Le premier moulin romanais pour lequel on a quelques indications date de 1246 environ. Il est un don de Roger II de Rozoy et de sa femme aux moines de Signy-l’Abbaye[1], alors qu’ils envisagent encore d’être inhumés dans l’abbaye cistercienne. Ceci ne se réalise pas, puisque tous deux choisissent finalement de reposer dans l’abbaye de Chaumont, à laquelle ils sont profondément attachés[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, 2Mi 34 [série Mi = reproductions d’archives sous forme de microfilms, sous-série 2Mi = microformes de sécurité], microfilm reproduit d’après l’original des archives départementales des Ardennes, H 203 [série H = clergé régulier avant 1790, fonds H1-409 = abbayes, prieurés et convents d’hommes, articles H 203-237 = abbaye royale de Notre-Dame de Signy, cisterciens, filiale d’Igny, ligne de Clairvaux, commune de Signy-l’Abbaye, cote 203 = cartulaire (XIIIe siècle), 1134-1250], pages 427, 429, 433, passim.
En réalité, en dotant ainsi les moines de Signy de la moitié du moulin, Roger II reconnait ses torts envers cet établissement, puisqu’il l’a établi tout près du bois d’Angeniville, sur un fonds appartenant à cette communauté.
Il donne ensuite la seconde partie du moulin contre une redevance en grains, et fait obligation aux habitants de La Romagne d’aller moudre, soit à ce moulin, soit à celui de Draize[1], appelé par la suite « Pute Peine ». Tous deux dépendent de cette même abbaye.
En 1270, Clémence, comtesse de Saulmes, ratifie les dons que Roger II et sa femme ont faits à l’église de Signy de « vivier[1] de molin et des appartenances qui sieent desous la Romaingne[2] », et donne une partie des terres qu’elle possède à La Romagne avec un second moulin.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-20343 < Vol. 1 >, Martin, Gérard-Adolphe, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre et les environs : comprenant une grande partie de la Thiérache et du Porcien et quelques communes du Laonnois, Paris : le Livre d’histoire, « Monographies des villes et villages de France », 2007, tome I, 642 p. p. 389.
Le terroir de la Romagne ferait-il à cette époque état de trois lieux-dits portant le nom de Petit Moulin à Vent, de Grand Moulin à Vent, et de Côte du Moulin à Vent ? Ces trois lieux sont en tout cas inscrits dans la matrice cadastrale 1836-1914[1], mais ne sont plus occupés alors que par des terres cultivables.
[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Un autre bâtiment assez proche, le moulin du Bois Martin, est détruit très probablement au moment des guerres de Religion. Il n’est reconstruit que bien plus tard, vers 1728, car il est utile aux gens de Montmeillant[1] et de La Romagne. Sa présence est attestée[2] par son inscription sur une carte des Naudin[3], puis sur la 43e feuille publiée de la Carte générale de la France (dite « carte de Cassini »), levée entre 1755 et 1758, vérifiée en 1759, et éditée en 1759-1760[4].
[4]Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53095169, Baillergeau (topographe ; cartographe) ; Luc (cartographe) ; Durocher (cartographe) ; La Villette (cartographe) ; Chalmandrier, Nicolas (graveur) ; Le Roy le jeune (graveur en lettres) ; Cassini de Thury, César-François (cartographe ; éditeur scientifique), Carte générale de la France, n° 78, feuille 43e [Charleville-Mézières – Sedan], échelle au 1 : 86400 [ou 1 ligne pour 100 toises], 1 carte en couleurs ; 60 x 95 cm, [s. l.] : Thévenart ; Aubert, 1759-1760, vue 1/1, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, GE FF-18595 (78).
Les terres du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, section et numéro de feuille D1 : la Cour Avril et le Bois Diot, 1835, consultable en ligne.
Auparavant, un des seigneurs du village avait fait construire un moulin, dont l’existence est certaine en 1633. C’est le moulin Garrot[1], dont on peut retrouver quelques meuniers à partir des rôles des tailles pour le XVIIIe siècle.
Pour les suivants, ce sont les actes d’état civil ou notariés qui permettent de les identifier. Ce moulin tient certainement son nom de messire Jadin Garot, qui était lieutenant en la baronnie de Chaumont, et qui résidait à la Romagne. Ce qui est attesté en 1628 dans un bail de droit de pêche de l’étang de Denizy[2].
[1] Ou Garot. Avant une réforme de l’orthographe française en 1835, les graphies sont plus aléatoires, et le nom des lieux-dits varie souvent davantage d’un document à l’autre.
[2]Archives nationales, site de Paris, T 471, liasse 12 [série T = papiers d’origine privée tombés dans le domaine public, articles T 1-982 = papiers séquestrés pendant la Révolution, provenant de particuliers émigrés ou condamnés (1e partie), cote T 471 = papiers de Louis Bruno, comte de Boisgelin de Cucé, et de Marie Stanislas Catherine de Boufflers, son épouse.]
Année
Noms des meuniers
1702
Jean Deschamps
1712-1714
Jean Deschamps et sa femme Jeanne Georget
1720
Jeanne Georget (veuve de Jean Deschamps)
1725
Nicolas Deschamps
1729
Jean Cugnart
1731
Joseph Gusse
1737-1738
Jean Deschamps
1742
Jean Dromart
1750
Louis Condé
1760
Jean Leblanc
1811
Jean-Baptiste Boudié ou Boudier
1813-1829
Pierre Boudesocq – Jean-François Devie et Victoire Devie
En l’an II[1], il est nécessaire de recenser les moulins pour avoir une idée des ressources alimentaires et fournitures aux armées[2]. Les Ardennes comptent 685 moulins à roues perpendiculaires, 44 à roue horizontale et 94 à vent[3]. En 1810, le Rethélois compte 142 moulins, dont 57 à vent, 83 à eau et 2 à vapeur[4].
[1] Du calendrier républicain. Correspond aux années 1793 et 1794 du calendrier grégorien.
La présence d’un moulin était un atout pour un village, et ce d’autant plus que les habitants faisaient leur pain à la maison[1]. C’est ainsi qu’un moulin est présent dans de nombreux villages environnants, comme à Draize, La Hardoye[2], Saint-Jean-aux-Bois[3], Rocquigny[4], Maranwez[5], Librecy[6].
Ce dernier, construit en 1604 par Hugues de Maupinois, et resté en fonction jusqu’en 1964, avait à l’origine deux roues en bois et deux paires de meules[7].
[1] Au XIXe siècle, les boulangeries font arriver la farine des minoteries.
[2] Actuellement, commune associée de Rocquigny, du département des Ardennes, région Grand Est.
Lieu-dit du Petit Moulin à Vent (détail). Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le moulin à vent a pu être la propriété de Jean-Baptiste Boudier, puisque c’est lui qui le loue moyennant 400 francs annuels pour une durée de 9 ans à partir de 1817[1] à François Boudsocq[2]. Un acte notarié est signé auprès d’un notaire nommé Fréal. Les archives de celui-ci ont disparu, comme beaucoup d’autres documents de ce secteur, cible de nombreuses guerres.
[1]Archives départementales des Ardennes, 3Q 1299 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 3Q = enregistrement et timbre, depuis l’an VII], registre des enregistrements du canton de Chaumont-Porcien, qui signale un acte notarié signé chez Fréal, notaire, le 2 mars 1817.
[2] Né le 27 octobre 1788 à Dizy-le-Gros (actuellement, commune du département de l’Aisne, région Hauts-de-France), et marié le 24 décembre 1810 à La Romagne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, section et numéro de feuille D1 : la Cour Avril et le Bois Diot, 1835, consultable en ligne.
Le moulin Garrot est situé sur la parcelle 449 du cadastre de 1835[1]. Les lieux-dits du Moulin Garrot, du Pré du Moulin Garrot et de la Cour du Moulin Garrot sont attestés sur la matrice cadastrale 1836-1914[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Bail du moulin Garrot signé le 5 décembre 1840. Archives départementales des Ardennes, 3E 35 122 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E 1-276 = archives notariales de Charleville.]
Un bail concernant le moulin Garrot[1] est signé le 5 décembre 1840, en présence de deux témoins, Joseph Decary et Jacques Flamin (habitants de Wasigny[2]), en l’étude de maître Victor Cailteaux, notaire de cette bourgade.
Lieu-dit de la Cour du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
François Modeste Lepinois, meunier et propriétaire de ce moulin, le loue à Joseph Noël, ancien meunier résidant à Grandchamps[1], pour neuf années consécutives à dater du 25 mars 1841. Une somme annuelle de 280 francs est à payer le jour d’entrée en jouissance du bien, et, les huit années suivantes, à chaque anniversaire.
Lieu-dit du Pré du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Ce moulin est un moulin à eau « à une tournure[1] », et diffère en cela du moulin du Merbion (commune de Saint-Jean-aux-Bois[2]), monté « à l’anglaise[3] », qui est la propriété de Prudence Gérarde Merlin en 1811.
[3] La roue hydraulique entraîne plusieurs meules.
Lieu-dit du Pré Haut du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
C’est un bâtiment construit en bois, couvert en ardoise, « nature de cuisine[1] », avec une petite « ravallée[2] » au levant[3], également en bois, et couverte de paille. En outre, la location comprend trois arpents[4], qui se composent de terres et « versennes »[5], de sol à froment, de clos et de prés.
[1] Expression notariale qui signifie « avec une cuisine ».
[2] Variante orthographique de « ravalée », ici une sorte d’arrière-cuisine.
Ces terrains ne sont pas isolés : ils touchent au chemin et à divers propriétaires du village. L’alimentation en eau se fait par le ruisseau du Moulin Garrot, dont la naissance se compose de plusieurs petites sources se réunissant à proximité du lieu-dit La Favée.
Signatures du bail du moulin Garrot le 5 décembre 1840. Archives départementales des Ardennes, 3E 35 122 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E 1-276 = archives notariales de Charleville.]
Les clauses du bail sont assez draconiennes. Il est interdit au locataire de sous-louer le bien, en tout ou partie, à un autre meunier, ce qui semble être malgré tout parfois pratiqué[1]. En aucun cas, il ne peut être indemnisé, ou obtenir une réduction du loyer, et ce, que ce soit en cas de chômage, de sécheresse, d’inondations, ou d’eau gelée. Mais il se doit de bien cultiver les terres, de les fumer, et de respecter les roies[2].
[1] Ainsi, le meunier Modeste Claise de La Hardoye loue en 1820 le moulin à Jean-Baptiste Lefèvre pour 1 250 francs. Un an après son entrée en location dans celui-ci, ce dernier le sous-loue à Brice Poncelet. Voir archives départementales des Ardennes, 3Q 1299 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 3Q = enregistrement et timbre, depuis l’an VII.]
[2] Pratique en lien avec l’assolement : « L’ensemble des terres était partagé en trois grands blocs appelés ‘soles’ dans le Bassin parisien, ‘roies’, ‘champs’ ou ‘saisons’ ailleurs. », selon L’Encyclopædia Universalis.
Les terres du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Les propriétaires, eux, s’engagent à faire construire, pour le mois de juin 1841, un bâtiment « nature de grange[1] », et couvert de chaume, là où il conviendra, dans les environs du moulin. Ce dernier a été démoli quelques années après sa construction.
Moulin à vent de Théophile Boudsocq, qui se trouverait sur la parcelle 285 du cadastre de 1835 (archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, section et numéro de feuille D1 : la Cour Avril et le Bois Diot, 1835, consultable en ligne).
Ce n° 285 est cité dans la matrice cadastrale 1836-1914 des archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Mais d’autres documents évoquent le n° 385. Voir Archives départementales des Ardennes, 3P 369 [série P = finances, cadastre, postes depuis 1800, sous-série 3P = cadastre et remembrement.]
En 1841, Théophile Boudsocq fait construire un moulin à vent, soit sur la parcelle 285[1] (qui se trouve au lieu-dit du Poirier de la Croix[2]), soit sur la parcelle 385[3]. En 1866, il sera détruit[4].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le métier de meunier se transmet dans un milieu familial. C’est le cas pour les descendants de Jean Baptiste Suan[1], originaire de Draize, meunier à La Neuville-lès-Wasigny[2], époux de Marie-Anne Merlin (née à La Romagne).
Son activité est reprise par son fils Nicolas Alexis, marié à Béatrice Liberté Legros, et lui-même meunier au moulin du Merbion. Sa femme loue ce dernier[3] avec ses dépendances, terres et prés à un certain Jullien[4], pour neuf ans et neuf mois, le 19 novembre 1845.
[1] Né en 1747 à Draize et décédé en 1812 à La Neuville-lès-Wasigny.
