisonniers soviétiques, malgré les propositions faites à cet effet. En effet, l’état de faiblesse de ces derniers les rend inaptes au travail, et non « rentables ».
Les prisonniers de guerre français sont employés essentiellement dans la production d’armement, tandis que les projets de construction d’autoroutes, pour lesquels ils avaient été initialement affectés, sont abandonnés.
Groupe de prisonniers au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Le commandant du Stalag est en théorie responsable de l’application des conventions de Genève, tant dans les camps principaux que dans leurs satellites. Le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) faisant partie du Wehrkreis III Berlin Brandebourg, son territoire correspond avec celui de l’Office du travail du Land de Brandebourg et de la région métropolitaine de Berlin-Brandebourg.
Il a pour attribution le gouvernement de l’arrondissement de Francfort-sur-l’Oder, dans le Land de Brandebourg. Néanmoins des changements interviennent par la suite après la création du Stalag III-D Berlin et du Stalag III-E Kirchhain[1].
[1] Doberlug-Kirchhain, commune située actuellement dans l’arrondissement de l’Elbe-Elster et le Land de Brandebourg, en Allemagne.
La Wehrmacht viole de plus en plus les règles des conventions de Genève. En pratique, le traitement des prisonniers varie selon leur nationalité, en fonction de la position politique de leur pays d’origine, et de critères ouvertement racistes. Les plus maltraités sont les Soviétiques.
À partir de 1943, le Stalag III-B Fürstenberg (Oder) fait l’objet de visites du Comité international de la Croix-Rouge, chargé de veiller au respect des conventions de Genève. Toutefois, ce contrôle reste très limité.
Livraison de colis par la Croix-Rouge au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Si des inspections sont autorisées dans les camps où sont détenus des prisonniers de guerre occidentaux (français, britanniques, américains), les représentants de la Croix-Rouge sont tenus à l’écart des zones de détention réservées aux prisonniers soviétiques, que l’Allemagne nazie ne reconnaît pas comme protégés par ces conventions.
L’envoi de colis et les visites, strictement encadrés, ne permettent qu’une intervention restreinte, souvent instrumentalisée par le régime à des fins de propagande.
Dans les premiers temps de détention au Stalag III-B Fürstenberg (Oder), des prisonniers français mettent fin à leurs jours[1]. Après le choc de la défaite, la capture, puis les transferts successifs — d’un Frontstalag[2] à un Dulag, puis à un Stalag, souvent entassés dans des wagons à bestiaux —, ils arrivent épuisés, affamés, sans nouvelles de leurs proches.
[1] Six suicides ont été recensés par le bureau d’état civil d’Eisenhüttenstadt.
[2] Abréviation de l’allemand Front-Stammlager, « camp principal de front », ce terme désigne un camp de prisonniers de guerre installé par l’armée allemande à proximité du front, notamment en France occupée, pendant la Seconde Guerre mondiale.
À la gare de marchandises de Fürstenberg (Oder), il leur reste encore plusieurs kilomètres à parcourir à pied, généralement dans l’obscurité. Face à l’incertitude, à l’isolement, à la douleur physique et à la souffrance morale, certains ne supportent plus cette accumulation d’épreuves.
Certains prisonniers français trouvent un peu d’espoir dans la culture, grâce à une partie de baraque transformée en bibliothèque, salle de lecture et de classe, tandis que d’autres se tournent vers la religion, avec une chapelle aménagée dans une autre section de baraque.
Salle de lecture et de classe au Stalag III-B Fürstenberg (Oder). Photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia, tirage argentique (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Erich Opitz).
Tous endurent des années de privations, de peur et de violences jusqu’à la libération du camp par les Soviétiques à la fin du mois d’avril 1945.
« Вечная слава героям — морякам Краснознаменной ордена Ушакова Днепровской флотилии, павшим в боях за честь, свободу и независимость Советской Родины.
« Gloire éternelle aux héros, marins de la flottille du Dniepr[1] décorée de l’Ordre de l’Étoile rouge[2] et de l’Ordre d’ Ouchakov[3], tombés au combat pour l’honneur, la liberté et l’indépendance de la patrie soviétique.
Matelots[7] : Borovykh D.T., Beltikov A.L., Bogdanov E. I., Vandychev Iou.V., Gogolev V. N., Dorofeev A.D., Zalivin A.M., Kapriilov F.M., Kouznetsov V.N., Novojilov V.A., Nojlev N. Kh., Polovenko L. Ia., Smakovoi C. Ia., Smirnov I. M., Trofimtchouk V. N., Ufumov F. D., Chichkine E. A., Kostylevskiï Iou. D. »
[1] La flottille du Dniepr a été rétablie le 20 mars 2024, dans le cadre de la Marine russe.
[2] L’ordre de l’Étoile rouge (Орден Краснoй Звезды), décoration militaire soviétique, a été instituée par décret le 6 avril 1930.
[3] L’ordre d’Ouchakov (Орден Ушакова), distinction honorifique navale, a été créée en Union soviétique le 3 mars 1944. Elle rend hommage à Fiodor Fiodorovitch Ouchakov, un amiral russe du XVIIIe siècle.
[4]Лейтенант (« lieutenant »). Ce grade est approximativement équivalent à « enseigne de vaisseau de première classe » dans la Marine française (code OTAN OF-1 selon le document STANAG 2116).
[5]Старшина 1-й статьи (« maître de première classe »). Ce grade est approximativement équivalent à « maître » dans la Marine française (code OTAN OR-6 selon le document STANAG 2116).
[6]Старший краснофлотец (« marin rouge de première classe »). Ce grade est approximativement équivalent à « quartier-maître de première classe » dans la Marine française (code OTAN OR-4 selon le document STANAG 2116).
[7]Краснофлотец (« marin rouge »). Ce grade est approximativement équivalent à « matelot de deuxième classe » dans la Marine française. Le terme a été remplacé en 1946 par « матрос » (matelot), dénomination plus classique (code OTAN] OR-1 selon le document STANAG 2116).
La présence du camp est bien connue de la population locale, et ce d’autant plus qu’une route, le long de laquelle se promènent les habitants, borde les barbelés du Stalag III-B Fürstenberg (Oder).
Avant 1945, Fürstenberg (Oder) fait partie de la province de Brandebourg, qui intègre le royaume de Prusse, puis l’État libre de Prusse sous la République de Weimar et le Troisième Reich. Après la guerre, les Alliés dissolvent officiellement la Prusse en 1947, redistribuant son territoire entre de nouvelles entités administratives.
L’État militaire prussien, fondé sur une armée disciplinée, joue un rôle clé dans l’unification de l’Allemagne sous Bismarck au XIXe siècle. Bismarck utilise les guerres pour créer l’Empire allemand.
Plus tard, Adolf Hitler radicalise ce militarisme pour mener des guerres d’agression[1] et commettre des atrocités durant la Seconde Guerre mondiale. Le procès de Nuremberg met en lumière la fois la continuité et la rupture entre ces deux périodes.
[1] Invasions menées par l’Allemagne nazie et ses alliés pour étendre leur territoire et imposer leur idéologie.
Le général Hermann Reinecke (1888-1973), chef de l’Office général de la Wehrmacht[1], acteur central de la politique répressive à l’égard des prisonniers de guerre et du travail forcé[2], est jugé pour cela puis a vu sa peine réduite[3].
[1] L’AWA (Allgemeines Wehrmachtamt, ou Office général de la Wehrmacht) était un service central de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW), le haut commandement militaire du IIIeReich. Il gérait les affaires administratives générales des forces armées, dont l’organisation, la législation militaire, le personnel et la coordination entre les différentes armes.
[2] Le procès de Nuremberg s’est tenu du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 au palais de justice de Nuremberg. Ce tribunal militaire international a jugé les principaux responsables nazis pour leurs crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes contre la paix.
[3] Condamné à la réclusion à perpétuité en 1948 pour crimes de guerre, il a été libéré en 1954, dans le contexte du réarmement de la RFA (République fédérale d’Allemagne). Il incarne pourtant le type du général étroitement lié au régime nazi.
Pour de nombreux autres officiers de la Wehrmacht impliqués dans la gestion des camps de prisonniers, les poursuites ne sont pas à la hauteur de ce qu’elles auraient dû être, ces derniers occupant, quelques années après la Seconde Guerre mondiale, des postes importants dans la Bundeswehr[1].
[1] La Bundeswehr est l’armée nationale, créée en 1955 après la Seconde Guerre mondiale pour défendre la RFA dans le cadre de l’OTAN.
La loi Dreher du 1er octobre 1968 entraîne l’arrêt de nombreuses procédures judiciaires pour crimes nazis, en fixant un délai de prescription à vingt ans, empêchant ainsi de juger de nombreux responsables.
Quant au Stalag III-B Fürstenberg (Oder), il demeure aujourd’hui absent de l’espace public : aucune signalétique, aucun transport en commun ne permet d’y accéder, et les brochures touristiques l’ignorent totalement.
Enfoui sous des friches industrielles ou dissimulé sous la terre, il semble littéralement effacé du paysage – comme enseveli sous une chape de béton, matérielle et mémorielle. Cette disparition interroge : comment un site d’une telle importance historique a-t-il pu être relégué au silence spatial et symbolique ?
Le drapeau français prend une dimension particulière le 11 novembre, jour de commémoration de l'armistice de 1918. En ce jour de mémoire, il symbolise non seulement les valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité – mais aussi l'hommage rendu aux soldats tombés pour la France lors de la Première Guerre mondiale. Arboré lors des cérémonies, le drapeau rappelle le sacrifice et le patriotisme de ceux qui ont combattu pour protéger ces idéaux, unissant ainsi la nation dans le souvenir et le respect.
Selon l’INSEE[1], « Le recensement de la population a pour vocation principale de mesurer le nombre d’habitants sur un territoire et d’en connaître les caractéristiques socio-démographiques[2]. »
De tels dénombrements remontent à l’Antiquité. L’un des plus connus est celui de l’empereur Auguste[1], lors duquel Joseph et Marie doivent être répertoriés à Bethléem.
[1] Contrairement aux affirmations de l’évangéliste dans Luc, II,1-5, le recensement de Quirinius en Judée et en Syrie ne serait pas la version régionale d’un dénombrement global. Si l’activité censoriale augustéenne est attestée, son homogénéité est contestée.
En ce qui concerne la France, le comptage des habitants est confié avant la Révolution aux curés, qui informent l’intendant de la province du nombre de feux et de communiants dans leur paroisse. Ils se fondent alors sur le calcul suivant : un feu comprend en moyenne quatre personnes, et un communiant représente généralement trois habitants.
Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1, [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série F = population – économie – statistiques, sous-série F1 = population : mouvement, recensement (liste nominative, récapitulatif), 1911-1931], dénombrement de 1918, pages non paginées, vues 1/15 et suivantes, consultables en ligne.
Le premier recensement postrévolutionnaire date du 20 floréal an VIII[1]. Ensuite, ils sont très réguliers et, à partir de 1876, ils se déroulent en théorie tous les cinq ans. C’est en cela que le recensement de 1918 à La Romagne peut susciter des interrogations, le précédent ayant eu lieu en 1911. Il y aurait dû en effet en avoir un en 1916, ce qui n’est pas le cas. La période de guerre explique ce décalage[2].
[2] Une annulation s’observe pour la Seconde Guerre mondiale, le recensement passant directement de 1936 à 1946.
Celui qui est prévu en mars 1906 intègre un nouvel élément, en dehors de ceux précédemment relevés (nom, prénom, âge, lieu de naissance, adresse, profession, personnes vivant à la même adresse). Ce sont les caractéristiques des habitations. Jusqu’en 1918, aucune liste nominative ne peut être consultée pour La Romagne. Ces documents semblent avoir disparu, à l’exception de quatre feuillets concernant le recensement de 1911, à l’état de conservation très lacunaire[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1, [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série F = population – économie – statistiques, sous-série F1 = population : mouvement, recensement (liste nominative, récapitulatif), 1911-1931], dénombrement de 1911, pages non paginées, [vues 1/4 et suivantes, non consultables en ligne à la date du 11 novembre 2024, en cours de numérisation.]
L’existence d’un recensement à la date du 1er février 1918 est très curieuse, puisque la guerre n’est pas terminée[1]. Comme le village est encore sous le joug allemand, ce document est certainement unique, sans que l’on sache parfaitement pourquoi. Aux archives départementales des Ardennes, il n’en a été trouvé aucun autre, concernant les villages du canton de Chaumont-Porcien, répertorié à cette date.
[1] Outre le traité de Versailles, le 28 juin 1919, quinze autres traités ont été signés entre 1918 et 1923 pour mettre fin à la guerre entre les différentes parties.
Il contient des renseignements sur les familles romanaises, sur des réfugiés, sur les activités imposées à la population par les Allemands. Il pallie l’absence d’autres sources, telles que des comptes rendus des réunions d’habitants (si le conseil municipal est dans l’impossibilité de tenir séance).
Quant aux archives des villages occupés par l’administration allemande, elles ont disparu dans les bombardements de mai 1940, alors que l’on tentait de les mettre à l’abri.
Le dénombrement de 1918[1] fait état de deux cent soixante-dix-neuf habitants, dont dix-sept sont absents : ce sont essentiellement les mobilisés. Il en reste donc deux cent soixante-deux, auxquels une note en ajoute deux, sans précision d’aucune sorte.
Sur la liste établie de la page 2 à 10, il est fait état de deux cent quatre-vingt-sept personnes présentes dans le village. Elles sont numérotées de 1 à 279, l’ordre alphabétique est respecté, tandis que, du numéro 280 à 287, il s’agit soit d’un ajout, soit d’un rectificatif, dont le but est d’être au plus près de la réalité.
Un certain nombre de noms est biffé. Il s’agit de personnes faisant partie des colonnes civiles, étrangères à la population romanaise. Il est possible de distinguer les autochtones des réfugiés, ou des personnes déplacées au gré des besoins allemands.
Le 30 janvier 1918, vingt-deux personnes sont ainsi rayées des listes nominatives. Au 1er décembre1917, elles se trouvaient à Herbigny[1]. Elles doivent se rendre à Mesmont[2].
[1] Actuellement, localité de Justine-Herbigny, commune du département des Ardennes, région Grand Est.
Trois enfants, âgés de cinq à sept ans, sont contraints de suivre leur mère vers cette nouvelle destination, alors qu’ils ne vivaient à La Romagne que depuis deux mois. Outre les difficultés liées à la guerre, leurs conditions de vie sont encore plus difficiles et déstabilisantes, à cause des changements imposés.
Une seconde vague de trente-cinq personnes arrive de manière échelonnée pour le battage[1]. Ce sont principalement des femmes (vingt-cinq), dont dix-huit sont sans profession, quatre appartiennent à la catégorie des ouvrières (une giletière, une écorceuse[2], deux couturières), deux travaillent dans le service (une ménagère[3] et une servante), et la dernière est employée de commerce.
Les hommes sont principalement des journaliers. Les Allemands choisissent les catégories les plus pauvres, et s’assurent ainsi d’une plus grande docilité. Les départs se font au plus tôt le 13 août, pour se terminer le 1er octobre.
En dehors de ces habitants temporaires, La Romagne compte plusieurs familles de réfugiés. Deux d’entre elles ont reçu l’ordre de quitter leurs villages respectifs, Merlet (hameau d’Aguilcourt[1]) et Courcy[2], en raison des opérations militaires sur le front de l’Aisne.
Leur arrivée date du même jour à La Romagne, le 26 novembre 1914. La troisième a vu son village, Liry[3] (à proximité de Vouziers[4]), occupé par les Allemands. Son arrivée est plus tardive, le 2 octobre 1915.
La première famille se compose du couple Victor et Louise Millart[1], de leurs douze enfants et des grands-parents maternels, Emile Gentilhomme et sa femme Eglantine Lemaire. Tous ont évacué avec un tombereau attelé à un cheval, et ont marché le plus souvent tout au long de leur parcours.
Ce dernier, qui dépasse les cinquante kilomètres, passe de Bertricourt[2] à Asfeld[3], puis à Condé-lès-Herpy, Chaumont-Porcien, Givron, les Fondys[4] et enfin La Romagne[5]. On ignore le nombre de jours parcourus sur la route.
[1] Najman, Nadine, Un seul ciel pour tout le monde : histoire d’une famille de 1914 à 1918, Vanves : Édition du bout de la rue, « Témoignages », 2024, 285 p. [Trois chapitres sont consacrés à l’évacuation vers La Romagne (Ardennes), pages 103-109 ; 170-173 et 233-239. Des éléments sont repris sous une forme synthétique dans ce passage, avec l’accord de l’auteure de l’ouvrage.]
Portrait de Raymond Millart enfant, photographie ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en sépia), légendée à l’encre bleue au verso « Raymond Millart né le 28 mars 1912 vers 1916 à La Romagne Ardennes évacué de Merlet où se trouvait le front pendant la guerre 1914-1918 », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Nadine Najman).
Les premiers temps, les Millart sont répartis entre plusieurs lieux de la commune. Mais la mère, qui souhaite voir sa famille réunie, demande un logement aux autorités allemandes. Elle obtient une maison au n° 18 de la rue Haute[1], avec pour voisin Alfred Mauroy, tandis que les grands-parents logent rue Basse (au n° 73), dans le voisinage d’Ernest Marandel.
Par deux fois, le séjour de cette famille à La Romagne est endeuillé : deux enfants naissent, un garçon en novembre 1915, et une petite fille en juillet 1917. Le premier décède le 14 mars 1916, et la seconde le 31 juillet 1917[2].
[1] Tous les numéros indiqués correspondent aux recensements de 1918 et de 1921.
[2]Archives départementales des Ardennes, 2E 369 10 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, cote 2E 369 10 = années 1913-1945, registre 1913-1939 : naissances, mariages, décès.] Exemplaire de la mairie de La Romagne, consulté avec l’aimable autorisation de René Malherbe, maire de la commune.
Najman, Nadine, Un seul ciel pour tout le monde : histoire d’une famille de 1914 à 1918, Vanves : Édition du bout de la rue, « Témoignages », 2024, 285 p. Collection personnelle de l’auteure.Jean Malherbe.René Paul Malherbe.Portraits de Jean Malherbe (né le 20 février 1913 à La Romagne) et de René Paul Malherbe (né le 19 avril 1914 à La Romagne), photographies anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées à l’encre bleue au verso « Jean Malherbe La Romagne 1916 » et « René Malherbe La Romagne 1916 », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Nadine Najman).
Sauf Louise, la mère, et les enfants les plus jeunes, qui en sont dispensés, le père, les fils aînés, et les adolescentes, sont réquisitionnés pour les colonnes civiles et le travail agricole. Deux des jeunes filles sont employées à la scierie de Montmeillant[1].
L’une d’elles, Emilienne, échappe par la suite à ce travail ingrat, en gardant Jean et René, les deux premiers enfants du couple Georges Malherbe et Lucie Bonpart.
Cartes postales allemandes anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées « Mühle Merlet » (« Moulin Merlet ») ; « Mühle Merlet nach Beschießung durch französische schwere Artillerie » (« Moulin de Merlet après le bombardement par l’artillerie lourde française. ») ; « Merlet. Blick auf die Mühle. Feldzug 1914/15 » (« Merlet. Vue sur le moulin. Campagne de 1914/15. ») ; « Innere Ansicht der Mühle Merlet nach Beschießung durch französische schwere Artillerie. » (« Vue intérieure du moulin de Merlet après un bombardement par l’artillerie lourde française. ») ; « Merlet (Frankreich) Mühle u. [und] Gehöft. Feldzug 1914 – 1915. » (« Merlet (France). Moulin et ferme. Campagne 1914 – 1915. ») ; « Merlet. Mühle » (« Merlet. Moulin. »), collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy et madame Monique Millart). [Nota bene : en paléographie allemande, l’écriture cursive (Kurrentschrift) se reconnaît à ses angles aigus. Fixée au XIXe siècle, elle a été enseignée jusqu’au début du XXe siècle.]Cartes postales allemandes anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées « Dorf Merlet nach Beschießung durch französische schwere Artillerie. » (« Le village de Merlet après le bombardement par l’artillerie lourde française. ») ; « Merlet (Frankreich) Straßeansicht. Feldzug 1914 – 1915. » (« Merlet (France) vue de la rue. Campagne 1914 – 1915. ») ; « Merlet (Frankreich). Feldzug 1914 – 1915 » (« Merlet (France). Campagne 1914 – 1915. ») ; « Merlets letze Mauerreste, Frühling 1915. » (« Derniers vestiges de murs à Merlet, printemps 1915. ») ; « Straße in Merlet. » (« Rue de Merlet. »), collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy Millart et de madame Monique Millart).
Cette famille regagne Merlet au début de 1919. Mais, comme sa ferme est totalement détruite, elle doit vivre dans des baraquements spécialement construits pour accueillir les populations de retour.
Archives départementales des Ardennes, 2E 369 10 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, cote 2E 369 10 = années 1913-1945, registre 1913-1939 : naissances, mariages, décès.] Exemplaire de la mairie de La Romagne (Ardennes), consulté avec l’aimable autorisation de René Malherbe, maire de la commune. Acte de décès de Jules Maximilien Gentilhomme, né le 9 mars 1845 à Aguilcourt (Aisne) et mort le 16 avril 1919 à La Romagne (Ardennes).
Elle subit cette situation dans l’attente de la reconstruction de son habitation, ce qui demandera quelques années. Les aïeuls sont restés à la Romagne, pour des raisons de santé. Jules Maximilien Gentilhomme y décède le 16 avril 1919[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 2E 369 10 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, cote 2E 369 10 = années 1913-1945, registre 1913-1939 : naissances, mariages, décès.] Exemplaire de la mairie de La Romagne, consulté avec l’aimable autorisation de René Malherbe, maire de la commune.
Carte postale française ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en sépia), légendée « Merlet-Aguilcourt (Aisne). Rue menant à Aguilcourt », éditée par Lessire-Millot, café-tabac, collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy et madame Monique Millart).
Vue aérienne de Merlet, hameau d’Aguilcourt (Aisne), photographie en couleurs, collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy et madame Monique Millart).
Portrait d’Anastasie Zénaïde Loutsch née Warnet, photographie ancienne en noir et blanc, tirage monochrome en sépia, collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Magalie Petit, son arrière-arrière-petite-nièce).
La deuxième famille se compose de Courcéens[1] : Dominique et Zénaïde Loutsch. Ils n’arrivent pas ensemble. Alors que la femme, Zénaïde, se retrouve à La Romagne le même jour que la famille Millart, son mari ne la rejoint que le 2 août 1915, en provenance de Tavaux[2].
[2] Actuellement, Tavaux-et-Pontséricourt, commune du département de l’Aisne, région Hauts-de-France.
Archives départementales de la Marne, 35 Fi 1 [Série Fi = documents figurés et assimilés entrés par voie extraordinaire (photographies, cartes postales, dessins, gravures ou estampes, cartes et plans, affiches) ; sous-série 35 Fi = guerre 1914-1918], cliché positif représentant un paysage de guerre en 1914-1918, auteur anonyme, légendé et daté sur le montage « V. 322. Vue prise en première ligne dans la région des cavaliers de Courcy (Marne), 15 janvier 1916. », tirage argentique d’époque en noir et blanc monté sur carton, 1916, notice descriptive consultable en ligne.
Eux aussi ont dû fuir la ligne de front, où Allemands et Français se disputent le secteur des Cavaliers de Courcy. Ce sont deux levées de terre, de part et d’autre du canal de l’Aisne à La Marne, où les belligérants ont creusé des tranchées. Dominique et Zénaïde vivent au n° 43 de la rue Haute.
Reproductions modernes de photographies allemandes anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées « Der Ausbruch des Brandes zu Liry » (« Le déclenchement de l’incendie à Liry ») ; « Das Weitergreifen des Brandes in Liry » (« La poursuite de l’incendie à Liry [Ardennes] ») ; « Nach sechsstündigen Brande Liry » (« Liry [Ardennes] après six heures d’incendie », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Odette Corneille).
La troisième famille réfugiée est une famille de cultivateurs de Liry, à une soixantaine de kilomètres. Elle est constituée du couple formé par Elisée et Thérèse Camuzet, auxquels s’ajoutent Esther Camuzet Cartelet, et deux fillettes, Marie, née en 1909, et Berthe, en 1913. Ils habitent tous ensemble au n° 55 de la rue Haute. Ils sont arrivés le 8 novembre 1915. Lorsqu’ils regagnent leur village, ils le découvrent presqu’entièrement détruit.
Reproduction moderne d’une photographie allemande ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en rouge), représentant un incendie à Liry (Ardennes) pendant la Première Guerre mondiale, collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Odette Corneille).
Reproduction moderne d’une photographie ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en sépia), légendée « Liry [Ardennes] 1919. La cloche a été enlevée par les Allemands en 1916. », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Odette Corneille).
La vie laborieuse des Romanais se poursuit, malgré toutes les difficultés engendrées par les bouleversements de la vie quotidienne, et l’arrivée de réfugiés. Les archives de 1918 font apparaître que cinquante-quatre personnes travaillent, dont sept femmes (quatre couturières, une servante, une cultivatrice et une institutrice), et quarante-sept hommes (le curé étant exclu de ce comptage, puisque son activité relève d’une vocation, et non d’un métier au sens strict).
Parmi ces derniers, trente-huit sont en lien avec l’agriculture (vingt cultivateurs et dix-huit journaliers), et les neuf autres exercent diverses professions (instituteur, négociant, appariteur), ou sont artisans (deux maréchaux-ferrants, deux vanniers, un couvreur, un cordonnier). La mobilisation a restreint cette dernière catégorie. Et l’absence d’un boulanger dans ce recensement est notable.
Se pose, d’autre part, le problème du repérage des maisons, à une époque où la poste n’a pas encore fixé leur numérotage[1] dans les villages, et ce, pour faciliter la distribution du courrier.
En s’appuyant sur les recensements de 1918 et de 1921, l’on constate qu’en 1918, la ferme Marandel (n° 64 de la rue Haute) devient le n° 1 de cette même voie en 1921, et que l’identification du bâti pourrait se faire éventuellement en zigzag en 1918 : on compte d’un côté les maisons contiguës puis, s‘il y a une place vide, on compte celle du trottoir opposé.
Dans l’état actuel de la recherche, il semblerait très hypothétique de déterminer quelle logique a été suivie. Tout au plus pourrait-on supputer, sous toutes réserves, qu’elle aurait été inspirée par l’occupant allemand[1].
[1] Parallèlement à la Straßenweise Hufeisennummerierung (numérotation en fer à cheval rue par rue), fixée par un arrêté du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III le 28 septembre 1799, il existe bien d’autres systèmes, de diverses époques, encore utilisés, de façon partielle, cumulative, et parfois sous des formes hybrides, dans certaines villes d’Allemagne, tels qu’une ortschaftsweise Durchnummerierung (numérotation continue par localité), une viertelweise Durchnummerierung (numérotation continue par quartier), une blockweise Nummerierung (numérotation par blocs), une wechselseitige oder Zick-Zack Nummerierung (numérotation alternée ou en zigzag), un block decimal system ou Philadelphia system (système décimal par blocs, ou système de Philadelphie), un metrischesSystem (système métrique), et enfin un dekametrisches System (système décamétrique). Sans compter que, depuis la mise en place de la loi du Grand Berlin (Gross-Berlin-Gesetz) le 1er octobre 1920, il n’est pas question dans cette ville de numérotation des maisons (Hausnummerierung) mais des terrains (Grundstücksnummerierung).
Sans certitude sur le mode de numérotation, il est difficile d’identifier précisément où se trouvaient les domiciles des trois familles évoquées précédemment. Cependant, en 1921, un certain nombre de maisons vides apparaît, tant rue Haute que rue Basse.
Il se pourrait qu’elles correspondissent aux habitations occupées par les troupes allemandes, et les réfugiés, pendant le conflit. Il est d’autre part impossible de formuler cette hypothèse pour les hameaux et les écarts, les maisons ayant disparu de nos jours, à quelques exceptions près.
Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1, [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série F = population – économie – statistiques, sous-série F1 = population : mouvement, recensement (liste nominative, récapitulatif), 1911-1931], dénombrement de 1921, pages non paginées, vues 1/14 et suivantes, consultables en ligne.
En 1921, tous les réfugiés, et les populations déplacées, ont quitté le village depuis un peu plus de dix-huit mois. La population s’est stabilisée, et compte désormais deux cent cinquante-neuf habitants[1], répartis dans quatre-vingt-quinze maisons sur l’ensemble du terroir de La Romagne.
Deux cent quatorze (82,6 %) habitent dans les soixante-douze maisons du village proprement dit, et quarante-cinq (17,37 %) vivent dans les vingt-trois maisons des hameaux et des écarts. La rue Langlet n’accueille plus que quatre foyers en 1921, contre cinq en 1918. La rue Canon, un seul au lieu de deux.
Alors que le taux de natalité est au plus bas durant la Première Guerre mondiale, il reprend au retour de la paix : dix naissances sont à noter depuis la fin des hostilités jusqu’au 25 mars 1921.
La population active est de quatre-vingt-sept personnes, qui se répartissent en soixante-dix-huit hommes et six femmes adultes, plus trois apprentis mineurs. Ainsi, une proportion de 33,6 % des deux cent cinquante-neuf habitants est active, tandis que les 66,4 % dits sans profession comptabilisent les personnes âgées, les enfants, et les mères au foyer.
Plusieurs d’entre elles s’occupent en fait d’un élevage domestique, et notamment de la traite, sans qu’elles soient officiellement comptabilisées comme actives : elles ne reçoivent aucun salaire.
La reprise administrative étatique montre un maillage jusque dans les plus petites communes. Les employés d’Etat, municipaux, et cantonaux, sont représentés par le percepteur, l’instituteur et l’institutrice, le garde-champêtre, et un employé de la voirie cantonale. Les chemins de fer étant encore constitués de compagnies privées[1], les deux employés concernés sont classés à part.
Par rapport au recensement de 1911, une diminution s’amorce : La Romagne a perdu vingt-deux habitants en dix ans, soit 7,8 % de sa population. Ce phénomène se remarque davantage dans les hameaux, où la décroissance la plus visible est celle des Houïs : ce hameau perd douze habitants sur les vingt-huit qu’il comptait avant le déclenchement du conflit.
C’est à la fois une des conséquences de la Première Guerre mondiale, de la poursuite du phénomène d’exode rural amorcé au siècle précédent, du développement de l’enseignement, et de l’intérêt pour des métiers aux salaires fixes, sans aléas liés à la nature.
Le drapeau français prend une dimension particulière le 11 novembre, jour de commémoration de l’Armistice de 1918. En ce jour de mémoire, il symbolise non seulement les valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité – mais aussi l’hommage rendu aux soldats tombés pour la France lors de la Première Guerre mondiale. Arboré lors des cérémonies, le drapeau rappelle le sacrifice et le patriotisme de ceux qui ont combattu pour protéger ces idéaux, unissant ainsi la nation dans le souvenir et le respect.
L’analyse comparative des recensements de 1918 et de 1921 à La Romagne met en évidence l’impact singulier de la Première Guerre mondiale sur les Ardennesfrançaises, une région lourdement et directement affectée par les combats.
Ce département a été en effet marqué par l’occupation allemande, les destructions massives de villages, les exils forcés et les déplacements de populations, autant d’événements qui ont profondément bouleversé la structure sociale et économique locale.
De fait, les hostilités ont laissé des séquelles durables sur la démographie de la région, et les premiers efforts de retour à la normalité se sont heurtés aux conséquences de la guerre.
La spécificité des Ardennes en fait donc un lieu emblématique pour comprendre l’après-guerre en France. Ici, la reconstruction s’est confrontée aux blessures matérielles et humaines laissées par le conflit. Ainsi, le 11 novembre, fête particulièrement commémorée, en plus d’honorer la mémoire des soldats, rappelle également les épreuves traversées par les civils ardennais.
Le pavoisement des édifices et bâtiments publics avec le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge est obligatoire le 14 Juillet.
Quatre-vingts ans environ se sont écoulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelques mois après la victoire, Alcide Cugnart, maire de La Romagne, écrit un discours pour le 14 Juillet[1] 1945.
Il y évoque l’histoire de la fête nationale et de sa capacité à unir le peuple français. C’est avec joie que la population romanaise retrouve la commémoration de cette journée républicaine.
Ce document d’époque a été transmis par Virginie Périn, son arrière-petite-fille, et est publié avec son aimable autorisation. Son édition diplomatique respecte les règles typographiques employées par l’auteur.
[1] « Les noms de fêtes s’écrivent avec une capitale initiale au nom caractéristique et à l’adjectif qui éventuellement le précède ». De même, « Lorsqu’une date est mentionnée pour évoquer un événement historique et que l’année n’est pas indiquée, le nom du mois prend une capitale initiale. ». En revanche, « Il s’écrira normalement si cette même date n’indique que le jour où s’est produit l’événement sans représenter son contenu historique », selon le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale.
« Mes chers concitoyens,
Enfin, après de longues années d’angoisse, nous pouvons célébrer en toute liberté notre fête nationale !
Discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 1 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Depuis les jours sombres de 1940, lorsqu’arrivait la date du 14 juillet, nos cœurs se serraient encore plus car, loin de pouvoir nous réjouir, nous avions la vue de l’ennemi détesté, maître de toute notre chère France, qui nous enlevait toutes nos libertés et voulait faire de nous un peuple d’esclaves.
Chassons de notre mémoire ces heures et ces pensées douloureuses et ne songeons qu’à la solennité qui doit émouvoir tous les cœurs républicains. Sa date, glorieuse entre toutes, nous rappelle un des événements les plus décisifs de notre Histoire.
Aujourd’hui, il n’y a plus de sujets ni de despotes, il n’y a que des citoyens instruits de leurs droits et de leurs devoirs, libres, et qui célèbrent avec gratitude l’anniversaire de leur émancipation.
Page 2 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Ce qu’était la Bastille[1] que le peuple renversa en 1789, je ne vous l’apprendrai pas. Forteresse, prison, tombeau où pourrissaient ensemble coupables et innocents, selon le caprice des grands, elle se dressait comme le symbole, le signe visible du despotisme[2] royal.
[1] La Bastille Saint-Antoine est une forteresse érigée au XIVe siècle sous Charles V. Elle protégeait la route de Vincennes à Paris. Elle devient ensuite une prison d’état. En 1789, il n’y avait plus que sept prisonniers. Elle est détruite au lendemain du mardi 14 juillet 1789 par Pierre-François Palloy (1755-1835) un entrepreneur de travaux publics et architecte.
Son existence et sa fonction étaient la conséquence du régime du bon plaisir et des lettres de cachet[1]. Son nom seul épouvantait les plus braves. Sa masse puissante et sombre, son profil dur, ses murailles hautes et muettes cadraient bien avec ce pouvoir absolu dont elle était la signification et comme le rempart.
Eh bien, en 1789, dans un élan de généreuse colère contre l’injustice et l’oppression des rois, le peuple de Paris s’empara par la force de cette forteresse qui était impénétrable et qu’on regardait comme imprenable. Et il rendit à la liberté les victimes d’une autocratie[1] qu’il était enfin las de subir.
Page 3 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Brusquement, dans le flamboiement des châteaux, les privilégiés[1] virent apparaître ce prolétariat[2] auquel ils n’avaient point pensé. Une révolution sociale était faite. Le principe était proclamé de l’égalité de tous les Français et de la suppression de tous les privilèges.
[1] Les privilèges honorifiques, fiscaux ou judiciaires.
« La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » (Constitution du 4 octobre 1958, article 2, version en vigueur depuis le 05 août 1995).
Ce principe s’inscrivait bientôt dans la déclaration des Droits de l’homme[1]. Et notre devise nationale resplendissait de 3 grands noms : Liberté ! Egalité ! Fraternité ! Fraternité !
Que notre vie se passe dans la Fraternité, dans cette belle, vivante, agissante Fraternité qui, après avoir uni la rude main calleuse de l’ouvrier et la main toute blanche de l’écrivain ou du fonctionnaire, met en contact les cœurs et les âmes.
[1] Cette déclaration est inspirée des principes des Lumières. Elle définit les droits naturels de l’homme, les droits politiques du citoyen, et reconnaît le principe de la séparation des pouvoirs.
Page 4 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Pourquoi restons-nous fidèles à cette pieuse cérémonie ? c’est que chacun de nous obéit à l’impulsion du plus noble des sentiments qui peuvent soulever l’âme humaine : le souvenir.
Un peuple ne doit pas en effet oublier ceux qui sont morts pour lui donner cette liberté qui lui a ouvert les voies du bonheur et du progrès.
Le pavoisement des édifices et bâtiments publics avec le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge est obligatoire le 14 Juillet.
Cette année, nous prendrons part à notre Fête nationale avec l’enthousiasme, la joie de notre liberté totale. Et nous communierons ensemble dans cette réconfortante pensée que la Fête de la Nation[1] est la fête de famille de l’ensemble des Français. »
[1] La fête de la Fédération est célébrée le mercredi 14 juillet 1790 pour commémorer le premier anniversaire de la prise de la Bastille. Le mardi 6 juillet 1880, le 14 Juillet devient fête nationale française. C’est un jour férié avec un défilé militaire et des festivités tels des feux d’artifice et des bals populaires.