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Gabrielle Gillet, mère de l’aviateur Jean Mermoz : de La Romagne à Rocquigny, une vie entre bois et château


La vie de Jean Mermoz (1901-1936) est très connue des Français. Aviateur pionnier de l’Aéropostale[1], célèbre pour ses vols audacieux entre la France et l’Amérique du Sud, il a marqué l’histoire de l’aviation, notamment lors de la traversée des Andes. Disparu au cours d’un vol le 7 décembre 1936, il est considéré comme un héros national.


[1] Compagnie générale aéropostale sous sa forme longue.


Il laisse un vif souvenir dans les Ardennes, ayant passé une partie de son enfance chez ses grands-parents à Mainbressy[1]. Adulte, il a souvent rendu visite à sa mère, Gabrielle Gillet, dite « Mangaby », à Rocquigny[2]. Aujourd’hui, l’association Racines de Jean Mermoz entretient sa mémoire dans les Ardennes.


[1] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.

[2] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.


Il est en revanche peu connu que la bâtisse surnommée localement « château Mermoz » a été achetée en même que des bois de La Romagne par la mère du pilote.


Lorsque madame Gillet[1] fait l’acquisition, auprès de madame Destrez Jourdain, de biens divers après le décès de son mari, Emile Destrez[2], l’acte de vente signé le 19 août 1935 en présence d’un notaire établi à Paris[3], maître Trimoulet[4], comprend pour elle l’achat de quelques hectares de bois situés à La Romagne.


[1] Madame Gillet, divorcée de Jules Mermoz, est la mère de l’aviateur Jean Mermoz. Elle est nommée ainsi dans tous les actes notariés, et c’est donc par convention cette dénomination qui a été privilégiée. Il est cependant à noter qu’elle est souvent présentée dans les journaux sous le nom de madame Gillet, madame Gillet Mermoz, madame Mermoz. Dans le recensement de Rocquigny de 1936, elle est dénommée Madame Mermoz. Mais elle apparait sous le nom de madame Gillet Mermoz dans celui de 1946.

[2] En 1934 à Rocquigny.

[3] Actuellement, chef-lieu de la région Île-de-France et siège de la Métropole du Grand Paris.

[4] Etude située à l’époque au 6, rue de Miromesnil 78008 Paris. Archives notariales déposées actuellement à la SCP (Société civile professionnelle) « Fabrice Luzu, Julien Trokiner, Sébastien Wolf, Virginie Jacquet, Thibault Egret, Marion Jourdan et Claude-Aliénor Renault », ayant pour nom commercial DixSept68 Notaires, située au 29, rue de la Bienfaisance 75008 Paris.


Un second acquéreur, Auguste Lehmann, négociant parisien en immeubles, achète quelques parcelles situées dans ce village, les plus importantes relevant des terroirs de Lalobbe[1] et de Montmeillant[2]. Son but est uniquement commercial, et il ne cache pas son intention de les revendre.


[1] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.

[2] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.


Autrefois, une haie touffue encerclait le château de Rocquigny (Ardennes), formant un mur végétal. Cette barrière naturelle, aujourd’hui disparue, demeure visible sur cette source iconographique, témoin d’un paysage transformé. Archives départementales des Ardennes, 8Fi 8 [série Fi = documents figurés et assimilés entrés par voie extraordinaire, sous-série 8Fi = cartes postales], carte postale ancienne en noir et blanc consultable en ligne.
Autrefois, une haie touffue encerclait le château de Rocquigny (Ardennes), formant un mur végétal. Cette barrière naturelle, aujourd’hui disparue, demeure visible sur cette source iconographique, témoin d’un paysage transformé. Archives départementales des Ardennes, 8Fi 8 [série Fi = documents figurés et assimilés entrés par voie extraordinaire, sous-série 8Fi = cartes postales], carte postale ancienne en noir et blanc consultable en ligne.

D’après un acte de vente du 27 février 1922[1] par-devant maître Tison[2], notaire à Chaumont-Porcien[3], ces bois ont été acquis initialement par Emile Destrez (ancien capitaine d’artillerie de réserve exerçant la profession d’agent d’assurances), et sa femme née Pauline Marie Jourdain (déjà propriétaire du château de Rocquigny).


[1] Archives départementales des Ardennes, 4Q 3148 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 4Q = hypothèques, depuis l’époque révolutionnaire], transcription en date du 24 mars 1922, volume 71, n° 5.

[2] Archives notariales déposées actuellement à l’étude de maître Sophie Collet Monod 1, place de l’hôtel de ville 08460 Signy-l’Abbaye (Ardennes). Cet office notarial regroupe les anciennes études de Signy-l’Abbaye, Chaumont-Porcien, Poix-Terron, Château-Porcien, Launois-sur-Vence, Wasigny, Sévigny-Waleppe et Rocquigny.

[3] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.


Ils ont eu recours à un mandataire[1], qui les a mis en contact avec Marie Catherine Tonnelier, veuve de François Alfred Merlin[2], et madame Gilbert, veuve de Charles Paul Adrien Merlin[3]. Toutes deux résident à Paris et sont propriétaires de ces biens à La Romagne.


[1] « Personne chargée d’un mandat, d’une procuration, d’une mission lui permettant d’agir au nom d’une autre, appelée mandant. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[2] François Alfred Merlin (fils de Jean Baptiste Merlin et de Sidonie Leclère, tous deux nés respectivement à La Romagne et Warnécourt, et morts à La Romagne), naît le 3 décembre 1855 à La Romagne. Il est propriétaire rentier, marié le 3 avril 1880 à Chaumont-Porcien avec Marie Catherine Tonnelier, née le 4 août 1860 à Rocquigny.

[3] Charles Paul Adrien Merlin (fils de François Alfred Merlin et de Marie Catherine Tonnelier) est né le 21 novembre 1881 à Warnécourt (Ardennes). Il se marie le 17 janvier 1906 à Brienne-sur-Aisne (Ardennes) avec Marguerite Stéphanie Gilbert, née le 19 mars 1887 à Brienne-sur-Aisne. Il décède à Dugny-sur-Meuse (Meuse).


Madame Gillet se porte acquéreur de plusieurs hectares sur le terroir de La Romagne :

  • un hectare situé, d’après le contrat de vente du 27 février 1922, aux Houis, section B, numéros des parcelles 379, 380, 381, 382. Selon les documents du notaire et de la conservation des hypothèques, ces bois seraient cependant plutôt situés à la Cense Longue Vallée[1] pour deux hectares soixante ares et six centiares, cadastrés section B, n° des parcelles 379p, 3798, 3808, et 3816.
  • Un hectare trente-quatre ares au même terroir, lieu-dit du Beauchamp, près de l’ancien chemin de La Romagne à Saint-Jean-aux-Bois, section B, numéros des parcelles 247, 247b, 548.
  • Un hectare dix-huit ares soixante-dix centiares, même terroir, au lieu-dit l’Epine, section C, n° de parcelle 368 sur le cadastre.

[1] Lire probablement Cense Longueval.


Ces immeubles[1] proviennent de plusieurs successions issues de celle de Sidonie Merlin[2] :

  • Paul Merlin[3] est héritier de la première moitié. A son décès, son seul ayant-droit est son neveu Charles Paul Adrien Merlin Gilbert. Ce dernier, mort pour la France comme sous-lieutenant au 7e régiment d’infanterie le 12 juillet 1916, laisse son héritage à son épouse survivante, et légataire universelle, aux termes d’un testament olographe[4].
  • François Alfred Merlin Tonnelier est héritier de l’autre moitié. Il décède à Reims le 1er septembre 1906. Son épouse survivante, Catherine Tonnelier, a pour seul héritier son fils Charles Paul Adrien Merlin. Ce dernier est en communauté de biens avec Marguerite Stéphanie Gilbert, son épouse survivante.

[1] « Se dit d’un bien qui, par nature, ne peut être transporté d’un lieu à un autre. Assurer tous ses biens meubles et immeubles. Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par nature. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[2] Epouse de Jean Baptiste Merlin.

[3] Paul Merlin, fils de Jean Baptiste Merlin et de Sidonie Leclère, est né le 30 juillet 1846 à La Romagne.

[4] « Se dit d’un document entièrement écrit de la main de son auteur. Testament olographe, écrit, daté et signé par le testateur lui-même. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Cette plaque de la rue Jean Mermoz à Rocquigny (Ardennes) rend hommage à l’aviateur français, figure emblématique de l’Aéropostale, disparu en mer en 1936. Prise de vue effectuée le mercredi 18 décembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Cette plaque de la rue Jean Mermoz à Rocquigny (Ardennes) rend hommage à l’aviateur français, figure emblématique de l’Aéropostale, disparu en mer en 1936. Prise de vue effectuée le mercredi 18 décembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Lorsque Gabrielle Gillet Mermoz les achète, ces bois ne sont plus qu’à l’état de taillis, par suite de leur exploitation. Elle les conserve une quinzaine d’années, avant de les revendre en 1948 au médecin de Chaumont-Porcien de l’époque.

Ce serait peut-être un premier signe qu’elle souhaite rompre avec sa vie ardennaise, et se consacrer encore davantage aux œuvres en souvenir de son fils. Elle aurait sans doute éprouvé l’envie, en résidant à Paris[1], d’être plus proche d’instances officielles, capables de soutenir son action depuis la capitale.


[1] Son appartement est sis 2, square des Aliscamps 75016 Paris.


Lors de cette acquisition de bois à La Romagne, madame Gillet devient, par le même acte notarié, propriétaire du château de Rocquigny. Les articles de la presse locale, des ouï-dire, les bulletins municipaux de Rocquigny, et même un rapport de gendarmerie de la brigade de Chaumont-Porcien en date du 5 octobre 1944[1] affirment tous que l’aviateur Jean Mermoz aurait acheté à sa mère divers biens, dont une demeure sise à Rocquigny appelée « château ».


[1] « C’est en 1934 que Jean Mermoz achète la propriété de Rocquigny (le château) et y installe sa mère. » Ministère des ArméesService historique de la Défense (SHD), GD/8/E/226, archives de la Gendarmerie : compagnies et brigades : unités départementales des Ardennes (1917-1950) ; Brigade territoriale de Chaumont-Porcien (section de Rethel) : registre de correspondance confidentielle au départ (R/4), 1942-1946.


Acte de la vente du château de Rocquigny (Ardennes) le 19 août 1935 par madame Pauline Jourdain à madame Gabrielle Gillet.
Acte de la vente du château de Rocquigny (Ardennes) le 19 août 1935 par madame Pauline Jourdain à madame Gabrielle Gillet.

L’acte notarié actant la vente du bâtiment est cependant formel : daté du 19 août 1935, établi auprès de son notaire parisien[1], et signalé dans un registre de la conservation des hypothèques[2] de Rethel, il mentionne uniquement « madame Gabrielle Georgette Gillet sans profession acquéreur ici présente et qui accepte ». De fait, aucune phrase de cet acte ne laisse apparaître le nom de son fils, qui n’a donc pas acheté ce bien pour sa mère, comme l’affirme l’opinion publique.


[1] Maître Trimoulet. Etude située à l’époque 6, rue de Miromesnil 78008 Paris. Archives notariales déposées actuellement à la SCP (Société civile professionnelle) « Fabrice Luzu, Julien Trokiner, Sébastien Wolf, Virginie Jacquet, Thibault Egret, Marion Jourdan et Claude-Aliénor Renault », ayant pour nom commercial DixSept68 Notaires, située au 29, rue de la Bienfaisance 75008 Paris.

[2] Archives départementales des Ardennes, 4Q 3471 394 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 4Q = hypothèques, depuis l’époque révolutionnaire.]


La charpente du château de Rocquigny (Ardennes), visible dans la grande salle du deuxième étage, est composée de poutres massives assemblées selon des techniques traditionnelles. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La charpente du château de Rocquigny (Ardennes), visible dans la grande salle du deuxième étage, est composée de poutres massives assemblées selon des techniques traditionnelles. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Ce château est une bâtisse carrée de deux étages, surmontés de combles. Il est construit sur une cave, dont les aérations et les soupiraux disposés régulièrement au ras du sol assurent une ventilation pour lutter contre l’humidité. Celle-ci est due à la fois au climat et à la proximité d’un petit ruisseau, dont les débordements provoquent quelques montées d’eau visibles sur les murs[1]. Un trottoir de briques, parfois dissimulé par de grandes herbes, en fait le tour.


[1] Rocquigny (Ardennes), maître d’ouvrage ; EURL (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) « Eric Pallot architectes » (architectes du patrimoine), maître d’œuvre, Ardennes : Rocquigny – 08200 : étude de diagnostic pour la réhabilitation et l’aménagement du château Mermoz en musée et centre d’accueil, Noisy-Le-Grand (Seine-Saint-Denis) : Eric Pallot architectes, décembre 2022, [non paginé]. Nota bene : ce document dactylographié, produit à l’intention d’un public restreint, en dehors des circuits commerciaux de l’édition et de la diffusion, relève de la « littérature grise ». Entré en possession de l’auteure, il constitue un appui à la recherche historique en tant que source primaire, mais ne peut être cité directement en l’état pour des raisons de confidentialité.


Le bâtiment, entièrement réalisé en briques, et présentant sur ses deux façades, orientées est et ouest, l’inscription 1727 en fer forgé, interroge sur cette datation. Est-ce une allusion à l’année de sa construction (ou reconstruction), voire de son achèvement ? Peu d’indications permettent de répondre à ces questions. Néanmoins, des traces d’un ancien château, cerné de fossés, subsisteraient, et auraient été identifiées lors d’études récentes[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 8J 20 [série J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, legs, achats, dépôts ; sous-série 8J = collection Hemmerlé ; cote 8J 20 = liste des châteaux et maisons fortes des Ardennes.] Voir aussi l’étude de diagnostic pour la réhabilitation et l’aménagement du château Mermoz en musée et centre d’accueil, citée supra.


Des ancres de tirants de formes diverses (croix de Saint-André ou esses[1]) assurent le maintien des murs. Cet édifice est doté de nombreuses ouvertures : vingt et une fenêtres et portes sont déjà répertoriées dans un document[2] du XIXe siècle utilisé pour la perception des impôts[3].


[1] « Objet, crochet, agrafe en forme de S. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/G 3 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série G = cadastre ; sous-série G 3 = propriétés bâties et non bâties : état de sections.]

[3] L’impôt sur les portes et fenêtres est fondé sur le nombre des ouvertures des bâtiments. Introduit par la loi du 4 frimaire an VII (24 novembre 1798), il est resté en place jusqu’en 1926 et a donc été appliqué au château de Rocquigny.


Une porte à double battant marque l’entrée principale à l’est, tandis qu’une porte, simple et symétrique, correspond à la sortie côté jardin. Les fenêtres, protégées par des volets récemment refaits[1], sont identiques sur la façade principale : quatre pour le rez de chaussée, et trois pour le premier étage. Les fenêtres de toit en chien-assis[2] sont au nombre de deux, tandis que des vasistas disposés sur la toiture éclairent le second étage et les combles.


[1] A la suite du rachat par la commune.

[2] « Lucarne verticale construite en avancée sur le toit pour éclairer une mansarde. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Les fenêtres sont disposées symétriquement, et l’encadrement en briques se termine par un voûtain[1] faiblement arrondi. Placées les unes au-dessus des autres, les trois fenêtres centrales du premier étage ont des dimensions égales. La symétrie s’arrête là, puisque cet étage prend la lumière par des fenêtres ouvrant sur la façade sud pour certaines chambres. Les battants sont à grands carreaux.


[1] « Portion de voûte délimitée par les arêtes ou les nervures. », selon le Trésor de la langue française informatisé.


A l’arrière, les ouvertures sont de tailles différentes, les grandes fenêtres semblent plus étroites, et un peu plus hautes que celles de la façade est. Le vitrage, disparate, est constitué de grands ou de petits carreaux.


Le toit en ardoise est très pentu, et dominé par quatre grandes cheminées en pierre, qui présentent des chaperons[1] en brique[2]. Cette toiture arbore un faîtage[3] décoratif en zinc, avec des épis[4] qui ont été ajoutés lors des réfections effectuées postérieurement à 1905.


[1] « Partie supérieure d’un mur de clôture auquel on a donné la forme d’un toit pour faciliter l’écoulement des eaux. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[2] Voir l’étude de diagnostic pour la réhabilitation et l’aménagement du château Mermoz en musée et centre d’accueil, citée supra.

[3] « Assemblage de tuiles faîtières, de feuilles de plomb ou de zinc, qui couvre et protège l’arête supérieure d’un toit. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[4] Voir l’étude de diagnostic pour la réhabilitation et l’aménagement du château Mermoz en musée et centre d’accueil, citée supra.


L'effacement des armoiries sur la façade est du château de Rocquigny (Ardennes) rend difficile leur identification et leur rattachement à une famille précise. Le passage du temps, l'usure des matériaux et l'exposition aux intempéries ont contribué à l'altération de ces éléments héraldiques, laissant des traces vagues et indistinctes. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’effacement des armoiries sur la façade est du château de Rocquigny (Ardennes) rend difficile leur identification et leur rattachement à une famille précise. Le passage du temps, l’usure des matériaux et l’exposition aux intempéries ont contribué à l’altération de ces éléments héraldiques, laissant des traces vagues et indistinctes. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Trois marches donnent accès à la porte d’entrée, dont le linteau[1] est en pierre de taille, tout comme celui de la porte arrière et des appuis des fenêtres. Le linteau à l’est est surmonté de deux arcs en brique, à l’intérieur desquels subsistent deux médaillons, où sont sculptées des armoiries, rongées par le temps, et donc non identifiables.


[1] « Traverse horizontale reposant sur deux points d’appui au-dessus d’une ouverture, d’une baie, pour soutenir la maçonnerie. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Les arbres dénudés, alourdis par l’enneigement, encadrent la silhouette du château de Wasigny (Ardennes). Archives départementales des Ardennes, 8Fi 11 [série Fi = documents figurés et assimilés entrés par voie extraordinaire, sous-série 8Fi = cartes postales], carte postale ancienne en noir et blanc consultable en ligne.
Les arbres dénudés, alourdis par l’enneigement, encadrent la silhouette du château de Wasigny (Ardennes). Archives départementales des Ardennes, 8Fi 11 [série Fi = documents figurés et assimilés entrés par voie extraordinaire, sous-série 8Fi = cartes postales], carte postale ancienne en noir et blanc consultable en ligne.

Ces dernières pourraient dater de 1579[1] (date gravée), et faire allusion aux précédents propriétaires : la famille de La Chevardière. L’étude de diagnostic[2] souligne une grande ressemblance avec le château de Wasigny[3], en ce qui concerne le logis, à l’exception de la tourelle[4]. Dans ce cas, l’hypothèse d’une reconstruction, et non d’une construction totalement nouvelle, pourrait être émise, et ce d’autant plus que Charles Hemmerlé la qualifie d’édifice de style Louis XIII[5].


[1] Voir l’étude de diagnostic pour la réhabilitation et l’aménagement du château Mermoz en musée et centre d’accueil, citée supra.

[2] Citée supra.

[3] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.

[4] « Petite tour faisant partie d’un château, d’un édifice et, spécialement, qui se présente en encorbellement sur une façade ou à l’angle de ce château, de cet édifice. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[5] Archives départementales des Ardennes, 8J 20 [série J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, legs, achats, dépôts ; sous-série 8J = collection Hemmerlé ; cote 8J 20 = liste des châteaux et maisons fortes des Ardennes.]


Les façades ouvrent sur d’immenses terrains (presque deux hectares), qui ont été en leur temps des jardins d’agrément à l’avant, et des jardins (potager et fruitier) à l’arrière.


Sur la droite du bâtiment principal, se trouve une aile assez longue, dont l’utilisation a été diverse selon les propriétaires, et qui a subi d’innombrables transformations. On peut les remarquer dans l’utilisation de matériaux divers (reprise côté nord du mur avec des parpaings ; pans de bois comblés avec des briques et du bardage[1]), tandis que la tourelle carrée (au sud) occupait probablement l’espace de l’ancien pigeonnier.


[1] « Enceinte de planches protégeant un ouvrage d’art. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Un carrelage quadrilobé et fleurdelysé au motif complexe, à la fois géométrique et floral, orne le sol du couloir d’entrée et d’une partie de la salle à manger, qui communique avec le petit salon, à droite de l’entrée, au rez-de-chaussée du château de Rocquigny (Ardennes). Cette décoration au sol, résistante et décorative, témoigne d’un époque où l’esthétique et le confort se mêlaient dans les choix architecturaux. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Un carrelage quadrilobé et fleurdelysé au motif complexe, à la fois géométrique et floral, orne le sol du couloir d’entrée et d’une partie de la salle à manger, qui communique avec le petit salon, à droite de l’entrée, au rez-de-chaussée du château de Rocquigny (Ardennes). Cette décoration au sol, résistante et décorative, témoigne d’un époque où l’esthétique et le confort se mêlaient dans les choix architecturaux. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La propriété, telle que l’achète en 1935 madame Gillet, est décrite dans l’acte notarié, et dans celui du registre des hypothèques, comme un ensemble comprenant une maison d’habitation, de grands communs et des jardins.


Petit salon à droite de l'entrée, communiquant avec la salle à manger, au rez-de-chaussée du château de Rocquigny (Ardennes). De grandes fenêtres offrent une vue dégagée sur la rue de La Bauve de l'Isle, tout en offrant un aperçu de l’ancien jardin qui orne la façade est. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Petit salon à droite de l’entrée, communiquant avec la salle à manger, au rez-de-chaussée du château de Rocquigny (Ardennes). De grandes fenêtres offrent une vue dégagée sur la rue de La Bauve de l’Isle, tout en offrant un aperçu de l’ancien jardin qui orne la façade est. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Dès que l’on pénètre par trois marches à l’intérieur, un couloir central carrelé relie les quatre pièces du rez-de-chaussée. A droite, la première est parquetée, la deuxième au fond est une salle à manger avec une grande cheminée. Le sol se compose d’un rectangle, imitant un tapis rectangulaire, entouré d’une large bande en carreaux, identiques à ceux du vestibule.


Fabriqué dans un matériau robuste et durable,  l'évier de pierre, situé dans une zone pratique du château de Rocquigny (Ardennes), est utilisé notamment pour laver les légumes du jardin potager. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le samedi 23 novembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Fabriqué dans un matériau robuste et durable,  l’évier de pierre, situé dans une zone pratique du château de Rocquigny (Ardennes), est utilisé notamment pour laver les légumes du jardin potager. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le samedi 23 novembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Cette pièce communique avec l’office. A côté de ce dernier, se trouvent un débarras, un évier en pierre, et un W.-C. probablement destiné au personnel. Au fond du couloir, à droite et en partie sous l’escalier on a deux petits débarras et les escaliers menant à la cave. Une porte arrière communique par trois marches également avec les jardins.


La cuisinière, en fonte ou en métal, permet de préparer les repas dans la cuisine, tandis que le ballon d’eau chaude assure l'approvisionnement en eau pour la cuisine et la salle de bains, offrant ainsi un certain confort moderne au château de Rocquigny (Ardennes). Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le samedi 23 novembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La cuisinière, en fonte ou en métal, permet de préparer les repas dans la cuisine, tandis que le ballon d’eau chaude assure l’approvisionnement en eau pour la cuisine et la salle de bains, offrant ainsi un certain confort moderne au château de Rocquigny (Ardennes). Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le samedi 23 novembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le premier étage, qui compte cinq pièces (selon le descriptif de la transcription de l’acte de vente de 1935 à la conservation des hypothèques[1]) est celui des chambres, dont certaines sont dotées de cheminées. On retrouve la même disposition qu’au rez-de- chaussée, avec un couloir central, sauf pour l’une des chambres, qui a été réduite pour laisser place à une salle de bains, et à un cabinet de toilette.


[1] Archives départementales des Ardennes, 4Q 3471 394 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 4Q = hypothèques, depuis l’époque révolutionnaire.]


Le second étage, en lambris[1] avec fenêtres, est composé d’un grenier et de combles au-dessus, auxquels on a accès par un escalier de meunier[2].


[1] « Revêtement de bois, de marbre, de stuc, ornant les murs d’une salle, d’une chambre, d’une galerie. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.

[2] Ou échelle de meunier, dispositif prévu pour un encombrement réduit au sol, et se caractérisant par une pente plus raide qu’un autre type d’escalier.


Les grands communs attenant au logis, avec un bâtiment lui aussi en brique, et couvert en ardoise, comprennent une cuisine, un atelier, un garage pour automobile avec fosse, une grande remise, deux bûchers, une buanderie, un grand grenier sur le tout.

Deux jardins donnant sur la grande rue, séparés par une allée de sapins, prennent entrée sur la place, le pré, les vergers. Ils sont clos sur le derrière, traversés par un ruisseau, le tout d’un seul tenant et d’une superficie d’un hectare quatre-vingt-trois ares quatre-vingt-treize centiares cadastré au lieu-dit du Village, section E, parcelles n° 301, 311, 313, 314, 315.

Ce domaine tient à ce moment-là, du levant à monsieur Dizy, madame Blatié et plusieurs autres personnes, du couchant à messieurs Guillaume, Boudsocq, madame Blatié, en direction de la place et de la ruelle des Crolys, du midi à la Grande Rue, et du nord à la ruelle des Crolys.


Acte de la vente du château de Rocquigny (Ardennes) les 29 juillet et 27 août 1953 par le mandataire de madame Gabrielle Gillet à monsieur André Blatié.
Acte de la vente du château de Rocquigny (Ardennes) les 29 juillet et 27 août 1953 par le mandataire de madame Gabrielle Gillet à monsieur André Blatié.

Une « vente par madame Gabrielle Gillet à monsieur André Blatié[1] », par l’intermédiaire d’un mandataire, établie les 29 juillet et 27 août 1953 par l’étude de maître Yves de Saint-Gilles, permet par son descriptif de mesurer toutes les améliorations qui ont été apportées en quelque dix-sept années[2].


[1] Archives notariales déposées actuellement à l’étude de maître Sophie Collet Monod 1, place de l’hôtel de ville 08460 Signy-l’Abbaye (Ardennes). Cet office notarial regroupe les anciennes études de Signy-l’Abbaye, Chaumont-Porcien, Poix-Terron, Château-Porcien, Launois-sur-Vence, Wasigny, Sévigny-Waleppe et Rocquigny.

[2] Archives départementales des Ardennes, 4Q 7857 653 n° 56 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 4Q = hypothèques, depuis l’époque révolutionnaire.]


Dans le salon, au rez-de-chaussée du château de Rocquigny (Ardennes), à gauche de l'entrée, se trouve une fontaine décorative et commémorative dédiée à Jean Mermoz. Cette fontaine rend hommage à l'aviateur français et figure emblématique de l'Aéropostale. Placée dans cet espace de réception, elle incarne un souvenir marquant. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Dans le salon, au rez-de-chaussée du château de Rocquigny (Ardennes), à gauche de l’entrée, se trouve une fontaine décorative et commémorative dédiée à Jean Mermoz. Cette fontaine rend hommage à l’aviateur français et figure emblématique de l’Aéropostale. Placée dans cet espace de réception, elle incarne un souvenir marquant. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les quatre pièces du rez-de-chaussée sont devenues, à gauche, un vestibule et une petite pièce servant de bar. Après la disparition de l’aviateur Jean Mermoz, ce vestibule devient une sorte de sanctuaire dédié à sa mémoire, dans lequel une fontaine lumineuse évoque les éléments (eau et air) qu’il affrontait lors de ses vols. A droite, se trouvent le salon et la salle à manger, cette dernière communiquant avec la cuisine. Dans cette pièce sont installées une cuisinière et une chaudière pour le chauffage central, et un système d’eau sous pression.


Le premier étage, avec son couloir central, ne comporte plus que quatre pièces, mais est doté d’une salle de bain et d’un W.-C. tous deux desservis par un petit couloir qui s’insère entre deux chambres à gauche et un cabinet de toilette au bout du grand couloir. Les communs sont à peu près à l’identique, sinon qu’un pressoir à pommes est signalé, et que le grenier a été réduit pour laisser la place à trois chambres.



Les chambres de part et d'autre du couloir central au premier étage du château de Rocquigny (Ardennes) sont équipées d’un système électrique innovant pour l'époque. Ce dernier comprend des interrupteurs, des prises et des fils dissimulés sous des baguettes, installées autour des portes. Cette technologie, avant-gardiste pour son temps, témoigne du souci de confort et de modernité. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les chambres de part et d’autre du couloir central au premier étage du château de Rocquigny (Ardennes) sont équipées d’un système électrique innovant pour l’époque. Ce dernier comprend des interrupteurs, des prises et des fils dissimulés sous des baguettes, installées autour des portes. Cette technologie, avant-gardiste pour son temps, témoigne du souci de confort et de modernité. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’électricité, installée dans tout l’immeuble, est à l’état neuf lors de la vente en 1953. Cette dernière précise que l’ensemble est alors entièrement clos, avec portes sur la rue et la place, pour la même superficie que celle indiquée dans le précédent acte.


Quant aux parcs, pelouses, bosquets et jardins autour de la propriété, ils sont traversés par une « rivière[1] ».


[1] Tel que cité dans le document. En réalité le ruisseau Chantraine, l’un des huit tronçons affluents référencés de la Malacquise (ou Hurtaut).


André Blatié, cultivateur à Rocquigny et acquéreur de ce bien, ne l’a jamais habité, ni véritablement entretenu, si bien qu’en quelque cinquante ans le château a subi de nombreuses dégradations. Celles-ci sont actées à partir de 1957 : les beaux arbres, buis, etc. sont abattus. Les parterres non entretenus disparaissent, puisque l’utilisation du domaine par son propriétaire change de vocation. La gentilhommière cède la place à une exploitation agricole, où les vaches paissent dans l’ancien parc du château. Après le décès de cet exploitant, la mairie rachète ce lieu et finance des réparations urgentes et indispensables.