[4] Le prénom n’est pas noté dans l’enregistrement. Ce dernier indique que l’acte a été signé auprès du notaire Pottier.
Démolition du moulin à vent de Théophile Boudsocq en 1866. Archives départementales des Ardennes, 3P 369 [série P = finances, cadastre, postes depuis 1800, sous-série 3P = cadastre et remembrement.]
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les moulins traditionnels, qui assurent la fabrication de farine, disparaissent au profit de moulins à vapeur. Ceux-ci s’orientent vers d’autres productions industrielles, comme la fabrication de colorants. Le Moulin à couleurs d’Ecordal[1], fondé en 1866, est le dernier du genre dans les Ardennes.
Lieu-dit de la Cote du Petit Moulin. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Cette transformation, liée à la révolution industrielle, est majeure. Les moulins traditionnels dépendaient des conditions météorologiques et de la disponibilité de ressources naturelles, telles l’eau. Les moulins industriels produisent quant à eux de manière continue.
Les anciens engrenages en bois sont remplacés par des systèmes en métal, plus durables et puissants. Les meuniers traditionnels, autrefois artisans, voient leur rôle diminuer, face à des ouvriers chargés de superviser des machines dans des usines.
Moulin à vent de Théophile Boudsocq sur la parcelle 285 du cadastre. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le passage d’une économie rurale et artisanale à une gestion industrielle et urbaine, entraîne des conséquences sur la société et l’environnement. La disparition des moulins à eau et à vent, dans les Ardennes en général, et à La Romagne en particulier, conduit à une transformation des métiers et des terres.
La guerre[1] est déclarée le 19 juillet 1870 par Napoléon III au royaume de Prusse, dont Otto von Bismarck est le ministre-président de 1862 à 1890 (il est également chancelier de la confédération de l’Allemagne du Nord de 1867 à 1871). Aux Prussiens se sont associés d’autres Etats comme le grand-duché de Bade, les royaumes de Bavière et de Wurtemberg. Les premiers affrontements ont lieu sur le front de l’Est.
[1] Ce conflit est généralement désigné par le terme « guerre franco-allemande (1870-1871) ». Il peut être également nommé « guerre de 1870-1871 » ou « guerre franco-prussienne (1870-1871) ». Il arrive qu’il soit appelé « guerre de Septante » par certains historiens.
La Romagne et les villages des environs assistent parfois aux passages des troupes, mais ne sont pas directement situés dans la zone des combats, marquée par une cinglante défaite à la suite de la bataille de Sedan (Ardennes).
Les habitants ont cependant ressenti la proximité de la guerre : avant de faire face à l’occupation allemande (le département des Ardennes n’a été libéré de celle-ci qu’en 1873), ils ont été confrontés aux réquisitions de chevaux et de nourriture par les soldats français, aux opérations du 13e corps d’armée, lors de la retraite de celui-ci.
Créée par le décret du 12 août 1870, cette unité militaire défensive[1] débute sa formation le 16 août 1870 à Paris, sous les ordres du général Vinoy[2]. Elle est composée de trois divisions, confiées respectivement aux généraux Exéa[3], Maud’huy[4] et Blanchard[5].
[1] L’armée française gardera cette position, face à des ennemis qui privilégient une stratégie offensive.
[2] Joseph Vinoy (10 août 1800-29 avril 1880), général de division.
[3] Antoine-Achille d’Exéa-Doumerc (24 février 1807-9 février 1902), général de division.
[4] Louis Ernest de Maud’huy (21 janvier 1809-20 octobre 1883), général de division. A ne pas confondre avec son neveu, le général Louis Ernest de Maud’huy (17 février 1857-16 juillet 1921), héros de la guerre de 1914-1918.
[5] Georges Eugène Blanchard (12 octobre 1805-13 février 1876), général de division.
En tout, ces dernières comprennent plus de 30 000 hommes pour l’infanterie (dont certaines recrues, selon le capitaine Vaimbois[1], n’ont jamais ou très peu manié le fusil Chassepot[2]), une réserve d’artillerie plutôt bien préparée, et une division de cavalerie.
[2] Le fusil modèle 1866 tire son nom de son inventeur.
Cette formation quitte Paris le 24 août 1870 par différentes lignes de chemin de fer. Il est prévu qu’elle doit en partie se porter sur la rive droite de l’Aisne à hauteur de Berry-au-Bac[1], mais les directives changent. Seize jours plus tard, le 13e corps est de retour à Paris[2], après avoir vécu de nombreux aléas et péripéties durant sa retraite.
La première division est dirigée sur Reims (Marne). Quant aux deux autres, elles ont pour mission, non de combattre, mais d’inquiéter l’armée du prince Frédéric Charles de Prusse[1] dans sa marche. Or, très vite, elles reçoivent d’autres ordres et doivent se diriger sur Mézières (Ardennes), où elles arrivent le 30 août pour assurer les communications.
[1] Friedrich Karl von Preußen en allemand (20 mars 1828-15 juin 1885).
La situation est déjà compromise : le 18 août a eu lieu la bataille de Gravelotte (Moselle)[1], puis le repli de Bazaine[2] à Metz (Moselle) et son enfermement.
[2] François Achille Bazaine (13 février 1811-23 septembre 1888), général de division et maréchal de France.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8439219, Établissement géographique Erhard frères (auteur), Monrocq imprimeur (auteur), Direction de la marche de l’Armée de Châlons vers Metz (indiquée par le ministre de la Guerre dans le conseil des Ministres), échelle au 1 : 160 000, Paris : Monrocq imprimeur, 1870, 1 feuille en couleurs ; 580 x 440, vue 1/1, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE D-303. Note : Carte de l’Argonne et d’une partie de la Champagne, de Châlons à Verdun. – 1870].
Pour sa part, l’armée de Châlons[1], sous le commandement de Mac-Mahon[2], est arrêtée dans sa marche. En outre, dans la nuit du 30 au 31 août, Failly[3] échoue devant Beaumont[4], alors que ses troupes, qui ont reculé, essaient de résister et de défendre Mouzon (Ardennes), dont les Prussiens ne s’empareront que tard dans la soirée. Les Français reçoivent alors l’ordre de se porter sur Sedan (Ardennes).
[1] Actuellement Châlons-en-Champagne, anciennement Châlons-sur-Marne, chef-lieu du département de la Marne, en région Grand Est.
[2] Patrice de Mac Mahon (13 juin 1808- 17 octobre 1893), général de division, maréchal de France.
[3] Pierre Louis Charles Achille de Failly (21 janvier 1810-15 novembre 1892), général de division.
Les civils fuient sur la route de Sedan (Ardennes) à Mézières (Ardennes). Le 1er septembre, on entend les canons Krupp[1] tonner sur Bazeilles (Ardennes), où se trouve, en particulier, le Ier corps d’armée bavarois[2]. Les combats sont acharnés et sanglants.
[1] L’entreprise de sidérurgie a été fondée par Friedrich Krupp (17 juillet 1787-8 octobre 1826). Le « roi du canon » (« Kanonenkönig ») Alfred Krupp (26 avril 1812-14 juillet 1887) en fait une industrie d’armement de premier rang.
[2]Königlich Bayerisches 1. Infanterie-Regiment « König ». Par convention typographique, les numéros des unités françaises ou alliées se composent en chiffres arabes. Le romain grande capitale est alors réservé aux armées ennemies, pour éviter des confusions.
Après avoir été informé de ce qui se passait à Sedan (Ardennes), le général Vinoy, qui a conscience de l’étendue du désastre, fait savoir au ministre qu’il compte battre en retraite, afin de ramener vers Paris le 13e corps d’armée pour protéger la capitale. Il veut se mettre en route de très bonne heure le 2 septembre, pour prendre de l’avance sur les ennemis qui pourraient le poursuivre.
Une longue colonne s’étire sur plusieurs kilomètres à la sortie de Mézières (Ardennes) pour se diriger sur Charleville (Ardennes) et s’avancer sur la route de Rethel (Ardennes) en passant par Poix[1], Launois[2], Faissault[3], Saulces-aux-Bois[4] et Saulces-Monclin[5].
Les hommes ont très peu de munitions et ne peuvent en obtenir d’autres. Il est décidé qu’en cas d’attaque, cette troupe doit combattre sans arrêter la marche, d’autant que la partie la plus dangereuse se trouve entre Charleville (Ardennes) et Launois (Ardennes).
Aux environs de 6 heures du matin, des échauffourées se produisent entre la colonne française du 13e corps d’armée[1] et les Allemands du VIe cuirassiers[2] et du XVe uhlans[3]. Ces derniers vont se fixer sur la Vence[4].
Or, un évènement peu banal survient : à la suite d’une confusion d’uniformes, des soldats du XVeuhlans[5] et des hussards français se mélangent. Les uhlans se rendent très vite compte de leur erreur, la lutte s’engage et quelques Allemands sont faits prisonniers. La colonne repart de Launois (Ardennes) vers 8 h 30.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LH4-2304, Poirier, Jules (auteur), Le 13e corps d’armée pendant la guerre de 1870, 2e édition, Paris : G. Kleiner, 1901, in-8°, 104 p., cartes.
[2]Kürassier-Regiment Kaiser Nikolaus I. von Rußland (Brandenburgisches) Nummer 6.
Attaqué une nouvelle fois à Saulces-Monclin (Ardennes), Vinoy fait déployer l’artillerie. De son côté, le général Bredow[1], voyant que sa tentative échoue, se replie. Une seconde attaque est menée par une brigade de cavalerie, alors que l’ennemi se contente de les observer.
[1] Friedrich Wilhelm Adalbert von Bredow (25 mai 1814-3 mars 1890).
Comme l’artillerie prussienne occupe le terrain de Bertoncourt (Ardennes), la colonne se détourne de l’itinéraire initial pour prendre le chemin qui conduit à Novion-Porcien (Ardennes). Elle ne subit plus que des escarmouches destinées à lui faire perdre du temps.
Lorsque le village de Novion (Ardennes) est atteint vers 15 heures, le général Vinoy met les troupes au bivouac, pour qu’elles se reposent et que l’on puisse s’occuper de la quarantaine de blessés.
Très rapidement, c’est l’affolement, la population craignant l’arrivée des uhlans. Ils occupent le village, dès le départ des Français.
Finalement, le général Vinoy décide de repartir dans la nuit du 3 septembre dans l’espoir de mettre davantage de distance avec l’ennemi. Le départ est fixé à 2 heures du matin et, pour ne pas alerter les éclaireurs de l’autre camp, des traces de vie sont laissées avec le maintien des feux allumés.
La colonne se prépare à gagner Chaumont-Porcien (Ardennes), lorsqu’une forte pluie se met à tomber. Les hommes sont trempés, la boue qui atténue cependant le bruit des roues ne facilite pas les déplacements. Successivement, la troupe traverse Mesmont[1], Bégny[2], Givron (Ardennes).
[1] Actuellement, département des Ardennes, en région Grand Est. A ne pas confondre avec Mesmont (Côte-d’Or), en région Bourgogne-Franche-Comté.
Or, entre Bégny et Givron, une route descend sur Ecly[1] et Château-Porcien[2], où se trouve l’ennemi. C’est là que le guide qui les conduit (et qui pourtant connait le secteur) se trompe et les engage dans la mauvaise direction[3]. Le général Vinoy s’en aperçoit, et fait rebrousser chemin à ses troupes, dans un grand désordre. Bégny (Ardennes) sera lui aussi occupé par des troupes prussiennes.
La colonne arrive enfin à Chaumont-Porcien (Ardennes) vers 8 heures du matin. Les soldats reçoivent un accueil chaleureux de la population. Il leur sera difficile de repartir à l’heure prévue.
Chaumont (Ardennes), vers midi, voit arriver les dragons allemands. Ils prennent position sur les crêtes à l’est du village, et y installent des batteries. Un bataillon se déploie sur la route entre Adon (Ardennes)[1] et Chaumont (Ardennes), avant que deux autres n’occupent le village, qui n’en sort pas indemne.
[1] Actuellement, commune rattaché à Chaumont-Porcien, dans le département des Ardennes, en région Grand Est. A ne pas confondre avec Adon (Loiret), en région Centre-Val de Loire.
Une nouvelle fois, le général Vinoy décide de changer de route, et de se diriger sur Seraincourt[1], Fraillicourt[2], Montcornet[3].
Ignorant qu’elle n’était pas poursuivie par la XIIe division d’infanterie[1], la colonne française fait halte à Fraillicourt (Ardennes) et, dans un dernier effort, se remet en marche jusqu’à Montcornet (Aisne), où elle parvient à 18 heures. Le lendemain elle gagne Marle[2], puis Laon[3], pour rejoindre Paris le 9 septembre.
