Afin de pourvoir à tous leurs besoins (on est dans une économie vivrière), les paysans ont des arbres fruitiers, principalement quelques noyers, cerisiers, pruniers appelés aussi balossiers[1]. On fait sécher les fruits ou on cuit des confitures, avant de produire de l’eau de vie (fabriquée d’abord artisanalement dans le cadre familial, et des siècles plus tard grâce à un alambic installé au village).
[1] Ardennisme (la variante orthographique balocier est également attestée).
Il y a aussi des poiriers, qui sont bien moins nombreux que les pommiers, mais qui permettent de fabriquer le poiré, une boisson nettement moins répandue que le cidre. Ils assurent également la consommation de fruits en hiver. La plupart de ceux-ci sont des arbres de plein vent, poussant dans les prairies. Leur origine pourrait s’expliquer par une extension des plantations de la Thiérache, car les espèces sont semblables à celles cultivées en Picardie.
En outre, ces arbres peuvent servir de repères à l’arpenteur pour préparer les lots, en cas de partage des terres entre les héritiers. Les dispositions testamentaires comportent plusieurs cas où les troncs (d’un balossier par exemple) déterminent le marquage. Les mesures de superficie étant loin d’être partout les mêmes, et plutôt complexes, la présence de repères faciles à identifier est nécessaire, afin d’éviter toute contestation ultérieure.
La fabrication du cidre est attestée par la présence d’un pressoir dans les inventaires après décès (inventaire Letellier) ou par les rôles des tailles postérieurs à 1770. Ceux de 1771 et de 1774 permettent d’identifier six détenteurs d’un dispositif de pressée cidricole[1] :
Nom
Profession
Age
Antoine Bonhomme
Tailleur d’habits
28 ans
Jean-Baptiste Coutier
Maréchal-Ferrant
25 ans
Pierre Devie
Laboureur
48 ans
Thomas Devie
Laboureur
63 ans
François Merlin
Laboureur
Non précisé
Thomas Thomas
Manouvrier
40 ans
Dans le cadre d’une économie vivrière, quelques habitants de La Romagne fabriquent leur propre cidre.
[1]Archives départementales des Ardennes, C 2283 [Série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 2233-2302 = supplément à la série C, administration des domaines, généralité de Metz, bureau de Mouzon, contrôle des actes de notaires et sous-seings privés, tables, 1694-1792].
Un peu moins d’un siècle plus tard, la succession de J. B. Merlin fait état d’un « bâtiment nature de pressoir », sans compter les soixante-seize hectolitres de cidre que renferment ses caves. Dans une succession de 1913[1], il est fait état de trois pipes de cidre, soit mille huit cents litres, ce qui montre l’importance de cette boisson dans la vie sociale : ce breuvage est destiné non seulement à la consommation personnelle mais aussi à un usage convivial.
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E 14/130, étude de maître Courboin, notaire à Chaumont-Porcien [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].
Les vergers de pommiers se sont beaucoup développés au XVIIIe siècle. Un siècle plus tard, l’étude des actes de successions montre que les vergers sont présents au cœur du village, que ce soit rue Basse avec quelque soixante-dix ares (possession de la famille Merlin ou Devie), ou à la rue Haute et au Courtil Hubert. En 1773, la production est de soixante muids[1] (mesure de Paris) de cidre et de poiré.
Du reste, l’enquête sur le travail agricole et industriel menée sur le canton de Chaumont[2] en 1848 fustige la surconsommation de ce breuvage, qui ouvre la voie à des situations déplorables. La boisson principalement dénoncée est (bien évidemment) le cidre, qui se consomme souvent avec excès.
[1] Ancienne mesure de capacité utilisée pour les liquides, les grains et d’autres matières sèches.
[2]Archives nationales, site de Paris, C 945 [série C = assemblées nationales, fonds coté C 717-17097 = classement thématique par grandes catégories typologiques : sessions, élections, pétitions, lois et résolutions, papiers de la questure, 1814-1962, articles C 908-1026 = papiers et sessions (dossiers des séances) des Assemblées constituante et législative (1848-1851), versement de la Chambre des députés de 1920].
Le seul cas de fermage en nature de cidre est évoqué par Monsieur Jean-Marie Caruel : il se souvient que, dans les années 1950, le propriétaire de la ferme qu’exploitait Paul Devie venait toucher annuellement ses fermages. Ils comprenaient quelques tonneaux de cidre, sa boisson favorite. Cela n’est pas banal, on le concèdera, pour un négociant en vins et champagnes !
Une cidrerie est fondée après la première guerre mondiale dans le village par Georges Malherbe, donnant des emplois et un rayonnement régional important à cette entreprise familiale qui perdurera jusqu’au siècle suivant.
Pilage ou broyage des pommes à la cidrerie Malherbe (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
En 1940, les Allemands veulent faire disparaître la production de cidre et procèdent à l’arrachage d’une partie des pommiers qui empêchaient la culture intensive et mécanisée des terres telle qu’ils la voulaient : monsieur René Lelong se souvient, lorsqu’il évoque le passé de son village, d’avoir vu des Allemands ou leurs subordonnés arracher des pommiers dans le hameau de Belair au Plan Fromageot, afin de constituer de grandes pièces de terre. Ils ne parviennent pas totalement à leurs fins. Mais, durant les années qui suivent, la pousse de certains jeunes pommiers garde la trace du passage des chars et des autres engins en se développant assez parallèlement au sol.
Monsieur Michel Mauroy, producteur artisanal de cidre à La Romagne, devant son pressoir à pommes (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Quant à la fabrication artisanale du cidre, elle se poursuit tant bien que mal, malgré la concurrence d’autres boissons. Le dernier à en produire est monsieur Michel Mauroy (du Mont de Vergogne), qui y adjoint la fabrication de jus de pommes. Mais il cède à son tour cette activité. Si bien que, dans les années 2020, plus aucun Romanais ne fait son cidre…
Plusieurs affaires romanaises ont été jugées au tribunal correctionnel de Rethel.
Carpe commune (Cyprinus carpio). Le carême conduit les moines à développer la carpiculture. En dehors des raisons théologiques, les étangs offrent à surface égale un meilleur rendement que les terres.
En 1510, la pauvreté est si grande à La Romagne que certains des habitants, poussés par cette misère, sont pris à pêcher « à engins et harnois » dans l’étang de Pute Peine[1] qui se situait entre La Romagne, Montmeillant et Angeniville (ancien village proche de La Romagne depuis longtemps disparu). Celui-ci appartenait aux Cisterciens de Signy. Les villageois capturent plusieurs carpes.
Après avoir copieusement insulté les moines, ils doivent promettre de payer l’amende (20 sols[2] pour chacun) et de s’agenouiller devant l’autel de l’église de Signy, afin de demander pardon à Dieu et à Notre-Dame, en disant chacun deux prières (un Notre Père et un Je vous salue Marie).
Le blason communal de Liège est de gueules à une colonne posée sur trois degrés soutenus de trois lions couchés et sommée d’une pomme de pin soutenant une croix pattée, ladite colonne accostée à dextre de la lettre L et à senestre de la lettre G, le tout d’or.
Lors de sa visite, Monseigneur Le Tellier prescrit contre deux cousins germains[1] de La Romagne qui se sont mariés dans le diocèse de Liège[2].
[1] Il n’a pas été possible d’identifier pour l’instant les personnes en question, en raison d’une indication géographique trop vaste (échelle diocésaine) et trop vague.
[2]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 6025 [ensemble de 193 feuillets, plus le feuillet A préliminaire. Les feuillets A, 40-51, 87-100, 118-129, 156-192 sont blancs], Visites des doyennés de Fismes (fol. A v°), La Montagne (fol. 52 v°), Saint-Germainmont (fol. 101 v°) et Rumigny (fol. 130 v°), 1672-1679, texte numérisé d’après un microfilm en noir et blanc de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, MF 32172, consultable en ligne sur Gallica. Voir aussi Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 6026 [ensemble de 178 feuillets, cotés A, 1-151, 151 bis, et 152-176. Les feuillets 31-39, 85-95, 133-139, 151 bis et 175 sont blancs], Visites des doyennés de Mézières (fol. A v°), Mouzon (fol. 40 v°), Grand-Pré (fol. 96 v°) et Rethel (fol. 140 v°), 1673-1682, texte numérisé d’après un microfilm en noir et blanc de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, MF 8174, consultable en ligne sur Gallica. [Nota bene : les cotes Français 6025-6028 correspondent à la série I des registres et journaux de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, écrits de sa main, relatifs à l’administration de son diocèse et à ses tournées pastorales].
Hoffmann, Nicolas, Régiment d’Infanterie (Royal-Comtois) au règlement de 1786, planche gravée et coloriée à la gouache sur vélin, rehauts d’or et d’argent.
La justice royale s’applique dans toute sa rigueur à l’encontre de Nicolas Mereaux, boucher demeurant à La Romagne. Avec d’autres complices, dont Nicolas Germain (soldat au régiment Royal-Comtois) et Pierre Camus (cabaretier à Villers-le-Tourneur), il assassine en août 1779 Jean-François Boutillier, lieutenant des Fermes du roi, à proximité du village dont le dernier mis en cause était originaire.
Avant sa condamnation, Nicolas Mereaux se voit appliquer la question ordinaire et extraordinaire. Il est conduit le 8 mars 1780 sur la place du marché de Reims pour y être flétri[1], avant de purger sa peine (il est condamné à vie aux galères[2]).
De plus, il doit payer 500 livres envers l’adjudicataire des Fermes du roi, 3000 livres de dommages et intérêts pour les enfants mineurs, tandis que le reste de ses biens est confisqué au profit de la royauté. A l’époque, ce jugement (et la condamnation qui s’ensuit) ne peut être ignoré de la population : il est lu, affiché, publié , non seulement à La Romagne, mais aussi dans un grand nombre de villages du ressort de la Commission du roi établie à Reims[3] : Rocquigny, Lalobbe[4], Wasigny, etc.
Il ne faut pas croire que, quels que soient les temps, les villages ne connaissent aucune affaire relevant de la justice. Bien au contraire, une violence plus ou moins latente sourd, et n’attend qu’un moment propice pour se révéler.
Ainsi, le 7 juillet 1808 se déroule aux Houis un fait divers qui a pour victime une jeune femme, âgée de vingt-huit ans et mère d’une petite fille de neuf mois. A la demande de son « bon ami », elle se rend auprès de lui en fin d’après-midi alors qu’il est en train de labourer un champ. C’est à ce moment-là que celui-ci, entré en furie, jette l’enfant à terre. Armé d’un couteau, il se précipite sur la jeune femme et la blesse à la tête, provoquant un « ruissellement de sang ».
La mère et la sœur de la victime se portent à son secours. Après le dépôt d’une plainte, divers témoignages, et le résultat des examens ordonnés par le juge de paix, l’agresseur est traduit une quinzaine de jours plus tard devant le tribunal de police correctionnel de Rethel[1] (audience du 20 juillet 1808).
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 86 2 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = pièces isolées et petits fonds d’origine privée, articles 1 J 86 = documents relatifs au Rethélois (don de monsieur Lefranc, janvier 1951, entrées 163 et 164, articles 1J 86 2 = pièces de procédure et divers], procès pour Marie Simonne Bolle, de La Romagne, pour coups et blessures (1808).
Une autre affaire montre que les sanctions sont extrêmement lourdes en cour d’assises. Ainsi, un jeune habitant de La Romagne, âgé de vingt et un ans, s’introduit nuitamment dans une maison habitée. Il vole de la farine et d’autres denrées. Jugé, il est condamné au carcan et à une exposition en public, ainsi qu’à dix ans de travaux forcés[1].
Le vol domestique est lui aussi sévèrement puni à travers les époques, comme le prouve la condamnation à cinq ans de réclusion d’une Romanaise âgée de cinquante ans. Entrée le 28 août 1829, à la maison centrale de Clairvaux[2], elle y décède quelque temps plus tard.
Le tribunal correctionnel de Rethel juge périodiquement quelques délits concernant des habitants. Les peines sont effectuées à la prison de la ville. De 1841 à 1857, la justice rethéloise s’occupe de vingt-deux affaires, dont quatorze concernent des hommes et sept des femmes[1]. Toutes les condamnations, quel que soit le motif, sont passibles d’une peine de prison variant de quelques jours (vol de récoltes) jusqu’à six mois (vol avec récidive).
Motif
Nombre d’affaires
Vol
12
Coups et blessures involontaires
4
Rébellion
2
Homicide par imprudence
1
Ouverture d’un cabaret sans autorisation
1
Mendicité
1
Banqueroute simple
1
Bien que peu importante, la délinquance est tout de même présente à La Romagne.
La rambour d’hiver est une variété typique des Ardennes, utilisée pour la râbotte (dessert à base de pâte à tarte et de pommes).
Périodiquement, les habitants de La Romagne sont victimes de ce que l’on appelle de nos jours la petite délinquance : ils sont en butte à des sollicitations diverses (vente de petits objets comme des allumettes, demande de gîte pour la nuit dans une grange, etc.) au cours desquelles des individus indélicats en profitent pour dérober du linge, des souliers… D’autres voient disparaître les lapins qu’ils élevaient, constatent des vols de fruits et même des mutilations d’arbres[1].
Depuis la décision de Colbert en 1675, la fabrication et la vente du tabac sont un monopole d’État.
La contrebande constitue aussi un délit et, à proximité de la frontière belge, la plus active est celle du tabac. Elle peut se réaliser parfois à l’aide d’un chien, et certains Romanais (et non des plus jeunes) s’y sont livrés parfois. La condamnation pour colportage de « tabac étranger » coûte à l’un d’entre eux une amende de 300 francs[1], alors qu’un autre est condamné non seulement à une amende de 1500 francs, mais aussi à six mois de prison ferme[2]. La précarité de la situation de chacun de ces mis en cause, manouvrier et domestique, peut être une explication à la transgression de la loi.
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 21, « Police correctionnelle de Rethel : audience du 7 janvier 1890 » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, onzième année, n° 3249, jeudi 9 janvier 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Revolver à six coups (Paul Verlaine en aurait utilisé un de ce type lors de son altercation avec Arthur Rimbaud).
Les procès-verbaux des tribunaux ont disparu en partie, mais le dépouillement de la presse locale permet d’identifier de nombreuses violences, telle cette altercation qui éclate entre deux voyageurs (originaires de Rocquigny) en gare de Draize–La Romagne, et qui se règle, aux dires des protagonistes, par la menace d’un revolver et des coups de bâton bien appliqués[1].
On peut aussi évoquer les violences exercées contre les femmes (on ne citera que quelques cas), surtout dans le cadre de procédures de divorce : l’une, habitante du Mont de Vergogne, n’hésite pas à porter plainte contre son mari, avec qui elle est en instance de séparation, pour injures et bastonnade[1].
Une autre plaide contre son gendre (duquel sa fille est séparée) car, devant le refus des deux femmes de le voir, il ne se contente pas de fracturer la porte de la maison et de briser des vitres, mais aussi de les molester. Parfois, c’est une querelle de voisinage qui entraîne une plainte[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 52, « La Romagne– Coups et blessures » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-sixième année, n° 8839, samedi 11 novembre 1905, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Le profil de la délinquance romanaise est assez divers, comme en témoignent plusieurs cas entre 1933 et 1949 :
Motifs des délits
Nombre d’affaires
Vols
2
Coups et blessures volontaires
5
Délit de chasse
2
Délit de faux poids
1
Outrage
1
Escroquerie
1
Défaut d’autorisation de circuler
1
Blessures involontaires
2
Détention d’armes de guerre
1
Par rapport aux époques précédentes, on note l’évolution du motif des délits.
A un siècle d’écart environ, on constate quelques changements notoires. Tout d’abord, le nombre d’affaires diminue et, pour quatre d’entre elles, trois relaxes et un acquittement sont prononcés. Une seule affaire fait l’objet d’une condamnation à une peine de prison, tandis que des amendes sont davantage infligées. De plus, une seule femme est impliquée pour quinze hommes. Cela montre ainsi une transformation de la société, même si les affaires de coups et blessures restent tout aussi nombreuses[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 5U 468, 5U 671, 5U 672, 5U 688 [série U = justice, sous-série 5U = tribunal de première instance de Rethel]. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, 1050W 50 [série W, archives publiques entrées par voie ordinaire, hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940, sous-série 1050W = tribunal de première instance de Rethel, 1794-1959].
Un différend entre Romanais et Givronais se traduit par des plaintes et met les villages en émoi.
On retrouve périodiquement cette même violence, exacerbée par exemple par la guerre ou par l’intolérance : une altercation met aux prises deux habitants (un homme et une femme) des Houis. Après un vigoureux échange d’insultes, mettant en doute pour l’un son courage et pour l’autre sa moralité, le premier est prévenu d’avoir porté des coups et blessé la seconde, en provoquant une incapacité de travail de vingt jours. Plainte est portée, et l’agresseur est assigné à comparaître devant le tribunal correctionnel. Dans l’intervalle, un arrangement est trouvé, et la plainte est retirée[1].
Dans un autre cas, le motif officiel des violences physiques est dû à l’empiétement sur une propriété privée, mais plus probablement à un conflit latent de voisinage et à de profondes rancœurs entre des habitants du Mont de Vergogne et de Givron. En témoignent plusieurs plaintes déposées par les protagonistes. L’un de ceux-ci, après avoir appliqué quelques claques, montre un certain acharnement : la victime a des plaies au cuir chevelu qui doivent être suturées, et des ecchymoses et blessures sur plusieurs parties du corps, ce qui entraîne une incapacité de travail de plus de quinze jours[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1050W 102 [série W, archives publiques entrées par voie ordinaire, hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940, sous-série 1050W = tribunal de première instance de Rethel, 1794-1959].
[2]Archives départementales des Ardennes, 1050W 115 [série W, archives publiques entrées par voie ordinaire, hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940, sous-série 1050W = tribunal de première instance de Rethel, 1794-1959].
Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon Bonaparte, a légué à Ajaccio son terrain de Castelluccio, transformé en pénitencier pour enfants et adolescents en 1855.
Le Second Empire durcit les peines à l’égard des mineurs. Depuis 1840, sous le règne de Louis-Philippe, des colonies agraires, le plus souvent privées, accueillent de jeunes délinquants jusqu’à leur majorité. Mais, avec le changement de régime, ces institutions sont placées sous l’autorité de l’administration pénitentiaire.
Un jeune homme de La Romagne, tout juste âgé de dix-huit ans, y trouve la mort, probablement à cause des conditions de vie et du paludisme (qui règne de façon endémique dans la station de Castelluccio en Corse où il a été envoyé). Il avait été condamné pour incendie dans une ferme de Fleury où il était domestique, alors qu’il avait quatorze ans[1].
Les suicides appartiennent eux aussi aux faits-divers. Ils sont souvent occultés, mais l’un d’entre eux a particulièrement marqué le village, sans que les causes en aient été élucidées. Le percepteur du lieu s’est tiré « tout d’abord un coup de fusil dont la balle lui a mutilé le visage et comme la mort n’avait pas fait son œuvre en s’emparant ensuite d’un de ses rasoirs pour se trancher la gorge au point que la tête a presque été séparée du tronc[1] ».
Qu’est-ce qui a pu pousser un homme âgé d’une trentaine d’années à mettre fin à ses jours d’une manière aussi violente dans la nuit du 14 au 15 mars 1855 ?
[1]Bibliothèque Carnegie, PER CH Atlas 2, « Nouvelles locales » in Le Courrier de la Champagne: journal de Reims, Reims : [s.n.], 1854-1921, lundi 19 mars 1855, n° 407, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne]. [Note sur les numéros : les collections rémoises comprennent les exemplaires n°1, 25 janvier 1854 – 25 décembre 1869 ; 29 septembre 1870 – 10 septembre 1871 [lac.] ; 1er-2 janvier 1876 ; 1er semestre 1878 ; mars-avril 1895 ; 31 décembre 1913 ; 18 avril 1914 ; 7 juin 1914 ; 28 juin 1914 ; 14-15 juillet 1914 ; 22 juillet 1914 – 6 avril 1917 [lac.] ; 30 avril 1919 – 25 septembre 1921].
Pour le catholicisme, les morts, avant le jugement dernier, sont dans un état transitoire ou état de sommeil[1]. C’est en fonction de ce principe que le christianisme a introduit une révolution dans l’aménagement de l’espace funéraire par rapport à la tradition latine : il a voulu que le cimetière soit autour de l’église pour bien montrer les liens qui unissent les vivants et les morts. Celui de La Romagne ne déroge pas à cette tradition.
La fondation du cimetière est contemporaine de la fondation de l’église et, pour les inhumations antérieures à cette date, la question se pose de savoir si elles avaient lieu à Rocquigny.