Plaque de la rue de La Bauve de l'Isle, du nom de la famille qui fut longtemps propriétaire du château de Rocquigny (Ardennes). Cette dénomination rend hommage à l’influence et à l’ancrage historique de cette lignée dans la région. Témoignage du passé du domaine, elle perpétue le souvenir de ceux qui ont marqué l’histoire locale. Photographie en couleurs, prise de vue effectuées le mercredi 18 décembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Plaque de la rue de La Bauve de l’Isle, du nom de la famille qui fut longtemps propriétaire du château de Rocquigny (Ardennes). Cette dénomination rend hommage à l’influence et à l’ancrage historique de cette lignée dans la région. Témoignage du passé du domaine, elle perpétue le souvenir de ceux qui ont marqué l’histoire locale. Photographie en couleurs, prise de vue effectuées le mercredi 18 décembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Jusqu’en 1843, le château est la propriété des descendants en ligne directe de Louis Robert de La Bauve, marié à Marguerite Béchet (1689-1761)[1].

Né vers 1654, Louis Robert, fils de Louis de La Bauve[2] et de Marie des Portes, est écuyer, seigneur de Jumont. Il est lieutenant-colonel au régiment Bonnelles dragons, maître de camps des armées du roi, chevalier de l’ordre du Saint-Esprit[3]. Il décède à Rocquigny le 29 août 1734[4]. Il est certainement à l’initiative de l’édification de ce château.


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/E 6 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 6 = années 1713-1722 [Note : 1713-1720 : minute et grosse], page non paginée, vue 73/108, consultable en ligne.

[2] Louis de la Bauve et Marie des Portes sont mariés à Villefranche-sur-Meuse, aujourd’hui Saulmory-Villefranche (Meuse), vers 1653. Ils se fixent probablement à cette époque en Champagne. Voir Archives départementales des Ardennes, PERH2 13, Bossu, Louis, « La famille des Portes », in Laurent, Paul (1860-1935). Directeur de publication, Revue historique ardennaise, Paris : A. Picard et fils, 1894-1914, 21 volumes, bimestriel, tome treizième année, 1906, pp. 5-35, pages 19 et 20, vues 13/194 et suivante, consultables en ligne. [Nota bene : ce périodique bimestriel édité entre 1894 et 1914 est un titre mort. Il ne saurait être confondu avec la Revue historique ardennaise publiée depuis 1969 à Charleville-Mézières par la Fédération des sociétés savantes des Ardennes, la Société d’études ardennaises (devenue la Société d’histoire des Ardennes) et la Société d’histoire et d’archéologie du Sedanais].

[3] Ordre très prestigieux de la monarchie française, fondé en 1578.

[4] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/E 8 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 8 = années 1733-1742, page non paginée, vue 18/96, consultable en ligne.


Né le 25 et baptisé le 26 mars 1725[1] à Rocquigny, son fils Louis Dieudonné Robert de la Bove en hérite. Capitaine des dragons du régiment d’Aubigné, chevalier de Saint-Louis, il se marie le 25 février 1746 à Mézières avec Marie Suzanne Lesueur de Sernicourt (1723 -1781). L’acte de mariage de son fils Louis François de La Bauve[2] précise qu’il se trouve en 1781 au régiment de Custine dragons.


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/E 7 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 7 = années 1722-1780, page non paginée, vue 14/82, consultable en ligne.

[2] Archives départementales de la Marne, 2 E 534/134, registres paroissiaux, paroisse Saint-Pierre de Reims, baptêmes, mariages, sépultures 1778-1781 ;1783-1784, [folio 21 verso], vue 176/312, consultable en ligne. [Nota bene : le folio 21 recto semble ne pas avoir été numérisé.]


Né le 9 juillet 1751 à Rocquigny[1], ce dernier, garde du roi, fils des précédents et seigneur de Jumont et Sernicourt, en est ensuite le propriétaire. De fait de la paroisse de Saint-Nizier de Troyes mais de droit de celle de Rocquigny[2], Il épouse à vingt-neuf ans, dans l’église de la paroisse Saint-Pierre de Reims, à la suite d’une dispense de bans[3], Joséphine Angélique Lespagnol de Bezannes[4], qui décède le 8 mars 1830 à Rocquigny[5].


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/E 9 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 9 = années 1743-1752, page non paginée, vue 73/87, consultable en ligne.

[2] Archives départementales de la Marne, 2 E 534/134, registres paroissiaux, paroisse Saint-Pierre de Reims, baptêmes, mariages, sépultures 1778-1781 ;1783-1784, [folio 21 verso], vue 176/312, consultable en ligne. [Nota bene : le folio 21 recto semble ne pas avoir été numérisé.]

[3] Accordée par monseigneur l’archevêque de Reims le 31 mai 1781.

[4] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-12775, Du Pin de la Guérivière, E., « [Les ascendants maternels du bienheureux Jean-Baptiste de la Salle] : chapitre VIII : généalogie de la famille Lespagnol : origine du nom », in Frémont, Léon (imprimeur-typographe). Directeur de publication, Revue de Champagne et de Brie : histoire, biographie, archéologie, documents inédits, bibliographie, beaux-arts, Paris : H. Menu, 1876-1901, Arcis-sur-Aube : Léon Frémont, imprimeur-éditeur, place de la Halle, 1900, trente-huit volumes, vingt-cinquième année, deuxième série, tome douzième, pp. 738-759, page 751, vue 759/984, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque municipale de Châlons-en-Champagne, 2013-352967.

[5] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/E 26 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, sous-série E 26 = décès, table décennale des années 1823-1832, page non paginée, vue 57/83, consultable en ligne.


Inscrit sur la liste des émigrés[1] lors de la Révolution, il en est rayé par un acte d’amnistie[2]. Il revient alors vivre dans son château natal. Maréchal des logis dans la garde du roi à la compagnie Noailles (vers 1814), chevalier de Saint-Louis[3], il devient maire de Rocquigny de 1816 à 1826. Il décède le 26 septembre 1826 dans la commune.


[1] Archives départementales des Ardennes, Q 619 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, fonds Q 1-832 = état des fonds ayant subi des pertes en 1940, articles Q 469-832 = administration du séquestre des biens nationaux, documents Q 613-660 : liste générale des émigrés (collection incomplète) et suppléments à la liste générale des émigrés. 1793-an VIII.]

[2] Archives départementales des Ardennes, Q 625 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, fonds Q 1-832 = état des fonds ayant subi des pertes en 1940, articles Q 469-832 = administration du séquestre des biens nationaux, documents Q 613-660 : liste générale des émigrés (collection incomplète) et suppléments à la liste générale des émigrés. 1793-an VIII.], radiation par acte d’amnistie à la suite de la délivrance le 28 thermidor an X (16 août 1802) d’un certificat par le ministère de la justice et le préfet.

[3] Distingué le 1er juin 1814 par le roi Louis XVIII selon la Base de données – Ordre de Saint-Louis, site consacré aux membres de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis nommés durant la Restauration, de 1814 à 1830. [Nota bene : ce recensement « a pour but de mettre à la disposition des chercheurs une base de données et des renseignements établis sur la base de recherches sur l’ordre de Saint-Louis, menées par une historienne spécialisée dans les ordres et décorations. Ce site est un site indépendant de tout association, institution ou organisme officiel ».]


Né le 8 septembre 1782 à Rocquigny, son fils Louis Félix de La Bauve de L’Isle[1] est baptisé le 10 du même mois[2]. Il épouse à Chapois (Jura) le 11 avril 1814[3] Julie Françoise Isabelle Charlot de Princey[4], née le 25 janvier 1774 à Salins[5], et qui décède le 30 octobre 1817 à Chapois[6]. Ce drame se passe quelques semaines après la naissance le 18 août 1817[7] (et la mort quasi simultanée[8]) de leur premier enfant, une petite fille nommée Sophie Julie Félicie Labove de Lille.


[1] Archives départementales des Ardennes, E 257 [série E = seigneuries, familles, état civil, notaires, articles E 207-647 = papiers de familles], famille de la Bove de l’Isle. 1773-an VI.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/E 12 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série E = registres paroissiaux et d’état civil, baptêmes, mariages, sépultures, sous-série E 12 = années 1773-1782 ; 1790], page non paginée, vue 125/128, consultable en ligne.

[3] Archives départementales du Jura, 3E/2404 [série E = féodalité, communes, bourgeoisie, familles, notaires, état civil ; sous-série 3E = registres paroissiaux et d’état civil (fonds du greffe des tribunaux) 1533-1922], commune de Chapois (Jura), naissances, mariages, décès, publications de mariage, 1813-1822. Nota bene : manquent les publications de mariage pour la période 1816-1817], page non paginée, média 134/237, consultable en ligne.

[4] Comme il est courant à cette époque, l’orthographe des patronymes est très fluctuante. On peut ainsi trouver Charlet, Charlot, Charelot, Princé, etc.

[5] Actuellement Salins-les-Bains, commune située dans le département du Jura, en région Bourgogne – Franche-Comté.

[6] Archives départementales du Jura, Qp 1620, déclaration de succession de madame Julie Françoise Charlot de Princé, le 1er avril 1818, bureau de l’enregistrement de Champagnole (Jura).

[7] Archives départementales du Jura, 3E/2404 [série E = féodalité, communes, bourgeoisie, familles, notaires, état civil ; sous-série 3E = registres paroissiaux et d’état civil (fonds du greffe des tribunaux) 1533-1922], commune de Chapois (Jura), naissances, mariages, décès, publications de mariage, 1813-1822. Nota bene : manquent les publications de mariage pour la période 1816-1817], page non paginée, média 41/237, consultable en ligne.

[8] Archives départementales du Jura, 3E/2404 [série E = féodalité, communes, bourgeoisie, familles, notaires, état civil ; sous-série 3E = registres paroissiaux et d’état civil (fonds du greffe des tribunaux) 1533-1922], commune de Chapois (Jura), naissances, mariages, décès, publications de mariage, 1813-1822. Nota bene : manquent les publications de mariage pour la période 1816-1817], page non paginée, média 203/237, consultable en ligne.


Rentier, maire de la commune de Chapois en 1817, inventeur de matériel agricole, dont une « machine destinée à la séparation du grain d’avec la paille[1] » ou « modèle à égrener le blé[2] », il est un homme préoccupé par le progrès.


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-84, Loos, Philippe Werner (1754-1819). Directeur de publication, Archives des découvertes et des inventions nouvelles faites dans les sciences, les arts et les manufactures, tant en France que dans les pays étrangers pendant l’année…, Paris : Treuttel et Würtz, 1809- [circa 1842], annuel, 31 volumes, [année 1828 ; édition de 1829], page 504, vue 507/601, consultable en ligne sur Gallica.

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-7363, Société royale d’agriculture (France), Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, Paris : Buisson, 1785-1872, trimestriel (1785-1791) puis annuel (parfois 2 ou 3 volumes par an) (1800-1872), année 1830, première partie, page XXVI, vue 48/838, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de l’Académie d’Agriculture de France, 2010-53013.


En 1835, le cadastre[1] de Rocquigny permet de repérer que ce Louis Felix Labove y est encore propriétaire de trois maisons et du château, ainsi que de terres (prés, jardins, vergers). Cela contredit totalement l’information erronée véhiculée dans certains documents tels que des articles ou des brochures, selon laquelle le château aurait été vendu en 1826.


[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/G 3 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROCQUIGNY = fonds concernant Rocquigny ; série G = cadastre ; sous-série G 3 = propriétés bâties et non bâties : état de sections.]


Louis Felix Labove de Lille, âgé d’une soixantaine d’années, décède le 9 septembre 1843[1], sans aucun héritier direct. Ainsi s’éteint la branche ardennaise de la famille Labove de Lille, détentrice du château de Rocquigny. C’est la dernière fois que ce dernier est transmis par héritage dans cette famille.


[1] Archives départementales du Jura, 3E/2407 [série E = féodalité, communes, bourgeoisie, familles, notaires, état civil ; sous-série 3E = registres paroissiaux et d’état civil (fonds du greffe des tribunaux) 1533-1922], commune de Chapois (Jura), naissances, mariages, décès, publications de mariage, 1840-1846, page non paginée, média 165/186, consultable en ligne.


Par un premier testament[1], déposé auprès de maître Chauvin, notaire d’Arbois (Jura), il institue, comme légataires, des parents au 7e degré, dont certains sont originaires de l’Aisne (Rozoy-sur-Serre, Iviers, Laon, etc.), et d’autres d’Indre-et-Loire. Ces derniers ont choisi de vendre par adjudication la demeure. Deux notaires, maître Locar (notaire à Rocquigny) et maître Pottier (notaire à Chaumont-Porcien) en réalisent la vente[2]. Ces actes, dont le contenu est cité par d’autres documents, n’ont pas pu être trouvés dans l’état actuel de la recherche.


[1] Archives départementales du Jura, Qp 1634, déclarations de succession de monsieur Louis Félix Labove de Lille, du 1er mars et du 7 mars, bureau de l’enregistrement de Champagnole (Jura).

[2] Archives départementales des Ardennes, 4Q 3471 394 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 4Q = hypothèques, depuis l’époque révolutionnaire.]


Par un second testament, déposé auprès du même notaire le 4 septembre 1843[1], il se montre philanthrope à l’égard de l’Eglise et de son village du Jura, en consentant plusieurs legs[2], destinés à instruire en particulier les enfants.


[1] Archives départementales du Jura, 4E 50/36 [série E = seigneuries, familles, état civil ; sous-série 4E = minutes et répertoires des actes des notaires du Jura.]

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-111, Bulletin des lois du royaume de France [devenu Bulletin des lois de la République française], Paris : Imprimerie royale [devenue Imprimerie nationale des lois], [1794]-1931, neuvième série, règne de Louis-Philippe Ier, roi des Français, partie supplémentaire, tome vingt-huitième, contenant les ordonnances d’intérêt local ou particulier publiées pendant le 2e semestre 1845, n° 793 à 820, 1846, page 632, vue 662/908, consultable en ligne sur Gallica.


Le château connaît de 1844 jusqu’en 1935 de nouveaux propriétaires, tous descendants directs du couple formé par Nicolas Emmanuel Destrez et sa femme Marguerite Hortense Gérardin.

Nicolas Emmanuel Destrez naît le 13 floréal an VII[1] à Doumely[2] (Ardennes) et décède à Rocquigny le 26 février 1874, âgé de soixante-seize ans. Il est notaire et, durant une certaine période, maire du village. Son épouse, Marguerite Hortense Gérardin, naît vers 1808, et décède à Rocquigny le 9 mars 1906. Leur mariage est célébré le 10 décembre 1828 à Auvillers[3] (Ardennes).


[1] 2 mai 1799.

[2] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/DOUMELY/E 13 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/DOUMELY = fonds concernant Doumely ; série E = seigneuries, familles, état civil, notaires ; sous-série E 13 = registre de naissances des années 1793-an X], page non paginée, vue 37/54, consultable en ligne.

[3] Actuellement Auvillers-les-Forges, commune située dans le département des Ardennes, en région Grand Est.


Leur fils Arille Destrez naît le 28 février 1836. Il est avoué au tribunal civil de première instance de la Seine, mais aussi rentier. Il épouse le 21 juin 1864 à Paris Victoria Elisa Blancard[1]. De leur union naît Ernest Emile Destrez. Alors qu’Arille est le seul héritier de sa mère, sa femme (après avoir été séparée de biens de son mari) fait l’acquisition du château auprès de sa belle-mère pour le prix de 18 000 francs, à la condition que cette dernière y reste jusqu’à sa mort.


[1] Victoire Elise est une orthographe alternative.


Ernest Emile Destrez naît le 5 octobre 1867, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Il est propriétaire, directeur particulier d’assurances, profession qu’il exercera à Rocquigny. Chevalier de la Légion d’honneur, officier de l’Instruction publique. Il décède à Rocquigny le 24 avril 1934. Il épouse, à Paris, dans la mairie du 7e arrondissement, le 24 juin 1912, Pauline Marie Jourdain. A la mort de son mari, cette dernière hérite la propriété.


Elle décide de se défaire du château, peut-être parce qu’il n’y a aucun descendant direct pour en hériter. Il est donc vendu vide. Maître Husson, notaire à Rocquigny, est chargé de vendre les meubles, ce qui sera fait le dimanche 24 mars 1935[1]. Il publie des annonces à cet effet dans la presse locale, par exemple le jeudi 14[2] et le dimanche 17 mars 1935[3], à propos d’un « beau mobilier à vendre », dont il donne un rapide descriptif :

  • table de salon Régence ;
  • commode et chiffonnier Empire ;
  • cartel[4] ;
  • pétrin sculpté louis XV ;
  • vaisselles, verreries, etc.

[1] Archives départementales des Ardennes, 8U/NOT 82 [série U = justice, depuis 1800, sous-série 8U/NOT = officiers publics et ministériels (copies de répertoires de notaires).], répertoire d’officier public ministériel de maître Lefèvre (1914-1925, 1927) et de maître Husson (1927, 1930-1939), versé par le tribunal de première instance de Rethel, 1914-1939.

[2] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 113, « Beau mobilier à vendre à Rocquigny » [page d’annonces] in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s. n.], 1880-1944, cinquante-sixième année, n° 16911, jeudi 14 mars 1935, page 6, vue 6/6, septième colonne, consultable en ligne.

[3] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 113, « Beau mobilier à vendre à Rocquigny » [page d’annonces] in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s. n.], 1880-1944, cinquante-sixième année, n° 16914, dimanche 17 mars 1935, page 7, vue 7/8, deuxième colonne, consultable en ligne.

[4] « Cartouche décoratif ornant notamment le cadran de certaines pendules. Par métonymie. La pendule elle-même. Un cartel Louis XV. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


86% environ des acheteurs proviennent du département des Ardennes. Graphique de type « secteurs ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
86% environ des acheteurs proviennent du département des Ardennes. Graphique de type « secteurs ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, madame Gillet vit peu à Rocquigny. Avant de se dessaisir des bâtiments, que d’aucuns surnomment désormais localement le « château Mermoz », sa propriétaire se sépare de tous ses meubles et ses objets.

Pour cela, l’étude de maître Yves de Saint-Gilles, notaire à Chaumont-Porcien a recours à une « adjudication mobilière à la requête de Mme Gabrielle Georgette Gillet[1] » le dimanche 6 juillet 1952, avec continuation le lundi 7 juillet. Annoncée par des affiches et dans la presse[2], cette vente est constituée de quatre cent cinquante-quatre lots.


[1] Archives notariales déposées actuellement à l’étude de maître Sophie Collet Monod 1, place de l’hôtel de ville 08460 Signy-l’Abbaye (Ardennes). Cet office notarial regroupe les anciennes études de Signy-l’Abbaye, Chaumont-Porcien, Poix-Terron, Château-Porcien, Launois-sur-Vence, Wasigny, Sévigny-Waleppe et Rocquigny.

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-26782, L’Ardennais : quotidien républicain, Charleville-Mézières : L’Ardennais, 1944-1992, neuvième année, n° 2376, samedi 5 et dimanche 6 juillet 1952, page 5, vue 5/8, septième colonne, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-JO-2513.


65% environ des acheteurs ardennais proviennent de Rocquigny (Ardennes) et de ses environs. Carte heuristique de type « formes ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
65% des acheteurs ardennais proviennent de Rocquigny (Ardennes) et de ses environs. Carte heuristique de type « formes ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les biens mobiliers sont convoités par cent treize acquéreurs (cent hommes et treize femmes), venus pour la plupart des Ardennes (quatre-vingt-dix-sept acheteurs) dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres, tandis que d’autres ont effectué des déplacements plus lointains.

35% environ des acheteurs ardennais proviennent de communes plus éloignées de Rocquigny (Ardennes) et de ses environs. Graphique de type « barres ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
35% environ des acheteurs ardennais proviennent de communes plus éloignées de Rocquigny (Ardennes) et de ses environs. Graphique de type « barres ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les sept plus gros acheteurs ont investi au minimum 10 000 anciens francs de plus que la majorité. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les sept plus gros acheteurs ont investi au minimum 10 000 anciens francs de plus que la majorité. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le montant des ventes s’étend de 50 à 82 200 francs et fait apparaître deux grandes parties : cent six acheteurs entre 50 et 21 000 francs ; sept entre 33 100 et 82 200 francs). L’analyse des objets de cette vente ne peut pas être plus approfondie, dans la mesure où le descriptif en a été dressé par un notaire. Un commissaire-priseur se serait attaché à donner de plus amples renseignements sur les origines, les matières, les décors…

La majorité des acheteurs a dépensé au maximum 5 000 anciens francs. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La majorité des acheteurs a dépensé au maximum 5 000 anciens francs. Graphique de type « histogramme ». Crédits iconographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le mobilier de ce château répond à un certain niveau de vie, à la volonté d’accueillir agréablement des invités, et de profiter du confort moderne de l’époque.


Quoique le chauffage central soit installé, le plaisir de se chauffer au coin du feu est attesté par un lot de douze stères[1] de bois, des cheminées installées dès la construction dans les différentes pièces, plusieurs paires de chenets, une crémaillère, un soufflet, un pare-feu et des taques. Une bouillote et une bassinoire en cuivre rendent le coucher plus douillet.


[1] « Unité de volume utilisée pour le bois de chauffage (symbole : St), qui équivaut à un mètre cube de bûches d’un mètre de long empilées régulièrement les unes sur les autres. Acheter deux stères de bois. Un décastère vaut dix stères. », selon le Dictionnaire de l’académie française.


L'attache de volet sur la façade sud du château de Rocquigny (Ardennes) est un élément de ferronnerie encore en place malgré l'usure du temps. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le mercredi 18 décembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’attache de volet sur la façade sud du château de Rocquigny (Ardennes) est un élément de ferronnerie encore en place malgré l’usure du temps. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le mercredi 18 décembre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le bien-être est renforcé par dix-sept tapis de laine, des descentes de lit, une carpette, une tapisserie. Pour lutter contre le froid, l’humidité ou la lumière du petit matin, des doubles rideaux (au moins six paires) occultent les fenêtres.


Les luminaires sont nombreux, tant pour l’éclairage direct qu’indirect. Ils comptent des lustres en bois ou en bronze, sept lampes anciennes, des lampes de chevet. Comme le réseau n’est parfois pas très stable, on revient momentanément aux lampes à huile ou à pétrole, aux chandeliers et à leurs bougies.


La cuisine est dotée d’un important matériel pour préparer des mets simples ou raffinés : faitouts, casseroles et louches en cuivre, cocottes, trois cafetières, et même une bouilloire à lait, des tourtières, un gaufrier, etc. Une table de boucher sert à découper la viande. Une poissonnière permet de cuire avec précision des poissons entiers au court-bouillon.

Les lots de bocaux, le stérilisateur, les bassines en cuivre et un chaudron laissent à penser que l’on fait des confitures et des conserves ; le saloir, que de la viande est conservée par salaison ; le pressoir, le moulin à pommes, les tonneaux et feuillettes[1] ainsi que les bouteilles, que l’on produit du cidre.


[1] « Tonneau dont la contenance varie, selon les régions, de cent quatorze à cent quarante litres. Une feuillette de chêne. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Plusieurs services de table[1] et à café, des verres (dont certains probablement en cristal), et de l’argenterie témoignent d’une vie sociale et mondaine. A côté de cette vaisselle raffinée, il en existe une plus simple, avec de nombreux plats, des assiettes à fleurs, etc.


[1] Dont les enchères se sont élevées à 4 400 et 6 600 francs.


Tout le matériel n’est pas énuméré : vingt-six lots de cette vente sont proposés comme « lots d’objets divers ». Néanmoins, certains permettent d’évoquer sans aucun doute le grand aviateur, durant les quelques mois qui précèdent sa mort. C’est tout d’abord un lot de cendriers : très souvent photographié, Jean Mermoz arbore souvent une cigarette sur les clichés[1]. Un chapeau mexicain, des hallebardes, des fétiches, une peau de crocodile et des objets des colonies évoquent des souvenirs de ses voyages lointains.

Quant au berceau, au jeu de nain jaune et à une petite voiture, pourrait-on les rattacher à son enfance ? Ou à celle d’enfants de pilotes décédés, qui étaient accueillis à Rocquigny pour les aider à surmonter cette disparition ?


[1] En revanche, la présence d’un porte-pipes reste plus mystérieux.


Les meubles occupent une grande place dans cette vente. Ils sont adaptés aux différents usages des pièces. Plusieurs canapés et fauteuils, un bar roulant, des guéridons et des petites tables décorent le salon ou le bar. Une horloge ancienne et une petite pendule rappellent la fuite du temps.

Une bibliothèque, des presse-livres, un secrétaire style Louis XIV, une corbeille à papier et un encrier évoquent une pièce ou un coin plus intime[1]. Il est attesté que madame Gillet entretenait une correspondance importante.

Dans la salle à manger doivent se trouver la table ancienne, des chaises, peut-être un des bahuts vendus, et un buffet ancien.


[1] Un cabinet de travail ? Un boudoir ? Une chambre ? L’acte ne précise pas l’affectation exacte de la pièce.


Les murs d’une chambre du premier étage du château de Rocquigny (Ardennes) sont recouverts de lambris, contribuant à l’isolation thermique et à la protection des murs. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Les murs d’une chambre du premier étage du château de Rocquigny (Ardennes) sont recouverts de lambris, contribuant à l’isolation thermique et à la protection des murs. Photographie en couleurs, prise de vue effectuée le vendredi 18 octobre 2024. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les différentes pièces du premier étage peuvent comprendre la chambre à coucher complète[1] en plaqué noyer[2], deux « cosys[3] », des tables de nuit.


[1] C’est-à-dire comportant un lit, deux tables de chevet, et une armoire, voire des chaises, le tout du même style.

[2] Le bois de noyer est apprécié pour sa robustesse, sa finition élégante et sa couleur chaleureuse. Il est idéal pour les meubles, les revêtements de sol et l’ébénisterie.

[3] « Causeuse disposée dans le coin d’une pièce. » dans un contexte francophone. « Le syntagme cosy-corner désignant un meuble n’existe pas en anglais », où il s’applique à un « agencement d’intérieur, généralement dans une encoignure, comprenant un divan accompagné d’une étagère. » Voir le Trésor de la langue française informatisé.


D’une manière générale, la demeure est décorée de bibelots divers, de vases, de porte-photos, de cadres et de tableaux. Les cuisines sont en bois blanc, dotées de tabourets et de chaises en paille, et très certainement de buffets vaisseliers.


L’eau courante, assainie par des filtres à eau, alimente non seulement la cuisine, mais également les salles de bain, le cabinet de toilette et les W.-C., ce qui n’était pas répandu pour l’époque dans les villages ardennais. La vente d’une table, d’une garniture de toilette et d’un bidet portatif témoigne de pratiques d’hygiène plus anciennes.


Si l’automne et l’hiver se passent plus à l’intérieur, le printemps et l’été sont propices à profiter des jardins à l’ombre d’un parasol, sur des transats[1], ou à déjeuner à l’extérieur avec du mobilier de jardin, lui aussi proposé à la vente.


[1] « Chaise longue pliante, faite d’une toile tendue sur une armature de bois ou de métal. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Couverture du n° double 48/49 – hiver 1968 – printemps 1969 consacré à Jean Mermoz (reproduite avec l’aimable autorisation de madame Béatrice Leroy, coordinatrice éditoriale d’Icare : revue de l’aviation française).
Couverture du n° double 48/49 – hiver 1968 – printemps 1969 consacré à Jean Mermoz (avec l’aimable autorisation de madame Béatrice Leroy, coordinatrice éditoriale d’Icare : revue de l’aviation française).

C’est dans ce séjour enchanteur que madame Gillet reçoit les amis de son fils comme Joseph Kessel ou Antoine de Saint-Exupéry. Son cousin germain Jean Boulanger partage à ce propos un témoignage auriculaire dans Icare : revue de l’aviation française[1] : « Je sais que le 11 novembre 1936 à Rocquigny, il avait assisté au défilé en compagnie de Saint-Ex et qu’ils ont parlé politique, longtemps, chez Mme Mermoz, en marchant à grands pas dans le jardin[2]. »


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-18557, Boulanger, Jean. Auteur, « Mon cousin Jean », in Syndicat national des pilotes de ligne (France), Icare : revue de l’aviation française, Paris ; Pantin : Tour ESSOR 93, 1957-, n° double 48/49 – hiver 1968 – printemps 1969, pp. 51-55, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original du Musée Air France, 2018-231062, page 55, vue 57/250.

[2] La reproduction de la couverture de la revue à titre d’illustration a fait l’objet d’une aimable autorisation de Béatrice Leroy, coordinatrice éditoriale d’Icare : revue de l’aviation française.


Cette vie de château n’a cependant qu’un temps pour la mère de Mermoz : en raison de la mort brutale de son fils, elle s’investit, avant et après la Seconde Guerre mondiale, dans des œuvres en faveur des veuves et des orphelins de pilotes de ligne. Elle accueille les enfants d’Alexandre Collenot[1] ainsi que leur mère. Elle tient ensuite dans les années 50 à collecter des fonds pour l’aérium[2] de Vic-sur-Cère (Cantal), créé pour recevoir des orphelins de l’aviation militaire et marchande.


[1] Mécanicien d’aviation, souvent coéquipier de Jean Mermoz, disparu prématurément en mer le 10 février 1936.

[2] « Établissement sanitaire destiné aux enfants délicats, aux convalescents ayant besoin de grand air. Les aériums du Jura. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


La fin de la Seconde Guerre mondiale, son désir de rejoindre son appartement parisien, la disparition de ses parents, et peut-être sa santé qui se dégrade, lui offrent des raisons de vendre la maison familiale de Mainbressy[1] et son château de Rocquigny, et ce d’autant plus que son attitude sous l’Occupation n’aurait pas toujours été appréciée par la population locale.


[1] L’acte de vente est établi le samedi 17 mars 1951 en la mairie de Mainbressy par-devant maître Yves de Saint-Gilles. Archives notariales déposées actuellement à l’étude de maître Sophie Collet Monod 1, place de l’hôtel de ville 08460 Signy-l’Abbaye (Ardennes). Cet office notarial regroupe les anciennes études de Signy-l’Abbaye, Chaumont-Porcien, Poix-Terron, Château-Porcien, Launois-sur-Vence, Wasigny, Sévigny-Waleppe et Rocquigny.