[1]12. Division [Alte Armee], union des contingents du royaume de Prusse.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-10505633, Hadol, Paul (dessinateur), La Ménagerie impériale : composée des ruminants, amphibies, carnivores, et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans, Chez Rossignol, 11 rue Taitbout ; Au bureau de l’Éclipse, 16 rue du Croissant, Paris, 30 pl., page de titre : lithographie coloriée ; 17 x 27 cm, page non paginée, vue 11/49, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, TF-387-4.
La capitulation de l’empereur Napoléon III ne met pas fin aux combats. Des groupes de francs-tireurs se forment, et n’hésitent pas à attaquer l’ennemi, qui réplique par des représailles comme à Vaux-Villaine (Ardennes), où trois habitants[1] sont fusillés le 27 octobre 1870 au matin.
[1] Jean-Baptiste Depreuve, Louis Georges et Charles Georges.
Après la défaite, le département des Ardennes se voit imposer, dès le 8 septembre 1870, une contribution d’un million de francs pour compenser les pertes allemandes dans divers domaines, et en particulier celles infligées aux navires allemands par les vaisseaux de guerre français[1].
Dans les registres de Mainbressy (Ardennes)[2], à la date du 20 octobre 1870, le conseil municipal se soumet au paiement d’une somme de 1 800 francs pour éviter, par un refus, des mesures de rétorsion, ce qui montre la crainte ambiante.
[1] En 1870, l’Allemagne ne comptait pas du tout au rang des puissances maritimes. Notre Marine lui était alors largement supérieure.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MAINBRESSY/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série MAINBRESSY/D 1 = administration communale, registre des délibérations du conseil municipal de Mainbressy (Ardennes), 1838-1880].
Peu de temps après, Von Katte[1], qui se présente comme préfet de Rethel (Ardennes), réclame à la commune de Rocquigny (Ardennes)[2] :
Le 12 novembre 1870, la fourniture de 1 500 kg de paille et autant de foin, 30 quintaux métriques (soit 100 kg) d’avoine, et 1 200 kg de viande.
Le 6 décembre 1870, ce sont des réquisitions de literie pour le casernement de troupes prussiennes qui sont mises en œuvre. Quelques jours plus tard, ce sont 75 paires de chaussettes et des couvertures qui sont exigées, sans oublier les sommes sollicitées pour l’éclairage ou des suppléments de gages donnés aux employés des armées prussiennes.
Le 26 janvier 1871, divers ajouts de grains et de blé sont demandés.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROCQUIGNY/D 1 = administration communale, registre des délibérations du conseil municipal de Rocquigny (Ardennes), 2 octobre 1865-2 juin 1884].
Dans le même temps, Fraillicourt (Ardennes)[1], occupé pendant 172 jours (du 8 septembre 1870 au 26 février 1871), est exposé à des requêtes considérables, après avoir pourvu à la nourriture et au logement de troupes (un régiment de dragons et le XXVIIe régiment d’infanterie[2]).
A la fourniture de grains, de fourrages, de vin, de cidre, d’eau de vie et de liqueurs s’ajoutent des moyens de transport (voitures de maître, charrettes, chariots), des vêtements confectionnés et de la vaisselle.
En 1871, tout est paralysé dans le département, puisqu’une gouvernance allemande a été mise en place, et que la poste ne fonctionne plus. A tout cela, s’ajoute la rigueur de l’hiver. La misère et la peur règnent une fois de plus sur la contrée.
Cette gestion par les Allemands disparaît après la signature des préliminaires de paix (mars 1871). L’administration française reprend alors sa place. La loi du 14 avril 1871 prescrit à cet effet un renouvellement intégral des membres des conseils municipaux.
La commune de La Romagne est imposée d’une contribution aux frais des besoins de l’armée allemande. Celle-ci s’élève à 50 francs par tête d’habitant, ce qui fait un total de 21 200 francs.
Ces derniers ne peuvent être délivrés qu’au moyen d’un appel aux contribuables les plus aisés de la commune, et d’un emprunt remboursable en 5 ans une fois la guerre terminée.
A partir de 1872, la conséquence de ces contributions est une imposition exceptionnelle. L’autorité allemande ne se contente pas de ces sommes. Elle réclame en sus environ 3000 francs, correspondant à la contribution foncière afférente à l’Etat.
De plus, la commune (tout comme d’autres villages ardennais cités plus haut) est mise en demeure de fournir, en plus de divers produits (dont on ne connaît pas la liste), une voiture de houille attelée de quatre chevaux. Celle-ci pose un certain nombre de problèmes à la municipalité, car le voiturier doit aller chercher en Belgique son chargement avant de le rapporter à Rethel (Ardennes).
Ce qui n’est pas sans risque, puisque l’on craint une confiscation à la frontière, soit par les douaniers, soit par les francs-tireurs. Une solution est arrêtée[1] : monsieur Merlin fournit la voiture et l’attelage, tandis que le village réquisitionné se porte garant du matériel prêté pour cette opération. Apparemment, cette dernière s’est bien déroulée.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre des délibérations du conseil municipal de La Romagne (Ardennes), 24 juin 1849-6 août 1893], décisions des 22 janvier 1871 et 15 octobre 1871.
L’armistice général intervient le 15 février 1871 et, si le traité préliminaire de paix est signé le 26 février 1871 à Versailles[1], ce dernier proclame aussi l’unité allemande.
[1] Actuellement, département des Yvelines, en région Île-de-France.
En réalité, c’est le traité de Francfort-sur-le-Main du 10 mai 1871 qui met fin à cette guerre franco-allemande de 1870-1871. Cette dernière a profondément marqué les Ardennes (qui auront subi l’occupation après la défaite de Sedan, mais aussi en 1914-1918 et en 1939-1945).
Quant à la France, elle offre un nouveau visage, avec le rattachement de l’Alsace et de la Lorraine à l’Empire allemand sous le nom d’Elsaß-Lothringen.
Les villages reçoivent des compensations financières au titre des dommages de guerre. C’est ce qu’indique par exemple la séance extraordinaire du conseil municipal de Montmeillant (Ardennes)[1] du 20 avril 1872, qui précise que la commune se voit accorder une somme de 1 285,40 francs, versée par cinquième.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/D 3 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série MONTMEILLANT/D 3 = administration communale, registre des délibérations du conseil municipal de Montmeillant, 1840-1888].
Pour bon nombre de communes, les archives constituées des registres de délibération des séances des conseils municipaux restent la plupart du temps muettes sur la période allant de fin juillet 1870 à l’année 1872.
Les documents subsistants apprennent cependant que quelques Romanais ont été exemptés de la guerre, soit parce qu’ils étaient instituteurs (Alexis Stévenot), ou pour raisons de santé (Théophile Adonis Larchet).
Ils attestent également que Pierre Aristide Devie a exercé sa profession de maréchal-ferrant au sein du 5e régiment de hussards de 1872 à 1877.
Ils témoignent enfin que La Romagne a été touchée par la mort au combat ou l’emprisonnement par l’ennemi de jeunes gens nés dans le village.
Les natifs de La Romagne soldats de la guerre franco-allemande 1870-1871 (A-Z)
Pierre Chailloux[1], fils de François-Xavier Chailloux et d’Adèle Millet, est né le 7 octobre 1847 à La Romagne. Il est incorporé en juillet 1868, puis appelé à l’active dès juillet 1870. Il est soldat de 2e classe à la 2e compagnie du 2e bataillon de la garde mobile des Ardennes, et décède le 1er novembre 1870[2] à Rocroi (Ardennes) à l’hôpital militaire.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1007 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)]. [2]Archives départementales des Ardennes, 2E 369 5 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, baptêmes, mariages, sépultures, cote 2E 369 5 = années 1863-1872], transcription de l’acte de décès, vue 156/177, consultable en ligne.
Alfred Léon Chéry[1], fils de Pierre Chéry et de Marie-Joséphine Ismérie Noël, est né le 10 novembre 1849 à La Romagne. Appelé en août 1870, il est fait prisonnier le 19 janvier 1871 et ne rentre en France que le 24 avril 1871. Il est définitivement licencié par la paix le 31 décembre 1872.
[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1014 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)].
Michel Célestin Dupont[1], fils de Jean Nicolas Dupont et d’Elisabeth Bonhomme, est né le 30 avril 1850 à La Romagne. Devenu volontaire le 16 août 1870, il est incorporé au 1er régiment de chasseurs à pied de Belval (Ardennes), où il est nommé trompette le 31 mai 1871.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1017 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)].
Pierre Millet[1], fils de Pierre Millet et de Félicité Grimplet, est né le 12 juin 1850 à La Romagne. Il est incorporé en août 1870 comme appelé des Ardennes.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1017 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)].
Nota bene : cette liste limitative cite uniquement les Romanais par naissance, c’est-à-dire les personnes qui sont nées à La Romagne, et non celles qui pourraient y avoir habité par la suite.
Après le désarroi provoqué par la défaite de Sedan (Ardennes) et son retentissement national, la déchéance officielle de Napoléon III le 1er mars 1871, et la chute du Second Empire, la Troisième République (régime en vigueur du 4 septembre 1870 au 10 juillet 1940) mène une politique d’expansion des colonies qui aura un certain retentissement sur la vie de La Romagne.
Les natifs de La Romagne et le second empire colonial français (A-Z)
Clovis Dupont, né le 18 juillet 1855 à La Romagne, part pour l’Algérie, où du reste il meurt le 12 octobre 1879 à l’hôpital militaire de M’Sila[1].
[1] Chef-lieu de la wilaya (collectivité territoriale) de M’Sila.
Fernand Gustave Devie, né le 14 décembre 1880 à La Romagne, engagé volontaire, intègre plusieurs bataillons d’infanterie coloniale, et fait les campagnes du Sénégal entre 1901 et 1904.
Nota bene : cette liste limitative cite uniquement les Romanais par naissance, c’est-à-dire les personnes qui sont nées à La Romagne, et non celles qui pourraient y avoir habité par la suite.
C’est ainsi que quelques jeunes hommes natifs du village, lors de leur service militaire ou au cours de leur carrière, participent à la promotion du second empire colonial français[1], principalement en Afrique.
[1] Le premier empire colonial français correspond aux conquêtes de l’Ancien Régime.
Les paroissiens romanais participent depuis plusieurs siècles aux pèlerinages des environs, tant en Picardie qu’en Champagne. Dès le XVe siècle, les habitants du Porcien et du Rethélois se rendent à pied, en charrette ou en chariot, au pèlerinage de Liesse[1] en passant par Saint-Fergeux (Ardennes) et les hauts de Recouvrance[2], où se trouvait alors une petite statue de Vierge à l’Enfant[3] en bois[4].
Il n’y a pas de pèlerinage spécifique à La Romagne, même s’il y a une dévotion particulière à saint Eloi (que l’on a célébré pour la dernière fois au village le 1er décembre 2002[1]) et à saint Hubert, que l’on honore de nouveau bisannuellement depuis 1997 vers le 3 novembre[2].
[2] Cette date est celle du calendrier républicain. Il est fêté à cette date-là en Belgique, au Grand-Duché du Luxembourg, etc. Il est célébré d’autre part au 30 mai selon le martyrologe romain.
Le pèlerinage de Chaumont-Porcien (Ardennes)[1] permet de prier à la fois saint Berthauld, sainte Olive et sainte Libérète[2] (filles du seigneur de Hauteville), saint Vivien et saint Amand. L’abbaye de Chaumont-Porcien (Ardennes) possède des reliques, dont certaines ont disparu à la Révolution.
Lors de la visite épiscopale de 1872, on découvre en ouvrant le reliquaire un procès-verbal dressé par M. Poinsignon, premier curé nommé à la suite du rétablissement du culte, qui authentifie la relique du chef[3] de saint Berthauld[4].
Des chapelles élevées pour les deux saintes, détruites à plusieurs reprises, et en particulier lors des guerres de Religion, sont reconstruites par la suite.
Le pèlerinage du Fréty (Ardennes) est dédié à saint Gorgon. Une relique[1] est conservée dans l’église. Le culte de ce saint a probablement été introduit dans ce village par les Pange, propriétaires et seigneurs de la terre de ce lieu.
Des milliers de personnes y participent au cours du XIXe siècle, où il connaît un grand renouveau. Il a lieu aux alentours du 9 septembre[1], et est suivi d’une neuvaine. En 1878, une seconde relique est récupérée. Elle est placée dans la nouvelle église, reconstruite sur un petit monticule. Cette dernière domine les environs, et est consacrée le 2 octobre 1890 par l’archevêque de Reims. D’autres pèlerinages sont également dédiés à ce saint à Avaux-le-château (Ardennes) ou à Pouillon (Marne).