Traditionnellement, le cimetière doit être clos. En général, il est entouré de haies vives, ce qui fait que sa clôture doit être replantée périodiquement. Lors des visites de paroisses, c’est un des points sur lequel le visiteur porte une attention toute particulière.
[1] Le bas-latin cimiterium dérivé du latin classique coemeterium, désigne un lieu pour dormir, un dortoir.
Après les affres de la guerre de Trente ans (1618-1648) et de la Fronde (1648-1653), celui de la paroisse est encore tout ouvert en 1665, et même postérieurement. La situation s’améliore à partir du début du siècle suivant puisque, lors d’une autre visite, il est dit « qu’il est entouré de toutes parts de hayes vives ». Ces dernières ont dû se détériorer au cours du siècle car, en 1774, le curé signale qu’il y a « quelques hayes vives à l’entour, ce qui ne suffit pas pour le bien fermer ». Une dizaine d’années plus tard, la situation perdure et n’a pas évolué.
Pour persuader les paroissiens d’entretenir leur cimetière, le doyen brandit la menace de l’interdiction (ou impossibilité d’enterrer les morts dans le cimetière paroissial). C’est ce qui se passe pour celui de Montmeillant s’il n’est pas fermé au plus vite, tandis qu’il montre une certaine indulgence à l’égard des paroissiens de Rocquigny, dont la pauvreté est notoire, puisque ceux-ci s’engagent à le fermer dès que les moyens le leur permettront. Or, la lecture des documents montre qu’il s’écoule beaucoup de temps entre la promesse faite et son exécution. Les représentants de l’église savaient composer avec les paroissiens.
Le cimetière est considéré comme une terre sainte d’où doit être exclu toute activité profane et toute violence. C’est pourquoi les comptes rendus de visite signalent qu’à La Romagne, il n’y a pas « de bestiaux qui paissent dans le cimetière et qu’aucune foire ne s’y tient », alors que ce sujet est abordé à maintes reprises pour d’autres paroisses comme Saint-Jean-aux-Bois ou Fraillicourt. Cependant, le cimetière peut être un lieu de réunion et d’information (puisque le curé y lit les ordres royaux ou autres), tout en étant prioritairement l’endroit obligatoire des inhumations.
Depuis le décret du 13 prairial an XII (article 16), c’est le maire et non plus le curé qui se voit attribuer la police et la surveillance du cimetière, ainsi que le droit de nommer un ou plusieurs fossoyeurs. Lorsque les visites paroissiales reprennent après le rétablissement de la religion catholique, celle de 1803 dit « qu’il est ouvert et que la grande porte a besoin d’être réparée » tandis que celle de 1807 souligne qu’il est « à l’abandon, sans murs et sans haies pour le défendre[1] ».
L’entourage du cimetière est un souci pour la communauté villageoise : périodiquement, les lacunes dans les haies sont replantées, tandis qu’en 1883 le remplacement de la porte d’entrée en bois est envisagé au profit d’une porte en fer à claire voie[2]. L’accès aux marches devenant dangereux, des travaux sont décidés en mai 1914. Pour les mener à bien, on utilise des matériaux locaux, dont des pierres provenant de Renwez.
[1]Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].
[2]Archives départementales des Ardennes, 5O, dossier en cours de reclassement au cours de sa consultation, [série O = administration et comptabilité communales, sous-série 5O = travaux et marchés communaux].
En général, l’inhumation à l’intérieur de l’église est réservée aux personnages importants de la paroisse, comme les seigneurs ou leurs proches. C’est le cas :
le 9 octobre 1693 pour Anne de Bouzonville (69 ans), femme du Sieur de L’Auge ;
le 10 octobre 1695 pour demoiselle Renée de l’Auge (32 ans) ;
le 18 mars 1698 pour Renée de Bouzonville (femme de René Duguet).
D’autre part, des membres importants de la communauté paroissiale peuvent bénéficier de ce privilège : on relève l’inhumation dans l’église de Marie Béchet le 14 décembre 1695, ou celle d’un jeune enfant âgé de 17 jours (né le 24 février 1702), fils de François Boudsocq[1]. En dernier lieu, certains curés sont inhumés dans le chœur de l’église de La Romagne : c’est le cas de Louis Potin et de Jean Bataille, tandis que Philippe Hennezel[2] a souhaité, en signe d’humilité, être inhumé dans l’allée et à proximité du porche, pour que les paroissiens marchent sur sa tombe.
En 1776, une déclaration royale interdit désormais l’inhumation dans l’église, ce qui traduit les préoccupations sanitaires des autorités. La paroisse de La Romagne se soumet à ces nouvelles règles. Le sieur Pâté (curé et doyen de Rethel) et Pierre Baudesson (vicaire de Rethel) confirment lors de leur visite de 1783 que « l’on n’enterre pas dans l’église et que les fosses ont la profondeur qu’elles doivent avoir » tandis que lors de la visite à Rocquigny la même année, ils ont remarqué que « les fosses n’étaient pas assez profondes[3]».
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 1 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, 1693-1702, manque l’année 1700], acte de décès, vue 12/38, consultable en ligne.
[2]Archives départementales des Ardennes, 1J 21 9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = pièces isolées et petits fonds (série ouverte), article 1J 21 = histoire du Porcien (dons Didion et abbé Henry, novembre 1949), cote 1J 21 9 = cahier concernant Montmeillant et La Romagne, des extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1860), les familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, des notes par A. Picard].
Alors qu’avant la Révolution, les obsèques étaient purement religieuses, elles associent ensuite l’église et la commune, tout au moins en ce qui concerne la gestion du cimetière : la première garde cependant la prééminence. Rares sont les documents de successions qui font allusion aux frais d’obsèques, mais quelques actes font apparaître que les cérémonies s’élevaient à un peu moins de 50 francs, en dehors de la fabrication du cercueil par le menuisier du village (environ 15 francs) et le creusement de la fosse (8 francs)[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E 14/67, [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série3E = archives notariales, article 3E 14 = dépôt 14, cotes 3E14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].
A partir de 1930, la présence d’un fossoyeur communal ou non apparaît dans les comptes-rendus municipaux. Ainsi, Alcide Dupont, Arthur Bart, Aimé Vuillemet occupent successivement cette fonction, avant que les entreprises de pompes funèbres ne se chargent de faire creuser les tombes.
Le cimetière de La Romagne est donc tout au long des siècles un lieu d’inhumation pour tous les habitants du village. Il est aussi un endroit de repos pour quelques prêtres qui ont été au service de la paroisse tels :
l’abbé Morin (dont Jules Carlier nous dit en 1913 que « La pierre qui supportait la croix en bois érigée sur sa tombe existait encore à fleur de sol et qu’elle se trouvait à quelques pas en avant du portail[1]. ») ;
les curés Noiville et Regnier.
En dehors de ces figures, le cimetière a pu accueillir des vagabonds ou des mendiants, comme celui qui fut trouvé mort à Rocquigny mais qui était habitant de La Romagne.
[1]Bibliothèque Carnegie Reims, CHBM 994, Carlier, Jules, Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien, Rethel : Huet-Thiérard. 1913, 73 p. [Nota bene : l’ouvrage est un tiré à part donné en 1933 par l’auteur. Ce dernier a rédigé initialement quatre articles imprimés dans un périodique ardennais : la première partie est parue dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 37, janvier-février 1913, p. 1-5. La deuxième partie a été publiée dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 38, mars-avril 1913, p. 15-23. La troisième partie a été diffusée dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 40, juillet-août 1913, p. 47 et suivantes. La quatrième partie a été éditée dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 41, septembre-octobre 1913, p. 63 et suivantes].
En l'absence de médicaments, les Romanais disposaient sur leur terroir de nombreuses plantes pour se soigner, comme la rue des jardins, encore appelée rue officinale (Ruta graveolens).
Comme il est important depuis le Moyen Age, pour les familles quelque peu aisées, de se préoccuper du sort des malades, un certain Adam de Galery fait donation en 1286 aux moines de Signy d’une maison avec grange et dix setiers de terre sis à La Romagne. Il y ajoute des rentes en froment pour les besoins des malades, tout en gardant l’usufruit jusqu’à sa mort[1].
Un lieu-dit, assez proche du village mais sur le terroir de Rocquigny, porte le nom de maladrerie : cela atteste (mais surtout rappelle) la présence très ancienne d’un établissement, probablement de petite taille, où l’on regroupe les malades des environs.
[1]Archives départementales des Ardennes, H 205 [série H = clergé régulier avant 1790, cotes H 1-409 = abbayes, prieurés et couvents d’hommes, cotes H 203-237 = abbaye royale de Notre-Dame de Signy, cisterciens, filiale d’Igny, ligne de Clairvaux, commune de Signy-l’Abbaye, cotes H 205-206 = cartulaire (1134-1729) et table (XVIIIe siècle), 1134-XVIIIe siècle].
Les actes de décès faisant mention de la cause de la mort sont rares. Néanmoins, il faut avoir présent à l’esprit les conditions climatiques et météorologiques, l’alimentation souvent insuffisante ou de mauvaise qualité, la misère générale et l’hygiène lamentable des habitations à l’extérieur : les fumiers contaminent souvent les puits, et les immondices s’étalent parfois dans les rues. Depuis toujours, le problème de ces engrais naturels s’est posé pour la qualité de l’eau et l’hygiène des rues dans un premier temps et des demeures, dans un second.
Yersinia pestis (bactérie vue au microscope à balayage).
Bien que l’on n’ait pas de renseignements directs concernant la Romagne, on peut penser que la peste s’est manifestée périodiquement entre 1347 et 1635, puis de nouveau en 1636 comme elle l’a fait, à plusieurs reprises, à Sery ou à Wasigny : une liste des morts et une pierre de l’église y témoignent des nombreuses victimes dues à la contagion[1].
Les années de famine ou de disette s’accompagnent généralement de maladies. C’est ce qui se passe à propos des conséquences de l’hiver 1709. L’on constate pour le village une chute vertigineuse des naissances en 1710, au point que le solde naturel[2] est déficitaire.
Les habitants de La Romagne et des environs doivent faire face à un certain nombre de maladies et d’épidémies. Outre la peste, dont les ravages se font sentir régulièrement, d’autres fléaux reprennent à la fin du 16e siècle. Puis, dès 1701, c’est une « attaque de discentrie » qui les frappe.
[2] Différence entre le nombre de naissances et celui des décès.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9782642, Meyserey, Guillaume Mahieu de, Méthode aisée et peu coûteuse, de traiter avec succès plusieurs maladies épidémiques, comme la suette, la fièvre miliaire, les fièvres pourprées, putrides, vermineuses & malignes, suivie dans différens endroits du royaume & des pays étrangers, avec les moyens de s’en préserver […], Paris : Veuve Cavelier et fils, 1753, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE29-4 (A), consultable en ligne sur Gallica.
En 1718 c’est « la suette miliaire » qui se répand à partir de Château-Porcien jusque Wasigny et Lalobbe. Cette maladie ne s’attaque qu’à des sujets robustes, alors qu’elle épargne les enfants et les vieillards. Elle commence par « une sueur sans grande fièvre, un petit mal de tête et une soif ardente[1] ». Du deuxième au quatrième jour apparaît une congestion de la face. Les symptômes peuvent devenir violents très rapidement, et évoluer vers un délire ou un coma. La mort survient en quelques heures. Pour traiter cette maladie, il faut rester alité et suer beaucoup : on donne au malade de l’eau colorée avec du vin, des tisanes et la diète est imposée, même si le malade à très faim.
Considéré comme une mauvaise herbe, le chiendent (Agropyron repens, Elytrigia repens, Elymus repens, Triticum repens) est censé possèder des vertus anti-infectieuses.
De 1733 à 1740 apparaissent rhumes, fluxions et pleurésies. Ainsi, Jean Tâté note qu’entre avril et juin 1741 à Château-Porcien « de nombreux rhumes incommodent les enfants ». Il compare ces maladies à une espèce de claveau[1]. Périodiquement, ces divers maux réapparaissent[2].
La bourrache officinale (Borago officinalis) est une plante annuelle courante en Europe.
Dans les cas des fluxions ou de la toux, on tente de combattre la complication inflammatoire et on essaie de débarrasser les premières voies « des levains putrides qui y séjournent ». On recourt à la saignée, aux purgatifs doux comme « une décoction de casse avec de la manne », à des lavements et aux boissons comme les tisanes d’orge ou de chiendent. Pour la toux, on utilise « des béchiques mariés avec des antiseptiques », de la bourrache avec du kermès minéral.
[1] Maladie due à un poxvirus, qui se traduit par une fièvre élevée, un écoulement des yeux et du nez. Elle est propre aux bêtes à laine.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TH PARIS-14424, Picard, Louis, « Les Épidémies dans le Porcien et les régions circonvoisines de 1772 à 1782 », thèse de médecine, numéro d’ordre 551, Paris : imprimerie de A. Lapied, 1938, 103 p. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, PERH7 1, Railliet, Georges, « Les épidémies dans le Porcien et les régions circonvoisines de 1772 à 1782 d’après la thèse du docteur Louis Picard », in Bulletin du Comité des amis du musée [publié par la Société d’études historiques et archéologiques du Rethélois et du Porcien], Rethel : Musée du Rethélois et du Porcien, 1931-1939, n° 9, 1939, p. 20-25, notice consultable en ligne.
Le blason régional de la Thiérache est parti, en un coupé en chef fascé d’argent et de gueules de huit pièces et en pointe d’azur aux trois fleurs de lys d’or et en deux d’azur semé de fleurs de lys d’or, sur le tout d’or au lion de gueules.
De 1772 à 1780, les villages ardennais du Porcien sont frappés à tour de rôle par des « fièvres putrides inflammatoires », que l’on qualifierait de nos jours de grippes. On peut aussi noter des dysenteries venues de la proche région de la Thiérache, et plus particulièrement par l’épidémie de Rozoy. Vers novembre 1778, une épidémie de « fièvre pourpreuse » (ou scarlatine) fait son apparition. Grâce aux gelées, elle régresse temporairement, avant de réapparaître vers mars pour disparaître en mai.
La scarlatine est une maladie infectieuse de la peau due à la bactérie Streptococcus pyogenes (vue au microscope, version colorisée).
La grande chélidoine (Chelidonium majus) est une plante de la famille des Papavéracées.
Quelle que soit l’époque, les hommes ont cherché à soulager leurs maux. Le curé de Doumely, Givron et Bégny note vers 1684 quelques remèdes qu’il aurait pu reprendre dans un recueil populaire à l’époque, le Médecin des pauvres. Ce sont des empiriques, pour combattre la « pierre » (ou calculs rénaux).
La gomme du cerisier est en fait due à une maladie de l’arbre nommée gommose.
Le nombre de recettes montre l’importance de ce mal. Elles tentent de soulager les douleurs qu’il entraîne. L’une permet de « rompre la pierre et de faire uriner en moins de trois heures », l’autre propose de la briser quand elle se trouve dans la vessie.
Grande pimprenelle ou sanguisorbe officinale (Sanguisorba officinalis).
Pour cela, il faut mélanger dans du vin blanc de « l’entre-deux des noix, de la racine de chélidoine, de la gomme de cerisier sauvage que l’on a fait brûler jusqu’à ce qu’elle devienne blanche, des racines de guimauve, de la bardane, du persil, du fenouil, des feuilles de saxifrages, de la pimprenelle, des noyaux de ‘pesche’ de nèfles »[1].
Comme son nom l’indique, la rue fétide (Ruta graveolens) dégage une odeur forte et désagréable.
Ce curé propose également une recette pour se débarrasser de la vermine et des puces en particulier. Il faut faire une décoction de « rhue » (probablement la rue fétide, autrefois très utilisée) à laquelle on mêle de l’urine de jument. Heureusement que nos ancêtres n’avaient pas la même sensibilité olfactive que la nôtre !
Pour la santé, il faut aussi relever l’influence du climat et du travail. L’humidité de la région est propice aux rhumatismes articulaires, à l’arthrite et aux autres maladies liées à un sol humide. Les actes notariés[1] indiquent parfois que certaines personnes âgées sont dans l’incapacité de signer en raison de tremblements, bien qu’elles aient su autrefois, ou parce qu’elles ne peuvent plus se mouvoir. La difficulté du travail fait apparaître des déformations du squelette et bien souvent les dos sont courbés avant cinquante-cinq ans.
Le froid, lui, favorise les congestions. C’est ce que l’on constate dans ce secteur, surtout pour les mois de janvier et de février, lorsque les journaux du XIXe siècle relatent, dans la rubrique des faits divers, les causes de décès. Nombreux sont les hommes victimes de ce mal foudroyant lorsqu’ils sortent de leur maison, ou qu’ils se déplacent sur les chemins pour vaquer à leurs occupations.
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E 14/139 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E 14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].
La puce de rat Xenopsylla Cheopis est responsable de la transmission du typhus murin, notamment via les céréales (vue au microscope, version colorisée).
La première moitié du XIXe siècle voit encore des épidémies comme celles du typhus, qui éclatent en 1812 et 1814 à Rethel et dans sa région, et qui sont liées aux passages de troupes.
Typhus exanthématique, transmis par le pou de corps et la bactérie Rickettsia prowazekii (vue au microscope, version colorisée).
En 1832, dès le mois de mai, le choléra est présent, il se manifeste par des signes avant-coureurs (pesanteur dans la tête, jambes coupées, dévoiements d’entrailles). Il fait des ravages si importants que 59% des malades du canton de Chaumont-Porcien décèdent.
Bactérie Vibrio cholerae (vue au microscope, version colorisée).
Cette maladie est connue dans la région et n’en est pas à sa première apparition. Les journaux jouent un rôle dans l’information ou dans la diffusion de traitements, en publiant des articles recommandant des mesures d’hygiène. Ces dernières nous semblent élémentaires de nos jours, mais elles n’étaient pas évidentes à l’époque.
Un hebdomadaire[1] rappelle qu’il faut éviter d’avoir dans les maisons des volatiles qui peuvent causer l’infection, ou d’avoir des cours avec un amas d’excréments, d’urine, de fumier et autres immondices. Un pharmacien de Rethel, monsieur Misset, rue du Grand Pont, y fait une publicité, qui se recommande tout de même du docteur Larrey ! Elle concerne des ceintures protégeant du « choléra-morbus ». Leur efficacité est certainement très improbable, mais cela permet de comprendre la peur que déclenche cette maladie.
Le camphrier (Cinnamomum camphora) a été utilisé contre l’épidémie de choléra en 1831–1832.
Quant aux autres remèdes proposés, sont-ils plus efficaces ? Il faut mettre le malade dans un lit modérément chaud, et surtout ne faire aucune application extérieure comme les vésicatoires ou les sinapismes. Ensuite, on prépare une solution qui consiste à dissoudre une partie de camphre dans six parties de fort alcool, puis à en donner quelques gouttes au malade sur un peu de sucre, et ce jusqu’à ce que les symptômes soient moins alarmants. Espérons que c’était au moins agréable pour le malade, à défaut d’être souverain !
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LC11-849, Feuille d’affiches, annonces et avis divers des arrondissemens de Rethel et Vouziers, 1re année, n° 1 (1821) -12/13e année, n° 657 (13 oct. 1832) [?], Rethel : Impr. de Beauvarlet, 1821-1832, onzième année, n° 603, samedi 17 septembre 1831, recto-verso.
Autrefois, le chirurgien-barbier ne pouvait pas pratiquer tous les soins. Il se contentait de pratiquer les saignées, les pansements, les petites opérations et l’arrachage des dents. Le premier dont on trouve la trace dans l’état civil est Jean Berthot (époux de Jeanne Triffont), décédé en 1678[1]. L’officier de santé, dont la fonction a été créée à partir de la Révolution, fait office de médecin uniquement dans le département où il a été reçu, sans en avoir le titre.
Pour les fractures ou déplacements, on fait appel à des empiriques ou rebouteux. Cependant, comme en témoignent certains comptes de tutelle dressés après décès, on a aussi recours à un chirurgien (dont les fonctions sont très différentes de celles exercées de nos jours). Au début du XVIIIe siècle, on peut citer Remacle Merlin, maître chirurgien, Charles Devigny ou, un peu plus tard, Bertin (chirurgien à Chaumont). Il n’est autre que celui qui habitait auparavant à la Romagne, et dont on trouve trace dans le rôle des tailles de 1771. Il exerce conjointement avec Antoine Pardaillan, lui aussi de La Romagne, ou il le remplace. Parfois, on a recours à un chirurgien plus éloigné, tel Berton (chirurgien à Wasigny). Il est ainsi appelé pour soigner Louis Letellier. Sans résultats, hélas !