En dehors de ce qui pourrait s’apparenter à de la médisance, un rapport d’enquête[1] établi officiellement le 5 octobre 1944 par un maréchal des logis chef, commandant la brigade de gendarmerie de Chaumont-Porcien, sur la demande du 25 septembre 1944 formulée par le général commandant militaire de la région militaire de Laon (Aisne), montre que l’on s’intéresse à « madame MERMOZ[2] née GILLET[3] (Gabrielle) » et à son progermanisme, souligné à plusieurs reprises :

  • « La débâcle de 1940 n’émotionne pas outre mesure madame Mermoz qui reste dans son château ; elle est toujours férue de politique et ne cache pas ses tendances pro-allemandes. »
  • « On ne remarque cependant pas que les autorités occupantes lui accordent plus d’attention qu’aux autres habitants et si quelquefois un officier allemand de passage allait présenter ses hommages à Madame Mermoz, il est possible et même probable, que c’est moins à la collaboratrice qu’à la mère du célèbre aviateur. »
  • « De toute évidence, Mme Mermoz a extériorisé ses tendances pro-allemandes et elle est à surveiller ; mais jusqu’à ce jour aucun fait menaçant la sécurité n’a pu être relevé contre elle. »

[1] Ministère des ArméesService historique de la Défense (SHD), GD/8/E/226, archives de la Gendarmerie : compagnies et brigades : unités départementales des Ardennes (1917-1950) ; Brigade territoriale de Chaumont-Porcien (section de Rethel) : registre de correspondance confidentielle au départ (R/4), 1942-1946.

[2] La typographie reprend celle du document administratif original.

[3] Idem.


Il y est d’autre part explicitement mentionné que le château, après son achat, est devenu « le lieu de réunion du P.S.F.[1] dont madame Mermoz est une fervente militante » (Jean Mermoz lui-même est un membre fondateur et le vice-président de ce parti).


[1] Parti social français. Lire PSF, selon les règles de typographie actuelles concernant les sigles et les acronymes. Organisation nationaliste fondée le 6 juillet 1936 par le lieutenant-colonel François de La Rocque, à la suite de la dissolution des Croix-de-Feu, mouvement d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale.


Le rapport de gendarmerie est mesuré dans son ton, et préfère s’appuyer sur des faits que sur des rumeurs, même s’il les relaie parfois : « Quelques éléments de la population de Rocquigny soupçonnent madame Mermoz d’être à la base de certaine dénonciation qui a eu pour simple résultat la convocation du maire et de plusieurs autres personnes [à[1]] la Kommandanture[2] de Charleville pour s’y voir interrogés sur leu[rs[3]] soi-disants[4] tendances et activité[5] communistes alors qu’il s’agissait tout au plus de socialistes. Ces soupçons ne semblent pas devoir être justifiés, car madame Mermoz est une personne plutôt érudite en matière de politique et qui ne pourrait confondre. »


[1] Faute de frappe.

[2] Lire Kommandantur.

[3] Faute de frappe.

[4] L’adjectif « soi-disant » est en réalité invariable. Les puristes préfèreront « prétendues, attendues, supposées ».

[5] Au singulier, au sens générique d’engagement.


En janvier 1945, elle figure sur la liste des membres de groupements antinationaux[1]. Puis la chronique locale et régionale du quotidien L’Ardennais[2] apprend que, dans sa séance du 27 juillet 1945, Madame Gabrielle Mermoz comparaît devant la chambre civique des Ardennes[3].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1W 88 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels).] Voir aussi Archives départementales des Ardennes, 1M 21 105, page 3 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet).]

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-26782, « Chambre civique des Ardennes » [chronique locale et régionale] in L’Ardennais : quotidien républicain, Charleville-Mézières : L’Ardennais, 1944-1992, deuxième année, n° 257, samedi 28 et dimanche 29 juillet 1945, page 2, vue 2/2, deuxième colonne, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-JO-2513.

[3] La chambre civique des Ardennes était composée de monsieur Chabert (commissaire du gouvernement adjoint), monsieur Bodelet (président du tribunal civil de Sedan), Pierre Nizet, Félix Goffette, André Petit et Camille Génon (jurés).


Elle est accusée par le commissaire du gouvernement[1] de s’être rendue coupable d’indignité nationale[2] à Rocquigny en 1941,1942, 1943, 1944. Elle est assistée par maître Manil, un avocat du barreau de Charleville.


[1] Arrêts de la chambre civique entre le 9 mars 1945 et le 28 juillet 1945, avec acquittement de madame Gillet Mermoz le 27 juillet 1945. Archives départementales des Ardennes, 7U1 18 [série U = justice, depuis 1800 ; sous-série 7U1 = juridiction d’exception. Cour de justice des Ardennes 1944-1951.]

[2] L’ordonnance du 26 août 1944 définit le crime d’indignité nationale.


La chambre civique statue contrairement aux réquisitoires, après avoir entendu des témoins, dont trois sont nommés. Elle se prononce pour l’acquittement. Lors de cette même séance, sur les autres prévenus, la chambre civique condamne trois prévenus à l’indignité nationale (deux pour cinq ans, et un à vie), et en acquitte sept autres.


En outre, Le 9 avril 1945, Max Delty[1] et son amie Arlette Carlys sont arrêtés au château de Rocquigny, où ils s’étaient réfugiés. Selon L’Ardennais[2]du lendemain, il est reproché à l’artiste d’avoir été le « secrétaire de Doriot[3] et un ex-speaker de Radio-Vichy[4]».

L’information, qui circule dans la presse régionale, a un retentissement national : cet entrefilet est en effet repris presque tel quel par L’Aurore, Le Figaro, France libre : toujours à l’avant-garde du progrès social, L’Humanité : organe central du Parti communiste français, France libre sportive , etc.


[1] Max Delty, de son vrai nom Alexis Vasseur, est un chanteur lyrique. Madame Gillet, infirmière à l’époque, l’aurait rencontré en le soignant, alors qu’il avait été blessé lors de la Première Guerre mondiale. Il est le mentor de Jean Mermoz, lui conseillant de se tourner vers l’aviation, et jouant d’autre part un rôle dans la rencontre entre le pilote et le colonel de La Rocque.

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-26782, « Une belle prise » [chronique locale et régionale] in L’Ardennais : quotidien républicain, Charleville-Mézières : L’Ardennais, 1944-1992, deuxième année, n° 168, mardi 10 avril 1945, page une, vue 1/2, cinquième colonne, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-JO-2513.

[3] Jacques Doriot (1898-1945), dirigeant du Parti populaire français, est une figure majeure de la collaboration.

[4] Surnom de la radio nationale qui émet du 6 juillet 1940 au 26 août 1944.


Une semaine après, L’Ardennais revient sur l’affaire [1], accusant cette fois-ci Max Delty :

  • d’avoir participé régulièrement à l’émission La Rose des vents sur Radio-Paris[2] ;
  • d’avoir proféré des insultes et des menaces à l’égard de la France libre ;
  • d’avoir tenu un stand de la Légion tricolore contre le bolchévisme[3] ;
  • d’avoir fait de la propagande pour la LVF[4], le RNP[5] et le PPF[6] ;
  • d’avoir participé à un défilé de chemises noires ;
  • d’avoir arrêté ou fait arrêter des milliers de patriotes.

[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-26782, « Autour de l’arrestation d’Alexis Vasseur » [chronique locale et régionale] in L’Ardennais : quotidien républicain, Charleville-Mézières : L’Ardennais, 1944-1992, deuxième année, n° 173, mardi 17 avril 1945, page deux, vue 2/2, troisième colonne, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-JO-2513.

[2] Radio de propagande diffusée sous l’Occupation de 1940 à 1944.

[3] Nom provisoire de la LVF en 1942.

[4] LVF = Légion des volontaires français contre le bolchevisme, combattants volontaires aux côtés du Troisième Reich.

[5] RNP = Rassemblement national populaire, parti collaborationniste, fondé par Marcel Déat pendant l’Occupation.

[6] PPF = Parti populaire français, parti collaborationniste, fondé par Jacques Doriot pendant l’Occupation.


En 1941, Max Delty anime une émission en souvenir du cinquième anniversaire de la mort de l’aviateur[1]. En 1943, Mme Gillet lui confie la création d’une association pour préserver la mémoire de son fils. Max Delty, né le 26 août 1888, décède le 10 août 1945 à son domicile parisien. Aucune source n’a pu à ce jour permettre d’identifier ce qui s’est passé entre son arrestation et sa mort.

Quant à madame Gillet, bien qu’elle figure encore sur le recensement de 1946[2] à Rocquigny comme propriétaire, elle n’y vit plus en fait que très rarement.


[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-2127, « Le souvenir de Jean-Mermoz à Radio-Paris », in Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication, Le Matin : le mieux informé des journaux parisiens, grand folio, quotidien, cinquante-huitième année, n° 21039, jeudi 4 décembre 1941, page 2, vue 2/4, septième colonne, consultable en ligne sur Gallica.

[2] Archives départementales des Ardennes, 30W 15 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire postérieures au 10 juillet 1940 (hors état civil, officiers publics et ministériels).]


En 1952, ses déboires sont loin, et elle reprend à Paris ses activités caritatives. Un « décret du 15 novembre 1952 portant nomination dans l’ordre national de la Légion d’honneur[1] » nomme « à titre civil, au grade de chevalier […] Mme Mermoz[2], née Gillet (Georgette-Gabrielle), infirmière ; 36 ans de services civils[3]. »

Le journal L’Ardennais lui rend alors un hommage appuyé : « Mme Mermoz Chevalier de la Légion d’Honneur. – Paris. – Mme Mermoz, mère du héros de l’Atlantique Sud, fondatrice de l’Aérium des Croix, qui recueille les orphelins de l’aviation militaire et marchande, de l’armée de terre et de mer, ainsi que les enfants des combattants d’Extrême-Orient et de l’Union Française vient d’être élevée au grade de chevalier de la Légion d’honneur, au titre du ministère des Forces Armées[4]. »


[1] Bibliothèque nationale de France, NUMP-5314, Journal officiel de la République française. Lois et décrets, Paris : Journaux officiels, 1881-2015, in-folio, quotidien, quatre-vingt-quatrième année, n° 273, dimanche 16 novembre 1952, page 10699, vue 11/32, première colonne, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la DILA (Direction de l’information légale et administrative), 2009-100524.

[2] Selon les renseignements fournis par la grande chancellerie de la Légion d’honneur à l’auteure, le dossier de proposition pour l’attribution de cette décoration à madame Mermoz née Gillet ne se trouve pas dans la base de données Léonore, réalisée par les Archives nationales, et qui recense uniquement les légionnaires dont les dossiers ont fait l’objet d’un versement par la grande chancellerie aux Archives nationales. D’autre part, il n’est pas non plus conservé au SHDCAAPC (Service historique de la DéfenseCentre des archives de l’armement et du personnel civil) de Châtellerault (Vienne), d’après les renseignements fournis par ce dernier.

[3] A titre exceptionnel, et dans le dessein d’être agréable à l’auteure, la grande chancellerie de la Légion d’honneur lui a adressé une copie de l’extrait du Journal officiel mentionnant cette décoration, cité supra.

[4] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-26782, « Mme Mermoz Chevalier de la Légion d’Honneur » [chronique locale et régionale] in L’Ardennais : quotidien républicain, Charleville-Mézières : L’Ardennais, 1944-1992, neuvième année, n° 2496, jeudi 27 novembre 1952, page 5, vue 5/8, sixième colonne, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-JO-2513.


Des infiltrations d’eau de pluie affectent la grande pièce du deuxième étage du château de Rocquigny (Ardennes), autrefois aménagée en dortoir. L’humidité progressive a fragilisé les revêtements et laissé des traces visibles sur les murs et le plafond, témoignant de l’altération du bâti au fil du temps. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Des infiltrations d’eau de pluie affectent la grande pièce du deuxième étage du château de Rocquigny (Ardennes), autrefois aménagée en dortoir. L’humidité progressive a fragilisé les revêtements et laissé des traces visibles sur les murs et le plafond, témoignant de l’altération du bâti au fil du temps. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Elle décède le 26 novembre 1955, à Paris, loin du château de Rocquigny. La transformation de ce dernier en exploitation agricole, additionnée au manque d’entretien général, puis au vandalisme, marquent le début de sa dégradation.

Des végétaux (dont un lierre géant sur le mur au sud) recouvrent les murs extérieurs, la toiture laisse passer des infiltrations d’eau, une marche de l’escalier s’affaisse, les planchers sont fragilisés, les vitres parfois brisées, les fenêtres arrachées, laissant libre cours aux intempéries.


Ces biens sont légués à la SPA[1], qui n’est pas intéressée par le château, trop lourd d’entretien. La commune, consciente de l’intérêt de ce domaine, décide en 2008 d’en devenir propriétaire. Le passif est lourd, mais les efforts des uns et des autres pour valoriser ce château suscitent l’intérêt de la « Mission patrimoine » (confiée à Stéphane Bern), l’investissement de la Française des jeux, des dons de particuliers, etc.


[1] Société protectrice des animaux.


Cette métamorphose du château Mermoz à Rocquigny (Ardennes) incarne l’ambition de reconstruire, réformer, refonder un patrimoine historique et mémoriel, tout en dynamisant le tourisme.

Le château sera revitalisé avec un musée de l’Aviation célébrant les exploits de Jean Mermoz et d’Albert Caquot, ingénieur né à Vouziers (Ardennes) qui a réalisé la structure interne en béton du Christ de Rio[1].

Quant aux intérieurs des années 1930, ils seront réinterprétés tout en intégrant des éléments contemporains, et un gîte touristique verra le jour, attirant les visiteurs. Avec un financement de 460 000 € déjà mobilisé, cette initiative créera des emplois et encouragera l’aménagement du territoire ardennais, renforçant le tissu associatif local et célébrant l’histoire régionale de manière innovante.


[1] Rio de Janeiro sous sa forme longue. Commune située dans la région Sud-Est de la république fédérative du Brésil (República Federativa do Brasil), capitale de l’État de Rio de Janeiro après avoir été celle du pays jusqu’en 1960.

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Le discours du 14 Juillet 1945 à La Romagne


Quatre-vingts ans environ se sont écoulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelques mois après la victoire, Alcide Cugnart, maire de La Romagne, écrit un discours pour le 14 Juillet[1] 1945.

Il y évoque l’histoire de la fête nationale et de sa capacité à unir le peuple français. C’est avec joie que la population romanaise retrouve la commémoration de cette journée républicaine.

Ce document d’époque a été transmis par Virginie Périn, son arrière-petite-fille, et est publié avec son aimable autorisation. Son édition diplomatique respecte les règles typographiques employées par l’auteur.


[1] « Les noms de fêtes s’écrivent avec une capitale initiale au nom caractéristique et à l’adjectif qui éventuellement le précède ». De même, « Lorsqu’une date est mentionnée pour évoquer un événement historique et que l’année n’est pas indiquée, le nom du mois prend une capitale initiale. ». En revanche, « Il s’écrira normalement si cette même date n’indique que le jour où s’est produit l’événement sans représenter son contenu historique », selon le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale.


« Mes chers concitoyens,
 
Enfin, après de longues années d’angoisse, nous pouvons célébrer en toute liberté notre fête nationale !

Discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 1 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 1 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Depuis les jours sombres de 1940, lorsqu’arrivait la date du 14 juillet, nos cœurs se serraient encore plus car, loin de pouvoir nous réjouir, nous avions la vue de l’ennemi détesté, maître de toute notre chère France, qui nous enlevait toutes nos libertés et voulait faire de nous un peuple d’esclaves.

Chassons de notre mémoire ces heures et ces pensées douloureuses et ne songeons qu’à la solennité qui doit émouvoir tous les cœurs républicains. Sa date, glorieuse entre toutes, nous rappelle un des événements les plus décisifs de notre Histoire.

Aujourd’hui, il n’y a plus de sujets ni de despotes, il n’y a que des citoyens instruits de leurs droits et de leurs devoirs, libres, et qui célèbrent avec gratitude l’anniversaire de leur émancipation.


Page 2 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 2 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Ce qu’était la Bastille[1] que le peuple renversa en 1789, je ne vous l’apprendrai pas. Forteresse, prison, tombeau où pourrissaient ensemble coupables et innocents, selon le caprice des grands, elle se dressait comme le symbole, le signe visible du despotisme[2] royal.


[1] La Bastille Saint-Antoine est une forteresse érigée au XIVe siècle sous Charles V. Elle protégeait la route de Vincennes à Paris. Elle devient ensuite une prison d’état. En 1789, il n’y avait plus que sept prisonniers. Elle est détruite au lendemain du mardi 14 juillet 1789 par Pierre-François Palloy (1755-1835) un entrepreneur de travaux publics et architecte.

[2] Le despotisme est « une forme de gouvernement où tous les pouvoirs sont réunis dans une seule main », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d’inventaire MV 5517, anonyme français (peintre), Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, le 14 juillet 1789, huile sur toile, 18e siècle, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’agence photographique GrandPalaisRmnPhoto, édité par la Réunion des musées nationaux (France).
Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d’inventaire MV 5517, anonyme français (peintre), Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, le 14 juillet 1789, huile sur toile, 18e siècle, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’agence photographique GrandPalaisRmnPhoto, édité par la Réunion des musées nationaux (France).

Son existence et sa fonction étaient la conséquence du régime du bon plaisir et des lettres de cachet[1]. Son nom seul épouvantait les plus braves. Sa masse puissante et sombre, son profil dur, ses murailles hautes et muettes cadraient bien avec ce pouvoir absolu dont elle était la signification et comme le rempart.


[1] Une lettre de cachet était une « lettre fermée du sceau royal et qui contenait un ordre d’emprisonnement ou d’exil », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d’inventaire MV 5517, anonyme français (peintre), Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, le 14 juillet 1789, huile sur toile, 18e siècle, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’agence photographique GrandPalaisRmnPhoto, édité par la Réunion des musées nationaux (France).
Musée national du Château de Versailles et de Trianon, numéro d’inventaire MV 5517, anonyme français (peintre), Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, le 14 juillet 1789 [détail], huile sur toile, 18e siècle, notice descriptive consultable en ligne sur le site de l’agence photographique GrandPalaisRmnPhoto, édité par la Réunion des musées nationaux (France).

Eh bien, en 1789, dans un élan de généreuse colère contre l’injustice et l’oppression des rois, le peuple de Paris s’empara par la force de cette forteresse qui était impénétrable et qu’on regardait comme imprenable. Et il rendit à la liberté les victimes d’une autocratie[1] qu’il était enfin las de subir.


[1] L’autocratie est une « forme de gouvernement où le souverain exerce un pouvoir absolu », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


Page 3 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 3 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Brusquement, dans le flamboiement des châteaux, les privilégiés[1] virent apparaître ce prolétariat[2] auquel ils n’avaient point pensé. Une révolution sociale était faite. Le principe était proclamé de l’égalité de tous les Français et de la suppression de tous les privilèges.


[1] Les privilèges honorifiques, fiscaux ou judiciaires.

[2] Le prolétariat désignait chez les Romains « la classe la plus pauvre du peuple, qui ne payait pas d’impôts », selon le Dictionnaire de l’Académie française.


« La langue de la République est le français. L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L'hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » (Constitution du 4 octobre 1958, article 2, version en vigueur depuis le 05 août 1995).
« La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » (Constitution du 4 octobre 1958, article 2, version en vigueur depuis le 05 août 1995).

Ce principe s’inscrivait bientôt dans la déclaration des Droits de l’homme[1]. Et notre devise nationale resplendissait de 3 grands noms : Liberté ! Egalité ! Fraternité ! Fraternité !

Que notre vie se passe dans la Fraternité, dans cette belle, vivante, agissante Fraternité qui, après avoir uni la rude main calleuse de l’ouvrier et la main toute blanche de l’écrivain ou du fonctionnaire, met en contact les cœurs et les âmes.


[1] Cette déclaration est inspirée des principes des Lumières. Elle définit les droits naturels de l’homme, les droits politiques du citoyen, et reconnaît le principe de la séparation des pouvoirs.


Page 4 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 4 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Pourquoi restons-nous fidèles à cette pieuse cérémonie ? c’est que chacun de nous obéit à l’impulsion du plus noble des sentiments qui peuvent soulever l’âme humaine : le souvenir.

Un peuple ne doit pas en effet oublier ceux qui sont morts pour lui donner cette liberté qui lui a ouvert les voies du bonheur et du progrès.


Le pavoisement des édifices et bâtiments publics avec le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge est obligatoire le 14 Juillet.
Le pavoisement des édifices et bâtiments publics avec le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge est obligatoire le 14 Juillet.

Cette année, nous prendrons part à notre Fête nationale avec l’enthousiasme, la joie de notre liberté totale. Et nous communierons ensemble dans cette réconfortante pensée que la Fête de la Nation[1] est la fête de famille de l’ensemble des Français. »


[1] La fête de la Fédération est célébrée le mercredi 14 juillet 1790 pour commémorer le premier anniversaire de la prise de la Bastille. Le mardi 6 juillet 1880, le 14 Juillet devient fête nationale française. C’est un jour férié avec un défilé militaire et des festivités tels des feux d’artifice et des bals populaires.

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Mission historique et mémorielle à Berlin sur les traces de Pierre Bonhomme, natif de La Romagne, prisonnier de guerre dans les Stalags allemands


C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français – exposition temporaire à Berlin du vendredi 28 octobre 2022 au mercredi 31 mai 2023

Edition bilingue allemand-anglais du catalogue offert lors de la rencontre à Berlin (Allemagne) du mardi 28 mars 2023 au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) par Roland Borchers, commissaire de l'exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français. (collection personnelle de l’auteure).

Edition bilingue allemandanglais du catalogue offert lors de la rencontre à Berlin (Allemagne) du mardi 28 mars 2023 au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) par Roland Borchers, commissaire de l’exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français. (collection personnelle de l’auteure).


Le Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) organise du vendredi 28 octobre 2022 au 31 mai 2023 une exposition trilingue (en allemand, français, anglais) intitulée C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français[1].


[1] Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War.


Vidéo Eröffnung Vergessen und vorbei? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen (C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français), consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit (Centre de documentation sur le travail forcé nazi).

Cette initiative a suscité une mission historique et mémorielle à Berlin et ses environs du dimanche 26 mars au dimanche 2 avril 2023 sur les traces de Pierre Bonhomme, natif de La Romagne, prisonnier de guerre n° 53026 dans les Stalags allemands III A Luckenwalde, , III B Fürstenberg, et III D Berlin. Affecté à l’AKdo 407 (Arbeitskommando[1] n° 407), il a dû travailler sous la contrainte pendant ses cinq ans de captivité.


[1] Commando de travail.


Vidéo Zur Zukunft des historischen Ortes ehemaligen Kriegsgefangenenlager Lichterfelde-Süd (Sur l’avenir du site historique de l’ancien camp de prisonniers de guerre de Lichterfelde-Süd), consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit (Centre de documentation sur le travail forcé nazi).

Partant d’un destin individuel spécifique, la démarche a consisté à développer une méthodologie archivistique et historienne globale pour trouver un prisonnier de guerre français en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Edition bilingue allemand-français du catalogue offert à la suite de la rencontre à Berlin (Allemagne) du mardi 28 mars 2023 au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) par Roland Borchers, commissaire de l'exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français. (collection personnelle de l’auteure).

Edition bilingue allemandfrançais du catalogue offert à la suite de la rencontre à Berlin (Allemagne) du mardi 28 mars 2023 au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) par Roland Borchers, commissaire de l’exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français. (collection personnelle de l’auteure).



Entrée des expositions temporaires du Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Entrée des expositions temporaires du Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Ce déplacement a donc compris plusieurs rencontres avec des historiens, archivistes, bibliothécaires, documentalistes, une quête des vestiges de 1939-1945 et des lieux de mémoire, une exploration urbaine[1] de sites abandonnés et en cours de destruction, dont :

  • un entretien personnalisé de deux heures avec Roland Borchers[2] au Centre de documentation du travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) à Berlin-Schöneweide[3], suivi d’une visite privée de la baraque 13[4] et de son abri antiaérien. Une autorisation exceptionnelle de rester sur place après la fermeture du lieu, en présence du seul agent de sécurité, a permis d’effectuer des photographies au milieu des baraquements et des cartels de l’exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ?, à l’exclusion de toute autre personne. Enfin, trois catalogues ont été offerts sur place et un quatrième[5], l’édition bilingue allemandfrançais de l’exposition, a été envoyé par la poste dès sa parution début mai 2023.
  • un trajet à Luckenwalde, à cinquante kilomètres de Berlin[6], avec un passage au musée d’histoire locale (HeimatMuseum) et au cimetière des sépultures de guerre (Friedhof Kriegsgräberstätte) du Stalag III A.
  • un rendez-vous de deux heures au domicile de monsieur Reinhard Pohlke[7] et sa femme madame Annette Pohlke[8], vice-présidente et webmestre de l’association mémorielle Initiative KZ-Außenlager Lichterfelde e.V. (un contact préalable par mail avait été établi avec monsieur Thomas Schleissing-Niggemann, président du conseil d’administration).
  • une rencontre personnalisée de deux heures avec monsieur Christian Kurzweg, archiviste référent, en quelque sorte responsable de l’ORB[9], et une stagiaire en sciences de l’information au service des utilisateurs (Benutzerzentrum) des archives fédérales (Bundesarchiv) de Berlin-Lichterfelde, département du centre de ressources documentaires (Abteilung BE = Bereitstellung)[10].
  • Un déplacement aux archives fédérales (Bundesarchiv) de Berlin-Tegel[11], département des renseignements personnels sur les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale (Abteilung PA = Personenbezogene Auskünfte zum Ersten und Zweiten Weltkrieg). L’accès direct aux salles de lecture n’ayant pas été possible, le remplissage d’un formulaire administratif en allemand a débouché sur une réponse. Madame Claudia Müller, archiviste référente, fournit la précision suivante : « Les dossiers du Bureau allemand des états de service[12]WASt[13] concernant les anciens prisonniers de guerre français détenus par l’Allemagne ont été saisis en avril 1945 et pris en charge par une commission d’officiers alliés. » Elle renvoie donc au secrétariat d’Etat aux anciens combattants[14] et aux archives des pays d’origine respectifs des prisonniers de guerre. Cet échange de documents sur les prisonniers de guerre est conforme à la convention de Genève.
  • Une action de conservation curative légère[15] sur la plaque commémorative (Gedenktafel) du siège du commandement (Kommandantur) régissant le Stalag III D Berlin aujourd’hui disparu.
  • Une reconnaissance sur le terrain dans le sud-est de Berlin de pistes sur l’Arbeitskommando n°407 (dépendant du Stalag III D Berlin, dans lequel Pierre Bonhomme a été contraint de travailler). La classe 400 le rattachant possiblement à l’arrondissement de Neukölln, les quartiers traversés en priorité ont été Berlin-Britz, Berlin-Buckow, Berlin-Gropiusstadt, Berlin-Neukölln et Berlin-Rudow.
  • La quête d’anciens abris antiaériens dans le sud-est de Berlin[16], dans la mesure où Pierre Bonhomme aurait pu (sous réserves) réaliser des coffrages en bois pour des casemates[17].
  • Un reportage photographique « de guerre » sur les terrains vagues du camp de Berlin-Lichterfelde, patrimoine industriel en péril.

« Les dossiers du Bureau allemand des états de service – WASt concernant les anciens prisonniers de guerre français détenus par l’Allemagne ont été saisis en avril 1945 et pris en charge par une commission d’officiers alliés. »

Madame Claudia Müller, archiviste référente aux archives fédérales de Berlin-Tegel, département des renseignements personnels sur les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale


[1] Urbex.

[2] Chercheur à l’Institut d’Europe de l’Est de l’Université libre de Berlin (chaire d’histoire de l’Europe centrale et orientale), coordinateur du projet Mémoire et identité en Cachoubie, auteur d’une thèse de doctorat Mémoires du travail forcé : l’exemple de la Pologne.

[3] Schöneweide est le nom simplifié des deux quartiers Berlin-Niederschöneweide et Berlin-Oberschöneweide dans l’arrondissement Treptow-Köpenick de Berlin (Allemagne).

[4] Où des internés militaires italiens et des travailleurs civils ont été hébergés entre 1944 et 1945.

[5] Glauning, Christine 1963- ; Borchers, Roland 1980- ; Stiftung Topographie des Terrors Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit Berlin-Schöneweide ; [et al.], Vergessen und vorbei ? : das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? : the Lichterfelde Camp and the French prisoners of war, édition bilingue allemandanglais Berlin : Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors, 2022, 191 pages, cartes, plans. Glauning, Christine 1963- ; Borchers, Roland 1980- ; Stiftung Topographie des Terrors Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit Berlin-Schöneweide ; [et al.], Vergessen und vorbei ? : das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français, édition bilingue allemandfrançais, Berlin : Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors, 2023, 191 pages, cartes, plans. Glauning, Christine 1963- ; Stiftung Topographie des Terrors Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit Berlin-Schöneweide, Le Travail forcé au quotidien 1938-1945 : catalogue de l’exposition éponyme, édition monolingue en français, Berlin : Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors, 2020, 277 p., cartes, plans. Bücking, Heribert 1940- ; Glauning, Christine 1963- ; Stiftung Topographie des Terrors Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit Berlin-Schöneweide, Die Zwangsarbeit von Zofia und Rolland : Kupferstich-Collagen : eine Begleitbroschüre zur Sonderausstellung im Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit vom 20. Januar 2023 bis 21. Mai 2023, édition monolingue en allemand, Berlin : Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors, 2023, 32 p.

[6] D’où la locution proverbiale « Luckenwalde, Luckenkien, 50 Kilometer vor Berlin ».

[7] Né en 1966, il enseigne dans un établissement secondaire berlinois le latin, le grec, le fait religieux, les technologies de l’information.

[8] Née en 1967, elle a étudié l’histoire, le latin et la théologie protestante à l’Université libre de Berlin. Elle est aujourd’hui enseignante et auteure indépendante.

[9] Orientation et recherche bibliographique.

[10] Finckensteinallee 63, 12205 Berlin.

[11] Am Borsigturm 130, 13507 Berlin.

[12] Deutsche Dienstelle.

[13] Wehrmachtauskunftstelle für Kriegerverluste und Kriegsgefangene = Service de renseignements de la Wehrmacht sur les pertes de guerre et les prisonniers de guerre.

[14] Ce dernier a en fait été intégré au ministère de la Défense et n’existe plus en tant que tel. Les documents remis par l’Allemagne se trouvent donc plutôt au Service historique de la défense, division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC)rue Neuve du Bourg l’Abbé, 14037 Caen cedex. Les Archives nationales possèdent également un fonds sur les prisonniers de guerre français (voir sous-série F9 = affaires militaires et 72AJ = Seconde Guerre mondiale).

[15] Décollage, dans le cadre d’une préservation du patrimoine urbain, des restes d’un autocollant apposé de façon intempestive, et constituant un acte de vandalisme susceptible d’abîmer la surface à terme.

[16] Bunker transformé en Musikbunker, Steinträgerweg 5, 12351 Berlin (Allemagne). Un autre situé Selgenauer Weg, 12355 Berlin (Allemagne) a été intégré dans un projet immobilier.

[17] Ces réduits d’un fort, généralement souterrains, sont à l’épreuve des bombes et des obus.


Les archives fédérales et régionales de Berlin



Les pièces d’archives personnelles antérieures à 1945 sont d’une manière générale conservées aux archives fédérales (Bundesarchiv) de Berlin.

Le Bureau allemand des états de service – WASt, dont les documents étaient conservés initialement aux archives fédérales de Berlin-Reinickendorf[1], a vu le 1er janvier 2019 ses missions intégrées aux archives fédérales de Berlin-Tegel en tant que département des renseignements personnels sur les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale[2]. Le délai de traitement peut atteindre plusieurs mois avant que la demande n’aboutisse.

Les dossiers médicaux des prisonniers de guerre se trouvaient autrefois à l’Office régional de la santé et des affaires sociales[3] à Berlin. Dans la mesure où cela ne relevait pas vraiment de ses missions, ils ont été transférés le 1e juillet 2007 au Bureau allemand des états de service – WASt, puis à Berlin-Tegel, au titre de son habitude de la gestion des données individuelles.

Le centre de ressources documentaires est pour sa part à Berlin-Lichterfelde, tandis que certains documents concernant l’armée sont aux archives fédérales de Fribourg (Allemagne), département des affaires militaires[4]. Monsieur Daniel Schneider, archiviste référent de cette institution, indique : « Seuls sont conservés les dossiers matériels des institutions allemandes à propos du système des prisonniers de guerre, mais pas les dossiers personnels des prisonniers de guerre. »


« Seuls sont conservés les dossiers matériels des institutions allemandes à propos du système des prisonniers de guerre, mais pas les dossiers personnels des prisonniers de guerre. »

Monsieur Daniel Schneider, archiviste référent aux archives fédérales de Fribourg (Allemagne), département des affaires militaires.


[1] Eichborndamm 179, 13403 Berlin (Allemagne).

[2] PA = Personenbezogene Auskünfte.

[3] Landesamt für Gesundheit und Soziales (LAGeSo), Versorgungsamt – Kundencenter, Sächsische Straße 28, 10707 Berlin (Allemagne).

[4] Bundesarchiv, Abteilung Militärarchiv, Wiesentalstraße 10, 79115 Freiburg (Allemagne).


Il est important d’autre part de ne pas confondre les archives fédérales (Bundesarchiv) et les archives régionales[1] (Landesarchiv) de Berlin. Après la fin de la guerre, les documents que le Bureau allemand des états de service – WASt avait conservés sur les prisonnier de guerre détenus par l’Allemagne ont été confisqués et remis aux pays d’origine des prisonniers de guerre.


[1] Eichborndamm 115-121, 13403 Berlin (Allemagne).


Il est possible de repérer les noms des victimes de guerre sur le portail des Arolsen Archives[1] International Center on Nazi Persecution (archives Arolsen centre international sur les persécutions nazies). Toutefois, il ne s’agit pas d’une requête complète. De nombreux documents conservés ne sont pas encore accessibles en ligne. Il faut donc contacter les archivistes. 50 millions de fiches présentent des informations sur 17,5 millions de personnes. Madame Martina Paul, membre du service international de recherche[2], a ainsi retrouvé et envoyé une fiche de la mission de liaison à Berlin (Français de toutes les zones) concernant Pierre Bonhomme.

Toute demande de renseignements auprès du CICR [3] sur une personne détenue pendant la Seconde Guerre mondiale relève d’un quota trimestriel. Le service reprendra le lundi 22 mai 2023, puis le lundi 25 septembre 2023 à 8 h 00 heure de Genève (Suisse).


[1] Große Allee 5-9, 34454 Bad Arolsen.

[2] ITS = International Tracing Service/ Service international de recherches se présente depuis le 21 mai 2019 sous son nouveau nom.

[3] Comité international de la Croix-Rouge.


Le Stalag III A Luckenwalde, le musée d’histoire locale et le cimetière des sépultures de guerre


A Luckenwalde, il ne subsiste plus aucun vestige matériel du camp, si ce n’est le cimetière des sépultures de guerre (Friedhof Kriegsgräberstätte) du Stalag III A Luckenwalde[1], divisé en plusieurs carrés selon la nationalité des prisonniers enterrés. Nombreux sont ceux qui ont été inhumés dans des fosses communes (en particulier des Russes[2]). Une croix est élevée, et marque à tout jamais l’emplacement de la partie française du cimetière.  Chaque année se déroule une cérémonie du souvenir.


[1] Zum Stalag-Friedhof, 14943 Luckenwalde.

[2] A cette époque, tous les Russes sont des Soviétiques, mais tous les Soviétiques ne sont pas des Russes. L’appellation retenue ici est celle qu’employaient les prisonniers de guerre.


Un poste de travail permet de consulter des dossiers d’archives. Sur un écran interactif, il est possible de feuilleter plus de 9 000 documents concernant 3 900 détenus russes du camp.


Le Stalag III A se situait à 2,5 km de Luckenwalde, ville de 27 000 habitants à quelque 50 km du sud de Berlin dans la 3e région militaire allemande[1], dans la région de la Fläming, au cœur du Land[2] de Brandebourg. C’est une région montueuse, argileuse et caillouteuse, recouverte de bois et d’étangs. La pauvreté du sol ne permet comme cultures essentielles que le seigle ou la pomme de terre[3]. L’horizon en est borné par une végétation assez haute de résineux et de bouleaux, qui dégagent une grande tristesse. La toponymie est d’ailleurs explicite : « Luch[4] im Walde[5] » signifie « bois marécageux ». Le paysage actuel n’a pas vraiment changé, et dégage une impression sinistre.


[1] Wehrkreis III (WK III). Sous le IIIe Reich, cette division administrative comprenait pour la Wehrmacht une partie de la Nouvelle-Marche et le Brandebourg.

[2] État fédéré.

[3] Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, NAF 17280, Croix-Rouge française, L’Âme des camps, I Chronique des Stalags I B, II D, II E, III A et III C, Paris : Croix rouge française, Comité central d’assistance aux prisonniers de guerre en captivité, 1944, page 82, vue 173/350, consultable en ligne sur Gallica.

[4] « Luch » désigne un marais dans le dialecte brandebourgeois.

[5] « Im Walde » signifie mot à mot « dans la forêt ».


Monument commémoratif à la gloire des militaires du carré yougoslave †. Cimetière de sépultures de guerre du Stalag III A (Friedhof Kriegsgräberstätte Stalag III A), prise de vue effectuée le mercredi 29 mars à Luckenwalde (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Monument commémoratif à la gloire des militaires du carré yougoslave †. Cimetière de sépultures de guerre du Stalag III A (Friedhof Kriegsgräberstätte Stalag III A), prise de vue effectuée le mercredi 29 mars 2023 à Luckenwalde (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La plupart du temps, les soldats prisonniers des Stalags sont placés dans un Arbeitskommando[1], ce qui n’est pas le cas pour les officiers des Oflags[2]. En raison de la convention de Genève, ils ne peuvent être officiellement employés que dans l’agriculture ou dans des tâches sans aucun lien avec l’effort de guerre. C’est souvent loin d’être le cas.  Au commando de Topschin, faisant partie du Stalag III A, les prisonniers sont ainsi employés dans une usine de munitions, d’obus, de bombes, de torpilles et de tanks[3]. Ils sont donc bel et bien contraints de participer à l’industrie d’armement allemande.

La construction du camp a été planifiée avant l’invasion de la Pologne en septembre 1939. Il était prévu pour accueillir au départ 10 000 hommes. Sa structure a servi de modèle[4] pour les autres camps.


[1] Commando ou unité de travail.

[2] Abréviation d’Offizierslager (camps d’officiers).

[3] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9759499 < Tome 39  >, Tribunal militaire international (Nuremberg, Allemagne), Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international [Texte imprimé] : Nuremberg, 14 novembre 1945 – 1er octobre 1946 : [documents et autre matériel de preuve], texte officiel, édition française, Nuremberg : Tribunal militaire international, 1947-1949, tome XXXIX, page 172, vue 188/660, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2000-282739.

[4] Le mot Musterlager désigne un stock d’échantillons dans le civil, et un camp modèle dans le langage militaire. Le régime nazi avait son propre vocabulaire.


A partir de l’été 1940, des prisonniers hollandais[1] et français sont arrivés dans ce camp. Les premiers sont libérés quelques semaines plus tard, tandis que les seconds, qui forment le groupe le plus important, y sont affectés.

Le séjour dans ce camp précède souvent l’intégration dans des commandos de travail à Berlin ou dans ses environs. Les conditions de vie y sont très difficiles.

Les prisonniers de guerre qui ont travaillé dans la région du Brandebourg ou à Berlin ont atteint le chiffre de 22 000. Une partie de ces derniers était des prisonniers transformés[2].


[1] Tous les Hollandais sont des Néerlandais, mais tous les Néerlandais ne sont pas des Hollandais. L’appellation retenue ici est celle qu’employaient les prisonniers de guerre.

[2]  Il s’agit de rendre à l’état de civil certains prisonniers de guerre, et d’en faire des travailleurs forcés.


Alors que dans ce camp, les instituteurs et professeurs étaient dispensés au départ de travail (car ils animaient une vie culturelle), les autres prisonniers essayaient de se rapprocher par origine régionale. Ils étaient astreints à des journées de 12 à 14 heures. Les commandos percevaient des vivres (toujours en quantité insuffisante) de la Croix-Rouge. Mais cela ne compensait que difficilement la pénibilité du travail : le commando n° 206, où étaient employés 300 prisonniers, extrayait de la tourbe, le n° 211 (qui en comprenait 20) exploitait du minerai, tandis que les n° 282 et 283 étaient des commandos agricoles.

Par la suite, ce camp a hébergé des prisonniers serbes et russes, dont le nombre n’a cessé d’augmenter.  Durant l’hiver 1941-1942, 2 500 de ces derniers y sont décédés. Temporairement, il y a eu également des Italiens, vers la fin, des Roumains et des Anglais[1].


[1] Tous les Anglais sont des Britanniques, mais tous les Britanniques ne sont pas des Anglais (certains sont des Écossais, des Gallois ou des Nord-Irlandais). L’appellation retenue ici est celle qu’employaient les prisonniers de guerre.

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Le Stalag était aussi organisé du point de vue religieux, tant catholique que protestant. Les prêtres dans ce camp étaient au nombre de quarante-quatre pour tout le Stalag dont trois pour le camp, deux pour l’hôpital. Tous les autres étaient affectés aux commandos.  Selon les secteurs religieux (au nombre de 42), ceux-ci comptaient de dix à soixante commandos. Le camp comprenait aussi des séminaristes que les aumôniers pouvaient emmener avec eux. L’approvisionnement liturgique était assuré par l’Aumônerie générale de Paris en vin de messe, hosties et livres.

Le culte était autorisé en dehors des heures de travail. Les prêtres munis d’un Ausweis[1] avaient le droit de circuler librement dans leur secteur. Bien souvent, ils disaient au moins trois messes au cours de la journée, tandis que les commandos étaient massés sur un point central (où se trouvait un local convenable pour dire la messe).

Les prêtres n’avaient pas le droit de prêcher et, en cas d’impossibilité de confesser, ils prononçaient une absolution générale. Ils assuraient, outre les messes du dimanche, les communions des détenus en cellule et les enterrements au cimetière du camp.

Pour les besoins religieux et spirituels, les confrères étaient autorisés à se rencontrer.

Lorsque le camp a été libéré le 27 avril 1945, les prisonniers ont été rendus à la vie civile, envoyés en permission pendant quinze jours, avant de vaquer à leurs occupations.


[1] Pièce d’identité.

Le Stalag III B Fürstenberg


Le Stalag III B Fürstenberg est, lui aussi, un camp de prisonniers de guerre. Il avait le statut de Dulag[1]. Il se situe également dans la 3e région militaire allemande. La campagne y est sablonneuse avec des bois de pins. Il se trouvait à Fürstenberg-sur-Oder.

Il semblerait que ce camp n’avait que très peu de liens avec l’administration de la ville. Les archives municipales disposent aujourd’hui des dossiers de Fürstenberg-sur-Oder, devenu un quartier d’Eisenhüttenstadt.

Des noms de prisonniers français s’y trouvent. Celui de Pierre Bonhomme n’y figure malheureusement pas, selon madame Gabriele Urban, archiviste référente, du département des services aux citoyens (Fachbereich Bürgerdienste), Musée municipalGalerieMusée des pompiersArchives de la ville (Städtisches MuseumGalerieFeuerwehrmuseumArchiv) [2].

Le musée d’histoire locale[3] évoque l’ancien camp de prisonniers de guerre, grâce à l’initiative de monsieur Axel Drieschner. Avec sa femme, madame Barbara Schulz, il a publié un livre sur le Stalag III B Fürstenberg[4].

Devant le site de l’ancien camp, il y a une pierre commémorative qui doit rappeler tous les prisonniers et leur souffrance.


[1] Durchgangslager, c’est-à-dire un camp de transit.

[2] Stadt Eisenhüttenstadt • Zentraler Platz 1 • 15890 • Eisenhüttenstadt.

[3] Löwenstraße 4, 15890 Eisenhüttenstadt (Allemagne).

[4] Drieschner, Axel, Schulz, Barbara, Stalag III B Fürstenberg (Oder) : Kriegsgefangene im Osten Brandenburgs 1939-1945, Berlin : Metropol, 2006, 212 p., illustrations (Beiträge zur Geschichte Eisenhüttenstadts 4).


Bibliothèque universitaire Saint-Charles (Montpellier), 940.547 2 DOC, Ministère de la Guerre, État-major de l'armée, 5e bureau, Documentation sur les camps de prisonniers de guerre : secret, Paris : Ministère de la Guerre. Etat-major de l'armée, [1945], 1 volume, 493 p., [14] cartes en couleurs, page 52.
Bibliothèque universitaire Saint-Charles (Montpellier), 940.547 2 DOC, Ministère de la Guerre, État-major de l’armée, 5e bureau, Documentation sur les camps de prisonniers de guerre : secret, Paris : Ministère de la Guerre. Etat-major de l’armée, [1945], 1 volume, 493 p., [14] cartes en couleurs, page 52.

A l’époque, il comprend une cinquantaine de baraques, dont seules huit sont occupées par des Français. Réparties de part et d’autre d’une route cimentée, celles-ci hébergent chacune de trois cents à trois cent soixante prisonniers. Les travaux qui leur sont confiés sont épuisants. Nombre d’entre eux manient la pelle et la pioche comme ceux du commando n° 406 pour les mines de charbon, du n° 648 pour les mines de lignite, du n° 728 pour les mines de tourbe. Sinon, ils étaient employés dans des usines de guerre.

Au moment du repli du Stalag III B Fürstenberg, les prisonniers de guerre furent occupés jusqu’à la fin avril à effectuer des travaux de terrassements des tranchées, et à transporter des bombes d’avions. Il est même arrivé que des commandos aient effectué des travaux sous la première ligne de feu de l’artillerie russe. Malgré des réclamations, le colonel commandant le Stalag III B Fürstenberg reste sourd aux réclamations de la Croix-Rouge genevoise (Suisse).

Quant à l’homme de confiance, ce dernier signale que la durée du travail journalier était dans de nombreux cas excessive, en particulier dans les mines et les usines (12 heures). Elle pouvait monter jusqu’à quinze heures dans la culture pendant la période d’été.

Alors qu’il devait y avoir un repos de vingt quatre heures toutes les trois semaines, le repos hebdomadaire n’était pas souvent observé. En outre, l’homme de confiance principal du Stalag a signalé que des coups étaient portés sur des prisonniers français. Il y a une mauvaise foi évidente dans l’application de la convention de Genève dans ce camp.


Fin 1944, les Allemands ont décidé de déplacer ce camp à Buchenwald[1], à côté de Weimar[2]. Au début de février 1945, l’Armée rouge a pris pied sur la rive occidentale de l’Oder à Fürstenberg[3].

La campagne a retrouvé son aspect d’antan et nombre de citoyens allemands actuels en ignorent de manière feinte ou réelle l’existence.


[1] D’après Buche (hêtre) et Wald (forêt), Buchenwald signifie hêtraie (bois de hêtres).

[2] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-25677, Commissariat régional de la République à Montpellier, Bulletin officiel du Commissariat régional de la République à Montpellier, 1re année , n° 1 (septembre 1944) – ? Montpellier : [s.n.], 1944-, 2e année, n° 107 du vendredi 23 février 1945, page 521, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original des archives départementales de l’Hérault, PAR 3215.

[3] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-14232 <  1937-1948 >, Aragon, Louis (1897-1982), directeur de publication ; Bloch, Jean-Richard (1884-1947), directeur de publication, Ce soir : grand quotidien d’information indépendant, 1re année, n° 1 (2 mars 1937)-17e année, n° 3537 (2 mars 1953), Paris : [s.n.], 1937-1953 [n’a pas paru du 26 août 1939 à août 1944], n° 1059 du jeudi 8 février 1945, page 1 [non paginée], vue 1/2, consultable en ligne sur Gallica, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, JOD-109.


Le Stalag III D Berlin et la Kommandantur[1]


[1] Kommandanturen au pluriel. Ou « kommandanturs », en romain et
avec une minuscule (ou une majuscule), selon un usage français variable. En général, « Les mots, expressions, citations donnés dans une langue étrangère et non francisés se composent en italique dans un texte français en romain » selon le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale. Mais « de très nombreux termes étrangers, adoptés par l’usage, se composent cependant en romain comme ces exemples appartenant au langage courant : condottiere, conquistador, leitmotiv, match, sketch, week-end ». Pour éviter d’établir une distinction artificielle entre les mots germaniques recensés dans les dictionnaires français (stalags) et ceux, plus spécialisés, qui n’y sont pas (Dulags), il a été décidé par convention de considérer tous les mots employés par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale comme étrangers, et donc de les écrire avec une majuscule et en italique.


Vidéo Französische Kriegsgefangene in Berlin | Lager, Arbeit und Alltag (Prisonniers de guerre français à Berlin | camp, travail et vie quotidienne, consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit (Centre de documentation sur le travail forcé nazi).

Le Stalag III D se situait à Berlin, et dépendait de la 3e région militaire allemande comme les deux précédents. De très nombreux prisonniers français ayant été enfermés au camp de Berlin-Lichterfelde, il se confond un peu pour les historiens francophones avec le Stalag III D Berlin.

C’est là une perspective remise en cause par les chercheurs allemands. Le Stalag III D Berlin est en réalité une entité administrative qui repose sur des camps satellites disséminés sur tout Berlin : 3000 camps couvraient la ville. Certes, une majorité de Français s’est retrouvée à Berlin-Lichterfelde ou à Falkensee[1]. L’approche de la réalité historique est cependant plus complexe.


[1] Falkensee est une ville d’Allemagne située dans le Land du Brandebourg.


Plaque commémorative (Gedenktafel) du siège du commandement (Kommandantur) régissant le Stalag III D Berlin, prise de vue effectuée le jeudi 30 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Plaque commémorative (Gedenktafel) du siège du commandement (Kommandantur) régissant le Stalag III D Berlin, prise de vue effectuée le jeudi 30 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Un siège du commandement (Kommandantur) gère le travail des prisonniers du Stalag III D Berlin dans des commandos de travail (Arbeitskommandos) répartis en fonction de leur classe dans tous les points cardinaux à Berlin ou alentour :

  • 100 Stadtzentrum[1]
  • 200 Norden[2]
  • 300 Osten[3]
  • 400 Südosten[4]
  • 500 Süden[5]
  • 600 Südwest[6]
  • 700 Westen[7]
  • 800 Nordosten[8]

L’édifice[9], qui se trouvait rue de la Belle-Alliance [10], a totalement disparu, rasé et remplacé par un parking, à proximité de la Bibliothèque commémorative américaine (Amerika-Gedenkbibliothek)[11]. Il ne reste plus à son emplacement qu’une plaque commémorative (Gedenktafel)[12] en plastique tellement discrète qu’il a été plutôt difficile de la localiser (les bibliothécaires du lieu avoisinant ont eux-mêmes rencontré des difficultés pour la trouver).


[1] Centre-ville.

[2] Nord.

[3] Est.

[4] Sud-est.

[5] Sud.

[6] Sud-ouest.

[7] Ouest.

[8] Nord-est

[9] Belle-Alliance-Straße 106-107. Aujourd’hui, Mehringdamm, Berlin (Allemagne).

[10] Ce nom de Belle-Alliance est une autre façon de désigner la bataille de Waterloo (Belgique) en 1815.

[11] Blücherplatz 1, 10961 Berlin (Allemagne)

[12] Blücherplatz 1, 10961 Berlin (Allemagne).


Pierre Bonhomme, affecté à l’Arbeitskommando n° 407


Bibliothèque universitaire Saint-Charles (Montpellier), 940.547 2 DOC, Ministère de la Guerre, État-major de l'armée, 5e bureau, Documentation sur les camps de prisonniers de guerre : secret, Paris : Ministère de la Guerre. Etat-major de l'armée, [1945], 1 volume, 493 p., [14] cartes en couleurs, page 72.
Bibliothèque universitaire Saint-Charles (Montpellier), 940.547 2 DOC, Ministère de la Guerre, État-major de l’armée, 5e bureau, Documentation sur les camps de prisonniers de guerre : secret, Paris : Ministère de la Guerre. Etat-major de l’armée, [1945], 1 volume, 493 p., [14] cartes en couleurs, page 72.

Un bureau de censure postale (Postzensur[1]) contrôlait la correspondance et les colis échangés entre les prisonniers de guerre et leurs proches. Les photographies et livres autorisés de Pierre Bonhomme étaient frappés du tampon « Stalag III D 75 geprüft » ou « Stalag III D 96 geprüft »[2], « Freigegeben Stalag III D[3] » ou « Freigegegeben zur Heimsendung M.-Stammlager III D[4] ».

Des ajouts manuscrits par les Allemands ont permis d’identifier que Pierre Bonhomme avait été affecté à l’Arbeitskommando n° 407 lors de son internement au Stalag III D Berlin.


[1] Tempelhofer Ufer (codes postaux 10961 et 10963), dans l’arrondissement berlinois de Friedrichshain-Kreuzberg, s’étend de la Schöneberger Straße au Landwehrkanal.

[2] Geprüpft = validé, contrôlé. Ce tampon correspond à la censure postale.

[3] Validé [par l’administration du] Stalag III D.

[4] Libéré pour rapatriement du Stalag III D. La lettre M. est une abréviation pour Mannschaft [troupe]. Stammlager désigne un centre de détention. Le Kriegsgefangenen-Mannschafts-Stammlager est donc un camp de concentration pour les prisonniers de guerre, destiné aux hommes du rang ou aux sous-officiers. C’est ce que les Français connaissent sous son abréviation Stalag = Stammlager.


Vidéo Das Stalag III D | Kriegsgefangene in Berlin (Le Stalag III D | Prisonniers de guerre à Berlin) consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit (Centre de documentation sur le travail forcé nazi).

Il a été impossible de trouver des renseignements sur ce commando de travail, ce qui arrive souvent selon les historiens allemands. Il est simplement identifié sans aucune mention supplémentaire sur une liste militaire française[1] des « principaux Kommandos » :

  • n° 402 : Reidow[2] (98 P. G.[3]), usine aviation.
  • n° 407
  • n° 412 : Reidow[4] (555 P. G.), usine aviation.
  • n° 413 : Franfurt-sur-Oder[5] (600 P. G.), usine de munitions.
  • n° 415
  • n° 419 : Berlin (transformé) (88 P. G.), fleuriste.
  • n° 420 : (44 P. G.), usine Krupp[6].
  • n° 424 : Reidow[7] (6 P. G.), usine aviation.
  • n° 425 : Britz[8] (1767 P. G.) (transformé), une noyade fin 1943, bon abri.
  • n° 427 : composé de punis.
  • n° 431
  • n° 483 : Ludwigsfeld[9] (600 P. G.), usine aviation Daimler-Benz[10].

[1] Bibliothèque universitaire Saint-Charles (Montpellier), 940.547 2 DOC, Ministère de la Guerre, État-major de l’armée, 5e bureau, Documentation sur les camps de prisonniers de guerre : secret, Paris : Ministère de la Guerre. Etat-major de l’armée, [1945], 1 volume, 493 p., [14] cartes en couleurs, page 75.

[2] Transcription fautive. Lire Berlin-Rudow, quartier de l’arrondissement de Neukölln.

[3] Prisonniers de guerre.

[4] Voir n° 402.

[5] Lire Francfort-sur-l’Oder (Allemagne), ville du Land de Brandebourg.

[6] Fried. Krupp AG est un conglomérat industriel dans le secteur de l’acier fondé par Friedrich Krupp (1787-1826). Il est appelé couramment Krupp.

[7] Voir n° 402.

[8] Berlin-Britz, quartier dans l’arrondissement de Neukölln.

[9] Transcription fautive. Lire Ludwigsfelde, une ville du Land du Brandebourg dans l’arrondissement de Teltow-Fläming.

[10] Il s’agit des usines automobiles de Ludwigsfelde (Automobilwerke Ludwigsfelde), devenues en 1936 le siège pour la production de moteurs d’avion Daimler-Benz Motoren GmbH.


Plaque commémorative à la gloire des « anciens prisonniers de guerre du Stalag III D à leurs camarades décédés en captivité » † exposée au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Plaque commémorative à la gloire des « anciens prisonniers de guerre du Stalag III D à leurs camarades décédés en captivité » † exposée au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

On ne peut donc qu’émettre des conjectures sur le n° 407 par rapport aux positions du commando n° 406 (Neukölln) et du n° 408 (Berlin-Lichtenrade). Ce dernier avait sous sa garde 39 prisonniers de guerre, d’après une liste allemande Commandos de travail sans les Italiens (Arbeitskommandos ohne Italiener)[1] établie par Thomas Irmer, historien, politologue, spécialiste de l’histoire du travail forcé sous le régime nazi.

D’après son hypothèse d’une « répartition géographique possible » (« mögliche geographische Gliederung »), les camps de la classe 400 se situeraient dans le sud-est (Südosten) de Berlin. Les données restent fragmentaires :

  • n° 401
  • n° 402 : 98 Kgf.
  • n° 403 : 58 Kgf.[2], Metall[3]
  • n° 404 : Briten[4] ?
  • n° 405 : Britz[5], Gaubschat-Fahrzeugwerke[6], 118-179 Kgf.
  • n° 406 : Neukölln[7]
  • n° 408 : Obsch.[8] Lichtenrade[9], 39 Kgf.
  • n° 410 : 50-72 Kgf. Floristen[10]
  • n° 411 : 21 Kgf.
  • n° 412 : Rudow[11], 555 Kgf., Luftfahrindustrie[12]
  • n° 413
  • n° 415 : Rudow, 55 Kgf., Industrie
  • n° 416 : 55 Kgf.
  • n° 418
  • n° 419 : 72 Kgf.
  • n° 421 : 52 Kgf.
  • n° 423 : Elektrolux[13], 65 Kgf.
  • n° 425 : Britz[14]
  • n° 427, 428, 429 Zernsdorf bei KW[15] (n° 428 : 144 Briten[16])
  • n° 430 Neukölln[17], Lazarett[18]

[1] Ce document de travail inédit, qui se présente sous forme d’une photocopie, a fait l’objet d’un dépouillement systématique.

[2] Selon les contextes, abréviation pour Kriegsgefangene (prisonniers de guerre) ou Kriegsgefangener (prisonnier de guerre).

[3] Métal.

[4] Britanniques.

[5] Berlin-Britz, quartier dans l’arrondissement de Neukölln.

[6] Usine de véhicules Gaubschat. La société Gaubschat Fahrzeugwerke GmbH a été fondée par Fritz Gaubschat en 1904 à Rixdorf, ville intégrée dans Berlin (Allemagne) en 1912 et renommée Berlin-Neukölln. Elle a fait faillite en 1975. Elle était impliquée au départ dans la construction de véhicules utilitaires.

[7] Quartier (Ortsteil) de Berlin-Neukölln ou arrondissement (Bezirk) de Neukölln.

[8] Abréviation pour obscheinlich (apparemment).

[9] Berlin-Lichtenrade, dans l’arrondissement de Tempelhof-Schöneberg

[10] Fleuristes.

[11] La société Flugzeugreparaturwerk Rudow GmbH s’occupait de réparation d’avions à Berlin-Rudow, quartier dans l’arrondissement de Neukölln.

[12] Industrie aéronautique.

[13] L’orthographe a été germanisée. Electrolux est une entreprise suédoise d’électroménager créée en 1910.

[14] Voir n° 405.

[15] Zernsdorf près de Königs Wusterhausen. Depuis 2003, ce village fait partie de cette ville. Il est situé dans l’arrondissement de Dahme-Spreewald (Dahme-Forêt-de-Spree) du Land (État fédéré) de Brandebourg (Allemagne).

[16] Voir n° 404.

[17] Voir n° 406.

[18] Hôpital militaire.


Pierre Bonhomme aurait d’après un récit personnel travaillé du « bois de mine ». Ce qui serait logique : avant d’être militaire comme pontonnier, il était charpentier. De fait, il aurait pu être éventuellement boiseur, chargé du soutènement et de la réparation dans des galeries. Monsieur Ronny Maylahn, du comité de direction (Führungskoordination) de la société de recherche et de documentation sur les constructions souterraines Berliner Unterwelten e.V.[1] n’a pas pu nous renseigner sur le sujet.


[1] Brunnenstraße 105, 13355 Berlin (Allemagne). Berliner Unterwelten peut se traduire selon les cas « les souterrains de Berlin », « les sous-sols de Berlin », voire « les bas-fonds de Berlin » et même dans certains contextes « les enfers de Berlin ».


L’hôpital militaire principal de Berlin-Neukölln et l’Arbeitskommando n° 430


Hopital militaire de Berlin-Neukölln. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Hopital militaire de Berlin-Neukölln. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Plusieurs hôpitaux militaires[1] peuvent soigner les prisonniers de guerre. Le plus important était établi à Berlin-Neukölln dans un établissement scolaire[2]. Il était lié à l’Arbeitskommando n° 430. Il a repris ses fonctions premières. Un centre d’épouillage se trouvait à Berlin-Lichterfelde, ce qui a permis de limiter les risques de typhus.


[1] Lazarett [latsaˈrɛt], neutre <Lazarette̸s; Lazarette>.

[2] Donaustraße 122, 12043 Berlin.


Les baraquements redécouverts du camp de Berlin-Lichterfelde


Vidéo Vergessen und vorbei? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen (C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français), consultable en ligne pour la chaîne Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit (Centre de documentation sur le travail forcé nazi).

L’ensemble des baraquements de Berlin-Lichterfelde a été retrouvé au moment où devait se dérouler dans ce lieu une opération immobilière. Il avait été ouvert dès 1938, avant donc le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale le 1ᵉʳ septembre 1939.

A l’origine, la Reichsbahn[1] y a installé un camp pour 1 400 travailleurs allemands de la région des Sudètes (Tchéquie) à l’angle d’Osdorfer straße et du Lanweg. En 1939, la Wehrmacht a loué une partie de ce site pour accueillir des prisonniers tout d’abord polonais.

A partir du mois d’août 1940, ce camp est affecté aux prisonniers français : en janvier 1941, plus de 18 000 prisonniers qui y vivaient étaient français. Les baraques construites grossièrement avec des parpaings ont remplacé parfois les premières, en bois, qui ont brûlé lors d’attaques aériennes en 1942/1943. Chacune mesurait 38 m de long sur 16 de large, et devait être occupées par 96 hommes environ. Le grand nombre de prisonniers a fait que leur occupation a été plus importante dans les faits.


[1] Société des chemins de fer allemands.


La mise au jour de ce camp tient à un projet de construction d’appartements.  L’association Initiative KZ-Außenlager Lichterfelde e.V. (un collectif citoyen)[1] et l’Office d’État des monuments historiques de Berlin (Landesdenkmalamt Berlin)[2] tentent de sauver des baraques situées dans le quartier[3] et identifiées formellement en 2017 comme ayant fait partie du camp de Berlin-Lichterfelde. Une est classée monument historique, les autres sont plus ou moins délabrées et à l’abandon, en cours de destruction, après avoir connu après la Seconde Guerre mondiale divers usages.


[1] Président du conseil d’administration : Thomas Schleissing-Niggemann. Vice-présidente : Annette Pohlke.

[2] Klosterstraße 47, 10179 Berlin (Allemagne).

[3] Landweg 3, 12007 Berlin (Allemagne).


Le gardien chargé du terrain en friche refuse d’orienter le promeneur (les bâtiments se trouvent pourtant à moins de cent mètres de sa guérite). Les passants qui s’arrêtent font mine de ne rien comprendre aux explications données dans un allemand très clair. Les habitants du quartier ignorent ce qui se passe à quelques dizaines de mètres de leur maison. Une exploration urbaine[1] « sauvage » du site permet de mesurer la désolation du lieu, squatté occasionnellement et bombé à la peinture. Une captation d’images permettra à terme d’étudier les lieux à travers le prisme de la culture visuelle.

A peu près quatre-vingts ans après la capitulation du Troisième Reich, l’historien affronte moins un négationnisme agressif qu’une parfaite indifférence et un total désintérêt.


[1] Urbex.


Les dix grands baraquements qui restent sont du même modèle que ceux du camp du quartier de Berlin-Schöneweide[1]. Ce lieu se révèle être un camp de travailleurs forcés, où étaient internés notamment des Italiens, tant militaires que civils, mais aussi des hommes et des femmes originaires d’Europe de l’Ouest et l’Est.


[1] Le lieu a été identifié comme un camp en 1994 alors qu’il se trouvait au milieu d’immeubles et qu’il servait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à diverses activités comme la chaudronnerie.


Les prisonniers sont répartis dans différents commandos de travail. Il existe un homme de confiance qui a le droit d’aller les visiter. Les tâches confiées à ces prisonniers sont simples, mais physiquement très pénibles. Pour ce travail, le prisonnier reçoit un faible salaire, alors que les entreprises remportent de gros bénéfices grâce à cette main-d’œuvre bon marché.


L'enduit qui s'abîme avec le temps laisse entrevoir le parpaing d'origine. Camp de Berlin-Lichterfelde, prise de vue effectuée le jeudi 30 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

L’enduit qui s’abîme avec le temps laisse entrevoir le parpaing d’origine. Camp de Berlin-Lichterfelde, prise de vue effectuée le jeudi 30 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.


La dégradation du mur le fait paradoxalement revenir à un état premier : le temps destructeur peut être aussi conservateur, en rendant visible l’invisible. Camp de Berlin-Lichterfelde, prise de vue effectuée le jeudi 30 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La dégradation du mur le fait paradoxalement revenir à un état premier : le temps destructeur peut être aussi conservateur, en rendant visible l'invisible. Camp de Berlin-Lichterfelde, prise de vue effectuée le jeudi 30 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le camp de Berlin-Schöneweide et l’abri antiaérien de la baraque 13


Au camp de Berlin-Schöneweide, les conditions de vie y auraient été semble-t-il relativement meilleures que dans d’autres. Cette donnée reste cependant à relativiser en fonction des nationalités : les Russes emprisonnés ont par exemple subi des traitements pires que celui des Italiens.


Plan d'orientation du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Plan d’orientation du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le Centre de documentation du travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), ouvert en 2006, est situé sur ce site historique[1].


[1] Britzer Straße 5, 12439 Berlin (Allemagne).


Les baraquements de pierre ont été construits en 1943 sous la direction d’Albert Speer, premier architecte du IIIe Reich inspecteur général des travaux pour la capitale du Reich (Generalbauinspektor für die Reichshauptstadt)[1].


[1] Abrégé en GBI.


Une exposition permanente inaugurée en 2013, Quotidien du travail forcé 1938–1945, montre à quel point le nazisme s’appuyait sur la main-d’œuvre sous contrainte.

Les travailleurs invités[1], en provenance de pays amis de l’Allemagne n’y étaient pas soumis. L’historiographie allemande englobe sous le concept général de travailleurs forcés :

  • les prisonniers de guerre[2]
  • les travailleurs civils[3]
  • les travailleurs de l’Est[4]
  • les déportés, traités comme des esclaves.

D’un point de vue davantage français, les anciens combattants ne goûtent guère d’être confondus avec les membres du STO[5]. En France, ces derniers ont le droit au titre de « victimes du travail forcé en Allemagne nazie[6] ». Mais les dernières décisions de justice leur interdisent celui de « déportés du travail[7] ». La « transformation » de certains en travailleurs « libres » étant en lien avec la Relève, dispositif mis en place en 1942 par le régime de Vichy, il s’agit là encore d’une question sensible.


[1] Gastarbeitnehmer.

[2] Militärinternierte (internés militaires).

[3] Zivilarbeiter.

[4] Ostarbeiter.

[5] Service du travail obligatoire.

[6] Par décret du 16 octobre 2008.

[7] Refus le 28 mars 2011 par la Cour de cassation.


Edition monolingue en français du catalogue offert lors de la rencontre à Berlin (Allemagne) du mardi 28 mars 2023 au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) par Roland Borchers, commissaire de l’exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français. (collection personnelle de l’auteure).

Edition monolingue en français du catalogue offert lors de la rencontre à Berlin (Allemagne) du mardi 28 mars 2023 au Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) par Roland Borchers, commissaire de l'exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français. (collection personnelle de l’auteure).


[1] Zwangsarbeiter.


Depuis leurs balcons, les habitants pouvaient voir tout ce qui se passait dans le camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Depuis leurs balcons, les habitants pouvaient voir tout ce qui se passait dans le camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

La baraque 13, qui a accueilli des prisonniers de guerre italiens, est la mieux conservée[1].


[1] Köllnische Straße 17, 12439 Berlin (Allemagne).


Vue extérieure de la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Vue extérieure de la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.


Mur en parpaing avec lequel la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide a été construite. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Mur en parpaing avec lequel la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide a été construite. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le baraquement se compose d’un couloir central et de douze dortoirs de part et d’autre (destinés chacun à seize prisonniers), d’une seule pièce d’eau avec une fontaine, des latrines[1] et des urinoirs publics.

Chaque prisonnier a un châlit avec un sac de paille, une couverture, une gamelle, un gobelet et des couverts. La distribution de la nourriture varie selon les nationalités. Toujours manquante et de mauvaise qualité, elle l’est encore plus pour les prisonniers russes, qui sont davantage affamés, épuisés, et soumis aux mauvais traitements.


[1] A peine plus confortables que les feuillées de la vie militaire.


Entrée de l'abri antiaérien de la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Entrée de l’abri antiaérien de la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pièces de l'abri antiaérien de la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pièces de l’abri antiaérien de la baraque 13 du camp de Berlin-Schöneweide. Centre de documentation sur le travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors), prise de vue effectuée le mardi 28 mars 2023 à Berlin (Allemagne). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le plus souvent, une cave se trouve sous le baraquement. Elle est aménagée en abri antiaérien avec de petites cellules. Les prisonniers s’y réfugient lors des nombreux bombardements.


Porte blindée en métal hermétique avec valve de l'abri antiaérien de la baraque 13. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Porte blindée en métal hermétique avec valve de l’abri antiaérien de la baraque 13. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.


Sortie de l'abri antiaérien de la baraque 13. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Sortie de l’abri antiaérien de la baraque 13. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.


En conclusion de cette mission historique et mémorielle à Berlin


Cette mission historique et mémorielle à Berlin met en lumière l’évolution des lieux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Certains bâtiments ont connu une reconversion, d’autre une conservation comme patrimoine industriel[1], les derniers enfin une destruction. Des historiens allemands s’évertuent à témoigner du sort de millions d’hommes asservis sous le nazisme, tandis qu’une nouvelle génération semble se faire à l’idée d’une lente et inexorable disparition, que le déni parfois précipite…


[1] Le camp de Berlin-Schöneweide est répertorié dans le parcours d’ERIHEuropean Route of Industrial Heritage e.V. (Route européenne du patrimoine industriel).

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Fêtes Guerre mondiale (1939-1945) Maires Mairies Militaires Victimes de guerre

Le premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne


Portrait de monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire de La Romagne (Ardennes) de 1930 à 1965, photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Portrait de monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire de La Romagne (Ardennes) de 1930 à 1965, photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Monsieur Alcide Cugnart[1], maire de La Romagne de 1930 à 1965, prononce un discours qui célèbre la victoire du 8 mai 1945. Il y évoque l’histoire de la Nation et celle de son village. Ce témoignage historique a été remis par madame Virginie Périn, son arrière-petite-fille[2].


[1] Alcide Joseph Cugnart est né à La Romagne le 13 avril 1897. Il est mort dans ce même village le 5 juillet 1973 à l’âge de 76 ans.

[2] Et petite-fille de madame Colette Cugnart épouse Bertrand.


Il est publié avec son aimable autorisation. Il se présente sous la forme de quatre pages lignées en bleu clair avec une marge rouge, non paginées, dans un bon état de conservation relatif malgré un jaunissement du papier[1] et le pâlissement de l’encre.

Ses pleins et déliés élégants en rendent l’écriture lisible et facilitent le travail de transcription intégrale[2] sous forme d’édition diplomatique[3]. Il présente un intérêt historique et mémoriel indéniable : il est émouvant, quelque quatre-vingts ans après, de partager la première célébration de la libération de La Romagne.


[1] Dû à son acidification.

[2] Dans ce mode, les erreurs et fautes grammaticales sont conservées, contrairement à la transcription intégrale allégée et à la synthèse.

[3] Reproduction la plus fidèle possible.


Jehanne au sacre, statue polychrome en pied de Jeanne d'Arc (vers 1412-1431) par Prosper d'Épinay (1836-1914), marbre, bronze argenté, ivoire, lapis-lazuli, sculpture de 1901 installée en 1909 dans la chapelle Sainte-Jeanne d'Arc de la cathédrale Notre-Dame de Reims.
Jehanne au sacre, statue polychrome en pied de Jeanne d’Arc (vers 1412-1431) par Prosper d’Épinay (1836-1914), marbre, bronze argenté, ivoire, lapis-lazuli, sculpture de 1901 installée en 1909 dans la chapelle Sainte-Jeanne d’Arc de la cathédrale Notre-Dame de Reims.

Sa datation n’est pas explicite. Mais une critique historique externe du texte (dite de véracité) permet d’estimer que la cérémonie s’est déroulée le dimanche 13 mai 1945 : cette déduction se tire d’une remarque de l’édile républicain sur la fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme[1].


[1] Cette célébration civile n’est pas à confondre avec la Sainte-Jeanne d’Arc. Dans l’esprit de l’orateur, la libération d’Orléans le 8 mai 1429 par l’héroïne (sans laquelle la France serait devenue anglaise) rejoint la victoire des Alliés le 8 mai 1945 (qui ont permis que la France ne devienne pas allemande).


Page 1 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 1 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

« Mesdames, Messieurs,
 
C’est avec une profonde émotion que je prends la parole pour vous convier à célébrer officiellement la victoire[1].


[1] Le maire de La Romagne écrit le mot soit avec une minuscule, soit avec une majuscule. La typographie originale a été respectée.

Début du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

La 14e DI (division d’infanterie) a eu à partir de janvier 1940 Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952) alias Dequesne pour commandant historique : il a réussi à contrer trois fois en mai-juin 1940 la Wehrmacht, qui cherchait à franchir l’Aisne du côté de Rethel (Ardennes). Il a été compagnon de la Libération par décret du 20 novembre 1944, élevé à la dignité d’Etat de maréchal de France à titre posthume. Sa notice biographique est consultable en ligne sur le site du musée de l’Ordre de la Libération (Paris).

La Victoire ! Quel beau nom et comme il résonne agréablement à nos oreilles !
 
C’est qu’il engendre pour tous les Français bien des joies et pour nous Ardennais, il fait disparaître bien des anxiétés !

Passage sur les Ardennes, issu du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Des joies car c’en est terminé de la guerre atroce, de la guerre totale[1] que nous avaient imposée nos ennemis. Le Cessez le feu[2] a sonné sur tous les fronts et le calme bienfaisant règne après le fracas de la bataille.


[1] Une guerre totale est un conflit qui mobilise à la fois les États, les économies et les sociétés.

[2] Lire cessez-le-feu, selon l’Académie française. L’Allemagne signe la reddition sans condition le 7 mai 1945 à Reims (Marne). La suspension des hostilités doit intervenir le lendemain. Une nouvelle signature a lieu à Berlin (Allemagne) le 8 mai. Une différence de fuseau horaire explique que les Russes, eux, célèbrent le jour de la Victoire le 9 mai à Moscou, alors en URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) et aujourd’hui dans la fédération de Russie.


Vidéo La Garde républicaine – Rhin et Danube, musique militaire, marche officielle de la 1e armée française, version consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne BnF collection sonore – chanson française.

Nous ne tremblerons plus pour nos fils partis dernièrement, enrôlés dans les rangs de la 1ère armée française[1] reconstituée. Ils vont monter la garde en Allemagne[2] et faire flotter nos trois couleurs victorieuses sur les bords du Rhin et du Danube[3].


[1] Premier et première s’abrègent plutôt en 1er et 1re, selon l’Académie française. La 1re armée française est le nom donné aux unités militaires placées sous les ordres du général Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952).

[2] Cette armée, qui comprend alors l’ensemble des forces armées françaises engagées en Allemagne, est sous commandement français. La 2e DB reste, elle, sous autorité américaine.

[3] « Rhin et Danube » est le surnom donné à la 1re armée à la suite de ses victoires remportées le long de ces fleuves entre le 31 mars et le 26 avril 1945.


Nos prisonniers et déportés rentrent petit à petit. Je suis infiniment heureux de voir que la moitié d’entre eux ont[1] retrouvé leur foyer, leur famille et que malgré les privations, les souffrances morales de l’exil trop long, ils nous sont revenus en général en bonne santé.


[1] Lorsque le sujet est un nom de fraction suivi d’un complément, le verbe s’accorde soit avec le nom de fraction, soit avec son complément. « La moitié des utilisateurs est satisfaite ou sont satisfaits. »


Nous attendons impatiemment ceux qui ne sont pas là aujourd’hui[1] pour fêter avec nous la victoire et nous souhaitons qu’ils nous reviennent tous sans tarder, joyeux d’être enfin libérés et de retrouver la France et leur cher petit village[2].


[1] Marceau Lelong, Paul Macquin, Remi Macquin, Léon Marandel, Henri Marquigny, Gaston Mauroy, Marcel Mauroy, Gaston Quentin, Robert Quentin sont rapatriés entre le 23 et le 30 mai 1945.

[2] Le maire se souvient sans doute ici du poème Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage de Joachim du Bellay : « Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village / Fumer la cheminée, et en quelle saison, / Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, / Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? »


Page 2 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 2 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Oui, nous ne sommes plus anxieux pour l’avenir immédiat ! Adieu cette pensée qui nous obsédait alors que la nostalgie de la petite patrie nous avait, au mépris des dangers et de l’incertitude du lendemain, fait rentrer dans notre chère commune[1] !


[1] Référence à la dispersion des Romanais lors de l’exode, et aux difficultés du retour liées aux complications administratives pour obtenir des autorisations des autorités allemandes.


Si l’Allemagne avait été victorieuse, nos Ardennes ne seraient pas restées françaises[1] et nous aurions dû encore nous exiler, quitter à tout jamais nos champs, dire adieu à nos horizons familiers et aimés.

[1] Le maire rappelle le traumatisme causé par trois guerres successives : Les Ardennes ont été occupées par l’armée prussienne à partir du mois de septembre 1870, par les Allemands du 29 août 1914 au 11 novembre 1918, et enfin par le Troisième Reich dès 1940.

Passage sur les Ardennes, issu du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Musée de l'Ordre de la Libération (Paris), numéro d'inventaire D1946.1.1, Collier de grand maître de l'Ordre de la Libération, œuvre réalisée par Gilbert Poillerat (1902-1988), orfèvre, décorateur et maître-ferronnier d’art français, remise le 31 août 1947 au général de Gaulle (1890-1970), fondateur et grand maître de l’Ordre de la Libération, image consultable en ligne.
Musée de l’Ordre de la Libération (Paris), numéro d’inventaire D1946.1.1, Collier de grand maître de l’Ordre de la Libération, œuvre réalisée par Gilbert Poillerat (1902-1988), orfèvre, décorateur et maître-ferronnier d’art français, remise le 31 août 1947 au général de Gaulle (1890-1970), fondateur et grand maître de l’Ordre de la Libération, image consultable en ligne.

Et si maintenant nous ne tremblons plus pour notre destinée, c’est grâce à nos vaillants alliés, c’est grâce à notre grand chef le Général de Gaule[1], comparable à notre Jeanne d’Arc nationale que nous honorons également aujourd’hui[2]. Tous deux ont toujours eu foi en la Victoire.


[1] Lire général de Gaulle. Le militaire, résistant, homme d’État et écrivain français (1890-1970) a été chef de la France libre, commandant des FFL (Forces françaises libres), président du gouvernement provisoire, fondateur et grand-maître de l’Ordre de la Libération.

[2] Cette mention permet de dater précisément le jour où le discours a été prononcé. D’un point de vue religieux, Jeanne d’Arc a été canonisée le 16 mai 1920, et sa fête religieuse fixée au 30 mai, jour du bûcher de Rouen, en 1431. Sa fête nationale est fixée au 8 mai, jour anniversaire de la délivrance d’Orléans en 1429. Par une loi du 10 juillet 1920, la République décide que le deuxième dimanche de mai sera choisi pour la fête patriotique et nationale. En 1945, il tombe le dimanche 13 mai.


Page 3 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 3 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

De Gaule[1] d’abord à la tête de quelques Français qui comme lui n’ont jamais désespéré de notre redressement, a vu, à son appel[2], grossir les rangs des braves qui sous les ordres de Leclerc[3] et de Tassigny[4], ont débarqué en Normandie[5]et[6], à Marseille[7] et en une marche victorieuse et triomphale libéré notre Alsace[8], franchi le Rhin[9], planté notre drapeau à Ulm[10] et à Bertchesgaden[11], le repaire de Hitler.


[1] Lire De Gaulle.

[2] Le 18 juin 1940. Il est une réponse au discours radiophonique du 17 juin 1940 par le maréchal Pétain.

[3] Philippe Leclerc de Hautecloque (1902-1947), alias Leclerc, compagnon de la Libération par décret du 6 mars 1941, membre de la Résistance AEF [Allied Expeditionary Force] et du Conseil de défense de l’Empire, élevé à la dignité d’Etat de maréchal de France le 23 août 1952 à titre posthume.

[4] Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952) alias Dequesne, compagnon de la Libération par décret du 20 novembre 1944, élevé à la dignité d’Etat de maréchal de France à titre posthume.

[5] Un tapis de bombes tombe dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 pour préparer le débarquement de Normandie (opération Neptune) le 6 juin 1944 (Jour J, ou D-Day en anglais), première journée de la bataille de Normandie (Operation Overlord).

[6] La conjonction de coordination a été biffée et remplacée par une virgule.

[7] La bataille de Marseille du 21 au 28 août 1944 a conduit à sa libération.

[8] La libération de Strasbourg s’est effectuée le 23 novembre 1944, celle de Colmar le 2 février 1945.

[9] Le 31 mars 1945, le franchissement du Rhin à Spire et Germersheim (Land de Rhénanie-Palatinat) par la 1re armée française lui permettent une entrée en Allemagne.

[10] Le 24 avril 1945.

[11] Lire Berchtesgaden, commune des Alpes bavaroises (Allemagne). Situé dans le quartier Obersalzberg, le Berghof était la résidence secondaire d’Adolf Hitler. Il a été détruit par un bombardement aérien le 25 avril 1945. Il n’a aucun rapport avec la Kehlsteinhaus, surnommé le « nid d’aigle ». Cette dernière n’est d’autre part pas une maison de thé, contrairement à une autre erreur : il s’agit d’une confusion avec le Teehaus am Mooslahnerkopf, qu’aimait fréquenter le Führer. La Wolfsschanze (« tanière du loup ») était quant à elle le quartier général d’Hitler à Gierłoż (Görlitz en Prusse-Orientale), dans le comté de Kętrzyn (Pologne).


La deuxième division blindée, surnommée 2e DB ou « division Leclerc », car commandée par le général Philippe Leclerc de Hautecloque (1902-1947), alias Leclerc, a débarqué en Normandie, à Utah Beach (Saint-Martin-de-Varreville), dans le département de la Manche, le 1er août 1944. Sa notice biographique est consultable en ligne sur le site du musée de l’Ordre de la Libération (Paris).

C’est aussi grâce à nos Résistants qui ont grandement contribué au succès du débarquement. A tous nous adressons, avec notre profonde admiration, nos remerciements émus.


Vidéo La Garde républicaine – Chant des partisans, musique militaire, version instrumentale consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne BnF collection sonore – chanson française.

Mais, dans l’allégresse de la Victoire, n’oublions pas ceux qui sont morts pour la défense et la gloire de la Patrie[1], les uns, soldats, broyés glorieusement à leur poste de combat, les autres, civils, tués par la mitraille ou les bombes des sinistres oiseaux du ciel[2], d’autres encore s’éteignant obscurément sur un lit d’hôpital et ceux, héros martyrs[3] auxquels les tortures[4] n’ont pas pu faire desserrer les dents, qui n’ont pas voulu livrer à l’ennemi les noms des admirables patriotes qui ont lutté dans l’ombre[5] pour la délivrance de la France[6].


[1] Lire patrie. La mention honorifique « Mort pour la France » atteste qu’une personne s’est sacrifiée pour elle.

[2] Le maire de La Romagne fait ici allusion aux bombardiers allemands, dont le Stuka ou Sturzkampfflugzeug (avion de combat en piqué).

[3] Allusion aux combattants, héros et martyrs de la Résistance.

[4] Le 22 mars 1944, Pierre Brossolette s’est suicidé pour ne pas parler. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1940, Jean Moulin a tenté de se trancher la gorge, jugeant qu’il risquait de céder.

[5] Le roman L’Armée des ombres de Joseph Kessel a paru en 1943 à Alger. Il raconte le quotidien de la Résistance française.

[6] Les « grands » de la Résistance ont autant droit aux honneurs que les « soutiers de la gloire », selon l’expression de Pierre Brossolette lors de son discours à la BBC, le 22 septembre 1942 : le maire de La Romagne pense ainsi aux jeunes résistants de la Romagne (André Barré, Robert Carbonneaux, Raymond Didier, Raymond Ravignon).


« Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes

Ni l’orgue ni la prière aux agonisants

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

Vous vous étiez servis simplement de vos armes

La mort n’éblouit pas les yeux des partisans »

Strophes pour se souvenir par Louis Aragon (1897-1982) dans Le Roman inachevé, Paris : éditions Gallimard, 1956.

Ils sont tous dignes d’une éternelle reconnaissance parce que tous ils ont offert sans compter tout ce qu’ils pouvaient offrir, leur jeunesse, leurs forces, leurs joies, leurs espérances, leur sang et leur vie.


Vidéo Il y a 80 ans : l’appel du 18 juin, extrait consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Élysée, la page officielle de la Présidence de la République française. [Nota bene : l’enregistrement original de l’appel du 18 juin 1940 ayant rapidement disparu, c’est en réalité le passage radiophonique du général de Gaulle (1890-1970) à la BBC le 22 juin 1940 qui est souvent diffusé. La version filmée date, elle, du 2 juillet 1940.]

Ils sont morts, mais leur âme survit en nous et nous dicte notre devoir : l’Union[1].


[1] Le 13 novembre 1945, l’Assemblée nationale élit le général de Gaulle président du gouvernement de la République française. Ce dernier constitue le 21 novembre un gouvernement d’union nationale.


Page 4 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 4 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Pour que la volonté française de paix[1] puisse s’imposer au monde, il faut resserrer les liens qui unissent tous les fils de notre beau pays.


[1] La capitulation allemande a permis un cessez-le-feu et a constitué un armistice, mais non un traité de paix. De nombreuses conférences internationales sur la paix et la sécurité en Europe ont donc été organisées.


L’union totale, étroite, généreuse entre tous est la condition essentielle de notre redressement[1], de notre sécurité future[2] et du salut de la France[3].


[1] Le 5 juin 1947, à Harvard, le général George Catlett Marshall (1880-1959), secrétaire d’État du président Harry Truman, annonce un programme d’aide au développement, connu depuis comme « plan Marshall ». Les Européens mettent en place le 16 avril 1948 l’OECE (Organisation européenne de coopération économique).

[2] Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent la Sécurité sociale.

[3] Le discours étant prononcé le jour de la fête nationale de Jeanne d’Arc, ce « salut » peut être entendu à la fois dans un sens « patriotique » et selon une acception « théologique ». D’après la lettre apostolique du Pape Pie XI Beata Maria Virgo in cælum assumpta in gallicæ, énoncée le 2 mars 1922, « Notre-Dame de l’Assomption est proclamée patronne principale de la France, et sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire ».


Vidéo Charles de Gaulle – extrait du discours du 25 août 1944 à Paris, consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne BnF collection sonore – livre audio.

Je termine en vous invitant tous à venir lever votre verre à la prospérité de notre France éternelle[1].


[1] Cette idée est chère au général de Gaulle, qui l’a pour cette raison mise en avant dans son discours du 25 août 1944 : « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »

Réflexion sur la grandeur de la France, issue du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).

Vidéo La Garde républicaine ; François-Julien Brun – La Marseillaise, musique militaire, hymne national de la République française, version consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne BnF collection sonore – World Music.

Mais avant je désirerais que, sous les plis de nos trois couleurs, nous chantions en chœur une fervente Marseillaise[1].
 
Vive la France ! »


[1] La Marseillaise a été décrétée chant national le 14 juillet 1795 (26 messidor an III) par la Convention. Sous le régime de Vichy (1940-1944), elle a été remplacée par le chant Maréchal, nous voilà ! Les constitutions de 1946 et de 1958 réaffirment La Marseillaise comme hymne national.

Fin du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
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Anecdotes Guerre mondiale (1939-1945) Victimes de guerre

L’exode de 1940 à La Romagne à travers un journal intime


La famille Devie-Vadez a fait don à l'église Saint-Jean du vitrail d'Éloi de Noyon. Le saint est le patron des ouvriers qui se servent d'un marteau, et plus particulièrement des forgerons, mécaniciens, chaudronniers, cloutiers, ferblantiers, maréchaux-ferrants, charrons, maquignons, fermiers, laboureurs, valets de ferme. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La famille Devie-Vadez a fait don à l’église Saint-Jean du vitrail d’Éloi de Noyon. Le saint est le patron des ouvriers qui se servent d’un marteau, et plus particulièrement des forgerons, mécaniciens, chaudronniers, cloutiers, ferblantiers, maréchaux-ferrants, charrons, maquignons, fermiers, laboureurs, valets de ferme. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Les autobiographies, les journaux intimes[1], les mémoires, les récits personnels peuvent relater des événements extérieurs, recueillir des faits historiques, dresser une chronique de leur époque, présenter un témoignage. A ce titre, ils constituent une source primaire.


[1] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2006-91433, Lejeune, Philippe ; Bogaert, Catherine, Le journal intime : histoire et anthologie, Paris : Textuel, 2005, 506 p. [Note : contient également un grand choix d’extraits de journaux de divers auteurs. – Bibliographie pages 459-494. Index].


La famille Devie-Vadez a fait don à l'église paroissiale Saint-Jean du vitrail de saint Eloi (détail). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
La famille Devie-Vadez a fait don à l’église paroissiale Saint-Jean du vitrail de saint Eloi (détail). Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Un récit de l’exode de 1940 à La Romagne a pu être établi[1] à partir de la lecture du journal manuscrit inédit de Marie-Louise Devie, fille de Jean-Baptiste Alfred Devie et de Reine Alice Vadez. Jeune femme qui atteint ses dix-sept ans pendant cette période, elle a noté son quotidien du 14 mai 1940 au 11 juillet 1941.


[1] Avec l’aimable autorisation de monsieur Martial Bertrand, fils de Marie-Louise Devie et de René Bertrand.


Ancien coq de l'église Saint-Jean, déposé à la mairie. Prise de vue effectuée le vendredi 13 mai 2011 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Ancien coq de l’église Saint-Jean, déposé à la mairie. Prise de vue effectuée le vendredi 13 mai 2011 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le 14 mai 1940, pressentant l’arrivée imminente des Allemands, une partie de la famille[1] de Jean-Baptiste Devie, cultivateur à la Bouloi[2], décide de quitter le village. Elle le fait malgré les quolibets des gens du pays, tandis que d’autres membres[3] restent sur place.


[1] La mère Reine Alice Vadez, la grand-mère Marie-Louise Vadez, le fils Louis, la fille Marie-Louise et Reine Marie Lefèvre, cousine germaine de Marie Louise.

[2] Ferme de La Romagne.

[3] Le père Jean-Baptiste Devie, le fils cadet Victor, et l’autre grand-mère Marie Ursule Jennepin (qui ne veut pas partir).


Cheval ardennais, héliogravure en quadrichromie, timbre dessiné par Roxane Jubert d'après une photographie de Varin-Visage Frères (Agence Jacana).
Cheval ardennais, héliogravure en quadrichromie, timbre dessiné par Roxane Jubert d’après une photographie de Varin-Visage Frères (Agence Jacana).

C’est ainsi que, dans une charrette attelée de chevaux et conduite par Louis[1], ces cinq personnes partent sur les routes ardennaises avant de traverser le département de l’Aisne. Elles y subissent, dès le lendemain, les premiers bombardements aux environs d’Evergnicourt, avant d’être confrontées aux voies encombrées le surlendemain.


[1] Le fils aîné.


Timbre illustrant l'été, d'après Nicolas Mignard dessiné par Pierre Gandon et gravé par Pierre Béquet en taille-douce brun-jaune.
Timbre illustrant l’été, d’après Nicolas Mignard dessiné par Pierre Gandon et gravé par Pierre Béquet en taille-douce brun-jaune.

Il leur faut quatre jours pour atteindre Montdauphin (Seine-et-Marne), non sans avoir passé des nuits parfois écourtées et fraîches sous un hangar, dans la paille d’une grange, ou dans une maison au confort très rudimentaire.


Détail du clocher de l'église Saint-Jean. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Détail du clocher de l’église Saint-Jean. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Lors d’une halte d’une journée, ils rencontrent fortuitement des Romanais[1]. Ces derniers leur annoncent la mort d’Aimé Vuillemet et de Marthe Mauroy à la suite de l’explosion d’une bombe sur l’église. Plus tard, d’autres habitants de La Romagne croisés en chemin leur apprennent que « la maison Lucie Bonpart sert de Kommandantur ».


[1] Modeste et Guillaume Marandel.


L'église paroissiale de Courceaux (Seine-et-Marne) est rattachée à Notre-Dame de la Visitation.
L’église paroissiale de Courceaux (Seine-et-Marne) est rattachée à Notre-Dame de la Visitation.

Ils se remettent en route dès le 20 mai et arrivent le lendemain dans le village de Courceaux (Yonne). Ils restent dans les environs jusqu’au 4 juin, où ils reçoivent un bon accueil et sont logés dans des maisons inhabitées.

Durant tout ce temps, ces réfugiés cherchent et trouvent du travail dans les fermes environnantes, soit en fanant ou en conduisant des voitures de foin (les femmes en particulier font de la couture ou des lessives).

En échange, ils reçoivent de la nourriture, de la boisson et parfois un peu d’argent. Durant cette période, ils ont le bonheur de recevoir des nouvelles du chef de famille qui a, à son tour, quitté La Romagne pour les rejoindre.


Cheval ardennais, héliogravure en quadrichromie, timbre dessiné par Elodie Dumoulin.
Cheval ardennais, héliogravure en quadrichromie, timbre dessiné par Elodie Dumoulin.

Le 5 juin, nouveau départ ! La famille délaisse Courceaux pour arriver deux jours plus tard entre Bellegarde et Lorris (Loiret). Elle y reste jusqu’au 11 juin, chacun travaillant durant ces longues journées. Lors du déplacement suivant, elle croise de nombreux soldats et doit se séparer d’un des chevaux[1] qui, blessé, ne peut continuer. La pauvre bête est vendue à un boucher.


[1] La jument Dragonne.


La guerre éclair (der Blitzkrieg) s'impose dans la bataille de France de 1940. Elle s'appuie sur le Junkers Ju 87, communément appelé Stuka (de l’allemand Sturtzkampfflugzeug = bombardier en piqué).
La guerre éclair (der Blitzkrieg) s’impose dans la bataille de France de 1940. Elle s’appuie sur le Junkers Ju 87, communément appelé Stuka (de l’allemand Sturtzkampfflugzeug = bombardier en piqué).

Le 13 juin, le département du Cher est atteint mais les parcours qui couvraient journellement une petite cinquantaine de kilomètres sont réduits à une douzaine comme d’Argent-sur-Sauldre à Aubigny-sur-Nère, ou de cette dernière ville à Lury-sur-Arnon. Ces ralentissements sont dus aux bombardements, au reflux de soldats et à la proximité des Allemands qui sont à Châteauroux.


A Issoudun, Notre-Dame est liée à une personne (le Christ) et non à un lieu, comme ce peut être le cas pour d'autres sanctuaires.
A Issoudun, Notre-Dame est liée à une personne (le Christ) et non à un lieu, comme ce peut être le cas pour d’autres sanctuaires.

Quand elle arrive enfin à Issoudun (Indre) le 17 juin, jour de l’armistice, la famille Devie-Vadez retrouve d’autres réfugiés de La Romagne. Elle se stabilise jusqu’au 5 juillet dans les environs, logeant tantôt à Condé, Sarzay ou Fougerolles, en fonction des travaux des champs et des lieux disponibles.


Timbre de Bruno Ghiringhelli illustrant les vendanges, héliogravure polychrome.
Timbre de Bruno Ghiringhelli illustrant les vendanges, héliogravure polychrome.

Le début du mois de juillet marque pour elle le départ pour La Romagne. Le retour est envisagé avec joie. Celle-ci est de courte durée car c’est sans compter sur la décision allemande de faire des Ardennes une zone interdite. La nécessité d’avoir des laissez-passer ne se discute pas.

Du jour au lendemain, l’espoir de retrouver bientôt la terre natale s’éteint. La famille retourne dans une ferme où elle a déjà logé. La vie s’organise une nouvelle fois entre les travaux et les soins de la terre, les récoltes, les vendanges et les rencontres amicales entre Romanais, que ce soit avec les Malherbe, monsieur Cugnart, Les Bonhomme.

Les semaines et les mois passent quand, le 11 juillet 1941, les papiers nécessaires sont enfin en règle. Le retour à La Romagne est désormais une certitude…

Vue panoramique du clocher du village. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Vue panoramique du clocher du village. Prise de vue effectuée le dimanche 3 septembre 2017 à La Romagne (Ardennes). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

DateDépartementsCommunes et lieux-dits
14 mai 1940ArdennesLa Romagne – Givron – Doumely – Chappes – Saint-Fergeux – Hannogne-Saint-Rémy – Banogne-Recouvrance – Le Thour
15 maiArdennesAisneVillers-devant-le-Thour – Avaux-le-Château – Asfeld
 
Evergnicourt – Neufchâtel-sur-Aisne – Menneville – Guignicourt[1]PontavertConcevreux


[1] Ancienne commune, qui a fusionné avec Menneville pour devenir Villeneuve-sur-Aisne.
16 maiAisneMaizy – Villers-en-Prayères – Viel-Arcy – Braine – Limé – Quincy-sous-le-Mont – Jouaignes – Loupeigne – Villemoyenne – Fère-en-Tardenois – Beuvardes
17 maiAisneMont-Saint-PèreMézy-Moulins – Crézancy – Saint-Eugène – Celles-sur-AisneCondé-en-Brie
18 maiAisneSeine-et-MarnePargny-la-Dhuys – Artonges – Marchais-en-Brie
 
La Celle-sur-MorinMontdauphin
19 maiHalte
20 maiSeine-et-MarneMontolivet – Meilleray – La Chapelle-Véronge[1] – [Prellay[2]] – Marchais – Voigny – Villiers-Saint-Georges – Léchelle – Sourdun


[1] Ancienne commune, devenue La Chapelle-Moutils suite à sa fusion-association avec Moutils.
[2] Lieu non identifié.
21 maiSeine-et-MarneHermé – Sancy-lès-Provins – Noyen-sur-Seine, Fontaine-Fourches – Courceaux
22 mai-4 juinHalte
5 juinYonnePlessis-du-Mée – Pailly – Plessis-Saint-Jean – SerginesMichery – Compigny – Pont-sur-Yonne – Saint-Sérotin – Brannay
6 juinYonneLoiretFontaines – Saint-ValérienLa BellioleDomats – [Chantecoq[1]] – Champgrand – Savigny-sur-Clairis
 
Courtenay La Chapelle-Saint-SépulcreMontargisVillemandeur

[1] Lieu-dit non identifié.
7 juinLoiretPannesSaint-Maurice-sur-FessardBellegardeLorris
8-9 juinHalte
10 juinLoiretMontereau – Gien
11 juinHalte
12 juinCherArgent-sur-SauldreAubigny-sur-Nère
13 juinCherLa Chapelle-d’AngillonVierzonLury-sur-Arnon
14 juinCherIndreMéreau
 
ReuillySainte-LizaigneIssoudun
15-16 juinHalte
17 juinIndreCondé – Saint-Léger – Ambrault Saint-Août
18 juinIndreSaint-Chartier – Sarzay – Fougerolles
19 juin-4 juilletHalte
5 juilletIndreFougerolles – Sarzay – Nohant-Vic – Saint-Chartier
6 juillet 1940IndreSaint-Août – Meunet-Planches   – Villaines – Issoudun.
7 juillet 1940-10 juillet 1941Halte
11 juillet 1941IndreArdennesDépart pour La Romagne
De La Romagne (Ardennes) à Issoudun (Indre), l’itinéraire de l’exode de 1940 par la famille Devie-Vadez.
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Guerre mondiale (1939-1945) Militaires

Les natifs de La Romagne mobilisés en 1939-1945 (A-Z)


Le blog laromagne.info commémore l'appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de conserver : « Aucune cérémonie créée à l’origine pour enraciner le souvenir d’un événement historique local ne doit disparaître. »
Le blog laromagne.info commémore l’appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de conserver : « Aucune cérémonie créée à l’origine pour enraciner le souvenir d’un événement historique local ne doit disparaître. »

Bien que les délais de communicabilité des archives publiques ne permettent pas d’en dresser une liste exhaustive dans l’état actuel de la recherche, il reste possible de citer quelques jeunes hommes natifs de La Romagne qui ont été mobilisés pendant la Seconde Guerre mondiale.


Bart, Jean Hubert Joseph, palefrenier, classe de mobilisation 1930, n° de matricule du recrutement 888, né le 18 mars 1910 à La Romagne, fils d’Arthur Hubert Paul Bart et de Marthe Marie Léonie Laroche, rappelé à l’activité par application de l’ordre de mobilisation générale en date du 9 septembre 1939, classé EM 2e groupe du 57e RAD[1] le 4 septembre 1939, puis dirigé sur le dépôt d’artillerie n° 27 à Chaumont (Haute-Marne) pour affectation spéciale le 6 février 1940. Jean Bart est classé dégagé des obligations militaires[2].


[1] Régiment d’artillerie divisionnaire.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 410 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Monsieur Marcel Bonhomme †, photographie ancienne en noir et blanc sur carte postale, datée du dimanche 30 juin 1940, (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Monsieur Marcel Bonhomme †, photographie ancienne en noir et blanc sur carte postale, datée du dimanche 30 juin 1940, (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Bonhomme, Marcel Fernand, instituteur, classe de mobilisation 1936, n° de matricule du recrutement 444, né le 21 février 1920 à La Romagne, fils de Désiré Vital Bonhomme et de Blanche Georges, rappelé à l’activité le 8 juin 1940, affecté du 11 au 25 juin 1940 auprès du DA[1] n° 341 de sa ZDA[2], démobilisé et radié du corps par le centre de Lourdes.

Il rejoint les chantiers de jeunesse (groupe 10) du 23 octobre 1940 au 2 février 1941 (services comptant comme service militaire). Rappelé à l’activité à compter du 25 juillet 1945, il est affecté au COI[3] n° 106 à Troyes. Marcel Bonhomme est rendu à la vie civile le 24 octobre 1945[4].


[1] Dépôt d’artillerie.

[2] Zone des armées.

[3] Centre d’organisation et d’instruction.

[4] Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Monsieur Albert Carbonneaux †, gendarme, hiver 1939-1940 à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Monsieur Albert Carbonneaux †, gendarme, hiver 1939-1940 à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Carbonneaux, Albert, n° de matricule du recrutement 450, né le 13 février 1920 à La Romagne, fils d’Aristide Carbonneaux et d’Adèle Fétrot. Il rejoint le dépôt d’artillerie tracteurs n° 341 à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Démobilisé le 22 mars 1941 par le centre de Montpellier (Hérault), il se retire au moulin de la Bonde près d’Issoudun (Indre). Albert Carbonneaux devient ensuite gendarme[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Carbonneaux, Maurice André, classe de mobilisation 1925, n° de matricule du recrutement 107, né le 18 février 1905 à La Romagne, fils de Nicolas Aristide Carbonneaux et de Marie-Angèle Fétrot. Maintenu affecté spécial au titre de la SNCF en septembre 1939, Maurice Carbonneaux est démobilisé le 3 août 1943[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 378 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Carbonneaux, Robert, n° de matricule du recrutement 451, né le 22 février 1920 à La Romagne, fils de Marceau Carbonneaux et d’Angèle Ferrasse, versé comme requis civil à la 26e compagnie de jeunesse à Lacourt (Ariège). Robert Carbonneaux est démobilisé le 31 janvier 1941.


Cugnart, Alcide Joseph, cultivateur, n° de matricule du recrutement 2148, né le 13 avril 1897 à La Romagne, fils de Victor Cugnart et de Marie Sidonie Devie, rappelé à l’activité le 27 août 1939, affecté au dépôt n° 23. Renvoyé dans ses foyers le 28 août 1939. Le 2 juin 1940, Alcide Cugnart se retire au château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée).


Devie, Albert Victor, cultivateur, n° de matricule du recrutement 235, né le 29 avril 1902 à La Romagne, fils de Charles Onézime Devie et de Marie Berthe Picard, affecté spécial à la mobilisation générale du 2 septembre 1939 au titre de la SNCF. Maintenu au service auxiliaire par la commission de réforme de Reims (Marne) du 19 mars 1940, Albert Devie est démobilisé le 3 juillet 1941 par le centre de Riom (Puy-de-Dôme)[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Devie, Paul Emile, cultivateur, n° matricule du recrutement 236, né le 29 avril 1902 à La Romagne, fils de Charles Onézime Devie et de Marie Berthe Picard, rappelé le 24 août 1939 au 348e régiment d’infanterie. Paul Devie passe au 133e régiment d’infanterie de forteresse le 6 avril 1940, puis est attaché au dépôt d’infanterie n° 204[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Lesein, Numa Edmond, né le 27 mai 1900, fils de Paul Lesein et de Maria Guerlet. Rappelé à l’activité le 24 août 1939, il est affecté à la circulation routière, et maintenu en service auxiliaire. Le 2 juin1940, il se retrouve à La Davière[1] puis à La Caillère-Saint-Hilaire (Vendée). Il est démobilisé par le centre départemental de La Chataigneraie (Vendée) le 27 août 1940. Numa Lesein se retire alors à Saint-Sulpice-en-Pareds (Vendée).


[1] Saint-Sulpice-en-Pareds (Vendée).


Macquin, André Jules, né le 30 décembre 1899 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie-Angèle Lantenois, affecté à la 1e légion de la garde républicaine mobile à Arras (Pas-de-Calais) le 1er février 1940.


Malherbe, Marcel Maurice, cidrier, classe de mobilisation 1938, n° matricule du recrutement 399, né le 13 août 1918 à La Romagne, fils de Georges Malherbe et de Lucie Bonpart, incorporé au 91e régiment d’infanterie de forteresse[1] à Mézières à compter du 1er septembre 1938.

Nommé caporal-chef au 1er mai 1939, il est ensuite affecté au 148e RIF[2] le 2 septembre 1939. Démobilisé le 4 novembre 1940, Marcel Malherbe se retire à Coulanges-sur-Yonne (Yonne)[3].


[1] Unité militaire française spécialisée dans la défense des fortifications de la ligne Maginot, durant les années 1930 jusqu’à 1940.

[2] Régiment d’infanterie de forteresse.

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 457 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Mauroy, Raymond, mécanicien, n° matricule du recrutement 18, classe de mobilisation 1939, né le 9 novembre 1919 à La Romagne, fils d’Henry Mauroy et de Lucie Devie. Il est incorporé au dépôt d’artillerie n° 420, à la 74e batterie, à compter du 9 juin 1940. Il est démobilisé le 31 juillet 1940 à Saint-Girons (Ariège). Le 1e juin 1940, il est réfugié aux Lucs-sur-Boulogne (Vendée) chez monsieur Grelet, garagiste.

Le 1er août 1940, il passe à la 26e compagnie de jeunesse[1]. Il est démobilisé le 31 août 1941. Ce service comptant comme service militaire, conformément à l’instruction 13-172 EMA[2] du 9 décembre 1945[3]. Au 30 novembre 1942, Raymond Mauroy est travailleur en Allemagne à Solingen (Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie)[4].


[1] Par un décret signé le 30 juillet 1940, les hommes incorporés en juin 1940 et relevés de leurs obligations militaires sont versés dans des groupements constitués sous l’autorité du ministre de la Jeunesse et de la famille.

[2] Etat-major des armées.

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 462 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].

[4] Archives départementales des Ardennes, 112 W 11 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Modeste, Axile Fernand Georges, principal clerc de notaire, n° de matricule du recrutement 339, né le 17 octobre 1894 à La Romagne, fils de Florent Joseph Emile Modeste et de Marie Elisabeth Millet. Rappelé le 26 août 1939, il est affecté au 29e régiment régional, rattaché au dépôt d’infanterie n° 24.

Nommé au grade de caporal le 9 février 1940 à La Romagne (ordre du 29e RR[1] n°24, décrets des 10 et 11 février 1940). Il passe au dépôt d’infanterie n° 21 le 12 février 1940. Non prisonnier[2]. Axile Modeste est démobilisé le 12 juillet 1940.


[1] Régiment régional.

[2] Selon la mention inscrite dans son dossier.


Ravignon, Aurèle Adrien, n° de matricule de recrutement 144, né le 25 octobre 1901 à La Romagne, fils de Jean Baptiste Ulysse Ravignon et de Marie Ernestine Philippot. Rappelé à l’activité le 26 août 1939, affecté au 29e régiment régional, 4e bataillon, 14e compagnie. Aurèle Ravignon est démobilisé le 28 octobre 1939.


Robert, Jean-Baptiste Paul, rattaché à la classe de mobilisation 1927, n° de matricule du recrutement 273, né le 11 mai 1911 à La Romagne, fils de Paul Lucien Robert et de Marie Berthe Thonnelier. Rappelé à l’activité et affecté au 148e RI[1], il est classé affecté spécial comme ajusteur outilleur. Jean-Baptiste Robert est renvoyé dans ses foyers le 14 décembre 1939[2].


[1] Régiment d’infanterie.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 415 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].

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Les natifs de La Romagne prisonniers de guerre en 1939-1945 (A-Z)


Le blog laromagne.info commémore l'appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de transmettre : « Aucun élève ne doit quitter sa scolarité sans avoir visité au moins un site mémoriel combattant et avoir participé au moins à une cérémonie patriotique. »
Le blog laromagne.info commémore l’appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de transmettre : « Aucun élève ne doit quitter sa scolarité sans avoir visité au moins un site mémoriel combattant et avoir participé au moins à une cérémonie patriotique. »

Bonhomme, Pierre, Georges, charpentier puis militaire de carrière, sous-officier du génie, décoré de la médaille militaire[1], né le 6 janvier 1910 à La Romagne, fils de Désiré Vital Bonhomme et de Blanche Georges, n° de matricule 891. Il est fait prisonnier à Goviller (Meurthe-et-Moselle) le 21 juin 1940[2].


[1] Attribuée par un décret paru au Journal officiel de la République française n° 239 du 9 octobre 1949, page 10146, qui mentionne dix-huit ans de service et six campagnes.

[2] Liste du Frontstalag 162.

Médaille militaire (avers) de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Médaille militaire (avers) de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Attestation du 4 décembre 2008 délivrée par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) de Genève certifiant posséder les renseignement sur le parcours de prisonnier de guerre de monsieur Pierre Bonhomme  †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Attestation du 4 décembre 2008 délivrée par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) de Genève certifiant posséder les renseignement sur le parcours de prisonnier de guerre de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Il est dirigé vers un camp provisoire[1]. D’après une liste officielle des prisonniers français n° 28 du 9 octobre 1940, il est au Frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (Meurthe-et-Moselle). Il porte le numéro de prisonnier 6987 et se trouve dans le quartier n° 4. Une liste nominative du camp d’Ecrouves (Meurthe-et-Moselle) datée du 13 juillet 1940 indique qu’il s’y trouve à ce moment-là.


[1] Fiche bristol [Karteikarte] du Frontstalag 162 en date du 9 octobre 1940.


L'Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII B Krems-Gneixendorf et Stalag III D Berlin (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII B Krems-Gneixendorf et Stalag III D Berlin (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

A partir du 4 octobre 1940, il est au Stalag XVII B Krems-Gneixendorf[1]. C’est dans ce camp qu’il reçoit son immatriculation de prisonnier de guerre[2] n° 53026. Il se retrouve ensuite au Stalag III B Fürstenberg (arrondissement de l’Oder-Spree), d’après sa fiche bristol[3] du 9 octobre 1940.


[1] Gneixendorf est un village près de Krems-sur-le-Danube (Krems an der Donau) situé dans le Land de la Basse-Autriche.

[2] Kriegsgefangener.

[3] Karteikarte.


Carte de l'emplacement des Stalags en Allemagne (1940-1945).
Carte de l’emplacement des Stalags en Allemagne (1940-1945).

Cette ville correspond à l’actuelle Eisenhüttenstadt (Land du Brandebourg), en Allemagne. Cette ville nouvelle est issue de la fusion en 1961 de Fürstenberg, Staline-Ville[1], et Schönfließ. Cet immense camp se situe dans la vallée de l’Oder est situé à cent vingt kilomètres au sud-est de Berlin et à environ soixante kilomètres de la frontière polonaise[2]. C’est pour les autorités allemandes un camp modèle[3].


[1] Stalinstadt.

[2] La voie ferrée conduisant à Berlin et le canal de l’Oder forment en quelque sorte les limites naturelles du camp.

[3] Modelllager.


Détail de l'emplacement de quelques Stalags en Allemagne (1940-1945).
Détail de l’emplacement de quelques Stalags en Allemagne (1940-1945).

Selon une liste allemande datée du 20 novembre 1940, il est transféré au Stalag III A Luckenwalde[1] sous le n° 53021 le 13 novembre 1940 depuis le Stalag XVII B Krems-Gneixendorf. Il est présent dans le Stalag III D Berlin[2] le 24 novembre 1940, selon une carte de capture dont le tampon très effacé semblerait être du 18 décembre 1940.


[1] Land du Brandebourg, en Allemagne.

[2] Berlin-Lichterfelde est un quartier de Berlin dans l’arrondissement de Steglitz-Zehlendorf.


Carte du combattant n° 143757 de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Carte du combattant n° 143757 de monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

D’après une liste n° 111 reçue le 24 mars 1941 et une fiche de capture du CICR[1] du 1e décembre1944, il est probable qu’il est encore dans ce camp pendant cette période. Il semble qu’il y reste jusqu’à la libération de ce camp en avril 1945. D’après sa fiche nominative du Frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (Meurthe-et-Moselle), Pierre Bonhomme est rapatrié le 27 mai 1945 au centre de Maubeuge (Nord)[2].


[1] Comité international de la Croix-Rouge.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 410 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Musée de la Reddition du 7 mai 1945 (Reims), numéro d'inventaire R.853, acte de capitulation rédigé par les Alliés, texte dactylographié à l’encre noire, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.
Musée de la Reddition du 7 mai 1945 (Reims), numéro d’inventaire R.853, acte de capitulation rédigé par les Alliés, texte dactylographié à l’encre noire, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer.

Fouquet, Henri Albert, n° de matricule du recrutement 411, né le 20 octobre 1907 à La Romagne, fils de Gustave Fouquet et de Marie Carbonneaux, rappelé à l’activité le 2 octobre 1939, affecté au dépôt du génie n° 15. Il est fait prisonnier le 21 juin 1940 à Rambervillers (Vosges). Henri Fouquet[1] est interné au camp de transit de Baccarat (Meurthe-et-Moselle) avant d’être démobilisé par le comité départemental le 28 août 1941.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 392 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Pour nos prisonniers de guerre, timbre  brun carminé en taille douce, collé sur des cahiers de captivité de prisonniers de guerre du Stalag IV-B Mühlberg (1940).
Pour nos prisonniers de guerre, timbre  brun carminé en taille douce, collé sur des cahiers de captivité de prisonniers de guerre du Stalag IV B Mühlberg (1940).

Lelong, Marceau Alfred, domestique de culture, classe de mobilisation 1927, n° de matricule de recrutement 1308, né le 11 novembre 1912 à La Romagne, fils de Jules Alcide Lelong et de Marie Claire Faveaux, rappelé le 26 août 1939 au 29e régiment régional.

Il passe au 22e régiment régional le 16 janvier 1940. Il est fait prisonnier à Etampes (Essonne) le 15 juin 1940. Interné au Stalag IV B Mühlberg[1], à une cinquantaine de kilomètres de Dresde. Il a le matricule n° 72021. Rapatrié le 30 mai 1945, Marceau Lelong est démobilisé le 1er juin 1945 par le comité départemental de Charleville[2].


[1] Ville allemande située dans l’arrondissement d’Elbe-Elster (Land du Brandebourg).

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 423 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Monsieur Pierre Bonhomme †, titulaire de la médaille militaire depuis plus de 50 ans (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Monsieur Pierre Bonhomme †, titulaire de la médaille militaire depuis plus de 50 ans (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Lequeux, Armand Adonis, ferronnier, n° de matricule du recrutement 111, né le 19 mars 1915 à La Romagne, fils de Victor Eugène Lequeux et de Marie Georgette David, convoqué le 29 mars 1939 au 91e régiment d’infanterie, il passe au 295e régiment d’infanterie le 2 septembre 1939.

Fait prisonnier à La Salle[1] (Saône-et-Loire) le 28 juin 1940. Interné au Stalag II A Neubrandenbourg[2]. Il porte le numéro de prisonnier 66459. Malade, il est rapatrié le 4 juin 1941 et est démobilisé le 9 juillet 1941. Armand Lequeux se retire alors à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine)[3].


[1] Près de Mâcon (Saône-et-Loire).

[2] Ville d’Allemagne située dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, au nord de Berlin.

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 442 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Macquin, Paul Adolphe, classe de mobilisation 1925, n° de matricule du recrutement 119, né le 7 janvier 1905 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie-Angèle Lantenois, rappelé à l’activité par mesure de mobilisation générale, il est affecté au dépôt ALVF[1] n° 209.

Parti aux armées le 11 février 1940 et affecté au 374e RALVF[2] 13e bataillon le 1er avril 1940. Il est fait prisonnier à « Archambeau[3] » le 20 juin 1940. Interné au Stalag II C Greifswald[4] sous le n° de prisonnier 3355. Paul Macquin est rapatrié le 28 mai 1945[5].


[1] Artillerie lourde sur voie ferrée.

[2] Régiment d’artillerie lourde sur voie ferrée.

[3] Sic, id est Bourg-Archambault (Vienne).

[4] Ville du nord de l’Allemagne (Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale).

[5] Archives départementales des Ardennes, 1R 378 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Reconnaissance des services rendus à la France par monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Reconnaissance des services rendus à la France par monsieur Pierre Bonhomme † (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Macquin, Rémi Jean, commis de perception, né le 5 mars 1911 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie Angèle Lantenois, n° de matricule du recrutement 110.

Rappelé à l’activité le 2 septembre 1939, il est fait prisonnier à Saint-Dié (Vosges) le 22 juin 1940. Interné au Stalag XIII D Nuremberg-Langwasser[1] sous le n° de prisonnier 88022. Libéré le 5 mai 1945 et rapatrié le même jour, Rémi Macquin est démobilisé le 16 mai 1945 par le comité départemental de Charleville[2].


[1] Land de Bavière.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 415 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Monsieur Jean Malherbe † pose devant sa voiture. Hotchkiss est un constructeur automobile et manufacturier d'armes français, qui a produit des véhicules militaires jusqu'en 1969. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Monsieur Jean Malherbe † pose devant sa voiture. Hotchkiss est un constructeur automobile et manufacturier d’armes français, qui a produit des véhicules militaires jusqu’en 1969. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Malherbe, Eugène Jean, employé de commerce, n° de matricule du recrutement 230, né le 20 février 1913 à La Romagne, fils de Georges Malherbe et de Lucie Bonpart, rappelé à l’activité à la 2e section de COMA[1] le 25 août 1939 et affecté au groupe d’exploitation de la 52e division d’infanterie.

Nommé sergent le 21 juin 1940. Fait prisonnier à La Bourgonce (Vosges) le 22 juin 1940. Interné au Stalag XIII D Nuremberg-Langwasser. Eugène Jean Malherbe est rapatrié le 23 avril 1945 et démobilisé par le centre des Ardennes le 1er juin 1945.


[1] Commis et ouvriers militaires d’administration.


Marandel, Léon André, cultivateur, maréchal-ferrant, classe de mobilisation 1922, soldat au 140e régiment d’artillerie, n° de matricule du recrutement 244, né le 27 janvier 1902 à La Romagne, fils de Alfred Célestin Marandel et d’Eugénie Chéry.Rappelé à l’activité le 23 août 1939, il est fait prisonnier à Epinal (Vosges) et interné au Stalag XII D Trier[1]/Petrisberg sous le n° de prisonnier 1564. Rapatrié, Léon Marandel est démobilisé le 5 novembre 1945 par le comité départemental d’Amiens[2].


[1] Trèves est une ville du sud-ouest de l’Allemagne (Land de Rhénanie-Palatinat).

[2] Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Marquigny, Henri Emile, ouvrier de culture, classe de mobilisation 1922, né le 20 mars 1906 à La Romagne, mort pour la France[1], n° matricule du recrutement 408, fils de Joseph Louis Emile Marquigny et de Marie Ida Boitte. Rappelé à l’activité le 20 septembre 1939 et affecté au 301e RALP[2].

Après un séjour à l’hôpital de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) du 20 octobre 1939 au 24 février 1940 et sa convalescence, il rejoint le dépôt d’artillerie n° 302 le 17 mars 1940. Il est affecté le 29 mars 1940 au parc de munitions d’armée et passe à la 662e compagnie du parc de munitions d’armée.

Fait prisonnier le 12 juin 1940 au fort de La Chaume[3]. Henri Marquigny est rapatrié le 30 mai 1945 et décède quelques mois plus tard à l’hôpital militaire de Mézières le 5 octobre de la même année[4].


[1] Il figure à ce titre sur le monument aux morts de La Romagne.

[2] Régiment d’artillerie légère portée.

[3] Thierville-sur-Meuse, près de Verdun (Meuse).

[4] Archives départementales des Ardennes, 1R 385 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Mauroy[1], Gaston Auguste, n° de matricule du recrutement 269, né le 2 juillet 1902 à La Romagne, fils de Charles Emile Mauroy et de Juliette Léonie Bailly. Il est fait prisonnier à Maubert-Fontaine. Il est interné au Stalag XII A Limburg an der Lahn[2] sous le n° de prisonnier 21506. Gaston Mauroy est démobilisé le 31 mai 1945 par le comité départemental de Charleville.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].

[2] Limbourg-sur-la-Lahn (Land de la Hesse).


Monsieur Marcel Mauroy † et d'autres prisonniers de guerre, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Monsieur Marcel Mauroy † et d’autres prisonniers de guerre, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).

Mauroy, Marcel Charles, n° de matricule du recrutement 59, né le 6 mai 1904 à La Romagne, fils de Charles Emile Mauroy et de Marie Juliette Léonie Bailly. Rappelé à l’activité le 24 août 1939, affecté au 17e RAD[1].

Fait prisonnier le 22 juin 1940 à La Bourgonce (Vosges). Il est interné au Stalag XIII B Weiden/Oberpfalz[2]. Il est rapatrié le 25 mai 1945 sous le matricule 83774. Marcel Mauroy est démobilisé par le comité départemental de Charleville le 30 mai 1945[3].


[1] Régiment d’artillerie divisionnaire.

[2] Weiden in der Oberpfalz (Land de la Bavière).

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 371 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Miclet, Henri Léon, domestique, n° de matricule du recrutement 60, né le 16 février 1916 à La Romagne, fils de Paul Georges Miclet et de Célestine Constance Destrez. Rappelé à l’activité le 20 août 1939, affecté à la CM[1]. Capturé le 12 juin 1940 à Saint-Valéry-en-Caux (Seine-Maritime), il est au Stalag IX C Bad Sulza[2] sous le n° de prisonnier 3940. Rapatrié le 9 juin 1941 comme aîné de cinq enfants. Démobilisé par le comité départemental de Guéret (Creuse) le 25 juin 1941[3], Henri Miclet se retire à Lérat (Creuse).


[1] Cavalerie montée.

[2] Land de Thuringe.

[3] Archives départementales des Ardennes, 1R 448 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Miclet, Joseph Emile, charron,classe de mobilisation 1926, n° de matricule du recrutement 434, né le 12 octobre 1906 à La Romagne, fils de Georges Miclet et de Célestine Destrez. Rappelé à l’activité le 25 août 1939 au dépôt d’artillerie n° 2.

Il est fait prisonnier à Redon (Ille-et-Vilaine) le 23 juin 1940, et est interné dans un Frontstalag sous le n° de prisonnier 11303 avant d’être mis en congé de captivité le 18 juillet 1941. Joseph Miclet est démobilisé le 1er août 1941[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 385 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Quentin, Gaston Fernand, militaire, n° de matricule du recrutement 490,décoré de la médaille militaire par décret du 21 décembre1954[1], né le 1er février 1920 à La Romagne, fils de Louis Albert Quentin et de Marie-Juliette Bosserelle.

Engagé en 1938 à l’intendance militaire de Versailles (Yvelines), il est affecté au 2e régiment du génie à Metz (Moselle) et est nommé caporal le 28 juillet 1938 puis sergent le 1er avril 1939. Il est fait prisonnier le 4 juillet 1940 et est interné au Stalag VII A Moosburg[2] avec le n° de prisonnier 30746.

Il est rapatrié le 23 mai 1945 et, après une permission d’un mois, il est dirigé en septembre 1945 à Bad-Salzig[3] en Allemagne. Gaston Quentin poursuit sa carrière militaire et devient officier[4].


[1] Journal officiel de la République française n° 5 du 5 janvier 1954.

[2] Land du Bade-Wurtemberg.

[3] Land de la Rhénanie-Palatinat.

[4] Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Quentin, Robert Léon, cultivateur puis militaire de carrière, n° de matricule du recrutement 63, né le 13 mai 1914 à La Romagne, fils de Louis Albert Quentin et de Marie Juliette Bosserelle. Après son engagement en 1932 et diverses affectations, il est nommé sergent au 105e régiment d’infanterie en juillet 1939. 

Le 18 septembre 1939, il est affecté à la CHR[1] du dépôt d’infanterie 64. Il est muté le 1e janvier 1940 à une compagnie de passage[2]. Son contrat est maintenu tacitement. Muté à la CBI[3] le 24 mai 1940, il rejoint le DI 83[4] le 15 juin 1940 par ses propres moyens. Fait prisonnier[5] le 24 juin 1940, Robert Quentin est rapatrié le 15 juin 1945[6].


[1] Compagnie hors rang.

[2] Les documents consultés n’ont pas permis d’identifier laquelle.

[3] Compagnie de base et d’instruction.

[4] A Auxerre (Yonne).

[5] Aucun renseignement n’est donné sur le lieu de son emprisonnement.

[6] Archives départementales des Ardennes, 1R 434 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].


Roncin[1], Henri Albert, ouvrier agricole, classe de mobilisation 1928, n° de matricule de recrutement 1093, né le 17 juin 1908 à La Romagne, fils de Calixte Sulpice Roncin et de Valentine Angèle Depurrieux. Rappelé à l’activité le 24 août 1939 et affecté au 348e régiment d’infanterie.

Il est fait prisonnier le 28 juin 1940 à Fontenay-le-Comte (Vendée) et interné au Stalag VIII C Żagań[2] sous le n° de prisonnier 11136. Henri Roncin est rapatrié et démobilisé le 26 septembre 1942 par le comité départemental de Charleville.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 400 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].

[2] Ville de Pologne connue aussi sous son nom allemand de Sagan.


Plusieurs hommes du rang nés à la Romagne ont donc été faits prisonniers de guerre en Allemagne dans les Stalags[1] du Troisième Reich. Si le sort des détenus des camps de concentration et d’extermination nazis est aujourd’hui mieux connu, celui des militaires emprisonnés en 1939-1945 reste encore un vaste champ d’étude. Il semble donc important d’expliciter ce que ces militaires romanais ont pu vivre…


[1] Abréviation de Kriegsgefangenen-Mannschafts-Stammlager (camp de base de prisonniers de guerre).


Entre mai et juin 1940, le soldat est le plus souvent envoyé, après sa capture, dans un Frontstalag[1]. C’est un lieu de rassemblement pour prisonniers de guerre de tous grades, doté d’une organisation très structurée, et avec un personnel important.

C’est en quelque sorte un espace de transit, avant l’acheminement vers les camps définitifs, disséminés sur tout le territoire allemand, et répartis entre les diverses circonscriptions militaires[2] du Reich : les hommes de troupe et les sous-officiers rejoignent des Stalags, et les officiers des Oflags[3].


[1] Ou Frontstammlager (camp de prisonniers dans les territoires français occupés).

[2] Wehrkreise.

[3] Offizier-Lager (camps d’officiers).


Les conventions de Genève, timbre de la Croix-Rouge.
Les conventions de Genève, timbre de la Croix-Rouge.

Les prisonniers subissent un long périple ferroviaire vers les camps qui leur sont assignés : entassés parfois à soixante dans des wagons de marchandises ou à bestiaux dépourvus de paille et surtout de sanitaires, ils doivent, à leur arrivée, parcourir à pied, encadrés par des gardes, le chemin séparant la gare de leur lieu de captivité.


Henry Dunant (1828-1910), fondateur de la Croix-Rouge.
Henry Dunant (1828-1910), fondateur de la Croix-Rouge.

Généralement, l’entrée du camp, symbolisée par une porte massive, est précédée d’une ou deux enceintes de barbelés avec, à intervalles réguliers, des miradors d’où des sentinelles surveillent les environs.


Gustave Moynier (1826-1910), fondateur de la Croix-Rouge.
Gustave Moynier (1826-1910), fondateur de la Croix-Rouge.

Le camp, pouvant accueillir plusieurs milliers d’hommes, est constitué de nombreuses baraques en bois ou en brique construites de part et d’autre d’une allée centrale. Elles permettent de concentrer dans un même lieu des prisonniers de différentes nationalités.


Infirmière, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.
Infirmière, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.

A l’intérieur de chaque baraquement, l’éclairage est chiche, et les châlits[1] à deux ou trois étages. Ces rectangles étroits et spartiates sont recouverts d’une très mince paillasse, et d’une seule couverture. A cet inconfort matériel, s’ajoute la promiscuité. Dans ces conditions, le sommeil du prisonnier de guerre est rarement réparateur.


[1] Cadre de lit en bois ou en métal.


Pour nos blessés, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.
Pour nos blessés, timbre de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.

C’est dans le premier camp où il est affecté que le prisonnier reçoit son immatriculation. Les initiales KG (Kriegsgefangener, c’est-à-dire prisonnier de guerre) sont peintes en blanc sur sa vareuse et sa musette. A partir de ce moment-là, il devient un numéro au sens strict. Cette anonymisation est pour lui une épreuve de plus.


Sauvé, timbre vert de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.
Sauvé, timbre vert de la Croix-Rouge française, gravé en taille-douce.

D’une part, il doit surmonter la situation dans laquelle il est tombée comme soldat face à un ennemi supérieur en nombre et en matériel, mais il doit affronter d’autre part la mentalité de son époque qui le considère comme un vaincu.


Monsieur Pierre Bonhomme † et d'autres prisonniers de guerre au Stalag III-D, photographie ancienne en noir et blanc (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Monsieur Pierre Bonhomme † et d’autres prisonniers de guerre au Stalag III D, photographie ancienne en noir et blanc (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Il est totalement soumis à l’autorité de ses geôliers allemands : lors de son arrivée, il subit le contrôle de son identité, une fouille intégrale lui est imposée. Ses objets personnels (livres, photographies, etc.) sont momentanément confisqués. Il ne les récupère que quelques jours plus tard, dûment tamponnés.

Freigegeben zur Heimsendung Mannschafts-Stammlager III-D se traduit en français par « Validé pour un envoi à domicile. Stalag III-D », verso d'une photographie ancienne en noir et blanc, encre rouge sur papier photo (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Freigegeben zur Heimsendung Mannschafts-Stammlager III D se traduit en français par « Validé pour un envoi à domicile. Stalag III D », verso d’une photographie ancienne en noir et blanc, encre rouge sur papier photo (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Reims consacre un salon aux prisonniers le 31 mai 1944.
Reims consacre un salon aux prisonniers le 31 mai 1944.

Il passe ensuite par l’étape de l’épouillage des vêtements et du corps. Les effets enlevés sont passés à l’étuve, avant d’être restitués à leur propriétaire. Pendant ce temps, le prisonnier est badigeonné d’insecticide. Malgré cela, tout au long de sa captivité, il est la proie de la vermine[1] et de la dysenterie.


[1] Insectes (poux, puces, punaises) parasites de l’homme et des animaux.


Pour nos prisonniers de guerre, timbre brun carminé en taille-douce.
Pour nos prisonniers de guerre, timbre brun carminé en taille-douce.

La nourriture est plus que frugale et constamment insuffisante. Le repas consiste en quelques louches de soupe claire, un morceau de pain et un tout petit bout de viande. Très vite, le prisonnier est tenaillé par la faim : il ressent une véritable torture physique, même si le gros cul[1] anesthésie momentanément sa souffrance.


[1] Tabac de troupe inférieur au Scaferlati Caporal (le fameux cube de gris). Le terme s’applique tout d’abord à un gros bâtiment de la marine de guerre. Par métonymie, il désigne un marin puis, par extension, un homme de troupe, un soldat.


Conventions de Genève 22 août 1864, timbre premier jour de la Croix-Rouge française.
Conventions de Genève 22 août 1864, timbre premier jour de la Croix-Rouge française.

La faim, la misère, les souvenirs d’un passé plus heureux atteignent leur moral. La dureté de leur vie est parfois atténuée par l’arrivée de colis ou de lettres, qui sont les seuls liens avec leur famille et leur vie antérieure. Le courrier met entre une dizaine et une quarantaine de jours pour parvenir à son destinataire.

Les prisonniers n’ont le droit pour correspondre avec les leurs qu’à deux lettres et deux cartes postales par mois. Ils ont la possibilité de recevoir mensuellement deux colis familiaux d’un kilo chacun et de temps en temps un paquet de cinq kilos.

En outre, ils reçoivent des cartons de la Croix-Rouge contenant entre autres du corned-beef[1], surnommé « singe » de façon argotique.


[1] Dans les pays francophones et depuis la Seconde Guerre mondiale, le corned-beef est connu une préparation culinaire de viande de bœuf habituellement salée, mise en petits morceaux, vendue dans une boîte de conserve métallique.


Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l’auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Pour ce qui est du réconfort spirituel, certains prisonniers éprouvent le besoin d’assister aux offices, qui sont assurés régulièrement. Dès septembre 1940, en France, l’Aumônerie générale des prisonniers de guerre, fondée par le cardinal Emmanuel Suhard, archevêque de Paris, est reconnue.

A partir de décembre, elle envoie dans les camps de prisonniers des « valises-chapelles », qui contiennent ce qui est nécessaire à la célébration de la messe. C’est ainsi qu’est distribué aux captifs un missel intitulé Prières du prisonnier : quelques simples prières pour rencontrer le Seigneur.

Oraisons supplémentaires tirées de Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l'auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Oraisons supplémentaires tirées de Prières du prisonnier, exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme †, collection personnelle de l’auteure. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Famille du prisonnier, timbre vert en taille-douce.
Famille du prisonnier, timbre vert en taille-douce.

Au quotidien, l’organisation du travail est régie par la section III de la convention de Genève du 27 juillet 1929. Son article 27 précise : « Les sous-officiers prisonniers de guerre ne pourront être astreints qu’à des travaux de surveillance, à moins qu’ils ne fassent la demande expresse d’une occupation rémunératrice. »

Bien qu’ils soient comme eux enfermés dans les Stalags, les hommes du rang n’ont pas du tout le même traitement : la plupart du temps, ils sont contraints de travailler dans un Arbeitskommando[1] et donc de rejoindre des fermes, des usines, des carrières.


[1] Kommando concerne ici une unité de travail forcé.


L'Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII-B Krems-Gneixendorf et Stalag III-D Berlin (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
L’Allemand sans peine (méthode Assimil éditée en 1941), exemplaire de monsieur Pierre Bonhomme † avec référence manuscrite aux Stalags XVII B Krems-Gneixendorf et Stalag III D Berlin (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le réveil est fixé à cinq heures, les sentinelles allemandes s’adressent bruyamment aux prisonniers avec des « Raus ! Raus[1]! » ou des « Schnell ! Schnell[2] ! », les obligeant à se presser pour le rassemblement sur la place du Stalag. Matinal ou vespéral, il peut durer un long moment. Et ce, quelles que soient les conditions atmosphériques…


[1] « Dehors ! Dehors ! ».

[2] « Vite ! Vite ! ».


Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre - Stalag II B, Jacques Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son père, sur ses années de captivité en Allemagne (collection personnelle de l'auteure).
Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre – Stalag II B, Jacques Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son père, sur ses années de captivité en Allemagne (collection personnelle de l’auteure).

Les prisonniers de guerre sont ensuite dirigés sous escorte vers le lieu de leur travail. La durée du labeur peut alors atteindre treize heures. Il n’est pas exclu qu’ils soient retenus, si nécessaire, les dimanches et les jours fériés.


Pour nos prisonniers de guerre, timbre vert en taille-douce.
Pour nos prisonniers de guerre, timbre vert en taille-douce.

Lorsqu’ils sont libérés à partir d’avril 1945, ils sont en grande partie livrés à eux-mêmes et au bon vouloir des Américains ou des Russes. Ils partent sur des routes défoncées, à travers des paysages dévastés, avant que leur retour vers la France ne soit organisé.


Nomination de monsieur Pierre Bonhomme † au titre de la régularisation de l'avancement des ex-prisonniers de guerre (collection personnelle de l'auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Nomination de monsieur Pierre Bonhomme † au titre de la régularisation de l’avancement des ex-prisonniers de guerre (collection personnelle de l’auteure). Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Là, ils doivent retrouver leur travail ou réintégrer leurs unités après un mois de permission, se réadapter à leur vie d’avant et garder souvent le silence sur ce qu’ils ont subi en captivité. De nos jours, la détresse et le découragement de ces hommes se sont peu à peu effacés de la mémoire collective…

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Anciens combattants Guerre mondiale (1939-1945) Militaires Victimes de guerre

Les natifs de La Romagne résistants en 1939-1945 (A-Z)


Le blog laromagne.info commémore l'appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est d’entretenir : « Aucune tombe de ‘Mort pour la France’ ne doit disparaître des cimetières communaux, aucun monument, aucune stèle combattante ne doit être à l’abandon. »
Le blog laromagne.info commémore l’appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est d’entretenir : « Aucune tombe de ‘Mort pour la France’ ne doit disparaître des cimetières communaux, aucun monument, aucune stèle combattante ne doit être à l’abandon. »

Il est possible à ce jour de mieux connaître les actions des résistants natifs de La Romagne grâce à l’autorisation de communication par dérogation délivrée par monsieur Léo Davy, directeur des archives départementales des Ardennes, avec l’accord du service départemental de l’ONACVG[1], duquel émanent les documents traités[2].


[1] Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

[2] Cette suite favorable accordée à la demande respecte un engagement signé de ne « publier ou de communiquer aucune information susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par la loi, notamment la vie privée des personnes ».


Archives départementales des Ardennes, 1293 W 82 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W], tampon des FFI (Forces françaises de l'intérieur) du secteur de Signy-l'Abbaye, encre violette sur papier quadrillé.
Archives départementales des Ardennes, 1293 W 82 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W], tampon des FFI (Forces françaises de l’intérieur) du secteur de Signy-l’Abbaye, encre violette sur papier quadrillé.

Barré[1], André Eugène Aristide, né le 22 janvier 1925 à La Romagne, fils de Fernand Edmond Barré et de Marie Célina Renée Carbonneaux. Il est enrôlé quelque temps après son retour d’évacuation dans les réseaux de la Résistance par Charles Henri Champenois [2] (de Draize), chef de groupe du maquis de Signy-l’Abbaye, sous les ordres d’Henri Lallement (de Rumigny), et auquel appartiennent en particulier Miser[3], Marchand et Yvette Barré.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1797 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[2] Il appartient aux formations clandestines de l’OCM (Organisation civile et militaire), dans la région C (qui couvre alors les Ardennes et sept autres départements de l’est de la France : Bas-Rhin, Haut-Rhin, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges). Cette zone concerne donc l’Alsace, la Lorraine, et la Champagne-Ardenne. Pour cette dernière, il est à noter que l’Aube fait exception, puisqu’elle est rattachée à la sous-région P3 de la région P.

[3] Le dossier consulté ne permet pas de déterminer s’il s’agit de Fernand ou de Jean.


Archives départementales des Ardennes, 1293 W 82 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W], liste des FFI (Forces françaises de l'intérieur) de Draize, groupe 4, avec une référence à Signy-l'Abbaye ajoutée au crayon à mine.
Archives départementales des Ardennes, 1293 W 82 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W], liste des FFI (Forces françaises de l’intérieur) de Draize, groupe 4, avec une référence à Signy-l’Abbaye ajoutée au crayon à mine.

Au départ, le groupe qu’il rejoint doit trouver des armes, des munitions et des renseignements. Puis il est affecté au groupe de sabotage dirigé par Charles Tinois (de Signy-l’Abbaye) et opère avec lui en avril et mai 1944. Il est impliqué dans le sabotage de la ligne téléphonique du radar de Bégny, de la ligne ferroviaire d’AmagneLucquy, de fours à bois et de scieries fabriquant du bois de gazogène pour l’ennemi, dont celle de Wasigny.

Il participe, avec son groupe, aux combats de la libération à Lépron-les-Vallées, puis poursuit l’ennemi jusqu’à Charleville. André Barré est homologué FFC[1] et FFI[2] selon son dossier individuel de résistant[3]. Il reçoit la carte de combattant volontaire n° 98081 en date du 4 mai 1956.


[1] Forces françaises combattantes.

[2] Forces françaises de l’intérieur.

[3] Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 34597 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].


Musée de la Reddition du 7 mai 1945 (Reims), numéro d'inventaire IKE.0.1, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer, anonyme français (fabricant), casque Adrian FFI (Forces françaises de l'intérieur), modèle 1926, acier recouvert à l'origine de peinture bleu horizon, cuir, coton, 2e quart 20e siècle.
Musée de la Reddition du 7 mai 1945 (Reims), numéro d’inventaire IKE.0.1, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. Crédits photographiques : © Christian Devleeschauwer, anonyme français (fabricant), casque Adrian FFI (Forces françaises de l’intérieur), modèle 1926, acier recouvert à l’origine de peinture bleu horizon, cuir, coton, 2e quart 20e siècle.

Carbonneaux, Robert, né le 22 février 1920 à La Romagne, fils de Marceaux Carbonneaux et d’Angèle Ferrasse. Versé dans les chantiers de jeunesse comme requis civil à la 26e compagnie de jeunesse à Lacourt (Ariège).

Il rejoint les FFI à partir du 1er juin 1943 jusqu’au 6 septembre 1944, date à laquelle il s’engage pour la durée de la guerre à l’intendance militaire de Mézières au titre du train des équipages[1]. Robert Carbonneaux est homologué FFI[2].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes]

[2] Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 105945 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].


En décembre 1942, à 19 ans, le jeune résistant parisien Lionel Dubray (1923-1944), né à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) rejoint les FTP (Francs-tireurs et partisans) groupe Alsace-Lorraine, timbre olive et bleu, en taille-douce, dessiné par André Spitz et gravé par René Cottet.
En décembre 1942, à 19 ans, le jeune résistant parisien Lionel Dubray (1923-1944), né à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) rejoint les FTP (Francs-tireurs et partisans) groupe AlsaceLorraine, timbre olive et bleu, en taille-douce, dessiné par André Spitz et gravé par René Cottet.

Didier[1], Raymond Adolphe, né le 8 août 1925 à La Romagne, fils d’André Paul Didier et de Pauline Leroy. Appelé au STO en janvier 1943, il entre en contact avec Charles Henri Champenois et rejoint le groupement de résistance de Signy-l’Abbaye. Il participe aux diverses opérations de celui-ci (sabotages, parachutage de Lépron-les-Vallées et combats pour la libération du chef-lieu du département). Il reçoit la carte de combattant volontaire de la Résistance n° 116533.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1797 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Timbre commémorant l'appel à la Résistance du 18 juin 1940.
Timbre commémorant l’appel à la Résistance du 18 juin 1940.

Ravignon[1], Raymond, né le 13 septembre 1925, fils d’Aurèle Adrien Ravignon et de Marie Philomène Quentin. Il obtient la carte de de combattant volontaire n° 195133 le 7 avril 1986 sur la base des témoignages délivrés le 30 juin 1985 par Charles Tinois et Charles Henri Champenois.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1797 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Timbre de la poste spéciale des FFI (Forces françaises de l'intérieur), à l'effigie du général de Gaulle, surmontant l'inscription MLN (Mouvement de libération nationale), papier gommelé et dentelé imprimé à l'encre bleue.
Timbre de la poste spéciale des FFI (Forces françaises de l’intérieur), à l’effigie du général de Gaulle, surmontant l’inscription MLN (Mouvement de libération nationale), papier gommelé et dentelé imprimé à l’encre bleue.

Il entre dans la Résistance par l’intermédiaire de Fernand Miser en avril 1942, et intègre le groupe de sabotage de Wasigny. Il participe à la récupération d’armes, à la distribution de tracts antiallemands, au sabotage de la scierie allemande de Wasigny, à la destruction de la fosse à eau de Draize, aux sabotages ferroviaires. Il s’empare de la moto de deux soldats allemands.

Il apporte de l’aide aux requis au STO et aux réfractaires. Il est impliqué dans des attaques de convois ennemis entre Signy-l’Abbaye et Lépron-les-Vallées et participe à la libération de Charleville puis du plateau de Berthaucourt, où se sont retirés les Allemands. Raymond Ravignon a un certificat d’appartenance aux FFI du 1er janvier 1944 au 6 septembre 1944.

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Administration communale Agriculteurs Agriculture Anciens combattants Cultures Guerre mondiale (1939-1945) Militaires Travailleurs Victimes de guerre

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) à La Romagne


Ordre de mobilisation générale de la Seconde Guerre mondiale, daté du samedi 2 septembre 1939.
Ordre de mobilisation générale de la Seconde Guerre mondiale, daté du samedi 2 septembre 1939.

Dès les premiers jours suivant la mobilisation et la déclaration de guerre le 3 septembre 1939, diverses troupes françaises se trouvent cantonnées, soit à La Romagne, soit dans les villages environnants, comme au hameau Les Duizettes[1].


[1] Commune de Rocquigny.


Campagne de mai et juin 1940 de la 3e brigade de spahis, avec l'aimable autorisation du colonel (er) Thierry Moné.
Campagne de mai et juin 1940 de la 3e brigade de spahis, carte en couleurs (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Thierry Moné, officier de l’arme blindée qui a commandé le 1e régiment de spahis de 1997 à 1999).

Les soldats sont chargés de surveiller l’arrivée de parachutistes et de bloquer l’accès des Hauts Sarts et de la Verrerie aux blindés. Fin octobre, les spahis de la 3e brigade[1]  (formée à partir des 2e RSA[2] et RSM[3]) rejoignent Novion-Porcien et stationnent pour une partie d’entre eux à La Romagne.


[1] Moné, Thierry (colonel en retraite), Les Spahis de La Horgne : la 3e brigade de Spahis dans les combats de mai et juin, Valence : la Gandoura & CRCL [Calot rouge et croix de Lorraine], amicale des spahis du 1er Marocains, 2010, 205 p., pages 9 et 16 [exemplaire personnel n° 290 sur 400].

[2] Régiment de spahis algériens.

[3] Régiment de spahis marocains.


Un Romanais qui a vécu cette époque s’en souvient :

« Leurs uniformes rutilants et leurs chevaux barbes[1] font grande impression sur les habitants. »
[1] Cheval de selle de race orientale.

Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.

Une anecdote l’a marqué particulièrement lorsqu’il était un tout jeune homme :

« Un beau matin, tout contre la porte de la cave d’Henri Mauroy, nous avons vu des spahis qui s’affairaient auprès d’un cheval mort. Ils ont commencé par le dépouiller puis ont étendu la peau sur des perches avant de débiter des morceaux de viande. C’était vraiment un spectacle insolite pour nous. »

Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.

Ces spahis quittent le village pour être d’abord cantonnés dans les forêts avoisinantes, avant d’être dirigés sur Monthermé, puis de prendre part le 15 mai 1940 aux combats de La Horgne.


Le village voit passer encore bien d’autres troupes, en particulier le 31e d’artillerie venant de Saint-Brieuc (Bretagne) [1]. Se succèdent encore le 9e génie, le 10e d’artillerie et enfin le 18e (qui s’y repose et peut soigner ses chevaux blessés)[2].


[1] Deux cents hommes stationnent à la ferme de la Bouloi avant de monter sur la Belgique.

[2] Témoignage oral de monsieur Louis Devie (Logny-lès-Chaumont).


Certaines de ces troupes construisent des baraquements en bordure de la gare de Draize – La Romagne, où l’un de ceux-ci sert de buvette et a pour enseigne « Au pou qui tète »[1], tandis qu’à proximité s’entasse de la ferraille de récupération. D’autres creusent une tranchée-abri sur la place.


[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.


Bien avant le début du conflit, en raison des nombreuses occupations subies par les Ardennes au cours des siècles précédents, la préfecture, forte d’exemples encore dans toutes les mémoires, prend des dispositions dès les années 1930 pour organiser le départ des populations du nord du département.

Des trajets sont tracés, pour que le déplacement éventuel puisse se passer dans les meilleures conditions possibles, en passant par le sud des Ardennes. Les villages de Draize et de La Romagne sont prévus pour accueillir provisoirement une partie de la population de Charleville, qui pourrait ensuite être acheminée vers des zones de repli.


En mai 1940, lors de l’offensive sur l’Aisne, le village, où se trouvent ce jour-là des évacués de la Meuse, est bombardé : une torpille aérienne (projectile de gros calibre) et des bombes causent certes de sérieux dégâts matériels, en particulier sur l’église. Elles concernent surtout des pertes humaines, civiles et militaires : Aimé Vuillemet (le garde champêtre qui annonce l’ordre d’évacuation) et Marthe Mauroy sont tués sur le coup. C’est aussi le cas d’un soldat français du nom de Laurent Stéphane Marie Marchand[1]. Deux autres périssent quant à eux aux abords de la Draize, où ils sont enterrés sur place avant de l’être dans le cimetière paroissial.


[1] Service historique de la Défense, site de Caen, AC 21 P 81257, [série AC = victimes des conflits contemporains, sous-série AC 21 P = MPDR (ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés) puis MACVG (ministère des Anciens combattants et victimes de guerre), dossiers individuels].


Le sort s’acharne, ce jour-là, sur la famille d’Aimé Vuillemet : son fils Paul est atteint par un éclat de bombe. Pour l’accueil des blessés, deux infirmeries sont établies dans le village, dont l’une au bord du chemin qui mène à la Cour Avril, et l’autre dans la maison de Marceau Carbonneaux[1].


[1] Témoignage oral de monsieur René Lelong †.


Le 10 mai 1940, l’ordre d’évacuer les Ardennes est donné. Le lendemain, tous les habitants de La Romagne quittent le village le cœur gros, la mort dans l’âme de devoir abandonner leurs bêtes. Par exception, quelques-uns restent : monsieur et madame Ledouble, leur fils Jules et madame Pagnié, qui est assez âgée[1].

Alors que, de longue date, un plan d’enlèvement du bétail a été prévu par les autorités et pour chaque canton[2], il ne peut être appliqué en raison de la rapidité de l’avance des troupes allemandes. Les cultivateurs, bouleversés, doivent laisser leurs bêtes dans les prés.


[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1M 119 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].


Après avoir bien inutilement fermé leurs maisons, les habitants partent en exode, les uns en automobile, les autres dans des charrettes tirées par les chevaux qui n’ont pas été réquisitionnés par l’armée. Dès le 2 septembre 1939, les principaux cultivateurs voient partir la plupart de ces animaux de trait. En 1941, il n’en reste plus que vingt-sept sur la petite soixantaine que comptait La Romagne juste avant les réquisitions. Les derniers Romanais partent à vélo ou à pied.


Château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée), photographie en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Gréau, président du CHEL (Cercle d'histoire et d'études locales).
Château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée), photographie en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Gréau, président du CHEL (Cercle d’histoire et d’études locales).

L’ordre d’évacuation totale des Ardennes jette sur les routes tous les Ardennais ou presque dans un désordre indescriptible : aucun des plans arrêtés ne peut être mis à exécution, en raison de l’urgence. LesRomanais se replient vers les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée. C’est ainsi que la famille Cugnart se retrouve au château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée)[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1M 127 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].


André Druart (personnage le plus à gauche) à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
André Druart (personnage le plus à gauche) à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Eugène François Lesein rejoint Rosnay (Indre) en passant par Mareuil-sur-Lay-Dissais (Vendée). Numa Edmond Lesein atteint Saint-Sulpice-en-Pareds (Vendée), tandis que la famille Druart est à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres). Dans cette commune, après des moments difficiles à vivre, une rencontre se concrétisera par un mariage.


Quelques habitants de La Romagne (Ardennes) réfugiés dans une école privée à Gourdon (Lot) en juillet 1940, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †). Sous toutes réserves, les personnes identifiées de gauche à droite et de bas en haut seraient les suivantes : au premier rang, Rosa Malherbe née Bompart (n°2), Euphrasie Bompart née Marandel (n°3), Marcel Malherbe (n°4), Lucie Malherbe (n°5), René Malherbe (n°6), Maurice Malherbe (n°7) ; au deuxième rang : André Legros (n°2), Lucie Legros née Malherbe (n°4), Madeleine Legros (n°6), Alfred Marandel (n°7), Pierre Malherbe (n°9), Pierre Marandel (n°10), René Didier(n°11), Lucie Laroche (n°12), Madame Didier (n°13).
Quelques habitants de La Romagne (Ardennes) réfugiés dans une école privée à Gourdon (Lot) en juillet 1940, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †). Sous toutes réserves, les personnes identifiées de gauche à droite et de bas en haut seraient les suivantes : au premier rang, Rosa Malherbe née Bompart (n°2), Euphrasie Bompart née Marandel (n°3), Marcel Malherbe (n°4), Lucie Malherbe (n°5), René Malherbe (n°6), Maurice Malherbe (n°7) ; au deuxième rang : André Legros (n°2), Lucie Legros née Malherbe (n°4), Madeleine Legros (n°6), Alfred Marandel (n°7), Pierre Malherbe (n°9), Pierre Marandel (n°10), René Didier(n°11), Lucie Laroche (n°12), Madame Didier (n°13).

D’autres habitants trouvent refuge dans des lieux divers, non envisagés au départ. Certains font une étape à Coulanges-sur-Yonne (Bourgogne), avant d’atteindre Gourdon (Lot), où ils retrouvent les familles Malherbe, Legros, Didier, Marandel, etc. Les familles Devie et Bonhomme sont logées près d’Issoudun (Indre), au moulin de la Bonde.


Le préfet des Ardennes, qui se trouve à Sainte-Hermine (Vendée), constate dans un de ses courriers que les conditions dans lesquelles s’est produite l’évacuation n’ont pas toujours permis de diriger la population repliée dans les communes initialement assignées[1]. La Romagne en est l’illustration parfaite.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1M 123 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].


Portrait de Joseph Dominique Albertini en uniforme militaire, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami).

Quoique l’armistice soit signé le 17 juin 1940, de nombreux Romanais faits prisonniers ne rentrent qu’au bout de plusieurs années : c’est le cas par exemple d’Achille Cotte[1] ou de Dominique Albertini. Pour la plupart, ces soldats ne sont libérés qu’en 1945.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1145 W 10 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Le retour se fait très difficilement, et de manière échelonnée : dès le 1er juillet 1940, une zone interdite située au nord de l’Aisne est établie dans le département, et englobe le village. Pour rentrer, des laissez-passer sont nécessaires. Ils sont accordés selon le bon vouloir des autorités allemandes, qui multiplient les tracasseries administratives.


Les agriculteurs se demandent ce que sont devenues leurs cultures et leurs bêtes en leur absence. Seuls quelques-uns d’entre eux (comme André Didier ou Adolphe Macquin) peuvent rentrer à cette date.

L’absence de la majorité des exploitants permet aux Allemands de s’emparer aussitôt de terres : Alcide Cugnart, Alexis Boudaud et Alfred Devie (mais ce ne sont pas les seuls[1]) se voient confisquer respectivement vingt-quatre, trente-cinq et quarante-deux hectares. En outre, l’occupant leur prend leur matériel (faucheuse, moissonneuse, brabants, tombereaux, herses et râteaux), sous le prétexte fallacieux d’abandon.


[1] Archives départementales des Ardennes, 11R 89 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 11R = services temporaires de la période de guerre 1939-1945].


Le retour définitif du plus grand nombre s’étale sur presque toute l’année 1941, avec un pic en mai. Et ce n’est qu’en novembre que s’effectue le retour du dernier, Aristide Carbonneaux-Fétrot.

Date du retour à La Romagne (Ardennes)Nom du cultivateur
Juillet 1940Didier, André
Novembre 1940Macquin, Adolphe
1er mars 1941Lesein, Edmond
20 avril 1941Cotte, Achille (de retour d’un camp de prisonniers de guerre)
1er mai 1941Bocquet-Huet, Ernest
1er juillet 1941Marquigny, Joseph
3 juillet 1941Devie, Paul (de retour d’un camp de prisonniers de guerre)
1er août 1941Devie, Alfred
11 août 1941Boudaud, Jean-Baptiste
24 septembre 1941Chrétien, Gustave Henry
Non préciséeMarandel, Ernest
Non préciséeCugnart, Alcide
1er novembre 1941Legros, Auguste
9 novembre 1941Carbonneaux-Fétrot, Aristide
Quelques exemples du retour des cultivateurs à La Romagne (Ardennes) après l’exode de mai 1940.

Les Romanais dont le retour a lieu le plus tôt, c’est-à-dire en juillet 1940, retrouvent d’emblée La Romagne occupée par des troupes allemandes, dont une partie s’est installée dans l’école[1], et qui ne quitteront le village qu’en juin 1941.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 5 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


En revanche, ceux qui reviennent après janvier 1941 ont la fâcheuse surprise de découvrir qu’ils ne peuvent réintégrer leur exploitation qu’à condition de travailler comme salariés agricoles de l’Ostland[1].

Cette situation entraîne des frictions et des plaintes auprès du procureur de La République, notamment lorsque certains des derniers rentrés découvrent chez leurs voisins du matériel ou du bétail qui leur appartenait autrefois, et qui aurait été « confié » par les Allemands.


[1] Ostdeutsche Landbewirtschaftung-gesellschaft ou Société agricole d’Allemagne orientale, créée par le ministre de l’Alimentation et de l’agriculture du Reich allemand.


Emprise de la WOL (Wirtschaftsoberleitung) à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 12 R 144, [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945].
Emprise de la WOL (Wirtschaftsoberleitung) à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 12 R 144, [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945].

L’Ostland applique dans les Ardennes un programme de confiscation de terres, comme cela a été fait peu de temps auparavant en Pologne. Cette société est représentée par la WOL[1], à la tête de laquelle se trouve le directeur départemental, établi à Charleville. Un Kreislandwirt[2] est nommé par arrondissement. Un Bezirkslandwirt[3] contrôle chaque canton. Un Betriebsleiter[4] réside dans la commune qu’il supervise, ou vit à proximité immédiate.


[1] Wirtschaftsoberleitung (service de mise en culture).

[2] Agriculteur d’arrondissement.

[3] Agriculteur de canton.

[4] Gérant, c’est-à-dire un chef de culture.


Ce dernier est un civil allemand qui applique une nouvelle politique agricole : l’occupant trouve que la culture ardennaise comporte trop de prés et de bois. Les paysans, désormais sous la férule germanique, doivent travailler en commun toutes les terres pour les emblaver[1] le plus possible, sans tenir compte des possessions de chacun[2]. En témoigne l’enlèvement des bornes marquant les limites des propriétés (Il faudra les remettre en place une fois la guerre terminée).


[1] Ensemencer en blé.

[2] Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Cette prise de terres concerne quelque deux cent un hectares, rien que pour La Romagne (dont cinquante de cultures et cent cinquante et un de pâtures). Pour lui donner un aspect de légalité, les Allemands la notifient au préfet, qui doit à son tour en informer le propriétaire et le maire du village.


Ensuite, ce sont les bâtiments pour abriter les récoltes qui sont réquisitionnés (la grange de La Romagne n’est rendue à son usage premier que le samedi 31 mars 1945). Des maisons sont saisies pour servir de logement à des ouvriers travaillant pour le compte de la WOL de Draize (c’est le cas de bâtiments appartenant à Joseph Marquigny[1]).


[1] Archives départementales des Ardennes, 11R 409 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 11R = services temporaires de la période de guerre 1939-1945].


Au moment de l’invasion allemande, la Romagne compte trente-deux exploitations, dont vingt ont moins de vingt hectares. Parmi les douze restantes, seules deux ont une superficie comprise entre cinquante et cent ha[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 56 W 37 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


La reprise est difficile pour la campagne 1940/1941, car peu de sols peuvent être ensemencés (environ vingt-deux ha), et ce n’est qu’en 1942 que les terres sont à nouveau cultivées. Les exploitants se heurtent alors à de nouvelles obligations, puisqu’ils sont contraints de déclarer leurs récoltes et de les livrer à des organismes stockeurs. S’ils n’ont pas le matériel nécessaire, ils doivent faire appel obligatoirement à l’entrepreneur de battage désigné par l’occupant.


Aussitôt les habitants partis, des vols de bétail se produisent, des troupeaux d’armée sont formés. Le bétail errant devient propriété de la WOL, qui le confie à certains agriculteurs du village. Ce n’est qu’après bien des palabres, des démarches et des menaces que deux cultivateurs (Messieurs Cugnart et Lesein) parviennent à récupérer chacun… une bête[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 57 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Cette situation contraste fortement avec ce qui se passe du côté allemand, selon un Romanais qui a connu cette période :

« Une quarantaine de vaches confisquées par la WOL se trouvaient à la ferme de la Bouloi et étaient traites par des femmes d’origine polonaise. »

Témoignage oral de monsieur Louis Devie (Logny-lès-Chaumont), dont les parents étaient les propriétaires de cette ferme.

Lorsque la vie agricole reprend à La Romagne en 1941, il ne reste plus que cent un bovins. Les quelques attributions de bétail qui sont accordées sont fort modestes : à plusieurs reprises, une commission cantonale ne concède qu’une ou deux bêtes. Malgré toutes les difficultés endurées, il y en aura deux cent douze à la fin de l’année 1943.

À la suite de la disparition de la WOL, les attributions de bétail sont alors plus importantes. Il ne faut cependant pas croire que le cultivateur dispose comme il l’entend de sa production laitière. Il doit se conformer en cela (et comme pour le reste) aux décisions allemandes.


La Romagne doit fournir trente kilos de beurre par semaine, et la commune de Givron est contrainte d’en procurer cinq. Le responsable de la Kommandantur de la Romagne exige du maire de Montmeillant que tout le beurre fabriqué dans sa commune lui soit livré, sinon il sera arrêté une nouvelle fois.

La production ne peut aller qu’aux Allemands, qui achètent ce beurre 28 francs le kilo. Ces quantités de beurre représentent mille quatre cents à mille cinq cents litres[1] de lait. Pour se rendre compte de l’exigence, il faut savoir qu’une vache laitière en produit environ mille quatre cent soixante litres par an.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Comme les troupeaux n’ont plus rien à voir avec ceux d’avant-guerre, les laiteries ne peuvent pas s’approvisionner normalement. Ces contraintes provoquent en particulier les doléances des établissements Hutin Frères[1], qui font le ramassage dans tout le secteur depuis longtemps, et qui sont désormais obligés de « faire un long trajet sans obtenir un seul litre de lait, en raison des contraintes de la Kommandantur ».


[1] Laiterie de La Neuville-lès-Wasigny (Ardennes).


D’autre part, les habitants font face à des difficultés de ravitaillement, tant alimentaire que vestimentaire. Les tickets de rationnement font leur apparition et parfois la chasse nocturne aux grenouilles menée par des jeunes gens du village améliore l’ordinaire des quelques habitants qui en bénéficient[1]. Les occupants manifestant un profond dégoût pour ces animaux, ils ne risquent pas de les confisquer à leur profit !


[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.


Adaptation au gazogène du camion de la cidrerie Malherbe à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Adaptation au gazogène du camion de la cidrerie Malherbe à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).

Pour ce qui est des vêtements, le canton de Chaumont dispose pour l’ensemble des communes qui en font partie d’un certain nombre de points, qui doivent être répartis en fonction du nombre d’habitants de chaque village. Un cahier des attributions est tenu.

C’est ainsi que l’on sait qu’il faut douze points pour acquérir un blouson, et vingt-cinq pour un pantalon de travail. Quant au carburant, il est parcimonieusement attribué, obligeant chacun à modérer son utilisation des moyens de transport.


Rares sont les habitants (pour ne pas dire aucun), qui retrouvent leur maison intacte. La cidrerie, installée dans le village depuis les années vingt, est pillée : l’armée de l’occupant se serait livrée à diverses rapines, dont celui de vins et spiritueux[1].

Ce ne sont certainement pas les seuls responsables : entre le 11 mai (jour du départ des habitants) et la prise du village par les Allemands le 14 mai, des troupes françaises et des réfugiés belges ont traversé la commune et y ont aussi probablement participé.


[1] Archives départementales des Ardennes, 13R 1661 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 13R = dommages de guerre 1939-1945].


Périodiquement, le maire reçoit de la part des autorités allemandes des demandes de cantonnement. Il essaie d’y répondre le plus possible par la négative, arguant de l’état du village, avec ses maisons inhabitables et le pillage déjà subi[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Les habitants entendent passer régulièrement des bombardiers allemands qui se dirigent vers l’Angleterre.

« Parfois, les avions ennemis perdent en cours de route des réservoirs, ce qui est attesté par ceux retrouvés aux Houis ou dans le bois d’Angeniville. D’autre part, les Allemands ont installé des radars à Doumely, mais aussi entre Marlemont et Signy-l’Abbaye, et un mirador sur la route des Fondys. »

Témoignage oral de monsieur René Lelong †.

Fernand Mennessier récupérant des débris d'avion du côté de Fraillicourt (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Fernand Mennessier récupérant des débris d’avion du côté de Fraillicourt (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).

Puis c’est le tour de bombardiers anglais, partant ou revenant de leur mission sur le territoire allemand. Comme ceux-ci, pourchassés par l’aviation ennemie, s’écrasent parfois dans des communes voisines (comme à Novion-Porcien, Fraillicourt ou Rocquigny), ce spectacle ajoute à l’horreur vécue par les populations.


La présence allemande est encore plus pesante lorsque la loi sur le STO[1] est promulguée. Elle concerne des jeunes gens de la commune ou y ayant des attaches, nés entre 1919 et 1923. Une vingtaine d’hommes sont concernés pour ces quatre années, dont Raymond Mauroy, Pierre Malherbe et Robert Laroche.


[1] Service du travail obligatoire.


Couverture de la brochure, non paginée, sans mention d'édition, Travailler en Allemagne, c'est gagner sa vie dans de bonnes conditions, Archives départementales des Ardennes, 1 W 151-3 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Couverture de la brochure, non paginée, sans mention d’édition, Travailler en Allemagne, c’est gagner sa vie dans de bonnes conditions, Archives départementales des Ardennes, 1 W 151-3 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

A partir de 1942, l’Allemagne a besoin de travailleurs, car nombre de ses ouvriers ont été mobilisés sur le front russe. Le recrutement d’ouvriers français volontaires est fondé sur la relève, instaurée dès le mois de juin. Un prisonnier est libéré contre trois ouvriers s’engageant à travailler en Allemagne.

Très rapidement, la donne change et c’est une libération accordée pour sept travailleurs qui s’engagent. Une importante propagande vantant les conditions de travail, de salaire, etc. accompagne la politique de collaboration du régime de Vichy.

Au-delà des avantages sociaux, l'Allemagne nazie vante aux travailleurs français les loisirs mis en place dans ses usines.
Au-delà des avantages sociaux, l’Allemagne nazie vante aux travailleurs français les loisirs mis en place dans ses usines.

En réalité, peu d’hommes se laissent ainsi séduire. C’est pourquoi l’Etat français fait parvenir des notes d’orientation hebdomadaire aux préfets pour rappeler que l’effort de propagande pour la relève ne doit pas se ralentir. L’argument est qu’en partant les ouvriers serviraient la cause de la France[1], ou que les prisonniers seraient d’autant plus nombreux à rentrer que le rythme de départ d’ouvriers serait plus important[2].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 150, note d’orientation hebdomadaire n° 12 en date du 16 octobre 1942 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[2] Archives départementales des Ardennes, 1 W 150, note d’orientation hebdomadaire n° 15 en date du 6 novembre 1942 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


La pression des autorités sous l’Occupation se fait sentir de plus en plus : en 1942, elle exige l’envoi de trois cent cinquante manœuvres non spécialisés. En 1943, il y a environ deux mille départs pour tout le département, qui compte deux cent vingt-six mille habitants[1].


[1] Archives départementales des Ardennes, 1 W 150 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Chaque travailleur se rendant en Allemagne doit être en possession d’un passeport valable. Cette demande est souscrite avec la plus grande sincérité et exactitude dès son arrivée.

Dans une lettre de la préfecture de police de Paris au préfet des Ardennes à Mézières en date du 2 février 1943, on apprend que Raymond Mauroy se trouve en Allemagne depuis le 30 novembre 1942 et qu’il a fait une demande de passeport le 17 janvier 1943 lors de son arrivée[1] à Solingen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Il sera de même pour Pierre Malherbe et Robert Laroche.


[1] Archives départementales des Ardennes, 112 W 11 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


En vertu d’un arrêté ministériel du 25 novembre 1942 et d’un arrêté préfectoral du 10 décembre 1942, chaque commune est obligée d’effectuer un recensement général des travailleurs disponibles : ce dernier concerne tous les hommes de dix-huit à cinquante ans. Ils sont ensuite répartis en différentes catégories (âge, situation familiale, etc.).

Il apparaît qu’un certain nombre de villages ardennais ne sont pas pressés de répondre à cette demande : c’est le cas de La Romagne, Givron, Rocquigny, Sery, Le Fréty, etc. Ils sont rappelés à l’ordre.


A partir de cette époque, ce recrutement a un caractère quasi obligatoire, et les réfractaires sont poursuivis beaucoup plus activement. Cette recherche, opérée par la gendarmerie, n’est pas sans créer des tensions entre la maréchaussée et la population. Elle entraîne aussi des scrupules chez les gendarmes, si bien que quelques-uns d’entre eux ne manifestent pas pour ce genre de mission une ardeur à toute épreuve.

Ils laissent parfois échapper une information sur la date et le but de leur tournée : les concernés peuvent ainsi trouver refuge dans l’environnement forestier du village. Pour se soustraire à ce recrutement, André Barré rejoint le maquis de Signy-l’Abbaye et le groupe de Draize, sous la direction de Fernand Miser.

Cet insigne des troupes de forteresse (secteur fortifié des Ardennes) est un symbole de résistance.
Cet insigne des troupes de forteresse (secteur fortifié des Ardennes) est un symbole de résistance.

Carte de travail et certificat de libération[ArbeitskarteBefreiungsschein], travail auxiliaire [Hilfsarbeit] dans l’usine de Volkswagen [Volkswagenwerk], ville de la Coccinelle [Stadt des KdF.-Wagens], arrondissement de Gifhorn [Krs. Gifhorn], collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.

Dans des rapports en provenance de la brigade de Chaumont-Porcien datant de mars et juin 1943, le brigadier évoque que le regard de la population change à leur égard, dans la mesure où la gendarmerie est intervenue non seulement lors de réquisitions pour l’Allemagne, mais aussi en raison du STO.

Dans son compte rendu de septembre, il insiste sur la répugnance éprouvée par les militaires par rapport aux ordres concernant le STO, soulignant qu’ils n’agissent que par contrainte et discipline, ce qui les met en porte-à faux vis-à-vis de la population.

Dans un autre document, il souligne que, de mars 1943 à mai 1944, quatre-vingt-huit recherches de réfractaires au STO sont restées infructueuses dans le canton. Par là, il laisse flotter l’idée que, sans rien dire, les gendarmes n’auraient pas apporté tout le zèle requis, afin d’être en accord avec leur conscience[1] .


[1] Service historique de la Défense, département de la Gendarmerie, site de Vincennes, 8E 226, registre de correspondance confidentielle au départ (R/4) du 16 septembre 1942 au 14 décembre 1946 [série E = compagnies puis groupements de gendarmerie départementale, sous-série 8E = compagnie de gendarmerie départementale des Ardennes (1917-1946), article 8E 226 = brigade territoriale de Chaumont-Porcien, 1942-1946].


Vadon, Jacques, Secteurs et maquis de la Résistance ardennaise, Archives départementales des Ardennes, 1 Fi 132 [série Fi = documents figurés, cartes, plans, gravures, cartes postales, photographies, dessins, sous-série 1Fi = documents de dimensions 24 * 30 cm et au-dessus].
Vadon, Jacques, Secteurs et maquis de la Résistance ardennaise, Archives départementales des Ardennes, 1 Fi 132 [série Fi = documents figurés, cartes, plans, gravures, cartes postales, photographies, dessins, sous-série 1Fi = documents de dimensions 24 * 30 cm et au-dessus].

Le maquis de Signy-l’Abbaye se livre à des actions ciblées vers les moyens de communications pour déstabiliser l’ennemi. En réaction, ce dernier fait surveiller les chemins de fer, en particulier ceux de la ligne Hirson – Charleville, mais en vain : les partisans continuent leurs opérations. De ce fait, des restrictions de la liberté de circuler pour les habitants du secteur sont appliquées. Le couvre-feu est ramené à 20 heures au lieu de 22 heures.


La Résistance fournit également son aide lors de parachutages (un terrain est créé à Chaumont-Porcien) ou assiste des clandestins qui souhaitent rejoindre les maquisards[1]. De juin à août 1944, son action s’intensifie, tandis que des destructions de matériel ont lieu contre des biens utilisés au profit des Allemands, comme à Saint-Jean-aux-Bois ou à Wasigny[2]. Les voies ferrées sont sabotées afin de retarder l’armée allemande dans son action.


[1] Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-D1 MON-36, Giuliano, Gérard ; Lambert, Jacques, Les Ardennais dans la tourmente : l’Occupation et la Libération, Charleville-Mézières : Terres ardennaises, 1994, 453 p., page 159 [Contient un choix de documents et de témoignages.]

[2] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 116 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Pont du chemin de fer de La Romagne, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pont du chemin de fer de La Romagne, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Dès le début de l’année, après avoir étudié le plan vert[1], André Point dit « commandant Fournier » [2] propose des déraillements sur certaines lignes, ce qui en rendrait l’exécution beaucoup plus facile.

Les coupures prévues sur la ligne de Liart – Amagne auraient lieu entre Montmeillant et Draize – La Romagne puis entre Novion-Porcien et Amagne[3]. Ces suggestions sont acceptées malgré l’arrestation d’un responsable de la SNCF et d’une équipe plan vert[4].

Elles permettent de répondre aux instructions données par la Résistance de se préparer à une insurrection nationale, en perturbant les transports et en lançant des actions contre les troupes de l’Occupation.


[1] Qui a pour but de neutraliser les voies ferrées.

[2] Chef de la Résistance ardennaise, membre de l’OCM (Organisation civile et militaire).

[3] Archives départementales des Ardennes, 1393 W 9 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[4] Archives départementales des Ardennes, 1293 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Croquis de l'engin explosif trouvé près de la gare de Draize – La Romagne (Ardennes), Archives départementales des Ardennes, 1050 W 144 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Croquis de l’engin explosif trouvé près de la gare de Draize – La Romagne (Ardennes), Archives départementales des Ardennes, 1050 W 144 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

Le 10 juin vers 18 heures, une explosion se produit à deux kilomètres de la gare de Draize – La Romagne, à un endroit où la voie longe la forêt de Signy-l’Abbaye, alors que le train circule au ralenti. Le rail intérieur est déchiqueté et arraché sur une longueur de trois mètres environ, en même temps qu’une traverse. Aussitôt, une patrouille allemande de la Feldgendarmerie[1] fouille les alentours sans rien découvrir, sauf un débris dans le ballast qui semble provenir d’un petit engin explosif.


[1] Police militaire allemande.


Après une immobilisation de quelques heures, le convoi repart vers 21 heures[1]. Le lendemain, c’est une locomotive et cinq wagons qui sont détruits, nécessitant une vingtaine d’heures pour le déblai et les réparations. Le même jour, une autre locomotive et quatre wagons d’un train de matériel déraillent.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Pont du chemin de fer à Montmeillant, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.
Pont du chemin de fer à Montmeillant, repérage topographique des lieux-dits de La Romagne (Ardennes) effectué avec monsieur Christian Beltrami le jeudi 24 mars 2022. Crédits photographiques : © 2020 laromagne.info par Marie-Noëlle ESTIEZ BONHOMME.

Le 19 juin vers 23 heures, un train de troupes déraille, obstruant les voies pour une dizaine d’heures. Quelques jours plus tard, c’est un nouveau train de marchandises qui déraille près de Montmeillant. Après le départ des soldats ennemis, un avion allemand aurait mitraillé la gare de Draize – La Romagne[1].


[1] Témoignage oral de monsieur René Lelong †.


Dans la nuit du 21 au 22 juillet, le réseau télégraphique et téléphonique permettant les communications entre les gares de Wasigny et Draize – La Romagne est mis hors service : cinq poteaux ont été abattus[1].

Trois jours après, à la nuit tombée, une explosion en gare de Draize – La Romagne détruit la station d’alimentation en eau, la machine fixe est hors d’usage.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


Télégramme du 28 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Télégramme du 28 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

Le 28 août vers 20h30 (selon le rapport de la gendarmerie) trois explosions ont lieu à proximité, endommageant un appareil d’aiguillage, provoquant ainsi une interruption de trafic de 24 heures qui fait suite à une action permettant de couper la voie 1 en gare de Draize – La Romagne.

Télégramme du 29 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Télégramme du 29 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

André Barré (jeune homme portant des lunettes) et ses compagnons de la Résistance, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Angélique Barré).
André Barré (jeune homme portant des lunettes) et ses compagnons de la Résistance, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Angélique Barré).

Ces diverses actions sont menées par le réseau de résistance de Liart – Signy-l’Abbaye et la section de Draize, mouvements ralliés à différents moments par des jeunes gens de la Romagne[1] : André Barré (homologué FFC[2] et FFI[3])[4], Robert Carbonneaux (homologué FFI)[5], Raymond Ravignon et Raymond Didier en août 1944.


[1] Archives départementales des Ardennes, 1293 W 58 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

[2] Forces françaises combattantes.

[3] Forces françaises de l’intérieur.

[4] Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 34597 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].

[5] Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 105945 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].


Colonne de chars américains le 31 août 1944 sur le chemin de Renneville, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Gilbert Lebrun).
Colonne de chars américains le 31 août 1944 sur le chemin de Renneville, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Gilbert Lebrun).

Fin août, les Américains sont à Liart. Au cours des diverses opérations qui ont lieu lors de la libération du territoire, des soldats allemands sont pris et faits prisonniers à leur tour. C’est un retournement de situation, puisque des habitants du village ont eux-mêmes été capturés lors de la débâcle et libérés, selon leur statut, entre mars 1941 et mai 1945[1].


[1] Cette dernière date s’applique en général aux militaires de carrière.


Quelques–uns de ces prisonniers vivent à La Romagne, soit chez des cultivateurs, soit à la cidrerie où travaillent un ancien pilote de la Luftwaffe et Karl Kleiser (n° de prisonnier 452157).

Fiche de Karl Kleiser, prisonnier à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Fiche de Karl Kleiser, prisonnier à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].

Ce dernier, né le 12 novembre 1926 à Vohrenbach (Land du Bade-Wurtemberg), reçoit son certificat de libération le 5 août 1947 et devient un travailleur libre[1].

Il reste ensuite quelque temps à La Romagne, avant de regagner son pays. Il garde contact avec les personnes chez lesquelles il a été placé, préfigurant la réconciliation franco-allemande qui voit le jour dans les années soixante.


[1] Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].


La Romagne n’en a pas fini avec la guerre et, même si celle-ci n’est plus sur son territoire, elle est présente avec le départ pour l’Indochine ou l’Algérie de quelques Romanais[1].


[1] Cette partie de l’histoire du village ne peut pas être abordée dans l’état actuel des recherches, en raison de la loi du 15 juillet 2008 sur la publication des archives.