[1] Date de sa fête locale selon le martyrologe romain.
A la suite de l’apparition de la Vierge Marie le 30 avril 1752 à huit enfants, le village de Neuvizy (Ardennes) est devenu un lieu de piété populaire. Chaque année, particulièrement au mois de mai, des pèlerinages y sont organisés. Carte postale ancienne en noir et blanc, Charpentier-Richard, éditeur, Mézières-Charleville (appelée aujourd’hui Charleville-Mézières).
Les principaux voyages de dévotion à Notre-Dame-du-Bon-Secours de Neuvizy (Ardennes) ont lieu traditionnellement le 1er mai de chaque année, durant ce mois marial, à la Pentecôte et à l’Assomption. En 2023, la saison des pèlerinages a été lancée par monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, 111e archevêque de Reims, nommé le 18 août 2018 par le pape François, photographie ancienne en noir et blanc, collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Les paroissiens se rendent également à Neuvizy (Ardennes), principalement en mai ou « mois de Marie », car le pèlerinage est dédié à Notre-Dame-de-Bon-Secours.
Des familles de La Romagne à la sortie de messe à Notre-Dame-de-Bon-Secours à Neuvizy (Ardennes), lors d’un pèlerinage, photographie ancienne en noir et blanc, collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Ce sanctuaire marial rappelle par sa façade celle de Notre-Dame de Paris. Les habitants du canton de Chaumont-Porcien (Ardennes) les accompagnent, lors d’une journée spécialement organisée pour eux le mercredi 7 mai 1930.
La Vierge noire de Liesse (Aisne) est également fort honorée depuis le XIIe siècle par les Ardennais. Ainsi, le 22 juillet 1934, a lieu un déplacement dit « pèlerinage des gerbières[1] », regroupant l’ensemble des paroisses du département et quelque deux mille « pèlerines »[2], dont au moins quatre Romanaises[3].
Ce pèlerinage fort ancien a connu des temps d’arrêt avec la période révolutionnaire, ou durant la Première Guerre mondiale. Néanmoins, et même s’ils ne sont plus aussi fréquentés qu’au XIXe siècle, ces témoignages de foi sont ancrés chez les fidèles ardennais et leur apportent de l’espoir.
Pèlerinage de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes) le dimanche 27 juillet 1924.Bénédiction des automobiles à Rocquigny (Ardennes) le jeudi 25 juillet 1912.Saint Christophe signifie « porte-Christ ». Il est le patron de ceux qui utilisent un moyen de transport et donc des voyageurs (automobilistes, cyclistes, etc.). L’arme du Train l’a choisi pour cette raison comme protecteur. Il est fêté le 25 juillet. Le pèlerinage à Rocquigny (Ardennes) qui lui est consacré s’accompagne de la bénédiction des voitures et des bicyclettes. Lot de cartes postales anciennes en noir et blanc.
En 1911, l’abbé Choppin, curé de Rocquigny (Ardennes), crée le pèlerinage des automobilistes et des cyclistes : sa paroisse est sous la protection de saint Christophe, patron des voyageurs puis des automobilistes. L’année suivante, une confrérie lui est consacrée.
Pèlerinage de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes) le vendredi 25 juillet 1913.Pèlerinage de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes) le dimanche 27 juillet 1924.Un siècle après, la bannière de saint Christophe est conservée à l’église Saint-Christophe de Rocquigny (Ardennes). Lot de cartes postales anciennes en noir et blanc.
Certes, à ce moment-là, il y a plus de bicyclettes que d’automobiles à La Romagne. Cela n’empêche pas la participation à cette fête, au cours de laquelle les habitants sortent la statue du saint. Ils la promènent processionnellement dans le village, précédée de la bannière.
Durant la Première Guerre mondiale, il n’est pas célébré. Mais l’hommage reprend après la victoire. L’affluence est telle que deux, puis trois jours, lui sont dédiés. La célébration a lieu le 25 juillet, ainsi que les jeudi et dimanche suivants.
Celle qui se déroule le 27 juin 1929 est sous la présidence de monseigneur Neveux (évêque d’Arsinoé[1]) : il y a une messe, un sermon, et une procession au cours de laquelle toutes les voitures présentes sont bénites. Lors des vêpres, les reliques de saint Christophe sont vénérées.
[1] Arsinoé d’Arcadie (Dioecesis Arsinoitana in Arcadia en latin) est un siège titulaire de l’Église catholique romaine. Il correspond à l’actuelle Médinet el-Fayoum en Egypte. L’ecclésiastique en a la charge du 16 juillet 1914 à sa mort le 7 septembre 1938.
Une dizaine de tracteurs est bénite par le curé de la paroisse, accompagné des enfants de chœur, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Au cours de cette journée, le religieux et le profane se mêlent, et ces manifestations populaires sont un des moyens employés par l’Eglise pour ancrer ou raviver la foi des fidèles.
La tradition de la bénédiction des tracteurs, qui se perpétue dans les Ardennes, est une occasion de rencontres et de partage, qui veut protéger les machines et assurer de belles récoltes, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Eric Lesein, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
On trouve cette même volonté des autorités ecclésiastiques d’unir le temporel et le spirituel dans les bénédictions de la terre ou du matériel agricole.
La relève des agriculteurs romanais est en germe, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Celles-ci ont encore lieu dans les années soixante. Elles ne sont qu’une version plus contemporaine de la messe du Saint-Esprit, célébrée autrefois fin juillet pour attirer les grâces sur les récoltes.
Ce tracteur ne cache pas son attachement aux Ardennes, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Après la Première Guerre mondiale, il semble qu’un certain nombre d’initiatives soient prises de la part de l’Eglise pour rechristianiser les populations. Celles-ci s’appuient à La Romagne sur le pasteur du village, à travers l’organisation de manifestations comme celle de la Fête-Dieu, avec la confection de reposoirs[1] dans différents lieux du village. Il s’y ajoute les journées d’adoration perpétuelle.
[1] « Autel orné de fleurs et de feuillages, dressé sur le parcours d’une procession et sur lequel le prêtre expose le saint sacrement au cours d’une halte », selon le Trésor de la langue française informatisé.
Celles-ci se déroulent chaque année de 1921[1] jusqu’en 1939[2], en général en juillet ou en août. Le portail de l’église reste ouvert toute la journée, tandis que le prêtre et les fidèles se relaient pour prier le Christ devant le saint sacrement, symbolisé par l’hostie consacrée, exposée dans un ostensoir ou soleil.
La fédération des œuvres de jeunes filles descend du train le dimanche 8 août 1920 à Launois-sur-Vence (Ardennes) pour se rendre au pèlerinage de Neuvisy (Ardennes). Carte postale ancienne en noir et blanc.
Il existe aussi des initiatives au niveau cantonal, avec la création dans la paroisse de Chaumont-Porcien (Ardennes) d’une section d’une organisation catholique féminine[1], comme il en existe alors plusieurs en France. Elles sont largement encouragées par l’archevêché, et leur prosélytisme se répand dans tout le canton.
[1] La Ligue patriotique des Françaises et la Ligue des femmes françaises (LFF) fusionnent en 1933. Elles deviennent alors la Ligue féminine d’action catholique française.
La fédération des œuvres de jeunes filles, descendue du train le dimanche 8 août 1920 à Launois-sur-Vence (Ardennes) pour se rendre au pèlerinage de Neuvisy (Ardennes), rejoint la foule massée devant Notre-Dame-de-Bon-Secours. L’appellation de basilique inscrite sur cette carte postale ancienne en noir et blanc est vernaculaire et témoigne de la foi populaire. Elle a été érigée en tant que telle par le pape Jean-Paul II en 2002.
La Ligue patriotique des Françaises, dont le but est de promouvoir les croyances chrétiennes de la famille, compte en 1932 soixante-six adhérentes et dix dizainières[1] dans la section de Chaumont. Cette même année, un groupe est formé à La Romagne[2] et dans d’autres villages des Ardennes (Draize, Montmeillant, Chaumont et Rocquigny).
[1] Chacune doit recruter dix nouvelles inscrites, d’où ce nom.
En 1933, toutes les paroisses y ont adhéré. La Romagne compte alors quatre dizainières[1]. Les ligues connaissent de 1940 à 1942 un certain déclin, qui correspond à l’exode et aux difficultés du retour. Dans la période qui suit, elles reprennent avec zèle leur activité.
En dehors de ce maillage du canton, le prêtre, lors de la messe, a l’occasion d’intéresser ses paroissiens à divers organismes, dont des œuvres pontificales missionnaires, pour lesquelles il effectue des quêtes. Le plus souvent, il s’occupe des trois suivantes :
A plusieurs reprises, le nom du village apparaît dans les dons, que ce soit en 1933 ou en 1936, ce qui montre une générosité certaine pour celles-ci. C’est ainsi que sont versées les sommes de 92,20 et 116,70 francs à l’Œuvre pontificale de la propagation de la foi.
Le but de celle-ci est, dans le diocèse de Reims, de combattre l’ignorance et la superstition, d’étendre par les armes de la charité et de la prière, le règne de Jésus-Christ, c’est-à-dire le royaume de la paix, de la lumière et de la vraie civilisation.
Quant à l’Œuvre pontificale de la Sainte-Enfance, créée en 1843, elle s’adresse davantage aux très jeunes, leur demandant de verser quelques sous et de dire une courte prière. Les fonds ainsi récoltés sont destinés à sauver des enfants abandonnés à leur naissance, par exemple en Chine. La somme de 80 francs a été recueillie pour les deux années citées.
Avec leurs missions, les prêtres ruraux comme le curé Antoine Godart mènent des projets d’évangélisation dans la campagne ardennaise (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
C’est le dimanche 5 juin 1960, jour de la Pentecôte, que se déroule, dans la paroisse, un rassemblement religieux ou Congrès eucharistique régional.
L’assemblée a pour but de renforcer les liens entre les croyants et le Christ par le biais de conférences, comme celles qui ont réuni les femmes dans l’église et les hommes dans la salle des fêtes. Ces réunions s’accompagnent de discussions et d’adoration du saint sacrement.
Le village s’est préparé de longue date à cet événement et, le jour venu, il est décoré de toutes parts de guirlandes, d’oriflammes, de verdure et de fleurs. L’archevêque de Reims est accueilli un peu avant l’entrée du village, puis escorté jusqu’à La Romagne.
Son cortège particulier comprend non seulement une délégation des pompiers à pied, mais aussi des membres de la municipalité et de la communauté paroissiale, montés sur des chevaux ardennais. Il prend place ensuite dans une voiture découverte.
Le texte qui flanque la croix est tiré de Jean XI, 25 « La résurrection, lui dit Jésus, c’est moi. Je suis la vie. Celui qui place en moi toute sa confiance vivra, même s’il meurt. » La traduction est tirée de la version Parole Vivante, transcription dynamique du Nouveau Testament, sous la direction d’Alfred Kuen. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †).
Un autel est dressé sur la place du village (qui porte désormais le nom de Jean Malherbe), de manière à pouvoir accueillir les clercs et les enfants de chœur de tout le canton. Une foule énorme[1] s’y presse, avec les quelque huit cents fidèles qui assistent à la messe célébrée par monseigneur Bejot.
Il y a également une procession du saint sacrement marquée par quatre stations, dont les reposoirs ont été élevés par les paroisses de La Romagne et des villages ardennais suivants : Fraillicourt, Remaucourt et Chaumont-Porcien. Cette religiosité populaire, autrefois fréquente dans les campagnes, a aujourd’hui quasiment disparu.
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant la grille de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Monseigneur Antonio Barberini, 91e archevêque de Reims, de 1657 à 1671.
Parmi ceux qui ont exercé leur ministère dans cette paroisse, on peut citer vers 1663 F. Prony[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Remi[1] Bayen, prémontré de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine, est probablement curé de La Romagne entre 1663/1664 et 1665, après avoir été à La Hardoye (Ardennes) puis à Rocquigny (Ardennes).
Pierre Le Heutre, né vers 1636 dans le diocèse, est ordonné en 1660 à presque 25 ans. Il est le curé du village pendant dix-sept ans de 1665 à 1682. Quoique son nom n’apparaisse pas, c’est sûrement lui qui est affecté à ce lieu[1] en 1665, alors que la paroisse de Montmeillant (Ardennes) était « abandonnée » et son église « en très mauvais état ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252, page 213 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Monseigneur Charles-Maurice Le Tellier, 92e archevêque de Reims, de 1671 à 1710.