En 1743, il existe à la cense de la Viotte, paroisse de La Férée, un chirurgien oculiste dénommé Jean Palmier. A ce jour, aucun document ne permet de savoir où il exerçait son art, quels étaient ses patients et dans quels domaines précis il les traitait. A la Romagne résidait Gérard Merlin (marié à Jeanne Leblanc, qui était chirurgien. A partir de 1780, les habitants peuvent aussi avoir recours à Louis Lambert Marache, maître en chirurgie qui exerce à Rocquigny.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 21 9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = pièces isolées et petits fonds (série ouverte), article 1J 21 = histoire du Porcien (dons Didion et abbé Henry, novembre 1949), cote 1J 21 9 = cahier concernant Montmeillant et La Romagne, des extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1860), les familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, des notes par A. Picard].
Reconstitution de l’apothicairerie de l’Hôtel-Dieu de Saint-Louis (Charleville), ensemble présenté au Musée de l’Ardenne.
Le dépouillement des registres de l’hôpital de Charleville[1], qui subsistent encore pour la période antérieure à la Révolution, fait état de la prise en charge d’au moins trois habitants :
Marguerite Delangre, épouse d’Etienne Gasque dit « La Bonté », hospitalisée à deux reprises (d’abord en 1754, puis en 1779) ;
Marie-Catherine Arnoult, épouse de Guillaume Varlet, admise en 1786 ;
un adolescent, François Varlet, fils de Guillaume Varlet, en 1782.
La durée moyenne du séjour est de quinze à vingt-cinq jours, sans qu’aucune indication ne vienne expliquer pourquoi ces habitants ont été soignés aussi loin de leur demeure. Cela est d’autant plus étonnant qu’il existait un hôpital à Château-Porcien, certainement plus pratique d’accès.
Ensuite, et jusqu’au début du XXe siècle, on ne connaît rien des maladies qui ont pu atteindre la population villageoise. Les registres accessibles de l’hôpital de Rethel[2] font surtout état d’appendicites chez des sujets jeunes, de quelques fractures (dont une mortelle), de congestions pulmonaires ou de bronchites sévères. Ce n’est pas nouveau, compte tenu des conditions de vie liées au travail nécessitant de fréquents va-et-vient entre l’extérieur et l’intérieur.
[1]Archives départementales des Ardennes, F1 [série F = fonds divers se rattachant aux archives civiles entrés avant 1940, cotes F 1-58 = état des fonds subsistants, première partie, cotes F1-3 = manuscrits de l’abbé Bouillot (1758-1833), notices diverses sur l’histoire des Ardennes, 1800-1827].
[2]Archives départementales des Ardennes, documents divers [série HDEPOT = archives versées ou déposées par les établissements hospitaliers, sous-série HDEPOT/RETHEL = fonds de l’hôpital-hospice de Rethel (1714-1958)].
Saint Gorgon, martyr romain de l’époque de Dioclétien, est fêté le 9 septembre.
Les Romanais, dans l’espoir d’une guérison, se rendent au très ancien pèlerinage de Chaumont-Porcien, auquel il est déjà fait allusion bien avant la Révolution. Il permet, le lundi de Pentecôte, d’honorer à la fois saint Berthauld et sainte Olive, invoqués pour protéger des fièvres. Sinon, il se rendent à celui du Fréty qui existe aussi depuis des temps immémoriaux, et qui est réputé pour la guérison des écrouelles, des maladies nerveuses, de la goutte, des rhumatismes, et des douleurs quelles qu’elles soient. Là, ils prient saint Gorgon.
Mortier de pharmacie en marbre avec son pilon (datation estimée du XIXe siècle).
A la fin du XIXe siècle est mis en place, souvent de façon rudimentaire, un service médical gratuit pour les nécessiteux. La Romagne y adhère, moyennant le versement de trois francs par indigent. Les communes peuvent se faire inscrire auprès de la préfecture, afin de bénéficier de ce service pour les plus pauvres de leurs habitants. Les médecins et pharmaciens, qui voient ces patients désargentés, envoient à la fin de chaque exercice la note de leurs honoraires, et reçoivent en retour une somme proportionnelle au nombre de malades. Ce montant ne représente pas toutefois la totalité des frais[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 25, « Une question intéressante » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, treizième année, n° 3994, dimanche 14 février 1892, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne]. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 25, « Une question intéressante » [chronique locale et régionale, suite et fin], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, treizième année, n° 3999, vendredi 19 février 1892, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Trop souvent, par manque de sécurité, les cultivateurs sont victimes d’accidents tel celui, tragique, du 21 février 1849. Ce jour-là, Jean-Baptiste Lantenois, jeune homme âgé d’une vingtaine d’années, trouve la mort en voulant arrêter un taureau furieux qui parcourait les rues du village et aurait mis ainsi la vie des habitants en danger.
La presse locale ancienne, dontLe Petit Ardennais, nous renseigne également sur la fréquence des accidents spécifiques à la vie à la campagne. Il donne aussi une indication sur l’âge des victimes. C’est tout d’abord un jeune garçon de quatorze ans (Jules Thonnelier), qui doit être amputé après s’être blessé avec une serpe, lorsque la gangrène se déclare quelque temps après (28 janvier 1905).
C’est ensuite un domestique (Aristide Carbonneaux) qui, monté sur une voiture, fait un faux mouvement, tombe de celle-ci, ce qui provoque de nombreuses contusions et une incapacité de travail durant quinze jours (22 avril 1906). C’est aussi une femme (Adolphine Dela, 66 ans), blessée par une vache qui s’est élancée sur elle, l’a frappée de deux coups de cornes dans l’estomac et l’épaule, entraînant des contusions et une fracture de l’épaule (novembre 1906).
Un tombereau est un véhicule à deux roues destiné au transport des marchandises.
Le transport et la conduite de chargements divers mettent en évidence les dangers qui guettent les domestiques de culture. Théophile Davenne, qui conduit un tombereau chargé, tombe si malencontreusement qu’une des roues lui contusionne grièvement la jambe gauche.
Ce même type d’accident guette également les transporteurs de charrois de pierres, très souvent victimes des blocs abandonnés par d’autres charretiers pour caler momentanément leurs véhicules : âgé de 26 ans, Charles Créquy tombe, entre la gare et La Romagne, sous la roue de sa voiture chargée de roches. Il a le crâne brisé. Son corps est retrouvé quelques instants plus tard (février 1890).
L’élevage se pratique sur des terres privées pour les laboureurs les plus aisés, ou sur les terres de la communauté pour la plus grande partie des habitants. Ces communaux comprennent aussi bien des prés que des bois comme zone de parcours pour le bétail.
La communauté villageoise régit par divers règlements[1] les vaines pâtures, un très ancien droit coutumier qu’ont les habitants d’une même commune de faire paître les bestiaux et les troupeaux sur les héritages des uns et des autres, à condition qu’il n’y ait ni semences ni fruits. Ce droit permet au bétail de circuler sur les chaumes après la récolte, et de fertiliser la terre. Les moutons ne peuvent être menés aux vaines pâtures que « dans les pasquis et versaines trois jours seulement après la récolte ».
[1] Les citations en italique sont tirées de ces derniers, sauf mention contraire.
Le village veille aussi au respect des différentes règles concernant les troupeaux, de manière à ce que « personne ne laisse sortir les bêtes de l’étable pour les champs que les pastres n’aient sonné du cor », puisque le bétail ne peut être envoyé à la pâture « qu’après que la messe de paroisse aura été dite », sauf de Pâques jusqu’en septembre où le « bestail » peut partir au jour et revenir à huit heures à l’étable.
Le berger est responsable dans tous les cas des dégâts que font ses bêtes, et doit en répondre. Simon Suant, berger communal de La Romagne en 1751, se trouve ainsi mis en cause dans un procès pendant[1] en la baronnie de Chaumont par Brice Bolle, fermier de La Binotterie, car ses « bêtes à laine ont fait des dégâts dans un jardin à lui appartenant et aux haies de celui-ci ». Il est condamné à payer à ce laboureur 27 livres pour tous dépens, dommages et intérêts[2].
[1] Une affaire est dite pendante lorsqu’un tribunal a été saisi et que la cause n’a pas encore été jugée.
[2]Archives départementales des Ardennes, 3E 3666 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, cotes 3E 3540-4093 = archives notariales de Château-Porcien].
Les villageois dénoncent également les abus qui pourraient exister concernant les troupeaux à part. Ceux-ci sont expressément défendus, quelle que soit la qualité des personnes les possédant. Or, le jour où cette règle n’est pas respectée (on est en 1740), la communauté de La Romagne[1] assigne, par l’intermédiaire de François Godard, sergent en la justice de la baronnie et gruerie de Chaumont-Porcien, trois habitants : Nicolas Monnoye, Jeanne Charlier (veuve de Pierre Boudié) et Pierre Canon doivent comparaître devant le bailli afin de se voir interdire de faire « troupeau à part et condamner à 500 livres de dommages et intérêts envers ladite communauté et aux dépens pour la contravention par eux faite aux ordonnances[2] ».
[1] Représentée par Louis Lebrun, Thomas Devie, François Merlin, Pierre Gagnaire, Pierre Devie et Jean Courtois.
[2]Archives départementales des Ardennes, 7J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection Guelliot, érudit local].
Ce droit de vaine pâture, loin de disparaître avec la Révolution, est au contraire réglementé par deux lois (du 6 octobre 1791 et du 25 octobre 1795). Elle se maintient tout au long du XIXe siècle, comme le rappelle le maire lors d’une délibération : « Depuis un temps immémorial, les bêtes à laine et le gros bétail, d’après un droit acquis résultant d’une coutume locale et suivant un usage constant et suivi ont toujours joui du droit de parcours et de vaines pâtures sur les prés naturels de La Romagne dépouillés de leur récolte jusqu’en 1849[1] ».
Cette année-là, les terres des gorges du Ribouré sont attribuées aux particuliers pour la vaine pâture des moutons, alors que les terres du ruisseau Commelet, du Vertillon, de la Fontaine aux Grues et la Rouge Cotte reviennent au berger communal. L’année suivante, la vaine pâture change de lieu, et le troupeau communal se retrouve sur les terres du Saule Notre-Dame, le Pré Haut du Vertillon et une partie de la Hoëtte. En dehors de cette vaine pâture, la commune attribue des terres qui vont du chemin de Draize aux prés du Pont Canel pour les volailles.
C’est en 1889 que la vaine pâture sera officiellement abolie, tout en laissant au conseil municipal de la commune le pouvoir de la rétablir, à condition de déterminer l’époque où elle débute et prend fin, les lieux sur lesquels elle s’établit et la part de chaque espèce[1] .
Cette vaine pâture peut être suspendue en cas d’épizootie, de dégel ou de pluies torrentielles. C’est ainsi qu’elle subsiste encore quelques années dans le village. En effet, et en raison de la transformation de l’agriculture, des aménagements sont décidés par le conseil. Ce dernier propose que les « bas prés soient réservés au gros bétail et les hauts prés pour les bêtes à laine qui trouveront ainsi à se rafraîchir ».
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 21, Meyrac, Albert [et alii] ; « La Vaine Pâture », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, partie 1/3, n° 3262, mercredi 22 janvier 1890, p. 2-3 [presse locale ancienne, vues 2/4 et 3/4, consultables en ligne] ; partie 2/3, n° 3263, jeudi 23 janvier 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne] ; partie 3/3, n° 3264, vendredi 24 janvier 1890, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne].
Les vaines pâtures permettent à tous les habitants, propriétaires ou non, de faire paître des bêtes. Pour cela, les propriétaires qui veulent user de ce droit doivent abandonner des surfaces en fonction du nombre et de la qualité des bêtes qu’ils veulent y mettre, alors que tout chef de famille même non propriétaire a le droit à six bêtes à laine, une vache et son veau.
Quelle que soit la nature du troupeau, sa conduite et sa surveillance sont réglementées et confiées à un berger communal choisi par la communauté villageoise, puis par la suite recruté par la municipalité. Ces troupeaux génèrent également des activités autres, tels les peigneurs de laine (Nicolas Goulart en 1702 ou Nicolas Renaulx, qualifié de « lainier » en 1720).
Années des emplois
Noms des bergers
1693
Jean Langlet
1694
Jacques Douet (ou Douette)
1702
Pierre Langlet
1714
Jean Sonnet et Nicolas Lefébure (ou Lefèvre)
1720
Pierre Langlet et Michel Osselet
1725-1731
Nicolas Hezette
1742
Pierre Vuilmet (ou Vuillemet)
1752
Jean Deschamps et Jean Gouverneur
1762-1774
Antoine Hezette
Dès le XVIIe siècle, les troupeaux de La Romagne sont gérés de façon communautaire.
Lorsqu’ils sont au service d’un particulier aisé, les bergers peuvent conduire de petits troupeaux d’une centaine de bêtes. Dans ce cas, ils perçoivent environ 60 livres de gages pour eux seuls, ou 80 avec leurs chiens. Parallèlement, on ne connaît pas la rémunération du berger communal. Il ne semble pas que des troupeaux particuliers aussi importants existent à La Romagne. Louis Letellier (vers 1750) en a un qui comporte vingt-cinq bêtes et dont il confie la garde, certainement comme d’autres laboureurs, à Nicolas Carbonneaux. En 1771, Jean Rifflet et Brice Bolle ont leur berger particulier. En 1792, Nicolas Fressancourt est le berger de la communauté de La Romagne. En l’an V[1], c’est Jean-Baptiste Fersancourt puis, en 1798, Noël Fersancourt[2].
[1] L’an V du calendrier républicain correspond aux années 1796 et 1797 du grégorien.
[2] Compte tenu de l’orthographe variable de l’époque, on peut penser que Fressancourt et Fersancourt correspondent à une seule et même famille.
L’enquête réalisée à la demande de l’intendant de Champagne dans la subdélégation de Château-Porcien[1], à laquelle La Romagne est rattachée, permet d’en savoir un peu plus sur cet élevage et sur les maladies qui peuvent atteindre le cheptel. Cet animal, désigné communément mouton de Champagne, pèse en moyenne vingt-six livres, ce qui est nettement inférieur à un mouton gras qui, lui, peut peser jusqu’à trente-deux livres. Sa taille est d’un pied et sept pouces et demi. Il n’est cependant pas d’usage dans cette subdélégation d’élever les moutons pour les engraisser et les revendre dans les foires.
Le coquelicot (Papaver rhoeas) appartient à la famille des Papavéracées et porte (entre autres) le nom vernaculaire de pavot des champs.
Lorsque ces animaux paissent à l’extérieur, les lieux où poussent le pavot, le chéon[1], la trudaine[2] et les sénés sont bons pour eux. Mais aussi pour l’amendement de la terre, qu’ils fument directement. L’hiver, ils sont à l’intérieur, et on leur donne du fourrage d’avoine. Les étables sont généralement vidées deux fois durant la saison froide (en décembre puis en mars). Quand il est vendu, le fumier rapporte 5 ou 6 livres par voiture.
Laine de mouton brute (toison non lavée, en suint).
Les moutons champenois ne présentent aucune marque distinctive, si ce n’est que certains spécimens ont le ventre chauve, alors que leurs congénères l’ont garni de laine. Cette dernière existe en deux qualités : la fine, que l’on prend sur les flancs et le dos, et la grosse que l’on prend aux cuisses. Cette dernière peut être vendue « en suint » aux environs de 17 sols la livre et, lavée, environ 23 sols pour la même quantité. Elle est acheminée vers Rethel ou Reims, où l’on fabrique des étoffes de qualité moyenne comme certains draps, des espagnolettes[1], des dauphines[2] ou des serges.
[2] Nom d’un petit droguet (étoffe ornée d’un motif) de laine.
Laine de mouton lavée (débarrassée de son suint).
A La Romagne, le but de l’élevage n’est pas de produire de la viande, mais de la laine : au milieu du XIXe siècle, les deux cent soixante-dix kilos stockés dans le grenier de la ferme Merlin sont estimés à 1300 francs.
Tout cela n’est possible que si les bêtes échappent à certaines maladies bien spécifiques[1] comme l’araignée[2], le claveau[3] ou le criquet[4]. Pour éviter ces maux, les préoccupations concernant l’hygiène (dont on s’occupe davantage depuis le XVIIIe siècle) s’attachent à éviter que des foyers d’infection ne se constituent dans les bergeries et ne se propagent à tout un village. Les moyens de désinfection sont encore très rudimentaires.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], feuillets 53 et suivants.
[2] Maladie qui se manifeste par un gonflement de la tête et des oreilles accompagné d’un dégoût de toute pâture.
[3] Maladie due à un poxvirus, qui se traduit par une fièvre élevée, un écoulement des yeux et du nez.
[4] Maladie qui atteint les moutons, et pousse les bêtes à se manger les pattes.
Pour le XIXe siècle, sans que ce tableau ne soit exhaustif, les différents bergers communaux et particuliers sont :
Années
Noms des bergers
1817
Jean Louis Roncin
1819
Antoine Charles Liverniaux (64 ans)
1826
Jean-François Gaudinart
1833
Jean-Baptiste Carbonneaux (berger communal cette année-là)
1834
Jacques Auguste Mauroy et Pierre Nicolas Durand
1844
Basile Bonhomme
1850
François Chrétien
1853
Nicolas Carbonneaux
Date non précisée
Jean Baptiste Noël
1854
Pierre Hubert Roncin (berger communal)
Date non précisée
Pierre-Louis Delaître (berger communal)
1857
Sébastien Lebrun (berger communal)
1865
Jean-François Ingebos (berger communal)
1866
Louis Dupont
1867
Louis Sonnet
1869
Jean-Baptiste Georges
1871
Denis Ingebos
Avant 1875
Jean-Baptiste Fay
1880
Augustin Lacour
1888
Pierre Emile Noël
Les bergers communaux sont chargés de la dépaissance (action de paître ou de faire paître les bestiaux).
Il est à noter que l’on trouve un troupeau assez important à la ferme Merlin, avec deux cent soixante-dix têtes réparties en béliers, agneaux, brebis, moutons et antenais[1] dont des bergers prennent soin jour et nuit : l’inventaire après décès signale que dans les bergeries se trouvent des lits avec draps, couvertures, etc.
[1] Agneaux ou agnelles âgés de douze à quinze mois.
Avec la fin de la seconde guerre mondiale et les transformations de l’industrie lainière de Reims qui vont suivre, l’élevage ovin disparaît à La Romagne. Seul un tiers était alors destiné à la boucherie. Le tout petit élevage caprin (pas plus de cinq à sept chèvres) semble avoir été très sporadique. Il s’éteint lui aussi.
La présence de bovins se trouve attestée dans de nombreuses familles villageoises, qui en possèdent en général un à cinq. On ne peut donner leur race, les descriptions qui en sont faites se contentant de donner la couleur du poil : ainsi en est-il pour trois des quatre vaches âgées de quatre à quatorze ans possédées par Louis Letellier, dont deux sont « à poil noir » et une « à poil rouge ». Souvent, une ou plusieurs vaches sont données et inscrites parmi les donations faites lors de la signature d’un contrat de mariage.
Palazzo Pitti (Florence), Galleria Palatina, numéro d’inventaire 42 (1912), Le Pérugin, Marie-Madeleine [Maria Maddalena en italien], huile sur bois de la Renaissance italienne (1500 environ). Fêtée le 22 juillet, Marie-Madeleine est (entre autres) la patronne des gantiers et des tanneurs.
Une réglementation précise que les vaches doivent être tenues à l’étable depuis Pâques jusqu’à la « Sainte-Magdelaine » (22 juillet) et ne point passer par les terres grasses après une grosse pluie. Elles ne doivent pas approcher les terres ensemencées plus près que trois verges. Dans tous les cas, le vacher est tenu pour responsable des dégâts.
Les virologues et bactériologistes Friedrich Löffler et Paul Frosch découvrent en 1898 que la fièvre aphteuse est une maladie virale.
Le bouvier craint toujours que ses bovins ne tombent malades de langueur ou du laron[1], sans compter que, lorsque ces maladies sont jugulées, il faut traiter la fièvre aphteuse.
Ce n’est qu’avec le développement de l’élevage laitier ou boucher que des troupeaux plus importants se forment : en 1773, il n’y a que quatre-vingt-neuf bêtes à cornes pour une population d’environ deux cent cinquante habitants. Un siècle et demi plus tard, la population ayant été divisée par deux, il y en a trois cent vingt, dont deux cents vaches laitières et cent vingt veaux et bœufs produits pour la viande.
Bidon de métal utilisé pour la collecte du lait.
En 1940, juste avant l’exode, le plus gros troupeau compte trente-six bêtes et se compose de quatorze vaches laitières, quinze bêtes d’un à deux ans, six génisses de plus de deux ans et un taureau.
