La Romagne est un village du doyenné de Rethel (Ardennes) qui faisait autrefois partie de celui de Justine[1]. Le nom de doyen est donné aux prêtres qui sont associés à la tâche pastorale de l’évêque ou de l’archevêque, en exerçant une certaine vigilance sur la circonscription qui leur est confiée, en particulier celle de Rethel (Ardennes) puis de Chaumont-Porcien (Ardennes) après la Révolution.
Alors que l’institution des doyens remonte au VIe siècle, Hincmar[1], archevêque de Reims, leur fait obligation de visiter, au moins tous les six mois ou un an, toutes les écoles des villages, et d’en dresser un rapport. Cet usage se trouve confirmé par le concile de Reims[2] en 1583, et les doyens se voient enjoindre de visiter les paroisses de leur ressort, afin de rendre compte de leurs calendes[3] et de leurs déplacements au synode diocésain de l’évêque[4].
[1] Né vers 806 et mort le 21 décembre 882 à Epernay.
[2] Le concile de Reims est tenu par monseigneur le cardinal Louis de Guise, archevêque de Reims, et approuvé par le pape Grégoire XIII.
[3] Assemblées de curés de campagne, convoquées par l’ordre de l’évêque.
Il est aussi d’usage au XVIIe siècle dans le diocèse de Reims de donner les calendes le mardi d’avant la Pentecôte. Ces rencontres se passent à tour de rôle chez un curé du doyenné, dont la paroisse se trouve assez au centre pour que chaque prêtre participant puisse rentrer le soir dans sa propre paroisse.
Les dates sont un peu plus mouvantes au XVIIIe siècle, lorsque monseigneur de Rohan ordonne que les prêtres réguliers et séculiers tiennent à l’avenir leurs calendes séparément les uns des autres. Pour les premiers, elles ont lieu le vendredi qui fait suite au quatrième dimanche d’après Pâques, pour les autres le mardi qui précède la Pentecôte.
Au cours de ces réunions, le prêtre reçoit, à l’issue de la messe matinale célébrée en présence de tous, les saintes huiles[1]. Ces moments de partage liturgique permettent aux religieux de se retrouver, d’échanger, et même de prendre ensemble un repas. L’après-déjeuner est consacré à l’instruction de chacun : les curés peuvent faire part à l’assemblée des affaires arrivées pendant l’année dans leurs paroisses, et discuter de la conduite à tenir en pareil cas.
[1] L’Eglise catholique distingue l’huile des malades et celle des catéchumènes (qui sont bénies) du chrême (qui est consacré).
Dès les XVe et XVIe siècles, des états des doyennés destinés aux synodes diocésains sont régulièrement remplis par les doyens. Ils concernent essentiellement les problèmes matériels liés à l’entretien de l’église ou à la question de la résidence des curés.
Outre les calendes, le doyen invite les curés et les vicaires à se rendre chaque mois (sauf en hiver, où les chemins sont trop mauvais et les jours trop courts) à des conférences ecclésiastiques durant lesquelles on traite de l’Ecriture sainte, des sacrements, de la vocation. Ces réunions ne sont pas ouvertes au laïcat.
Monseigneur Le Tellier confie à ses doyens la tâche d’inspecter régulièrement les circonscriptions qui leur sont dévolues. Il fixe de manière très précise les points sur lesquels doit se porter leur attention (consécration du lieu et, si possible, la date de celle-ci, revenu de la cure, dîme, état matériel intérieur et extérieur de l’église, etc.).
Lui-même s’engage fortement : sur les cent vingt-cinq visites pour lesquelles on a retrouvé un compte rendu, il en a effectué quarante-sept personnellement[1] au cours de deux séjours (du 12 au 15 Juin 1676, et du 19 avril au 7 mai 1678).
Durant ces deux périodes, il pourvoit aux besoins les plus urgents en faisant don de calices, ciboires, aubes et autres ornements. D’autre part, il souhaite améliorer « les qualités intellectuelles et morales du clergé paroissial[1] ». Ses visites régulières donnent une photographie de l’état spirituel des prêtres et de leurs ouailles.
Avec une très grande franchise, il dresse des états où il note ses remarques sur les paroissiens, mais surtout sur les curés : il remarque aussi bien les défauts et les manques des pasteurs que leurs qualités. Rien ne lui échappe. Il note ainsi l’insuffisance de l’un qui doit « cesser ses fonctions », la colère d’un deuxième dont les emportements sont devenus « folies insupportables », l’aspect physique d’un troisième : il insiste sur sa « très méchante mine » et « sa physionomie peu avenante ».
Il critique la distraction d’un dernier, dont il fustige l’esprit « se mêlant de faire des vers ». Il lui reproche également d’être « bien évaporé ». Il sait en revanche reconnaître les améliorations dans les attitudes personnelles ou à l’égard de la paroisse. Un curé par exemple « s’est corrigé du vin et est un peu plus appliqué ».
Quant aux jugements positifs, il n’en est pas avare : Nicolas Antoine est « fort zélé, appliqué à son devoir et a remis ce peuple à son devoir ». Jean Valentin, lui, est « de bonnes mœurs et fort appliqué à sa profession ». Louis Protte est « un très bon sujet », tout comme Nicolas Jouvant, dont il est « content », ou Lambinet qui est un « très bon religieux[1] ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 137 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 137 = fonds Bouchez : histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste des prêtres des paroisses du diocèse de Reims avec appréciation des visiteurs épiscopaux, ordre alphabétique des prêtres à l’intérieur de l’ordre alphabétique des paroisses, 6 cahiers (1663-1780)].
Comme le clergé paroissial ne donne parfois pas une constante satisfaction, certains sont obligés par son ordre de rentrer dans leur couvent auprès de leurs supérieurs. Ils font alors une retraite[1] qui peut durer de quelques mois à quelques années, à moins qu’elle ne soit définitive[2].
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 136 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 136 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Deux feuilles d’explication sur le fonds Bouchez. –Résumé historique, par l’abbé Bouchez, du clergé paroissial du diocèse de Reims de 1663 à la Révolution. – Notices historiques sur le cardinal Barberini ; monseigneur Charles-Maurice Le Tellier ; les visites d’églises au XVIIe siècle ; l’établissement du grand séminaire de Reims ; les présentations aux cures ; monseigneur de Mailly et les jansénistes ; l’épiscopat de monseigneur de Rohan de 1722 à 1762 ; le mouvement des ordinations dans le diocèse de Reims ; l’état moral des paroisses sous la Révolution. – Les curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après leur ordre de succession dans les paroisses de 1663 à 1791 (2 volumes)].
Cela a été le cas pour au moins quatre d’entre eux : René Debar, Robert Davaux de Rocquigny (Ardennes), Nicolas Dehaulme et Le Heutre, sans que l’on ait toujours le motif du rappel, ni son degré de gravité : le retrait de ce dernier est assez confus, puisque l’on ne sait pas s’il a eu lieu « sur le simple ordre de monseigneur ou de sa part[1] ».
Cependant, pour monseigneur Le Tellier, un curé peut être renvoyé dans son couvent s’il fait preuve d’une ignorance habituelle de ses devoirs, mais aussi pour des excès de colère, d’intempérance, des relations et des fréquentations suspectes, de mauvaises mœurs[2].
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 20707, folio 8, doyenné de Rethel [sous-unité de description Français 20707-20770 = collection de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1710), XVIIe-XVIIIe siècle, parchemin et papier, 64 volumes, in-folio, sauf le tome XVIII in-4°, demi-reliure, manuscrit en français, cote Français 20707 = I Clergé, ordinations, séminaire (1682-1709), 235 feuillets. – Présentation du contenu : on y trouve un bref original d’Innocent XI en faveur de l’église paroissiale de Saint-André hors les murs de Reims, 1686, parchemin (fol. 6). — une lettre originale du géographe Chevallier, 1706 (fol. 29). — des pièces concernant le chapitre de Saint-Symphorien de Reims (fol. 32). — une liste des paroisses de l’élection de Rethel, avec les noms des seigneurs (fol. 46). — les serments originaux des sous-diacres ordonnés à Reims, 1682-1703, avec des notes sur leur origine et leurs fonctions].
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 137/138 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 137 = fonds Bouchez : histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste des prêtres des paroisses du diocèse de Reims avec appréciation des visiteurs épiscopaux, ordre alphabétique des prêtres à l’intérieur de l’ordre alphabétique des paroisses, 6 cahiers (1663-1780) ; cote 7J 138 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste alphabétique des prêtres du diocèse de Reims dans l’ordre alphabétique des doyennés et des paroisses, avec appréciation des visiteurs épiscopaux, 3 registres (1663-1780)].
Le doyenné de Rethel (Ardennes) a reçu en 1678 sa visite en personne. Rien ne prouve que les visites archiépiscopales[1] n’aient pas encore été plus nombreuses. Du reste, cette organisation de la visite du diocèse perdurera bien après la Révolution : monseigneur Langénieux, archevêque de Reims entre 1874 et 1905, visitera systématiquement son diocèse dans son intégralité à raison d’un quart par an[2].
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 19 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 13-28 = contrôle épiscopal, cote 7J 19 = visites pastorales. – Pouillé rédigé par monseigneur Péchenard lors des visites pastorales de monseigneur Langénieux (1877-1897)].
Pour en revenir à la période d’Ancien Régime, monseigneur de Mailly, qui succède à monseigneur Le Tellier, maintient les visites et les enquêtes régulières. Elles le sont d’autant plus qu’il s’est fait un ardent défenseur de la lutte contre le jansénisme[1], très répandu chez les curés champenois.
Il met en demeure les prêtres de se soumettre à la bulle publiée par Clément XI dite constitution apostolique Unigenitus. Il leur enjoint d’en souscrire l’acceptation, sous peine d’être interdits de leurs fonctions, et d’être excommuniés du seul fait de leur refus[2].
[1] Doctrine condamnée comme hérétique une première fois par le pape Alexandre VII le 16 octobre 1656 puis par le pape Innocent XII.
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 137/138 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 137 = fonds Bouchez : histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste des prêtres des paroisses du diocèse de Reims avec appréciation des visiteurs épiscopaux, ordre alphabétique des prêtres à l’intérieur de l’ordre alphabétique des paroisses, 6 cahiers (1663-1780) ; cote 7J 138 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste alphabétique des prêtres du diocèse de Reims dans l’ordre alphabétique des doyennés et des paroisses, avec appréciation des visiteurs épiscopaux, 3 registres (1663-1780)].
En revanche, ses successeurs agissent de manière différente. Armand-Jules de Rohan (1722-1762) n’a pratiquement jamais visité lui-même son diocèse. Le soin en est laissé aux doyens et aux vicaires généraux : l’un d’entre eux inspecte les vingt-six paroisses du doyenné de Rethel (Ardennes) du 6 au 24 septembre 1745. Du reste, tout comme Charles-Antoine de la Roche-Aymon, il a rarement résidé dans son diocèse.
Pour le second, cela s’explique par ses fonctions de grand aumônier du roi qui le retiennent à la cour. Son coadjuteur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, nommé dès 1766, introduit de la modernité en mettant en place l’emploi généralisé de l’imprimerie : les enquêtes sont désormais des questionnaires adressés aux curés de chaque village.
Le déroulé d’une visite, en 1710, suit le schéma suivant, répondant aux instructions détaillées données par monseigneur Le Tellier : elle commence par des notes nominatives sur l’église et les personnes qui le gèrent (prêtre, présentateur, décimateur).
Puis l’inspecteur passe en revue le revenu de la cure. Il observe l’état de l’église, la présence d’ornements, ce qui doit être corrigé, le presbytère[1] et le nombre de communiants. Ensuite, les assistants ont le droit et le devoir de faire entendre leurs observations relatives à l’exercice du culte dans les paroisses.
[1] Ce dernier doit être à proximité de l’église, afin que le curé soit au plus près de ses paroissiens. Il est ainsi plus à même de répondre à leurs demandes.
En 1745, une plus grande solennité semble donnée, afin de frapper l’esprit des paroissiens. Cela peut s’expliquer comme un moyen de lutter contre le jansénisme. Le combat contre cette hérésie s’est accentué violemment après 1710 et a duré presque un demi-siècle.
Tout d’abord, la visite est annoncée par une lettre d’avis, suivie d’une communication à la messe du dimanche précédant celle-ci. Le jour dit, le vicaire est accueilli à la porte de l’église par le curé qui lui présente l’eau bénite, puis il est conduit au grand autel.
Il visite successivement le tabernacle, examine le ciboire tandis que l’on chante l’antienne Ô salutaris Hostia et qu’on lui dit la collecte[1].
Ensuite, il donne la bénédiction avant de se livrer à un examen des objets sacrés (calice, soleil, vaisseaux) des fonts baptismaux, de la sacristie, des livres. Il se rend dans le cimetière, regarde l’état global de l’église tant intérieur qu’extérieur.
Puis il s’enquiert du patronage, du nombre des communiants, de l’état économique du curé, prend connaissance des comptes de la fabrique. Le maître d’école et la sage-femme lui sont parfois présentés.
En dernier lieu, un procès-verbal de la visite est dressé, lu en présence des habitants assemblés, et signé par le curé et les personnes les plus importantes du village. Pour accomplir cette charge, le vicaire général Zénard Viegen met quelques heures.
Il délègue une partie de sa tâche à l’un de ses assistants : les inspections de La Romagne et de Montmeillant (Ardennes) ont eu lieu le même jour, soit le 23 septembre 1745. Seul le compte-rendu de la première comporte sa signature.
Lorsqu’un doyen est délégué pour cette mission, il prélève sur les fabriques des paroisses une somme d’argent qui lui permet de s’indemniser des dépenses extraordinaires occasionnées par ce déplacement.
Quoique faible, ce droit est désagréable à percevoir pour un grand nombre de fabriques, qui sont souvent très pauvres. En 1786, dans une étude sur les réformes à apporter dans le diocèse de Reims, il est proposé de remplacer ce droit par un revenu annuel[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 131 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 131 = histoire du diocèse de Reims. – Registre notifiant les prises de possession des cures, prieurés, les attributions de prébendes, les fondations de chapelles, les grades (1674-1676). – Personnel de l’archevêché (1782). – Administration diocésaine, revenus écclesiastiques, établissement des prêtres assermentés, projets d’améliorations des portions congrues (1794-1796). – Donation à l’abbaye Saint-Nicaise de Reims (1770). – Abbaye Saint-Remi : extraits du registre des délibérations du directoire du district de Reims ; liste des religieux de Saint-Remi (1791-1792). – Abbaye de Saint-Thierry : pétition des religieux auprès des membres du district de Reims qui ont touché à leur place la redevance du curé de Saint-Thierry (1791). – Déclaration des religieux de Châtillon, près de Verdun, lors de l’inventaire des biens par la municipalité (1790). – Liste imprimée des prêtres du diocèse déportés en vertu de la loi du 26 août 1792 (1793). – Documents sur Pouillon, annexe de Saint-Thierry : érection d’une chapelle (1641) ; différends et sentences (1738-1771) ; revenus de la fabrique et baux (1788) ; revenus dus au curé et protestations des habitants de Thil (1791) ; notes sur Thil, Pouillon et Saint-Thierry (1802-1827). – Délibérations du conseil de fabrique de la Neuville-en-Tourne-à-Fuy (1891-1901).
Pour les périodes plus récentes, il est difficile de recenser les visites ecclésiastiques de l’église de La Romagne, dans l’état actuel de la recherche. Il est à noter en effet que les archives ecclésiastiques sont privées, selon le Code du patrimoine[1].