Nicolas Jouvant, né à Reims (Marne) vers 1656, est ordonné en 1682. Il est nommé ensuite pour quelques mois à La Romagne et, fait curieux, avant son ordination. Cependant, ce cas n’est pas exceptionnel en Champagne, puisque monseigneur Le Tellier attribue souvent des « titres de paroisse » avant que le titulaire ait « reçu la prêtrise[1] ».
Ces nominations sont « maintenues comme exactes ». Cet ecclésiastique est affecté peu de temps après son ordination à la cure de Saint-Jean-aux- Bois (Ardennes) puis à Chémery (Ardennes). Il est nommé doyen rural jusqu’en 1719 et décède en 1734. Il est alors curé d’Aÿ[2] (Marne).
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 128-1 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 128 = papiers de l’abbé Emile Bouchez, le clergé des Ardennes en 1789 et sous la Révolution (don de monseigneur Leflon, janvier 1961, entrée 421), pièce 1J 128-1 = répertoire alphabétique des curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après les archives diocésaines, 1663-1791, registre de 173 pages].
Nicolas Lambinet, originaire de Brieulles-sur-Meuse (Meuse), où il est né vers 1643, est le curé du village de septembre 1682 au 27 juin 1686, avant de rejoindre la cure de Lametz (Ardennes) jusqu’au 1er janvier 1713.
Adrien Desjardins remplit un court intermède d’une dizaine de mois. Ce prêtre, venu de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine (Ardennes) où il est sous-prieur[1], rejoint Rubigny (Ardennes) en février 1687 où il décède le 13 août 1697 [2].
Les lettres patentes du roi en forme d’édit du mardi 29 avril 1664 ordonnent que les bulles des papes Innocent X et Alexandre VII seront publiées dans tout le royaume.
Nicolas Norbert Dehaulme, né vers 1653, occupe la cure pendant quinze ans, du 31 mars 1688 jusqu’en octobre 1703, et se dévoue à sa paroisse. C’est à l’origine un religieux du couvent de Chaumont-la-Piscine (Ardennes). Lorsque son ministère romanais prend fin, il y retourne, comme cela se passe assez souvent pour les moines réguliers.
Le testament d’Hubert Terlot est signé par le curé de La Romagne, Louis Pottin, qui assiste ses paroissiens sur le plan matériel et spirituel. Archives départementales des Ardennes, G 238 [série G = clergé régulier avant 1790, articles G 92 à 272 = églises paroissiales et leurs fabriques], cote concernant les églises de Rocquigny, La Romagne, Romance (Saint-Pierre), les constitutions de rentes, dons et legs, les déclarations de biens 1611-1788.
Louis Pottin passe trente-six ans à La Romagne, de sa nomination vers 1705 jusqu’à sa mort à l’âge de soixante et onze ans environ, le 22 octobre 1740. Tout au long de son sacerdoce, il s’implique dans les diverses tâches auprès de ses paroissiens, tant spirituelles que matérielles.
Ses obsèques sont célébrées par le prieur-curé de Givron (Ardennes) en présence de R. Chanveaux, curé-doyen de Rethel (Ardennes), de Jean-Baptiste Le Roy (maître d’école), Antoine Leblanc et François Merlin.
Jean Maquet lui succède pour un temps très court : neuf mois, du 7 novembre 1740 au 14 août 1741.
François-Jean Bataille, de l’ordre des prémontrés, devient le nouveau titulaire de la cure, du 14 août 1741 jusqu’à sa mort vers août 1747 (les registres paroissiaux entre 1742 et 1753 ont disparu). Il jure avoir « signé les formulaires de foi du pape Alexandre VII qui condamnent le jansénisme ».
Palazzo Barberini (Rome, Italie), numéro d’inventaire 5048, Bernin, Le (1598-1680), Portrait du pape Urbain VIII [Maffeo Barberini], peinture à l’huile, 1e moitié du XVIIe siècle, vers 1631-1632, huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne.
Depuis le 6 mars 1642, le pape Urbain VIII a porté une condamnation contre les théories de Jansenius[1] contenues dans son livre intitulé Augustinus.
Portrait du pape Innocent X par Diego Vélasquez.
Cette critique théologique est confirmée par une bulle du pape Innocent X le 31 mai 1653, puis par celle d’Alexandre VII le 16 octobre 1656.
Walters art museum (Baltimore, Maryland), numéro d’inventaire 37.598, Gaulli, Giovanni Battista (1639-1709) [atelier], Portrait du pape Alexandre VII [Fabio Chigi], peinture à l’huile, 1e moitié du XVIIe siècle, vers 1667, peinture à l’huile sur canevas, notice descriptive consultable en ligne.
En 1661, les évêques de France décident de rédiger un formulaire portant réprobation des doctrines condamnées, et de l’imposer à tous les ecclésiastiques de leurs diocèses. Ces derniers sont contraints de le signer sur-le-champ.
En 1665, le pape Alexandre VII propose de ne pas admettre un élu quelconque à la jouissance d’un bénéfice, sans qu’il lui fût enjoint de souscrire à ce document condamnant expressément l’erreur janséniste. Cette ferme invitation soulève une opposition formidable en Champagne.
Au XVIIIe siècle, monseigneur François I de Mailly, successeur de monseigneur Le Tellier, se montre, lui, très empressé de faire signer ce document par les différents prêtres de son diocèse.
Monseigneur François I de Mailly, 93e archevêque de Reims, de 1710 à 1721.
Monseigneur Armand Jules de Rohan-Guémené, 94e archevêque de Reims, de 1722 à 1762.
Philippe Hennezel, prémontré, occupe la cure du 4 septembre 1747 jusqu’à sa mort vers février 1760, à l’âge de cinquante-six ans. C’est un chanoine régulier de l’ordre des prémontrés. Pour ses obsèques, le service religieux est célébré par le curé de Givron (Ardennes), en présence de J.-B. Davaux et du prieur Godart de la Piscine. Il est inhumé au milieu du chœur de l’église.
Monseigneur Charles Antoine de La Roche-Aymon, 95e archevêque de Reims, de 1763 à 1777.
Simon Godart, prémontré, après avoir été curé de Givron (Ardennes), reste à La Romagne de février 1760 à 1769, moment où il démissionne. Cette situation ouvre aux « patrons de la cure » la possibilité de désigner un candidat, dont les supérieurs diocésains agréent ou rejettent la candidature après l’avoir examinée.
D’après le registre consulté, il est le seul à avoir démissionné dans ce village, alors que sur la même période de cent trente ans, quatre curés l’ont fait à Rocquigny (Ardennes), et que trois autres ont « résigné », c’est-à-dire qu’ils ont laissé leur paroisse en faveur, généralement, d’un membre de leur famille. Quelles peuvent-être les raisons de ces différences ? A la suite de ce départ, c’est F. Pierron, curé de Montmeillant (Ardennes), qui pourvoit aux besoins de la paroisse.
Joseph Bourdon[1], religieux prémontré né le 6 mai 1728 à Moncourt[2], prend en charge la cure à partir du 12 janvier 1770, après avoir relevé des diocèses de Rouen (Seine-Maritime) et de Laon (Aisne) et être arrivé dans le diocèse de Reims en 1763.
Certains prêtres comme ce curé reçoivent l’extension des pouvoirs, et les « cas réservés », c’est-à-dire tout ce qui regarde la magie, les superstitions et les maléfices[3].
Serment de Joseph Bourdon à la Constitution civile du clergé.
Il est toujours présent dans sa paroisse lors des premières années révolutionnaires. Il prête serment à la Constitution civile du clergé le 28 janvier 1791[1], contrairement à certains de ses confrères. Il est redemandé après la Révolution.
Attestation du serment prêté par le curé Joseph Bourdon.
Il est l’un de ceux pour qui quelques détails physiques sont notés en l’an VI par les autorités du canton de Rocquigny (Ardennes). Il mesure cinq pieds et cinq pouces, soit un peu plus d’un mètre soixante-cinq. Il a le visage et le menton ronds, une grande bouche, des « yeux roux[2] », des sourcils gris. Ses cheveux sont blancs.
[1]Archives départementales des Ardennes, L 1336 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 = canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819], délibération du canton de Rocquigny lors de sa séance du 26 avril 1792.
[2] Cette désignation ancienne d’une pigmentation de l’iris n’évoque plus pour nous une couleur précise.
Monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, 96e archevêque de Reims, de 1777 à 1816.
Dans l’enquête menée le 20 novembre 1807, nous apprenons qu’il a alors soixante-dix-neuf ans et qu’il souffre de nombreuses infirmités qui l’empêchent de dire la messe. En outre, il ne peut se servir de sa main droite[1]. Il décède dans sa paroisse, un an plus tard, le 3 juillet 1808[2], après l’avoir servie pendant plus de trente-huit ans.
Monseigneur Jean Charles de Coucy, 97e archevêque de Reims, de 1817 à 1824.
Pendant quelques années, La Romagne est une annexe de Montmeillant (Ardennes), avant de redevenir une cure à part entière. De ce fait, elle est desservie par le prêtre de cette commune.
Monseigneur Jean-Baptiste de Latil, 98e archevêque de Reims, de 1824 à 1839.
Jean-Baptiste Mozin naît à Montcy-Saint-Pierre (Ardennes). De sa nomination (quand la Romagne est redevenue pleinement une paroisse) jusqu’à sa mort le 4 janvier 1842 à l’âge de trente-six ans, il demeure dans le village.
Dans une enquête destinée à l’archevêché, on apprend qu’il y vit en compagnie de sa mère et de sa sœur, et qu’il héberge chez lui quelques écoliers. Il bine[1]. Ce qui s’avère plus important, c’est l’opinion qu’il exprime sur ses paroissiens.
Pour lui, quelques-uns sont superstitieux, mais ne sont pas scandaleux. Cent trente font leur devoir pascal. Néanmoins, il reproche à certains d’être trop lents pour faire baptiser leurs enfants. Mais personne ne néglige de les envoyer au catéchisme.
[1] En droit canonique, biner = célébrer deux messes le même jour, généralement dans deux églises différentes.
La Romagne – L’Eglise, carte postale ancienne éditée par Briard, virage sépia.
Simon Noiville, né le 10 février 1816 à Longwé (Ardennes), reçoit une nomination à La Romagne à partir du 20 juin 1842. Il veille à améliorer son église : pour communiquer avec ses paroissiens à partir des années 1870, il a recours à un petit journal, Le Réveil de Signy-l’Abbaye, qui lui sert de bulletin paroissial.
Monseigneur Thomas II Gousset, 99e archevêque de Reims, de 1840 à 1866.
Monseigneur Jean-François Landriot, 100e archevêque de Reims, de 1867 à 1874.
Dès 1883, une plainte est formulée contre lui auprès du préfet[1], car il manque souvent à ses obligations. Le représentant du gouvernement fait remarquer dans sa réponse qu’il est paralysé et qu’il a soixante-huit ans. Il ajoute qu’on ne peut pas insister pour le faire remplacer, car le presbytère est sa propriété et non celle de la commune.
A partir du mois de mars 1884, c’est le vicaire administrateur Renaudin qui signe les actes pour La Romagne. D’autre part, certaines lacunes apparaissent à la lecture des documents religieux de l’église Saint-Jean (la transcription de la sépulture de Céline Millet ou le baptême d’un enfant de la famille Gosset ne sont ainsi pas pris en compte).
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6655, vue 241/503, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6655 = Reims (diocèse) : J à W].
Le 3 mars 1885, l’abbé Noiville qui, depuis trois ans environ, était frappé par une maladie paralysant son activité intellectuelle et physique, décède[1]. Il était curé de La Romagne et prêtre depuis quarante-trois ans.
Il est inhumé, le 5 du même mois, dans le cimetière du village, en présence de nombreux prêtres des alentours[2] (Le Fréty, Novion, Saint-Jean-aux-Bois, Estrebay, Rubigny, Montmeillant, etc.) mais aussi de ses paroissiens qui rendent un dernier hommage à celui qui avait été leur « guide sûr », leur « ami vrai » et qui avait partagé leurs joies et leurs tristesses pendant cette longue série d’années si mouvementées.
[2] Tous les villages cités sont dans l’actuel département des Ardennes.
Georges Victor Grégoirenaît le 21 septembre 1857 à Floing (Ardennes). En 1881, il est vicaire à Nouzon (Ardennes), puis il est nommé à Daigny (Ardennes), le 31 octobre 1884. Il y reste peu de temps. Après deux avis dont on ne connait pas la teneur (10 et 28 août 1885), la paroisse lui est confiée, ainsi que celle de Draize (Ardennes). Il y reste jusqu’au 21 mars 1901.