Compte tenu des déclarations de sinistre faites par les éleveurs après le départ des troupes allemandes, il faut noter leur courage et leur travail pour reconstituer un cheptel qui comptera plus de quatre cents têtes en 1954. Les plus petites laiteries locales ont alors tendance à disparaître. Elles sont remplacées pour le ramassage et le traitement du lait par la laiterie Moreau de Rouvroy-sur-Andy, qui reste minoritaire : la majorité de la collecte est effectuée pour son usine de Résigny par la Sopad (groupe Nestlé). Tous l’appellent plus familièrement alors « la Maggi ».
Museo del Prado (Madrid), numéro d’inventaire P002049, Bosch, Jérôme, Tentation de saint Antoine, (Petit saint Antoine), huile sur panneau datée d’après 1490 (mouvement primitif flamand), notice consultable en ligne sur le site officiel du musée. Saint Antoine est le protecteur des animaux d’élevage en général et du porc en particulier.
Le porc et les volailles font partie d’un « élevage familial » : le premier, souvent conservé par salaison, apporte de la viande tout au long de l’année. Pour mieux nourrir les cochons, on les mène à la glandée dans les bois de chênes. Celle-ci fait l’objet d’un bail et d’une mise aux enchères, comme les coupes de bois. L’adjudicataire doit fournir une bonne caution, et s’engager à respecter un certain nombre de règles pour le marquage et la garde des porcs. L’original de la marque est déposé au greffe pour éviter les fraudes.
La glandée est permise durant trois mois, du 1er octobre au 1er janvier[1], alors que dans les forêts royales elle est autorisée jusqu’au 1er février. Tout l’art de cet élevage est d’éviter que les cochons ne soient atteints de la gourme[2] ou du « feu de saint Antoine[3] ».
[1] Archives du Palais princier de Monaco, T 668, ancien 83 [série T = archives du Rethélois et trésor des chartes du duché de Rethel-Mazarin, cotes T 655-672 = partie XIV (baronnie et comté de Rozoy), ensemble de documents concernant Rocquigny (1621-1790)].
[2] Maladie des voies respiratoires très contagieuse.
[3] L’ergotisme affecte l’humain ou les animaux herbivores.
Tuage du cochon dans la cour de monsieur Maurice Druart en 1940 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).
Par la suite, l’élevage porcin se fait exclusivement à la maison : l’abattage donne lieu à un échange convivial avec le voisinage, car peu de bêtes sont destinées à la boucherie (15% en 1938). On distribue la « charbonnée », composée en partie du boudin (produit fragile qui se conserve peu) et de quelques côtelettes. Cette tradition ne peut avoir lieu lors des deux guerres mondiales, car la possession de deux porcs ou plus entraîne une réquisition. Il n’est possible d’en garder qu’un seul, ce qui n’assure pas toujours la consommation annuelle de la famille.
Le dindon rouge des Ardennes est une race rustique de gallinacé.
Quant à la basse-cour, elle est assez importante chez les laboureurs. Celle de Louis Letellier comprend plus d’une centaine de gallinacés et « poulets d’Inde[1] », mais le plus souvent c’est une petite basse-cour familiale qui assure la production d’œufs et le nécessaire pour améliorer l’ordinaire.
Les pots émaillés en grès sont utilisés dans les campagnes pour prolonger la conservation des œufs.
Les ménagères savent conserver le surplus de la production d’été pour faire face à la période hivernale en plongeant ces œufs dans un grand pot de grès contenant du silicate. Elles utilisent à partir des années cinquante un produit se présentant sous la forme d’une savonnette ronde : le combiné Barral (à base de chaux).
Le coloris des poules rousses (nom générique) varie du plus clair au plus foncé.
Cet élevage présent dans presque toutes les familles est parfois « sacrifié », par exemple pour clore les récoltes, pour les repas dominicaux, ceux de la fête patronale (où se retrouvent parents, enfants, petits-enfants), ou pour offrir un repas à toute la famille, venue parfois de loin pour les obsèques de l’un de ses membres.
La volaille est le domaine réservé de la femme : lorsque celle-ci vend au coquassier ambulant des œufs ou quelques poulets, l’argent qu’elle en tire constitue souvent sa cagnotte.
Poule cailloutée (coloris noir panaché de blanc).
L’animal aux longues oreilles entre dans plusieurs recettes traditionnelles du terroir ardennais (tourtes, pâtés de croûte, civets, gibelottes).
Mais il faut croire que ces petites basses-cours sont l’expression d’une trop grande liberté pour les Romanais, car, lors de la seconde guerre mondiale, les Allemands obligent les habitants à en dresser l’inventaire : c’est ainsi que l’un des villageois déclare qu’il a cinq poules pondeuses, un coq et trois lapins[1]. Une richesse probablement intolérable pour ces occupants !
Quoique le terroir soit largement irrigué, chacun veille à ce que l’eau ne soit pas détournée, sans quoi le contrevenant s’expose à quelques ennuis. C’est le cas pour Jean Baptiste Bienfait : ce dernier a capté, au détriment des religieux de la Piscine, le ruisseau qui coule sur leur terre, afin de le faire passer sur les siennes et assurer ainsi une bonne alimentation de ses terres empouillées[1]. La réaction est rapide, d’autant que cette dérivation modifie l’écoulement des eaux, provoquant temporairement l’inondation du chemin bordant ces pièces. L’homme est sommé de « remettre les choses en l’état » et, pour échapper à un procès, il accepte en plus « d’entretenir ledit chemin pratiquable[2]dans la nature de chemin et de garantir ledit pré de messieurs les religieux des dommages qui pourraient y survenir[3] ».
L’abondance de l’eau est fort utile, tant pour les hourliers (ou oseraies) que pour la culture du chanvre, dont l’apogée se situe à la fin du XVIIIe siècle. La plupart des ménages habitant le village possèdent une chènevière (ou chanvrière), tout comme le curé de La Romagne qui a, outre une somme fixe sur son église, deux arpents de prés et deux chènevières louées dont il tire un revenu de 60 livres[1].
Ce sont, le plus souvent, de petites pièces de dix à douze verges, ce qui montre le morcellement des terres. Cette culture demande des soins particuliers. La plante se sème au mois de mai, et se récolte en août pour le chanvre mâle. Ce dernier, dépourvu de graines, fournit une filasse de qualité supérieure destinée à la confection de chemises. Le chanvre femelle en donne une de qualité inférieure, que l’on utilise pour les cordages ou les couches des nourrissons. C’est après la récolte que la présence d’eau est indispensable, afin de faire tremper les tiges pour pouvoir séparer la fibre de la paille.
Au début du XVIIe siècle, les paysans sont soumis à un règlement de police rappelé en 1663[1], qui stipule que « les chanvres ne doivent point être mis rouis dans la rivière parce que la pêche en est ruinée et la boisson malsaine, mais dans un fossé ou marais du lieu » et qu’il faut veiller à « ne les seicher[2] jamais au four et cheminée, crainte d’accident de feu, mais dans les rues au soleil et au vent » (article XXXII). Ils creusent donc des fosses à proximité des cours d’eau. Ces endroits dans lesquels le chanvre trempe prennent le nom de roises[3]. La toponymie des villages environnants l’atteste puisque l’on trouve :
à La Romagne, la Côte des Roises ou le Pré des Roises ;
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin.
Après le rouissage[1], de nombreuses opérations sont nécessaires : séchage, broyage, teillage[2], peignage. Le filage, occupation des femmes durant l’hiver, est confirmé par la présence d’un ou plusieurs rouets dans chaque maison, selon les inventaires après décès. Le tissage est l’œuvre de tisserands. On en dénombre quelques-uns au cours du XVIIIe siècle grâce aux impositions. La toile produite, robuste et rêche, constitue la base du linge de maison ou de corps.
Années
Tisserands
1712
Jean Gorget l’aîné
1714
Jean Georget l’aîné et Jacques Boudesocq
1721
Jacques Boudesocq
1737/1742
Jacques Boudesocq et Jean Lahay
1770/1774
Jean Trippier et Jean Baptiste Deligny
Quelques tisserands de La Romagne au XVIIIe siècle.
[1] Immersion totale des tiges de chanvre dans l’eau.
[2] Opération qui consiste à enlever la partie ligneuse du chanvre.
Valise en osier typique des années 1920 utilisée pour les voyages.
La présence de nombreux rus a aussi pour conséquence que les terroirs romanais et de Rocquigny sont couverts d’osiers et permettent la fabrication de paniers. Une oseraie bien entretenue peut durer de cinquante à quatre-vingts ans, en fonction des soins du terreautage[1]. Un mandelier[2] présent dans un registre des tailles du village en 1702 atteste la pratique de ce métier. Cette culture perdure jusqu’au XXe siècle, tant que les maisons de champagne, principal débouché pour cette culture, utilisent cette matière pour leurs emballages.
Creusement de puits à La Romagne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe).
Outre ces nombreux petits ruisseaux, de multiples sources sont disséminées sur tout le terroir. Avant l’arrivée de l’eau courante, chacun se la procure grâce à un puits pour alimenter son foyer, si bien qu’au XIXe siècle, on en compte dans chaque hameau, et une cinquantaine dans le village. L’un des derniers creusés est celui du presbytère. A défaut de soleil, La Romagne a eu l’ingéniosité de transformer son climat humide en une richesse locale.
Plaque de cheminée en fonte de la maison carrée de la Cour Avril.
Panorama actuel depuis le mont Saint-Berthaud (Chaumont-Porcien).
En dehors des religieux, le grand propriétaire de terres de la Romagne est le Seigneur de Chaumont, qui possède en particulier la ferme de la Binotterie, mais aussi d’autres biens moins importants en superficie : les baux signés en 1668 avec Jadin Rifflé, laboureur qui demeure à La Romagne, portent sur un jardin et une masure[1] situés sur le terroir.
[1] En latin tardif du VIIIe siècle, le terme mansura désigne une tenure domaniale, une manse. A partir de 950, il peut signifier une demeure, une maison.
Le bail consenti le 15 décembre 1718 par Lassire, procureur fiscal de la baronnie de Chaumont[1], loue à Pierre Lepinois un jardin situé à La Romagne, sans oublier le bail à terrage fait au profit de Pierre Goulard demeurant au Petit Bois Dyot de deux pièces de terre sises au terroir du village. Dans ces exemples, le propriétaire est François d’Ambly, baron de Chaumont. Terwel[2] avance en 1657 que, sur les quatre cent quatre-vingts arpents de forêt qui couvrent le terroir, cent soixante-quatre appartiennent au seigneur (soit 34%).
[1]Archives nationales, site de Paris, T 471, liasse 9, pièce n° 4 [série T = papiers privés dans le domaine public, cotes T 1-982 = papiers séquestrés pendant la Révolution, provenant de particuliers émigrés ou condamnés, cote T 471 = documents de Louis Bruno, comte de Boisgelin de Cucé, et de Marie Stanislas Catherine de Boufflers, son épouse].
Avers (ou droit) d’un écu en argent de six livres françaises datant de 1793.
On peut se faire une idée de la taille de la ferme de la Binotterie à travers sa vente en 1793, puisqu’elle est décrite comme comprenant quelque cent seize arpents de terre et huit de prés. Elle est réunie à celle de Place Aly (Alit) de Givron, qui inclut une maison, un bâtiment des fermiers, deux cent six arpents de terre, onze arpents de prés et pâture, le tout d’un seul morceau. Dans la cour de la ferme jaillit une belle source d’eau vive[1]. Le tout forme un ensemble dont le loyer annuel est de 1 500 livres, sans parler de sa valeur qui est de 30 000 livres[2].
[1]Bibliothèque Carnegie, CRV1189M Rés, vue 3/4, « A vendre », in Havé, Adrien (directeur de publication), Journal de Champagne, n° 1 du 1er janvier 1781-n° 34 du 20 août 1792. Reims : Imprimerie Pierard, 1781-1792, n° 23, lundi 8 mars 1790, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne].
[2]Archives départementales des Ardennes, Q 136 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 127-147 = ventes de biens nationaux, fonds concernant les affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].
La ferme de la Binotterie a connu plusieurs bailleurs ou locataires, dont on peut citer les principaux :
Année
Durée du bail
Bailleurs ou locataires
22 janvier 1618
Neuf ans
Jean Doule (Douce le jeune)
21 décembre 1630
Prolongement du bail
Jean Doule (Douce le jeune)
1634
Six ans
Philippe Boudeau
1642-1649
Sept ans Prolongement du bail en 1649 pour sept ans
Jean et Hubert Lépinois. Seul ce dernier réside à la Romagne. Jean, lui, demeure à Fespin.
1701
Trois ans
Jean Lebrun (demeurant à Doumely) et Marie Chulme (sa femme)
12 mai 1714
Un an
Bail de terre en versaines (jachères) et prés (dépendant de la ferme de la Binotterie) à Jean Mouchet demeurant à Mauroy paroisse de Chaumont.
23 mai 1715
Un an
Location de terres en versaines dépendant de la ferme de la Binotterie à Claude Canard, laboureur demeurant à la place Alit (= Aly).
1723
Six ou neuf ans
Berthauld Pasgnière et Barbe Georget (sa femme)
1741
Trois, six, neuf ans
Besnoit Pasgnière
1755
Neuf ans (le bail sera renouvelé puis résilié en 1782).
Berthauld Bolle et Alexisse Cousin (sa femme)
1783
Conclusion du contrat non déterminée
Promesse et soumission de « passer bail » signé au début des versaines 1783 entre maître Vittot (avocat en Parlement, fondé de procuration de madame la vicomtesse de Boisgelin, baronne de Chaumont) et Jean Chéry, laboureur demeurant à la place Aly, paroisse de Givron.
1787
Estimation en vue d’une vente ou d’un partage des terres ?
Arpentage, mesurage et levée d’un plan topographique des terres, jardin, chènevières, bois, broussailles composant la Binotterie et appartenant à monsieur le vicomte de Boisgelin, baron de Chaumont [1].
[1]Archives nationales, site de Paris, T 471, liasse 12 [série T = papiers privés dans le domaine public, cotes T 1-982 = papiers séquestrés pendant la Révolution, provenant de particuliers émigrés ou condamnés, cote T 471 = documents de Louis Bruno, comte de Boisgelin de Cucé, et de Marie Stanislas Catherine de Boufflers, son épouse].
Souvent, les seigneurs ne percevaient pas directement le montant des baux mais les affermaient.
Des deux châteaux édifiés à Séry (Ardennes) avant la Révolution, seul subsiste celui « du haut », situé près de l’église. Il a appartenu à différentes familles (dont les Danois).
La ferme de la Cour Avril, à la différence de celle de la Binotterie, est tout d’abord la possession du sieur de Bouzonville. Cela est attesté dans l’acte de mariage de 1624 entre Christophe de Bouzonville, fils d’Adrien de Bouzonville, sieur de Sery, capitaine de cent hommes à pied, et sa femme Françoise Danois.
Ensuite, ce sont ses enfants Hugues (qui avait un arrière-fief[1] à la Romagne) et sa femme Marie de Mailly[2], ainsi que Renée et son mari, messire Gilles Duguet[3], qui y résident.
[1] Fief relevant au second degré d’un autre fief, dans la dépendance duquel se trouve celui dont il relève directement.
[2]Archives départementales des Ardennes, E 825 [série E = seigneuries, familles, état civil, notaires, cotes E 801-1745 = minutes notariales, cotes E 825-826 = étude Natalis Baillaux à Boulzicourt, 1741-1780].
[3]Archives départementales des Ardennes, E 1445 [série E = seigneuries, familles, état civil, notaires, cotes E 801-1745 = minutes notariales, cotes E 1422-1453 = étude Hachette à Novion-Porcien, 1661-1691].
Selon l’hagiographie, saint Berthauld aurait vécu dans un ermitage limitrophe de Chaumont-Porcien.
Des différends éclatent régulièrement entre le sieur de Bouzonville et les religieux de l’abbaye de Chaumont. En 1630, selon le mémoire de cette abbaye[1], ces derniers l’accusent d’empiéter sur leurs terres en récupérant des terres provenant de leurs biens qui jouxtent ceux de la Cour Avril. Ils ont de telles difficultés pour faire valoir leur droit qu’ils ne peuvent espérer que la « mort de cet homme », ce qui finit naturellement par se produire. De plus, ils l’accusent de « ne rien respecter et de couper des arbres pour alimenter son four à briques qu’il emploie pour ses bâtiments ». On peut ainsi dater approximativement la construction du pavillon en brique et ardoise. Terwel ajoute dans son mémoire qu’en 1657, les bois de la Cour Avril sont de quinze arpents.
Plaque de cheminée en fonte de la maison carrée de la Cour Avril (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Jean et madame Marie-Paule Vergneaux).
La propriété passe ensuite à la fille des propriétaires, Louise, qui épouse en 1687 Firmin Canelle[1], écuyer et seigneur de Gand. Est-ce à la suite de sa tentative avortée de s’impliquer dans l’industrie du fer qu’il la vend et qu’elle devient alors la propriété de Jean Baptiste Devie, sieur de la Horgne ? Celui-ci-ci la cède à son tour pour la somme de 2000 livres[2] à messire Paul Boucher (seigneur d’Avançon) et à son épouse. Cette dernière n’est autre que Marie-Thérèse Devie de La Horgne, fille dudit Jean Baptiste.
Quelques enfants de ce couple y naissent, dont Nicolas Paul Marie, qui sera seigneur de cette Cour Avril. A partir de 1756, on sait, sans en connaître de façon certaine le propriétaire, que les fermiers en sont François Leclerc et sa femme Marie-Jeanne Fréal. En 1766, y résident François-Auguste Baudrillart et sa femme[3].
[2]Archives départementales des Ardennes, inventaires sommaires, page 101 [série C = administrations provinciales avant 1790, cotes C 936-1050 = bureau de Château-Porcien, contrôle des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles, institutions laïques, centième dernier, 1710-1791].
[3]Archives départementales des Ardennes, C 985 [série C = administrations provinciales avant 1790, cotes C 936-1050 = bureau de Château-Porcien, contrôle des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles, institutions laïques, centième dernier, 1710-1791].
Maison carrée de la Cour Avril aujourd’hui disparue, photographie ancienne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Jean Vergneaux et de madame Marie-Paule Vergneaux).
Elle passe ensuite, lors d’une vente[1] le 26 novembre 1767, des mains de messire Pierre-Antoine Thomas d’Avançon et consorts à celles du sieur Paul Legros, marchand à Wasigny. Cette transaction s’effectue contre 7150 livres et 5 livres de rente au profit de la fabrique de La Romagne.
Ce dernier cherche à la vendre dès juin 1782, sans que l’on sache si cette vente se fera finalement. Cette propriété est décrite de la manière suivante : « Ferme qui peut produire 8 à 900 livres de revenu et qui consiste en une maison bâtie en brique et pavillon couvert en ardoise, grange, écurie, remise, colombier, puits, belle cour et jardin potager entouré de beaux fossés[2] propres à mettre du poisson, cent vingt arpents de terre, trente arpents de bois garnis de futaies, quinze arpents de prés[3]. »
[1]Archives départementales des Ardennes, C 987 [série C = administrations provinciales avant 1790, cotes C 936-1050 = bureau de Château-Porcien, contrôle des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles, institutions laïques, centième dernier, 1710-1791].
[2] Ces fossés apparaissent encore très nettement sur le cadastre de 1936.
[3]Bibliothèque Carnegie, CRV1189M Rés, « A vendre », in Havé, Adrien (directeur de publication), Journal de Champagne, n° 1 du 1er janvier 1781-n° 34 du 20 août 1792. Reims : Imprimerie Pierard, 1781-1792, n° 23, lundi 10 juin 1782, p. 1 [presse locale ancienne, vue 1/4, consultable en ligne].
Les paysans tirent du chanvre la filasse qui sert à fabriquer du tissu.
La ferme de la Prieuré se situait près du moulin Garot et, jusqu’en 1720, on est certain qu’elle appartenait à la famille Bechet, dans la mesure où elle faisait partie du partage des biens de la succession de Charles Bechet et de sa femme Marie Foulon. Elle tombe dans le lot de leur fille Prudence, sœur de Robert Bechet d’Arzilly et de Nicolas Bechet de Longueval.
Elle se compose d’un corps de logis, de bâtiments de grange et écurie, d’un jardin, de terres, prés et plants d’arbres ainsi que d’une chènevière[1]. Elle est, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, la propriété de Marie Peltier (veuve de Pierre Jadart du Merbion) qui la loue à Jean Lépinois et à sa femme Nicole Cousin[2].
[2] Acte du 30 septembre 1771 maître Watelier notaire à Wasigny [Archives départementales des Ardennes, série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, cotes 3E 35/1-613 = archives notariales de Wasigny].
La ferme Merlin se trouve à l’angle de la rue Haute et de la grand-rue, carte postale ancienne de La Romagne.
Nicolas Bechet, dit Bechet de Longueval, tire son nom de la cense de Longueval. Durant de longues années, on ne sait rien de cette propriété, jusqu’à ce qu’elle soit mentionnée comme faisant partie des biens de la famille Merlin au XIXe siècle.
Les deux dernières censes dont on trouve trace sont celles du Pont Canelle et de Blanchebarbe : on connaît l’existence de la première par un échange de terres qui se fait entre Gérard Merlin, sa femme Jeanne Leblanc, et Jean Posé manouvrier de Saint-Jean-aux-Bois[1]. La seconde porte sur celle de Blanchebarbe qui, elle aussi, est évoquée dans un acte notarié entre Nicolas Langlet et Gérard Merlin. Les censes disparaissent avec la Révolution, qui modifie en conséquence la répartition des biens du village.
[1] Archives privées et personnelles [source non communicable en raison d’un accord de confidentialité].
Dès le Néolithique[1], les secteurs de Château-Porcien, Marlemont et La Romagne sont occupés, sans que l’on puisse préciser si ces lieux sont des demeures permanentes ou des lieux de fabrication d’objets en pierre taillée. La découverte de monsieur Alfred Merlin de trois haches polies et de vertillons ou pesons de fuseaux au lieu-dit le Vertillon[2] viennent renforcer cette hypothèse.
Le blason communal de Château-Porcien est de sinople au manteau ducal de gueules, doublé d’hermine et lié d’or, chargé d’un écusson d’azur surchargé d’une hache d’armes ou consulaire d’argent, entourée de houssines d’or liées d’argent, et d’une divise de gueules chargée de trois étoiles d’or brochant sur le tout de l’écusson, lui-même timbré d’une couronne ducale d’or ; le tout, soutenu en pointe d’un porc de sable passant.
D’autres lieux sont marqués par la présence romaine, ne serait-ce que la voie plus communément appelée « le chemin des Romains » qui passe de Saint-Loup-en-Champagne vers Château-Porcien avant de suivre le trajet Bagnogne, Hannogne, le Point-du-Jour, la Guinguette (commune de Rocquigny) pour atteindre La Romagne au-dessus du Bois Diot et des Houis avant de se diriger vers Mézières.
On peut donc penser qu’après la construction des routes, des chemins et des camps[1], certains Romains, probablement d’anciens soldats, se sont fixés dans les environs et ont construit des habitations. La Romagne en tirerait son nom.
[1] Dont un assez important se trouvait dans le secteur de Chaumont-Porcien.
Prémontré, détail d’une gravure de Wenceslas Hollar (1607-1677).
Les dénominations du village, dont la typographie a varié au cours des siècles, sont successivement Rommagnia, Rommaingna, Rommaigne (graphie attestée en 1248). Vers 1300, c’est la Roumaigne avec Gérard de La Roumaigne (moine de l’abbaye de Chaumont) qui exerce les fonctions de plaidator[1], mais aussi celle de prévôt de la ville de Chaumont-en-Porcien. Un document garde d’autre part la trace d’un certain Warin de la Roumaigne[2].
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, microfilm 35 mm, MFILM 4-K-311 (10,1), Lacaille, Henri ; Saige, Gustave, Trésor des chartes du comté de Rethel, Monaco : imprimerie de Monaco, 1902-1916, 5 vol. in-4°, Tome I. 1081-1328, p. 130 [collection de documents historiques publiés par ordre d’Albert Ier, prince souverain de Monaco].
Au XVIIe siècle, ainsi que l’atteste la carte du diocèse[1], c’est la graphie La Romaigne qui prévaut. On peut remarquer que les curés de la paroisse adoptent différentes orthographes, et ce n’est qu’en 1713 que le toponyme actuel apparaît sur une carte de la Champagne[2].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 8J 111 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 8J = fonds du chanoine Thibault, de Reims, 1612-1955].
Palais du Tau, (Reims), salle du trésor, reliquaire dit de Samson (archevêque de Reims de 1140 à 1161), cuivre émaillé et doré, argent doré sur une âme de bois, vers 1200.
Jusqu’au milieu du XIIe siècle, on ne trouve aucun renseignement sur La Romagne. En 1147, Samson, archevêque de Reims, confirme aux religieux de Chaumont leurs possessions, parmi lesquelles figure le village.
Le blason de la maison de Dreux est échiqueté d’azur et d’or à la bordure de gueules. Henri (1193-1240) a été archevêque de Reims de 1227 à 1240.
En 1227, La Romagne dépend du village de Rocquigny. A cette date, Henri de Dreux, archevêque de Reims, permet aux habitants de bâtir une église et de prévoir un cimetière dans le village, compte-tenu de la distance assez importante avec Rocquigny.
Pour cela, il charge Simon Pied de Loup, chanoine et official[1] de Reims, de dresser l’acte et de le faire parvenir à l’abbé et aux religieux de Chaumont-Porcien :
« Simon Pes Lupi canonicus et officialis domini Remensis. Dilectis in Christo omnibus presentes litteras visuris salutem. Nouerit universitas nostra quod nos de voluntate, et speciali mandato domini Remensis liberaliter, et benigne concepit abbati et ecclesiae calmontentis ad quod jus patronatus de Roquigniaco et de Romeigne appenditia ejusdem noscitur pertinere ; quod in eadem villa de Romeigne ecclesia construatur, et cimaeterium habeatur, cum idem locus ipsius villa de Romeigne amatrice ecclesia de Roquigniaco nimium distare videatur. Actum anno domini M CC vicesimo septimo mense octobri. »
En ces années, le village ne se compose que de quelques fermes éparses. Une dizaine d’années plus tard, Jacques de Montchâlons rend aux moines de Signy un hallier[1] près du chemin de Doumely à La Romagne, qu’ils avaient défriché[2] et que son beau-père Raoul de Château-Porcien avait usurpé. Ces religieux appartiennent à l’ordre des cisterciens, tandis que l’abbaye de Chaumont-Porcien relève de celui des prémontrés.
[1] Enchevêtrement de buissons serrés et touffus, d’un accès difficile.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LC19-232, Nouvelle revue de Champagne et de Brie, 1re année [n° 1] (janvier/février 1914) – [n° 5/6] (septembre/décembre 1914) ; 2e année [n° 1] (janvier/février 1924) – 15e année [n° 4] (octobre 1938), Reims : imprimerie Monce & Cie, 1914-1938, Tome XII, 1934, p. 245 [Nota bene : la livraison de septembre/décembre 1914 a été publiée en 1923, et le périodique n’a pas paru en 1937].
Armoiries ecclésiastiques d’Innocent III, de Grégoire IX et d’Alexandre IV.
A cette époque, une bulle du pape Grégoire IX énumère les bénéfices des religieux de Chaumont, dans lesquels figurent ceux de La Romagne, Rocquigny et Montmeillant. En 1270, l’abbaye de Signy est l’un des principaux propriétaires du village, après une donation de Roger de Rozoy et de sa femme Aélis.
Elle comprend des terres sur lesquelles se trouvent un moulin et un vivier : en les louant, les religieux se procurent un revenu qui doit être consacré à donner une pitance aux moines le jour anniversaire de la mort des donateurs. Ils conservent aussi les poissons d’eau douce pour le Carême, période durant laquelle la viande est proscrite de l’alimentation. Les cisterciens reçoivent également de Clémence, comtesse de Saumes (parfois orthographiée Saulmes), une partie des terres qu’elle possède à La Romagne.
Les deux abbayes de Signy et de Chaumont-Porcien ont des rentes en froment, prés, terres, maisons, granges, étables, jardins à La Romagne, tout comme à Bégny, Hauteville, la Hardoye, etc. Mais, à la suite de divers échanges avec Signy, Chaumont va garder la tutelle de la paroisse de La Romagne.
Blason ecclésiastique de l’ordre cistercien, dont la devise latine «Cistercium mater nostra » signifie « Cîteaux notre mère ».
A partir du XIIIe siècle, celle-ci est un territoire nettement délimité, sur lequel vit une communauté de fidèles placé sous la responsabilité d’un prêtre à qui l’on a confié la cura animarum (soin des âmes). Le curé va voir son autorité s’imposer au sein de cette structure.
Le comté de Porcien, ancien pagus de Champagne, dépend de l’Église de Reims.
Le 28 octobre 1284, dans une sentence arbitrale sur divers litiges entre l’abbaye de Chaumont, la commanderie de Seraincourt, et Logny-lès-Chaumont, des hommes sont désignés pour son application. Parmi eux, un certain « Ponsars li puissans » de La Romagne[1] et deux bourgeois de Rocquigny et de Rozoy. Cela semble montrer que le village a pris davantage d’importance dans le comté de Porcien.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 4-K-311 (11), Robert, Gaston, Documents relatifs au comté de Porcien : 1134-1464, Monaco : imprimerie de Monaco, 1935, XCVI-416 p., p. 104 [cet ouvrage correspond à une collection de documents historiques publiés par ordre de S. A. S. le prince Louis II, prince souverain de Monaco].
En dehors du curé, des marguilliers et du maître d’école, la vie de la paroisse est liée aux sages-femmes ou « belles-mères », car les naissances sont nombreuses. En ce qui concerne celles qui ont été présentes à La Romagne, nous ne savons que peu de choses et ignorons même le plus souvent leur identité, sauf pour quelques-unes d’entre elles. Celle qui exerce en 1663 se nomme Hélène Legros[1], tandis que celle qui aide aux accouchements en 1756 est Marie-Catherine Bellomé ou Bellommé, ainsi que le signale le curé dans un acte de naissance[2].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2 G 252 page 212 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
En 1772, c’est Marie Langlet qui assiste les mères pour les enfantements. En revanche, à Montmeillant au même moment, il n’y en a pas et le curé reçoit l’ordre d’en faire élire une au plus vite[1]. Tout comme pour le maître d’école, la présence de la sage-femme n’est attestée dans les diverses visites pastorales qu’à partir de 1745. Cette année-là, elle est présente « physiquement » lors de l’inspection du vicaire et « instruite sur les devoirs de son ministère », selon le procès-verbal.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2 G 252 page 213 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Le baptême administré par la sage-femme ne doit l’être que dans un cas bien précis, « la crainte qu’on n’aurait pas le temps de porter l’enfant à l’église » ; la lecture des registres ne fait apparaître que quelques cas de « baptême à la maison », et concerne les enfants nés d’un même couple. La sage-femme administre le baptême les 5 février 1753, 21 mars 1754 et 8 mai 1756 aux trois enfants du couple formé par Raulin Boudsocq et Marie Monnoy, puis en 1760 aux « enfants gémellaires » de Jean-Baptiste Tellier et Marguerite Pagnier. L’urgence de cet acte est avérée, puisque ces jumeaux décèdent le premier jour.
De même, celle qui exerce en 1774 est « bien instruite pour administrer en cas de nécessité le baptême mais elle n’a pas prêté serment ». Celle de 1783 n’est pas « jurée » mais « on ne se plaint pas » de celle qui « fait les fonctions ».
Ce portrait de Charles-Maurice Le Tellier par Robert Nanteuil en 1663 montre l’homme d’Eglise avant qu’il ne soit archevêque-duc de Reims de 1671 à sa mort. L’ecclésiastique évoque les sages-femmes dans le rituel qu’il a renouvelé et augmenté.
L’absence de documents particuliers au village ne permet pas d’en savoir plus sur le nom et le choix des maïeuticiennes, mais on peut penser que celui-ci se fait en fonction des instructions données dans le rituel de la province ecclésiastique de Reims [1], car les évêques ou les archevêques souhaitent « qu’il y ait une sage-femme pour chaque paroisse ». Ainsi, lorsque le choix d’une accoucheuse s’avère nécessaire, le curé doit réunir les femmes les plus honnêtes et les plus vertueuses et les avertit « d’élire celle qu’elles croiront la plus fidèle et la plus propre à exercer cette fonction ».
Ensuite, le curé lui enseigne « la véritable forme du baptême », lui fait prêter le serment selon la formule qui est dans le rituel. En outre, il l’avertit « de ne baptiser aucun enfant que dans la nécessité et en présence de deux femmes dont la mère de l’enfant si cela est possible ». Si l’on se réfère à ces directives, on constate qu’à aucun moment il n’est question d’instruction professionnelle : la sage-femme est une simple matrone dont les conditions de vie sont très médiocres, et qui est peu rémunérée. Un accouchement payé, ce qui est loin d’être toujours le cas, l’est pour 30 sols (environ 25 euros de nos jours).
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, R Thi 402, Église catholique (auteur), Rituel de la province de Reims, renouvelé et augmenté par monseigneur Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims, Paris : Frédéric Léonard, 1677, 643 p.
Le plus souvent, la sage-femme est assez âgée, mariée ou veuve d’un laboureur. Il faut attendre que le roi Louis XVI s’émeuve de tous les accidents qui surviennent lors des accouchements pour que l’on ouvre des cours publics et gratuits dans les diverses provinces afin de former les sages-femmes.
Ainsi, elles seront « à même d’éviter des erreurs souvent fatales » et elles sauront aussi « faire appel au secours d’un chirurgien habile[1] ». Si l’on ne sait rien de la formation de la sage-femme de La Romage en 1774, on apprend que celle qui exerce à Chaumont-Porcien est « aux écoles » à Château-Porcien, preuve que la formation commençait à se répandre. Une correspondance entre l’intendant de Châlons monsieur Rouillé d’Orfeuil et le subdélégué de Château-Porcien concerne l’envoi du « sieur Colombier chirurgien à Château pour suivre le cours d’accouchement de Madame Ducoubry [sic, c’est-à-dire Du Coudray] etfaire l’emplette de sa machine ».
Angélique Marguerite Le Boursier Du Coudray est la première sage-femme à enseigner en public l’art des accouchements. Elle promeut le remplacement des matrones autodidactes par des praticiennes formées.
Ce même sieur Colombier va ouvrir ensuite un cours gratuit pour l’instruction de huit sages-femmes. Ce document indique également que d’autres suivent ce cours entre le 3 janvier et le 1er février 1774. Un autre enseignement est dispensé la même année à Rethel par le docteur Jacques Télinge, qui en organise d’autres en 1775 et 1778.
Par la suite, l’activité des sages-femmes est davantage formalisée. Un nouveau règlement rendu pour elles par les officiers au bailliage royal et siège présidial de Reims en juin 1787 renforce les règles édictées dans le précédent du 30 août 1782 : il interdit en particulier l’exercice de l’art des accouchements « à toutes les personnes à moins qu’elles n’aient assisté exactement et pendant le temps nécessaire aux leçons qui se donnent gratuitement dans les lieux les plus voisins de leur domicile et à celles qui ne seraient pas munies de lettres de capacité délivrées à la suite de ces cours, ni en possession d’un certificat de bonne vie et mœurs délivré par le curé de la paroisse de leur domicile ».
Pour encourager les sages-femmes à s’instruire, ou pour susciter quelques vocations, des mesures sont prises comme des exemptions d’impôts, en particulier les tailles pour elles et leur mari. Petit à petit, l’instruction donnée va permettre une amélioration de la vie de la mère et du nouveau-né. Trop de femmes meurent en couches ou de leurs suites. Quant à la mortalité néo-natale, elle est aussi très importante. Il n’est pour s’en persuader que de lire les registres paroissiaux : ce ne sont parfois que quelques heures ou quelques jours qui séparent la naissance, le baptême et le décès. C’est aussi pour le royaume une perte infinie de sujets.
En l’an III, la sage-femme est Marie Mauroy. A moins d’une homonymie, il s’agit probablement de l’épouse de Sébastien Dourlet, décédée à La Romagne le 2 messidor an X.
Quelques noms apparaissent encore après cette période : Marie-Anne Bolommé ou Bonnomet (qui serait la femme de Hubert Sonnet) aurait tenu cette fonction avant l’an IX. De 1816 jusque 1822 au moins, on trouve Cécile Grandvalet. Ensuite, vers 1827, c’est Françoise Créquy de Rocquigny qui s’occupe des parturientes de La Romagne. Enfin, en 1835, Agnès Eléonore Davaux (épouse de François Xavier Lallement), habitant La Romagne, remplit « les fonctions à défaut d’autre ».
Bibliothèque nationale de France, NUMM-1175483, Andrieu, mademoiselle (sage-femme), Du Rôle de la sage-femme dans la société, par Mlle Andrieu, Paris : imprimerie de Alcan-Lévy, 1889, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE123-738, consultable en ligne sur Gallica.
Aucune donnée ultérieure concernant la présence d’une sage-femme à La Romagne n’a pu être trouvée dans l’état actuel des recherches. Il semblerait que l’officier de santé de Rocquigny ait été de plus en plus sollicité, avant de laisser la place à un médecin.
L'abbaye de Prémontré étend sa tutelle sur les terres de La Romagne.
Le blason écclésiastique de l’ordre des chanoines réguliers de Prémontré est d’azur, semé de fleurs de lys d’or, à deux crosses du même passées en sautoir brochant sur le tout.
En dehors des laïcs, les autres grands propriétaires de terres de la Romagne sont les religieux de l’abbaye de Chaumont-La-Piscine, qui exploitent trois censes : celles de la Marlière, de La Paternotte et la cense de la Bouloi.
Avers (ou droit) d’un denier tournois, Paris 1616, portrait de Louis XIII le Juste.
La cense de La Marlière, parfois nommée aussi ferme de la Malterie, est le point de départ de la réalisation d’un patrimoine foncier dans le village. Elle a été acquise dès 1243, comme en attestent des recueils de titres de propriétés achetées dans ce secteur. Les religieux l’ont obtenue moyennant le « denier à Dieu » de 12 deniers tournois, 10 sous tournois pour vins et 320 livres tournois de principal auprès de Jean Tribout, Marin Guillaume et Alizon Garnin. Cette propriété se situait en face du chemin menant à la cense Longueval et se composait d’une maison, d’une grange, d’une étable, d’un jardin et pourpris[1], de terres et prés pour une superficie d’environ 30 setiers[2].
[2] Ancienne mesure de capacité, variable suivant les époques et les régions.
Bibliothèque nationale de France, image numérisée, IFN-8400504, Tortorel, Jacques (graveur) ; Perrissin, Jean Jacques (graveur), le Massacre fait à Vassy le premier jour de mars 1562, [s.l.] : [s.n.], [s.d.], gravure sur bois de la suite de Perrissin et Tortorel, estampe consultable en ligne sur Gallica. Cet événement, qui a eu lieu à Wassy [orthographe moderne] est le déclencheur de la première des huit guerres de Religion.
Pendant trois siècles, on ne sait rien des laboureurs qui l’ont exploitée. Ce n’est qu’en 1543 qu’apparaît le nom de Jean Mallet comme censier. Il loue ce bien pour la somme de 20 livres à laquelle s’ajoutent les suppléments habituels (deux livres de cire, deux sols, six deniers des Innocents, deux chapons).
Quarante ans plus tard, Guillaume Robin en prend la succession. Hélas, les temps sont si difficiles avec les guerres de Religion que cette cense, comme toutes les autres que possédait l’abbaye sur le terroir, est victime de divers ravages qui font tomber sa valeur locative à 12 livres en 1624.
Dans l’inventaire qui est établi à ce moment-là, il est question de trente arpents de terre et de trois fauchées de pré[1]. On peut penser que cette augmentation de la superficie est due, d’une part à des acquisitions, et d’autre part à la place laissée par la destruction de la maison et de tout son contour. Ces terrains sont très certainement récupérés pour être cultivés. Il faut attendre 1630 pour en connaître le nouveau censier : Jean Douce.
Saint Norbert recevant les règles augustiniennes de saint Augustin. Au XIIe siècle, une communauté norbertienne de l’abbaye de Cuissy s’est implantée à Gérigny.
Après leurs démêlés avec le sieur de Bouzonville, les religieux finissent par retrouver la ferme dans un état encore plus lamentable qu’au début du siècle, puisqu’ils ne la louent à Jean Lespinois que pour 9 livres en 1668. Le travail de cet homme pendant plus d’une vingtaine d’années est fructueux, puisque cette propriété retrouve une certaine valeur lorsqu’elle est baillée pour 25 livres à André Douce (habitant de Gérigny, dans la paroisse de Rocquigny).
Les chênes sont cultivés pour leur bois dur, leur écorce (riche en tanins), leurs glands (qui nourrissent les porcs lors des glandées).
En plus de cette cense, les religieux lui laissent un arpent de broussailles et se réservent une chênaie. Bien soignés, les chênes au nombre de dix-sept atteignent quatre-vingts ans plus tard une belle taille. L’état de cette ferme ne cesse de progresser, puisque le loyer sous la gestion de Jean Chery et Jean Baptiste Canard passe de 50 à 90 livres entre 1767 à 1776. Par la suite, et jusqu’à la vente des biens nationaux, cette cense est incorporée dans les baux de location de la ferme de la place Alit de Givron[1].
Lors de la vente des biens de l’abbaye à la Révolution, cette ferme est adjugée à Jean-Charles Dupont, laboureur au Mont de Vergogne, pour la somme de 3825 livres, alors qu’elle avait été mise à prix à 2035 livres[1]. On peut penser qu’il n’en est pas le véritable acquéreur[2] mais un homme de paille.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 145 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 127-147 = ventes de biens nationaux, fonds concernant les affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].
[2]Archives départementales des Ardennes, Q 272 n° 153 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 272-282 = ventes de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV].
L’abbaye possède aussi au lieu-dit Le Mont Ballard royant[1] au chemin de Saint-Jean-aux-Bois et au terroir de Montmeillant La Cense de La Paternotte dont le nom, selon les uns, serait une déformation de Pater noster alors que plus prosaïquement le rédacteur du mémoire[2] des biens de la manse[3] conventuelle signale qu’il s’agit tout simplement du nom d’un des premiers preneurs.
La constitution de cette ferme date de 1531 environ. Elle repose sur la réunion de terres achetées ou échangées avec messire Jacques de Suzanne (seigneur de Chaumont) et sa femme, et des achats de l’abbaye auprès d’habitants de la Romagne : sept setiers (sis au Bois Couvert et au Beau Champ) viennent de Jean Constant ; trois autres de Pierre Noé ; enfin, une pièce et tenure au Mont Ballard ont pour origine les terres de Geoffroy de Mariaulcourt, laboureur de la paroisse. Les acquisitions se poursuivent ensuite auprès d’autres agriculteurs du village (Jean Bondo dit Leblanc père et fils, Pierre Legros et Pierre Malart), montrant le patient travail des religieux pour agrandir le foncier autour de leur ferme.
Le froment est également appelé blé tendre (Triticum aestivum).
Dès 1544, après Jean Fondrillon, elle est laissée le temps et espace de vingt-sept ans et vingt-sept dépouilles à Lambert Fondrillon, sa femme Jeanne, leurs enfants, à condition de payer la redevance (trois muids de grains, moitié froment moitié avoine, et les annexes conformes aux us et vigueurs).
Ce contrat ne se borne pas à fixer le montant de la location, mais il répertorie également les devoirs du censier à l’égard de l’abbaye. Ce dernier ne peut ni couper ni aliéner aucune chose de ladite cense sans le consentement des religieux ; de plus, il se doit de planter et enter raisonnablement sur les jardins et les terres, et uniquement dans les lieux les plus convenables. Le censier et sa famille disposent outre les terres d’une superficie voisine de trente-deux arpents, d’une maison d’une grange, d’une écurie et d’un jardin (ce qui semble être la norme).
L’avoine cultivée (Avena sativa) est utilisée comme céréale ou comme plante fourragère.
Le censier suivant que l’on identifie en 1619 est Pierre Legros mais, dans son contrat, il n’est plus question de la maison, ce qui laisse supposer qu’elle a été détruite lors des guerres. La cense passe ensuite en 1643, pour la somme de 60 livres, à Robert Frougneux, puis à Toussaint Decarreaux, avant d’être tenue en 1709 par Philippe Jadart (laboureur de Montmeillant). Lui succède sa veuve, avant que la cense n’échoie à Jean Soret de La Romagne.
Comme celui-ci loue également la ferme de la Bouloi, il rétrocède son bail à Henry Mallet. C’est à l’occasion de la déclaration des terres que fait ce dernier que l’on s’aperçoit que la superficie de cette ferme a diminué d’au moins six arpents.
L’ordre des chanoines réguliers de Prémontré porte un habit et un scapulaire blancs.
Cette diminution est attribuée à la négligence de certains censiers et aux voisins qui, petit à petit, grignotent sur les terres de La Paternotte lorsqu’ils cultivent les leurs. Une fois de plus, les religieux parviennent à en récupérer une bonne partie, si ce n’est la totalité.
Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, plus précisément en 1777, les religieux qui ont beaucoup de mal parfois à louer leurs terres décident de planter des bois à La Paternotte, soit trente-deux arpents.
Lors de la vente des biens nationaux, la ferme de la Paternotte est intégrée à celle de la Bouloi et il ne subsiste de ce lieu de manière indépendante que vingt-huit arpents de bois et cinq quartels de pré[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 528 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 523-543 = administration du séquestre des biens nationaux, fonds concernant les églises collégiales, les abbayes, les prieurés, les cures, les presbytères et les chapelles, 1790-1840].
Les bouleaux, qui poussent sur les terres pauvres et souvent siliceux, auraient donné leur nom à la Boulois [orthographe de 1835].
La ferme la plus importante possédée par l’abbaye de Chaumont est la ferme de la Bouloi ou de la Boullenoi (dont le nom pourrait provenir du latin betulla[1]). C’est en 1541 que Gobert Coulin, abbé de Chaumont, achète à Nicolas Vasselier (laboureur de La Romagne) cette ferme royée[2] au ban de Montmeillant et budant[3] au Petit Vivier pour la somme de 400 livres tournois. Elle se compose à l’époque d’une maison, d’une grange, d’une écurie, de six muids et demi de terres arables et, en friche, de cinq fauchées de pré. A cela s’ajoutent des terres qui sont rachetées à l’église de La Romagne.
[1] Les bouleaux font partie de la famille des bétulacées et du genre Betula [variante orthographique courante de betulla en botanique]. Ils sont très présents dans la forêt ardennaise.
[2] C’est-à-dire « attenant au ban de Montmeillant ».
Selon leur origine, certaines de ces terres sont chargées de droits divers, tantôt de cens, tantôt de cens et terrage, tantôt uniquement du terrage. Quoi qu’il en soit, elles sont toutes, selon le vieux cartulaire de l’abbaye, franches de dîmes. Cette exemption pose néanmoins quelques problèmes avec le curé de la paroisse.
Ce même abbé, un peu plus tard, fait de nouvelles acquisitions, tant auprès du premier vendeur que de Jean Jaudart, habitant de la paroisse. A l’issue de tous ces achats, la ferme contient sept muids et deux quartels soit quatre-vingt-quatre arpents et demi de terres et prés, mais continue d’être exploitée par Nicolas Vasselier. L’abbaye la lui loue à rente viagère pour le montant annuel de cinq muids de grains (moitié froment moitié avoine) et les suppléments.
Le blason communal de Sainte-Menehould est d’azur à une porte de ville donjonnée d’argent maçonnée ajourée et ouverte de sable, les deux tours d’angle essorées en dôme d’or, la porte chargée d’un lion d’or, armé et lampassé de gueules, issant du seuil et tenant dans sa patte dextre une épée en barre aussi d’argent, les trois tours sommées chacune d’une aigle essorante du même.
D’après les documents étudiés, Nicolas Vasselier jouit de la ferme de la Bouloi jusque vers 1559 ou 1560, date à laquelle elle est attribuée à Aimand Grauet et Jean Rifflet. Comme ces deux-là se dispensent de payer le prix annuel durant la durée de leur bail, une première sentence est rendue au bailliage de Sainte-Menehould, puis une seconde par le Parlement de Paris condamnant les fermiers à tous les dépens, dommages et intérêts.
Les traités de Westphalie, signés le 24 octobre 1648, mettent fin à la guerre de Trente Ans.
Avec les évènements qui émaillent le XVIIe siècle (guerre de Trente Ans, la Fronde, etc.), la ferme ne trouve pas preneur et est à bailler à louage, car seuls les prés de cette cense avec les fruits du jardin rendent quelque chose. Comme celles des autres fermes, la maison n’existe plus, ce qui fait que les religieux ne trouvent pas à La Romagne de censiers. Ils doivent alors se tourner vers des habitants de Montmeillant comme Gilles Frangeux, dont le bail est reconduit de 1619 à 1641.
La paroisse de Montmeillant dépend de l’archevêché de Reims, dont le blason ecclésiastique est d’azur, semé de fleurs de lys d’or, à la croix de gueules brochante sur le tout.
En 1652, c’est à nouveau un laboureur de La Romagne, Nicolas Boudsocq, puis ses enfants qui la reprennent et tentent de la remettre en valeur jusqu’après 1701. A cette date, le père Davaux, curé de Montmeillant[1], demande de faire valoir cette ferme, mais il n’obtient pas gain de cause.
Est-ce pour cette raison que ce dernier, après beaucoup de tergiversations, doit se rendre aux injonctions de son archevêque et faire un retour à l’abbaye dont il était issu afin d’y méditer ?
[1] Selon monseigneur Le Tellier, il avait un faible pour la terre et sa culture plutôt que pour sa mission ecclésiastique auprès de ses paroissiens.
Avers (ou droit) d’une pièce d’or de 24 livres françaises, 1793.
La réunion des deux fermes de La Paternotte et de la Bouloi à partir de 1718 permet la rétrocession d’une partie. Succédant à la veuve de Philippe Jadart, Jean Soret et sa femme, puis ses enfants, s’en occupent jusqu’en 1766. Elle est alors cédée à Thomas Devie pour la somme de 150 livres. Les religieux, en même temps qu’à la Paternotte, plantent treize arpents de bois.
D’abord titres d’emprunt, les assignats deviennent une monnaie de circulation et d’échange en 1791.
Pour veiller sur ces nouveaux plants, ils choisissent comme garde un habitant du village, qui reçoit un salaire annuel de 30 livres. Lorsque la Révolution éclate, ces bois et les taillis font partie des ventes de biens nationaux et sont acquis indépendamment des fermes[1].
A sa mise en vente en 1791, la propriété est louée par un bail de neuf ans à Jean-Pierre Letellier, laboureur au Mont de Vergogne, pour la somme de 250 livres et huit livres de beurre. Il conserve l’exploitation de cette ferme jusqu’à l’expiration de son bail, puisque celui-ci avait été signé avant le 2 novembre 1789, ce qui interdit aux nouveaux acquéreurs d’évincer le locataire, même en l’indemnisant, en raison du décret du 14 mars 1790[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 528 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 523-543 = administration du séquestre des biens nationaux, fonds concernant les églises collégiales, les abbayes, les prieurés, les cures, les presbytères et les chapelles, 1790-1840].
Pièce d’or de 24 livres françaises, 1793 (revers).
Lors de la vente, cette ferme est adjugée pour la somme de 5475 livres à Nicolas Gabriel Billaudel, châtelain bourgeois demeurant à Rethel[1]. Ce n’est pas la seule acquisition de cet homme dans le village, puisqu’il s’y constitue un joli petit patrimoine, tant en terres qu’en bois.
Passé en quelques siècles des religieux de Chaumont à un privé, c’est tout le paysage foncier de La Romagne qui est redessiné.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 273 n° 372 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 272-282 = ventes de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV].
La densité des noms de parcelles et de lieux-dits autour de La Romagne est beaucoup plus forte entre le Moyen-Age et la fin de l’Ancien Régime que de nos jours. En témoignent les actes notariés qui font allusion à des dénominations que l’on ne peut plus localiser : les Rouages, par exemple, tenaient au chemin qui conduit à Montmeillant et à celui de Saint-Jean-aux-Bois (d’après la vente en 1719 d’une pièce de pré entre Gérard Merlin et Robert Bechet).
Les lieux-dits de La Romagne peuvent tirer leurs noms d’arbres, comme le Grand Poirier ou le Gros Faux.
Par la suite, les plans cadastraux ont découpé le terroir avec une certaine rigueur. L’absence de terriers[1] ne permet pas de pousser plus loin l’étude comparative. Néanmoins, les relevés qui ont pu être faits dans le passé montrent une grande richesse et mettent en valeur :
des noms de propriétaires ;
l’aspect des lieux (mont, fosse ou vallon, partie basse ou fond) ;
la nature du sol (cailloux, pierre) ;
l’humidité de l’endroit ;
les plantes (arbres fruitiers et autres, plantes utiles) ;
les jardins (courtils) ;
les voies ou moyen de communication (chemin, voie ou son diminutif « voyette », pont) ;
les carrières ;
l’industrie ou le commerce (mines, moulins, briqueterie) ;
la religion (la croix, qui peut tout aussi bien désigner un calvaire qu’un carrefour).
[1] Dans les registres nommés terriers, on indiquait les limites des fiefs et des censives, les redevances dues, les services à rendre, les usages locaux. Les terriers de La Romagne ont disparu.
Bois d’Apremont, Bois Promsy, Bois Foissier, Bois de la Cense Longueval, Bois de la Paternotte, Bois de la Tachette, Bois du Grand Sart, Bois des Ribourés, Bois de la Queue de l’Etang, Bois de la Plaine ;
Le Bochet, le Bochet Croët, le Buisson Peautelet, la Haye Colin ;
Les Plants, le Plant Foucault, le Gros Faux, le Grand Poirier, les Bruyères.
Fau (faux) vient du latin Fagus sylvatica, le nom scientifique du hêtre commun (planche tirée de la flore médicale de Pierre François Chaumeton, 1817).
Le pou ou pouil est l’ancien nom du coq (Gallus gallus domesticus). L’ardennaise dorée est une race de poule belge et française.
Présence d’eau
La Fontaine Roger, la Fontaine aux Pous, la Fontaine aux Grues, le Long Ruisseau.
Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, MHNT.ZOO.2010.11.65.5, œuf de grue cendrée (Grus grus), collection oologique de Jacques Perrin de Brichambaut (travail personnel du photographe Roger Culos, 2019).
Nature du sol
La Petite Marnière, la Pierre, les Groettes, Les Minières, les Cailloux.
Le chêne pédonculé (Quercus robur) est une essence courante des Ardennes.
Terre
Les Terres de Belair, les Terres Jacques, la Grosse Terre, la Terre Martin, les Terres du Grand Chemin, les Terres de la Cense Longueval, les Terres de la Tachette, les Terres de la Pierre, la Rouge Terre, La Terre Grand-mère, les Longues Terres de la Huée, les Terres du Pré Mellier, les Terres des Hayes, les Terres des Veaux, les Terres Madame, les Terres de la Grosse Soule, la Terre aux Chênes, la Terre du Berger, la Ronde Terre
Planche Deyrolle d’enseignement agricole sur les plantes fourragères des prairies naturelles.
Pré
Le Pré Agnant, le Pré Agnant sous la Voye Libert, le Pré Potier, le Pré des Roises, le Pré Montagne, le Pré de la Biche, le Pré des Guitons, le Pré de la Houette, le Pré des Moisnes, le Pré Haut du Moulin Garot, le Pré du Chat Noyé, le Pré Merlin, la Huée du Pré Mellier, le Pré de la Passe, les Prés du Grand Sart, le Pré Hudrot, le Pré de la Voyette de Chaumont, le Pré de l’Etang.
Le courtil est un jardin paysan, généralement clos.
Courtil (petit jardin)
Le Courtil Monnois, le Courtil Noirette, le Courtil Macheterre, le Courtil Jadin, le Courtil Habert, le Courtil Jean Rousseau, le Courtil Doré, le Courty Rogier.
Le courtillage est un petit jardin potager et, par métonymie, la production de ce dernier.
La Côte Monnois, la Côte du Petit Moulin, la Côte de Montmeillant, la Côte de la Rouge Cotte, la Côte du Chat Noyé, la Côte Herbin, la Côte Hamel, la Côte au Saint Foin, la Côte des Cayotiers.
Le sainfoin (Onobrychis viciifolia) est une plante des prairies pauvres autrefois cultivée comme fourrage.
La fauchée était la quantité d’herbe qu’un agriculteur pouvait couper en un jour.
Mesures
Les Quatre Arpents, les Dix Quartels, la Fauchée Robin.
Le Fossé du Château, le Grand Fief et le Petit Fief, la Cense Longueval, le Moulin à Vent, le Petit Moulin à Vent, la Croix Renaud, le Pont Cannel, la Briqueterie, la Queue de l’Etang.
Le facteur rural de La Romagne, carte postale ancienne (collection privée, avec l'aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le roi Louis XI est le créateur de la poste du roi par relais (journée du timbre 1945).
Le service de la poste est un service très ancien, dont la création remonte à 1477 sous le règne de Louis XI. Cet établissement a un double but : l’acheminement des dépêches et des voyageurs. Il perdure jusqu’après la Révolution. Le bureau de poste desservant alors La Romagne et les villages environnants est, soit celui de Wasigny (comme l’indique le curé dans l’enquête paroissiale de 1774), soit celui de Rethel. Ce dernier est l’un des sept existant pour le secteur ardennais depuis 1700. Ensuite, et selon l’importance de la paroisse, le courrier est distribué une ou deux fois par semaine
Le blason communal de Wasigny (Ardennes) se décrit comme écartelé aux un et quatre d’argent au loup courant de sable, aux deux et trois d’azur à la gerbe de blé d’or.
Un facteur rural en 1830, journée du timbre, émission premier jour du 18 mars 1968 à Charleville-Mézières.
A partir de la Révolution, la marque de l’origine du département figure sur la lettre et ce sera le chiffre 7 qui l’identifiera jusqu’en 1875, date à laquelle il est remplacé par le nom du département. D’autre part, le bureau d’où part le courrier est distingué par un autre numéro. A partir de 1835, le bureau de Chaumont-Porcien est créé et porte le n° 825. En 1866, celui de Rocquigny ouvre. Ce sont ces deux- là qui successivement ont desservi La Romagne.
Le développement de l’instruction primaire et la suppression de la taxe des lettres, établie d’après la distance au profit d’une taxe fixe et uniforme, vont petit à petit accroître le volume du courrier. Lors de leurs tournées, les facteurs ruraux se doivent d’avoir sur eux en permanence des timbres, afin que tous puissent s’en procurer facilement.
Ces agents postaux ou « piétons » existent depuis la Révolution : le citoyen Jean-Baptiste Canon assure ce service pour La Romagne. Jusqu’à l’installation des boîtes aux lettres, c’est à eux que l’on confie le courrier à expédier. Leur tâche est pénible, puisqu’il leur faut parcourir chaque jour de longs trajets, et ce quel que soit le temps. Il n’en est pour preuve que le fait divers suivant : le 25 mai 1846, vers 10 heures du matin, Gérard Peltier âgé de 37 ans fait sa tournée dans le village. Il se présente au domicile d’Hubert Laroche, où il décède brutalement. Est-il victime d’une très grande fatigue, de chaleur précoce ou d’un malaise ? Rien ne permet d’avancer une explication.
Le facteur rural dans la grand-rue de La Romagne (Ardennes), carte postale ancienne (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Jusqu’en 1897, les facteurs ruraux sont rémunérés proportionnellement à l’étendue du parcours effectué, qui peut aller jusqu’à 32 km. Mais ce cas est assez peu répandu. Au cours de leur vie professionnelle, en fonction de leur avancée en âge, et en raison de leur impossibilité de faire d’aussi grands parcours, ils demandent de plus petites tournées, ce qui fait diminuer leurs salaires. C’est pourquoi une expérience menée au sein de cinq départements, dont celui des Ardennes, aboutit à donner aux facteurs un traitement fixe.
Depuis 1853 environ, il existe un système de voitures de nuit qui font la liaison Rethel Rocquigny pour y déposer le courrier. Un peu plus tard, elles font le tour par Chaumont-Porcien, Wasigny et Novion, avant de rejoindre Rethel. Par la suite, cet acheminement se fait par les trains de marchandises, bien que ceux-ci ne fonctionnent pas tous les jours. C’est pourquoi leur circulation journalière est demandée par les édiles du canton.
Bien que l’on connaisse peu de messagers effectuant la tournée du village, on sait cependant qu’en 1866, c’est Jean-François Devie puis, de 1867 à 1875, François-Pierre Mauroy qui s’en charge.
Ancienne boîte aux lettres de La Romagne, située sur le mur de la salle des fêtes, rue des Fondys, photographiée en mars 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Les bureaux de poste vont se multiplier à partir de 1850 à travers le département. Lorsque les boîtes aux lettres sont installées, une à deux levées sont instaurées chaque jour. Les distributions sont journalières, et ce même le dimanche, comme le confirme une délibération du conseil municipal en juillet 1919.
Or, ces levées et distributions ne donnent pas toujours satisfaction quant à leurs horaires. Diverses propositions et demandes sont faites, sans qu’on ne trouve jamais le bon équilibre.
Boîte aux lettres de La Romagne actuelle, située sur le mur de la salle des fêtes (ancienne école), rue des Fondys, photographiée en avril 2021 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
La boîte aux lettres de La Romagne a visiblement essuyé pendant de nombreuses années les intempéries typiques des Ardennes. Son état est un indice de la dureté du métier de facteur rural.
Dès 1890, des récriminations s’élèvent : en effet, les dépêches arrivent en gare de Draize – La Romagne vers 6 h 30 pour être acheminées au bureau de Chaumont dans la matinée, quoique la distance ne soit que de 6 km. Or, la route est accidentée, les pentes dangereuses pour des voitures à chevaux qui sont, pour la plupart du temps, obligées de circuler au pas.
Les habitants de Chaumont aimeraient bien bénéficier des passages des autres trains à Draize pour avoir un second service de voiture. Ce dernier pourrait également être utile à ceux qui souhaiteraient prendre le train. Ainsi, la voiture ne circulerait jamais à vide et les habitants bénéficieraient d’une possibilité d’une seconde distribution. Cette requête ne semble pas avoir abouti[1] .
Modèle officiel de boîte aux lettres fabriquée pour la poste par la maison Foulon, en service entre les années 1930 et 1950.
Une fois à Chaumont, le courrier pour Rocquigny et ses environs est trié puis acheminé quelque temps après, ce qui a pour conséquence de mal desservir les commerçants, les notaires, et d’occuper les facteurs ruraux au plus fort de la chaleur en été.
La mise en place d’une organisation stable et rationnelle semble difficile pour l’administration des postes, si l’on tient compte qu’en quelque six mois entre 1907 et 1908, le service a dû faire appel à une dizaine de transporteurs différents pour faire la liaison de la gare de Draize à Chaumont.
En 1931, à des fins d’amélioration, la Poste envisage dans la région de Chaumont-Porcien la création d’un circuit automobile rural qui pourrait satisfaire les communes.
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 22, « Chronique locale et régionale », in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. 1re année, n° 1 du 31 mars 1880-35e année, n° 11991 du 25 août 1914. Charleville : [s.n.], 1880-1944, onzième année, n° 3484, vendredi 5 septembre 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Le service des postes & télégraphes vend des bulletins de communication à partir des cabines publiques.
En dehors du courrier, un autre moyen de relier les habitants de La Romagne est le téléphone. Le Préfet des Ardennes propose en 1899 un projet d’organisation de réseau départemental. Ceci nécessite la mise en place d’un très important emprunt de 600 000 francs remboursable sur 30 ans. La Romagne pourrait se rattacher à ce projet. Mais elle attendra 1906 pour que cela soit effectif et que ce service assure aussi l’échange des télégrammes.
Emission premier jour représentant le télégraphe Chappe à l’occasion du bicentenaire de cette invention.
Le premier gérant choisi pour ce service est monsieur Varlet en raison de ses qualités de boulanger, épicier, aubergiste. Le local est l’une des pièces de la maison dans laquelle il exerce déjà. Afin que le service fonctionne sans interruption et sans attente, sa femme est désignée comme suppléante.
Madame Mariette Lesein, gérante de la cabine téléphonique de La Romagne, et monsieur Edmond Lesein (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Eric Lesein).
La première guerre mondiale et l’occupation allemande de tous les villages environnants met fin à ce service. Ce n’est qu’en juin 1921 que le bureau de La Romagne, tout comme ceux de Draize et de Givron, est rouvert au public[1].
Parmi les gérants successifs de cette cabine téléphonique, on notera Léon Briard, Gaston Boudsocq, Mariette Lesein née Henri, Adrien Ravignon et madame Van der Beke.
[1]Bibliothèque Carnegie, PER CH Atlas 2, « P. T. T. service téléphonique » [rubrique Ardennes] in Le Courrier de la Champagne : journal de Reims, 20e année, n° 1 (23 janv. 1854)-34e année, n° 4123 (7 mai 1868) ; 34e année (8 mai 1868)-? ; 85e année, n° 1 (30 avr. 1919)-87e année (25 sept. 1921), Reims : [s.n.], 1854-1921, 87e année, dimanche 5 juin 1921, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne].
Enveloppe premier jour du centenaire de l’invention du téléphone par Graham Bell en 1876.
Rares sont les particuliers qui possèdent personnellement une ligne téléphonique jusqu’à l’après-guerre, en dehors des Etablissements Malherbe qui ont été les premiers. En 1954, le téléphone rural automatique est installé à La Romagne. Le développement du fixe et du portable fera disparaître définitivement ces cabines du village.
Dernière cabine téléphonique publique de La Romagne photographiée en 2017 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
Les oolithes ferrugineuses sont présentes dans le sous-sol de La Romagne.
La Romagne est bâtie sur un contrefort entre deux petites vallées assez encaissées, tout en étant agrémentée de quelques forêts. Le sous-sol du village remonte au Crétacé inférieur et a été étudié à la fin du XIXe siècle, non seulement pour sa formation géologique, mais aussi pour la présence de fossiles.
Fossile de Geesops sparsinodosus gallicus trouvé dans la réserve naturelle nationale de Vireux-Molhain (Ardennes).
Roche siliceuse (quartzite) à Roc-la-Tour, forêt domaniale de Château-Regnault, sur les hauteurs de Monthermé (Ardennes).
Les versants des petites vallées sont constitués de roche siliceuse, de calcaire argileux bleuâtre et d’oolithes ferrugineuses. Ces roches oxfordiennes sont surmontées de gaize[1].
La gaize produit des reliefs typiques des Ardennes.
C’est « une des roches les plus légères ; elle est tendre, argileuse, siliceuse, et contient une assez forte proportion de silice gélatineuse soluble dans les alcalis ; on y remarque quelques grains de glauconie ; elle se délite à l’air avec une grande facilité, et donne des terres qui sont le plus souvent sableuses et sèches ; dans les endroits où elle est riche en argile, le sol est compact, peu perméable[2] ».
Les ions ferreux contenus dans la glauconie lui donnent sa couleur verte.
La présence de cette gaize sous une couche de terre variant de 0,5 à 1,5 m est attestée lors de l’exploitation de carrières à ciel ouvert tant au Courtil Mouriau [cadastre section B n° 639] qu’au Pré des Roizes (idem, section B n° 629 et 630] ou au Fossé du Château [idem, section B n° 555[3]].
[1] La gaize est une roche sédimentaire composée de silice, particulière aux Ardennes. Ce substantif féminin s’applique dans la région à un grès très fin, en partie détritique, en partie d’origine chimique, généralement entre gris et verdâtre, souvent poreux et léger.
Le calcaire argileux (nommé improprement calcaire marneux) est une roche sédimentaire, mélange de calcaire et d’argile.
La marne crayeuse, qui date du Cénomanien[1], « forme plusieurs îlots (124 hectares) aux points les plus élevés ; notamment entre le Mont Vergogne et la Blaisotterie : elle contient quelques nodules de phosphate de chaux. Une vingtaine de sources disséminées sur le territoire[2] ».
Le sol est en général assez pauvre, ce que confirme le mémoire des intendants qui couvre les années 1659 à 1665, et dans lequel le terroir est ainsi décrit : « Le territoire de ce lieu est de petite étendue et situé en mauvais pays ne consistant qu’en mauvaises terres maigres et partie stériles et en quelques bois qui donnent moyen aux habitants de gagner leur vie néanmoins avec peine. »
De son côté, l’enquête de Terwel[3] présente ce terroir comme « médiocre et de mauvaises terres ». Ceci est confirmé jusque dans les rapports établis au début XIXe siècle pour le canton de Chaumont-Porcien. Ils notent que la culture y est difficile. Cela reste vrai, jusqu’à ce que les exploitations du canton se tournent vers l’élevage : les terres qui le composent sont en effet « fortes, humides et propres aux prairies[4] ».
[1] Le Cénomanien est le premier étage stratigraphique du Crétacé supérieur.
[4]Archives départementales des Ardennes, 3W 18 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940].
Les oolithes ferrugineuses sont composées d’hydroxyde de fer.
Dans le sous-sol environnant, on note que sont disséminées des oolithes[1] ferrugineuses, parfois abondantes, au point de constituer un minerai à gangue argileuse. Ce fer est exploité des XVIe au XIXe siècles comme l’attestent certains documents.
Concernant l’abbaye de Chaumont, ils relatent les différends de celle-ci avec quelques locataires des censes qui se trouvent sur le terroir de La Romagne : des actes notariés, les registres de tailles ou plus tardivement quelques statistiques du canton de Chaumont-Porcien permettent d’en savoir plus.
Le mémoire de 1649 de l’abbaye indique que les religieux permettent à leurs fermiers de la Paternotte et de la Bouloi de « tirer de la mine de fer des terres les moins labourables et de la vendre aux maîtres de forge du voisinage ».
De plus, ils octroient à leurs fermiers « le droit de toquage [1] » contre le versement d’une redevance : son maximum est de 60 livres mais elle s’élève en 1675 seulement à quelque 29 livres, et n’est plus que de 14 livres pour l’année 1695.
[1] Le toquage est un droit accordé pour tirer du minerai de fer d’une terre dans les Ardennes.
Est-ce la diminution de revenus, qui éveille les soupçons des religieux ? En tout cas, ils se montrent très vite inquiets de constater que leur fermier de la Bouloi laisse aux maîtres de forges du Hurtault le droit de tirer de la mine sans leur en avoir référé.
Aussitôt, ils adressent une requête à l’intendant. Comme celle-ci reste sans réponse, ils consultent un avocat rémois qui répond que c’était défendu car cela participait à la dégradation du fonds. Les religieux sont donc selon lui en droit de se pourvoir en dommages et intérêts contre leur fermier, sans parler de l’interdiction de cette exploitation.
On ne sait ce qui s’est passé après cet avis, mais le problème ressurgit une quarantaine d’années plus tard : cette fois, il met en cause Marie Peltier, qui continue de tenir, depuis la mort de son mari Philippe Jadart, la cense de la Paternotte. Aidée de Pierre Jadart, de Jean et de Robert Bréart, elle exploite la castine[1].
La réaction des religieux est extrêmement rapide et fait vraisemblablement cesser l’exploitation. Pour se protéger de tout nouveau désagrément, et s’assurer de cette interdiction d’exploitation par les censiers, ils en font une clause dans le contrat de location des censes de la Bouloi et de la Paternotte signé en 1745 avec Jean Soret.
[1] Pierre calcaire blanchâtre ou carbonate de chaux impur qu’on additionne à certains minerais de fer contenant trop d’argile ou de soufre, pour les aider à fondre.
Nodules ferrugineux inclus dans du calcaire (roche sédimentaire).
L’extraction et le transport du minerai demandent de la main-d’œuvre. C’est ainsi qu’à La Romagne on dénombre huit tireurs de mine dont les noms apparaissent dans le rôle des tailles 1702 (Jean et Hugues Gouverneur, Toussaint Pagnier, Jean Langlet le Jeune, Berthélemy Pronier, Antoine Hénin, Remy Noiville et Hubert Meunier).
Les effectifs diminuent (probablement en raison de la surveillance accrue des religieux) et l’on note la présence de 1725 à 1732 de Jean Barré et de Louis Camuseaux comme voituriers de mine, ainsi que de Pierre Goulard comme dernier tireur de mine.
Après ces dates, plus aucune mention à la mine n’apparaît avant 1842, date à laquelle l’exploitation du fer est de nouveau attestée dans le sous-sol de la commune : on y extrait encore le minerai et on précise « qu’il y avait depuis fort longtemps des forges à bras »[1].
On peut penser que l’exploitation n’a jamais cessé malgré les restrictions posées par les moines, d’autres lieux étant riches en fer, comme les abords du Bois Diot et des Houis ainsi que le secteur de la Cour Avril.
Ce minerai suscite-t-il des convoitises à une époque où la plupart de la population est pauvre ? Ce pourrait être une des explications du tragique fait divers vécu par un homme originaire de la Besace, assassiné 14 février 1767 « tandis qu’il était occupé à tirer et laver de la mine dans le bois de La Cour Avril[2] ».
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 5 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 5 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, 1763-1772], acte de décès, vue 19/46, consultable en ligne.
Les forges du Hurtault se trouvent à proximité de Signy-l’Abbaye (plan de 1832).
Le minerai est exploité à l’époque à proximité de son extraction. Si les forges du Hurtault situées sur le ban et la paroisse de Signy sont assez anciennes et font émerger une dynastie de fondeurs comme les Bienfait, cette industrie et les profits que l’on peut en tirer accélèrent la volonté de tout moderniser.
Firmin de Canel (de la Cour Avril) et Philippe Lemaire, maître de forges et sieur de Seraincourt investissent quelque 3000 livres dans un projet « de rétablissement et construction de la masse du fourneau du Mirbion » [sic, c’est-à-dire Merbion] et consacrent de l’argent aux
« achapts des bois de siage qu’il conviendra pour les appentis d’iceluy et à la construction d’une halle et maison, une roue et soufflets, faire tout ce qu’il conviendra afin de mettre ledit fourneau en état de travailler ».
Archives départementales des Ardennes, E 1367 [série E = seigneuries, familles, état civil, notaires, cotes E 801-1745 = minutes notariales, documents E 1360-1375 = fonds concernant l’étude Guillaume Pellerin à Mézières, 1768-1777].
Grand-rue menant de Lalobbe à Signy (carte postale ancienne).
A côté de ce travail du « fer et des matières pour le service du roi », ainsi que l’on nomme la production du Hurtault, il se développe dans les villages environnants et principalement à Lalobbe un autre artisanat, représenté par des potiers en fer.
Le phosphate de calcium est un solide blanchâtre utilisé dans la fabrication d’engrais.
Outre les nodules ferrugineux dans le sous-sol de La Romagne, il faut également noter la présence de quelques nodules de phosphate de chaux[1] que l’on va exploiter par la suite pour « marner les terres », c’est-à-dire les amender. La chimie permet d’améliorer les sols que La Romagne a reçus de la nature.
Bonhomme, Désiré Vital, charpentier, classe de mobilisation 1896, n° matricule du recrutement 2146[1], décoré de la croix de guerre, carte du combattant délivrée le 14 août 1930, né le 14 février 1880 à La Romagne, fils de Barthélemy Bonhomme et d’Elisabeth Olive Dupont.
Croix de guerre 1914-1918 (avers).
Désiré Vital Bonhomme, affecté au 132e régiment d’infanterie, est rappelé à l’activité par la mobilisation générale (décret du 1er août 1914) et arrive au corps le 12 août 1914 dans la 19e compagnie du 132e d’infanterie, unité combattante. Il y restera apparemment jusque fin septembre ou début octobre 1915.
132e régiment d’infanterie (monument aux morts à Reims).
Ce régiment du 132e est en garnison à Reims. Il se met en route pour se porter vers la Belgique par étapes successives sous une chaleur accablante. Le 23 août au soir, il franchit la frontière et bivouaque entre Sartiau et Beaumont. Dans le lointain, des villages sont en feu. Le 24 août, il reçoit le baptême du feu et se dirige le soir sur Berelles, puis atteint Saint-Hilaire-sur-Helpe. Les jours suivants sont pénibles en raison de la fatigue, de l’encombrement des routes et du manque de ravitaillement. Du 2 au 4 septembre, il suit le mouvement général de retraite et livre un rude combat à Courboin. Le recul se poursuit, et le régiment se retrouve aux environs de Villers-Saint-Georges.
Le 12 au soir, il atteint Trigny (au nord-ouest de Reims) et, le lendemain, il doit se porter sur Prouvais. Il n’y reste pas et, à la suite de combats et sous le feu ennemi, il se porte sur Berry-au-Bac où il franchit l’Aisne. En octobre, il se trouve dans la région sud de Soissons. Le 13, il relève la tranchée entre Vailly et Soupir. Les bombardements sont incessants et le 30, il est cantonné à Limé où il se reforme durant les jours suivants. A partir du 7 novembre, il relève des fractions du premier corps d’armée dans les tranchées entre Vailly et Cys. Durant de longs mois, les soldats ne vont connaître que la vie de tranchées.
La cuirasse, le pot-en-tête et le sigle RF (République française) sont typiques du casque Adrian de sapeur du génie (modèle de 1915).
Désiré Vital Bonhomme rejoint ensuite le 1er génie compagnie 22/63 (le 1er octobre 1915) puis le 21e génie compagnie 22/63 (le 1er juillet 1917). Il est évacué le 1er août 1917 pour blessure à la jambe reçue à Verdun. A ce moment-là, il a le grade de maître-ouvrier. C’est une distinction traditionnelle spécifique de l’arme du génie, qui reconnaît par-là les qualités professionnelles du soldat, bien que le grade officiel soit celui de sapeur.
La compagnie 22/63 va avoir plusieurs citations, la première à l’ordre du 32e corps d’armée n° 672/A du 10 octobre 1917 : « A toujours fait preuve d’un entrain et d’un courage dignes d’admiration sous la conduite de son chef le capitaine Chalon ; s’est fait particulièrement remarquer par sa ténacité au cours des attaques du 20 août et du 8 septembre 1917 ; a continué ses belles traditions et n’a cessé de montrer les plus précieuses qualités militaires en travaillant sans relâche avec un calme qui ne s’est jamais démenti sous des bombardements journaliers d’une extrême violence et dans des nappes de gaz toxiques. Malgré des pertes sévères, a rempli à l’entière satisfaction de tous, les missions qui lui ont été confiées. Superbe unité, d’un moral des plus élevés, dont le dévouement et l’esprit de sacrifice sont au-dessus de tout éloge ».
L’unité reçoit une nouvelle citation à l’ordre de la 3e armée n° 514 du 19 septembre 1918 : « Sous l’énergique impulsion de son chef le capitaine Chalon, la compagnie 22/63 du 21e régiment de génie a continué ses belles traditions et n’a cessé de montrer les plus précieuses qualités militaires. Engagée dans la région de Monchy-Humières, a assuré dans des conditions particulièrement pénibles la construction des passerelles sur l’Aronde, a ensuite coopéré à la défense des positions et contribué par sa bravoure à briser les efforts ennemis pendant les journées du 9 au 11 juin 1918. Le 28 août 1918, brillamment entraînée par son chef le capitaine Paul Chalon, électrisée par l’attitude du sous-lieutenant Gaston Rey, a organisé le franchissement d’une rivière sans souci des lourdes pertes que lui faisaient subir quatre mitrailleuses ennemies installées sous casemate à moins de 50 m. A réussi à assurer avec des moyens de fortune, le passage de tout un bataillon, enthousiasmé par l’attitude héroïque de ses sapeurs ».
Fourragère aux couleurs de la croix de guerre 1914-1918.
Le droit au port de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre a été conféré à la compagnie 22/63 par ordre n° 132F du Général en chef commandant, en date du 3 octobre 1918. Désiré Vital Bonhomme est évacué le 22 mai 1918 pour éclats de grenade à la main gauche avec plaie profonde reçus à « Bois-le-Prêtre » (ambulance 5/69) puis pour blessures [sans plus de précisions] au cours d’opérations militaires (ambulance 15/17) et le 26 juillet 1918 pour avoir été atteint par le gaz moutarde (ypérite) à Soissons. En congé de démobilisation le 21 février 1919.
Bois-le-Prêtre en Meurthe-et-Moselle (Priesterwald pour les Allemands) est un lieu emblématique pour la violence de ses combats (proximité des lignes adverses, combats au corps-à-corps, utilisation de lance-flammes et de gaz de combat et recours au fourneau de mine pour les explosifs).
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1266 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne. Voir aussi les archives départementales des Ardennes, 3R2 28 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 3R = anciens combattants et victimes de guerre].
La seconde bataille de Champagne oppose les troupes françaises et allemandes à partir du 25 septembre 1915 (carte postale ancienne).
Carbonneaux, Adolphe Alfred Edmond, valet de chambre, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 2212[1], né le 17 avril 1878 à La Romagne, fils d’Auguste Adolphe Carbonneaux et de Marie Domitille Chanonier.
Adolphe Alfred Edmond Carbonneaux, affecté au 150e régiment d’infanterie, tué à l’ennemi le 26 septembre 1915 lors de la bataille de Champagne, est cité pour son action héroïque sur le monument aux morts de la Romagne.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1246 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Bataille de Verdun (21 février-18 décembre 1916), timbre de 2016.
Carbonneaux, Marceaux Alfred, peintre en bâtiment, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 618[1], décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire par décret du 23 octobre 1933, carte du combattant n° 13579, né le 17 février 1891 à La Romagne, fils de Nicolas Arsène Carbonneaux et de Marie Léa Rose Mauroy.
Médaille militaire (avers).
Marceaux Alfred Carbonneaux a participé à une campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 31 octobre 1917. Blessé par éclats d’obus le 27 février 1916 au Fort de Vaux (Meuse) et atteint d’une plaie à la main gauche, il est cité à l’ordre du régiment n°9 du 31 mai 1916 « Soldat plein d’allant et de crânerie s’offrant toujours pour les missions périlleuses. A rempli son rôle d’agent de liaison volontaire avec le plus complet mépris du danger du 21 au 27 février. A été grièvement blessé ». Il a d’ailleurs été réformé suite à ses blessures (pour limitations des mouvements du poignet et des mouvements des doigts) par la commission de Toulouse le 25 juin 1917.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 248 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne. Voir aussi les archives départementales des Ardennes, 3R 241 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 3R = anciens combattants et victimes de guerre].
Le fort de Vaux est un haut lieu de la bataille de Verdun (carte postale ancienne).
Des centaines de milliers d’hommes ont été mobilisés en août 1914 pour le service de la garde des voies de communication (aquarelle par André Marcy).
Carbonneaux, Nicolas Aristide, domestique, classe de mobilisation 1889, n° matricule du recrutement 1545[1], né le 22 avril 1869 à La Romagne, fils de Pierre Hubert Carbonneaux et de Marie Célina Bolle.
Nicolas Aristide Carbonneaux, mobilisé, est affecté au service des gardes des voies de communication. Il est libéré le 24 novembre 1914 puis est convoqué en avril 1915 et détaché en 1917 comme métayer à Sermiers (Marne). Il est renvoyé dans ses foyers le 30 novembre 1918. Il a participé à des campagnes contre l’Allemagne du 1er août 1914 au 22 novembre 1914 puis du 20 avril 1915 au 2 mars 1917.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1151 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Le dessin de Benjamin Rabier fait allusion à l’obusier de 420 mm de diamètre surnommé « la Grosse Bertha ».
Champenois, Arthur, cultivateur, classe de mobilisation non indiquée, n° de matricule du recrutement 1016[1], né le 7 octobre 1882 à La Romagne, fils d’Ernest Joseph Champenois et Marie Léonie Ingebos.
Arthur Champenois a été mobilisé au 164e régiment d’infanterie, puis au 54e le 28 juillet 1916. Il a reçu une blessure de guerre par éclats d’obus. Il a dû subir une énucléation de l’œil droit. L’acuité visuelle de son œil gauche a été réduite à la perception lumineuse.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 185 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
La Fondation des aveugles de guerre reprend l’héritage de l’union créée le 18 décembre 1918 et reconnue d’utilité publique par décret du 9 avril 1921.
La Compagnie des chemins de fer de l’Est (Ardennes françaises) a organisé après 1918 des visites des champs de batailles.
Chrétien, Eugène Jean Baptiste, ouvrier agricole, classe de mobilisation non indiquée, n° de matricule du recrutement 81[1], né le 20 mars 1883 à La Romagne, fils de Jean Baptiste Venant Chrétien et de Marie Désirée Cugnard.
Eugène Jean Baptiste Chrétien a été affecté aux chemins de fer de l’Est comme poseur de rails. Il a participé à une campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 20 mars 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 177 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
La Macérienne, qui tire son nom des habitants de Mézières (dont la commune n’avait pas encore fusionnée avec Charleville), est une des usines Clément Bayard (carte postale ancienne).
Chrétien,Gustave Henri, employé de commerce puis cultivateur, classe de mobilisation non indiquée, n° de matricule du recrutement 245[1], né le 25 décembre 1887 à La Romagne, carte du combattant, fils de Jean-Baptiste Chrétien et de Marie Désirée Cugnard.
Gustave Henri Chrétien, mobilisé au 2e bataillon du 46e Régiment d’artillerie, est ensuite affecté au 161e régiment d’infanterie (le 17 avril 1915). Il est évacué en Champagne pour maladie fin septembre 1915. Il est alors détaché aux établissements Clément Bayard (le 23 octobre 1915). Il rejoint le 71e régiment d’infanterie le 20 juin 1916, puis le 25e régiment d’infanterie le 30 mai 1917. Plus tard, il est affecté à des sections de COA[2]. Il est intoxiqué par des gaz en août 1917. Il a participé à une campagne contre l’Allemagne à partir du 2 août 1914 et a été démobilisé le 18 juillet 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 207 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne. Voir aussi les archives départementales des Ardennes, 3R2 49 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 3R = anciens combattants et victimes de guerre].
[2] Commis et ouvriers militaires d’administration.
Chrétien, Pierre Firmin, vannier, classe de mobilisation 1895, n° matricule du recrutement 798[1], né le 26 novembre 1875 à La Romagne, fils de François Emile Chrétien[2] et de Marie Désirée Cugnard.
Pierre Firmin Chrétien passe du 5e au 3e régiment d’artillerie à pied le 7 mai 1916, puis au 70e régiment d’artillerie lourde grande puissance le 1er août 1917. Il a participé à une campagne contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 22 janvier 1919.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims,1R 1210 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
[2] Jean Baptiste Venant Chrétien d’après les archives départementales des Ardennes, 2E 369 6 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 2E = documents de l’état civil en provenance du greffe du tribunal de grande instance de Charleville, cote 369 = fonds concernant La Romagne, sous-cote 6 = décennie 1873-1882].
Couvin, Armand Joseph, domestique puis cultivateur, classe de mobilisation non indiquée, n° de matricule du recrutement 236[1], né le 3 novembre 1882, fils d’Alfred Fulgence Couvin et de Marie Eugénie Champenois.
Armand Joseph Couvin se trouve en novembre 1914 au 2e escadron du train des équipages puis passe au 82e régiment d’artillerie lourde, avant d’intégrer le 18 décembre 1918 le 85e régiment d’artillerie lourde. Il a été démobilisé le 3 mars 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 165 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Diplôme de garde-voie édité par Marcel Daguet, estampe en couleurs (1917).
Devie, Auguste Gustave, domestique, classe de mobilisation 1887, n° matricule du recrutement 1898[1], né le 15 août 1867 à La Romagne, fils de Nicolas Devie et de Marie Eugénie Lebrun.
Auguste Gustave Devie a été mobilisé et affecté au service des gardes des voies de communication. Il a été délivré de ses obligations le 2 septembre 1914. Il est pris dans les lignes allemandes le 7 septembre. Il ne sera libéré de l’occupation que le 6 novembre 1918. Il a participé à une campagne contre l’Allemagne du 1er août 1918 au 2 septembre 1914.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1131 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Infirmerie et mess des officiers à Mailly-le-Camp, où le baraquement des troupes est organisé depuis 1900 (carte postale ancienne).
Devie, Jean Baptiste Alfred, berger puis cultivateur, classe de mobilisation 1902, n° de matricule du recrutement 195[1], né le 24 février 1888 à La Romagne. Fils de Charles Victor Devie et de Marie Ursule Jennepin.
Jean Baptiste Alfred Devie, mobilisé au 161e régiment d’infanterie, part en convalescence durant 2 mois (du 25 août au 24 octobre 1914 à Chaumont-Porcien). Prisonnier civil, il est évacué par le centre de rapatriement du camp de Mailly. Il passe au 94e régiment d’infanterie le 23 janvier 1919 et est en congé de démobilisation en juillet 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 215 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
La Compagnie des chemins de fer de l’Est convie la France à commémorer la victoire de Verdun (affiche ancienne).
Devie, Louis Aristide, ouvrier de culture, classe de mobilisation 1908, n° matricule du recrutement 226[1], né le 8 juin 1887 à La Romagne. Fils de Paul Emile Devie et Marie Armande Delaitre.
Louis Aristide Devie est maintenu dans son emploi de temps de paix au titre des sections de campagne de la compagnie des chemins de fer de l’Est du 2 août 1914 au 23 octobre 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 207 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Devie, Lucien Jude, ouvrier agricole, classe de mobilisation 1893, n° matricule du recrutement 365[1], né le 15 avril 1873, fils naturel d’Eugénie Arthémise Deville.
Lucien Jude Devie est mobilisé au 5e régiment d’artillerie à pied au 16 avril 1916, puis rejoint le 82e régiment d’artillerie lourde. Il est affecté au 30 avril 1917 au 83e régiment d’artillerie lourde, revient au 82e le 3 octobre avant d’être versé le 21 décembre de la même année au 9e régiment d’artillerie à pied. Blessé le 9 avril 1916 à son poste de combat, il est cité à l’ordre de l’armée : « Bon soldat, courageux, très brave au feu. A été blessé à son poste de combat le 9 avril 1916. » Son congé de démobilisation intervient le 11 janvier 1919.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1187 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Barrette Dixmude de la croix de guerre 1914-1918 (palme de bronze).
Médaille interalliée commémorative de la première guerre mondiale dite de la victoire (avers).
Devie, Paul Alfred, cultivateur, classe de mobilisation non indiquée, n° de matricule du recrutement 621[1], décoré de la médaille de la victoire le 23 février 1935, carte du combattant délivrée le 5 novembre 1927, né le 5 septembre 1882 à La Romagne, fils de Gustave Omer Devie et de Marie Emma Célestine Collet.
Paul Alfred Devie, mobilisé au 132e d’infanterie, est passé à la 6e section de COA[2] le 3 mars 1918 et au 1er régiment de zouaves le 6 mai 1918, puis au 355e régiment d’infanterie. Il a participé à une campagne contre l’Allemagne du 12 août 1914 au 4 mars 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 169 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
[2] Commis et ouvriers militaires d’administration.
Ce timbre qui commémore la mobilisation générale du 2 août 1914 montre le défilé des soldats dans les rues et l’abandon de la moisson par les paysans.
Devie, Paul Emile, domestique de culture, puis découpeur, conducteur d’automobiles, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 188[1], né le 26 janvier 1886 à La Romagne, fils de Paul Emile Devie et de Marie Armande Delaitre.
Paul Emile Devie a participé à une campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 11 novembre 1918, au réseau de la Compagnie des chemins de fer de l’Est.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 200 série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Le 106e régiment d’infanterie porte la fourragère aux couleurs du ruban de la médaille militaire.
Devie, Paul Henri, boulanger, classe de mobilisation 1888, n° matricule du recrutement 347[1], né le 21 janvier 1868 à La Romagne, fils naturel d’Eugénie Arthémise Devie.
Paul Henri Devie, parti pour le 106e régiment d’infanterie, rejoint la 6e section des COA[2]. Il est renvoyé dans ses foyers le 19 avril 1915.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1138 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
[2] Commis et ouvriers militaires d’administration.
Ceux de 14 est un recueil de Maurice Genevoix qui comprend plusieurs récits (Sous Verdun, Nuits de guerre, Au seuil des guitounes, La Boue, Les Éparges).
Douce Jean Baptiste Emile, ouvrier agricole, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 136[1], né le 21 novembre 1890 à La Romagne, fils de Pierre Louis Isaie Douce et de Marie Estelle Miclet.
Jean Baptiste Emile Douce, tué à l’ennemi le 1e juin 1917, est cité pour son action héroïque sur le monument aux morts de la Romagne.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 234 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
La Compagnie des chemins de fer de l’Est a édité cette affiche pour commémorer la victoire de Verdun.
Dupont, Jean Baptiste Hippolyte, ouvrier agricole, classe de mobilisation 1894, n° matricule du recrutement 1908[1], né le 15 avril 1874 à La Romagne, fils de Jean Louis Ernest Dupont et Marie Zoé Charbonneaux.
Jean Baptiste Hippolyte Dupont a été maintenu à son emploi de temps de paix au titre des sections de chemins de fer de campagne du 2 août 1914 au 5 janvier 1919.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1201 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Gingembre, Emile, boucher (« sait tuer »), classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 1825[1], né le 8 octobre 1889 à La Romagne, fils d’André Emile Gingembre et de Marie Aline Ronsin.
Emile Gingembre, mobilisé au 30e régiment de dragons, passe au 1er génie à Versailles le 7 janvier 1916 puis au 21e génie le 1er avril 1918. Il a été démobilisé le 27 juillet 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 221 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Le grade de caporal-chef ou brigadier-chef a remplacé celui de caporal-fourrier.
Gosset, Emile Fernand, instituteur, classe de mobilisation 1898, n° matricule du recrutement 2135[1], né le 24 janvier 1879 à La Romagne, fils de Jean Nicolas Joseph Emile Gosset et d’Anne Philomène Trébuchet.
Le grade de sergent-chef a remplacé ceux de sergent-fourrier et de sergent-major.
Emile Fernand Gosset, en unité combattante du 5 août 1914 au 18 février 1918, a été promu caporal-fourrier le 26 juin 1915, sergent-fourrier le 26 janvier 1916, puis sergent-major le 27 juin 1916. Il a été affecté au 9e bataillon du 135e régiment d’infanterie le 14 février 1918 puis au 9ème bataillon du 43ème régiment d’infanterie. Son congé de démobilisation a eu lieu le 20 janvier 1919.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1156 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Le monument aux morts d’Aubérive honore le 103e régiment d’infanterie.
Hézette, Louis Julien, manœuvrier puis meuleur, classe de mobilisation 1898, n° matricule du recrutement 796[1], né le 20 mai 1881 à La Romagne, fils de Philomen Paulin Hezette et de Marie Catherine Léa Boudsocq.
Louis Julien Hézette est en unité combattante au 255e régiment, du 3 août 1914 au 13 avril 1916, puis du 9 août 1916 au 27 juillet 1918. Il est ensuite affecté au 103e régiment d’infanterie, où il se trouve du 9 septembre 1918 au 11 novembre. Il se rengage à la fin de la guerre.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 161 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Médaille commémorative de la guerre 1914-1918 (avers).
Lacour, Marcel Georges, ouvrier agricole, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 2184[1], décoré de la médaille de la victoire, de la médaille commémorative française de la Grande Guerre et de la médaille militaire (par décret du 9 juillet 1928), né le 6 novembre 1880 à La Romagne, fils d’Auguste Lacour et de Florestine Dela.
Barrette Dixmude de la médaille interalliée commémorative de la première guerre mondiale dite de la victoire.
Marcel Georges Lacour, parti en 1901 dans le 16e régiment de dragons et envoyé dans la disponibilité le 22 septembre 1904, a rejoint par ordre de mobilisation générale la 6e légion de gendarmerie le 2 août 1914. Il s’y est rengagé après la première guerre mondiale. Il a été admis comme officier de carrière le 1er avril 1928.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1266 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Barrette Dixmude de la médaille militaire.
Médaille commémorative de la guerre 1914-1918 (revers).
Lallement,Elie Abel Félicien, ouvrier maréchal-ferrant, puis maréchal-forgeron, classe de mobilisation 1902, n° matricule du recrutement 2093[1], décoré de la médaille de la victoire et de la médaille commémorative de la Grande Guerre, né le 1er juin 1889 à La Romagne, fils d’Arsène Lallement et de Marie Clotilde Eugénie Cugnart.
Médaille interalliée commémorative de la première guerre mondiale dite de la victoire (revers).
Emile Abel Félicien Lallement, mobilisé au 3e régiment de cuirassiers, passe ensuite au 33e régiment d’artillerie (le 31 janvier 1916) puis au 49e régiment d’artillerie (le 8 décembre 1916). Du 25 décembre 1916 au 27 mai 1917, il est dirigé sur l’armée d’Orient, non combattante. Il passe au 115e régiment d’artillerie lourde avant d’être réaffecté au 49e (le 27 mai 1917), puis au 33e régiment d’artillerie (le 23 février 1918). Il est démobilisé le 13 février 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 224 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
La croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze correspond à une citation à l’ordre du régiment (ou de la brigade).
Lallement, Victor Elie, maréchal-ferrant, conducteur d’automobiles, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 193[1], décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze, né le 25 février 1886 à La Romagne, fils d’Arsène Lallement et de Marie Clotilde Eugénie Cugnart.
Barrette Dixmude de la croix de guerre 1914-1918 avec étoile de bronze.
Victor Elie Lallement est cité à l’ordre du 155e régiment d’infanterie du 28 novembre 1918 : « soldat brave et dévoué, a toujours donné entièrement satisfaction dans l’accomplissement de ses fonctions et principalement pendant les combats offensifs d’août et septembre 1918 ».
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 200 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Lambert, Auguste Julien, ouvrier agricole puis poseur au service des voies, classe de mobilisation 1902, carte du combattant n° 7734, n° matricule du recrutement 1351[1], né le 25 juin 1893 à La Romagne, fils de Jules Emile Lambert et de Marie Léontine Fétrot.
Auguste Julien Lambert a été incorporé au 61e régiment d’artillerie de campagne puis au 13e régiment d’artillerie de campagne le 1e juillet 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 270 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Plus de cent ans après, les entonnoirs résultant d’explosions de mines sont toujours visibles aux Éparges.
Lambert, Auguste Ulysse, domestique de culture, puis jardinier, classe de mobilisation 1904, n° matricule du recrutement 162[1], carte du combattant délivrée le 28 février 1930, né le 10 avril 1890 à La Romagne, fils de Jules Emile Lambert et de Marie Léontine Fétrot.
Auguste Ulysse Lambert, mobilisé au 132e d’infanterie, est fait prisonnier aux Éparges le 8 mai 1915. Il est évacué par le centre de rapatriement de Nancy et arrive au dépôt transition isolé de la 6e région le 16 décembre 1918, selon un avis du 132e régiment d’infanterie du 14 janvier 1919. Son congé de démobilisation débute le 17 juillet 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 234 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Lange, Pierre Arthur, cultivateur, classe de mobilisation 1887, n° de matricule du recrutement 123[1], né le 29 juillet 1867 à La Romagne, fils d’Auguste Lange et d’Aglaé Eliacime Larmigny.
Cet insigne du Bleuet de France rappelle l’uniforme bleu horizon des jeunes recrues.
Pierre Arthur Lange, parti le 10 novembre 1888 au 37e régiment d’infanterie, caporal maître-armurier le 25 septembre 1890, rappelé par ordre du 1e août 1914, puis libéré le 2 septembre 1914, est resté en pays envahi pendant toute la durée de l’occupation allemande.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R1128 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Cette émission philatélique commémore le centenaire de la mobilisation générale du 2 août 1914.
Larchet, Alfred Zéphirin, manœuvrier, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 632[1], décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre avec palme, né le 29 avril 1882 à La Romagne, fils de Léon Ponce Larchet et de Désirée Lebrun.
Cette enveloppe a été émise pour le cinquantenaire 1915-1965 de la croix de guerre 1914-1918.
Alfred Zéphirin Larchet a été cité à l’ordre du régiment par décision 1218 du grand quartier général le 31 juillet 1915 : « A eu les pieds gelés à la suite d’un séjour prolongé dans les tranchées. Il a été amputé du pied gauche et a subi la désarticulation du gros orteil droit. S’est toujours bien conduit, très bon soldat sous tous les rapports ». Il a fait une campagne contre l’Allemagne du 12 août 1914 au 29 avril 1916.
Médaille militaire (revers).
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 169 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Ledouble, Jean Baptiste Jules, sans profession, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 2256[1], né le 31 août 1892 à La Romagne, fils de Jean Baptiste Ovide Ledouble et de Marie Catherine Brodier.
Jean Baptiste Jules Ledouble est exempté de service militaire. Il est pris dans les lignes allemandes le 28 août 1914 et sera délivré de l’occupation le 6 novembre 1918.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 259 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
Une croix de guerre pour citation à l’ordre du corps d’armée se distingue par une étoile vermeil.
Legros,Victor Auguste, boulanger, classe de mobilisation non indiquée, n° matricule du recrutement 112[1], décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze, né le 1er novembre 1883 à La Romagne, fils de Charles Adolphe Auguste Legros et de Maria Devie.
Victor Auguste Legros a rejoint la 3e section de COA[2] le 15 décembre 1915. Il est affecté au 5e régiment d’infanterie le 23 avril 1916, est incorporé au 35e régiment d’infanterie le 25 septembre 1916, au 242e régiment d’infanterie le 15 décembre 1916, puis au 372e régiment d’infanterie le 30 septembre 1917. Il a fait une campagne contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 27 mars 1919. Il est cité à l’ordre du régiment n° 484 du 21 juin 1918 : « Très bon sous-officier au cours de l’attaque du 10 juin 1918, a fait preuve de la plus belle endurance et d’une énergie remarquable ». Son congé de démobilisation date du 27 mars 1919.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 177 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.
[2] Commis et ouvriers militaires d’administration.
Le Kronprinz (prince héritier) a dirigé l’occupation des Ardennes en 1914-1918 depuis son quartier général à Charleville.
Lelong, Jules Alcide, cultivateur, classe de mobilisation 1889, n° matricule du recrutement 1502[1], né le 16 octobre 1869 à La Romagne, fils de Jean Baptiste Joseph Lelong et de Zélie Canneaux.
Jules Alcide Lelong, mobilisé, est dégagé de ses obligations militaires le 2 septembre et pris dans les lignes allemandes à La Romagne le 9 septembre 1914. Il a participé à une campagne contre l’Allemagne du 1e août au 2 septembre 1914.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1151 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes], registre matricule consultable en ligne.