D’après les règles internes de l’Eglise catholique, ce sont des biens cultuels inaliénables et imprescriptibles. Les documents intéressant les paroisses relèvent de l’archiviste diocésain, qui est sous la responsabilité de l’évêque. L’accès aux sources historiques est soumis à autorisation…
Les dîmes sont des redevances en nature, dues au clergé sur les produits de la terre et les troupeaux. A l’origine, elles sont fixées au dixième du revenu, avant de connaître des modifications et d’être décidées dans chaque paroisse. Cependant, les terres exploitées par les religieux de l’abbaye de Chaumont-Porcien (Ardennes) et leurs fermiers en sont exemptés.
Cette faveur est obtenue par l’abbé Jean, et confirmée non seulement par l’archevêque de Reims, mais aussi par le pape Eugène III[1], lors de son séjour en France en 1147 pour le Concile de Paris. Par la suite, le pape Lucius III[2] accorde en 1181 l’exemption de payer les dîmes des terres novales à cette abbaye, ce qui n’empêche pas par la suite des désaccords de survenir.
Les « grosses dîmes » se perçoivent sur le seigle, l’avoine, le blé. Les « menues dîmes » le sont sur le chanvre, les légumes, et les « dîmes novales » sur le produit de terres récemment mises ou remises en culture, soit depuis moins de 40 ans.
Elles sont perçues par l’abbaye comme « gros décimateur ». A ce titre, elle a en charge l’entretien et la réparation du chœur de l’église, des murs de la couverture et de la croix du clocher, si celui-ci est bâti au-dessus du chœur. De plus, elle a obligation de fournir les ornements et les livres du culte. Elle alloue ensuite un revenu au curé de chaque paroisse, ou portion congrue.
Lors du partage des biens de l’abbaye entre les religieux et l’abbé commendataire, les dîmes tombent dans l’escarcelle de celui-ci. Celles de La Romagne, tenues alors par Armand Deschamps, rapportent pour l’essentiel 30 livres. Trente ans plus tard, elles sont louées pour plus de 100 livres.
Louis XIV, probablement pour améliorer la situation des curés, ordonne que ceux-ci doivent avoir au moins 300 livres de portion congrue. Mais comme cela déplaît au curé de la paroisse, il demande qu’on lui abandonne toutes les dîmes de la paroisse.
En 1710, il est donc le seul décimateur[1], tant des grosses que des menues dîmes alors que, dans d’autres paroisses, elles restent affermées. Ainsi en témoigne le bail passé le 3 novembre 1719 entre les religieux de la Piscine et Pierre Philbert (et consorts) de Rocquigny, pour la somme de 370 livres[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, C 939 [série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 546-2428 = supplément à la série C, fonds C 596-2149 = administration des domaines, généralité de Châlons, cotes C 936-1050 = bureau de Château-Porcien, contrôles des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles, insinuations laïques, centième dernier, 1710-1791. Nota bene : des 4000 articles composant à l’origine cette série, seuls 4 registres du contrôle des actes de Sedan (1760-1816) ont subsisté après le bombardement de 1940].
Elles sont prélevées directement dans le champ, sitôt la récolte terminée : les paysans font publier au prône de la messe de paroisse, ou à l’issue de celle-ci, le jour de la récolte. Cela est fait de manière que le décimateur (ou son collecteur) puisse se trouver sur les lieux.
Quelques difficultés surviennent entre les religieux et le curé de La Romagne Louis Potin qui, en 1707, veut prendre par force la dîme sur quelques pièces de terre dépendant de la ferme de la Paternotte. La réaction des moines est fulgurante, et leur action efficace, si bien que le curé n’y dîme jamais plus.
En 1742, un problème identique voit le jour avec le curé Bataille, qui entend lever la dîme sur la ferme de la Marlière. Devant la vivacité de la réaction, le curé se désiste et rend les gerbes qu’il a indûment prélevées.
Le prêtre reçoit pour son ministère une rétribution, le « gros », qui est sans rapport avec la population ou l’imposition. On apprend par la transcription d’un registre du revenu temporel de l’abbaye datant de 1615 que l’abbé Etienne de Galmet, plutôt que de donner la portion congrue, préfère abandonner les dîmes aux curés de La Romagne, Montmeillant (Ardennes) et Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes).
Celles-ci sont probablement moins élevées , à moins qu’il ne s’agisse que du renouvellement d’un abandon des menues dîmes, comme celui qui avait eu lieu en 1566.Cette interrogation se pose, car l’acte ne couvre pas l’intégralité des dîmes.
On sait qu’en 1745, le curé de La Romagne est « gros décimateur » et qu’en 1774 il est possesseur des « grosses et menues dîmes ». Son revenu cette année-là est estimé à 500 livres environ. Or, en 1786, en pleine période de crise économique et financière, les dîmes affermées de La Romagne valent à peine 700 livres[1].
Il touche également un « casuel [1] » qui, en février 1678, s’élève à 9 livres et est payé par Debroise et Fondrillon, custodes de l’église de La Romagne, pour « ses droits touchant les obits qui se disent annuellement pour les bienfaiteurs de la fabrique[2] ». En 1710, celui-ci « n’est pas bien fort[3] », sans plus de détails, alors qu’en 1774 on peut le chiffrer à 12 francs.
[1] Offrande offerte pour l’exercice de certains ministères (baptêmes, bénédictions, funérailles, mariages).
[2]Archives départementales des Ardennes, 1J 21-9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 21 = histoire du Porcien, dons Didion et abbé Henry, novembre 1949, pièce 1 J 21-9 = Montmeillant et La Romagne. – Extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1680). – Familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, notes par A. Picard, un cahier].
Cela n’empêche pas les habitants de La Romagne de se plaindre en 1745 du prix trop haut des obits[1], auprès de Zénard Viegen, vicaire général et visiteur de la paroisse, délégué par l’archevêque, monseigneur le prince de Rohan.
En 1779, le revenu du curé est toujours le même, soit 500 livres, alors qu’il doit payer une taxe de 29 livres[1]. En 1786, il a, en plus de ses dîmes, 45 livres de fondations fixes.
[1]Bibliothèque Mazarine, fonds général, Ms. 3270 [ancienne cote : Ms. 2255 B], Abbé Bauny (chanoine de l’église collégiale de Saint-Symphorien et secrétaire de l’archevêché), Pouillé du diocèse de Reims, Tome III, deuxième partie, datée de 1779, cures, chapelles et bénéfices simples, papier, 257 pages, p. 29, notice descriptive consultable sur Calames, le catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur.
Il reçoit aussi le montant de la location des biens de la cure, qui consiste en petites terres et prés, et sur lesquels nous sommes renseignés à travers deux inventaires[1]. Et on sait qu’en 1686, une messe basse de dévotion ou de fondation est rétribuée 10 sols, un obit de fondation 50 sols, un certificat pour épouser en dehors de la paroisse 10 sols, l’enterrement d’un corps d’adulte 15 sols et celui d’un enfant 10 sols[2].
Plus tard, dans le désir d’unifier les pratiques, monseigneur Charles de La Roche-Aymon édite un tarif pour le clergé du diocèse de Reims. Ainsi, un extrait de baptême, de mariage ou de sépulture coûte 5 sols.
La célébration de fiançailles vaut 15 sols. Il en coûte 2 livres pour la publication des trois bans (si le mariage se fait dans une autre paroisse), et 4 livres et 10 sols pour les publications et la célébration du mariage dans la paroisse.
Une levée de corps se paie 3 livres, l’enterrement d’un adulte s’élève à 30 sols (soit 1 livre et 10 sols) pour le curé. Il ne faut pas oublier qu’à tout cela s’ajoute, pour les paroissiens, la rétribution du maître d’école[1].
Ces tarifs ne sont appliqués qu’à ceux qui peuvent les payer, selon leurs facultés. Comme plus de la moitié de la paroisse est pauvre, aux yeux de son curé, ce revenu est aléatoire.
Pour toutes ses activités, le curé touche un revenu que l’on souhaite en 1783 ne pas être inférieur à 600 livres, quelle que soit la paroisse. C’est justement le montant du revenu du curé de l’époque, alors qu’en 1710 son prédécesseur déclare percevoir 500 livres y compris le casuel.
Il bénéficie aussi d’un droit tout particulier à la Champagne : le droit du fer. Celui-ci consiste en ce que l’on partage la dîme par moitié. Si un laboureur qui n’est pas de la paroisse laboure sur le terroir de celle-ci, le gros décimateur de son domicile partage avec l’autre curé la dîme. Elle est due à la vingtième gerbe. Ce droit s’étend non seulement aux territoires séparés de celui de la paroisse par un territoire intermédiaire, mais également à ceux qui lui sont immédiatement contigus.
La répartition n’est pas toujours simple, comme en témoigne cette anecdote où, en 1708, Jean Robinet (fermier des dîmes de Montmeillant) prétend exercer le droit du fer sur les terres de la Paternotte, sous prétexte que le fermier Philippe Jadart demeure à Montmeillant. Les religieux l’assignent aussitôt, ce qui lui fait rendre les gerbes.
La dîme est abolie par le même décret que les droits seigneuriaux le 4 août 1789. De ce fait, une subvention doit pourvoir aux dépenses du culte divin. A partir de messidor an XI, tous les desservants sont pourvus d’un traitement.
Le curé Joseph Bourdon, qui traverse cette période, touche pour le trimestre de nivôse an II la somme de 300 francs, et aurait pour pension annuelle environ la somme de 1000 francs[1]. Il atteste, devant témoins (Hubert Laroche, Jean Baptiste Davaux et Hubert Langlet), qu’il n’a pas émigré.
[1]Archives départementales des Ardennes, L 1269 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1250-1275 = cultes, clergé constitutionnel et réfractaire, cote L 1269 = pensions écclesiastiques, dossiers individuels, citoyennetés, serments, dossiers de détention, promesses et certificats de paiement, district de Rethel, cantons d’Asfeld à Wasigny, 1791- an VII].
En l’an VI, il certifie que son revenu est celui que lui accorde la Nation, qu’il n’a pas recueilli de succession de son ordre après sa suppression, et qu’il est en conformité avec la loi. Après la signature du Concordat, il perçoit le traitement fixé par celui-ci.
En 1827, le curé de Montmeillant qui dessert La Romagne touche à ce titre un supplément de traitement de 150 francs[1] tandis que, vers 1890, le curé du village a un revenu de 1100 francs, soit 900 francs pour La Romagne et 200 francs pour Draize.
[1] Tableau des ressources affectées en 1827 au personnel du clergé du département. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 64 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 62-69 = administration diocésaine, circulaires, correspondance administrative, guerre, cote 7J 64 = administration diocésaine, correspondance administrative. – Bénédictions de chapelles et oratoires (1815-1828). – Correspondance entre l’archevêché et les préfectures des Ardennes et de la Marne au sujet des presbytères, chapelles, oratoires, églises et au sujet du clergé (1820-1840)].
La loi promulguée le 9 décembre 1905 abroge le Concordat, et indique qu’aucun culte n’est salarié ou subventionné. Le curé Bastin, à la demande du diocèse de Reims, rend compte de la situation de sa paroisse au 20 avril 1905 : il perçoit tout au plus par an 150 à 180 francs pour les messes et les recommandises[1]. En ce qui concerne Draize, il reçoit quarante à cinquante francs de casuel au maximum, et trois ou quatre recommandises à 5 francs[2].
[1] Messes dites le dimanche, à la suite d’un enterrement.
Conformément à la loi, et pour une durée de 8 ans, il recevra une allocation dégressive, qui passera de 900 francs en 1907 à 450 en 1910, puis 300 en 1912/1913. Ensuite, les prêtres vont faire connaissance avec un nouveau type de rémunération, par la répartition du denier du culte.
Celui-ci est assez difficile à obtenir de 1914 jusqu’aux années 20, car la population est extrêmement fragilisée par la guerre. En 1940, le traitement d’un curé dans le diocèse de Reims est de 3100 francs et, quoique les temps soient difficiles, il croîtra durant cette période. Durant cette même période, les honoraires des messes augmentent, alors que, comme par le passé, le casuel reste faible dans les campagnes.
Après la Seconde Guerre mondiale, la participation au denier du clergé par habitant augmente peu à peu. La moyenne passe de 5,4 francs en 1962 à 7,25 dix ans plus tard[1].
Les sommes reçues par le curé lors de ses visites à ses paroissiens sont envoyées par ce dernier à l’archevêché pour être regroupées au sein du diocèse, puis redistribuées à chacun des prêtres. En 1962, la population est de 196 habitants, et le montant du denier du culte est de 1056 francs.
Les curés perçoivent en outre vers 1950 des rémunérations pour les messes et des recommandises. A cela s’ajoute une rétribution pour le gardiennage[1] de l’église, qui est de 500 francs annuels. Cette dernière est portée à 1200 francs par an en 1984[2].
[1] Circulaires du ministère de l’Intérieur n° 2 du 4 janvier 1944 et n° 279 du 14 avril 1947.
[2] Décision du conseil municipal en date du 27 septembre 1984 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le curé habite au presbytère, dont l’entretien est à la charge des fidèles selon l’Ordonnance de Blois de 1579. On ne possède aucun renseignement sur ce bâtiment jusqu’en 1710, date à laquelle on constate pour celui de La Romagne qu’il est « passable » et assez proche de l’église.
Un peu plus tard, en 1774, on apprend qu’il est à portée de l’église et qu’il se compose d’une cuisine, de deux chambres, d’un cabinet où il faut faire quelques réparations, d’une bûcherie, de caves, d’un « fourni[1] », d’une « granche[2] », d’une écurie et d’un jardin. La toiture est en paille et « ne vaut rien ».
En réalité, ce presbytère est une amélioration notoire pour le curé, par rapport à l’état de misère dans lequel vivaient ceux qui ont exercé à La Romagne ou à Rocquigny en 1663. Ils logent alors dans la remise à bois ou dans un lieu tout aussi impropre car « les malheurs de la guerre ont étendu leurs ravages partout en détruisant bien des presbytères[1] ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 136 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 136 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Deux feuilles d’explication sur le fonds Bouchez. –Résumé historique, par l’abbé Bouchez, du clergé paroissial du diocèse de Reims de 1663 à la Révolution. – Notices historiques sur le cardinal Barberini ; monseigneur Charles-Maurice Le Tellier ; les visites d’églises au XVIIe siècle ; l’établissement du grand séminaire de Reims ; les présentations aux cures ; monseigneur de Mailly et les jansénistes ; l’épiscopat de monseigneur de Rohan de 1722 à 1762 ; le mouvement des ordinations dans le diocèse de Reims ; l’état moral des paroisses sous la Révolution. – Les curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après leur ordre de succession dans les paroisses de 1663 à 1791 (2 volumes)].
On peut établir un parallèle avec celui qu’occupe le curé de Montmeillant, et qui se compose d’un corps de logis de quatre pièces, d’un corridor au milieu, d’un bon grenier, d’un jardin, d’une grange-écurie et d’une petite cour[1] .
La vente du presbytère comme bien national a lieu le 8 nivôse an V (soit en 1796). Tout comme les terres de la cure et de la fabrique, il fait l’objet d’une estimation confiée à Pierre Davenne et Gobert Gouge.
Malgré son « état de délabrement », Pierre Chéry en fait l’acquisition pour la somme de 770 livres. Aux bâtiments du presbytère, s’ajoute l’acquisition d’un second lot, composé du jardin et du verger d’environ 50 verges, dont le prix dépasse celui du bâti[1]. De son côté, la commune demande à vendre une grange que le curé occupe.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 278 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 272-282 = vente de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV].
Peu après, ce dernier manifeste son envie de profiter du terrain que lui accorde la loi et, par la suite, demande s’il peut jouir des embellissements qu’il avait faits au presbytère. Puis il sollicite auprès du conseil municipal une indemnité pour la boiserie qu’il a posée à ses dépens dans ledit presbytère.
Lors de la reprise du culte et de la réouverture des églises, le village n’a plus ni presbytère ni jardin[1], si bien que la municipalité ne peut pas fournir une habitation au curé. Elle doit donc lui offrir une indemnité de logement.
[1]Archives départementales de la Moselle, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, pièces 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, cotes 29 J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].
Cette situation dure plus d’une vingtaine d’années, puisque le curé de l’époque en informe sa hiérarchie : « Il n’y a toujours pas de presbytère à La Romagne, mais on aurait le dessin[1] d’en acquérir un. »
Quant à l’abbé Morin, il écrit dans une lettre adressée à son archevêque que le presbytère qui est en bon état appartient à la commune, mais que c’est une maison à loyer[1]. Comme il n’y a plus aucun document jusqu’en 1883 sur ce sujet, on sait néanmoins qu’à cette époque l’abbé Noiville, alors très malade, n’a pas pu être remplacé, car propriétaire de son presbytère.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 66 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 62-69 = administration diocésaine, circulaires, correspondance administrative, guerre, cote 7J 66 = administration diocésaine. – Lettres adressées à l’archevêché concernant l’état des paroisses (1815-1830). – Correspondance administrative de l’archevêché surtout au sujet des paroisses ou avec les paroisses (1823-1903). – Documents divers sur les paroisses et les paroissiens (1830-1831)].
C’est certainement cette situation qui fait prendre conscience au conseil municipal de l’urgence de posséder un presbytère[1]. La décision est ainsi prise d’acheter à monsieur Baudouin « un bâtiment et un jardin presque tout entier à l’avant, en grande partie entourés de murs un peu bas, et parfaitement placés rue Haute, et qui conviendraient sous tous les rapports ».
Quelques travaux d’aménagement et d’agrandissement sont réalisés grâce à des subventions de la commune vers 1885. L’état souhaité par l’abbé Bastin[2] serait qu’il y ait au rez-de-chaussée et juste au-dessus de la cave une cuisine et une salle à manger, à mi-étage un palier, et des chambres à l’étage.
Tandis que les autorités ecclésiastiques envisagent une éventuelle fermeture de l’église si les lois concernant la séparation des Eglises et de l’état sont promulguées, le religieux est en mesure d’informer sa hiérarchie qu’il y aurait néanmoins « une petite maison peu confortable en vue pour y installer le curé, d’autant qu’on pourrait envisager pour l’exercice du culte la construction d’un local en bois[1] ».
Après la loi du 2 janvier 1907 article I, la location du presbytère entre la commune et le curé est soumise à l’homologation du préfet. Si ce dernier estime que le prix fixé est trop bas, il oppose son refus, si bien que le conseil municipal doit procéder à une nouvelle mise à prix plus conforme au marché locatif de l’époque. En 1910, la somme est de 110 francs.
Par la suite, ce bâtiment situé au lieu-dit le Village (rue Haute), consistant en un corps de logis avec jardin, est loué par le maire Joseph Marquigny à des particuliers. Puis il est vendu, car l’ancienne école de filles désaffectée par manque d’effectifs devient le nouveau presbytère.
En 1923, celui-ci est loué 200 francs pour une durée de 9 ans, car les réparations nécessaires n’ont pas encore été faites, puis 500 francs (mais les contributions restent à la charge de la commune).
En 1931, l’abbé Pleugers informe le conseil municipal de la vétusté du lieu, et du prix trop important du loyer. Un nouveau bail est signé pour la somme annuelle de 250 francs. La même année, un puits est creusé pour donner de l’eau à cette maison.
Le lieu est loué en 1960 au curé en charge de la paroisse, l’abbé Buché, pour la somme de 120 nouveaux francs. Les contributions sont toujours à la charge de la commune.
Lors de son départ, le conseil municipal choisit de racheter toute l’installation de l’eau qu’il avait faite à ses frais au presbytère. De plus, la décision est prise de la pose d’une dalle de ciment pour les toilettes, et de la protection des murs intérieurs avec des plaques de fibrociment[1], afin d’offrir un peu plus de confort.
[1] Décision du conseil municipal du 10 août 1967 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
L’installation de l’adduction d’eau en 1973 rend inutile l’emploi de la motopompe qui permet l’alimentation en eau du presbytère. Le conseil municipal propose de la vendre[1]. Quant au loyer, son montant est toujours le même jusqu’en 1984 : le montant est fixé désormais à la somme symbolique de 100 francs[2].
[1] Séance du conseil municipal en date du 10 décembre 1973 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
[2] Séance du conseil municipal en date du 29 mars 1984 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le presbytère est occupé jusqu’en 1988, date à laquelle le dernier prêtre résidant à la Romagne, l’abbé Dubois-Matra, quitte la paroisse. Il est assez grand, puisqu’il comprend six pièces principales, réparties entre un rez-de-chaussée et un étage, ainsi qu’une petite remise, un grand grenier, un garage, et un jardin. La commune procède à sa vente le 1er mars 1989, après la décision prise par le conseil municipal d’autoriser celle-ci[1].
[1] Séance du conseil municipal en date du 22 septembre 1988 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Une nouvelle ère s’ouvre pour les habitants de La Romagne, qui regrettent la suppression de la cure et la disparition de la présence familière du curé du village.
Jusqu’à la Révolution, le curé tient une place prépondérante dans la communauté villageoise. Son rôle est si important qu’il mérite un examen soigneux. Il est tout d’abord présenté par l’abbé de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine[1], puis le choix de ce dernier est entériné par l’archevêque, qui s’assure avant ratification que la science du candidat est suffisante et sa conduite honorable.
Ensuite, le religieux dessert la paroisse sous le nom de prieur-curé[1]. Au cas où un curé est empêché par une cause grave, il reçoit l’aide d’un vicaire accidentel ou d’un confrère d’un village proche. Cette manière de procéder permet de ne pas priver les paroissiens du secours de la religion. Elle n’altère en aucun cas les droits curiaux du titulaire.
[1] Titre donné à un desservant provenant d’une abbaye.
Lors du décès en octobre 1740 du curé en titre, l’intérim est assuré par le frère R. Doumel. C’est le cas en 1747 de J. Barré chanoine régulier prémontré, ou du frère F. Pierson en 1769/1770.
Parfois, il est fait appel à des prêtres des villages ardennais voisins, tels Montmeillant, Givron, Le Fréty ou Saint-Jean-aux-Bois : Louis Iénot (vicaire de ces deux derniers villages) et le curé-doyen de Rethel (Ardennes) P. Pillas remplacent successivement le curé Bataille lors de la maladie qui précède son décès[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 J21-9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 21 = histoire du Porcien, dons Didion et abbé Henry, novembre 1949, pièce 1 J 21-9 (Montmeillant et La Romagne. Extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1680). Familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, notes par A. Picard, un cahier].
Certains de ces vicaires accidentels aspirent à d’autres destinées. C’est ainsi que Jean Peltier (ou Pelletier), natif de Montmeillant (Ardennes), rejoint la paroisse Saint-Julien de Reims (Marne).
D’autres souhaitent acquérir les grades canoniques[1], comme François Pierron (vicaire intérimaire à La Romagne) , Guillaume Depagny, Henri Antoine Duménil, tous deux vicaires accidentels à Rocquigny (Ardennes). Ces derniers s’astreignent à suivre durant deux ans le cours de philosophie de l’Université et pendant trois ans le cours de théologie. Antoine Duménil obtient successivement les grades de bachelier, licencié et docteur en théologie.
[1] On appelle grades les diplômes de bachelier, licencié et docteur en théologie.
La hiérarchie catholique rappelle aux curés ce que doit être leur comportement spirituel[1], et leurs devoirs à l’égard de leurs paroissiens, afin d’être un modèle. Il importe de ne pas donner lieu à des reproches, comme cela a été malheureusement le cas du curé Davaux de Montmeillant (Ardennes), cible de vives critiques et visé par des plaintes assez nombreuses auprès de l’archevêque.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20720, pièce 6, « Les principaux devoirs d’un bon curé », imprimé par l’ordre de l’évêque-comte de Châlons, [Félix Vialart], 1673 [ensemble de 57 documents = XIV (mandements, ordonnances, etc. 1676-1709) de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)].
Il leur faut être tournés en permanence vers Dieu, travailler à sa gloire en se considérant comme des hommes séparés du monde, détachés des biens et des plaisirs de la terre. Ils doivent chercher en eux, par la célébration de la messe et la prière, la force, la résignation et la miséricorde de leurs péchés et de ceux de leurs paroissiens.
Dans la journée, ils consacrent un moment à la lecture de l’Ecriture sainte et de « bons livres ». Monseigneur Le Tellier, à qui l’on peut attribuer cette remarque, préconise que ces lectures portent sur La Sainte Bible et particulièrement Le Nouveau Testament. Le Catéchisme du concile de Trente datant de 1562 les conforte dans leur mission : ils y trouvent la manière d’instruire les fidèles, en fonction de leur compréhension et intelligence. Il leur est aussi conseillé de lire Les Confessions de saint Augustin, Les Méditations chrétiennes ou Les Obligations ecclésiastiques…
Afin de ne jamais susciter le mépris et la réprobation, il leur est recommandé d’éviter l’oisiveté, et surtout de paraître toujours correctement vêtus d’une soutane ou d’une soutanelle de taille convenable, d’avoir les cheveux courts et la « cronne[1] » (ou tonsure) bien nette.
Pour que la confiance s’établisse avec les paroissiens, ils s’efforcent d’avoir un accès facile, et de parler avec douceur. Ils ont l’obligation de les assister à tous les moments où ils ont besoin d’aide matérielle ou spirituelle. Ils se doivent d’éviter dans les villages les querelles, procès ou dérèglements publics. Ils sont censés porter une attention toute particulière aux malades, et visiter chaque famille du village une à deux fois par an.
Monseigneur Charles-Maurice Le Tellier met en place une administration plus moderne du diocèse de Reims, car celui-ci a beaucoup souffert de la situation belliqueuse qui règne sur le territoire picard et champenois depuis le XVIe siècle. D’autre part, par son étendue, il est l’un des plus importants de France.
Conscient d’un certain relâchement dans la discipline ecclésiastique, et de l’urgence des réformes, il enjoint aux prêtres séculiers et réguliers de se rendre auprès de lui, entre le 20 octobre et le 10 novembre 1671. Aussitôt, il défend à tous ceux qui ne sont pas curés de confesser, prêcher, vicarier[1] jusqu’à ce qu’ils aient obtenu ses approbation et permission[2].
[1] Remplir les fonctions de vicaire dans une paroisse.
[2]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20721 [ensemble de 205 feuillets = XV (mandements, ordonnances, etc. 1671-1709) de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (suite) (1642-1710)].
Il constate également que les plus anciens de son diocèse n’ont pas été formés. Le plus souvent à cette époque, et ce dans le meilleur des cas, les religieux séculiers ne connaissent avant d’obtenir un ministère que les cours publics de l’Université. S’y ajoutent les exercices spirituels préconisés par monseigneur Léonor d’Etampes de Valençay. Les prêtres issus des ordres religieux ont en comparaison une meilleure formation.
Pour remédier à cela, monseigneur Charles-Maurice Le Tellier établit le Grand Séminaire de Reims en 1676, et crée celui de Sedan par l’ordonnance du 29 octobre1693. Il a existé un premier séminaire fondé par le cardinal Charles de Lorraine en 1563/1564, et tombé en désuétude un siècle après.
Pour l’instruction de tous, monseigneur Le Tellier fait publier un Rituel de la province de Reims renouvelé et augmenté (en 1677), un missel, un bréviaire, de nouveaux livres de chants ainsi qu’un enseignement de la foi et de la morale chrétiennes : Le Petit Catéchisme est destiné aux enfants, et ne contient donc que les plus simples éléments de la religion. Le Grand Catéchisme est pour ceux qui sont plus avancés en âge, et qui ont l’esprit plus développé.
A partir du dernier quart du XVIIIe siècle, les jeunes prêtres admis à l’ordination consacrent ensuite une période de six mois au moins à l’étude de la morale, avant d’être employés au ministère[1].
Eté comme hiver, le curé de La Romagne dit la messe à dix heures, ce qui a des répercussions sur la vie des bergers, mais aussi sur l’activité des moulins, qui ne doivent pas tourner depuis le premier coup de la messe jusqu’à une demi-heure après sa fin[1]. Il enseigne lui-même le catéchisme, ou le délègue au maître d’école. Il le dispense à une heure. Il célèbre les vêpres à deux heures chaque dimanche. Le religieux rythme ainsi le jour du Seigneur.
Comme il n’y a aucun « secours » (église dépendant d’une paroisse mère) il ne bine pas, comme c’est le cas pour un certain nombre de paroisses dont celle d’Antheny (Ardennes), dont l’auxiliaire est Fleigneux (Ardennes).
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin en date de MDCLXXXIII.
En dehors de la célébration du culte dominical, le curé se doit de dire les messes de fondation et les obits[1]. Ainsi, le curé Dehaulme consacre quatre célébrations aux trépassés chaque année. L’une concerne le repos de l’âme de Mademoiselle Zenarte, bienfaitrice de la paroisse : elle a légué en 1699, par testament, 50 livres et une nappe.
[1] Messes célébrées pour un défunt à la date anniversaire de son décès.
Environ un siècle plus tard, en 1785, celui de Rocquigny (Ardennes) recueille, après autorisation de l’archevêque, les volontés de deux de ses paroissiens pour la création d’une fondation : Pierre Monnois et sa femme Marie-Louise Porreau, préoccupés par le sort de leur âme[1]. En contrepartie d’une rente de 100 pistoles « sur le clergé de France », il doit dire six messes et six saluts.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 268 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 267-268 = doyenné de Rethel (1248-1790)]. Cité par Demaison, Louis, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 rédigé par M. L. Demaison, archiviste, Marne, archives ecclésiastiques – série G, clergé séculier, tome 1, Reims : Henri Matot, 1900, in-fol., IV-380 p., page 245, vue 270/404, consultable en ligne sur Internet Archive [La cote G 268 de l’archevêché de Reims est décrite dans cet ouvrage comme une liasse de 199 pièces, 31 sceaux et 11 cachets. Le fonds désormais déposé aux archives départementales de la Marne porte aujourd’hui la cote 2G 268].
Le curé est amené à faire de très nombreux déplacements à La Romagne ou dans ses écarts pour le service religieux ou pour ses fonctions sacerdotales. Il porte notamment le viatique aux malades et aux mourants.
Le curé effectue en 1699 plusieurs voyages à Charleville (Ardennes) et à Rethel (Ardennes) pour prendre des objets nécessaires pour le culte. Il va d’autre part à Reims (Marne) auprès de l’archevêque, et se rend sans compter dans les villages voisins pour traiter de commandes auprès des artisans locaux.
La tenue des registres est d’abord prescrite par les évêques, puis par le pouvoir royal avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts[1] de 1539. A l’origine, ces registres ne sont le plus souvent composés que de feuilles volantes, qui ne sont pas toujours toutes conservées.
C’est pourquoi le pouvoir royal s’en mêle. L’ordonnance de Louis XIV en 1667 unifie les règles de rédaction : la minute[2] reste dans les mains du clergé, et la grosse[3] est déposée au baillage. Celle de 1674 impose que le papier destiné à recevoir les actes porte le timbre de la généralité[4].
Parfois, le curé insère d’autres actes comme le baptême des cloches, le serment des sages-femmes et les abjurations. Les registres que l’on possède de nos jours pour La Romagne commencent en 1693, avec des lacunes au cours du XVIIIe siècle (de 1702 à 1712, de 1722 à 1732, de 1743 à 1752). Or, dans l’enquête de 1774, le curé affirme que ces derniers sont en bon ordre, non séparés, et qu’ils remontent à 1678. Dans quelles circonstances ont-ils disparu ?
Malgré l’injonction de garder les originaux et de transmettre les copies, le curé de la Romagne, comme nombre de ses confrères, reçoit en 1702 un avertissement pour sa négligence. Il doit faire savoir au greffe desdits registres établi à Reims où ont été remises les grosses de la paroisse depuis 1667 jusque 1691. Cette requête est assortie d’une menace d’amendes pour lui, la fabrique et les marguilliers.
Aux yeux de l’Eglise, les naissances légitimes sont celles qui sont survenues au sein du mariage. Dans le cas d’une conception et d’une naissance antérieure à celui-ci l’enfant est « réhabilité » dans sa légitimité par le mariage subséquent de ses parents. Il est placé sous le dais nuptial et, « reconnu sous le voile », reprend tous ses droits.
C’est ce qui se passe pour Jean-Baptiste[1], l’enfant né le 12 décembre 1782, qui est légitimé par le mariage de ses parents[2] Robert Dupont et Marie-Jeanne Deschamps le 16 février 1783.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 6 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 6 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, baptêmes, mariages, sépultures, 1773-1782], acte de naissance, vue 44/44, consultable en ligne.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 7 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 7 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, baptêmes, mariages, sépultures, 1783-1792], acte de naissance, vue 2/42, consultable en ligne.
En général, le baptême a lieu le jour même de la naissance, ou le lendemain, tant sont fortes la peur de la mort du nourrisson avant son baptême et la crainte de son séjour dans les limbes. Les prescriptions de l’Eglise et du roi sont très strictes sur ce point : des déclarations royales promulguées en 1698, puis en 1724, rappellent que la cérémonie doit être faite dans les vingt-quatre heures suivant la naissance de l’enfant.
L’acte doit nommer le père et la mère, contrairement à un usage antérieur où seul le père est inscrit, et être signé par le père[1]. C’est le curé qui officie. Très rares sont les indications concernant les nourrissons ondoyés par la sage-femme, tout au moins à La Romagne. Cet acte est pratiqué en présence de deux témoins et, si l’enfant survit, on peut avoir recours à un supplément de cérémonie du baptême.
Au cours de cette célébration, et très traditionnellement jusqu’à la Révolution, l’enfant reçoit trois prénoms. Le premier, si c’est un garçon, est celui de son parrain. La fille porte celui de sa marraine, ce qui fait que parfois, dans une famille, plusieurs enfants héritent un même prénom. Le deuxième est celui d’un aïeul, et le dernier est le prénom d’usage.
Il n’est pas rare d’assister à des échanges familiaux lors de naissances rapprochées : les adultes deviennent alors respectivement les parrains et les marraines de l’enfant de l’autre couple. Ainsi, le 8 février 1696, la fille de Jean Prunier et de Poncette Maupin reçoit le prénom de Marie : sa marraine est Marie Godelle, femme de Nicolas Goulard.
Le 12 mars suivant, la fille de Nicolas Goulard et de Marie Godelle reçoit le prénom de Poncette, car sa marraine n’est autre que Poncette Maupin et son parrain Jean Prunier. Ces choix permettent de tisser des liens au sein d’un réseau familial.
Le dénombrement religieux n’a pas pour premier but le décompte de la population, mais celui des habitants qui accomplissent scrupuleusement leurs Pâques. Sous le terme de « communiant », on ne répertorie que les personnes de plus de douze ans, et l’on estime que celles-ci représentent les deux tiers de la population.
Année de la communion
Nombre de communiants
1671
80
1678
120
1710
150
1745
150
1774
203
1779
200
1786
220 (dont 56 habitent dans les cinq écarts)
1833
130
Dénombrement des communiants de La Romagne (Ardennes) à partir de 12 ans établi à partir des comptes rendus de visites ecclésiastiques.
Par la suite, il n’est pas possible de retrouver une estimation chiffrée, tandis que le curé Grégoire signale vers 1890 qu’il y a beaucoup de monde à la communion pascale.
Si l’instauration de la communion solennelle (ou profession de foi) remonte au XVIIe siècle, force est de constater que la cérémonie réservée aux enfants n’apparaît pas dans les registres d’avant la Révolution. Elle est alors parfois notée dans les registres tenus par le curé, comme il apparaît pour quelques années à la fin du XIXe siècle. La date n’est pas toujours précisée, même si la liste en est dressée assez régulièrement entre 1884 et 1900.
Garçons
Filles
Devie, Jude
Boudsocq, Marie
Fougne, Arthur
Lépinois, Sidalie (Marie Louise ?)
Marandel, Ernest
Miclet, Adèle
Mauroy, Emile
Roncin, Aline
Pailliot, Honoré
Première communion en 1884 (jour non précisé). Tableau établi à partir des registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne (Ardennes), baptêmes, mariages, sépultures, entre 1884 et 1900. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 702 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].
Garçons
Filles
Dupont, Hippolyte
Carbonneaux, Marie
François, Albert
Dela, Orphise
Maquin, Eugène
Larchet, Marthe
Roncin, Calixte
Panneaux, Marie
Mauroy, Augustine
Millet, Léontine
Première communion le 28 mars 1886. Tableau établi à partir des registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne (Ardennes), baptêmes, mariages, sépultures, entre 1884 et 1900. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 702 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].
Année de la communion
Garçons
Filles
1884
5
4
1886
4
6
1887 (5 juin)
5
7
1890 (27 avril)
6
9
1892 (8 mai)
6
6
1894 (15 avril)
6
5
1896 (19 avril)
10
5
1898 (15 mai)
7
4
1900
4
3
Répartition des communiants entre 1884 et 1900. Tableau établi à partir des registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne (Ardennes), baptêmes, mariages, sépultures, entre 1884 et 1900. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 702 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].
Là encore, peu de détails sont donnés sur le sacrement de confirmation jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. L’archevêque (c’est le cas pour monseigneur Le Tellier) profite des tournées pastorales pour donner le sacrement de confirmation aux paroissiens des villages visités.
En général, cette cérémonie se déroule dans l’église du chef-lieu de canton, lors du déplacement de l’évêque ou de l’archevêque. Dans le dernier quart du XIXe siècle, cette célébration a lieu dans d’autres églises du canton. L’une d’entre elles s’est ainsi tenue le 25 août 1808, et une autre le 9 juillet 1816 à Chaumont-Porcien (Ardennes). A chaque fois, le nombre des confirmés est impressionnant.
Le prélat est accueilli avec tous les honneurs dus à son rang. Il se rend ensuite processionnellement à l’église de Chaumont-Porcien (Ardennes), tandis que l’on chante le Veni Creator Spiritus, le Benedictus et le Magnificat.
Après la messe, l’ecclésiastique se présente au portail, prêche, puis procède à la cérémonie de confirmation par vagues successives, en fonction des paroisses.
Cette célébration terminée, on entonne le Te Deum laudamus avant que l’officiant ne donne la bénédiction. Il se retire ensuite chez le curé du lieu pour se reposer et poursuivre ensuite ses déplacements[1].
En 1878, une tournée pastorale a lieu le 1er mai à La Romagne, mais aussi à Montmeillant (Ardennes) et, deux jours plus tard, à Rocquigny (Ardennes) et à Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes)[1]. Il s’agit probablement d’une visite au cours de laquelle sont confirmés les enfants de ces lieux.
Le 5 avril 1886, monseigneur Langénieux confirme les enfants de La Romagne, puis la confirmation se déroule à Rocquigny en 1890. A Lalobbe (Ardennes), le 28 avril 1894, les enfants de La Romagne reçoivent ce sacrement.
En 1920, la cérémonie de confirmation a lieu à Chaumont-Porcien (Ardennes), et est célébrée par monseigneur Neveux. Elle commence par une messe, puis le sacrement est donné à chacun des enfants en présence au moins d’un parrain pour les garçons, et d’une marraine pour les filles. Pendant l’onction, les adultes mettent la main droite sur l’épaule droite du confirmant, qui peut n’être âgé que de dix ans.
Pour ce qui est des mariages, ils doivent être célébrés par un prêtre de la paroisse, en présence de deux ou trois témoins, et de jour, selon les prescriptions du concile de Trente.
L’annonce se fait par trois fois au prône[1] du dimanche, la première trois semaines avant l’événement. Quelques dispenses pour liens de parenté, ou pour mariage en « temps défendu », sont accordées. En effet, le droit canon interdit certains mariages en raison des degrés de parenté effectifs jusqu’au 4e degré, à cause des liens par affinité, ou lors de certaines périodes liturgiques (en particulier le Carême ou l’Avent).
Il est possible d’obtenir une dispense, dont le coût est fixé en fonction de la condition des demandeurs, et du degré de parenté. Cela demande la constitution d’un dossier complet, qui comprend la supplique des fiancés, avec les causes dites honnêtes ou infâmantes. A ce dernier s’ajoutent l’enquête menée dans la paroisse, et l’accord de l’évêque. C’est ce qu’ont fait Nicolas Robin et Jeanne Meunier, parents au 4e degré[1].
[1] Aujourd’hui, en droit civil, des cousins germains ont, entre eux, un lien de parenté au 4e degré.
En 1702, François Barré et Barbe Morceau qui désirent s’épouser quoique parents du deuxième au troisième degré[1] pour le droit canon, et dépendants de liens d’affinité reçoivent, après le passage de leur demande en cour de Rome[2], l’autorisation de se marier, et le curé, celle de célébrer ce mariage.
Les démarches, mais surtout les interrogatoires sont stéréotypés : invocation du scandale créé par la situation, relation « incestueuse » pour l’Eglise, nécessité de « réparer son honneur », etc.
[1] Actuellement, au regard de la loi, des petits-enfants, vis-à-vis de leurs grands-parents ont un lien de parenté au 2e degré. Des neveux et nièces par rapport à leurs oncles et tantes ont un lien de parenté au 3e degré.
[2] Ce n’est qu’à partir du 3e degré de consanguinité que les autorisations sont données par les archevêques ou évêques.
La dispense donnée au futur couple Barré Morceau l’est moyennant une double pénitence, consistant en un versement d’une somme d’argent destinée aux pauvres de la paroisse, soit 20 sols ou1 livre, et des prières à dire « à genoux et à voix basse » dans l’église paroissiale durant plusieurs dimanches consécutifs[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 1995 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, articles 2G 1757-2020 = officialité métropolitaine et diocésaine de Reims (1483-1790), pièces 2G 1983-2004 = dispenses de Rome pour mariages, requêtes pour fulmination de bulles et brefs par l’officialité, enquêtes et interrogatoires (1666-1789)].
La dispense de bans s’obtient un peu plus facilement, parce que les mariages sont interdits durant certains temps liturgiques comme l’Avent ou le Carême, et qu’il est préférable pour des raisons morales que le couple vive dans la légitimité.
Un exemple nous est donné à travers le mariage de Jean Baré et Nicolle Boudsocq, célébré le 28 novembre 1702 avec dispense de deux bans pour temps prohibé. En revanche, rien n’est dit sur la raison de la dispense de deux bans lors du mariage de « messire Firmin Canel et demoiselle Louise Duguet » le 18 avril 1697.
L’une des périodes propices à la célébration d’un mariage est l’hiver, en janvier ou février. A partir de 1783, apparaissent dans les registres de La Romagne des actes intitulés « promesse de mariage ». Il s’agit d’une sorte de publication de bans quelques semaines avant ledit mariage, puis de la célébration de fiançailles impérativement trois jours avant le mariage.
Il se trouve aussi dans les actes la notion d’opposition (par exemple des parents envers un enfant mineur) ou d’empêchement. Les mariés, hommes ou femmes, qui ne sont pas âgés respectivement de trente et vingt-cinq ans, sont considérés comme mineurs[1] et doivent obtenir le consentement de leurs parents. La présence de ces derniers lors de la cérémonie vaut consentement exprès.
[1] Selon les arrêtés de monsieur de Lamoignon datant de 1702.
A partir de la fin du XVIIe siècle, chaque acte mentionne que le prêtre a recueilli le consentement de chacun des époux devant témoins (au moins quatre). Ce qu’atteste l’acte de Toussaint Fondrillon et de Poncette Gouverneur le 30 juin 1696. Le curé (N. Dehaulme) signale que les vœux de mariage ont été exprimés devant les membres de la famille (qui sont nommés), et en présence de plusieurs autres habitants.
Le prêtre doit désormais s’assurer du consentement personnel des futurs époux. Cela répond à une nouvelle prescription de l’Eglise, qui entend ainsi s’opposer au mariage contraint.
Environ dans la moitié des cas, le conjoint est originaire d’une autre paroisse que celle dont est issue la mariée : sur les huit mariages célébrés en 1783 et 1784, quatre des mariés sont originaires de Rocquigny, Lalobbe, Chappe et Marlemont (il est à noter que tous ces villages sont situés dans le département des Ardennes).
Cette proportion de 50% est généralement respectée depuis longtemps. C’est ce que l’on constate lorsque l’on analyse les registres de cette époque.
La plus grande mortalité de femmes encore jeunes est la cause principale des remariages. Ils se produisent dans un délai de quelques semaines à quelques mois après le décès de la conjointe. Pour la deuxième ou troisième fois, une nouvelle union est célébrée. La femme ne peut se remarier qu’une année environ après son veuvage. Le remariage est une nécessité sociale et économique pour élever des enfants en bas âge, ou pour gérer et cultiver les terres.
Le curé en charge de la paroisse en 1806 signale qu’il a célébré quatorze baptêmes, une bénédiction nuptiale et cinq sépultures, ce qui correspond, tout au moins pour les deux derniers faits cités, rigoureusement aux actes d’état civil enregistrés à la mairie.
Il semble donc que les habitants soient alors redevenus fidèles à l’Eglise, alors que des villages avoisinants montrent une percée du mariage civil et du concubinage. C’est le cas au Fréty (Ardennes) ou à Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes), où l’on signale que le prêtre a œuvré pour ramener « des ménages égarés ».
En 1833, le curé de ce village signale qu’il y a dix ménages en union civile et « incestueuse » (selon l’expression de ce prêtre), et un séparé sans autorisation expresse. Cette note traduit une montée sensible de la déchristianisation.
L’inhumation d’un défunt a lieu le jour même de son décès, et au plus tard le lendemain. Après la Révolution, comme l’état civil a été mis en place, le rôle du curé se trouve modifié : le prêtre doit attendre pour célébrer un mariage religieux un acte de l’officier d’état civil, prouvant que celui-ci a bien été célébré à la mairie.
Pour les inhumations, le prêtre ne peut procéder à la levée d’un corps sans une autorisation donnée par ce même officier d’état civil, sous peine d’être poursuivi comme contrevenant au lois[1].
[1] Décret impérial du 4 thermidor an XIII (23 juillet 1805).
Le curé est également un lien entre le pouvoir royal et les paroissiens : il est à ce titre chargé de la communication des nouvelles importantes. Même si un édit d’avril 1695, confirmé par une déclaration de décembre 1698, dispense les curés de publier des avis temporels à leur prône[1], un certain nombre continue de le faire tout au long du XVIIIe siècle.
En 1774, les curés des différents villages sont chargés de transmettre les diverses instructions royales qu’ils reçoivent, par l’intermédiaire d’un messager qui va chercher les lettres tous les jeudis à Rethel (Ardennes) et les porte à Wasigny (Ardennes) le vendredi, jour de marché[1].
Il a aussi pour mission de transmettre les mandements de prières publiques pour la prospérité des armées du roi. Deux exemples peuvent être cités : l’un, du 4 juin 1707, demande des prières, une procession, une exposition du Saint-Sacrement jusqu’au 16 octobre 1707.
L’autre, daté du 24 mai 1709, œuvre pour « le rétablissement de la paix et le secours de Dieu dans les nécessités publiques et la conservation de la personne du roy[1] et de toute la famille royale ».
[1] Graphie utilisée jusqu’au XVIIIe siècle. Sa forme moderne est attestée en 1740 par l’Académie française.
Les prières doivent être dites jusqu’au 3 novembre. Depuis des mois, la population connaît de très grosses difficultés économiques, liées aux conséquences d’un terrible hiver.
Après la Révolution, le soutien du représentant du diocèse de Reims est acquis au roi Louis XVIII. Ce prélat, donnant le sacrement de confirmation en 1816, profite de cette grande réunion pour apporter son soutien au gouvernement en place.
Pour persuader les fidèles des diverses paroisses de suivre ses recommandations, il retient l’assemblée pendant plus d’une heure pour la persuader de s’attacher aux Bourbons et au meilleur des rois[1].
On retrouvera ce soutien appuyé sous le Second Empire. Mais d’autres voix s’élèvent pour s’opposer à cette direction des consciences. Il n’en reste pas moins vrai que dans les villages, surtout durant les périodes de guerre, les paroissiennes et les paroissiens trouvent auprès du curé du village aide et réconfort spirituel…
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant la grille de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Monseigneur Antonio Barberini, 91e archevêque de Reims, de 1657 à 1671.
Parmi ceux qui ont exercé leur ministère dans cette paroisse, on peut citer vers 1663 F. Prony[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Remi[1] Bayen, prémontré de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine, est probablement curé de La Romagne entre 1663/1664 et 1665, après avoir été à La Hardoye (Ardennes) puis à Rocquigny (Ardennes).
Pierre Le Heutre, né vers 1636 dans le diocèse, est ordonné en 1660 à presque 25 ans. Il est le curé du village pendant dix-sept ans de 1665 à 1682. Quoique son nom n’apparaisse pas, c’est sûrement lui qui est affecté à ce lieu[1] en 1665, alors que la paroisse de Montmeillant (Ardennes) était « abandonnée » et son église « en très mauvais état ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252, page 213 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Monseigneur Charles-Maurice Le Tellier, 92e archevêque de Reims, de 1671 à 1710.
Nicolas Jouvant, né à Reims (Marne) vers 1656, est ordonné en 1682. Il est nommé ensuite pour quelques mois à La Romagne et, fait curieux, avant son ordination. Cependant, ce cas n’est pas exceptionnel en Champagne, puisque monseigneur Le Tellier attribue souvent des « titres de paroisse » avant que le titulaire ait « reçu la prêtrise[1] ».
Ces nominations sont « maintenues comme exactes ». Cet ecclésiastique est affecté peu de temps après son ordination à la cure de Saint-Jean-aux- Bois (Ardennes) puis à Chémery (Ardennes). Il est nommé doyen rural jusqu’en 1719 et décède en 1734. Il est alors curé d’Aÿ[2] (Marne).
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 128-1 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 128 = papiers de l’abbé Emile Bouchez, le clergé des Ardennes en 1789 et sous la Révolution (don de monseigneur Leflon, janvier 1961, entrée 421), pièce 1J 128-1 = répertoire alphabétique des curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après les archives diocésaines, 1663-1791, registre de 173 pages].
Nicolas Lambinet, originaire de Brieulles-sur-Meuse (Meuse), où il est né vers 1643, est le curé du village de septembre 1682 au 27 juin 1686, avant de rejoindre la cure de Lametz (Ardennes) jusqu’au 1er janvier 1713.
Adrien Desjardins remplit un court intermède d’une dizaine de mois. Ce prêtre, venu de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine (Ardennes) où il est sous-prieur[1], rejoint Rubigny (Ardennes) en février 1687 où il décède le 13 août 1697 [2].
Les lettres patentes du roi en forme d’édit du mardi 29 avril 1664 ordonnent que les bulles des papes Innocent X et Alexandre VII seront publiées dans tout le royaume.
Nicolas Norbert Dehaulme, né vers 1653, occupe la cure pendant quinze ans, du 31 mars 1688 jusqu’en octobre 1703, et se dévoue à sa paroisse. C’est à l’origine un religieux du couvent de Chaumont-la-Piscine (Ardennes). Lorsque son ministère romanais prend fin, il y retourne, comme cela se passe assez souvent pour les moines réguliers.
Le testament d’Hubert Terlot est signé par le curé de La Romagne, Louis Pottin, qui assiste ses paroissiens sur le plan matériel et spirituel. Archives départementales des Ardennes, G 238 [série G = clergé régulier avant 1790, articles G 92 à 272 = églises paroissiales et leurs fabriques], cote concernant les églises de Rocquigny, La Romagne, Romance (Saint-Pierre), les constitutions de rentes, dons et legs, les déclarations de biens 1611-1788.
Louis Pottin passe trente-six ans à La Romagne, de sa nomination vers 1705 jusqu’à sa mort à l’âge de soixante et onze ans environ, le 22 octobre 1740. Tout au long de son sacerdoce, il s’implique dans les diverses tâches auprès de ses paroissiens, tant spirituelles que matérielles.
Ses obsèques sont célébrées par le prieur-curé de Givron (Ardennes) en présence de R. Chanveaux, curé-doyen de Rethel (Ardennes), de Jean-Baptiste Le Roy (maître d’école), Antoine Leblanc et François Merlin.
Jean Maquet lui succède pour un temps très court : neuf mois, du 7 novembre 1740 au 14 août 1741.
François-Jean Bataille, de l’ordre des prémontrés, devient le nouveau titulaire de la cure, du 14 août 1741 jusqu’à sa mort vers août 1747 (les registres paroissiaux entre 1742 et 1753 ont disparu). Il jure avoir « signé les formulaires de foi du pape Alexandre VII qui condamnent le jansénisme ».
Palazzo Barberini (Rome, Italie), numéro d’inventaire 5048, Bernin, Le (1598-1680), Portrait du pape Urbain VIII [Maffeo Barberini], peinture à l’huile, 1e moitié du XVIIe siècle, vers 1631-1632, huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne.
Depuis le 6 mars 1642, le pape Urbain VIII a porté une condamnation contre les théories de Jansenius[1] contenues dans son livre intitulé Augustinus.
Portrait du pape Innocent X par Diego Vélasquez.
Cette critique théologique est confirmée par une bulle du pape Innocent X le 31 mai 1653, puis par celle d’Alexandre VII le 16 octobre 1656.
Walters art museum (Baltimore, Maryland), numéro d’inventaire 37.598, Gaulli, Giovanni Battista (1639-1709) [atelier], Portrait du pape Alexandre VII [Fabio Chigi], peinture à l’huile, 1e moitié du XVIIe siècle, vers 1667, peinture à l’huile sur canevas, notice descriptive consultable en ligne.
En 1661, les évêques de France décident de rédiger un formulaire portant réprobation des doctrines condamnées, et de l’imposer à tous les ecclésiastiques de leurs diocèses. Ces derniers sont contraints de le signer sur-le-champ.
En 1665, le pape Alexandre VII propose de ne pas admettre un élu quelconque à la jouissance d’un bénéfice, sans qu’il lui fût enjoint de souscrire à ce document condamnant expressément l’erreur janséniste. Cette ferme invitation soulève une opposition formidable en Champagne.
Au XVIIIe siècle, monseigneur François I de Mailly, successeur de monseigneur Le Tellier, se montre, lui, très empressé de faire signer ce document par les différents prêtres de son diocèse.
Monseigneur François I de Mailly, 93e archevêque de Reims, de 1710 à 1721.
Monseigneur Armand Jules de Rohan-Guémené, 94e archevêque de Reims, de 1722 à 1762.
Philippe Hennezel, prémontré, occupe la cure du 4 septembre 1747 jusqu’à sa mort vers février 1760, à l’âge de cinquante-six ans. C’est un chanoine régulier de l’ordre des prémontrés. Pour ses obsèques, le service religieux est célébré par le curé de Givron (Ardennes), en présence de J.-B. Davaux et du prieur Godart de la Piscine. Il est inhumé au milieu du chœur de l’église.
Monseigneur Charles Antoine de La Roche-Aymon, 95e archevêque de Reims, de 1763 à 1777.
Simon Godart, prémontré, après avoir été curé de Givron (Ardennes), reste à La Romagne de février 1760 à 1769, moment où il démissionne. Cette situation ouvre aux « patrons de la cure » la possibilité de désigner un candidat, dont les supérieurs diocésains agréent ou rejettent la candidature après l’avoir examinée.
D’après le registre consulté, il est le seul à avoir démissionné dans ce village, alors que sur la même période de cent trente ans, quatre curés l’ont fait à Rocquigny (Ardennes), et que trois autres ont « résigné », c’est-à-dire qu’ils ont laissé leur paroisse en faveur, généralement, d’un membre de leur famille. Quelles peuvent-être les raisons de ces différences ? A la suite de ce départ, c’est F. Pierron, curé de Montmeillant (Ardennes), qui pourvoit aux besoins de la paroisse.
Joseph Bourdon[1], religieux prémontré né le 6 mai 1728 à Moncourt[2], prend en charge la cure à partir du 12 janvier 1770, après avoir relevé des diocèses de Rouen (Seine-Maritime) et de Laon (Aisne) et être arrivé dans le diocèse de Reims en 1763.
Certains prêtres comme ce curé reçoivent l’extension des pouvoirs, et les « cas réservés », c’est-à-dire tout ce qui regarde la magie, les superstitions et les maléfices[3].
Serment de Joseph Bourdon à la Constitution civile du clergé.
Il est toujours présent dans sa paroisse lors des premières années révolutionnaires. Il prête serment à la Constitution civile du clergé le 28 janvier 1791[1], contrairement à certains de ses confrères. Il est redemandé après la Révolution.
Attestation du serment prêté par le curé Joseph Bourdon.
Il est l’un de ceux pour qui quelques détails physiques sont notés en l’an VI par les autorités du canton de Rocquigny (Ardennes). Il mesure cinq pieds et cinq pouces, soit un peu plus d’un mètre soixante-cinq. Il a le visage et le menton ronds, une grande bouche, des « yeux roux[2] », des sourcils gris. Ses cheveux sont blancs.
[1]Archives départementales des Ardennes, L 1336 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 = canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819], délibération du canton de Rocquigny lors de sa séance du 26 avril 1792.
[2] Cette désignation ancienne d’une pigmentation de l’iris n’évoque plus pour nous une couleur précise.
Monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, 96e archevêque de Reims, de 1777 à 1816.
Dans l’enquête menée le 20 novembre 1807, nous apprenons qu’il a alors soixante-dix-neuf ans et qu’il souffre de nombreuses infirmités qui l’empêchent de dire la messe. En outre, il ne peut se servir de sa main droite[1]. Il décède dans sa paroisse, un an plus tard, le 3 juillet 1808[2], après l’avoir servie pendant plus de trente-huit ans.
Monseigneur Jean Charles de Coucy, 97e archevêque de Reims, de 1817 à 1824.
Pendant quelques années, La Romagne est une annexe de Montmeillant (Ardennes), avant de redevenir une cure à part entière. De ce fait, elle est desservie par le prêtre de cette commune.
Monseigneur Jean-Baptiste de Latil, 98e archevêque de Reims, de 1824 à 1839.
Jean-Baptiste Mozin naît à Montcy-Saint-Pierre (Ardennes). De sa nomination (quand la Romagne est redevenue pleinement une paroisse) jusqu’à sa mort le 4 janvier 1842 à l’âge de trente-six ans, il demeure dans le village.
Dans une enquête destinée à l’archevêché, on apprend qu’il y vit en compagnie de sa mère et de sa sœur, et qu’il héberge chez lui quelques écoliers. Il bine[1]. Ce qui s’avère plus important, c’est l’opinion qu’il exprime sur ses paroissiens.
Pour lui, quelques-uns sont superstitieux, mais ne sont pas scandaleux. Cent trente font leur devoir pascal. Néanmoins, il reproche à certains d’être trop lents pour faire baptiser leurs enfants. Mais personne ne néglige de les envoyer au catéchisme.
[1] En droit canonique, biner = célébrer deux messes le même jour, généralement dans deux églises différentes.
La Romagne – L’Eglise, carte postale ancienne éditée par Briard, virage sépia.
Simon Noiville, né le 10 février 1816 à Longwé (Ardennes), reçoit une nomination à La Romagne à partir du 20 juin 1842. Il veille à améliorer son église : pour communiquer avec ses paroissiens à partir des années 1870, il a recours à un petit journal, Le Réveil de Signy-l’Abbaye, qui lui sert de bulletin paroissial.
Monseigneur Thomas II Gousset, 99e archevêque de Reims, de 1840 à 1866.
Monseigneur Jean-François Landriot, 100e archevêque de Reims, de 1867 à 1874.
Dès 1883, une plainte est formulée contre lui auprès du préfet[1], car il manque souvent à ses obligations. Le représentant du gouvernement fait remarquer dans sa réponse qu’il est paralysé et qu’il a soixante-huit ans. Il ajoute qu’on ne peut pas insister pour le faire remplacer, car le presbytère est sa propriété et non celle de la commune.
A partir du mois de mars 1884, c’est le vicaire administrateur Renaudin qui signe les actes pour La Romagne. D’autre part, certaines lacunes apparaissent à la lecture des documents religieux de l’église Saint-Jean (la transcription de la sépulture de Céline Millet ou le baptême d’un enfant de la famille Gosset ne sont ainsi pas pris en compte).
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6655, vue 241/503, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6655 = Reims (diocèse) : J à W].
Le 3 mars 1885, l’abbé Noiville qui, depuis trois ans environ, était frappé par une maladie paralysant son activité intellectuelle et physique, décède[1]. Il était curé de La Romagne et prêtre depuis quarante-trois ans.
Il est inhumé, le 5 du même mois, dans le cimetière du village, en présence de nombreux prêtres des alentours[2] (Le Fréty, Novion, Saint-Jean-aux-Bois, Estrebay, Rubigny, Montmeillant, etc.) mais aussi de ses paroissiens qui rendent un dernier hommage à celui qui avait été leur « guide sûr », leur « ami vrai » et qui avait partagé leurs joies et leurs tristesses pendant cette longue série d’années si mouvementées.
[2] Tous les villages cités sont dans l’actuel département des Ardennes.
Georges Victor Grégoirenaît le 21 septembre 1857 à Floing (Ardennes). En 1881, il est vicaire à Nouzon (Ardennes), puis il est nommé à Daigny (Ardennes), le 31 octobre 1884. Il y reste peu de temps. Après deux avis dont on ne connait pas la teneur (10 et 28 août 1885), la paroisse lui est confiée, ainsi que celle de Draize (Ardennes). Il y reste jusqu’au 21 mars 1901.
Pour lui, l’état d’esprit des habitants est fort bon : toutes les femmes, les enfants et vingt à trente hommes assistent à la messe du dimanche. Il y a beaucoup de monde à la communion pascale et même aux célébrations en dehors de Pâques. Cet avis ne semble pas concorder avec d’autres échos.
Au cours de ces années, quelques incidents relatés dans Le Petit Ardennais révèlent quelques tensions entre le prêtre et ses paroissiens. Le premier a lieu lors de l’inhumation d’un jeune soldat qui accomplissait son service militaire[1]. Ses camarades de régiment avaient offert une couronne, mais celle-ci n’étant pas du goût du curé, elle aurait été jetée par ce dernier.
Peu de temps auparavant, il s’était déjà signalé en retirant à l’instituteur[2], qui était déjà assez vieux et qui ne pouvait plus chanter à l’église, le droit de sonner les cloches[3].
[1] Il s’agit de Jean-Baptiste Emile Mauroy, fils de Jean-Baptiste Mauroy et de Marie Léonie Lelong, décédé le 8 mars 1895 à Vouziers (Ardennes), où il était en garnison comme cavalier au 5e régiment de cuirassiers.
[2] Ce dernier serait Hippolyte Guérard et aurait été âgé de cinquante-six ans au moment des faits.
[3]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 35, « La Romagne. – Un peu plus de tolérance » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, dix-huitième année, n° 5763, vendredi 5 février 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Monseigneur Benoît Langénieux, 101e archevêque de Reims, de 1874 à 1905.
Il ne s’arrête pas là, puisqu’il s’insurge ensuite contre un mariage qui, pour des raisons familiales, sera finalement célébré à Montmeillant (Ardennes), au lieu de l’être à Draize (Ardennes), qui était sous sa tutelle.
L’auteur de l’article du Petit Ardennais, afin d’insister sur la vénalité de l’ecclésiastique, le soupçonne de mener grand bruit car son casuel s’en trouverait diminué. Il se moque que le curé ait porté cette affaire jusque devant monseigneur Langénieux, son archevêque, ne manquant pas au passage d’insister sur le fait que le mariage religieux n’est qu’une « inutile superfétation[1] ».
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 35, « Montmeillant. – A propos d’un mariage » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, dix-huitième année, n° 5776, jeudi 18 février 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Bien qu’il n’y ait pas eu de suite, le maire s’adresse au préfet le 22 mai 1895 pour demander le déplacement de ce prêtre « qui trouble le pays par sa propagande antirépublicaine [1]».
Cette demande n’aura pas de suite immédiate, mais cela n’empêche pas le préfet de dire en 1904 que cet ecclésiastique est hostile aux institutions. Après La Romagne, il rejoint Sévigny-Waleppe (Ardennes), où il décède le 28 mars 1904.
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6654, vue 425/485, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6654 = Reims (diocèse) : A à I].
Edmond François Bastin, « homme énergique qui a le sens des responsabilités et est animé d’une foi profonde[1] », naît en 1873 à Authe (Ardennes) dans une famille très religieuse qui compte plusieurs prêtres et religieuses.
Il a été formé au petit, puis au grand séminaire de Reims (Marne). Tout d’abord vicaire à Rocroi (Ardennes), il est nommé à La Romagne de janvier 1901 jusqu’en décembre 1912, pour être ensuite muté à la paroisse de Challerange (Ardennes).
Monseigneur Louis-Joseph Luçon, 102e archevêque de Reims, de 1906 à 1930.
Comme ses paroissiens, il part en 1914 pour l’armée, où il est infirmier. Lorsqu’il est démobilisé, il retrouve un village dévasté, dans lequel il reprend son ministère. Lui aussi n’échappe pas aux sarcasmes du correspondant du Petit Ardennais : des pèlerins ayant rapporté à leurs connaissances un flacon d’eau de Lourdes (Hautes-Pyrénées) dite « miraculeuse », ils furent épinglés à travers la création d’un vocabulaire digne de celui de Molière pour dénoncer leur crédulité.
Une analyse pseudo-chimique à caractère satirique de ce liquide en dévoile la « teneur » : six cent vingt-cinq grammes d’eau pure et 0,011 milligramme de sulfate de magnésie. Quant aux autres composants, ils se trouverait en quantité variable de l’acide bétifique, de la crédulose, de la niaisine, du carottate d’argent et de l’attrapure d’or, de l’hypocritine, du cervellate de plomb et du gobe-mouchine[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 58, « La Romagne. – L’eau de Lourdes » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-neuvième année, n° 9856, mercredi 30 septembre 1908, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
L’enquête préliminaire diligentée par l’archevêché auprès des curés des diverses paroisses quelques semaines avant la promulgation de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat est le moyen de connaître la mentalité des paroissiens lors de ce changement, bien que ceux-ci « ne semblent pas croire à la mise à exécution de la loi ».
Pour l’abbé Bastin[1], « Les hommes sont peu portés vers la religion, d’autant qu’il ne s’en trouve que sept qui veulent bien du prêtre au mariage et à la mort. », mais ces derniers « ne viennent pas à la messe chaque dimanche ». « Les femmes sont plus de bonne volonté et résolues. », selon lui.
La situation est donc assez confuse. Néanmoins, le curé pense que ses paroissiens réagiront et « pilleront leur porte-monnaie » pour assurer au moins la première année avec 200 à 300 francs de revenu[1]. Cette somme couvrira le lieu de culte, son logement et sa subsistance, quand les fidèles verront « la publication et la réalité de la loi ».
Dans cette même enquête, ce prêtre, qui célèbre les messes aussi à la paroisse de Draize (Ardennes), se montre beaucoup plus pessimiste pour sa situation dans ce village, reprochant à ses paroissiens leur égoïsme et les accusant de « ne vivre que pour eux et pour la terre ».
[1] Mais il émet des doutes pour les années suivantes.
Après la promulgation de la loi de séparation, c’est ce prêtre[1] qui va donc connaître le changement de statut à partir de 1906. C’est une nouvelle occasion pour l’un des journalistes du Petit Ardennais de tourner en dérision cet ecclésiastique, sous le titre ironique « La séparation continue », lors d’une chute à bicyclette, tandis qu’il descendait à « une vitesse vertigineuse » la côte qui va de Montmeillant (Ardennes) à La Romagne, le laissant ensanglanté sur un tas de pierres que la main de la Providence « avait mis là, fort à propos, pour le recevoir[2] ».
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6654, vue 43/485, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6654 = Reims (diocèse) : A à I].
[2]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 53, « Montmeillant – La Romagne. – La séparation continue » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-septième année, n° 8976, dimanche 8 avril 1906, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/6, consultable en ligne].
Les images mortuaires, distribuées à la famille et aux proches, comportent un contour noir plus ou moins épais et, parfois, une photographie du défunt. C’est le cas pour l’abbé Henri-Emile Régnier, curé de La Romagne (Ardennes). Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Henri-Emile Régnier, né à Clavy-Warby (Ardennes) le 6 janvier 1863, entre au séminaire en 1880, et est ordonné prêtre en 1887. Il rejoint successivement les cures de Faverolles[1] (Marne) et de Beaumont-sur-Vesle (Marne), puis de Landrichamps (Ardennes), avant d’être nommé à la paroisse de La Romagne en 1912.
Il décède le 8 octobre 1923 à la maison de retraite au Dorat (Haute-Vienne). Il est inhumé dans le cimetière paroissial et, chaque année, une messe anniversaire était censée devoir être célébrée pour le repos de son âme.
Jules Pleugersnaît le 8 juillet 1895 à Huppays (Belgique). Sa famille s’installe à Chooz (Ardennes), où il passe son enfance. Il étudie au petit séminaire de Vouziers (Ardennes) puis entre au grand séminaire de Reims (Marne). La guerre de 1914 l’empêche de continuer ses études dans ce lieu. Mais il les poursuit à Namur[1], où il est ordonné le 15 août 1919. Il est d’abord nommé vicaire à Rocroi (Ardennes), puis à l’église de Saint-Nicolas de Rethel (Ardennes).
Monseigneur Emmanuel Suhard, 103e archevêque de Reims, de 1930 à 1940.
La Romagne est sa première cure en 1923. Il a en charge, en plus du village, les paroisses de Draize (Ardennes) et de Montmeillant (Ardennes). Il est naturalisé[1] Français le 4 avril 1927. C’est lui qui célèbre la messe à Chaumont-Porcien (Ardennes) pour la fête de Saint-Berthault[2] (le 16 juin 1932) devant une assemblée très nombreuse et en présence de nombreux prêtres venus de Fismes (Marne) et de quelques villages des Ardennes (Mainbressy, Fraillicourt, Chappes, Sery, etc.).
Monseigneur Louis-Augustin Marmottin, 104e archevêque de Reims, de 1940 à 1960.
Il quitte sa paroisse en 1945, après avoir soutenu ses paroissiens durant la Seconde Guerre mondiale pour rejoindre Bourg-Fidèle (Ardennes) et Sévigny-la-Forêt (Ardennes). Il quitte son sacerdoce en 1969 après la célébration de ses noces d’or sacerdotales, car il est frappé d’une grave maladie. Il décède le 8 janvier 1975 à Charleville (Ardennes)[1].
Le curé de La Romagne (Ardennes) propose aux habitants du village un théâtre populaire familial. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Antoine Godart, né à Linchamps (Ardennes) le 23 octobre 1919, ordonné prêtre le 29 juin 1943, est nommé à La Romagne en 1946. Il y reste jusqu’aux années soixante. Son action spirituelle et humaine est importante. C’est sous son ministère qu’a lieu la cérémonie de réouverture de l’église.
Programme de deux pièces de théâtre jouées à La Romagne (Ardennes) grâce à l’action du curé Antoine Godart. Rosalie fait du marché noir est une comédie en un acte écrite par Jean des Marchenelles en 1945. Théodore cherche des allumettes est une saynète en un acte de Georges Courteline, représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Grand-guignol le 10 octobre 1897. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
La vipère est une pièce en un acte de Jules Mauris, représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Grand-guignol en novembre 1920. La Farce des bons saints de glace est une pièce en un acte écrite par Henri Brochet en 1942. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Dès 1948, Il fait la demande à la commune d’un terrain, sur lequel on pourrait construire une salle des fêtes et de réunions pour les jeunes gens de la localité. Dans sa séance du 17 février 1948, le conseil municipal accepte cette requête, à condition que l’autorité supérieure[1] donne elle aussi son accord. Le terrain communal proposé est situé près du gué Marquigny. Ce projet ne semble pas avoir abouti.
On lui doit la construction d’un oratoire dédié à Notre-Dame de Lourdes (Hautes-Pyrénées), érigé en 1949 aux confins des paroisses ardennaises dont il a la charge : La Romagne, Draize, Givron et Montmeillant.
Accueil de monseigneur François Marty au congrès eucharistique de la Romagne (Ardennes), lors de la Pentecôte, le dimanche 5 juin 1960. Au premier rang se distingue André Barré en tenue de pompier.
Antoine Godart est aussi l’instigateur des journées du congrès eucharistique régional de la Pentecôte le dimanche 5 juin 1960.
Monseigneur Georges Béjot (1896-1987), évêque auxiliaire de Reims (1955-1971), en grand apparat, au congrès eucharistique de la Romagne (Ardennes), lors de la Pentecôte, le dimanche 5 juin 1960. Le concile Vatican II, ouvert le jeudi 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII et clos le mercredi 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI, simplifie singulièrement la paramentique (vêtements, coiffes, tentures, ornements utilisés dans les liturgies chrétiennes). Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
La Jeanne d’Arc, conduite par l’abbé Antoine Godart, défile à La Romagne (Ardennes) lors de la fête nationale du lundi 14 juillet 1952. Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Il s’implique beaucoup dans la vie du village, tout d’abord en organisant des rencontres de la JOC[1]. Il anime dans le cadre de l’action catholique la fanfare Jeanne d’Arc, regroupant des jeunes gens des différentes paroisses qu’il supervise. Cette clique[2] fort importante par son effectif masculin décline avec le départ de certains de ses membres, rappelés pour combattre en Algérie. Elle disparaît après le départ de la paroisse de l’abbé.
Mon gosse (Totò e Marcellino) est un film italien en noir et blanc réalisé par Antonio Musu. Il est sorti en Italie le mardi 22 avril 1958 et en France le mercredi 27 juillet 1960. L’affiche de cinéma apposée sur un mur de La Romagne daterait de cette époque. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Il propose aussi des séances de cinéma aux enfants après le catéchisme, ou aux adultes en fin de semaine. Il monte en 1947 les Bons Loisirs[1], une troupe de théâtre où se retrouve une grande partie des jeunes du village, et qui donne parfois une représentation.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1430 W 25 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Lorsqu’il quitte La Romagne, il est nommé à Ville-Dommange (Marne). Il se retire de sa mission curiale le 1er septembre 1995. Il décède le 11 mars 2002 à Reims (Marne).
L’abbé Pierre Médéric Buché †, curé du village, en soutane, surplis et barrette. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Pierre Médéric Buché, originaire de Reims (Marne), où il naît le 29 août 1922, est ordonné prêtre le 22 mars 1947. Il devient le nouveau curé de La Romagne tout en l’étant également à Maranwez (Ardennes) du 6 août 1960 jusqu’au 5 août 1967, date à laquelle il rejoint le district de Verzenay (Marne). Après sa retraite, il vit au presbytère de ce village et décède le 10 juin 2010 à Reims (Marne).
Cérémonie religieuse à La Romagne (Ardennes) célébrée par l’abbé Pierre Médéric Buché et des ecclésiastiques des environs. Photographie ancienne en noir et blanc.
Manuscrit d’un poème chrétien rédigé pour La Romagne (Ardennes) par le curé de sa paroisse, Henri Gaston Leromain. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Brigitte Alliot.
Henri Gaston Leromain[1], né le 28 octobre 1929, est originaire de Cheveuges (Ardennes). Il se forme au chant grégorien à l’Institut catholique. Il porte la responsabilité de la paroisse du 5 août 1967 jusqu’en 1973. Il est ensuite nommé sur le secteur pastoral de l’Argonne[2] puis en 1977 à Saint-Remi de Charleville (Ardennes). Il est prêtre auxiliaire au service du district de cette ville le 1er septembre 1996. Il décède le 29 mars 1998 à Reims (Marne).
Paul Dubois-Matra, né le 28 juin 1933 à Reims (Marne), lui succède. Jusqu’à sa nomination à La Romagne, il s’occupe du secteur pastoral du Vallage[1], et appartient à l’équipe pastorale de Vouziers (Ardennes).
Lors de la séance du conseil municipal le 12 juin 1984, la commune se propose de participer à la cérémonie organisée à Chaumont-Porcien (Ardennes) le 1er juillet 1984 pour fêter son jubilé. Il reste jusqu’au 9 octobre 1988.
C’est à ce moment que la municipalité est informée par l’archevêché qu’il n’y aura plus de desservant à demeure à La Romagne.
Par la suite, il devient responsable du secteur Thiérache Nord à Signy-le-Petit (Ardennes). Il rejoint la cure d’Asfeld (Ardennes) le 1er septembre 1997, et décède dans ce bourg le 16 septembre 2000.
L’abbé Pierre Médéric Buché, entouré d’enfants de chœur du village et des paroisses environnantes. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Le sacerdoce de ces prêtres, et la foi qui anime leurs familles, font probablement naître des aspirations religieuses parmi les Romanais. Plusieurs sont ainsi entrés dans les ordres.
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Pierre Thomas Antoine de Boucher, né le 7 mars 1734 à La Romagne, fils de messire Paul de Boucher, seigneur d’Avançon (Ardennes) et de Marie-Thérèse Devie, devient curé de Poix (Marne), avant de permuter pour la cure d’Avançon (Ardennes).
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant la grille de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Jean-Louis Bienfait, fils de François Bienfait et de Marie Catherine Trippier, né le 29 novembre 1796 à La Romagne, devient prêtre à Sauville (Ardennes) et s’éteint dans cette commune le 28 septembre1859.
Messe et cérémonie publique sur la place de La Romagne (Ardennes).
Victor Devie, fils d’Alexandre Auguste Devie et de Marie-Charlotte Fréal, né le 27 février 1805 à La Romagne, est également prêtre. Il pratique à Pomacle (Marne), Bazancourt (Marne), Blanchefosse[1] (à partir de 1865) et décède le 7 novembre 1886 à Reims (Marne).
[1] Blanchefosse a depuis fusionné avec la commune de Bay pour former la commune de Blanchefosse-et-Bay (Ardennes).
Jean-Baptiste Apollinaire Lantenoy[1], fils de Jean-Pierre Lantenoy et de Jeanne Marie Hamel, né le 8 janvier 1818 à La Romagne. Ordonné prêtre, il officie à Revin (Ardennes) comme vicaire, puis Vaux-lès-Mouzon (Ardennes), Joigny[2] à partir du 22 octobre 1849, Banogne[3] et Saint-Fergeux (Ardennes), où il est nommé le 12 octobre 1862, et où il décède le 21 novembre 1873.
Par ce testament, Marie-Eugénie Devie fait don de sa maison pour la création d’une école à La Romagne (Ardennes).
Marie-Eugénie Devie, sœur de Marie-Esther Devie, née le 3 septembre 1833, décède le 10 septembre 1864, alors qu’est religieuse de la communauté de L’Enfant Jésus. Elle lègue ses biens pour la création de l’école des filles de La Romagne.
Sœur Hélène en cornette. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Denise Flament-Legros, transmise par madame Marie-Paule Vergneaux.
Marie-Jeanne Eudoxie Devie, fille d’Alexandre Auguste Devie et de Jeanne Catherine Patoureaux, née le 14 décembre 1836 à La Romagne, entre en religion sous le nom de sœur Hélène. Elle est hospitalière à l’hôpital Lariboisière puis à Saint-Louis, avant de décéder à Paris en 1905.
Marie-Esther Devie, fille de Jean Baptiste Devie et de Marguerite-Virginie Devie, née le 5 mai 1838 à La Romagne, décède à Reims le 30 juillet 1861, alors qu’elle est novice au monastère de la congrégation des sœurs de la Divine Providence.
Monseigneur François Marty, 105e archevêque de Reims, de 1960 à 1968. La mutation culturelle et sociale qui touche la société cette année-là affecte aussi l’Église.
Malgré ces vocations romanaises, La Romagne n’a plus de curé attitré. La paroisse se voit partagée avec d’autres : elle est confiée à l’abbé Jean-Marie Brédy, curé de Rocquigny (Ardennes), qui assure aussi sa mission sacerdotale à Fraillicourt (Ardennes).
Il occupe cette charge jusqu’au 1er septembre 1998. Il est alors nommé aumônier du mouvement des retraités. Il décède le 1er décembre 2008 à Nouvion-sur-Meuse (Ardennes).
La fin du 20e siècle est marquée par une crise religieuse. Les curés ont désormais à s’occuper de plusieurs paroisses. Il ne peuvent le faire qu’en étant secondés par des clercs comme cela est courant pour les obsèques. Les ecclésiastiques doivent compter de plus en plus sur le laïcat…
L’église de La Romagne est divisée en deux parties : le sanctuaire et la nef. Le premier est délimité par une élévation de la hauteur d’une marche, une balustrade faisant office de banc de communion, le maître-autel dans l’axe du portail d’entrée.
Jusqu’en 1710, le sanctuaire est entretenu par les gros décimateurs que sont les abbés successifs de l’abbaye de Chaumont-Porcien. Après cette date, les grosses dîmes sont abandonnées au curé.
Le reste de l’espace est occupé par une nef dépourvue de bas-côtés. Elle n’est pas couverte de voûtes mais d’une charpente, formée de poutres horizontales, qui prennent appui dans les murs juste au-dessus des fenêtres hautes. Son entretien incombe à la fabrique.
Par trois fois au moins, l’intérieur de l’église est détruit : tout d’abord à la suite de la guerre de Trente Ans et de la Fronde, puis à la Révolution, et enfin lors de la Seconde Guerre mondiale.
Chasuble romaine noire en velours de soie (XIXe siècle).
En 1659, lors d’une visite, le bilan suivant est dressé : l’église est en ruines tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et on ne peut y officier[1]. Du reste, le curé a parfois célébré la messe dans son bûcher, n’ayant aucun autre lieu pour le faire. Cette situation reste encore valable en 1663.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
De plus, il ne reste plus que quelques objets sacrés, dont un ciboire en cuivre et un soleil en fer blanc. Il n’y a plus de linge, et si peu d’ornements que le curé ne dispose pas des chasubles aux couleurs des différents temps liturgiques[1].
[1] Chez les catholiques, le violet est associé à l’Avent et au Carême, le blanc à Noël et à Pâques, le rouge à la Pentecôte et le vert au temps ordinaire. Le noir est réservé aux offices funèbres.
Chasuble romaine violette en soie damassée (XIXe siècle).
Touchés par tant de misère, et avec la volonté que les paroissiens retrouvent leur église, les délégués de l’archevêque parlent de saisir les décimateurs[1]. Ils souhaitent les contraindre à exécuter des travaux, alors que ces derniers ont connu beaucoup de vicissitudes avec l’incendie et la reconstruction de leur abbaye à Remaucourt.
Lors des tournées suivantes, qui se succèdent tous les deux ou trois ans environ, la paroisse est visitée par monseigneur Le Tellier en personne, ou par ses émissaires.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Quelques petites améliorations voient le jour à partir de 1671, mais des manquements sont soulignés, comme le ciboire en cuivre[1], ou le tabernacle posé sur l’autel. Or, il devrait être surélevé et fixé à demeure, selon une tradition établie au XVIe siècle.
Il renferme en effet les hosties consacrées et non consommées, ce qui permet de donner la communion à des fidèles en dehors de la messe, ou le viatique aux mourants.
L’autorité ecclésiastique juge que « les ornements sont malpropres » et constate que « les fonts ne ferment pas à clé », si bien qu’il est donné ordre aux paroissiens de remettre l’église en état[2].
Lors de cette visite, une chasuble (le vêtement doit être en accord avec la solennité de la célébration) et une bourse garnie sont offertes au curé.
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Chasuble romaine rouge orangé en soie (XIXe siècle).
Il faudra environ une trentaine d’années pour que l’église retrouve un meilleur aspect. Ce qui en dit long sur la pauvreté du village, consécutive aux guerres qui ont ruiné la région.
Chasuble romaine en tissu vert brodée sur les deux faces (début du XXe siècle).
En 1699, grâce au mémoire dressé par le curé Dehaulme (prêtre de la paroisse entre 1688 et 1710), on peut constater les améliorations apportées pour la célébration du culte : il a acheté une nappe d’autel, une burette[1] d’airain dotée d’un couvercle en fer-blanc.
D’autre part, il a fait réparer le tabernacle, s’est procuré quatre porte-cierge de bois et leurs lampions auprès d’un tourneur résidant au Fréty, et quatre grands chandeliers auprès d’un menuisier.
[1] Vase contenant le vin ou l’eau qui servent à la messe.
Chasuble romaine blanche en soie damassée de croix (XIXe siècle).
Il a fait confectionner un grand surplis et de plus petits pour les enfants de chœur, et orner d’un galon le pavillon du ciboire. Il a acheté des corporaux, un devant d’autel, un ciboire et un soleil d’argent[1].
Tout en exerçant son ministère, il se rend à Charleville ou à Rethel pour des achats, ou pour confier des travaux à des religieuses expertes en broderie et en couture, voire pour faire appel à des artisans locaux.
Cependant, il n’y a toujours pas de bougie allumée devant le Saint Sacrement, en dehors du moment de la messe et des jours de fête. Cela représente une dépense importante, à laquelle la paroisse ne peut pas faire face. La pauvreté du lieu ne permet pas de respecter les règles qui stipulent qu’il faut
« prendre garde que la lampe brûle jour et nuit devant le Très Saint Sacrement soit par l’application de fonds de la fabrique soit par la contribution volontaire des habitants ».
Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin en date de MDCLXXXIII.
Cette lumière est un hommage rendu à Dieu, et la liturgie fixe avec précision l’abondance du luminaire en fonction de la célébration. S’il y a un manquement en raison de la faiblesse des revenus, à aucun moment, un quelconque reproche n’apparaît pour ce fait lors des visites du doyen ou du vicaire, tous deux au courant de la situation paroissiale.
En 1710, lors d’une visite, l’église est décrite comme « assez belle si elle était mieux entretenue et mieux ornée ». Il est estimé qu’elle devrait l’être puisqu’il y a quelques revenus. Cette remarque, qui semble concerner l’intérieur, montre que des changements sont intervenus. Il faut cependant attendre une trentaine d’années pour avoir une description plus détaillée :
« Le sanctuaire ainsi que le chœur et la nef sont très propres, plafonnés et lambrissés. »
Ces améliorations sont certainement dues à une période durant laquelle la guerre s’est éloignée de cet endroit, mais aussi à un accroissement de la population[1], et donc des revenus.
[1] L’église semble toujours assez grande pour accueillir tous les paroissiens.
En orfèvrerie religieuse, l’ostensoir qui en a la forme prend le nom de soleil.
Elle renferme un seul autel : le maître-autel avec « un tabernacle de bois peint, orné de filets d’or et garni en dedans ». L’église est pourvue d’un ciboire en argent doré en dedans et d’un soleil[1], d’une petite boîte en argent pour porter le saint viatique, d’un calice et d’une patène.
[1] Probablement celui qui a été acheté par le curé Dehaulme.
Les vaisseaux des saintes huiles[1] sont en étain mais mal entretenus[2]. En 1783, l’église est toujours suffisamment grande[3] et assez belle. Il serait simplement nécessaire de réparer le bas des murs et de les reblanchir. La présence d’un nouveau mobilier est relevée, avec un confessionnal[4], tandis qu’il est noté que « les fonts baptismaux sont en règle et fermés ».
[1] Qui servent aux onctions lors de certains sacrements.
La Révolution provoque de grands changements : l’église voit la mise aux enchères de son patrimoine mobilier et immobilier, dans le cadre de la vente des biens nationaux. Toutes les terres que possède la cure, et qui assurent un revenu supplémentaire au prêtre de la paroisse, sont vendues en grande partie aux habitants : Pierre Mauroy, Hubert Laroche, François Arbonville[1], etc.
[1] Orthographié Harbonville sur certains documents.
Après cette période de troubles, le Consulat, l’Empire puis la Restauration redonnent à l’église la place qu’elle occupait dans la vie de la communauté villageoise. Cette nouvelle situation est facilitée par le Concordat[1] conclu en 1801 par le gouvernement de Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII.
A partir de l’année 1827, l’église est rénovée et ornée. Dix ans plus tard se pose à nouveau la nécessité de fermer les fonts baptismaux et de rétablir une piscine. Cela prend un peu de temps avant que celle-ci soit de nouveau présente. Un bénitier est installé. Un confessionnal se trouve en 1831 dans l’enceinte des fonts baptismaux[1], mais il n’y reste pas.
En revanche, à partir de cette époque, un changement important est à noter. Jusqu’à présent, il n’y avait qu’un seul autel : le maître-autel. Désormais, il y en a trois autres consacrés respectivement à la Vierge Marie, à saint Jean l’Evangéliste[1], et à saint Hubert[2].
Vers 1890, une courte description permet de dire que l’autel est en bois à deux colonnes ioniques, avec un retable appliqué au mur plat du fond. Les marches ainsi que le pavé du sanctuaire sont en marbre. Le reste du pavé est en brique.
Tout est fort pauvre et paraît dégradé[1]. L’Etat, la municipalité et des particuliers permettent par des subventions et des dons de réagir. Une nouvelle réfection est entreprise, avec l’exhaussement de la porte d’entrée, le remplacement d’une partie des poutrelles de charpente[2], la réfection des enduits des fenêtres et des murs[3].
[1] Selon le pouillé (registre ecclésiastique) du diocèse de Reims 1874/1894 établi par monseigneur Péchenard
La loi de séparation des Eglises et de l’Etat instaure les inventaires des biens ecclésiastiques, qu’ils relèvent du patrimoine mobilier ou immobilier. Ceux-ci doivent être réalisés dès le début de l’année 1906.
Comme il est impossible de retrouver le moindre document concernant celui de l’église de La Romagne, on ne peut qu’interpréter la presse locale ancienne. Le petit Ardennais en particulier signale chaque fois qu’ils se produisent les incidents occasionnés par ces inventaires.
Rien n’étant dit concernant cette commune, il est probable qu’en dehors peut-être d’une réprobation passive, souvent signalée, les opérations se sont déroulées assez paisiblement.
Celles qui ont eu lieu à Saint-Jean-aux-Bois[1] semblent en revanche avoir été plus problématiques. A la date prévue pour l’inspection de l’église, le maire se trouve dans l’impossibilité d’y entrer, alors qu’il doit, sur la demande du préfet, assister à son inventaire.
La porte, close de l’intérieur, reste hermétiquement fermée, en dépit des sommations de l’édile et de celles des gendarmes présents pour cette opération. Des chuchotements se font néanmoins entendre. Le curé s’est enfermé en compagnie de quelques paroissiens.
L’inventaire est réalisé par la suite. A la date du 6 avril, plus aucun n’est à faire dans tout le département.
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 53, « Saint-Jean-aux-Bois – L’inventaire » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-septième année, n° 8939, vendredi 2 mars 1906, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Désormais, le conseil municipal peut voter des crédits pour l’acquisition de nouveaux objets, de linge et d’ornements. Il commande en 1929 la « réfection de certains éléments du beffroi et la confection d’agenouilloirs[1] » à Vital Bonhomme, charpentier à la Romagne, tout en envisageant de substituer aux bancs manquants des chaises [2]. C’est cet aspect que garde la nef, depuis de nombreuses années.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 2 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération du 11 novembre 1929
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 2 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération des 30 juin et 9 août 1929.
Un peu auparavant, l’abbé Régnier, qui avait officié durant de longues années dans le village, et qui avait vécu avec ses paroissiens les affres de la Première Guerre mondiale, avait offert, par testament, de nouveaux fonts baptismaux, afin d’embellir cette église. Une plaque témoigne de sa générosité.
En 1937, l’église est entièrement refaite à neuf. Mais les Romanais n’en profitent pas longtemps. Après les destructions liées au bombardement de 1940 et aux pillages qui ont eu lieu, les pertes sont considérables : la chaire en bois, les bancs et les chaises, les vases sacrés, l’orfèvrerie[1], le reliquaire, le chemin de croix, les ornements, les garnitures d’autel et même l’harmonium sont manquants.
Tout a disparu ! A la fin de la guerre, le délabrement de l’église est tel que celle-ci n’est rendue au culte qu’en 1948, après décision du maire, monsieur Cugnart.
Dès le retour de la paix et l’attribution de crédits, d’importants travaux de réfection sont entrepris sous la direction des architectes rethélois Gillet et Demoulin. Il faut tout d’abord refaire : la toiture du côté de la sacristie, cette dernière, une partie de la charpente et des soubassements extérieurs. Il est nécessaire aussi de consolider les croisées[1].
[1] Ouvertures laissées dans les murs des bâtiments, pour donner du jour au dedans.
Mais il faut aussi redonner un lustre intérieur à cette église, pillée à plusieurs reprises, et donc démunie de tout. L’autel, en pierre de Savonnières (un calcaire oolithique et coquillier), et dont la frise de feuilles de vigne ornée de grappes rappelle la transsubstantiation[1], est réparé. Il repose sur quatre colonnettes. L’antependium, à décor en demi-relief, évoque les pèlerins d’Emmaüs.
On peut probablement l’attribuer au sculpteur Adolphe Masselot de Lomme (Nord). C’est son atelier qui a exécuté les réparations et fait le nouveau banc de communion en pierre, afin de remplacer l’ancien en bois qui avait disparu. Ce sculpteur a beaucoup œuvré pour les églises des Ardennes.
[1] Chez les catholiques, transformation du vin en sang du Christ.
Intérieur de église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes), vue générale, carte postale ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Georges Marie Lambert).
Le chœur est décoré entièrement avec le rechampissage de deux niches ogivales, le tracé et la confection de quatre pilastres et de quatre chapiteaux ornementés, le tracé d’une draperie sur les murs de la nef.
Station I (Jésus est arrêté) du chemin de croix, réalisée par Robert Wattiez pour l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
L’ensemble de cette décoration a nécessité quelque deux cent cinquante heures de travail. Un nouveau chemin de croix en peinture laquée sous glace, avec encadrement de bois, orne les murs latéraux. Il a été exécuté par Robert Wattiez, artisan de Reims, entre le 15 novembre 1947 et le 15 mars 1948.
Station IV (Jésus est flagellé et couronné d’épines) du chemin de croix, en remplacement de celle réalisée par Robert Wattiez pour l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Des troncs rénovés remplacent ceux qui avaient disparu. La nef est remeublée avec des sièges et des prie-Dieu qui proviennent d’une entreprise locale située à Sapogne-Feuchères, ou d’artisans des environs (de Rocquigny par exemple).
Il faut encore s’occuper des vitraux qui ont été endommagés : ceux qui se trouvent dans la baie double du chœur, et les trois situés dans la nef gauche. La maison Le Troyer de Reims est chargée de leur réfection. On ne sait rien à propos de ceux qui ont pu orner autrefois l’église, si ce n’est que l’installation des actuels est postérieure au milieu du XXe siècle.
Ceux de la baie géminée[1], qui représentent l’apparition de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous à Lourdes datent de 1903. Ils proviennent de l’atelier rémois Vermonet et marquent une dévotion mariale toute particulière.
Celui de saint Eloi date de 1963 et provient d’un atelier situé à Heitz-le-Maurupt. Le peintre-verrier est Roger Mauret. Ceux de saint Hubert, saint Joseph, sainte Thérèse ne sont ni datés ni attribués mais sont de même facture.
Dans un large médaillon central aux couleurs assez vives, le saint est représenté avec ses attributs : les gerbes de blé[1] pour saint Eloi, la croix entre les bois du cerf pour saint Hubert, le bâton fleuri d’un lys et la barbe[2] pour saint Joseph, un habit de carmélite et une croix entourée de roses pour sainte Thérèse[3].
[1] Symbole de la terre mais surtout du pain eucharistique.
Son nom est inscrit sur le nimbe[1]. Chaque saint est entouré de motifs géométriques et floraux, qui varient par le jeu des couleurs sur un fond de grisaille assez monotone. Par contraste avec ceux de la baie du chevet, ces vitraux ont été offerts par des familles de La Romagne, ou dédiés à ces dernières.
En témoigne le cartouche de chacun d’eux. Il s’agit des divers Devie qui vivaient dans le village (Devie-Patoureaux, Devie-Richard, Devie-Vadez[2], Legros-Devie). Les autres baies sont obturées, faute de moyens et de mécénat, par du verre cathédrale sans décor peint.
[1] Cercle de lumière que les artistes mettent autour de la tête des saints.
[2] Correspondant actuellement à la branche Devie-Bertrand.
Progressivement, le patrimoine ecclésiastique est mieux protégé. Des indemnités pour le gardiennage des églises communales sont prévues. Conformément à la circulaire relative à celui-ci, l’abbé Godart est chargé de cette mission.
Depuis le départ du dernier desservant de la paroisse, les messes sont devenues de plus en plus rares. Néanmoins, la municipalité et les habitants sont attachés à leur église. Des travaux de réfection sont en cours, comme ceux des murs latéraux intérieurs. Ils remettront à nu les pierres dures les constituant, dans le respect de l’architecture paysanne et de la tradition champenoise…
Pour la vie paroissiale, le curé est en étroite relation avec le maire, les échevins, mais aussi avec la fabrique. Ce terme désigne à l’origine la construction d’une église. Le sens évolue vers le temporel d’une paroisse, c’est-à-dire ses biens et ses revenus, puis l’assemblée chargée de les gérer.
Cette dernière se compose de laïcs, appelés marguilliers ou fabriciens selon leur statut. Ils sont désignés ou élus pour un an par les paroissiens, au moment de Noël. Ils doivent normalement savoir lire et écrire. Ils sont souvent choisis parmi les laboureurs aisés.
A La Romagne, il peut y avoir deux marguilliers : le premier est en charge des affaires, tandis que le second (appelé marguillier des trépassés) s’initie aux affaires de la paroisse, avant de les gérer pleinement l’année suivante. Le choix d’un habitant pour remplir cette fonction est « une preuve que la personne est en estime de probité[1] ».
Les deux laïcs doivent assurer la responsabilité de la collecte et l’administration des fonds et revenus nécessaires à l’entretien, aux réparations de l’édifice et au mobilier de la paroisse : argenterie, luminaires, ornements.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin en date de MDCLXXXIII.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9747647, page non paginée, vue 1/16, consultable en ligne sur Gallica, Lettres patentes pour contraindre les marguilliers et paroissiens de rendre conte des dons et revenus de leur église, par devant MM. les évesques, archidiacres et officiaux, ou leurs commis et vicaires. Avec l’extraict des registres du Grand Conseil du Roy, Paris : A. Estiene, 1620, in-8°, 14 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-46939 (10).
Le tout premier marguillier dont on trouve la trace au début du XVIIe siècle est Jean Robin, qui est « constre», c’est-à-dire chargé de rendre les comptes. En 1699, Judin Rifflet exerce à son tour cette charge durant quelques mois[1].
En 1740, c’est Jean Courtois le marguillier de l’église, tandis que le syndic est Louis Lebrun[2] . Ce dernier office est le plus souvent commun à la commune et à l’Eglise, car les gestions civile et religieuse sont étroitement liées.
[2]Archives départementales des Ardennes, 7 J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection du docteur Octave Guelliot, érudit local, cote 7J 43 = ex-libris ardennais].
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 893.13.1, anonyme (école française de sculpture), Armes de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, calcaire polychrome et doré, XVIIe siècle, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. L’ecclésiastique a écrit des Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin.
En 1745, en dehors de celles du visiteur et du curé, on trouve parmi les signatures apposées lors de la visite de la paroisse les noms de P. Gagneux, Jean Canon, N. Rifflet, Jean Coutié et François Boudsocq. Puis, en 1783, dans les mêmes circonstances, celles de Pierre Richard Legros (ancien marguillier), François Boudsocq et Davaux. Ces noms sont certainement ceux des membres du bureau de la fabrique[1].
La location de terrains fournit d’autres recettes. Si le montant des baux n’est pas versé, la fabrique peut introduire un recours contre le mauvais payeur.
Un exemple en est fourni par Jean Hamelin, laboureur, condamné par une sentence du 1er août 1682, rendue en la cour sénéchalière de Reims, pour « n’avoir pas pu ou pas voulu payer 21 livres » représentant le montant de la location de prés à la fabrique de Montmeillant.
La fabrique tire également des revenus occasionnels de la vente de pommes, mais de plus importants de la vente des bancs de chœur[1] : en 1721, le Prieur Carré et André Sacré, marguillier en service, procèdent à l’adjudication des bancs libres pour un coût variant de « 7 livres pour le premier banc de la droite ou de la gauche à 20 sols[2] la place pour les autres bancs ».
Cette différence de prix permet de mieux comprendre la hiérarchie économique du village, sachant que les places les plus près de l’autel sont les plus chères. D’autre part, il est à remarquer que, quelle que soit la place de la famille dans le village, il n’est à aucun moment question des femmes.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 2 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, 1713-1721, actes de baptême, mariage, sépulture], publication de la vente de bancs de chœur, vue 33/34, consultable en ligne.
Double Louis d’or au bandeau, 1745, Bayonne (avers ou droit).
Les revenus de la fabrique sont administrés par le marguillier. Celui-ci se charge de la recette et détermine la dépense ordinaire, après avoir demandé le consentement du curé et des principaux habitants qui composent le bureau. Il doit présenter chaque année les comptes, après avoir veillé à faire rentrer les diverses sommes d’argent.
Or, malgré les ordonnances royales qui stipulent qu’on enjoint aux marguilliers, fabriciens de présenter les comptes des revenus et de la dépense chaque année, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, en 1745, lors de la visite du vicaire général Zénard Viegen, les comptes de 1743 sont censés être les derniers effectués.
Double Louis d’or au bandeau, 1745, Bayonne (revers).
Avers (ou droit) représentant la tête à gauche de Louis XV (dit « le Bien-Aimé ») ceinte d’un bandeau.Revers arborant des écus ovales inclinés de France et de Navarre sous une couronne.Double Louis d’or au bandeau, 1758, Strasbourg.
De même, lors de la succession de Louis Letellier établie par maître Watelier (notaire à Wasigny)[1], ce dernier doit la somme de 28 livres 6 sols et 9 deniers au titre de 1758 (année durant laquelle il a été marguillier).
Cette somme est comptée comme dettes passives dans l’acte notarié qui est dressé après son décès. Dans ce rapport, il est question de « revenus en souffrance ». Quelque trente ans plus tard, le problème est le même : en 1774, 600 livres et quelques sols sont dus à la fabrique, alors que « le revenu annuel de celle-ci est d’environ 200 livres[2] ».
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E35 499 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E35/1-613 = archives notariales de Wasigny].
Double louis d’or au buste habillé, 1783, Bordeaux (avers ou droit).
Le curé note que « l’on ne fait pas les diligences nécessaires pour faire payer les personnes qui sont redevables à la fabrique », que certaines dettes « remontent à plus de 10 ans », que « certains sont aujourd’hui insolvables » et que les marguilliers en charge « ne veulent pas agir ».
A la suite de ces remarques, le curé écrit en conséquent au procureur fiscal de La Romagne. L’intervention se révèle efficace car, en 1783, il n’est plus question de dettes à l’égard de la fabrique et « les comptes sont rendus exactement ».
Louis d’or aux palmes, 1774, Paris (avers ou droit).
Avec son revenu, la fabrique peut payer en 1774 les trente-sept messes hautes avec vigiles, les messes basses, le pain, le vin, le luminaire, la blanchisseuse, l’entretien de la sacristie, du maître autel, et de « tout ce qui est nécessaire ».
Louis d’or aux palmes, 1774, Paris (revers).
Double louis d’or au buste habillé, 1783, Bordeaux (revers).
Il n’y a pas de date précise pour former un bureau. Il se réunit en fonction des besoins. Or, en 1783, il n’y en a toujours pas d’établi « dans les formes, point de registres ni de papiers titres » mais un « registre des adjudications et reconnaissance des places ».
Ce coffre de fabrique (dit des marguilliers) date du XVe siècle. Il se situe dans la sacristie de l’église paroissiale Saint-Viâtre (Loir-et-Cher). Sa notice descriptive PM41000467 est référencée par la base du patrimoine mobilier (Palissy), consultable en ligne sur la plateforme ouverte POP.
Quelle que soit l’époque, la personne choisie a parfois du mal, pour diverses raisons, à gérer l’administration de la fabrique. Les quelques documents écrits sont enfermés dans un coffre à trois clés. Celles-ci sont attribuées au curé, au marguillier et au principal paroissien. La consultation des papiers paraît assez difficile dans ces conditions.
A la fin du XVIIIe siècle, la fabrique semble enfin correctement administrée financièrement, d’autant que la location des terres aux principaux habitants du village (Jean-Baptiste Mauroy, Pierre Langlet, Jean Arbonville, Pierre Simon, Nicolas Cercelet, Jean Lépinois, Hubert Laroche, etc.) assure un revenu régulier.
Avec la Révolution, elle plonge dans la tourmente, comme toutes les fabriques des autres paroisses. Le décret du 2 novembre 1789 met à la disposition de la Nation les biens ecclésiastiques, mais indique ne pas toucher à ceux des fabriques. Le décret de brumaire an III déclare en revanche propriété nationale tout actif de ces dernières, même ce qui est affecté à l’acquit[1] des fondations.
La vente des terres, prés et jardins des biens de la fabrique de La Romagne (Ardennes) trouve de nombreux acquéreurs à Rethel (Ardennes).
Le 17 fructidor an II, Montain Louis Macquart (juge de paix du canton de Rocquigny et commissaire nommé) inventorie les vêtements sacerdotaux et l’argenterie. L’inventaire estimatif des biens de la fabrique de La Romagne[1] ne concerne que les biens religieux, mais permet de mieux connaître la richesse de l’Eglise quant à la célébration du culte.
Il suit de quelques mois l’inventaire, puis la vente des terres, prés et jardins appartenant à la ci-devant fabrique[2] (19 avril 1793 et 15 août de la même année), dont les principaux acquéreurs ne sont pas les habitants du village ou des environs, mais de riches bourgeois de Rethel.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 503 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 469-832 = administration du séquestre des biens nationaux, cotes Q 483-511 = dossiers des fabriques (par ordre alphabétique des communes), 1790-1808].
[2]Archives départementales des Ardennes, Q 276 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 272-282 = vente de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV]. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, Q 145 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 127-147 = ventes de biens nationaux, fonds concernant les affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].
Le dernier inventaire est dressé le 23 germinal an II[1] par Montain Louis Macquart, Hugues Crépeaux et Pierre Perrin (menuisier), le premier demeurant à Saint-Jean-aux-Bois et le second à Montmeillant. Une fois l’acte rédigé et la déclaration des présidents et officiers municipaux jurant qu’il ne reste plus aucun bien immeuble appartenant à la fabrique, il apparaît que la valeur totale de l’estimation des biens de l’église s’élève à 1760 livres 15 sols.
C’est à cette occasion que la distinction est faite concernant la propriété du bâtiment puisqu’il est affirmé que les habitants considèrent leur église comme appartenant à leur commune et non comme bien de fabrique[2].
Comme la vente ne peut se faire immédiatement, les meubles et effets sont laissés dans l’église et sacristie sous la surveillance de ladite municipalité. L’acte porte la signature des responsables de celle-ci, tels Langlet (président), Boudié (officier municipal), Pierre Douce, J. Pausé et Macquart. La vente mobilière des biens de la fabrique[1] a lieu le 24 vendémiaire an III[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 503 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 469-832 = administration du séquestre des biens nationaux, cotes Q 483-511 = dossiers des fabriques (par ordre alphabétique des communes), 1790-1808].
Elle est menée par Montain Louis Macquart. Jean-Baptiste Deligny (notaire demeurant à Rocquigny) est aussi nommé audit effet pour la délibération susdite. Elle se fait en présence de Langlois[1] (maire), Boudier et Le Thellier[2] (officiers municipaux), après avoir été annoncée par affiches et par le son de la caisse (ou tambour).
Ces derniers procèdent à la dispersion des « boisseries, bancs, buffets et autres ustenciles restant du mobillier de la ci-devant fabrique du dit lieu de La Romagne ». Les biens sont répartis parmi les habitants de la paroisse ou des villages voisins.
Tout est acquis au comptant, ce qui est assez curieux : la loi n’exigeait qu’un premier paiement de 12%, et permettait de se libérer du reste en douze annuités.
Ce banc des marguilliers date de 1755. Il se trouve dans l’église Saint-Ayoul à Provins (Seine-et-Marne). Sa notice descriptive PM77001403 est référencée par la base du patrimoine mobilier (Palissy), consultable en ligne sur la plateforme ouverte POP.
L’église est totalement vidée de son mobilier. Quelque vingt-huit bancs, dont certains ont un dossier, quand ce n’est pas le « banc du marguillier », trouvent très vite preneurs. Parmi les acquéreurs, on peut citer : Louis Noël, Pierre Mauroy, Toussaint Lallemand, Hubert Laroche, François Millet, François Arbonville, Jean Baptiste Miclet, François Hezette, Nicolas Cercelet, Pierre Lépinois, etc.
Ce sont ensuite l’aigle et son pied (sur lequel on reposaient les évangiles pour la lecture durant la messe) qui sont adjugés à François Devie, ou le confessionnal qui devient la propriété de la veuve de Pierre Lallemand.
Les murs recouverts de lambris ou de boiseries sont mis à nu pour leur vente. Les gradins et le maître-autel sont aussi dispersés parmi des acquéreurs, qui sont quasiment les mêmes.
Les armoires ou les coffres subissent le même sort, pour devenir la propriété de Jean-Baptiste Devaux, Gérard Miclet, François Mauroy.
Il ne reste rien des objets du culte. Même la pierre d’autel, placée au centre de celui-ci, et symbolisant le Christ (elle était gravée d’une croix), est vendue lors de la dispersion des biens. Elle est acquise par Pierre-Simon Legros. A la suite de ces événements, l’église est abandonnée et la fabrique disparaît[1].
Cette frénésie d’achats peut interroger. S’agit-il de mettre à l’abri de la convoitise ces biens, en ces temps troublés ? Ou souhaite-t-on prouver son attachement au nouveau régime, en démantelant ce qui a été, pendant des siècles, le cœur de la paroisse ?
[1] Cette institution est rétablie après la Révolution par l’article LXXVI du Concordat.