Pour lui, l’état d’esprit des habitants est fort bon : toutes les femmes, les enfants et vingt à trente hommes assistent à la messe du dimanche. Il y a beaucoup de monde à la communion pascale et même aux célébrations en dehors de Pâques. Cet avis ne semble pas concorder avec d’autres échos.
Au cours de ces années, quelques incidents relatés dans Le Petit Ardennais révèlent quelques tensions entre le prêtre et ses paroissiens. Le premier a lieu lors de l’inhumation d’un jeune soldat qui accomplissait son service militaire[1]. Ses camarades de régiment avaient offert une couronne, mais celle-ci n’étant pas du goût du curé, elle aurait été jetée par ce dernier.
Peu de temps auparavant, il s’était déjà signalé en retirant à l’instituteur[2], qui était déjà assez vieux et qui ne pouvait plus chanter à l’église, le droit de sonner les cloches[3].
[1] Il s’agit de Jean-Baptiste Emile Mauroy, fils de Jean-Baptiste Mauroy et de Marie Léonie Lelong, décédé le 8 mars 1895 à Vouziers (Ardennes), où il était en garnison comme cavalier au 5e régiment de cuirassiers.
[2] Ce dernier serait Hippolyte Guérard et aurait été âgé de cinquante-six ans au moment des faits.
[3]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 35, « La Romagne. – Un peu plus de tolérance » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, dix-huitième année, n° 5763, vendredi 5 février 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Monseigneur Benoît Langénieux, 101e archevêque de Reims, de 1874 à 1905.
Il ne s’arrête pas là, puisqu’il s’insurge ensuite contre un mariage qui, pour des raisons familiales, sera finalement célébré à Montmeillant (Ardennes), au lieu de l’être à Draize (Ardennes), qui était sous sa tutelle.
L’auteur de l’article du Petit Ardennais, afin d’insister sur la vénalité de l’ecclésiastique, le soupçonne de mener grand bruit car son casuel s’en trouverait diminué. Il se moque que le curé ait porté cette affaire jusque devant monseigneur Langénieux, son archevêque, ne manquant pas au passage d’insister sur le fait que le mariage religieux n’est qu’une « inutile superfétation[1] ».
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 35, « Montmeillant. – A propos d’un mariage » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, dix-huitième année, n° 5776, jeudi 18 février 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Bien qu’il n’y ait pas eu de suite, le maire s’adresse au préfet le 22 mai 1895 pour demander le déplacement de ce prêtre « qui trouble le pays par sa propagande antirépublicaine [1]».
Cette demande n’aura pas de suite immédiate, mais cela n’empêche pas le préfet de dire en 1904 que cet ecclésiastique est hostile aux institutions. Après La Romagne, il rejoint Sévigny-Waleppe (Ardennes), où il décède le 28 mars 1904.
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6654, vue 425/485, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6654 = Reims (diocèse) : A à I].
Edmond François Bastin, « homme énergique qui a le sens des responsabilités et est animé d’une foi profonde[1] », naît en 1873 à Authe (Ardennes) dans une famille très religieuse qui compte plusieurs prêtres et religieuses.
Il a été formé au petit, puis au grand séminaire de Reims (Marne). Tout d’abord vicaire à Rocroi (Ardennes), il est nommé à La Romagne de janvier 1901 jusqu’en décembre 1912, pour être ensuite muté à la paroisse de Challerange (Ardennes).
Monseigneur Louis-Joseph Luçon, 102e archevêque de Reims, de 1906 à 1930.
Comme ses paroissiens, il part en 1914 pour l’armée, où il est infirmier. Lorsqu’il est démobilisé, il retrouve un village dévasté, dans lequel il reprend son ministère. Lui aussi n’échappe pas aux sarcasmes du correspondant du Petit Ardennais : des pèlerins ayant rapporté à leurs connaissances un flacon d’eau de Lourdes (Hautes-Pyrénées) dite « miraculeuse », ils furent épinglés à travers la création d’un vocabulaire digne de celui de Molière pour dénoncer leur crédulité.
Une analyse pseudo-chimique à caractère satirique de ce liquide en dévoile la « teneur » : six cent vingt-cinq grammes d’eau pure et 0,011 milligramme de sulfate de magnésie. Quant aux autres composants, ils se trouverait en quantité variable de l’acide bétifique, de la crédulose, de la niaisine, du carottate d’argent et de l’attrapure d’or, de l’hypocritine, du cervellate de plomb et du gobe-mouchine[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 58, « La Romagne. – L’eau de Lourdes » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-neuvième année, n° 9856, mercredi 30 septembre 1908, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
L’enquête préliminaire diligentée par l’archevêché auprès des curés des diverses paroisses quelques semaines avant la promulgation de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat est le moyen de connaître la mentalité des paroissiens lors de ce changement, bien que ceux-ci « ne semblent pas croire à la mise à exécution de la loi ».
Pour l’abbé Bastin[1], « Les hommes sont peu portés vers la religion, d’autant qu’il ne s’en trouve que sept qui veulent bien du prêtre au mariage et à la mort. », mais ces derniers « ne viennent pas à la messe chaque dimanche ». « Les femmes sont plus de bonne volonté et résolues. », selon lui.
La situation est donc assez confuse. Néanmoins, le curé pense que ses paroissiens réagiront et « pilleront leur porte-monnaie » pour assurer au moins la première année avec 200 à 300 francs de revenu[1]. Cette somme couvrira le lieu de culte, son logement et sa subsistance, quand les fidèles verront « la publication et la réalité de la loi ».
Dans cette même enquête, ce prêtre, qui célèbre les messes aussi à la paroisse de Draize (Ardennes), se montre beaucoup plus pessimiste pour sa situation dans ce village, reprochant à ses paroissiens leur égoïsme et les accusant de « ne vivre que pour eux et pour la terre ».
[1] Mais il émet des doutes pour les années suivantes.
Après la promulgation de la loi de séparation, c’est ce prêtre[1] qui va donc connaître le changement de statut à partir de 1906. C’est une nouvelle occasion pour l’un des journalistes du Petit Ardennais de tourner en dérision cet ecclésiastique, sous le titre ironique « La séparation continue », lors d’une chute à bicyclette, tandis qu’il descendait à « une vitesse vertigineuse » la côte qui va de Montmeillant (Ardennes) à La Romagne, le laissant ensanglanté sur un tas de pierres que la main de la Providence « avait mis là, fort à propos, pour le recevoir[2] ».
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6654, vue 43/485, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6654 = Reims (diocèse) : A à I].
[2]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 53, « Montmeillant – La Romagne. – La séparation continue » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-septième année, n° 8976, dimanche 8 avril 1906, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/6, consultable en ligne].
Les images mortuaires, distribuées à la famille et aux proches, comportent un contour noir plus ou moins épais et, parfois, une photographie du défunt. C’est le cas pour l’abbé Henri-Emile Régnier, curé de La Romagne (Ardennes). Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Henri-Emile Régnier, né à Clavy-Warby (Ardennes) le 6 janvier 1863, entre au séminaire en 1880, et est ordonné prêtre en 1887. Il rejoint successivement les cures de Faverolles[1] (Marne) et de Beaumont-sur-Vesle (Marne), puis de Landrichamps (Ardennes), avant d’être nommé à la paroisse de La Romagne en 1912.
Il décède le 8 octobre 1923 à la maison de retraite au Dorat (Haute-Vienne). Il est inhumé dans le cimetière paroissial et, chaque année, une messe anniversaire était censée devoir être célébrée pour le repos de son âme.
Jules Pleugersnaît le 8 juillet 1895 à Huppays (Belgique). Sa famille s’installe à Chooz (Ardennes), où il passe son enfance. Il étudie au petit séminaire de Vouziers (Ardennes) puis entre au grand séminaire de Reims (Marne). La guerre de 1914 l’empêche de continuer ses études dans ce lieu. Mais il les poursuit à Namur[1], où il est ordonné le 15 août 1919. Il est d’abord nommé vicaire à Rocroi (Ardennes), puis à l’église de Saint-Nicolas de Rethel (Ardennes).
Monseigneur Emmanuel Suhard, 103e archevêque de Reims, de 1930 à 1940.
La Romagne est sa première cure en 1923. Il a en charge, en plus du village, les paroisses de Draize (Ardennes) et de Montmeillant (Ardennes). Il est naturalisé[1] Français le 4 avril 1927. C’est lui qui célèbre la messe à Chaumont-Porcien (Ardennes) pour la fête de Saint-Berthault[2] (le 16 juin 1932) devant une assemblée très nombreuse et en présence de nombreux prêtres venus de Fismes (Marne) et de quelques villages des Ardennes (Mainbressy, Fraillicourt, Chappes, Sery, etc.).
Monseigneur Louis-Augustin Marmottin, 104e archevêque de Reims, de 1940 à 1960.
Il quitte sa paroisse en 1945, après avoir soutenu ses paroissiens durant la Seconde Guerre mondiale pour rejoindre Bourg-Fidèle (Ardennes) et Sévigny-la-Forêt (Ardennes). Il quitte son sacerdoce en 1969 après la célébration de ses noces d’or sacerdotales, car il est frappé d’une grave maladie. Il décède le 8 janvier 1975 à Charleville (Ardennes)[1].
Le curé de La Romagne (Ardennes) propose aux habitants du village un théâtre populaire familial. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Antoine Godart, né à Linchamps (Ardennes) le 23 octobre 1919, ordonné prêtre le 29 juin 1943, est nommé à La Romagne en 1946. Il y reste jusqu’aux années soixante. Son action spirituelle et humaine est importante. C’est sous son ministère qu’a lieu la cérémonie de réouverture de l’église.
Programme de deux pièces de théâtre jouées à La Romagne (Ardennes) grâce à l’action du curé Antoine Godart. Rosalie fait du marché noir est une comédie en un acte écrite par Jean des Marchenelles en 1945. Théodore cherche des allumettes est une saynète en un acte de Georges Courteline, représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Grand-guignol le 10 octobre 1897. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
La vipère est une pièce en un acte de Jules Mauris, représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Grand-guignol en novembre 1920. La Farce des bons saints de glace est une pièce en un acte écrite par Henri Brochet en 1942. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Dès 1948, Il fait la demande à la commune d’un terrain, sur lequel on pourrait construire une salle des fêtes et de réunions pour les jeunes gens de la localité. Dans sa séance du 17 février 1948, le conseil municipal accepte cette requête, à condition que l’autorité supérieure[1] donne elle aussi son accord. Le terrain communal proposé est situé près du gué Marquigny. Ce projet ne semble pas avoir abouti.
On lui doit la construction d’un oratoire dédié à Notre-Dame de Lourdes (Hautes-Pyrénées), érigé en 1949 aux confins des paroisses ardennaises dont il a la charge : La Romagne, Draize, Givron et Montmeillant.
Accueil de monseigneur François Marty au congrès eucharistique de la Romagne (Ardennes), lors de la Pentecôte, le dimanche 5 juin 1960. Au premier rang se distingue André Barré en tenue de pompier.
Antoine Godart est aussi l’instigateur des journées du congrès eucharistique régional de la Pentecôte le dimanche 5 juin 1960.
Monseigneur Georges Béjot (1896-1987), évêque auxiliaire de Reims (1955-1971), en grand apparat, au congrès eucharistique de la Romagne (Ardennes), lors de la Pentecôte, le dimanche 5 juin 1960. Le concile Vatican II, ouvert le jeudi 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII et clos le mercredi 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI, simplifie singulièrement la paramentique (vêtements, coiffes, tentures, ornements utilisés dans les liturgies chrétiennes). Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
La Jeanne d’Arc, conduite par l’abbé Antoine Godart, défile à La Romagne (Ardennes) lors de la fête nationale du lundi 14 juillet 1952. Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Il s’implique beaucoup dans la vie du village, tout d’abord en organisant des rencontres de la JOC[1]. Il anime dans le cadre de l’action catholique la fanfare Jeanne d’Arc, regroupant des jeunes gens des différentes paroisses qu’il supervise. Cette clique[2] fort importante par son effectif masculin décline avec le départ de certains de ses membres, rappelés pour combattre en Algérie. Elle disparaît après le départ de la paroisse de l’abbé.
Mon gosse (Totò e Marcellino) est un film italien en noir et blanc réalisé par Antonio Musu. Il est sorti en Italie le mardi 22 avril 1958 et en France le mercredi 27 juillet 1960. L’affiche de cinéma apposée sur un mur de La Romagne daterait de cette époque. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Il propose aussi des séances de cinéma aux enfants après le catéchisme, ou aux adultes en fin de semaine. Il monte en 1947 les Bons Loisirs[1], une troupe de théâtre où se retrouve une grande partie des jeunes du village, et qui donne parfois une représentation.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1430 W 25 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Lorsqu’il quitte La Romagne, il est nommé à Ville-Dommange (Marne). Il se retire de sa mission curiale le 1er septembre 1995. Il décède le 11 mars 2002 à Reims (Marne).
L’abbé Pierre Médéric Buché †, curé du village, en soutane, surplis et barrette. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Pierre Médéric Buché, originaire de Reims (Marne), où il naît le 29 août 1922, est ordonné prêtre le 22 mars 1947. Il devient le nouveau curé de La Romagne tout en l’étant également à Maranwez (Ardennes) du 6 août 1960 jusqu’au 5 août 1967, date à laquelle il rejoint le district de Verzenay (Marne). Après sa retraite, il vit au presbytère de ce village et décède le 10 juin 2010 à Reims (Marne).
Cérémonie religieuse à La Romagne (Ardennes) célébrée par l’abbé Pierre Médéric Buché et des ecclésiastiques des environs. Photographie ancienne en noir et blanc.
Manuscrit d’un poème chrétien rédigé pour La Romagne (Ardennes) par le curé de sa paroisse, Henri Gaston Leromain. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Brigitte Alliot.
Henri Gaston Leromain[1], né le 28 octobre 1929, est originaire de Cheveuges (Ardennes). Il se forme au chant grégorien à l’Institut catholique. Il porte la responsabilité de la paroisse du 5 août 1967 jusqu’en 1973. Il est ensuite nommé sur le secteur pastoral de l’Argonne[2] puis en 1977 à Saint-Remi de Charleville (Ardennes). Il est prêtre auxiliaire au service du district de cette ville le 1er septembre 1996. Il décède le 29 mars 1998 à Reims (Marne).
Paul Dubois-Matra, né le 28 juin 1933 à Reims (Marne), lui succède. Jusqu’à sa nomination à La Romagne, il s’occupe du secteur pastoral du Vallage[1], et appartient à l’équipe pastorale de Vouziers (Ardennes).
Lors de la séance du conseil municipal le 12 juin 1984, la commune se propose de participer à la cérémonie organisée à Chaumont-Porcien (Ardennes) le 1er juillet 1984 pour fêter son jubilé. Il reste jusqu’au 9 octobre 1988.
C’est à ce moment que la municipalité est informée par l’archevêché qu’il n’y aura plus de desservant à demeure à La Romagne.
Par la suite, il devient responsable du secteur Thiérache Nord à Signy-le-Petit (Ardennes). Il rejoint la cure d’Asfeld (Ardennes) le 1er septembre 1997, et décède dans ce bourg le 16 septembre 2000.
L’abbé Pierre Médéric Buché, entouré d’enfants de chœur du village et des paroisses environnantes. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Le sacerdoce de ces prêtres, et la foi qui anime leurs familles, font probablement naître des aspirations religieuses parmi les Romanais. Plusieurs sont ainsi entrés dans les ordres.
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Pierre Thomas Antoine de Boucher, né le 7 mars 1734 à La Romagne, fils de messire Paul de Boucher, seigneur d’Avançon (Ardennes) et de Marie-Thérèse Devie, devient curé de Poix (Marne), avant de permuter pour la cure d’Avançon (Ardennes).
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant la grille de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Jean-Louis Bienfait, fils de François Bienfait et de Marie Catherine Trippier, né le 29 novembre 1796 à La Romagne, devient prêtre à Sauville (Ardennes) et s’éteint dans cette commune le 28 septembre1859.
Messe et cérémonie publique sur la place de La Romagne (Ardennes).
Victor Devie, fils d’Alexandre Auguste Devie et de Marie-Charlotte Fréal, né le 27 février 1805 à La Romagne, est également prêtre. Il pratique à Pomacle (Marne), Bazancourt (Marne), Blanchefosse[1] (à partir de 1865) et décède le 7 novembre 1886 à Reims (Marne).
[1] Blanchefosse a depuis fusionné avec la commune de Bay pour former la commune de Blanchefosse-et-Bay (Ardennes).
Jean-Baptiste Apollinaire Lantenoy[1], fils de Jean-Pierre Lantenoy et de Jeanne Marie Hamel, né le 8 janvier 1818 à La Romagne. Ordonné prêtre, il officie à Revin (Ardennes) comme vicaire, puis Vaux-lès-Mouzon (Ardennes), Joigny[2] à partir du 22 octobre 1849, Banogne[3] et Saint-Fergeux (Ardennes), où il est nommé le 12 octobre 1862, et où il décède le 21 novembre 1873.
Par ce testament, Marie-Eugénie Devie fait don de sa maison pour la création d’une école à La Romagne (Ardennes).
Marie-Eugénie Devie, sœur de Marie-Esther Devie, née le 3 septembre 1833, décède le 10 septembre 1864, alors qu’est religieuse de la communauté de L’Enfant Jésus. Elle lègue ses biens pour la création de l’école des filles de La Romagne.
Sœur Hélène en cornette. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Denise Flament-Legros, transmise par madame Marie-Paule Vergneaux.
Marie-Jeanne Eudoxie Devie, fille d’Alexandre Auguste Devie et de Jeanne Catherine Patoureaux, née le 14 décembre 1836 à La Romagne, entre en religion sous le nom de sœur Hélène. Elle est hospitalière à l’hôpital Lariboisière puis à Saint-Louis, avant de décéder à Paris en 1905.
Marie-Esther Devie, fille de Jean Baptiste Devie et de Marguerite-Virginie Devie, née le 5 mai 1838 à La Romagne, décède à Reims le 30 juillet 1861, alors qu’elle est novice au monastère de la congrégation des sœurs de la Divine Providence.
Monseigneur François Marty, 105e archevêque de Reims, de 1960 à 1968. La mutation culturelle et sociale qui touche la société cette année-là affecte aussi l’Église.
Malgré ces vocations romanaises, La Romagne n’a plus de curé attitré. La paroisse se voit partagée avec d’autres : elle est confiée à l’abbé Jean-Marie Brédy, curé de Rocquigny (Ardennes), qui assure aussi sa mission sacerdotale à Fraillicourt (Ardennes).
Il occupe cette charge jusqu’au 1er septembre 1998. Il est alors nommé aumônier du mouvement des retraités. Il décède le 1er décembre 2008 à Nouvion-sur-Meuse (Ardennes).
La fin du 20e siècle est marquée par une crise religieuse. Les curés ont désormais à s’occuper de plusieurs paroisses. Il ne peuvent le faire qu’en étant secondés par des clercs comme cela est courant pour les obsèques. Les ecclésiastiques doivent compter de plus en plus sur le laïcat…
L’église située au cœur du village est consacrée à saint Jean l’Evangéliste, alors que celle de Sery est dédiée à saint Jean le Baptiste. Sa fête est fixée par l’Eglise catholique au 27 décembre[1]. Il est un des douze apôtres du Christ et un des quatre annonciateurs de l’Évangile, avec Luc, Marc et Mathieu. Son symbole est l’aigle.
[1] Autour de cette période sont parfois célébrées la Saint-Jean d’hiver ou le solstice.
La construction de l’église est organisée dès 1227 par Simon Pied de Loup pour faciliter la vie des habitants de La Romagne, qui doivent alors aller jusqu’à Rocquigny pour assister aux offices. Elle est très certainement en bois, comme toutes celles qui sont construites à cette époque.
Au Moyen Âge, les églises paroissiales se trouvent sous l’autorité d’un évêque ou d’un abbé[1], en qualité de fondateurs. Les prémontrés de Chaumont-Porcien et les cisterciens de Signy-l’Abbaye règnent sur les villages circonvoisins.
La rivalité des uns et des autres se manifeste par le nombre de paroisses à gouverner. Cette attitude explique le nombre considérable de lieux de culte construits dans les villes et les bourgades aux XIIe et XIIIe siècles.
[1] Supérieur ecclésiastique exerçant sa juridiction sur une abbaye ou un monastère régulier.
L’actuelle église de La Romagne date probablement de la première moitié du XVIe siècle. Elle est fortifiée : la région est en butte aux guerres civiles et religieuses, de manière presque ininterrompue pendant quatre-vingt-dix-ans. La situation est telle que le village est incendié à plusieurs reprises.
Plan de masse cadastral de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Elle est construite, non en forme de croix latine, mais selon un rectangle. Ce plan basilical hérité des Romains a été repris dans la tradition champenoise. En effet, de nombreuses églises rurales sont bâties ainsi en Champagne, province qui recouvrait entre autres les départements actuels de la Marne et des Ardennes.
La visite paroissiale de 1774 permet de dire que le bâtiment se compose d’un sanctuaire de vingt-sept pieds de large sur quinze de long, et d’une nef de vingt-sept pieds sur trente-huit.
Les quatre murs (d’au moins soixante-dix centimètres d’épaisseur) reposent sur un soubassement de pierres régulièrement taillées. Ils sont construits en moellons du pays, très durs et irrégulièrement disposés. Au contraire, d’autres églises assez voisines, telles celles de Fraillicourt ou de Rocquigny sont en brique (ce matériau est moins cher car de fabrication locale).
Les murs sont soutenus par d’épais contreforts, montrant parfois des reprises à chaque angle, comme ceux du pignon est. Chaque paroi présente de petits décrochements, dont l’un correspond aux fenêtres hautes. Certaines parties doivent être enduites car, en 1745, il est conseillé, pour l’extérieur, de « refaire un crépy[1] qui paraît nécessaire pour conserver les matériaux[2] ».
[1] En orthographe moderne, lire crépi, à savoir une couche de mortier, de plâtre ou de ciment non lissée.
A l’est, le pignon ou chevet se trouve percé dans le haut de quelques lucarnes d’observation (ou d’arquebusières). Les murs nord et sud laissent voir dans le bas des meurtrières. Il subsiste, sur le mur latéral gauche en partant du portail d’entrée, la trace d’une ancienne porte basse.
Elle pourrait avoir permis aux habitants de se réfugier dans cet édifice : le danger était fréquent en ces temps peu sûrs. Sa taille empêche les cavaliers ennemis de s’y introduire et de terroriser un peu plus la population.
Terwel, envoyé par le roi pour enquêter sur l’état du royaume après la guerre de Trente Ans et la Fronde, signale qu’en 1657 l’église est dans une condition désastreuse. En 1665, l’église est toujours « en très mauvais état tant pour les bâtiments que pour les ornements ». Elle ne retrouve un meilleur aspect que quelque trente ans après ce constat.
Le pignon ouest qui sert de façade devait probablement être, lui aussi, percé d’ouvertures de surveillance. Les nombreux travaux de réfection entrepris à diverses époques ont vraisemblablement abouti à leur disparition.
Pour les fenêtres les plus anciennes, il s’agit de simples ouvertures ménagées dans l’épaisseur de la maçonnerie. Jusqu’au XVIIIe siècle, elles sont sur chaque mur au nombre de trois et assez hautes, ce qui fait que l’église est non seulement peu lumineuse mais aussi humide. C’est pourquoi il est conseillé, lors de la visite de 1774, non seulement de les agrandir, mais aussi d’en percer une quatrième.
Durant la Révolution, il semblerait que les vitraux existants aient été brisés ou aient disparu : l’état des lieux fait pour la réouverture au culte souligne que « certaines fenêtres sont bouchées avec de la paille ». Les autorités ecclésiastiques du diocèse se plaignent de la situation piteuse dans lequel se trouvent les églises de l’arrondissement de Rethel.
En ce qui concerne La Romagne en 1807, l’édifice est considéré défavorablement « tant pour la couverture que pour les murs qui ont besoin d’être reconstruits car ils sont défectueux[1] ». Et pourtant, selon un arrêté du préfet du département des Ardennes le 3 août 1809, l’église est déclarée conforme : les critères d’appréciation seraient-ils différents entre les autorités religieuses et civiles ?
[1]Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 363/365 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886]
Les réparations les plus urgentes ont été réalisées à partir de 1824 par la fabrique. Les autres se font aux dépens de la commune[1], si bien que, vers 1830, l’église retrouve une nouvelle fois un aspect extérieur correct. Cependant, le portail et les quatre piliers ont besoin de réfection, tout comme la toiture, qui est à remettre à neuf.
Or, en 1852, le conseil municipal constate que le devis des réparations à faire à l’église (sans que leur nature ne soit précisée) s’élève à plus de 4500 francs. Il en ressort que la commune aura les plus grandes difficultés pour y faire face[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre du conseil municipal], délibération du 12 mai 1852.
Le conseil d’arrondissement de Rethel, après avoir reçu des subventions pour la réparation des églises, marque son intérêt pour la conservation du patrimoine. Il souhaite que les réparations ne soient pas l’occasion de mutilations, et que les architectes conservent le caractère reçu des siècles qui les a érigées.
En outre il faut « empêcher les dilapidations des boiseries, des sculptures, la disparition des dalles tumulaires[1] par un changement du parage [2]». Il semble inutile de préciser que ce vœu n’est pas toujours respecté.
[1] Les dalles funéraires, ou tumulaires, sont les plaques mises en place au-dessus des sépultures. Elles sont souvent décorées de motifs gravés en creux. Ce terme a été très utilisé au Moyen Âge pour désigner les pierres tombales.
L’abbé Grégoire, curé de La Romagne, décrivant l’édifice en 1890, tient le propos suivant : « L’église est sans intérêt particulier, elle a un porche en brique et fenêtre de même. ».
Une transformation tardive voit le jour avec le percement de baies (géminée sur le pignon est, simple au-dessus du portail ouest). Il n’est pas possible d’avancer une date précise pour ces travaux, en l’absence de documents primaires. Elle a eu lieu très certainement vers 1903 pour la première, si l’on se fie à la date du vitrail qui l’orne.
Le portail d’entrée est modifié à de nombreuses reprises. Jules Carlier le décrit en 1913 comme « très sobre et surmonté d’arcs formés par des tores[1] qui reposent sur des colonnettes disposées en ébrasement ».
Il conserve également des vestiges « de crochets et de clochetons » qui ont désormais disparu. En 1890, le curé Grégoire, dépeint un petit portail triangulaire. Avant cette date, l’abbé Noiville, dans son désir d’embellir son église, a veillé à la réfection de celui-ci et à son rehaussement. De nos jours, il est d’une grande simplicité, sobrement surmonté d’une croix au-dessus de la baie.
[1] Moulure saillante demi-cylindrique entourant la base d’une colonne ou d’un pilier. Boudin est son synonyme.
A partir de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, le bâtiment est officiellement la propriété de la commune. En réalité, il l’est depuis la Révolution, mais celle-ci est en plus chargée de son entretien.
Désormais, le ministre du culte (ou curé) a l’autorité de police à l’intérieur de l’édifice religieux, tandis que le maire l’a dans tous les autres lieux de la commune. Tous deux sont détenteurs des clés du bâtiment.
Avant cette période, la clé de l’église était déposée entre les mains du curé et, en principe, le maire n’avait le droit qu’à une clé du clocher (pour ce qui regardait la vie journalière des habitants). Si l’accès à ce dernier n’était pas indépendant de l’entrée de l’église, une clé de celle-ci devait être en théorie remise au maire[1]. Il arrivait qu’elle ne le fût pas, d’où, parfois, quelques petits incidents…
[1] Loi du 5 avril 1884 relatif à l’organisation municipale, article 101.
En 1907, les curés des différentes paroisses des Ardennes doivent se rendre auprès des maires des villes ou villages où ils exercent leur ministère, afin de demander la location des églises pour dix-huit ans (la plupart d’entre elles étant devenues depuis la Révolution des biens communaux).
Cette demande est assortie d’une condition que les maires ne peuvent refuser : ils doivent accepter, sans opposition possible, les différents locataires qu’il plait à l’évêque d’y nommer. Ainsi, cette clause permet, malgré la loi, d’avoir une reconnaissance de la hiérarchie ecclésiastique.
Quelques arrêts du Conseil d’Etat (en particulier celui du 11 juin 1913) permettent aux communes d’engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est attribuée. L’église de La Romagne relève donc désormais du conseil municipal. Ce dernier est autorisé à restaurer les objets mobiliers en usage qui sont déclarés « propriété communale » et qui figurent dans un inventaire.
L’église ne subit pas de dégâts extérieurs en 1914-1918 : elle n’est pas incendiée. Ce n’est pas le cas durant la Seconde Guerre mondiale. Le 15 mai 1940, une bombe tombe sur une partie de la sacristie et du mur sud, provoquant la mort de deux habitants et d’importants dégâts : la toiture et la charpente sont éventrées.
Une partie du toit menace de s’effondrer. Pour pallier des risques plus importants, deux Romanais (madame Devie-Richard et monsieur Achille Cotte) font chacun don d’un arbre de taille imposante, afin de consolider la charpente.
C’est le charpentier du village[1] qui est chargé de tailler à l’herminette ces poutres avant de les mettre en place. Dès 1942, quelques travaux de couverture sont entrepris. Ils ne représentent qu’un petit pourcentage de ce qui doit être fait lors du retour de la paix pour que l’église retrouve son rôle.
Outre la charpente et la toiture, il faut refaire des parties de maçonnerie. Dans l’état où se trouve l’église, il n’est plus possible de célébrer le culte. Celui-ci le sera pour un certain temps dans un bâtiment situé dans la cour de la famille Druart.
Le mardi 14 septembre 1948, une cérémonie solennelle est célébrée pour la réouverture au culte de cet édifice. Au cours de cette dernière, trois statues (celles de saint Jean l’Evangéliste, du Sacré- Cœur, de Marie Immaculée) et le chemin de croix sont bénits.
Une assemblée nombreuse venue des trois annexes (Draize, Givron et Montmeillant) se recueille durant la messe, au cours de laquelle on célèbre la confirmation de trente enfants. Cette cérémonie s’achève au monument aux morts par une prière et un chant[1].
La sacristie est un bâtiment qui dépend, tant pour sa construction que pour son entretien, de la fabrique. Jusqu’en 1710, on ne trouve aucune allusion à ce lieu. Trente-cinq ans plus tard, on apprend que celle qui existe est « trop étroite et malpropre ».
Un projet de reconstruction est établi, ainsi qu’un devis pour sa réalisation. Les deniers proviennent de la fabrique, qui vend des arbres lui appartenant, le long du cimetière. La visite de 1774 atteste qu’une sacristie se distingue de l’église.
Une nouvelle fois visitée en 1783, la sacristie apparaît comme suffisamment grande, mais elle n’est pas notée comme saine. Pour cela, il conviendrait qu’elle fût « planchée et boisée pour la rendre moins humide[1]. Par ce moyen, « les ornements qui sont décents ne se terniraient pas si vite[2] ». Elle renferme « le nécessaire pour le service divin et les linges sont bien tenus ».
Ces remarques montrent combien la situation s’est améliorée depuis que le curé Dehaulme a essayé de redonner , un siècle auparavant, un peu de lustre à son église.
En 1838, le mauvais état de la sacristie est une nouvelle fois signalé. En 1890, le curé Grégoire, qui répond au questionnaire concernant le pouillé[1] constitué par monseigneur Pierre-Louis Péchenard, porte le jugement suivant :
« La sacristie tombe en ruine, tout y est pauvre et en mauvais état, on parle d’une reconstruction prochaine et monsieur le curé s’occupe activement du mobilier ».
Réponse du curé Grégoire aux questions de monseigneur Pierre-Louis Péchenard.
[1] Relevé des biens et bénéfices d’une abbaye, d’un diocèse, d’une province.
La nouvelle est bâtie en brique. L’un des murs est percé d’une fenêtre assez large, qui laisse pénétrer la lumière. Elle est lourdement touchée lors du bombardement de mai 1940. Comme le reste de l’édifice, elle ne sera définitivement réparée qu’après la fin de la guerre.
A plusieurs reprises, il apparaît qu’il n’y a pas de clocher sur l’église. Comme l’indique l’enquête de 1774, « Il n’y a qu’une grosse cloche mauvaise ». En 1807, la cloche de l’église de La Romagne est estimée convenable[1], quoique d’une sonorité de piètre qualité. Le village, durant la Révolution, a dû échapper à la réquisition de celle-ci. Ou elle a pu être remplacée…
[1]Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].
En 1832, l’église est dotée d’une nouvelle cloche, dont le diamètre est de quatre-vingt-sept décimètres. Elle est fabriquée par Antoine et Loiseau, des fondeurs de Robécourt dans les Vosges. On en retrouve de nombreuses consœurs dans l’arrondissement de Rethel, et en particulier dans le canton de Château-Porcien.
Elle est bénite lors de son baptême par le curé de la paroisse, l’abbé Morin, et reçoit le nom de Marie – Françoise – Prudence, en l’honneur de sa marraine Marie Françoise Merlin. Cette dernière est la femme du maire de l’époque, François Merlin. Ce dernier est le parrain de la cloche de l’église[1]. Elle est décorée d’un Christ en croix et de la Vierge Marie, avec une course de fleurs et de feuillage.
[1] Pouillé (registre ecclésiastique) 1874/1894 du diocèse de Reims établi par monseigneur Pierre Louis Péchenard.
En 1848, l’église est dotée d’un clocher de forme carrée. Il est totalement recouvert d’ardoise avec deux faces présentant des abat-son, dont le rôle est à la fois de ventiler les charpentes mais aussi de rabattre le son vers le sol. Il est également surmonté d’un lanternon à dôme polygonal.
Le poids de ce clocher est important et nécessite l’installation de quatre poutres intérieures, à l’instar de Saint-Nicaise à Montmeillant. Cette construction est due à l’action conjointe de la commune et de l’abbé Noiville.
Pour pouvoir réaliser une partie de ces travaux, il réunit une somme de quasiment 5 000 francs, offerte par de généreux donateurs pour mener à bien ce projet. Mais sa gestion « fantaisiste » des comptes le met dans une situation délicate vis-à-vis de la municipalité.
Il se soustrait aux demandes réitérées de celle-ci de produire les comptes. Il n’hésite pas à ne pas se présenter aux rendez-vous qui lui sont donnés. Voire, quand il finit par s’y rendre, à se sauver dès que des demandes d’explication lui sont faites[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération du 30 avril 1884.
Cependant, dès 1850, des réparations sont menées pour ce clocher. Elles nécessitent l’intervention de deux artisans : Alloy Bosserelle et Alexandre Richard (maréchal-ferrant).
En 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat fixe la possibilité d’utiliser les cloches. Elles font certes partie de l’édifice cultuel, mais peuvent être tintées pour des sonneries civiles en cas de péril commun (alerte, catastrophe naturelle, incendie, mobilisation générale, telle celle qui a eu lieu lors de la Première Guerre mondiale). Elles sonnent alors le tocsin…
Ces cloches annoncent aussi la messe, les vêpres, les mariages et les baptêmes avec des sonneries joyeuses. Elles marquent les enterrements par la tristesse du glas[1]. A l’occasion de la Semaine Sainte qui précède le dimanche de Pâques, elles restent silencieuses du jeudi au samedi, et sont remplacées parfois par des crécelles. Elles sonnent en revanche à toute volée le dimanche de Pâques, pour annoncer la Résurrection.
[1] Tintement d’une cloche d’église pour annoncer l’agonie, la mort ou les obsèques de quelqu’un.
A son tour, cette cloche est remplacée après la Première Guerre mondiale par une autre, dont le décor de feuillage n’est pas sans rappeler le précédent, et qui porte le nom de Marquigny. On trouve la nécessité d’une nouvelle cloche dans les délibérations du conseil municipal pour l’année 1920. Or, les enquêtes lancées par l’archevêché juste après la fin de la guerre ne font aucunement allusion au mauvais état de la cloche. Il semble exister encore sur ce point-là une divergence d’avis…
Lors de la séance du conseil municipal du 26 décembre 1950, la commune se dote d’un sonneur communal. En 1989, la cloche est électrifiée, de manière à sonner l’angélus[1]. Cette décision fait regretter à des générations d’enfants le moment où, échappant momentanément à la surveillance de leurs parents, ils se suspendaient à la corde dans l’espoir de s’envoler à quelques mètres du sol.
[1] Prière latine qui commence par le mot angelus et se récite matin, midi et soir.
Le coq sur le clocher de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) signifie la lumière et la résurrection. Prise de vue effectuée le samedi 2 septembre 2017, photographie en couleurs, (collection privée, avec l’aimable autorisation de son auteure, madame Odette Corneille).
Depuis sa création, ce clocher fait régulièrement l’objet de campagnes de restauration. L’une des dernières remonte aux années 1990, à la suite de la chute de la foudre. Il est surmonté d’un coq faisant office de girouette. Sa symbolique est multiple entre l’annonce du jour, le zèle pour le service de Dieu[1] ou l’emblème du Christ protecteur. Le nouveau coq installé au sommet du clocher en janvier 2007 veille désormais sur le village…
[1] Il est une allusion au reniement de saint Pierre et à la parole du Christ : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois ».