L’église de La Romagne est divisée en deux parties : le sanctuaire et la nef. Le premier est délimité par une élévation de la hauteur d’une marche, une balustrade faisant office de banc de communion, le maître-autel dans l’axe du portail d’entrée.
Jusqu’en 1710, le sanctuaire est entretenu par les gros décimateurs que sont les abbés successifs de l’abbaye de Chaumont-Porcien. Après cette date, les grosses dîmes sont abandonnées au curé.
Le reste de l’espace est occupé par une nef dépourvue de bas-côtés. Elle n’est pas couverte de voûtes mais d’une charpente, formée de poutres horizontales, qui prennent appui dans les murs juste au-dessus des fenêtres hautes. Son entretien incombe à la fabrique.
Par trois fois au moins, l’intérieur de l’église est détruit : tout d’abord à la suite de la guerre de Trente Ans et de la Fronde, puis à la Révolution, et enfin lors de la Seconde Guerre mondiale.
En 1659, lors d’une visite, le bilan suivant est dressé : l’église est en ruines tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et on ne peut y officier[1]. Du reste, le curé a parfois célébré la messe dans son bûcher, n’ayant aucun autre lieu pour le faire. Cette situation reste encore valable en 1663.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
De plus, il ne reste plus que quelques objets sacrés, dont un ciboire en cuivre et un soleil en fer blanc. Il n’y a plus de linge, et si peu d’ornements que le curé ne dispose pas des chasubles aux couleurs des différents temps liturgiques[1].
[1] Chez les catholiques, le violet est associé à l’Avent et au Carême, le blanc à Noël et à Pâques, le rouge à la Pentecôte et le vert au temps ordinaire. Le noir est réservé aux offices funèbres.
Touchés par tant de misère, et avec la volonté que les paroissiens retrouvent leur église, les délégués de l’archevêque parlent de saisir les décimateurs[1]. Ils souhaitent les contraindre à exécuter des travaux, alors que ces derniers ont connu beaucoup de vicissitudes avec l’incendie et la reconstruction de leur abbaye à Remaucourt.
Lors des tournées suivantes, qui se succèdent tous les deux ou trois ans environ, la paroisse est visitée par monseigneur Le Tellier en personne, ou par ses émissaires.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Quelques petites améliorations voient le jour à partir de 1671, mais des manquements sont soulignés, comme le ciboire en cuivre[1], ou le tabernacle posé sur l’autel. Or, il devrait être surélevé et fixé à demeure, selon une tradition établie au XVIe siècle.
Il renferme en effet les hosties consacrées et non consommées, ce qui permet de donner la communion à des fidèles en dehors de la messe, ou le viatique aux mourants.
L’autorité ecclésiastique juge que « les ornements sont malpropres » et constate que « les fonts ne ferment pas à clé », si bien qu’il est donné ordre aux paroissiens de remettre l’église en état[2].
Lors de cette visite, une chasuble (le vêtement doit être en accord avec la solennité de la célébration) et une bourse garnie sont offertes au curé.
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Il faudra environ une trentaine d’années pour que l’église retrouve un meilleur aspect. Ce qui en dit long sur la pauvreté du village, consécutive aux guerres qui ont ruiné la région.
En 1699, grâce au mémoire dressé par le curé Dehaulme (prêtre de la paroisse entre 1688 et 1710), on peut constater les améliorations apportées pour la célébration du culte : il a acheté une nappe d’autel, une burette[1] d’airain dotée d’un couvercle en fer-blanc.
D’autre part, il a fait réparer le tabernacle, s’est procuré quatre porte-cierge de bois et leurs lampions auprès d’un tourneur résidant au Fréty, et quatre grands chandeliers auprès d’un menuisier.
[1] Vase contenant le vin ou l’eau qui servent à la messe.
Il a fait confectionner un grand surplis et de plus petits pour les enfants de chœur, et orner d’un galon le pavillon du ciboire. Il a acheté des corporaux, un devant d’autel, un ciboire et un soleil d’argent[1].
Tout en exerçant son ministère, il se rend à Charleville ou à Rethel pour des achats, ou pour confier des travaux à des religieuses expertes en broderie et en couture, voire pour faire appel à des artisans locaux.
Cependant, il n’y a toujours pas de bougie allumée devant le Saint Sacrement, en dehors du moment de la messe et des jours de fête. Cela représente une dépense importante, à laquelle la paroisse ne peut pas faire face. La pauvreté du lieu ne permet pas de respecter les règles qui stipulent qu’il faut
Cette lumière est un hommage rendu à Dieu, et la liturgie fixe avec précision l’abondance du luminaire en fonction de la célébration. S’il y a un manquement en raison de la faiblesse des revenus, à aucun moment, un quelconque reproche n’apparaît pour ce fait lors des visites du doyen ou du vicaire, tous deux au courant de la situation paroissiale.
En 1710, lors d’une visite, l’église est décrite comme « assez belle si elle était mieux entretenue et mieux ornée ». Il est estimé qu’elle devrait l’être puisqu’il y a quelques revenus. Cette remarque, qui semble concerner l’intérieur, montre que des changements sont intervenus. Il faut cependant attendre une trentaine d’années pour avoir une description plus détaillée :
Ces améliorations sont certainement dues à une période durant laquelle la guerre s’est éloignée de cet endroit, mais aussi à un accroissement de la population[1], et donc des revenus.
[1] L’église semble toujours assez grande pour accueillir tous les paroissiens.
Elle renferme un seul autel : le maître-autel avec « un tabernacle de bois peint, orné de filets d’or et garni en dedans ». L’église est pourvue d’un ciboire en argent doré en dedans et d’un soleil[1], d’une petite boîte en argent pour porter le saint viatique, d’un calice et d’une patène.
[1] Probablement celui qui a été acheté par le curé Dehaulme.
Les vaisseaux des saintes huiles[1] sont en étain mais mal entretenus[2]. En 1783, l’église est toujours suffisamment grande[3] et assez belle. Il serait simplement nécessaire de réparer le bas des murs et de les reblanchir. La présence d’un nouveau mobilier est relevée, avec un confessionnal[4], tandis qu’il est noté que « les fonts baptismaux sont en règle et fermés ».
[1] Qui servent aux onctions lors de certains sacrements.
La Révolution provoque de grands changements : l’église voit la mise aux enchères de son patrimoine mobilier et immobilier, dans le cadre de la vente des biens nationaux. Toutes les terres que possède la cure, et qui assurent un revenu supplémentaire au prêtre de la paroisse, sont vendues en grande partie aux habitants : Pierre Mauroy, Hubert Laroche, François Arbonville[1], etc.
[1] Orthographié Harbonville sur certains documents.
Après cette période de troubles, le Consulat, l’Empire puis la Restauration redonnent à l’église la place qu’elle occupait dans la vie de la communauté villageoise. Cette nouvelle situation est facilitée par le Concordat[1] conclu en 1801 par le gouvernement de Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII.
A partir de l’année 1827, l’église est rénovée et ornée. Dix ans plus tard se pose à nouveau la nécessité de fermer les fonts baptismaux et de rétablir une piscine. Cela prend un peu de temps avant que celle-ci soit de nouveau présente. Un bénitier est installé. Un confessionnal se trouve en 1831 dans l’enceinte des fonts baptismaux[1], mais il n’y reste pas.
En revanche, à partir de cette époque, un changement important est à noter. Jusqu’à présent, il n’y avait qu’un seul autel : le maître-autel. Désormais, il y en a trois autres consacrés respectivement à la Vierge Marie, à saint Jean l’Evangéliste[1], et à saint Hubert[2].
[2] Saint Hubert est le patron des chasseurs et des forestiers.
Vers 1890, une courte description permet de dire que l’autel est en bois à deux colonnes ioniques, avec un retable appliqué au mur plat du fond. Les marches ainsi que le pavé du sanctuaire sont en marbre. Le reste du pavé est en brique.
Tout est fort pauvre et paraît dégradé[1]. L’Etat, la municipalité et des particuliers permettent par des subventions et des dons de réagir. Une nouvelle réfection est entreprise, avec l’exhaussement de la porte d’entrée, le remplacement d’une partie des poutrelles de charpente[2], la réfection des enduits des fenêtres et des murs[3].
[1] Selon le pouillé (registre ecclésiastique) du diocèse de Reims 1874/1894 établi par monseigneur Péchenard
La loi de séparation des Eglises et de l’Etat instaure les inventaires des biens ecclésiastiques, qu’ils relèvent du patrimoine mobilier ou immobilier. Ceux-ci doivent être réalisés dès le début de l’année 1906.
Comme il est impossible de retrouver le moindre document concernant celui de l’église de La Romagne, on ne peut qu’interpréter la presse locale ancienne. Le petit Ardennais en particulier signale chaque fois qu’ils se produisent les incidents occasionnés par ces inventaires.
Rien n’étant dit concernant cette commune, il est probable qu’en dehors peut-être d’une réprobation passive, souvent signalée, les opérations se sont déroulées assez paisiblement.
Celles qui ont eu lieu à Saint-Jean-aux-Bois[1] semblent en revanche avoir été plus problématiques. A la date prévue pour l’inspection de l’église, le maire se trouve dans l’impossibilité d’y entrer, alors qu’il doit, sur la demande du préfet, assister à son inventaire.
La porte, close de l’intérieur, reste hermétiquement fermée, en dépit des sommations de l’édile et de celles des gendarmes présents pour cette opération. Des chuchotements se font néanmoins entendre. Le curé s’est enfermé en compagnie de quelques paroissiens.
L’inventaire est réalisé par la suite. A la date du 6 avril, plus aucun n’est à faire dans tout le département.
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 53, « Saint-Jean-aux-Bois – L’inventaire » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-septième année, n° 8939, vendredi 2 mars 1906, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Désormais, le conseil municipal peut voter des crédits pour l’acquisition de nouveaux objets, de linge et d’ornements. Il commande en 1929 la « réfection de certains éléments du beffroi et la confection d’agenouilloirs[1] » à Vital Bonhomme, charpentier à la Romagne, tout en envisageant de substituer aux bancs manquants des chaises [2]. C’est cet aspect que garde la nef, depuis de nombreuses années.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 2 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération du 11 novembre 1929
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 2 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération des 30 juin et 9 août 1929.
Un peu auparavant, l’abbé Régnier, qui avait officié durant de longues années dans le village, et qui avait vécu avec ses paroissiens les affres de la Première Guerre mondiale, avait offert, par testament, de nouveaux fonts baptismaux, afin d’embellir cette église. Une plaque témoigne de sa générosité.
En 1937, l’église est entièrement refaite à neuf. Mais les Romanais n’en profitent pas longtemps. Après les destructions liées au bombardement de 1940 et aux pillages qui ont eu lieu, les pertes sont considérables : la chaire en bois, les bancs et les chaises, les vases sacrés, l’orfèvrerie[1], le reliquaire, le chemin de croix, les ornements, les garnitures d’autel et même l’harmonium sont manquants.
Tout a disparu ! A la fin de la guerre, le délabrement de l’église est tel que celle-ci n’est rendue au culte qu’en 1948, après décision du maire, monsieur Cugnart.
Dès le retour de la paix et l’attribution de crédits, d’importants travaux de réfection sont entrepris sous la direction des architectes rethélois Gillet et Demoulin. Il faut tout d’abord refaire : la toiture du côté de la sacristie, cette dernière, une partie de la charpente et des soubassements extérieurs. Il est nécessaire aussi de consolider les croisées[1].
[1] Ouvertures laissées dans les murs des bâtiments, pour donner du jour au dedans.
Mais il faut aussi redonner un lustre intérieur à cette église, pillée à plusieurs reprises, et donc démunie de tout. L’autel, en pierre de Savonnières (un calcaire oolithique et coquillier), et dont la frise de feuilles de vigne ornée de grappes rappelle la transsubstantiation[1], est réparé. Il repose sur quatre colonnettes. L’antependium, à décor en demi-relief, évoque les pèlerins d’Emmaüs.
On peut probablement l’attribuer au sculpteur Adolphe Masselot de Lomme (Nord). C’est son atelier qui a exécuté les réparations et fait le nouveau banc de communion en pierre, afin de remplacer l’ancien en bois qui avait disparu. Ce sculpteur a beaucoup œuvré pour les églises des Ardennes.
[1] Chez les catholiques, transformation du vin en sang du Christ.
Le chœur est décoré entièrement avec le rechampissage de deux niches ogivales, le tracé et la confection de quatre pilastres et de quatre chapiteaux ornementés, le tracé d’une draperie sur les murs de la nef.
L’ensemble de cette décoration a nécessité quelque deux cent cinquante heures de travail. Un nouveau chemin de croix en peinture laquée sous glace, avec encadrement de bois, orne les murs latéraux. Il a été exécuté par Robert Wattiez, artisan de Reims, entre le 15 novembre 1947 et le 15 mars 1948.
Des troncs rénovés remplacent ceux qui avaient disparu. La nef est remeublée avec des sièges et des prie-Dieu qui proviennent d’une entreprise locale située à Sapogne-Feuchères, ou d’artisans des environs (de Rocquigny par exemple).
Il faut encore s’occuper des vitraux qui ont été endommagés : ceux qui se trouvent dans la baie double du chœur, et les trois situés dans la nef gauche. La maison Le Troyer de Reims est chargée de leur réfection. On ne sait rien à propos de ceux qui ont pu orner autrefois l’église, si ce n’est que l’installation des actuels est postérieure au milieu du XXe siècle.
Ceux de la baie géminée[1], qui représentent l’apparition de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous à Lourdes datent de 1903. Ils proviennent de l’atelier rémois Vermonet et marquent une dévotion mariale toute particulière.
Celui de saint Eloi date de 1963 et provient d’un atelier situé à Heitz-le-Maurupt. Le peintre-verrier est Roger Mauret. Ceux de saint Hubert, saint Joseph, sainte Thérèse ne sont ni datés ni attribués mais sont de même facture.
Dans un large médaillon central aux couleurs assez vives, le saint est représenté avec ses attributs : les gerbes de blé[1] pour saint Eloi, la croix entre les bois du cerf pour saint Hubert, le bâton fleuri d’un lys et la barbe[2] pour saint Joseph, un habit de carmélite et une croix entourée de roses pour sainte Thérèse[3].
[1] Symbole de la terre mais surtout du pain eucharistique.
Son nom est inscrit sur le nimbe[1]. Chaque saint est entouré de motifs géométriques et floraux, qui varient par le jeu des couleurs sur un fond de grisaille assez monotone. Par contraste avec ceux de la baie du chevet, ces vitraux ont été offerts par des familles de La Romagne, ou dédiés à ces dernières.
En témoigne le cartouche de chacun d’eux. Il s’agit des divers Devie qui vivaient dans le village (Devie-Patoureaux, Devie-Richard, Devie-Vadez[2], Legros-Devie). Les autres baies sont obturées, faute de moyens et de mécénat, par du verre cathédrale sans décor peint.
[1] Cercle de lumière que les artistes mettent autour de la tête des saints.
[2] Correspondant actuellement à la branche Devie-Bertrand.
Progressivement, le patrimoine ecclésiastique est mieux protégé. Des indemnités pour le gardiennage des églises communales sont prévues. Conformément à la circulaire relative à celui-ci, l’abbé Godart est chargé de cette mission.
Depuis le départ du dernier desservant de la paroisse, les messes sont devenues de plus en plus rares. Néanmoins, la municipalité et les habitants sont attachés à leur église. Des travaux de réfection sont en cours, comme ceux des murs latéraux intérieurs. Ils remettront à nu les pierres dures les constituant, dans le respect de l’architecture paysanne et de la tradition champenoise…
Les autobiographies, les journaux intimes[1], les mémoires, les récits personnels peuvent relater des événements extérieurs, recueillir des faits historiques, dresser une chronique de leur époque, présenter un témoignage. A ce titre, ils constituent une source primaire.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2006-91433, Lejeune, Philippe ; Bogaert, Catherine, Le journal intime : histoire et anthologie, Paris : Textuel, 2005, 506 p. [Note : contient également un grand choix d’extraits de journaux de divers auteurs. – Bibliographie pages 459-494. Index].
Un récit de l’exode de 1940 à La Romagne a pu être établi[1] à partir de la lecture du journal manuscrit inédit de Marie-Louise Devie, fille de Jean-Baptiste Alfred Devie et de Reine Alice Vadez. Jeune femme qui atteint ses dix-sept ans pendant cette période, elle a noté son quotidien du 14 mai 1940 au 11 juillet 1941.
[1] Avec l’aimable autorisation de monsieur Martial Bertrand, fils de Marie-Louise Devie et de René Bertrand.
Le 14 mai 1940, pressentant l’arrivée imminente des Allemands, une partie de la famille[1] de Jean-Baptiste Devie, cultivateur à la Bouloi[2], décide de quitter le village. Elle le fait malgré les quolibets des gens du pays, tandis que d’autres membres[3] restent sur place.
[1] La mère Reine Alice Vadez, la grand-mère Marie-Louise Vadez, le fils Louis, la fille Marie-Louise et Reine Marie Lefèvre, cousine germaine de Marie Louise.
[3] Le père Jean-Baptiste Devie, le fils cadet Victor, et l’autre grand-mère Marie Ursule Jennepin (qui ne veut pas partir).
Cheval ardennais, héliogravure en quadrichromie, timbre dessiné par Roxane Jubert d’après une photographie de Varin-Visage Frères (Agence Jacana).
C’est ainsi que, dans une charrette attelée de chevaux et conduite par Louis[1], ces cinq personnes partent sur les routes ardennaises avant de traverser le département de l’Aisne. Elles y subissent, dès le lendemain, les premiers bombardements aux environs d’Evergnicourt, avant d’être confrontées aux voies encombrées le surlendemain.
Timbre illustrant l’été, d’après Nicolas Mignard dessiné par Pierre Gandon et gravé par Pierre Béquet en taille-douce brun-jaune.
Il leur faut quatre jours pour atteindre Montdauphin (Seine-et-Marne), non sans avoir passé des nuits parfois écourtées et fraîches sous un hangar, dans la paille d’une grange, ou dans une maison au confort très rudimentaire.
Lors d’une halte d’une journée, ils rencontrent fortuitement des Romanais[1]. Ces derniers leur annoncent la mort d’Aimé Vuillemet et de Marthe Mauroy à la suite de l’explosion d’une bombe sur l’église. Plus tard, d’autres habitants de La Romagne croisés en chemin leur apprennent que « la maison Lucie Bonpart sert de Kommandantur ».
L’église paroissiale de Courceaux (Seine-et-Marne) est rattachée à Notre-Dame de la Visitation.
Ils se remettent en route dès le 20 mai et arrivent le lendemain dans le village de Courceaux (Yonne). Ils restent dans les environs jusqu’au 4 juin, où ils reçoivent un bon accueil et sont logés dans des maisons inhabitées.
Durant tout ce temps, ces réfugiés cherchent et trouvent du travail dans les fermes environnantes, soit en fanant ou en conduisant des voitures de foin (les femmes en particulier font de la couture ou des lessives).
En échange, ils reçoivent de la nourriture, de la boisson et parfois un peu d’argent. Durant cette période, ils ont le bonheur de recevoir des nouvelles du chef de famille qui a, à son tour, quitté La Romagne pour les rejoindre.
Cheval ardennais, héliogravure en quadrichromie, timbre dessiné par Elodie Dumoulin.
Le 5 juin, nouveau départ ! La famille délaisse Courceaux pour arriver deux jours plus tard entre Bellegarde et Lorris (Loiret). Elle y reste jusqu’au 11 juin, chacun travaillant durant ces longues journées. Lors du déplacement suivant, elle croise de nombreux soldats et doit se séparer d’un des chevaux[1] qui, blessé, ne peut continuer. La pauvre bête est vendue à un boucher.
La guerre éclair (der Blitzkrieg) s’impose dans la bataille de France de 1940. Elle s’appuie sur le Junkers Ju 87, communément appelé Stuka (de l’allemand Sturtzkampfflugzeug = bombardier en piqué).
Le 13 juin, le département du Cher est atteint mais les parcours qui couvraient journellement une petite cinquantaine de kilomètres sont réduits à une douzaine comme d’Argent-sur-Sauldre à Aubigny-sur-Nère, ou de cette dernière ville à Lury-sur-Arnon. Ces ralentissements sont dus aux bombardements, au reflux de soldats et à la proximité des Allemands qui sont à Châteauroux.
A Issoudun, Notre-Dame est liée à une personne (le Christ) et non à un lieu, comme ce peut être le cas pour d’autres sanctuaires.
Quand elle arrive enfin à Issoudun (Indre) le 17 juin, jour de l’armistice, la famille Devie-Vadez retrouve d’autres réfugiés de La Romagne. Elle se stabilise jusqu’au 5 juillet dans les environs, logeant tantôt à Condé, Sarzay ou Fougerolles, en fonction des travaux des champs et des lieux disponibles.
Timbre de Bruno Ghiringhelli illustrant les vendanges, héliogravure polychrome.
Le début du mois de juillet marque pour elle le départ pour La Romagne. Le retour est envisagé avec joie. Celle-ci est de courte durée car c’est sans compter sur la décision allemande de faire des Ardennes une zone interdite. La nécessité d’avoir des laissez-passer ne se discute pas.
Du jour au lendemain, l’espoir de retrouver bientôt la terre natale s’éteint. La famille retourne dans une ferme où elle a déjà logé. La vie s’organise une nouvelle fois entre les travaux et les soins de la terre, les récoltes, les vendanges et les rencontres amicales entre Romanais, que ce soit avec les Malherbe, monsieur Cugnart, Les Bonhomme.
Les semaines et les mois passent quand, le 11 juillet 1941, les papiers nécessaires sont enfin en règle. Le retour à La Romagne est désormais une certitude…
Le blog laromagne.info commémore l’appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est de transmettre : « Aucun élève ne doit quitter sa scolarité sans avoir visité au moins un site mémoriel combattant et avoir participé au moins à une cérémonie patriotique. »
Bonhomme, Pierre, Georges, charpentier puis militaire de carrière, sous-officier du génie, décoré de la médaille militaire[1], né le 6 janvier 1910 à La Romagne, fils de Désiré Vital Bonhomme et de Blanche Georges, n° de matricule 891. Il est fait prisonnier à Goviller (Meurthe-et-Moselle) le 21 juin 1940[2].
[1] Attribuée par un décret paru au Journal officiel de la République française n° 239 du 9 octobre 1949, page 10146, qui mentionne dix-huit ans de service et six campagnes.
Il est dirigé vers un camp provisoire[1]. D’après une liste officielle des prisonniers français n° 28 du 9 octobre 1940, il est au Frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (Meurthe-et-Moselle). Il porte le numéro de prisonnier 6987 et se trouve dans le quartier n° 4. Une liste nominative du camp d’Ecrouves (Meurthe-et-Moselle) datée du 13 juillet 1940 indique qu’il s’y trouve à ce moment-là.
[1] Fiche bristol [Karteikarte] du Frontstalag 162 en date du 9 octobre 1940.
A partir du 4 octobre 1940, il est au Stalag XVII B Krems-Gneixendorf[1]. C’est dans ce camp qu’il reçoit son immatriculation de prisonnier de guerre[2] n° 53026. Il se retrouve ensuite au Stalag III B Fürstenberg (arrondissement de l’Oder-Spree), d’après sa fiche bristol[3] du 9 octobre 1940.
[1] Gneixendorf est un village près de Krems-sur-le-Danube (Krems an der Donau) situé dans le Land de la Basse-Autriche.
Carte de l’emplacement des Stalags en Allemagne (1940-1945).
Cette ville correspond à l’actuelle Eisenhüttenstadt (Land du Brandebourg), en Allemagne. Cette ville nouvelle est issue de la fusion en 1961 de Fürstenberg, Staline-Ville[1], et Schönfließ. Cet immense camp se situe dans la vallée de l’Oder est situé à cent vingt kilomètres au sud-est de Berlin et à environ soixante kilomètres de la frontière polonaise[2]. C’est pour les autorités allemandes un camp modèle[3].
Détail de l’emplacement de quelques Stalags en Allemagne (1940-1945).
Selon une liste allemande datée du 20 novembre 1940, il est transféré au Stalag III A Luckenwalde[1] sous le n° 53021 le 13 novembre 1940 depuis le Stalag XVII B Krems-Gneixendorf. Il est présent dans le Stalag III D Berlin[2] le 24 novembre 1940, selon une carte de capture dont le tampon très effacé semblerait être du 18 décembre 1940.
D’après une liste n° 111 reçue le 24 mars 1941 et une fiche de capture du CICR[1] du 1e décembre1944, il est probable qu’il est encore dans ce camp pendant cette période. Il semble qu’il y reste jusqu’à la libération de ce camp en avril 1945. D’après sa fiche nominative du Frontstalag 162 à Dommartin-lès-Toul (Meurthe-et-Moselle), Pierre Bonhomme est rapatrié le 27 mai 1945 au centre de Maubeuge (Nord)[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, 1R 410 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Fouquet, Henri Albert, n° de matricule du recrutement 411, né le 20 octobre 1907 à La Romagne, fils de Gustave Fouquet et de Marie Carbonneaux, rappelé à l’activité le 2 octobre 1939, affecté au dépôt du génie n° 15. Il est fait prisonnier le 21 juin 1940 à Rambervillers (Vosges). Henri Fouquet[1] est interné au camp de transit de Baccarat (Meurthe-et-Moselle) avant d’être démobilisé par le comité départemental le 28 août 1941.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 392 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Pour nos prisonniers de guerre, timbre brun carminé en taille douce, collé sur des cahiers de captivité de prisonniers de guerre du Stalag IV B Mühlberg (1940).
Lelong, Marceau Alfred, domestique de culture, classe de mobilisation 1927, n° de matricule de recrutement 1308, né le 11 novembre 1912 à La Romagne, fils de Jules Alcide Lelong et de Marie Claire Faveaux, rappelé le 26 août 1939 au 29e régiment régional.
Il passe au 22e régiment régional le 16 janvier 1940. Il est fait prisonnier à Etampes (Essonne) le 15 juin 1940. Interné au Stalag IV B Mühlberg[1], à une cinquantaine de kilomètres de Dresde. Il a le matricule n° 72021. Rapatrié le 30 mai 1945, Marceau Lelong est démobilisé le 1er juin 1945 par le comité départemental de Charleville[2].
[1] Ville allemande située dans l’arrondissement d’Elbe-Elster (Land du Brandebourg).
[2]Archives départementales des Ardennes, 1R 423 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Lequeux, Armand Adonis, ferronnier, n° de matricule du recrutement 111, né le 19 mars 1915 à La Romagne, fils de Victor Eugène Lequeux et de Marie Georgette David, convoqué le 29 mars 1939 au 91e régiment d’infanterie, il passe au 295e régiment d’infanterie le 2 septembre 1939.
Fait prisonnier à La Salle[1] (Saône-et-Loire) le 28 juin 1940. Interné au Stalag II A Neubrandenbourg[2]. Il porte le numéro de prisonnier 66459. Malade, il est rapatrié le 4 juin 1941 et est démobilisé le 9 juillet 1941. Armand Lequeux se retire alors à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine)[3].
[2] Ville d’Allemagne située dans le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, au nord de Berlin.
[3]Archives départementales des Ardennes, 1R 442 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Macquin, Paul Adolphe, classe de mobilisation 1925, n° de matricule du recrutement 119, né le 7 janvier 1905 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie-Angèle Lantenois, rappelé à l’activité par mesure de mobilisation générale, il est affecté au dépôt ALVF[1] n° 209.
Parti aux armées le 11 février 1940 et affecté au 374e RALVF[2] 13e bataillon le 1er avril 1940. Il est fait prisonnier à « Archambeau[3] » le 20 juin 1940. Interné au Stalag II C Greifswald[4] sous le n° de prisonnier 3355. Paul Macquin est rapatrié le 28 mai 1945[5].
[4] Ville du nord de l’Allemagne (Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale).
[5]Archives départementales des Ardennes, 1R 378 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Macquin, Rémi Jean, commis de perception, né le 5 mars 1911 à La Romagne, fils de Paul Eugène Macquin et de Marie Angèle Lantenois, n° de matricule du recrutement 110.
Rappelé à l’activité le 2 septembre 1939, il est fait prisonnier à Saint-Dié (Vosges) le 22 juin 1940. Interné au Stalag XIII D Nuremberg-Langwasser[1] sous le n° de prisonnier 88022. Libéré le 5 mai 1945 et rapatrié le même jour, Rémi Macquin est démobilisé le 16 mai 1945 par le comité départemental de Charleville[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, 1R 415 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Monsieur Jean Malherbe † pose devant sa voiture. Hotchkiss est un constructeur automobile et manufacturier d’armes français, qui a produit des véhicules militaires jusqu’en 1969. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Malherbe, Eugène Jean, employé de commerce, n° de matricule du recrutement 230, né le 20 février 1913 à La Romagne, fils de Georges Malherbe et de Lucie Bonpart, rappelé à l’activité à la 2e section de COMA[1] le 25 août 1939 et affecté au groupe d’exploitation de la 52e division d’infanterie.
Nommé sergent le 21 juin 1940. Fait prisonnier à La Bourgonce (Vosges) le 22 juin 1940. Interné au Stalag XIII D Nuremberg-Langwasser. Eugène Jean Malherbe est rapatrié le 23 avril 1945 et démobilisé par le centre des Ardennes le 1er juin 1945.
[1] Commis et ouvriers militaires d’administration.
Marandel, Léon André, cultivateur, maréchal-ferrant, classe de mobilisation 1922, soldat au 140e régiment d’artillerie, n° de matricule du recrutement 244, né le 27 janvier 1902 à La Romagne, fils de Alfred Célestin Marandel et d’Eugénie Chéry.Rappelé à l’activité le 23 août 1939, il est fait prisonnier à Epinal (Vosges) et interné au Stalag XII D Trier[1]/Petrisberg sous le n° de prisonnier 1564. Rapatrié, Léon Marandel est démobilisé le 5 novembre 1945 par le comité départemental d’Amiens[2].
[1] Trèves est une ville du sud-ouest de l’Allemagne (Land de Rhénanie-Palatinat).
[2]Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Marquigny, Henri Emile, ouvrier de culture, classe de mobilisation 1922, né le 20 mars 1906 à La Romagne, mort pour la France[1], n° matricule du recrutement 408, fils de Joseph Louis Emile Marquigny et de Marie Ida Boitte. Rappelé à l’activité le 20 septembre 1939 et affecté au 301e RALP[2].
Après un séjour à l’hôpital de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) du 20 octobre 1939 au 24 février 1940 et sa convalescence, il rejoint le dépôt d’artillerie n° 302 le 17 mars 1940. Il est affecté le 29 mars 1940 au parc de munitions d’armée et passe à la 662e compagnie du parc de munitions d’armée.
Fait prisonnier le 12 juin 1940 au fort de La Chaume[3]. Henri Marquigny est rapatrié le 30 mai 1945 et décède quelques mois plus tard à l’hôpital militaire de Mézières le 5 octobre de la même année[4].
[1] Il figure à ce titre sur le monument aux morts de La Romagne.
[4]Archives départementales des Ardennes, 1R 385 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Mauroy[1], Gaston Auguste, n° de matricule du recrutement 269, né le 2 juillet 1902 à La Romagne, fils de Charles Emile Mauroy et de Juliette Léonie Bailly. Il est fait prisonnier à Maubert-Fontaine. Il est interné au StalagXII A Limburg an der Lahn[2] sous le n° de prisonnier 21506. Gaston Mauroy est démobilisé le 31 mai 1945 par le comité départemental de Charleville.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 356 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Monsieur Marcel Mauroy † et d’autres prisonniers de guerre, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Mauroy, Marcel Charles, n° de matricule du recrutement 59, né le 6 mai 1904 à La Romagne, fils de Charles Emile Mauroy et de Marie Juliette Léonie Bailly. Rappelé à l’activité le 24 août 1939, affecté au 17e RAD[1].
Fait prisonnier le 22 juin 1940 à La Bourgonce (Vosges). Il est interné au Stalag XIII B Weiden/Oberpfalz[2]. Il est rapatrié le 25 mai 1945 sous le matricule 83774. Marcel Mauroy est démobilisé par le comité départemental de Charleville le 30 mai 1945[3].
[3]Archives départementales des Ardennes, 1R 371 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Miclet, Henri Léon, domestique, n° de matricule du recrutement 60, né le 16 février 1916 à La Romagne, fils de Paul Georges Miclet et de Célestine Constance Destrez. Rappelé à l’activité le 20 août 1939, affecté à la CM[1]. Capturé le 12 juin 1940 à Saint-Valéry-en-Caux (Seine-Maritime), il est au Stalag IX C Bad Sulza[2] sous le n° de prisonnier 3940. Rapatrié le 9 juin 1941 comme aîné de cinq enfants. Démobilisé par le comité départemental de Guéret (Creuse) le 25 juin 1941[3], Henri Miclet se retire à Lérat (Creuse).
[3]Archives départementales des Ardennes, 1R 448 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Miclet, Joseph Emile, charron,classe de mobilisation 1926, n° de matricule du recrutement 434, né le 12 octobre 1906 à La Romagne, fils de Georges Miclet et de Célestine Destrez. Rappelé à l’activité le 25 août 1939 au dépôt d’artillerie n° 2.
Il est fait prisonnier à Redon (Ille-et-Vilaine) le 23 juin 1940, et est interné dans un Frontstalag sous le n° de prisonnier 11303 avant d’être mis en congé de captivité le 18 juillet 1941. Joseph Miclet est démobilisé le 1er août 1941[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 385 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Quentin, Gaston Fernand, militaire, n° de matricule du recrutement 490,décoré de la médaille militaire par décret du 21 décembre1954[1], né le 1er février 1920 à La Romagne, fils de Louis Albert Quentin et de Marie-Juliette Bosserelle.
Engagé en 1938 à l’intendance militaire de Versailles (Yvelines), il est affecté au 2e régiment du génie à Metz (Moselle) et est nommé caporal le 28 juillet 1938 puis sergent le 1er avril 1939. Il est fait prisonnier le 4 juillet 1940 et est interné au Stalag VII A Moosburg[2] avec le n° de prisonnier 30746.
Il est rapatrié le 23 mai 1945 et, après une permission d’un mois, il est dirigé en septembre 1945 à Bad-Salzig[3] en Allemagne. Gaston Quentin poursuit sa carrière militaire et devient officier[4].
[1] Journal officiel de la République française n° 5 du 5 janvier 1954.
[4]Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Quentin, Robert Léon, cultivateur puis militaire de carrière, n° de matricule du recrutement 63, né le 13 mai 1914 à La Romagne, fils de Louis Albert Quentin et de Marie Juliette Bosserelle. Après son engagement en 1932 et diverses affectations, il est nommé sergent au 105e régiment d’infanterie en juillet 1939.
Le 18 septembre 1939, il est affecté à la CHR[1] du dépôt d’infanterie 64. Il est muté le 1e janvier 1940 à une compagnie de passage[2]. Son contrat est maintenu tacitement. Muté à la CBI[3] le 24 mai 1940, il rejoint le DI 83[4] le 15 juin 1940 par ses propres moyens. Fait prisonnier[5] le 24 juin 1940, Robert Quentin est rapatrié le 15 juin 1945[6].
[5] Aucun renseignement n’est donné sur le lieu de son emprisonnement.
[6]Archives départementales des Ardennes, 1R 434 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
Roncin[1], Henri Albert, ouvrier agricole, classe de mobilisation 1928, n° de matricule de recrutement 1093, né le 17 juin 1908 à La Romagne, fils de Calixte Sulpice Roncin et de Valentine Angèle Depurrieux. Rappelé à l’activité le 24 août 1939 et affecté au 348e régiment d’infanterie.
Il est fait prisonnier le 28 juin 1940 à Fontenay-le-Comte (Vendée) et interné au Stalag VIII C Żagań[2] sous le n° de prisonnier 11136. Henri Roncin est rapatrié et démobilisé le 26 septembre 1942 par le comité départemental de Charleville.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1R 400 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement].
[2] Ville de Pologne connue aussi sous son nom allemand de Sagan.
Plusieurs hommes du rang nés à la Romagne ont donc été faits prisonniers de guerre en Allemagne dans les Stalags[1] du Troisième Reich. Si le sort des détenus des camps de concentration et d’extermination nazis est aujourd’hui mieux connu, celui des militaires emprisonnés en 1939-1945 reste encore un vaste champ d’étude. Il semble donc important d’expliciter ce que ces militaires romanais ont pu vivre…
[1] Abréviation de Kriegsgefangenen-Mannschafts-Stammlager (camp de base de prisonniers de guerre).
Entre mai et juin 1940, le soldat est le plus souvent envoyé, après sa capture, dans un Frontstalag[1]. C’est un lieu de rassemblement pour prisonniers de guerre de tous grades, doté d’une organisation très structurée, et avec un personnel important.
C’est en quelque sorte un espace de transit, avant l’acheminement vers les camps définitifs, disséminés sur tout le territoire allemand, et répartis entre les diverses circonscriptions militaires[2] du Reich : les hommes de troupe et les sous-officiers rejoignent des Stalags, et les officiers des Oflags[3].
[1] Ou Frontstammlager (camp de prisonniers dans les territoires français occupés).
Les conventions de Genève, timbre de la Croix-Rouge.
Les prisonniers subissent un long périple ferroviaire vers les camps qui leur sont assignés : entassés parfois à soixante dans des wagons de marchandises ou à bestiaux dépourvus de paille et surtout de sanitaires, ils doivent, à leur arrivée, parcourir à pied, encadrés par des gardes, le chemin séparant la gare de leur lieu de captivité.
Henry Dunant (1828-1910), fondateur de la Croix-Rouge.
Généralement, l’entrée du camp, symbolisée par une porte massive, est précédée d’une ou deux enceintes de barbelés avec, à intervalles réguliers, des miradors d’où des sentinelles surveillent les environs.
Gustave Moynier (1826-1910), fondateur de la Croix-Rouge.
Le camp, pouvant accueillir plusieurs milliers d’hommes, est constitué de nombreuses baraques en bois ou en brique construites de part et d’autre d’une allée centrale. Elles permettent de concentrer dans un même lieu des prisonniers de différentes nationalités.
A l’intérieur de chaque baraquement, l’éclairage est chiche, et les châlits[1] à deux ou trois étages. Ces rectangles étroits et spartiates sont recouverts d’une très mince paillasse, et d’une seule couverture. A cet inconfort matériel, s’ajoute la promiscuité. Dans ces conditions, le sommeil du prisonnier de guerre est rarement réparateur.
C’est dans le premier camp où il est affecté que le prisonnier reçoit son immatriculation. Les initiales KG (Kriegsgefangener, c’est-à-dire prisonnier de guerre) sont peintes en blanc sur sa vareuse et sa musette. A partir de ce moment-là, il devient un numéro au sens strict. Cette anonymisation est pour lui une épreuve de plus.
D’une part, il doit surmonter la situation dans laquelle il est tombée comme soldat face à un ennemi supérieur en nombre et en matériel, mais il doit affronter d’autre part la mentalité de son époque qui le considère comme un vaincu.
Il est totalement soumis à l’autorité de ses geôliers allemands : lors de son arrivée, il subit le contrôle de son identité, une fouille intégrale lui est imposée. Ses objets personnels (livres, photographies, etc.) sont momentanément confisqués. Il ne les récupère que quelques jours plus tard, dûment tamponnés.
Reims consacre un salon aux prisonniers le 31 mai 1944.
Il passe ensuite par l’étape de l’épouillage des vêtements et du corps. Les effets enlevés sont passés à l’étuve, avant d’être restitués à leur propriétaire. Pendant ce temps, le prisonnier est badigeonné d’insecticide. Malgré cela, tout au long de sa captivité, il est la proie de la vermine[1] et de la dysenterie.
[1] Insectes (poux, puces, punaises) parasites de l’homme et des animaux.
Pour nos prisonniers de guerre, timbre brun carminé en taille-douce.
La nourriture est plus que frugale et constamment insuffisante. Le repas consiste en quelques louches de soupe claire, un morceau de pain et un tout petit bout de viande. Très vite, le prisonnier est tenaillé par la faim : il ressent une véritable torture physique, même si le gros cul[1] anesthésie momentanément sa souffrance.
[1] Tabac de troupe inférieur au Scaferlati Caporal (le fameux cube de gris). Le terme s’applique tout d’abord à un gros bâtiment de la marine de guerre. Par métonymie, il désigne un marin puis, par extension, un homme de troupe, un soldat.
Conventions de Genève 22 août 1864, timbre premier jour de la Croix-Rouge française.
La faim, la misère, les souvenirs d’un passé plus heureux atteignent leur moral. La dureté de leur vie est parfois atténuée par l’arrivée de colis ou de lettres, qui sont les seuls liens avec leur famille et leur vie antérieure. Le courrier met entre une dizaine et une quarantaine de jours pour parvenir à son destinataire.
Les prisonniers n’ont le droit pour correspondre avec les leurs qu’à deux lettres et deux cartes postales par mois. Ils ont la possibilité de recevoir mensuellement deux colis familiaux d’un kilo chacun et de temps en temps un paquet de cinq kilos.
En outre, ils reçoivent des cartons de la Croix-Rouge contenant entre autres du corned-beef[1], surnommé « singe » de façon argotique.
[1] Dans les pays francophones et depuis la Seconde Guerre mondiale, le corned-beef est connu une préparation culinaire de viande de bœuf habituellement salée, mise en petits morceaux, vendue dans une boîte de conserve métallique.
Pour ce qui est du réconfort spirituel, certains prisonniers éprouvent le besoin d’assister aux offices, qui sont assurés régulièrement. Dès septembre 1940, en France, l’Aumônerie générale des prisonniers de guerre, fondée par le cardinal Emmanuel Suhard, archevêque de Paris, est reconnue.
A partir de décembre, elle envoie dans les camps de prisonniers des « valises-chapelles », qui contiennent ce qui est nécessaire à la célébration de la messe. C’est ainsi qu’est distribué aux captifs un missel intitulé Prières du prisonnier : quelques simples prières pour rencontrer le Seigneur.
Famille du prisonnier, timbre vert en taille-douce.
Au quotidien, l’organisation du travail est régie par la section III de la convention de Genève du 27 juillet 1929. Son article 27 précise : « Les sous-officiers prisonniers de guerre ne pourront être astreints qu’à des travaux de surveillance, à moins qu’ils ne fassent la demande expresse d’une occupation rémunératrice. »
Bien qu’ils soient comme eux enfermés dans les Stalags, les hommes du rang n’ont pas du tout le même traitement : la plupart du temps, ils sont contraints de travailler dans un Arbeitskommando[1] et donc de rejoindre des fermes, des usines, des carrières.
[1]Kommando concerne ici une unité de travail forcé.
Le réveil est fixé à cinq heures, les sentinelles allemandes s’adressent bruyamment aux prisonniers avec des « Raus ! Raus[1]! » ou des « Schnell ! Schnell[2] ! », les obligeant à se presser pour le rassemblement sur la place du Stalag. Matinal ou vespéral, il peut durer un long moment. Et ce, quelles que soient les conditions atmosphériques…
Avec Moi, René Tardi, prisonnier de guerre – Stalag II B, Jacques Tardi transpose en bande dessinée les carnets de son père, sur ses années de captivité en Allemagne (collection personnelle de l’auteure).
Les prisonniers de guerre sont ensuite dirigés sous escorte vers le lieu de leur travail. La durée du labeur peut alors atteindre treize heures. Il n’est pas exclu qu’ils soient retenus, si nécessaire, les dimanches et les jours fériés.
Pour nos prisonniers de guerre, timbre vert en taille-douce.
Lorsqu’ils sont libérés à partir d’avril 1945, ils sont en grande partie livrés à eux-mêmes et au bon vouloir des Américains ou des Russes. Ils partent sur des routes défoncées, à travers des paysages dévastés, avant que leur retour vers la France ne soit organisé.
Là, ils doivent retrouver leur travail ou réintégrer leurs unités après un mois de permission, se réadapter à leur vie d’avant et garder souvent le silence sur ce qu’ils ont subi en captivité. De nos jours, la détresse et le découragement de ces hommes se sont peu à peu effacés de la mémoire collective…
Les FFI (Forces françaises de l'intérieur) portaient de tels casques modifiés.
Le blog laromagne.info commémore l’appel du 18 juin 1940 et soutient la pétition du Souvenir français. Son objectif est d’entretenir : « Aucune tombe de ‘Mort pour la France’ ne doit disparaître des cimetières communaux, aucun monument, aucune stèle combattante ne doit être à l’abandon. »
Il est possible à ce jour de mieux connaître les actions des résistants natifs de La Romagne grâce à l’autorisation de communication par dérogation délivrée par monsieur Léo Davy, directeur des archives départementales des Ardennes, avec l’accord du service départemental de l’ONACVG[1], duquel émanent les documents traités[2].
[2] Cette suite favorable accordée à la demande respecte un engagement signé de ne « publier ou de communiquer aucune information susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par la loi, notamment la vie privée des personnes ».
Archives départementales des Ardennes, 1293 W 82 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W], tampon des FFI (Forces françaises de l’intérieur) du secteur de Signy-l’Abbaye, encre violette sur papier quadrillé.
Barré[1], André Eugène Aristide, né le 22 janvier 1925 à La Romagne, fils de Fernand Edmond Barré et de Marie Célina Renée Carbonneaux. Il est enrôlé quelque temps après son retour d’évacuation dans les réseaux de la Résistance par Charles Henri Champenois [2] (de Draize), chef de groupe du maquis de Signy-l’Abbaye, sous les ordres d’Henri Lallement (de Rumigny), et auquel appartiennent en particulier Miser[3], Marchand et Yvette Barré.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1797 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
[2] Il appartient aux formations clandestines de l’OCM (Organisation civile et militaire), dans la région C (qui couvre alors les Ardennes et sept autres départements de l’est de la France : Bas-Rhin, Haut-Rhin, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges). Cette zone concerne donc l’Alsace, la Lorraine, et la Champagne-Ardenne. Pour cette dernière, il est à noter que l’Aube fait exception, puisqu’elle est rattachée à la sous-région P3 de la région P.
[3] Le dossier consulté ne permet pas de déterminer s’il s’agit de Fernand ou de Jean.
Archives départementales des Ardennes, 1293 W 82 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W], liste des FFI (Forces françaises de l’intérieur) de Draize, groupe 4, avec une référence à Signy-l’Abbaye ajoutée au crayon à mine.
Au départ, le groupe qu’il rejoint doit trouver des armes, des munitions et des renseignements. Puis il est affecté au groupe de sabotage dirigé par Charles Tinois (de Signy-l’Abbaye) et opère avec lui en avril et mai 1944. Il est impliqué dans le sabotage de la ligne téléphonique du radar de Bégny, de la ligne ferroviaire d’Amagne – Lucquy, de fours à bois et de scieries fabriquant du bois de gazogène pour l’ennemi, dont celle de Wasigny.
Il participe, avec son groupe, aux combats de la libération à Lépron-les-Vallées, puis poursuit l’ennemi jusqu’à Charleville. André Barré est homologué FFC[1] et FFI[2] selon son dossier individuel de résistant[3]. Il reçoit la carte de combattant volontaire n° 98081 en date du 4 mai 1956.
[3]Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 34597 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].
Carbonneaux, Robert, né le 22 février 1920 à La Romagne, fils de Marceaux Carbonneaux et d’Angèle Ferrasse. Versé dans les chantiers de jeunesse comme requis civil à la 26e compagnie de jeunesse à Lacourt (Ariège).
Il rejoint les FFI à partir du 1er juin 1943 jusqu’au 6 septembre 1944, date à laquelle il s’engage pour la durée de la guerre à l’intendance militaire de Mézières au titre du train des équipages[1]. Robert Carbonneaux est homologué FFI[2].
[1] Archives départementales des Ardennes, 1R 468 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, mobilisation, recensement des classes]
[2]Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 105945 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].
En décembre 1942, à 19 ans, le jeune résistant parisien Lionel Dubray (1923-1944), né à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) rejoint les FTP (Francs-tireurs et partisans) groupe Alsace–Lorraine, timbre olive et bleu, en taille-douce, dessiné par André Spitz et gravé par René Cottet.
Didier[1], Raymond Adolphe, né le 8 août 1925 à La Romagne, fils d’André Paul Didier et de Pauline Leroy. Appelé au STO en janvier 1943, il entre en contact avec Charles Henri Champenois et rejoint le groupement de résistance de Signy-l’Abbaye. Il participe aux diverses opérations de celui-ci (sabotages, parachutage de Lépron-les-Vallées et combats pour la libération du chef-lieu du département). Il reçoit la carte de combattant volontaire de la Résistance n° 116533.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1797 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Timbre commémorant l’appel à la Résistance du 18 juin 1940.
Ravignon[1], Raymond, né le 13 septembre 1925, fils d’Aurèle Adrien Ravignon et de Marie Philomène Quentin. Il obtient la carte de de combattant volontaire n° 195133 le 7 avril 1986 sur la base des témoignages délivrés le 30 juin 1985 par Charles Tinois et Charles Henri Champenois.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1797 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Timbre de la poste spéciale des FFI (Forces françaises de l’intérieur), à l’effigie du général de Gaulle, surmontant l’inscription MLN (Mouvement de libération nationale), papier gommelé et dentelé imprimé à l’encre bleue.
Il entre dans la Résistance par l’intermédiaire de Fernand Miser en avril 1942, et intègre le groupe de sabotage de Wasigny. Il participe à la récupération d’armes, à la distribution de tracts antiallemands, au sabotage de la scierie allemande de Wasigny, à la destruction de la fosse à eau de Draize, aux sabotages ferroviaires. Il s’empare de la moto de deux soldats allemands.
Il apporte de l’aide aux requis au STO et aux réfractaires. Il est impliqué dans des attaques de convois ennemis entre Signy-l’Abbaye et Lépron-les-Vallées et participe à la libération de Charleville puis du plateau de Berthaucourt, où se sont retirés les Allemands. Raymond Ravignon a un certificat d’appartenance aux FFI du 1er janvier 1944 au 6 septembre 1944.
Carte du combattant de Dominique Joseph Albertini, domicilié à La Romagne (Ardennes), collection privée, avec l'aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami.
Ordre de mobilisation générale de la Seconde Guerre mondiale, daté du samedi 2 septembre 1939.
Dès les premiers jours suivant la mobilisation et la déclaration de guerre le 3 septembre 1939, diverses troupes françaises se trouvent cantonnées, soit à La Romagne, soit dans les villages environnants, comme au hameau Les Duizettes[1].
Campagne de mai et juin 1940 de la 3e brigade de spahis, carte en couleurs (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Thierry Moné, officier de l’arme blindée qui a commandé le 1e régiment de spahis de 1997 à 1999).
Les soldats sont chargés de surveiller l’arrivée de parachutistes et de bloquer l’accès des Hauts Sarts et de la Verrerie aux blindés. Fin octobre, les spahis de la 3e brigade[1] (formée à partir des 2e RSA[2] et RSM[3]) rejoignent Novion-Porcien et stationnent pour une partie d’entre eux à La Romagne.
[1] Moné, Thierry (colonel en retraite), Les Spahis de La Horgne : la 3e brigade de Spahis dans les combats de mai et juin, Valence : la Gandoura & CRCL [Calot rouge et croix de Lorraine], amicale des spahis du 1er Marocains, 2010, 205 p., pages 9 et 16 [exemplaire personnel n° 290 sur 400].
Un Romanais qui a vécu cette époque s’en souvient :
« Leurs uniformes rutilants et leurs chevaux barbes[1] font grande impression sur les habitants. » [1] Cheval de selle de race orientale.
Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.
Une anecdote l’a marqué particulièrement lorsqu’il était un tout jeune homme :
« Un beau matin, tout contre la porte de la cave d’Henri Mauroy, nous avons vu des spahis qui s’affairaient auprès d’un cheval mort. Ils ont commencé par le dépouiller puis ont étendu la peau sur des perches avant de débiter des morceaux de viande. C’était vraiment un spectacle insolite pour nous. »
Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.
Ces spahis quittent le village pour être d’abord cantonnés dans les forêts avoisinantes, avant d’être dirigés sur Monthermé, puis de prendre part le 15 mai 1940 aux combats de La Horgne.
Le village voit passer encore bien d’autres troupes, en particulier le 31e d’artillerie venant de Saint-Brieuc (Bretagne) [1]. Se succèdent encore le 9e génie, le 10e d’artillerie et enfin le 18e (qui s’y repose et peut soigner ses chevaux blessés)[2].
[1] Deux cents hommes stationnent à la ferme de la Bouloi avant de monter sur la Belgique.
[2] Témoignage oral de monsieur Louis Devie (Logny-lès-Chaumont).
Soldats français en cantonnement à La Romagne (Ardennes) pendant l’hiver 1939-1940.Georges Druart entouré de soldats français en cantonnement à La Romagne (Ardennes) pendant l’hiver 1939-1940.Soldats français en cantonnement à La Romagne (Ardennes) pendant l’hiver 1939-1940.L’hiver 1939-1940 à La Romagne (Ardennes), photographies anciennes en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Certaines de ces troupes construisent des baraquements en bordure de la gare de Draize – La Romagne, où l’un de ceux-ci sert de buvette et a pour enseigne « Au pou qui tète »[1], tandis qu’à proximité s’entasse de la ferraille de récupération. D’autres creusent une tranchée-abri sur la place.
[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.
Bien avant le début du conflit, en raison des nombreuses occupations subies par les Ardennes au cours des siècles précédents, la préfecture, forte d’exemples encore dans toutes les mémoires, prend des dispositions dès les années 1930 pour organiser le départ des populations du nord du département.
Des trajets sont tracés, pour que le déplacement éventuel puisse se passer dans les meilleures conditions possibles, en passant par le sud des Ardennes. Les villages de Draize et de La Romagne sont prévus pour accueillir provisoirement une partie de la population de Charleville, qui pourrait ensuite être acheminée vers des zones de repli.
En mai 1940, lors de l’offensive sur l’Aisne, le village, où se trouvent ce jour-là des évacués de la Meuse, est bombardé : une torpille aérienne (projectile de gros calibre) et des bombes causent certes de sérieux dégâts matériels, en particulier sur l’église. Elles concernent surtout des pertes humaines, civiles et militaires : Aimé Vuillemet (le garde champêtre qui annonce l’ordre d’évacuation) et Marthe Mauroy sont tués sur le coup. C’est aussi le cas d’un soldat français du nom de Laurent Stéphane Marie Marchand[1]. Deux autres périssent quant à eux aux abords de la Draize, où ils sont enterrés sur place avant de l’être dans le cimetière paroissial.
[1]Service historique de la Défense, site de Caen, AC 21 P 81257, [série AC = victimes des conflits contemporains, sous-série AC 21 P = MPDR (ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés) puis MACVG (ministère des Anciens combattants et victimes de guerre), dossiers individuels].
Le sort s’acharne, ce jour-là, sur la famille d’Aimé Vuillemet : son fils Paul est atteint par un éclat de bombe. Pour l’accueil des blessés, deux infirmeries sont établies dans le village, dont l’une au bord du chemin qui mène à la Cour Avril, et l’autre dans la maison de Marceau Carbonneaux[1].
Recto de la fiche de monsieur Gilbert Lebrun, né à Rethel (Ardennes), enfant pendant l’exode de mai 1940 (collection privée, avec l’aimable autorisation de son propriétaire).Verso de la fiche de monsieur Gilbert Lebrun, né à Rethel (Ardennes), enfant pendant l’exode de mai 1940 (collection privée, avec l’aimable autorisation de son propriétaire).Cette fiche d’identité destinée aux enfants a été utilisée pendant l’exode de mai 1940 (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Gilbert Lebrun).
Le 10 mai 1940, l’ordre d’évacuer les Ardennes est donné. Le lendemain, tous les habitants de La Romagne quittent le village le cœur gros, la mort dans l’âme de devoir abandonner leurs bêtes. Par exception, quelques-uns restent : monsieur et madame Ledouble, leur fils Jules et madame Pagnié, qui est assez âgée[1].
Alors que, de longue date, un plan d’enlèvement du bétail a été prévu par les autorités et pour chaque canton[2], il ne peut être appliqué en raison de la rapidité de l’avance des troupes allemandes. Les cultivateurs, bouleversés, doivent laisser leurs bêtes dans les prés.
[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.
[2]Archives départementales des Ardennes, 1M 119 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].
Après avoir bien inutilement fermé leurs maisons, les habitants partent en exode, les uns en automobile, les autres dans des charrettes tirées par les chevaux qui n’ont pas été réquisitionnés par l’armée. Dès le 2 septembre 1939, les principaux cultivateurs voient partir la plupart de ces animaux de trait. En 1941, il n’en reste plus que vingt-sept sur la petite soixantaine que comptait La Romagne juste avant les réquisitions. Les derniers Romanais partent à vélo ou à pied.
Château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée), photographie en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Gréau, président du CHEL (Cercle d’histoire et d’études locales).
L’ordre d’évacuation totale des Ardennes jette sur les routes tous les Ardennais ou presque dans un désordre indescriptible : aucun des plans arrêtés ne peut être mis à exécution, en raison de l’urgence. LesRomanais se replient vers les départements des Deux-Sèvres et de la Vendée. C’est ainsi que la famille Cugnart se retrouve au château de Châtenay à La Chataigneraie (Vendée)[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1M 127 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].
André Druart (personnage le plus à gauche) à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Eugène François Lesein rejoint Rosnay (Indre) en passant par Mareuil-sur-Lay-Dissais (Vendée). Numa Edmond Lesein atteint Saint-Sulpice-en-Pareds (Vendée), tandis que la famille Druart est à Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres). Dans cette commune, après des moments difficiles à vivre, une rencontre se concrétisera par un mariage.
Quelques habitants de La Romagne (Ardennes) réfugiés dans une école privée à Gourdon (Lot) en juillet 1940, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †). Sous toutes réserves, les personnes identifiées de gauche à droite et de bas en haut seraient les suivantes : au premier rang, Rosa Malherbe née Bompart (n°2), Euphrasie Bompart née Marandel (n°3), Marcel Malherbe (n°4), Lucie Malherbe (n°5), René Malherbe (n°6), Maurice Malherbe (n°7) ; au deuxième rang : André Legros (n°2), Lucie Legros née Malherbe (n°4), Madeleine Legros (n°6), Alfred Marandel (n°7), Pierre Malherbe (n°9), Pierre Marandel (n°10), René Didier(n°11), Lucie Laroche (n°12), Madame Didier (n°13).
D’autres habitants trouvent refuge dans des lieux divers, non envisagés au départ. Certains font une étape à Coulanges-sur-Yonne (Bourgogne), avant d’atteindre Gourdon (Lot), où ils retrouvent les familles Malherbe, Legros, Didier, Marandel, etc. Les familles Devie et Bonhomme sont logées près d’Issoudun (Indre), au moulin de la Bonde.
Le préfet des Ardennes, qui se trouve à Sainte-Hermine (Vendée), constate dans un de ses courriers que les conditions dans lesquelles s’est produite l’évacuation n’ont pas toujours permis de diriger la population repliée dans les communes initialement assignées[1]. La Romagne en est l’illustration parfaite.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1M 123 [série M = administration générale et économie depuis 1800, sous-série 1M = administration générale (fonds du cabinet du préfet)].
Portrait de Joseph Dominique Albertini en uniforme militaire, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami).
Quoique l’armistice soit signé le 17 juin 1940, de nombreux Romanais faits prisonniers ne rentrent qu’au bout de plusieurs années : c’est le cas par exemple d’Achille Cotte[1] ou de Dominique Albertini. Pour la plupart, ces soldats ne sont libérés qu’en 1945.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1145 W 10 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Recto de la carte de combattant de Dominique Albertini, domicillié à la Romagne (Ardennes).Verso de la carte de combattant de Dominique Albertini, domicillié à la Romagne (Ardennes).Carte du combattant de Dominique Joseph Albertini, domicilié à La Romagne (Ardennes), collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami.
Le retour se fait très difficilement, et de manière échelonnée : dès le 1er juillet 1940, une zone interdite située au nord de l’Aisne est établie dans le département, et englobe le village. Pour rentrer, des laissez-passer sont nécessaires. Ils sont accordés selon le bon vouloir des autorités allemandes, qui multiplient les tracasseries administratives.
Les agriculteurs se demandent ce que sont devenues leurs cultures et leurs bêtes en leur absence. Seuls quelques-uns d’entre eux (comme André Didier ou Adolphe Macquin) peuvent rentrer à cette date.
L’absence de la majorité des exploitants permet aux Allemands de s’emparer aussitôt de terres : Alcide Cugnart, Alexis Boudaud et Alfred Devie (mais ce ne sont pas les seuls[1]) se voient confisquer respectivement vingt-quatre, trente-cinq et quarante-deux hectares. En outre, l’occupant leur prend leur matériel (faucheuse, moissonneuse, brabants, tombereaux, herses et râteaux), sous le prétexte fallacieux d’abandon.
[1]Archives départementales des Ardennes, 11R 89 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 11R = services temporaires de la période de guerre 1939-1945].
Le retour définitif du plus grand nombre s’étale sur presque toute l’année 1941, avec un pic en mai. Et ce n’est qu’en novembre que s’effectue le retour du dernier, Aristide Carbonneaux-Fétrot.
Cotte, Achille (de retour d’un camp de prisonniers de guerre)
1er mai 1941
Bocquet-Huet, Ernest
1er juillet 1941
Marquigny, Joseph
3 juillet 1941
Devie, Paul (de retour d’un camp de prisonniers de guerre)
1er août 1941
Devie, Alfred
11 août 1941
Boudaud, Jean-Baptiste
24 septembre 1941
Chrétien, Gustave Henry
Non précisée
Marandel, Ernest
Non précisée
Cugnart, Alcide
1er novembre 1941
Legros, Auguste
9 novembre 1941
Carbonneaux-Fétrot, Aristide
Quelques exemples du retour des cultivateurs à La Romagne (Ardennes) après l’exode de mai 1940.
Le colonel Rudolf Reichert, commandant du régiment d’infanterie n° 67, se reconnaît à son monocle.Parmi les noms cités, le lieutenant-colonel [Oberstlieutenant]Jungblut (avec les lunettes de soleil sur la photographie), est mort à Chaumont-Porcien (Ardennes) le 18 juin 1940.Le corps d’officiers allemands du régiment d’infanterie n° 67 [Infanterie-Regiment n° 67], affecté à Chaumont-Porcien (Ardennes), a été fondé le 15 octobre 1935. Il est dirigé par le colonel [Oberst] Rudolf Reichert, commandant du régiment [Regimentskommandeur] du 1erfévrier 1940 au 1er février 1942, Musée Guerre et paix en Ardennes (Novion-Porcien, Ardennes), collection [Sammlung] Alfred et Roland Umhey, photographie ancienne en noir et blanc sans numéro d’inventaire.
Les Romanais dont le retour a lieu le plus tôt, c’est-à-dire en juillet 1940, retrouvent d’emblée La Romagne occupée par des troupes allemandes, dont une partie s’est installée dans l’école[1], et qui ne quitteront le village qu’en juin 1941.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 W 5 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
En revanche, ceux qui reviennent après janvier 1941 ont la fâcheuse surprise de découvrir qu’ils ne peuvent réintégrer leur exploitation qu’à condition de travailler comme salariés agricoles de l’Ostland[1].
Cette situation entraîne des frictions et des plaintes auprès du procureur de La République, notamment lorsque certains des derniers rentrés découvrent chez leurs voisins du matériel ou du bétail qui leur appartenait autrefois, et qui aurait été « confié » par les Allemands.
[1]Ostdeutsche Landbewirtschaftung-gesellschaft ou Société agricole d’Allemagne orientale, créée par le ministre de l’Alimentation et de l’agriculture du Reich allemand.
Emprise de la WOL (Wirtschaftsoberleitung) à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 12 R 144, [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 12R = archives des services allemands pendant la guerre de 1939-1945].
L’Ostland applique dans les Ardennes un programme de confiscation de terres, comme cela a été fait peu de temps auparavant en Pologne. Cette société est représentée par la WOL[1], à la tête de laquelle se trouve le directeur départemental, établi à Charleville. Un Kreislandwirt[2] est nommé par arrondissement. Un Bezirkslandwirt[3] contrôle chaque canton. Un Betriebsleiter[4] réside dans la commune qu’il supervise, ou vit à proximité immédiate.
[1]Wirtschaftsoberleitung (service de mise en culture).
Ce dernier est un civil allemand qui applique une nouvelle politique agricole : l’occupant trouve que la culture ardennaise comporte trop de prés et de bois. Les paysans, désormais sous la férule germanique, doivent travailler en commun toutes les terres pour les emblaver[1] le plus possible, sans tenir compte des possessions de chacun[2]. En témoigne l’enlèvement des bornes marquant les limites des propriétés (Il faudra les remettre en place une fois la guerre terminée).
[2]Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Cette prise de terres concerne quelque deux cent un hectares, rien que pour La Romagne (dont cinquante de cultures et cent cinquante et un de pâtures). Pour lui donner un aspect de légalité, les Allemands la notifient au préfet, qui doit à son tour en informer le propriétaire et le maire du village.
Ensuite, ce sont les bâtiments pour abriter les récoltes qui sont réquisitionnés (la grange de La Romagne n’est rendue à son usage premier que le samedi 31 mars 1945). Des maisons sont saisies pour servir de logement à des ouvriers travaillant pour le compte de la WOL de Draize (c’est le cas de bâtiments appartenant à Joseph Marquigny[1]).
[1]Archives départementales des Ardennes, 11R 409 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 11R = services temporaires de la période de guerre 1939-1945].
Au moment de l’invasion allemande, la Romagne compte trente-deux exploitations, dont vingt ont moins de vingt hectares. Parmi les douze restantes, seules deux ont une superficie comprise entre cinquante et cent ha[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 56 W 37 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
La reprise est difficile pour la campagne 1940/1941, car peu de sols peuvent être ensemencés (environ vingt-deux ha), et ce n’est qu’en 1942 que les terres sont à nouveau cultivées. Les exploitants se heurtent alors à de nouvelles obligations, puisqu’ils sont contraints de déclarer leurs récoltes et de les livrer à des organismes stockeurs. S’ils n’ont pas le matériel nécessaire, ils doivent faire appel obligatoirement à l’entrepreneur de battage désigné par l’occupant.
Aussitôt les habitants partis, des vols de bétail se produisent, des troupeaux d’armée sont formés. Le bétail errant devient propriété de la WOL, qui le confie à certains agriculteurs du village. Ce n’est qu’après bien des palabres, des démarches et des menaces que deux cultivateurs (Messieurs Cugnart et Lesein) parviennent à récupérer chacun… une bête[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1050 W 57 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Cette situation contraste fortement avec ce qui se passe du côté allemand, selon un Romanais qui a connu cette période :
« Une quarantaine de vaches confisquées par la WOL se trouvaient à la ferme de la Bouloi et étaient traites par des femmes d’origine polonaise. »
Témoignage oral de monsieur Louis Devie (Logny-lès-Chaumont), dont les parents étaient les propriétaires de cette ferme.
Lorsque la vie agricole reprend à La Romagne en 1941, il ne reste plus que cent un bovins. Les quelques attributions de bétail qui sont accordées sont fort modestes : à plusieurs reprises, une commission cantonale ne concède qu’une ou deux bêtes. Malgré toutes les difficultés endurées, il y en aura deux cent douze à la fin de l’année 1943.
À la suite de la disparition de la WOL, les attributions de bétail sont alors plus importantes. Il ne faut cependant pas croire que le cultivateur dispose comme il l’entend de sa production laitière. Il doit se conformer en cela (et comme pour le reste) aux décisions allemandes.
La Romagne doit fournir trente kilos de beurre par semaine, et la commune de Givron est contrainte d’en procurer cinq. Le responsable de la Kommandantur de la Romagne exige du maire de Montmeillant que tout le beurre fabriqué dans sa commune lui soit livré, sinon il sera arrêté une nouvelle fois.
La production ne peut aller qu’aux Allemands, qui achètent ce beurre 28 francs le kilo. Ces quantités de beurre représentent mille quatre cents à mille cinq cents litres[1] de lait. Pour se rendre compte de l’exigence, il faut savoir qu’une vache laitière en produit environ mille quatre cent soixante litres par an.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Comme les troupeaux n’ont plus rien à voir avec ceux d’avant-guerre, les laiteries ne peuvent pas s’approvisionner normalement. Ces contraintes provoquent en particulier les doléances des établissements Hutin Frères[1], qui font le ramassage dans tout le secteur depuis longtemps, et qui sont désormais obligés de « faire un long trajet sans obtenir un seul litre de lait, en raison des contraintes de la Kommandantur ».
[1] Laiterie de La Neuville-lès-Wasigny (Ardennes).
D’autre part, les habitants font face à des difficultés de ravitaillement, tant alimentaire que vestimentaire. Les tickets de rationnement font leur apparition et parfois la chasse nocturne aux grenouilles menée par des jeunes gens du village améliore l’ordinaire des quelques habitants qui en bénéficient[1]. Les occupants manifestant un profond dégoût pour ces animaux, ils ne risquent pas de les confisquer à leur profit !
[1] Témoignage écrit de monsieur Pierre Malherbe †.
Adaptation au gazogène du camion de la cidrerie Malherbe à La Romagne (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Pour ce qui est des vêtements, le canton de Chaumont dispose pour l’ensemble des communes qui en font partie d’un certain nombre de points, qui doivent être répartis en fonction du nombre d’habitants de chaque village. Un cahier des attributions est tenu.
C’est ainsi que l’on sait qu’il faut douze points pour acquérir un blouson, et vingt-cinq pour un pantalon de travail. Quant au carburant, il est parcimonieusement attribué, obligeant chacun à modérer son utilisation des moyens de transport.
Rares sont les habitants (pour ne pas dire aucun), qui retrouvent leur maison intacte. La cidrerie, installée dans le village depuis les années vingt, est pillée : l’armée de l’occupant se serait livrée à diverses rapines, dont celui de vins et spiritueux[1].
Ce ne sont certainement pas les seuls responsables : entre le 11 mai (jour du départ des habitants) et la prise du village par les Allemands le 14 mai, des troupes françaises et des réfugiés belges ont traversé la commune et y ont aussi probablement participé.
[1]Archives départementales des Ardennes, 13R 1661 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 13R = dommages de guerre 1939-1945].
Périodiquement, le maire reçoit de la part des autorités allemandes des demandes de cantonnement. Il essaie d’y répondre le plus possible par la négative, arguant de l’état du village, avec ses maisons inhabitables et le pillage déjà subi[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 W 35 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Les habitants entendent passer régulièrement des bombardiers allemands qui se dirigent vers l’Angleterre.
« Parfois, les avions ennemis perdent en cours de route des réservoirs, ce qui est attesté par ceux retrouvés aux Houis ou dans le bois d’Angeniville. D’autre part, les Allemands ont installé des radars à Doumely, mais aussi entre Marlemont et Signy-l’Abbaye, et un mirador sur la route des Fondys. »
Témoignage oral de monsieur René Lelong †.
Fernand Mennessier récupérant des débris d’avion du côté de Fraillicourt (Ardennes), photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Puis c’est le tour de bombardiers anglais, partant ou revenant de leur mission sur le territoire allemand. Comme ceux-ci, pourchassés par l’aviation ennemie, s’écrasent parfois dans des communes voisines (comme à Novion-Porcien, Fraillicourt ou Rocquigny), ce spectacle ajoute à l’horreur vécue par les populations.
Quartier résidentiel, avec une coccinelle (Volkswagen) garée dans la rue.Camp de travailleurs des usines Volkswagen.Les usines Volkswagen fournissaient aux travailleurs français des cartes postales pour leur permettre de correspondre avec leurs familles (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
La présence allemande est encore plus pesante lorsque la loi sur le STO[1] est promulguée. Elle concerne des jeunes gens de la commune ou y ayant des attaches, nés entre 1919 et 1923. Une vingtaine d’hommes sont concernés pour ces quatre années, dont Raymond Mauroy, Pierre Malherbe et Robert Laroche.
Couverture de la brochure, non paginée, sans mention d’édition, Travailler en Allemagne, c’est gagner sa vie dans de bonnes conditions, Archives départementales des Ardennes, 1 W 151-3 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
A partir de 1942, l’Allemagne a besoin de travailleurs, car nombre de ses ouvriers ont été mobilisés sur le front russe. Le recrutement d’ouvriers français volontaires est fondé sur la relève, instaurée dès le mois de juin. Un prisonnier est libéré contre trois ouvriers s’engageant à travailler en Allemagne.
Très rapidement, la donne change et c’est une libération accordée pour sept travailleurs qui s’engagent. Une importante propagande vantant les conditions de travail, de salaire, etc. accompagne la politique de collaboration du régime de Vichy.
Au-delà des avantages sociaux, l’Allemagne nazie vante aux travailleurs français les loisirs mis en place dans ses usines.
La relève, prévue par le gouvernement de Vichy en 1942 pour servir les besoins de l’armée, est remplacée en février 1943 par le Service du Travail obligatoire.L’ouvrier français est invité à s’adresser à une Kommandantur, structure de commandement de l’armée allemande.Les visuels et les slogans jouent sur l’apport supposé du savoir-faire français à l’Allemagne.Ces affiches de propagande françaises ciblent les ouvriers.
En réalité, peu d’hommes se laissent ainsi séduire. C’est pourquoi l’Etat français fait parvenir des notes d’orientation hebdomadaire aux préfets pour rappeler que l’effort de propagande pour la relève ne doit pas se ralentir. L’argument est qu’en partant les ouvriers serviraient la cause de la France[1], ou que les prisonniers seraient d’autant plus nombreux à rentrer que le rythme de départ d’ouvriers serait plus important[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 W 150, note d’orientation hebdomadaire n° 12 en date du 16 octobre 1942 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
[2]Archives départementales des Ardennes, 1 W 150, note d’orientation hebdomadaire n° 15 en date du 6 novembre 1942 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
La pression des autorités sous l’Occupation se fait sentir de plus en plus : en 1942, elle exige l’envoi de trois cent cinquante manœuvres non spécialisés. En 1943, il y a environ deux mille départs pour tout le département, qui compte deux cent vingt-six mille habitants[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 W 150 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Chaque travailleur se rendant en Allemagne doit être en possession d’un passeport valable. Cette demande est souscrite avec la plus grande sincérité et exactitude dès son arrivée.
Dans une lettre de la préfecture de police de Paris au préfet des Ardennes à Mézières en date du 2 février 1943, on apprend que Raymond Mauroy se trouve en Allemagne depuis le 30 novembre 1942 et qu’il a fait une demande de passeport le 17 janvier 1943 lors de son arrivée[1] à Solingen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Il sera de même pour Pierre Malherbe et Robert Laroche.
[1]Archives départementales des Ardennes, 112 W 11 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
En vertu d’un arrêté ministériel du 25 novembre 1942 et d’un arrêté préfectoral du 10 décembre 1942, chaque commune est obligée d’effectuer un recensement général des travailleurs disponibles : ce dernier concerne tous les hommes de dix-huit à cinquante ans. Ils sont ensuite répartis en différentes catégories (âge, situation familiale, etc.).
Il apparaît qu’un certain nombre de villages ardennais ne sont pas pressés de répondre à cette demande : c’est le cas de La Romagne, Givron, Rocquigny, Sery, Le Fréty, etc. Ils sont rappelés à l’ordre.
A partir de cette époque, ce recrutement a un caractère quasi obligatoire, et les réfractaires sont poursuivis beaucoup plus activement. Cette recherche, opérée par la gendarmerie, n’est pas sans créer des tensions entre la maréchaussée et la population. Elle entraîne aussi des scrupules chez les gendarmes, si bien que quelques-uns d’entre eux ne manifestent pas pour ce genre de mission une ardeur à toute épreuve.
Ils laissent parfois échapper une information sur la date et le but de leur tournée : les concernés peuvent ainsi trouver refuge dans l’environnement forestier du village. Pour se soustraire à ce recrutement, André Barré rejoint le maquis de Signy-l’Abbaye et le groupe de Draize, sous la direction de Fernand Miser.
Cet insigne des troupes de forteresse (secteur fortifié des Ardennes) est un symbole de résistance.
Carte de travail et certificat de libération[Arbeitskarte – Befreiungsschein], travail auxiliaire [Hilfsarbeit] dans l’usine de Volkswagen [Volkswagenwerk], ville de la Coccinelle [Stadt des KdF.-Wagens], arrondissement de Gifhorn [Krs. Gifhorn], collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Dans des rapports en provenance de la brigade de Chaumont-Porcien datant de mars et juin 1943, le brigadier évoque que le regard de la population change à leur égard, dans la mesure où la gendarmerie est intervenue non seulement lors de réquisitions pour l’Allemagne, mais aussi en raison du STO.
Dans son compte rendu de septembre, il insiste sur la répugnance éprouvée par les militaires par rapport aux ordres concernant le STO, soulignant qu’ils n’agissent que par contrainte et discipline, ce qui les met en porte-à faux vis-à-vis de la population.
Dans un autre document, il souligne que, de mars 1943 à mai 1944, quatre-vingt-huit recherches de réfractaires au STO sont restées infructueuses dans le canton. Par là, il laisse flotter l’idée que, sans rien dire, les gendarmes n’auraient pas apporté tout le zèle requis, afin d’être en accord avec leur conscience[1] .
[1]Service historique de la Défense, département de la Gendarmerie, site de Vincennes, 8E 226, registre de correspondance confidentielle au départ (R/4) du 16 septembre 1942 au 14 décembre 1946 [série E = compagnies puis groupements de gendarmerie départementale, sous-série 8E = compagnie de gendarmerie départementale des Ardennes (1917-1946), article 8E 226 = brigade territoriale de Chaumont-Porcien, 1942-1946].
Vadon, Jacques, Secteurs et maquis de la Résistance ardennaise, Archives départementales des Ardennes, 1 Fi 132 [série Fi = documents figurés, cartes, plans, gravures, cartes postales, photographies, dessins, sous-série 1Fi = documents de dimensions 24 * 30 cm et au-dessus].
Le maquis de Signy-l’Abbaye se livre à des actions ciblées vers les moyens de communications pour déstabiliser l’ennemi. En réaction, ce dernier fait surveiller les chemins de fer, en particulier ceux de la ligne Hirson – Charleville, mais en vain : les partisans continuent leurs opérations. De ce fait, des restrictions de la liberté de circuler pour les habitants du secteur sont appliquées. Le couvre-feu est ramené à 20 heures au lieu de 22 heures.
Médaille du cinquantenaire de la Libération 1944-1994 (avers).Médaille du cinquantenaire de la Libération 1944-1994 (revers).La devise rend hommage à la pugnacité et à la ténacité des résistants ardennais.
La Résistance fournit également son aide lors de parachutages (un terrain est créé à Chaumont-Porcien) ou assiste des clandestins qui souhaitent rejoindre les maquisards[1]. De juin à août 1944, son action s’intensifie, tandis que des destructions de matériel ont lieu contre des biens utilisés au profit des Allemands, comme à Saint-Jean-aux-Bois ou à Wasigny[2]. Les voies ferrées sont sabotées afin de retarder l’armée allemande dans son action.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, FOL-D1 MON-36, Giuliano, Gérard ; Lambert, Jacques, Les Ardennais dans la tourmente : l’Occupation et la Libération, Charleville-Mézières : Terres ardennaises, 1994, 453 p., page 159 [Contient un choix de documents et de témoignages.]
[2]Archives départementales des Ardennes, 1050 W 116 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Dès le début de l’année, après avoir étudié le plan vert[1], André Point dit « commandant Fournier » [2] propose des déraillements sur certaines lignes, ce qui en rendrait l’exécution beaucoup plus facile.
Les coupures prévues sur la ligne de Liart – Amagne auraient lieu entre Montmeillant et Draize – La Romagne puis entre Novion-Porcien et Amagne[3]. Ces suggestions sont acceptées malgré l’arrestation d’un responsable de la SNCF et d’une équipe plan vert[4].
Elles permettent de répondre aux instructions données par la Résistance de se préparer à une insurrection nationale, en perturbant les transports et en lançant des actions contre les troupes de l’Occupation.
[1] Qui a pour but de neutraliser les voies ferrées.
[2] Chef de la Résistance ardennaise, membre de l’OCM (Organisation civile et militaire).
[3]Archives départementales des Ardennes, 1393 W 9 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
[4]Archives départementales des Ardennes, 1293 W 17 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Croquis de l’engin explosif trouvé près de la gare de Draize – La Romagne (Ardennes), Archives départementales des Ardennes, 1050 W 144 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Le 10 juin vers 18 heures, une explosion se produit à deux kilomètres de la gare de Draize – La Romagne, à un endroit où la voie longe la forêt de Signy-l’Abbaye, alors que le train circule au ralenti. Le rail intérieur est déchiqueté et arraché sur une longueur de trois mètres environ, en même temps qu’une traverse. Aussitôt, une patrouille allemande de la Feldgendarmerie[1] fouille les alentours sans rien découvrir, sauf un débris dans le ballast qui semble provenir d’un petit engin explosif.
Après une immobilisation de quelques heures, le convoi repart vers 21 heures[1]. Le lendemain, c’est une locomotive et cinq wagons qui sont détruits, nécessitant une vingtaine d’heures pour le déblai et les réparations. Le même jour, une autre locomotive et quatre wagons d’un train de matériel déraillent.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Le 19 juin vers 23 heures, un train de troupes déraille, obstruant les voies pour une dizaine d’heures. Quelques jours plus tard, c’est un nouveau train de marchandises qui déraille près de Montmeillant. Après le départ des soldats ennemis, un avion allemand aurait mitraillé la gare de Draize – La Romagne[1].
Dans la nuit du 21 au 22 juillet, le réseau télégraphique et téléphonique permettant les communications entre les gares de Wasigny et Draize – La Romagne est mis hors service : cinq poteaux ont été abattus[1].
Trois jours après, à la nuit tombée, une explosion en gare de Draize – La Romagne détruit la station d’alimentation en eau, la machine fixe est hors d’usage.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Télégramme du 28 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Le 28 août vers 20h30 (selon le rapport de la gendarmerie) trois explosions ont lieu à proximité, endommageant un appareil d’aiguillage, provoquant ainsi une interruption de trafic de 24 heures qui fait suite à une action permettant de couper la voie 1 en gare de Draize – La Romagne.
Télégramme du 29 août 1944 par le chef de gare de Wasigny, Archives départementales des Ardennes, 1050 W 114 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
André Barré (jeune homme portant des lunettes) et ses compagnons de la Résistance, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Angélique Barré).
Ces diverses actions sont menées par le réseau de résistance de Liart – Signy-l’Abbaye et la section de Draize, mouvements ralliés à différents moments par des jeunes gens de la Romagne[1] : André Barré (homologué FFC[2] et FFI[3])[4], Robert Carbonneaux (homologué FFI)[5], Raymond Ravignon et Raymond Didier en août 1944.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1293 W 58 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
[4]Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 34597 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].
[5]Service historique de la Défense, site de Vincennes, GR 16P 105945 [série GR = guerre et armée de Terre, sous-série GR P = Deuxième Guerre mondiale (1940-1946), inventaires GR 16 P = dossiers individuels de résistants].
Colonne de chars américains le 31 août 1944 sur le chemin de Renneville, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Gilbert Lebrun).
Fin août, les Américains sont à Liart. Au cours des diverses opérations qui ont lieu lors de la libération du territoire, des soldats allemands sont pris et faits prisonniers à leur tour. C’est un retournement de situation, puisque des habitants du village ont eux-mêmes été capturés lors de la débâcle et libérés, selon leur statut, entre mars 1941 et mai 1945[1].
[1] Cette dernière date s’applique en général aux militaires de carrière.
Portrait photographique en noir et blanc de Karl Kleiser, prisonnier allemand à La Romagne (Ardennes).Karl Kleiser, prisonnier allemand à La Romagne (Ardennes), évoque sa « captivité heureuse ».Karl Kleiser, prisonnier allemand ayant travaillé comme cidrier à La Romagne (Ardennes) pendant la Seconde Guerre mondiale, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Quelques–uns de ces prisonniers vivent à La Romagne, soit chez des cultivateurs, soit à la cidrerie où travaillent un ancien pilote de la Luftwaffe et Karl Kleiser (n° de prisonnier 452157).
Fiche de Karl Kleiser, prisonnier à La Romagne, Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Ce dernier, né le 12 novembre 1926 à Vohrenbach (Land du Bade-Wurtemberg), reçoit son certificat de libération le 5 août 1947 et devient un travailleur libre[1].
Il reste ensuite quelque temps à La Romagne, avant de regagner son pays. Il garde contact avec les personnes chez lesquelles il a été placé, préfigurant la réconciliation franco-allemande qui voit le jour dans les années soixante.
[1]Archives départementales des Ardennes, 44 W 13 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
La Romagne n’en a pas fini avec la guerre et, même si celle-ci n’est plus sur son territoire, elle est présente avec le départ pour l’Indochine ou l’Algérie de quelques Romanais[1].
[1] Cette partie de l’histoire du village ne peut pas être abordée dans l’état actuel des recherches, en raison de la loi du 15 juillet 2008 sur la publication des archives.
Pour la vie paroissiale, le curé est en étroite relation avec le maire, les échevins, mais aussi avec la fabrique. Ce terme désigne à l’origine la construction d’une église. Le sens évolue vers le temporel d’une paroisse, c’est-à-dire ses biens et ses revenus, puis l’assemblée chargée de les gérer.
Cette dernière se compose de laïcs, appelés marguilliers ou fabriciens selon leur statut. Ils sont désignés ou élus pour un an par les paroissiens, au moment de Noël. Ils doivent normalement savoir lire et écrire. Ils sont souvent choisis parmi les laboureurs aisés.
A La Romagne, il peut y avoir deux marguilliers : le premier est en charge des affaires, tandis que le second (appelé marguillier des trépassés) s’initie aux affaires de la paroisse, avant de les gérer pleinement l’année suivante. Le choix d’un habitant pour remplir cette fonction est « une preuve que la personne est en estime de probité[1] ».
Les deux laïcs doivent assurer la responsabilité de la collecte et l’administration des fonds et revenus nécessaires à l’entretien, aux réparations de l’édifice et au mobilier de la paroisse : argenterie, luminaires, ornements.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin en date de MDCLXXXIII.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9747647, page non paginée, vue 1/16, consultable en ligne sur Gallica, Lettres patentes pour contraindre les marguilliers et paroissiens de rendre conte des dons et revenus de leur église, par devant MM. les évesques, archidiacres et officiaux, ou leurs commis et vicaires. Avec l’extraict des registres du Grand Conseil du Roy, Paris : A. Estiene, 1620, in-8°, 14 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-46939 (10).
Le tout premier marguillier dont on trouve la trace au début du XVIIe siècle est Jean Robin, qui est « constre», c’est-à-dire chargé de rendre les comptes. En 1699, Judin Rifflet exerce à son tour cette charge durant quelques mois[1].
En 1740, c’est Jean Courtois le marguillier de l’église, tandis que le syndic est Louis Lebrun[2] . Ce dernier office est le plus souvent commun à la commune et à l’Eglise, car les gestions civile et religieuse sont étroitement liées.
[2]Archives départementales des Ardennes, 7 J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection du docteur Octave Guelliot, érudit local, cote 7J 43 = ex-libris ardennais].
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 893.13.1, anonyme (école française de sculpture), Armes de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, calcaire polychrome et doré, XVIIe siècle, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims. L’ecclésiastique a écrit des Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin.
En 1745, en dehors de celles du visiteur et du curé, on trouve parmi les signatures apposées lors de la visite de la paroisse les noms de P. Gagneux, Jean Canon, N. Rifflet, Jean Coutié et François Boudsocq. Puis, en 1783, dans les mêmes circonstances, celles de Pierre Richard Legros (ancien marguillier), François Boudsocq et Davaux. Ces noms sont certainement ceux des membres du bureau de la fabrique[1].
La location de terrains fournit d’autres recettes. Si le montant des baux n’est pas versé, la fabrique peut introduire un recours contre le mauvais payeur.
Un exemple en est fourni par Jean Hamelin, laboureur, condamné par une sentence du 1er août 1682, rendue en la cour sénéchalière de Reims, pour « n’avoir pas pu ou pas voulu payer 21 livres » représentant le montant de la location de prés à la fabrique de Montmeillant.
La fabrique tire également des revenus occasionnels de la vente de pommes, mais de plus importants de la vente des bancs de chœur[1] : en 1721, le Prieur Carré et André Sacré, marguillier en service, procèdent à l’adjudication des bancs libres pour un coût variant de « 7 livres pour le premier banc de la droite ou de la gauche à 20 sols[2] la place pour les autres bancs ».
Cette différence de prix permet de mieux comprendre la hiérarchie économique du village, sachant que les places les plus près de l’autel sont les plus chères. D’autre part, il est à remarquer que, quelle que soit la place de la famille dans le village, il n’est à aucun moment question des femmes.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 2 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, 1713-1721, actes de baptême, mariage, sépulture], publication de la vente de bancs de chœur, vue 33/34, consultable en ligne.
Double Louis d’or au bandeau, 1745, Bayonne (avers ou droit).
Les revenus de la fabrique sont administrés par le marguillier. Celui-ci se charge de la recette et détermine la dépense ordinaire, après avoir demandé le consentement du curé et des principaux habitants qui composent le bureau. Il doit présenter chaque année les comptes, après avoir veillé à faire rentrer les diverses sommes d’argent.
Or, malgré les ordonnances royales qui stipulent qu’on enjoint aux marguilliers, fabriciens de présenter les comptes des revenus et de la dépense chaque année, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, en 1745, lors de la visite du vicaire général Zénard Viegen, les comptes de 1743 sont censés être les derniers effectués.
Double Louis d’or au bandeau, 1745, Bayonne (revers).
Avers (ou droit) représentant la tête à gauche de Louis XV (dit « le Bien-Aimé ») ceinte d’un bandeau.Revers arborant des écus ovales inclinés de France et de Navarre sous une couronne.Double Louis d’or au bandeau, 1758, Strasbourg.
De même, lors de la succession de Louis Letellier établie par maître Watelier (notaire à Wasigny)[1], ce dernier doit la somme de 28 livres 6 sols et 9 deniers au titre de 1758 (année durant laquelle il a été marguillier).
Cette somme est comptée comme dettes passives dans l’acte notarié qui est dressé après son décès. Dans ce rapport, il est question de « revenus en souffrance ». Quelque trente ans plus tard, le problème est le même : en 1774, 600 livres et quelques sols sont dus à la fabrique, alors que « le revenu annuel de celle-ci est d’environ 200 livres[2] ».
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E35 499 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E35/1-613 = archives notariales de Wasigny].
Double louis d’or au buste habillé, 1783, Bordeaux (avers ou droit).
Le curé note que « l’on ne fait pas les diligences nécessaires pour faire payer les personnes qui sont redevables à la fabrique », que certaines dettes « remontent à plus de 10 ans », que « certains sont aujourd’hui insolvables » et que les marguilliers en charge « ne veulent pas agir ».
A la suite de ces remarques, le curé écrit en conséquent au procureur fiscal de La Romagne. L’intervention se révèle efficace car, en 1783, il n’est plus question de dettes à l’égard de la fabrique et « les comptes sont rendus exactement ».
Louis d’or aux palmes, 1774, Paris (avers ou droit).
Avec son revenu, la fabrique peut payer en 1774 les trente-sept messes hautes avec vigiles, les messes basses, le pain, le vin, le luminaire, la blanchisseuse, l’entretien de la sacristie, du maître autel, et de « tout ce qui est nécessaire ».
Louis d’or aux palmes, 1774, Paris (revers).
Double louis d’or au buste habillé, 1783, Bordeaux (revers).
Il n’y a pas de date précise pour former un bureau. Il se réunit en fonction des besoins. Or, en 1783, il n’y en a toujours pas d’établi « dans les formes, point de registres ni de papiers titres » mais un « registre des adjudications et reconnaissance des places ».
Ce coffre de fabrique (dit des marguilliers) date du XVe siècle. Il se situe dans la sacristie de l’église paroissiale Saint-Viâtre (Loir-et-Cher). Sa notice descriptive PM41000467 est référencée par la base du patrimoine mobilier (Palissy), consultable en ligne sur la plateforme ouverte POP.
Quelle que soit l’époque, la personne choisie a parfois du mal, pour diverses raisons, à gérer l’administration de la fabrique. Les quelques documents écrits sont enfermés dans un coffre à trois clés. Celles-ci sont attribuées au curé, au marguillier et au principal paroissien. La consultation des papiers paraît assez difficile dans ces conditions.
A la fin du XVIIIe siècle, la fabrique semble enfin correctement administrée financièrement, d’autant que la location des terres aux principaux habitants du village (Jean-Baptiste Mauroy, Pierre Langlet, Jean Arbonville, Pierre Simon, Nicolas Cercelet, Jean Lépinois, Hubert Laroche, etc.) assure un revenu régulier.
Avec la Révolution, elle plonge dans la tourmente, comme toutes les fabriques des autres paroisses. Le décret du 2 novembre 1789 met à la disposition de la Nation les biens ecclésiastiques, mais indique ne pas toucher à ceux des fabriques. Le décret de brumaire an III déclare en revanche propriété nationale tout actif de ces dernières, même ce qui est affecté à l’acquit[1] des fondations.
La vente des terres, prés et jardins des biens de la fabrique de La Romagne (Ardennes) trouve de nombreux acquéreurs à Rethel (Ardennes).
Le 17 fructidor an II, Montain Louis Macquart (juge de paix du canton de Rocquigny et commissaire nommé) inventorie les vêtements sacerdotaux et l’argenterie. L’inventaire estimatif des biens de la fabrique de La Romagne[1] ne concerne que les biens religieux, mais permet de mieux connaître la richesse de l’Eglise quant à la célébration du culte.
Il suit de quelques mois l’inventaire, puis la vente des terres, prés et jardins appartenant à la ci-devant fabrique[2] (19 avril 1793 et 15 août de la même année), dont les principaux acquéreurs ne sont pas les habitants du village ou des environs, mais de riches bourgeois de Rethel.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 503 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 469-832 = administration du séquestre des biens nationaux, cotes Q 483-511 = dossiers des fabriques (par ordre alphabétique des communes), 1790-1808].
[2]Archives départementales des Ardennes, Q 276 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 272-282 = vente de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV]. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, Q 145 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 127-147 = ventes de biens nationaux, fonds concernant les affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].
Le dernier inventaire est dressé le 23 germinal an II[1] par Montain Louis Macquart, Hugues Crépeaux et Pierre Perrin (menuisier), le premier demeurant à Saint-Jean-aux-Bois et le second à Montmeillant. Une fois l’acte rédigé et la déclaration des présidents et officiers municipaux jurant qu’il ne reste plus aucun bien immeuble appartenant à la fabrique, il apparaît que la valeur totale de l’estimation des biens de l’église s’élève à 1760 livres 15 sols.
C’est à cette occasion que la distinction est faite concernant la propriété du bâtiment puisqu’il est affirmé que les habitants considèrent leur église comme appartenant à leur commune et non comme bien de fabrique[2].
Comme la vente ne peut se faire immédiatement, les meubles et effets sont laissés dans l’église et sacristie sous la surveillance de ladite municipalité. L’acte porte la signature des responsables de celle-ci, tels Langlet (président), Boudié (officier municipal), Pierre Douce, J. Pausé et Macquart. La vente mobilière des biens de la fabrique[1] a lieu le 24 vendémiaire an III[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 503 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 469-832 = administration du séquestre des biens nationaux, cotes Q 483-511 = dossiers des fabriques (par ordre alphabétique des communes), 1790-1808].
Elle est menée par Montain Louis Macquart. Jean-Baptiste Deligny (notaire demeurant à Rocquigny) est aussi nommé audit effet pour la délibération susdite. Elle se fait en présence de Langlois[1] (maire), Boudier et Le Thellier[2] (officiers municipaux), après avoir été annoncée par affiches et par le son de la caisse (ou tambour).
Ces derniers procèdent à la dispersion des « boisseries, bancs, buffets et autres ustenciles restant du mobillier de la ci-devant fabrique du dit lieu de La Romagne ». Les biens sont répartis parmi les habitants de la paroisse ou des villages voisins.
Tout est acquis au comptant, ce qui est assez curieux : la loi n’exigeait qu’un premier paiement de 12%, et permettait de se libérer du reste en douze annuités.
Ce banc des marguilliers date de 1755. Il se trouve dans l’église Saint-Ayoul à Provins (Seine-et-Marne). Sa notice descriptive PM77001403 est référencée par la base du patrimoine mobilier (Palissy), consultable en ligne sur la plateforme ouverte POP.
L’église est totalement vidée de son mobilier. Quelque vingt-huit bancs, dont certains ont un dossier, quand ce n’est pas le « banc du marguillier », trouvent très vite preneurs. Parmi les acquéreurs, on peut citer : Louis Noël, Pierre Mauroy, Toussaint Lallemand, Hubert Laroche, François Millet, François Arbonville, Jean Baptiste Miclet, François Hezette, Nicolas Cercelet, Pierre Lépinois, etc.
Ce sont ensuite l’aigle et son pied (sur lequel on reposaient les évangiles pour la lecture durant la messe) qui sont adjugés à François Devie, ou le confessionnal qui devient la propriété de la veuve de Pierre Lallemand.
Les murs recouverts de lambris ou de boiseries sont mis à nu pour leur vente. Les gradins et le maître-autel sont aussi dispersés parmi des acquéreurs, qui sont quasiment les mêmes.
Les armoires ou les coffres subissent le même sort, pour devenir la propriété de Jean-Baptiste Devaux, Gérard Miclet, François Mauroy.
Il ne reste rien des objets du culte. Même la pierre d’autel, placée au centre de celui-ci, et symbolisant le Christ (elle était gravée d’une croix), est vendue lors de la dispersion des biens. Elle est acquise par Pierre-Simon Legros. A la suite de ces événements, l’église est abandonnée et la fabrique disparaît[1].
Cette frénésie d’achats peut interroger. S’agit-il de mettre à l’abri de la convoitise ces biens, en ces temps troublés ? Ou souhaite-t-on prouver son attachement au nouveau régime, en démantelant ce qui a été, pendant des siècles, le cœur de la paroisse ?
[1] Cette institution est rétablie après la Révolution par l’article LXXVI du Concordat.
Jusqu’à la Révolution, un village est administré par un maire élu ou désigné qui est le représentant du seigneur, puisqu’il perçoit les droits seigneuriaux[1]. Il publie les ordonnances, veille au maintien de l’ordre, et poursuit les délinquants.
Quant aux échevins[2], ils sont nommés par le seigneur et rendent la justice[3].
[2] Membre du corps municipal, qui s’occupe des affaires communales.
[3] Monchot, Stéphanie, Peuplement et occupation du sol dans les doyennés de Justine et de Saint-Germainmont, mémoire de maîtrise, Université de Reims Champagne-Ardenne, 1996.
Ce tableau[1] donne un aperçu de l’organisation municipale de La Romagne au XVIe siècle.
Année
Maire
Echevins
1531
Pierre Noé
Jean Terlot ; Ponsart Noé ; Pierre Legros ; Jean Fondrillon le jeune
1536
Jean Coutant
Ponsart Noé ; Pierre Guerlet
1542
Jean Coutant
Colas Vasselier ; Jehan Coutant (2e du nom)
1543
Jehan Coutant
Colas Vasselier ; Etienne Vallé ; Pierre Fondrillon
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-3045269, page non paginée, vue 1/12, consultable en ligne sur Gallica, Édict du roy, portant pouvoir aux communautez de rentrer dans leurs usages, avec deffenses de saisir les bestiaux. Donné à S. Germain en Laye au mois d’avril 1667. Verifié en Parlement le 20. dudit mois, 10 pages, in-4°, Paris : les imprimeurs et libraires ordinaires du Roy, 1667, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-12173.
L’ensemble des villageois forme une communauté d’habitants, dont la définition varie selon les historiens. Pour les uns, elle est attestée par la possession de droits d’usage et de propriété, dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Pour les autres, elle est caractérisée par les limites d’un terrain sujet à diverses règles d’exploitation commune : culture, pâture, date des moissons, servitudes collectives au profit de l’ensemble du village.
En général, les communautés d’habitants ont à leur tête un syndic[1] unique, identique à celui de la fabrique[2]. Le chargé du syndic perpétuel peut joindre à celui-ci l’office de greffier des rôles des tailles, moyennant le paiement d’une somme variable selon la paroisse.
[1] Un règlement royal crée le 5 août 1787 le syndic municipal, pouvant différer du syndic paroissial.
[2] Tout ce qui appartient à une église (fonds et revenus affectés à son entretien, argenterie, luminaire, ornements, etc.).
Louis d’or aux insignes, Paris, 1704 (avers ou droit) représentant la tête âgée de Louis XIV à droite, laurée sans baies dans la couronne avec la perruque courte.
En 1704, celui de Rocquigny vaut 181 livres, celui de Saint-Jean-aux-bois n’en coûte que 45. Un habitant fait l’acquisition de celui de La Romagne pour la somme de 80 livres :
« J’ai reçu de Pierre Le Blanc, propriétaire de l’office de sindic perpétuel de la paroisse de La Romagne élection de Reims, la somme de 80 livres pour la finance de l’office de greffier des rolles des tailles, ustanciles et autres impositions ordinaires et extraordinaires de ladite paroisse de La Romagne, créé par édit du mois d’octobre 1703, vérifié au besoin. A été réuni par le dit édit audit office de sindic perpétuel pour en jouir par lui, sa veuve, enfans, héritiers ou ayans causes, héréditairement, ensemble de 3 deniers pour livre des deniers des dites tailles et autres ordinaires et extraordinaires qui seront imposez en vertu des commissions de sa majesté et arrêts de son conseil, sur la quittance du receveur des revenus casuels et sans estre tenu de prendre aucune lettre de provisions et ratification de payer aucun droit de marc d’or ; à l’effet de quoy lesdits 3 deniers seront employez par chacun an dans les commissions des tailles et autres pour lui estre payez de quartier en quartier par les collecteurs sur sa simple quittance, et en outre l’exemption de la collecte des tailles, de celle de l’impôt du sel et de la collecte de toutes autres impositions, de la contrainte solidaire qui pourront estre décernées contre le général et le particulier de la dite paroisse de La Romagne faute de payment des tailles et autres impositions en payant par lui sa cotte part et portion desdits deniers, du logement effectif des gens de guerre, de la contribution des sommes qui s’imposeront pour les fourrages, pour la décharge du logement et subsistance des troupes qui séjourneront ou seront en quartier d’hyver en ladite paroisse et pour la solde et entretien de la milice, de l’exemption de tutelle, curatelle, nomination à icelle, guet et garde, corvées et autres charges publiques, du service de la milice pour lui et ses enfans, ensemble des privilèges attribuez à son dit office de syndic, par l’édit de création, le tout ainsi qu’il est plus au long porté audit édit du mois d’octobre 1703.
Fait à Paris le sixième jour de janvier 1705. Signé Bertin.
Au rolle du 20 may 1704 article 169. »
Archives nationales, site de Paris, P 4108 [série P = chambre des comptes et comptabilité, articles P 4062 à 4253 = quittances de tailles et autres impositions, cotes P 4074 à 4134 = finances d’offices de greffiers, syndics, etc., de rôles des tailles (par généralités), 1694-1724].
Louis d’or aux insignes, Paris, 1704 (revers), représentant une croix formée de quatre lys couronnés, dans un cercle en cœur, brochant sur une main de justice et un sceptre posés en sautoir.
L’assemblée générale de la communauté des habitants est ouverte à tous les chefs de famille (qui ont une voix délibérative) et aux veuves. Celle-ci peut être appelée par les collecteurs de tailles, le curé, un groupe d’habitants, ou un simple particulier.
Lors de sa convocation, le dimanche au son de la cloche, à la sortie de la messe, elle doit obligatoirement regrouper les six principaux laboureurs et les six principaux manouvriers les plus hauts en tailles[1] pour les paroisses qui ont plus de cent feux.
Pour celles qui n’atteignent pas ce nombre, les représentants obligatoires sont au nombre de quatre pour chaque catégorie. Quelle qu’en soit la raison, ceux qui sont absents ne peuvent être admis à contester les décisions.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8607297, page 1, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Déclaration portant réunion aux communautez des offices de lieutenans de maires, assesseurs, eschevins, consuls et jurats, et de concierges-gardes-meubles des Hostels de Ville, créez par édits des mois de may 1702 et janvier 1704, qui n’ont point esté levez, Paris : impr. de Vve F. Muguet et H. Muguet, 1705, 4 pages, in-4°, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21056 (134).
La communauté exerce en réalité un contrôle sur chaque personne de la paroisse : elle impose par exemple les contraintes collectives, comme le respect de l’assolement et des dispositions des droits communautaires, dont l’interdiction de faire troupeau à part.
Elle choisit le berger et le garde-bois (s’il y a des bois communaux), ce qui est le cas de La Romagne. Elle sélectionne le maître d’école en accord avec le curé. Elle s’occupe aussi des adjudications des biens communaux, des dépenses concernant les réparations de ponts ou d’ouvrages publics, avec un budget des plus restreints.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8608749, page 1, vue 1/4, consultable en ligne sur Gallica, Déclaration portant réunion aux communautez des offices de lieutenans de maires, assesseurs, eschevins, consuls et jurats, et de concierges-gardes-meubles des Hostels de Ville, créez par édits des mois de may 1702 et janvier 1704, qui n’ont point esté levez, Paris : L.-D. Delatour : et P. Simon, 1724, 4 pages, in-4°, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, F-21097 (43).
En 1740, sans que l’on puisse déterminer les fonctions de chacun, la municipalité de La Romagne a pour maire et échevins : Henri Mallet, Pierre Devie, François Merlin, Jean Cocu et Pierre Gagneux[1]. Après 1789, les édiles municipaux sont élus et non plus désignés. Ils exercent des fonctions et non plus des charges.
[1]Archives départementales des Ardennes, 7J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voies extraordinaires : achats, dons, legs ou dépôts), sous-série 7J = collection du docteur Octave Guelliot, érudit local (1854-1943)], en-tête d’une supplique.
Intérieur d'un grenier à sel, peinture d'un anonyme de l'école française (Musée national des douanes à Bordeaux).
Lion d’or (avers ou droit) de Philippe VI (1328-1350) : le roi, couronné, est assis dans une stalle gothique, avec baldaquin. Il tient un sceptre long de sa main droite, un court de sa main gauche. Ses pieds sont posés sur un lion à gauche .
Le nom de gabelle, dans son premier sens, est donné à toute espèce d’impôt indirect, avant qu’il ne désigne la taxation spécifique sur le sel. C’est probablement l’imposition la plus détestée par le peuple, mais qui est la source d’importants revenus pour le royaume.
Le monopole du sel est établi en 1342 par Philippe VI. L’Etat seul peut vendre cette marchandise, au prix qui lui convient, et imposer la quantité à acheter. Comme dans bien d’autres cas, les nobles en sont dispensés, d’où l’importance de pouvoir faire preuve de sa noblesse pour ces derniers, et de débusquer les fraudeurs pour la royauté.
Lion d’or (revers) de Philippe VI (1328-1350) montrant une croix quadrilobée, feuillue et fleurdelisée, dans un quadrilobe tréflé cantonné de quatre couronnelles.
Le cas de la Champagne est assez particulier pour être signalé. Les élections[1] de Reims et de Sainte-Menehould sont des pays de grande gabelle[2]. Le Hainaut et la principauté de Sedan constituent des « zones franches », et en sont exemptés. Quant au Rethélois, il a un régime spécial : il est pays de « franc salé ». Il bénéficie donc du droit de prendre à la gabelle une certaine quantité de sel, sans payer la taxe afférente.
[2] Le prix du sel y est élevé. Un minimum d’achat annuel est imposé. Dans les pays de petite gabelle, le sel est meilleur marché, et sa consommation plus libre.
Jusqu’à la mort du duc Louis IV de Gonzague-Nevers, la région bénéficie de ce privilège, que lui enlève le roi Henri IV. Devant les protestations de la population, il est rétabli en 1612. En 1680, une ordonnance maintient les anciennes franchises du duché, à condition que les habitants se procurent le sel dans les magasins indiqués, soit Rethel, Donchery, Mézières (uniquement approvisionnés en sel blanc).
Les quantités à acheter dépendent du lieu où l’on habite. Mais elles varient parfois aussi en fonction d’événements plus ponctuels comme l’incendie, la grêle, l’augmentation du nombre de feux[1] dans un village, etc.
Les gabelles et les traites foraines (impôt perçu sur la circulation des marchandises) sont régies par trois directeurs, dont dépendent les bureaux de Châlons, Troyes, Sedan. Ces derniers contrôlent plusieurs élections. Celui de Châlons surveille celles de Châlons, Reims, Vitry, Epernay, Sainte-Menehould, Joinville et Sézanne.
Cette même direction de Châlons comporte neuf greniers à sel, trente-huit bureaux de traites foraines, deux bureaux et neuf entrepôts pour le tabac[1]. Les premiers se doivent de fournir la quantité de cinq cent-cinquante-six muids[2], un setier[3] et un minot[4] et demi de sel, dont le produit, par année, représente la somme de 1 230 000 livres. Ils n’ont pas tous le même statut : certains sont de « vente volontaire » : les achats peuvent s’y faire à n’importe quel moment de l’année. Les autres sont dits « d’impôt ».
Tableau comparatif des paiements de la gabelle dans trois communes limitrophes : La Romagne, Montmeillant, Aubenton.
C’est à cette dernière catégorie qu’appartient celui de Château-Porcien (dont dépendent La Romagne et Montmeillant), tandis que celui d’Aubenton couvre par exemple les villages de Rocquigny et de Saint-Jean-aux-bois[5].
[1]Bibliothèque du Sénat, 3FPM0956 [Ancien 9351 selon une cotation antérieure], notice descriptive consultable en ligne sur le Catalogue collectif de France (CCFr), numéro 956, Mémoires sur diverses généralités [XVIIIe siècle, manuscrit en français sur papier, 230, 213, et 200 pages, 350 sur 240 mm, reliure en parchemin vert], tome I, Larcher, Michel, Mémoire sur la généralité de Champagne, dressé par M[ichel Larcher], 1695, 230 p.
[2] « Mesure dont on se servait autrefois pour les liquides, pour les grains et pour plusieurs autres matières, comme le sel, le charbon, le plâtre, la chaux, etc. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[3] « Ancienne mesure de capacité, de valeur variable suivant les époques et les régions, utilisée pour les liquides, les grains et d’autres matières comme le sel, le charbon ou la chaux. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
[4] « Mesure de capacité utilisée autrefois, surtout pour les grains, et équivalant à la moitié d’une mine. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
La ville de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 235, vue 238/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Le grenier à sel de Château-Porcien remonterait à 1397, et son découpage aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il couvre une surface de mille cent km2 et comprend quatre-vingt-seize paroisses. Il est imposé dans son ensemble en 1724 à quarante-six muids et deux setiers. Il confine au midi par une pointe avec celui de Reims, au sud-ouest avec celui de Cormicy. Tous deux sont « de vente volontaire ». Au nord-ouest, il jouxte ceux de Marle et d’Aubenton, qui sont « d’impôt ». Il est alimenté en sel gris, transporté depuis la mer par la Seine, l’Oise ou l’Aisne.
Le corps des officiers du grenier à sel de Cormicy et Jean le Brun, conseiller du roi, premier grènetier au grenier à sel de Cormicy. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 164, vue 167/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Jean Buneau, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Divers emplois dans les greniers à sel sont des offices que l’on achète : ces charges concernent les receveurs, les grènetiers[1], , les contrôleurs, les procureurs du roi et les greffiers. Certains de ces offices peuvent atteindre la somme de 4 000 livres, mais le montant dû est fonction de la place occupée dans la hiérarchie.
Philippe Bouron, contrôleur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 450, vue 453/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
En 1666, Antoine Delamer, avocat en Parlement, se voit octroyer par lettres patentes l’office de contrôleur alternatif au grenier à sel de Château-Porcien[1]. Il est précédé dans cette charge par Quentin Carlier. De même, Pierre Blondelot succède, sur recommandation du sieur d’Espinoy de Loonny[2], à Jacques Robin comme procureur au grenier à sel de Château-Porcien[3].
[1]Archives nationales, site de Paris, Z1A 564 n° 553 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789.]
[3]Archives nationales, site de Paris, Z1A 571 n° 876 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789.]
Pierre Martin Andru, procureur du roi au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 296, vue 299/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
Il est important d’appartenir à un réseau relationnel pour l’obtention d’un office. Ce n’est pas le seul critère, puisque les liens familiaux jouent aussi un rôle.
Ceci apparaît bien dans la lettre de provision nommant Nicolas Sohier à l’office de conseiller-procureur à la place d’Etienne Delpierre, qui se serait démis à son profit. L’acte précise que le second est le beau-frère du premier[1].
La nomination de Pierre Antoine Devie, avocat en Parlement, montre un autre exemple de transmission entre proches : étant son seul fils et héritier, il succède à son père à l’office de conseiller du roi grènetier que celui-ci détenait[2].
[1]Archives nationales, site de Paris, Z1A 603 en date du 30 avril 1752 et du 30 septembre 1752 [série Z = juridictions spéciales et ordinaires, sous-série Z1 = fonds des juridictions spéciales, groupe Z1A = cour des aides de Paris, articles Z1A 524 à 1292 = minutes, cotes Z1A 524 à 633 = lettres patentes et provisions d’offices (collection reconstituée après l’incendie de 1776 pour la période 1189-1775), 1189-1789.]
Claude Tenelle de Saint-Remi, commissaire examinateur enquêteur au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 452, vue 455/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
De même, le 1er janvier 1750, Jean Petit, titulaire de l’office de sergent royal au grenier à sel de Château-Porcien, le vend à Charles Mangin pour la somme de 80 livres. Six ans plus tard, la veuve de ce dernier revend cet office à Guy Gruslet, marchand, pour la somme de 400 livres[1]. Ce qui démontre que, malgré l’inflation, un office prend une certaine valeur.
[1]Archives départementales des Ardennes, C 962 et C 968, inventaires sommaires [série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 546-2428 = suppléments à la série C, cotes C 936-1050 = administration des domaines, généralité de Châlons, bureau de Château-Porcien, contrôle des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles et insinuations laïques, centième dernier, 1710-1791.]
Le corps des officiers du grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 162, vue 165/558, consultable en ligne sur Gallica Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
A Château-Porcien, le bâtiment qui porte le même nom que la division administrative se compose de trois chambres, dont deux peuvent contenir jusqu’à quatre-vingt-dix muids, et la troisième mille deux cents sacs. La distribution du sel d’impôt se fait tous les huit premiers jours de chaque quartier[1].
La ville d’Aubenton. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 506, vue 513/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. XXXII Soissons, 1701-1800, manuscrit en français, 556 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32259.
Le grenier d’Aubenton est borné par les terres du Luxembourg, de Liège, de la principauté de Chimay, par le Hainaut français et le grenier de Vervins[1]. Il est donc très proche de la frontière.
Les ménages sont contraints d’acheter un minot de sel de cent livres pour dix ou onze personnes. Les enfants de moins de huit ans sont exclus du décompte dans les greniers à sel d’impôt. Au contraire, dans les greniers à sel de vente volontaire, un minot est imposé pour quatorze personnes. Montmeillant l’est à dix minots, Rocquigny à quarante-six minots.
La perception et la vente sont assurées au sein de chaque paroisse par des collecteurs choisis à tour de rôle parmi les chefs de famille contribuables. Ils dressent des rôles[1], qui servent d’éléments de comparaison pour contrôler les données[2], de la même manière que pour les tailles. Ces collecteurs doivent acheter le sel de leur communauté en quatre fois, et réaliser au mieux la répartition, en tenant compte des facultés et du nombre de personnes de chaque famille.
[1] Attesté au XIIIe siècle, le terme rolle (rôle en orthographe modernisée) désigne une liste, une énumération détaillée.
Louis Oudart, grènetier au grenier à sel de Château-Porcien. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, p. 451, vue 454/558, consultable en ligne sur Gallica, Hozier, Charles-René, Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. X Champagne, 1701-1800, manuscrit en français, 555 pages, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 32237.
La distribution se fait dans la deuxième huitaine du quartier, et le sel doit être payé, pour moitié six semaines après, et pour l’autre moitié au quartier suivant. En cas d’insolvabilité des contribuables, le collecteur peut faire enlever les meubles par saisie-exécution. Si lui-même est insolvable, le receveur[1] le poursuit par commandement.
[1]Bibliothèque Mazarine, fonds général, Ms. 2838 [ancienne cote Ms. 1563], XVIIIe siècle, papier, 353 × 240 mm, Procès-verbal des tournées faites dans les directions de Châlons-sur-Marne, Charleville et Langres, par M. de Villemur, fermier général, pendant les 5e et 6e années du bail de M. Jacques Forceville, 1743 et 1744, notice descriptive consultable sur Calames, le catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur.
Au siège du grenier à sel, un registre sexté[1], divisé par paroisse et comportant le nom des paroissiens exemptés ou non, permet de contrôler et de connaître ceux qui n’auraient pas levé la quantité de sel prescrite.
A partir de 1710, une publication est faite dans chaque paroisse, tous les six mois, afin d’avertir les paroissiens de la quantité de sel qu’ils doivent acheter. Ils sont alors contraints de s’en acquitter dans les quinze jours, sous peine d’amende.
Comme la même loi ne règne pas sur toute la province, de nombreux trafics s’ensuivent, d’autant plus que les greniers de Château-Porcien et d’Aubenton sont assez proches de celui de Rethel. Pour essayer d’enrayer ceux-ci, chaque grenier à sel dispose d’une brigade ambulante, comprenant au moins une dizaine d’hommes (brigadier, sous-brigadier et gardes), qui tentent d’empêcher le faux-saunage[1].
Ce dernier est très difficile à éradiquer, quoique considéré comme un crime. A partir de 1706, on assiste même à une recrudescence de la contrebande. La troupe est appelée en renfort pour réduire les foyers de faux-saunage durant tout l’été et l’automne.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Cinq cents de Colbert 251, Recueil des editz et déclarations faictes par le Roy depuis le mois de novembre 1661 jusques au dernier avril 1667, ensemble d’aucuns éditz et déclarations qui n’ont esté registrées que depuis ladite année 1661, XVIIe siècle, papier, 672 feuillets, in-folio, reliure de veau raciné, aux armes et au chiffre de Colbert, avec les colliers des Ordres, manuscrit en français, division Contre les faux-saulniers, 1664, folio 123.
Deux habitants de Saint-Jean-aux-Bois, Bonnefoy et Picart, connaissent la rigueur de cette répression. Ils sont condamnés le 10 juillet 1766 en la chambre criminelle du palais présidial de Reims à « servir sur les galères du roi après avoir été flétri sur l’épaule dextre d’un fer chaud à l’empreinte des lettres GAL et à 1 000 livres d’amende envers l’adjudicataire général des fermes du roi ».
Cette condamnation est donnée pour la saisie de quatre-vingt-quatre livres huit onces de faux-tabac et cent quatre-vingt-cinq livres de faux-sel saisies le 18 juin 1766. Les deux protagonistes cités font partie d’une bande de cinq individus. Le procès ne dit rien à propos des trois derniers[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 9J 262 [série J = archives d’origine privée (entrées par voies extraordinaires : achats, dons, legs ou dépôts), sous-série 9J = collection de Jules Lefranc, historien local et collectionneur (1869-1953), articles 9J 245-268 = documents divers concernant les communes d’Annelles (découvertes archéologiques), Attigny, Bazeilles (guerre de 1870), Charleville, Château-Regnault, l’abbaye d’Elan, Givet, Grandpré, Les Mazures, Mohon, Le Mont-Dieu, Neuvizy, Poix-Terron, Rethel, Sainte-Vaubourg, Saint-Jean-aux-Bois, Sedan, (protestantisme), la Taillette, Tourteron, Vaux-en-Champagne, Voncq et Vouziers.]
Les voituriers qui transportent ce sel sont aussi très surveillés. Lorsqu’ils sont convaincus de soustraction (après avoir décousu, déficelé ou déplombé les sacs), ils sont condamnés à être pendus et étranglés comme des voleurs domestiques. Quant à leurs biens, ils sont confisqués au profit du roi[1].
Parallèlement à ces mesures impopulaires, une diminution de l’imposition des greniers à sel d’impôt est décidée par le roi[1] à partir du 1er janvier 1711, la situation économique de l’époque étant assez difficile. La période est marquée par une forte mortalité, de faibles récoltes, et le terrible hiver de 1709.
En 1712, une lettre adressée à l’intendant de Champagne montre que la réduction d’un sixième, ordonnée l’année précédente, n’a pas eu l’effet escompté. Elle n’a pas été « un soulagement proportionné à l’accablement des peuples » et, afin d’obtenir une nouvelle baisse, l’auteur de la lettre met en avant les efforts que font ces derniers depuis longtemps pour « aider le roi ». Le grenier à sel de Château-Porcien, qui est imposé à deux mille deux cent seize minots, ne l’est plus qu’à mille cinq cents[2].
[2]Archives nationales, site de Paris, G7 236 [série G = administrations financières et spéciales, sous-série G7 = contrôle général des finances, articles G7 71 à 531 = lettres originales adressées au contrôleur général des finances par les intendants des généralités, 1678-1747, cotes G7 223 à 238 = fonds intéressant la Champagne (Châlons-sur-Marne), 1677-1738], Extrait des dénombrements fournis par les sieurs subdélégués de la Généralité de Châlons.
Musée de la Révolution française (Vizille, Isère), établissement affectataire de l’œuvre, numéro d’inventaire 1987-107, David, Jacques Louis, Pierre-Louis Prieur, dit Prieur de la Marne ( 1756-1827), député de Châlons-sur-Marne aux Etats généraux, peinture, huile sur toile, vers 1791, 380 mm × 315 mm, notice descriptive consultable en ligne sur le portail des collections du département de l’Isère, institution propriétaire.
La suppression de la gabelle est l’une des demandes les plus fréquentes dans les cahiers de doléances. Elle disparaît une première fois, à la suite d’un vote de l’Assemblée nationale constituante en 1790, sous l’impulsion du député Prieur de la Marne. Mais un impôt sur le sel est rétabli en 1806, avec une collecte unifiée, puis sporadique durant tout le XIXe siècle. Il est définitivement supprimé en 1945.
Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-99049, Roche, Daniel, La culture équestre occidentale, XVI e -XIX e siècle : l’ombre du cheval. I, Le cheval moteur : essai sur l’utilité équestre, Paris : Fayard, 2008, 479 p.
Le rôle des chevaux est considérable dans la société rurale ancienne. Les inventaires après décès en signalent la présence à La Romagne, sans être explicites, que ce soit sur leur race ou leur robe. On voit ainsi évoquer pour seul descriptif « poil rouge[1] », « poil jaune[2] », « poil gris ». C’est un peu succinct pour affirmer qu’il s’agit de chevaux ardennais. On peut penser que ces derniers sont des chevaux assez robustes, dont la race se serait modifiée quelque peu au XVIIe siècle. Ceci s’explique par la guerre de Trente Ans et la présence dans la région axonaise et ardennaise de la cavalerie espagnole, dont les montures étaient d’une autre origine.
Après la paix et le début du règne de Louis XIV, Colbert se saisit de ce problème d’abatardissement par un édit de juin 1665, car cet équidé est utilisé dans la cavalerie française. Or, cette dernière ne peut agir au mieux qu’en ayant des chevaux fiables. Turenne a, de 1672 à 1675, d’importants besoins pour mener ses campagnes en Allemagne, et ses demandes concernent des Ardennais. Ce cheval régional reprend toutes ses qualités aux siècles suivants, grâce aux soins attentifs qu’il reçoit, et à l’intérêt manifesté pour cette race.
Au XIXe siècle, dans les armées napoléoniennes, il est le cheval des dragons, des lanciers mais aussi des artilleurs qui apprécient ses qualités de tirage des pièces de canon.
Pour un paysan des XVe et XVIIe siècles, avoir un cheval est un signe d’aisance, car cela nécessite divers investissements (nourriture en avoine, harnachement, ferrage), des apprentissages (débourrage, mise aux brancards) et des soins pour éviter les maladies. Celles-ci sont nombreuses[1] comme la pneumonie, la pleurésie, les ophtalmies, les coliques, la gourme[2], la morve[3], le farcin[4] ou la gale.
Un cheval permet à son propriétaire de faire les labours à la bonne époque, alors que celui qui n’en a pas doit louer « des journées » pour accomplir les tâches agricoles. Celles-ci parfois s’en trouvent retardées, et accomplies à des moments moins propices.
Les chevaux ardennais sont appréciés pour cette tâche agricole car « les pieds ne s’enfoncent pas dans un sol ameublé[1] ou sablonneux, et c’est pourquoi ils sont très utiles au travail de la terre[2] ». D’autre part, l’Ardennais « ne crée pas d’ornière, sa démarche régularise les infiltrations d’eau et l’empreinte des sabots fixe le ruissellement et le freine[3]. »
[3]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-99049, La culture équestre occidentale, XVIe-XIXe siècle : l’ombre du cheval. I, Le cheval moteur : essai sur l’utilité équestre, Paris : Fayard, 2008, 479 p., p. 124.
Transport de troncs d’arbres à La Romagne, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur René Lelong †).
Ce cheval est aussi très utile pour rentrer les récoltes dans les granges, le débardage du bois, les déplacements en carriole ou en cabriolet pour les plus aisés. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, le curé signale qu’il ne peut atteindre certains hameaux éloignés de La Romagne d’un quart de lieue car il est « difficile d’aller sans un cheval à cause d’un petit ruisseau qu’il y a à passer à moins qu’on ne fasse un détour d’un quart de lieue »[1]. Pour cet ecclésiastique, un cheval est un moyen d’action indispensable pour se rendre auprès des malades ou des mourants vivant dans les hameaux éloignés de la paroisse, surtout en hiver.
Louis d’or, Metz, 1787, avers (ou droit) représentant la tête nue de Louis XVI à gauche, avec la légende circulaire « LUD. XVI. D. G. FR. ET NAV. REX ».
L’état des routes est mauvais : depuis le XVe siècle, la réparation des chemins est à la charge des communautés. Sully essaie d’améliorer le système en créant des « voyeurs », qui examinent les routes et chemins pour fixer avec les syndics communaux le nombre de jours nécessaires pour les réparations. Louis XIV institue la corvée royale, à laquelle les intendants ont recours. Elle est impopulaire, car elle pèse lourdement sur le monde rural.
Liée au nombre de chevaux possédés, elle doit être effectuée le plus souvent au moment où les travaux des champs sont les plus importants. Pour pallier ces désagréments, à partir de 1776, les paroisses peuvent opter pour une contribution et remplacer ainsi les douze jours de corvée. C’est le choix fait par le village, qui doit s’acquitter de la somme de 207 livres en 1787 et 1789.
A partir de la Révolution, chaque cultivateur devient susceptible de fournir des chevaux « pour la République ». En brumaire An IV[1], le village dispose désormais de soixante-dix chevaux (à titre de comparaison, soixante sont répertoriés en 1773). Il est obligé d’envoyer une attelée de quatre chevaux pour porter du fourrage et des grains vers le Luxembourg, Rethel et Mézières, afin d’approvisionner les magasins militaires. Le canton doit fournir de son côté en tout huit voitures. Le mois suivant, ce sont seize voitures cantonales qui doivent être cédées, et trois nouveaux chevaux pour le village[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, L 1336 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 = Canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819].
Parfois, probablement las des réquisitions continuelles, les cultivateurs essaient de résister et de tromper les commissions. C’est ce que fait Thomas Devie, qui aurait dû montrer une jument lui appartenant, et qui n’a pas présenté le bon cheval à un examen pour faire établir un certificat. Comme les commissaires ont remarqué le subterfuge, il va devoir la conduire au plus vite sous peine de confiscation. L’absence d’un jugement ultérieur semble prouver qu’il s’est exécuté. Il figure parmi les laboureurs qui doivent toujours être prêts à produire leurs chevaux en cas de réquisition. Rien que pour l’an VII[1], Charles Thomas, Thomas Devie, Jean-Baptiste Baule[2] et Pierre-Simon Legros sont sollicités à plusieurs reprises : ils doivent tenir leurs chevaux à disposition pour le choix qui devra être fait d’une réquisition[3].
[3]Archives départementales des Ardennes, L 1236-1337 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 = Canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819].
Ceux dont les chevaux sont sollicités sont indemnisés par l’ensemble des propriétaires d’équidés de la commune, sachant que ces derniers seront ensuite remboursés de leurs avances par l’Etat[1]. Mais l’argent ne rentre pas toujours très vite, la République étant souvent à court d’argent !
[1]Archives départementales des Ardennes, L 1337 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 = Canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819].
Les états préparatoires et les réquisitions se poursuivent jusqu’à la fin de l’Empire, car les armées impériales sont grandes consommatrices de chevaux. En effet, Napoléon utilise des levées, en particulier d’Ardennais, pour le convoyage de ses pièces d’artillerie : un état dénombre, pour La Romagne, quatre-vingt-quatre chevaux susceptibles d’être réquisitionnés en 1813. Il est à noter que la plupart des chevaux qui sont sortis de la bataille de la Bérézina étaient ces robustes bêtes, ce que corrobore cette remarque de Paul Diffloth[1] : « Les chevaux semèrent de leurs cadavres la route de la retraite ; seuls, les chevaux ardennais, accoutumés au rude climat de leur pays, supportèrent vaillamment ces épreuves et ramenèrent en France l’artillerie impériale[2]. »
Le nombre d’équidés susceptibles d’être réquisitionnés parmi l’ensemble de ceux qui sont possédés par les différents propriétaires romanais passe en 1817 à quatre-vingt-quatorze[1].
Nom du propriétaire des chevaux
Nombre de chevaux possédés en 1813
Nombres de chevaux possédés en 1817
J.-B. Boudié
4
4
J. Charles Boudié
4
4
Boudsocq (meunier)
1
1
J.-B. Canard
3
3
J. Deligny
3
5
J.-B. Devie
8
10
Pierre Devie (militaire)
3
3
François Devie
2
2
Pierre Nicolas Devie
4
5
Louis Devie
3
4
J.-B. Dupont
2
4
J. Charles Dupont
6
7
Hubert Langlet
3
4
Laroche (tailleur)
0
3
Hubert Laroche
2
2
Hubert Laroche (garçon)
1
1
Pierre Laroche
4
4
Simon Legros
7
9
Jean Lepinois
3
4
J.-B. Mauroy
3
4
Gérard Merlin
8
8
Marie-Jeanne Merlin
5
6
J.-B. Thomas
3
3
Bonnais (Bois Diot)
0
2
Les propriétaires de chevaux de La Romagne du XIX e siècle peuvent voir leurs animaux réquisitionnés.
[1]Archives départementales des Ardennes, 7J 43 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 7J = collection du docteur Octave Guelliot, érudit local, cote 7J 43 = ex-libris ardennais].
Roger-Viollet (Firme), référence 79448-14, Guerre 1914-1918. Homme peignant un cheval blanc en marron pour le camoufler, prise de vue du 1e juin 1915, notice descriptive consultable en ligne sur le site de agence photographique (commanditaire).
Même si les guerres s’estompent sur le territoire français de 1815 à 1870, des états de chevaux à réquisitionner sont dressés dans le but de faire face à un éventuel conflit. Il en sera de même jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. L’arrondissement de Rethel compte encore en 1929 plus de dix mille chevaux, et une station de monte se trouve installée par l’administration des haras à Rocquigny.
A partir des années 1950, le nombre des chevaux diminue à cause du développement de l’utilisation des tracteurs et des automobiles, mais aussi en raison d’une évolution des exploitations agricoles, qui se tournent non plus vers la culture mais vers l’élevage.
A côté des possesseurs les plus importants du village, que sont les religieux et les seigneurs de Chaumont, se trouvent des laboureurs qui sont propriétaires de tout ou partie des terres qu’ils cultivent. Pour cela, il leur faut disposer du matériel agricole nécessaire, et d’au moins deux chevaux à atteler pour pouvoir labourer.
Pour disposer d’une charrue, il faut au minimum exploiter de quarante à soixante arpents (soit environ quinze à vingt-cinq hectares). Il s’agit donc de laboureurs assez aisés et ils sont très peu nombreux dans le village[1].
Année
Une charrue
Une demi-charrue
Aucune indication
1702
1
13
1712
3
9
1
1714
1
4
3
1720
4
10
1725
7
7
La possession d’une charrue témoigne d’un certain statut social.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 2169 [série C = administrations provinciales, articles C 2065-2659 = administrations et juridictions financières et fiscales, subdélégations de Champagne, 1585-1790].
A côté d’eux, de petits laboureurs à « demi ou quart de charrue », dont nous parle Terwel[1] partagent avec une (voire deux ou trois autres personnes) la propriété des instruments aratoires. C’est d’autant plus possible que, bien souvent, on exploite une ferme ou cense (encore appelée tenure) en famille.
Le terme de cense vient tout droit d’un état juridique compliqué et concerne un ensemble de terres à exploiter soumis au droit seigneurial.
Année
En propre
En propre et cense
En cense seule
Sans précision
1702
2
5
7
1712
3
3
5
2
1714
1
2
3
2
1720
9
1
4
1725
8
2
3
1
La terre peut être en cense, en propre, ou les deux à la fois.
Le tenancier se doit donc d’acquitter « des droits seigneuriaux ». Le censitaire est un exploitant à « bail perpétuel », puisqu’on reconnaît des droits à sa famille jusqu’à l’extinction de celle-ci, au point que la cense[1] prend parfois le nom de la famille qui la cultive.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 2169 [série C = administrations provinciales, articles C 2065-2659 = administrations et juridictions financières et fiscales, subdélégations de Champagne, 1585-1790].
Demi-louis d’or à la mèche longue, Monnaie du Louvre, Paris, 1643, avers (ou droit) représentant la tête laurée de Louis XIII le Juste à droite, avec baies dans la couronne.
Le fermage est un autre mode de gestion de la terre. Le propriétaire foncier concède la terre dans le cadre d’un bail à terme, renouvelable tous les trois ans à cause « des roies » (ou assolement triennal), moyennant un loyer fixe, le plus souvent en argent.
Ces baux ruraux sont passés devant un notaire royal et, depuis le XVIe siècle, ils dépassent rarement la durée de neuf ans. Auparavant, ils pouvaient aller jusqu’à vingt-cinq ans, ce qui laissait une plus grande stabilité pour la gestion des biens.
Or, les guerres de la première moitié du XVIIe siècle et la dépression agricole qui se produit au XVIIIe siècle font que les propriétaires changent plus souvent de locataires, et que beaucoup de baux sont résiliés au bout de trois ou six ans.
Demi-écu d’argent, Monnaie de Matignon, Paris, 1643, avers (ou droit) représentant le buste lauré, drapé et cuirassé de Louis XIII le Juste à droite, avec baies dans la couronne.
Les obligations du preneur sont codifiées dans le bail. C’est ce qu’on peut voir avec celui qui est passé en 1771 par devant Maître Watelier (notaire royal à Wasigny) entre Marie Peltier, dite « madame du Merbion » [1] d’une part et Jean Lespinois et sa femme Marie-Nicole Cousin d’autre part.
Le document est ainsi établi « pour trois, six, neuf années aux choix respectifs des parties en avertissant trois mois avant l’expiration desdites trois ou six années pour commencer le 1er mars 1772 ».
Il consiste en une ferme située au Prieuré près le Moulin Garot. Cette dernière est composée « d’un corps de logis, bâtiments, grange, écurie, jardin, chènevière, terres, prés, plants d’arbres à charge d’entretenir les bâtiments des réparations locatives, de tenir les jardins en bon état ainsi que les haies vives, de piocher le pied des arbres à fruits, de cultiver, labourer et ensemencer les terres dans leurs roies, payer les droits seigneuriaux […] pour une redevance de 180 livres plus une journée avec un attelage de bons chevaux pouvant être employée aux choses que ladite bailleuse jugera à propos. Le tout pour chacune année à la Saint-Martin d’hiver [2] ».
[1] Car veuve de Pierre Jadart du Merbion (1692-1759, major au régiment de Bergeret) et mère de Pierre Jadart du Merbion (1737-1797, général de division de la Révolution française).
[2]Archives départementales des Ardennes, 3E35 504 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E 35/1-613 = archives notariales de Wasigny].
Il arrive, et cela est vrai surtout à la fin du XVIIIe siècle, que des baux soient signés avec un locataire, mais que celui-ci, à son tour, sous-loue le bien.
C’est ce qui apparaît au moment de la vente des biens nationaux de l’émigré Courtin, où l’on constate que les signataires des baux (en particulier Michel Bolle et J. B. Mauroy) ne sont pas les véritables détenteurs, qui se révèlent être tantôt J. B. Fressancourt, Charles Thomas Devie ou Charles Thomas Miclet[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 134 [série Q = domaines, enregistrements, hypothèques depuis 1790, cotes Q 127-147 = ventes de biens nationaux, fonds concernant les affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].
Ces arrangements ont pour but premier d’accroître le bien foncier de l’une des parties, tout en procurant de l’argent liquide à l’autre. Cette dernière peut faire face à des besoins urgents pour régler des prélèvements tels : dîme, droits seigneuriaux, impôts royaux directs et indirects, etc.
Elle peut également réinvestir dans une autre terre, donnant ainsi aux paysans l’occasion de constituer des pièces de terre de superficies plus importantes, et de faciliter ainsi leur travail.
C’est ce qu’a dû prévoir en mars 1747 Jean Coutier, marchand demeurant à La Romagne, lorsqu’il achète à Charlotte Parisot (veuve de Thomas Devie) un quartel de terre au Pré Mellier budant[1] du couchant et d’un autre bout à un de ses biens. La vente peut se révéler obligatoire, lorsque le bien est si éloigné qu’il est impossible de l’exploiter. C’est ce qu’est obligé de faire en 1714 Daniel L’Escholier (ou Lescoyer) habitant aux Houis, lorsqu’il hérite les biens familiaux situés sur les terroirs de Dohis et d’Iviers (Aisne). Il s’en sépare et les vend à un habitant de cette paroisse[2].
Du fait des nombreux partages intervenant à chaque succession, il est rare que des pièces de terre aient une superficie de plusieurs arpents, si un remembrement par rachat de terre n’a pas lieu. En étudiant les legs faits à l’église de la Romagne, ou à la lecture des actes notariés, les surfaces dont il est question dans tous ces actes se résument plus souvent à quelques pugnets[1], verges[2] ou quartels[3]. Tout ceci est lié à la division, lorsque c’est possible, de la pièce de terre en autant de lots que d’héritiers par des « experts nommés » pour apprécier ladite succession.
Des lots de même valeur, sans être forcément de même superficie, mais constitués chacun de pièces différentes, ne semblent pas être la norme. Ainsi, en trois générations, c’est l’émiettement et l’éparpillement le plus complet. Il ne reste plus qu’à échanger les terres quand cela est possible.
La vente n’est pas la seule solution existant pour se procurer des liquidités. Le laboureur peut avoir recours à « une vente temporaire » ou avance d’argent garantie sur un bien foncier. C’est ce que pratique en avril 1709 Marin Letellier, laboureur demeurant au Mont de Vergogne. Il rencontre, comme bien de ses semblables, des difficultés avec cette terrible année.
Pour la somme de 200 livres, il vend à Jean Caneau, marchand résidant à La Cour Honorée, paroisse de Saint-Jean-aux-Bois, « une ‘mazure’, chènevière, jardin à arbres fruitiers en dépendant, six arpents de terre labourable, deux quartels de pré en deux pièces, trois autres pugnets ». L’ensemble provient de Pierre Leclerc et sa femme Poncette Sonnet, à la suite d’un acte signé devant le notaire royal de Lalobbe en 1692.
S’il parvient à rembourser la somme dans le délai imparti et en un seul paiement, il rentre dans son bien après avoir acquitté une « valeur locative » de 10 livres et deux paires de poulets pour chacune des trois années. Sinon, l’ensemble du bien sera acquis au preneur[1].
[1] Archives privées et personnelles [source non communicable en raison d’un accord de confidentialité].
Cette façon d’emprunter pour se procurer des liquidités et faire face aux difficultés liées aux mauvaises récoltes se pratique aussi souvent que les paysans sont acculés. Les riches marchands ou les laboureurs y trouvent aussi grandement leur intérêt.
Ainsi, l’année 1776, marquée par de mauvaises récoltes, contraint Jean Cocu et sa femme Jeanne Gagneux à délaisser pour trois ans à Jean Philbert, laboureur de la paroisse de Rocquigny, une pièce de terre plantée de dix arbres fruitiers sise aux Houis, contre la somme de 150 livres. Or, le couple n’a aucune certitude de récupérer son bien si les années suivantes sont aussi médiocres ou s’il doit faire face à d’autres ennuis.
Ecu aux branches d’olivier, Lille, 1776, avers (ou droit) représentant le buste de Louis XVI à gauche, portant une veste brodée, avec l’ordre du Saint-Esprit, les cheveux noués sur la nuque par un ruban.
Musée du Louvre (Paris), numéro d’inventaire INV 606 [B 183] Santi, Raffaello, dit Raphaël, Saint Jean Baptiste dans le désert désignant la Croix de la Passion, bois transposé sur toile, 1e quart du XVIe siècle (vers 1516), notice descriptive consultable en ligne.
La vente d’une terre se fait en général au comptant. Il existe néanmoins d’autres arrangements qui permettent de pouvoir acquérir un lopin de terre, à une époque où le crédit tel que nous le connaissons n’existe pas.
Dans ce cas, le vendeur accepte dans l’acte de vente un paiement en plusieurs fois à date fixée d’avance, et sur un délai de quelques mois à quelques années (deux ans assez généralement). C’est ce que font Jean Lambert et sa femme Marie-Nicole Deschamps : ils acceptent que Jean Delahaye, laboureur qui a acquis en décembre 1745[1] un de leur biens situé « au Bois Diot » pour la somme de 72 livres le paie en quatre fois soit :
[2] Jean le Baptiste (de qui Jésus a reçu son baptême) est fêté le 24 juin. Il ne doit pas être confondu avec Jean l’Evangéliste (l’apôtre), célébré le 27 décembre (Saint-Jean d’hiver).
Comme l’équilibre entre les besoins alimentaires et la capacité de production est précaire, la pénurie menace toujours. C’est pourquoi les paysans qui ne disposent pas d’assez de terres pour en vivre sont les premiers à souffrir des difficultés économiques.
Pour tenter de survivre, à défaut de mieux vivre, ils se mettent au service d’un laboureur comme manouvrier. Ou, comme le note le curé en 1774, conscient de l’état constant de pauvreté d’un grand nombre de ses paroissiens, ils « travaillent pendant l’hiver dans les bois tandis que l’été, ils essaient de trouver des places pour faucher dans les prés et pour couper les blés ».
D’autres exercent une seconde profession (comme celle de marchand) ou, s’ils le peuvent, louent des terres pour essayer de se mettre à l’abri du besoin.
La puissance de la féodalité, qui s’exerce sur un grand nombre de villages avec les comtes du Porcien (connus par leurs possessions terriennes), marque profondément ce territoire. Cela est d’autant plus vrai qu’ils savent aussi s’allier à l’Eglise de Reims par des dons territoriaux importants, que ce soit pour racheter les fautes de leur vie terrestre, ou s’assurer l’au-delà.
Le XIe siècle révèle la modification du comté du Porcien, avec le démembrement de la Seigneurie de Chaumont -Porcien et son intégration aux biens de la famille de Rozoy, qui n’appartient pas au comté de Champagne. Ceci est consécutif aux troubles qui ont éclaté à la suite du mariage de Godefroy de Namur et de Sybille de Porcien, fille de Roger VII.
Cette seigneurie, enfermée à l’intérieur du comté, se délimite en traçant une ligne qui part et revient à Renneville en étant bornée par les villages de Mainbresson, Saint-Jean-aux-Bois, Maranwez, Librecy, Thin-le-Moutier, Grandchamps, Mesmont, Wasigny, Bégny, Chappes, Logny, et Trion[1].
[1] Pour ce qui est de la division du terroir, voir Gostowski, Grégory, La Féodalité dans le comté de Porcien Xe – XIIIe siècle, mémoire de maîtrise, Université de Reims Champagne-Ardenne, 1998.
Le blason communal de Rozoy-sur-Serre est d’argent aux trois roses de gueules boutonnées d’or.
La famille de Rozoy développe une affection toute particulière pour cette seigneurie et son abbaye, au point de doter considérablement cette dernière en terres et en bois. Dès 1219, Roger II de Rozoy et sa femme Aélis la pourvoient d’une maison franche à La Romagne, sachant qu’un don identique est fait pour les villages de Rocquigny et de Rubigny. Ce don est confirmé une dizaine d’années plus tard par le fils de ce seigneur. Il y ajoute même, pour chacune de ces paroisses, le droit d’avoir un « bourgeois libre », qui est exempt de tailles et de tous les autres droits dus en ce temps-là aux seigneurs fonciers.
La seigneurie de Chaumont, incluse dans la baronnie de Rozoy jusqu’au XIVe siècle, ne reste pas dans son étendue telle que l’on vient de la décrire. Elle passe successivement par voie d’héritage dans les mains de différents seigneurs, et se trouve divisée. Il n’en reste pas moins que La Romagne dépend principalement pour son terroir à la fois du seigneur laïque de Chaumont, et de l’abbaye du même lieu.
Dans la première moitié du XIIIe siècle, Gobert VI, sire d’Apremont en Lorraine, épouse Julienne, fille de Roger de Rozoy. Il fait construire un château. Dom Lelong[1] donne au bâtiment qui se trouvait à l’entrée de la forêt d’Etremont le nom de « château d’Apremont ».
Or, le vrai, disparu depuis bien longtemps, et dont le souvenir seul subsiste dans la toponymie, était situé dans le bois dit d’Apremont au territoire de La Romagne. Ce lieu rappelle donc l’origine de Gobert VI.
[1]Bayerische StaatsBibliothek, 4 Gall.sp. 55 r, Le Long, Nicolas, Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon et de tout le pays contenu entre l’Oise et la Meuse, l’Aisne et la Sambre, Châlons : Seneuze, 1783, 683 p., p. 409, vue 422/658, consultable en ligne sur la bibliothèque numérique du Münchener DigitalisierungsZentrum [cité par Martin, Gérard-Adolphe, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre et les environs : comprenant une grande partie de la Thiérache et du Porcien et quelques communes du Laonnois, Paris : le Livre d’histoire, « Monographies des villes et villages de France », 2007, tome II, 765 p. p. 42, exemplaire consultable à la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-16845 < Vol. 2 >].
Une seigneurie comprend le fief (survivance du système féodal), le domaine et éventuellement la justice[1] (basse, moyenne et haute[2]). Souvent, par le jeu des successions, des partages, des mariages ou des ventes, de nombreuses terres sont dispersées et le seigneur peut n’être que « seigneur en partie ». En général, les villages ont plusieurs seigneurs laïques ou religieux qui, la plupart du temps, n’y résident en fait jamais.
[1] Le seigneur peut juger les affaires relatives aux droits qui lui sont dus : cens, rentes, exhibitions de contrats et héritages sur son domaine. Il s’occupe aussi des délits et amendes de faible valeur (dégâts des bêtes par exemple). Il a autorité sur les rixes, injures et vols. Les délits ne peuvent être punis de mort. Sa justice s’occupe des successions et de la protection juridique des intérêts des mineurs : apposition de scellés, inventaire des biens, nomination des tuteurs, etc.
[2] En haute justice, le seigneur (ou plus exactement le juge seigneurial) peut juger toutes les affaires et prononcer toutes les sentences, dont la peine capitale. Celle-ci ne pouvait toutefois être exécutée qu’après confirmation par des juges royaux avec appel obligatoire, porté devant les parlements.
Le domaine (ou réserve) est la partie de la seigneurie réellement possédée et exploitée. Il comprend éventuellement la maison seigneuriale édifiée sur ce territoire, mais surtout les fermes, métairies, forêts, étangs, champs, prés, moulins. Mis en location, ces éléments représentent eux aussi un capital et un revenu, tout comme les bois. La Romagne n’échappe pas à cette règle, puisqu’elle dépend de la seigneurie de Chaumont-Porcien qui s’étend à tous les environs.
A partir de 1300, alors que les habitants du village doivent la garde au château de Chaumont, Jehan de Liestemberch, « escuyer », tient en 1389 la tierce partie de la ville de « La Romaigne », la justice haute, moyenne et basse, ainsi que les terrages. Ce n’est qu’à l’occasion de l’inventaire de 1737 que l’on apprend que les droits de guet et de garde ont été rayés comme appartenant au « roi seul[1]».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Châlons-en-Champagne, C 2544 [série C = administrations provinciales, articles C 2535-2551 = administrations et juridictions financières et fiscales, chambre du domaine des bureaux des finances, fonds concernant les actes de foi et hommage, aveux et dénombrements (1628-1758)].
Musée Condé (Chantilly, Oise), numéro d’inventaire PE 576, Perréal Jean, Portrait de Charles VIII [roi de France de 1483 à 1498], réplique d’après un original de l’Ecole française, huile sur bois, début 16e siècle, notice descriptive consultable en ligne.
Dans le recensement de la terre de Chaumont fait en 1493 par le roi Charles, La Romagne est mentionnée comme « appartenant en partie et en indivis à Charles, sire de ‘Chastillon’, chevalier et chambellan du roi, et à Messire Jehan, seigneur de Jeumont, ainsi qu’à Jehan, seigneur de Lescrement, ‘escuier’ ».
En 1499, Jean Destable, possesseur de la terre de Chaumont en entier, chevalier seigneur d’Ysengheim, baron de Chaumont-lez-Porcien, seigneur de Rubigny et Vaudemont[1] fait également un dénombrement dans lequel on apprend qu’il possède la ville de « La Romaigne » et la « justice d’icelle[2] ».
[1] La commune de Wadimont, avec Logny-lès-Chaumont, est actuellement rattachée à Chaumont-Porcien.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-20343 < Vol. 1 >, Martin, Gérard-Adolphe, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre et les environs : comprenant une grande partie de la Thiérache et du Porcien et quelques communes du Laonnois, Paris : le Livre d’histoire, « Monographies des villes et villages de France », 2007, tome I, 642 p., p. 584.
Jusqu’à la fin du Moyen-Age, le territoire est partagé entre divers seigneurs, puis vendu et racheté à plusieurs reprises. Un état des terres datant de 1509, fourni au roi à « cause de ses château et châtellenie » par Jean Destable (seigneur d’Ysengheim) et Hannogne, baron de Chaumont-lez-Porcien et seigneur de Wadimont, nous apprend que la ville de « Romaigne » fait partie de ses domaines[1].
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-16845 < Vol. 2 >, Martin, Gérard-Adolphe, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre et les environs : comprenant une grande partie de la Thiérache et du Porcien et quelques communes du Laonnois, Paris : le Livre d’histoire, « Monographies des villes et villages de France », 2007, tome II, 765 p., p. 5.
La connaissance des seigneurs-possesseurs des domaines plus ou moins importants du village reste lacunaire, en raison des nombreux incendies de l’abbaye, en particulier ceux de 1589 et de 1591. D’autres ont eu lieu durant des guerres, dont celui de 1940, entrainant la destruction d’une grande partie des fonds [1]. La conséquence en est la disparition de tous les documents importants sur lesquels aurait pu s’appuyer une étude exhaustive.
Jeton de la cour du Parlement de Metz (règne de Louis XIV).
La Romagne appartient en partie à messieurs de Coolle et de Loonny (César et René D’Espinoy). Le premier est page de la reine, puis cornette et lieutenant de cavalerie en 1667. Le second est conseiller du Parlement de Metz, puis des requêtes[1] .
Le blason de la famille d’Ambly est d’argent à trois lions de sable, lampassés de gueules, posés deux et un.
Dans les années 1690, La Romagne a aussi pour seigneur principal Charles d’Ambly des Ayvelles (1668-1705), marquis de Chaumont et brigadier des armées du roi[1]. Lui succède comme seigneur du village messire Gaston Jean Baptiste de Terrat. Ce dernier rend en 1714 l’hommage de la terre de « Chaumont en Portien » et de « celle de La Romagne », les deux étant mouvantes[2] de Sainte Menehould. Jacques Lassire est le receveur de ces terres à partir de 1707, et veille à la bonne marche du domaine seigneurial[3].
En 1734, Marie-Anne Louise d’Ambly, baronne de Chaumont, veuve de Gaston Jehan Baptiste de Terrat, donne comme dépendance de la baronnie de Chaumont « La Romaigne » avec justice haute, moyenne et basse. Mais l’exercice de celle-ci ne garde plus qu’un caractère local, puisque le pouvoir judiciaire royal s’est substitué pour les affaires les plus importantes à l’exercice seigneurial.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 14314, tome V Champagne, 299 feuillets, folio 293, fonds concernant les généralités et les mémoires des intendants [Français 14310-14329 = mémoires concernant les Généralités du royaume, dressés par les Intendants pour le duc de Bourgogne, 1697-1699, XVIIIe siècle, 22 volumes].
[3]Archives nationales, site de Paris, P 1772 [série P = chambre des comptes et comptabilité, articles P 941 à 1935 = partie II (terriers), cotes P 1759 à 1810 = fonds concernant la Champagne, le domaine du roi (comptes et procédures), XVIe – XVIIIe siècles].
Cependant, comme dans tout territoire où la puissance de l’Eglise est marquée, des différends éclatent régulièrement entre l’abbaye et la seigneurie de Chaumont, ou des particuliers. Ainsi, il apparaît en 1739 que, les moines de la Piscine ayant quelque peu tardé à répondre à une demande concernant leurs droits seigneuriaux, « messire Salomon d’Ambly se voit attribuer, outre la seigneurie de Chaumont, celle de La Romagne, Son, Adon, Doumely, Givron, Fresnois, Boissy… »[1].
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-16845 < Vol. 2 >, Martin, Gérard-Adolphe, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre et les environs : comprenant une grande partie de la Thiérache et du Porcien et quelques communes du Laonnois, Paris : le Livre d’histoire, « Monographies des villes et villages de France », 2007, tome II, 765 p., p. 403.
Cette même année, les religieux de l’abbaye, qui sont les seigneurs et propriétaires du bois et de la ferme de la Bouloi, portent plainte contre Pierre Boudié pour
« troubles concernant le chemin allant de leur ferme de la Bouloy au village de La Romagne ».
Comme c’est le cas de tous les lieux-dits, la Bouloi a une orthographe très variable selon les documents et les siècles où ils ont été produits.
Ceux-ci lui demandent de communiquer les titres, contrats et autres actes qui seraient en sa possession et qu’il ne semble pas disposé à leur faire connaître afin de faire valoir leurs droits[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, G 238 [série G = clergé régulier avant 1790, articles G 92 à 272 = églises paroissiales et leurs fabriques], cote concernant les églises de Rocquigny, La Romagne, Romance (Saint-Pierre), les constitutions de rentes, dons et legs, les déclarations de biens 1611-1788.
En 1774, à la suite de l’enquête faite à l’instigation de monseigneur Charles-Antoine de la Roche-Aymon (archevêque du diocèse de Reims), le curé de La Romagne, Joseph Bourdon, désigne comme « seigneur du village » madame de la Mothe-Audencourt[1], veuve de monsieur le marquis Charles Renault de Gamaches.
Le blason de la famille La Mothe-Houdancourt est écartelé aux un et quatre d’azur, à une tour d’argent ; aux deux et trois d’argent, à un lévrier rampant de gueules, colleté d’azur, bordé et bouclé d’or, accompagné de trois tourteaux de gueules.
Tout comme le précédent seigneur, elle ne réside pas dans sa seigneurie (ce qui n’empêche pas le curé de la recommander chaque dimanche aux prières de ses paroissiens). En fait, elle passe l’hiver à Paris et l’été en son château des « Faïettes », en fait le « domaine de Fayel », proche de Compiègne, érigé en duché-pairie par lettres patentes de janvier 1653. Ce dernier dédommage le maréchal de La Motte-Houdancourt de la perte de sa terre de Cardone, donnée par Louis XIII en 1642[1].
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 4186, tome XIX, folio 1, Erection par Louis XIV de la terre de Fayel en duché, en faveur de monsieur le maréchal de La Motte Oudancourt, à Paris, au mois de janvier 1653 [Français 4168-4195 = recueil de copies de pièces, formé principalement des dépêches écrites ou signées par Michel Le Tellier, secrétaire d’État, durant les dix-huit premières années du règne de Louis XIV].
Année
Nom du seigneur de Chaumont
Durée du bail
Noms et professions des bailleurs
Nature du bail
27 janvier 1623
Dame veuve Danois, baronne de Chaumont
Neuf ans
Claude Pioche, procureur au siège présidial de Laon.
Revenu de la terre de Chaumont, Son, La Romagne et Remaucourt
5 avril 1630
Dame Renée Le Danois, baronne de Chaumont
Neuf ans
Adrien Michon, marchand bourgeois demeurant à Reims
Revenu de la terre et baronnie de Chaumont, La Romagne, Son, Remaucourt
13 avril 1644
Charles Delahaye, baron de Chaumont
Trois ans
Jacques Hebeau et Jacques Antoine (dit Rabasse) demeurant à Givron et Lalobbe
Revenu des terres de Son, La Romagne, des bois d’Apremont et de tous les droits seigneuriaux
1702
Non précisé
Non précisée
Pierre Leblanc
Revenu de la terre de La Romagne et des droits seigneuriaux
2 mai 1707
Madame la marquise de Terrat, baronne de Chaumont
Neuf ans
Pierre Leblanc demeurant à La Romagne
Revenu de la terre de La Romagne et des droits seigneuriaux
3 octobre 1707
Messire Gaston Jean Baptiste de Terrat, baron de Chaumont
Revenu de la baronnie, de la terre et seigneurie de Chaumont, de la terre et seigneurie de La Romagne, Givron, Adon, etc.
27 juillet 1710
Monsieur le marquis de Terrat, baron de Chaumont
Neuf ans
Pierre Leblanc, demeurant à La Romagne
Revenu de la terre de La Romagne et des droits seigneuriaux
9 septembre 1730
Louise-Anne d’Ambly, baronne de Chaumont
Neuf ans
Le sieur Lassire, bailli de ladite baronnie.
Receveur de la terre et seigneurie de Chaumont, et de tous les droits seigneuriaux, dont ceux de La Romagne
1750
Monsieur le maréchal de la Motte-Houdancourt, baron de Chaumont
Non précisée
Antoine Pasté, avocat en parlement et procureur fiscal du duché de Mazarin
Revenu de la terre de La Romagne
28 décembre 1750
Monsieur le maréchal de la Motte-Houdancourt, baron de Chaumont
Non précisée
Jean Baptiste Laignier et Catherine Mitteau (sa femme), lieutenant de maire de la ville de Château-Porcien. Jean François Riquier, greffier en chef du grenier à sel de Château-Porcien et sa femme Marie-Anne Lottineau
Revenu de la baronnie de Chaumont, des terres de La Romagne avec droits seigneuriaux
1759
Non précisé
Non précisée
Pierre Denis et Jean Baptiste Brûlé, négociants à Rethel-Mazarin
Revenu de la terre de La Romagne
1768
Non précisé
Non précisée
Pierre Antoine Brûlé
Revenu de la terre de La Romagne et des droits seigneuriaux
Des exemples des droits des seigneurs de Chaumont et de leurs bailleurs ont pu être relevés dans les archives.
Il existe aussi d’autres seigneurs locaux, comme Nicolas Paul Marie de Boucher d’Avançon (1740-1796), seigneur de la Cour Avril. A la seigneurie sont attachés de nombreux droits à percevoir pour les seigneurs mais, tout comme le roi qui « afferme » ses revenus, les seigneurs locaux les plus importants pratiquent de même pour des durées assez diverses, mais le plus souvent pour neuf ans [1].
[1]Archives nationales, site de Paris, T 471, liasse 12, pièces n° 21 et 22 [série T = papiers privés dans le domaine public, cotes T 1-982 = papiers séquestrés pendant la Révolution, provenant de particuliers émigrés ou condamnés, cote T 471 = documents de Louis Bruno, comte de Boisgelin de Cucé, et de Marie Stanislas Catherine de Boufflers, son épouse].
De 1727 à 1731, Jean Foullon[1], Pierre Foulon et Jeanne Gagneux, habitants du village, sont les receveurs pour La Romagne. Les titulaires de ces charges délèguent parfois à d’autres la perception des droits. C’est le cas en 1630 d’Adrien Michon avec Jean Douce (laboureur demeurant à La Binotterie) pour la recette de la terre de La Romagne. On peut noter d’autre part un tel contrat entre Gérard Meunier et Antoine Decarreaux pour les cens et rentes dus à La Romagne.
Les droits sont assez nombreux. Le cens tout d’abord est un dû très ancien qui se perçoit en espèces[1]. Comme il est souvent assez modique, il s’y ajoute parfois un « surcens », sorte de fermage. Un document de 1571 en fait état dans la vente faite par Guillaume Robin (laboureur à La Romagne) à Berthaut Chesneau, lui aussi laboureur[2]. Il mentionne en effet « quatre arpents et vingt-sept verges en trois pièces, chargés de cens et de surcens envers la baronnie de Chaumont[3] ».
[1] S’il se perçoit en nature, on parle plutôt de rente seigneuriale.
[2] Demeurant sous les Faux, dans la paroisse de Rocquigny.
[3]Archives nationales, site de Paris, T 471, liasse 9, pièce n° 1 du 23 août 1571 [série T = papiers privés dans le domaine public, cotes T 1-982 = papiers séquestrés pendant la Révolution, provenant de particuliers émigrés ou condamnés, cote T 471 = documents de Louis Bruno, comte de Boisgelin de Cucé, et de Marie Stanislas Catherine de Boufflers, son épouse].
Bien qu’il n’ait pas la pleine propriété de sa terre, le paysan bénéficie d’un certain nombre de droits, accordés de longue date, et qui lui permettent de :
la transmettre ;
la diviser pour ses héritiers ;
la louer ;
la vendre, à condition d’être quitte des autres droits et de payer les lods et ventes[1], qui représentent de 3 à 8% du prix.
S’il n’est pas à jour de ses redevances, le laboureur est rappelé à l’ordre par un commandement. François Merlin en reçoit un en 1760 pour avoir omis de régler à madame La Maréchale de La Motte Houdancourt (seigneur de Chaumont) :
En outre, à chaque changement de seigneur, voire périodiquement, le paysan doit « avouer[1] et dénombrer » les terres qu’il tient de lui. De son côté, le bénéficiaire de la rente de cens peut aussi la céder. Ce mode d’exploitation disparaît avec la Révolution.
[1] En droit féodal, « avouer » signifie « reconnaître pour seigneur, pour protecteur ».
L’addition des différents droits locaux et seigneuriaux , ajoutés aux impôts royaux, grève lourdement le revenu des habitants. Car il leur faut payer des sommes importantes :
le droit de terrage sur tous les fruits de la terre. Pour ce qui est des céréales, une gerbe sur treize doit être ramenée à la grange du seigneur ou elle est remplacée par douze deniers tournois. Dans ce cas, ce droit se perçoit au jour de la Saint-Michel, date à laquelle se déroule une des foires de Chaumont-Porcien ;
le droit d’afforage, qui correspond à un montant perçu par le seigneur sur les ventes de boissons au détail des cabaretiers ou des « hostelains[1] ». Henri Boudsocq, Jeanne Robinet, Jean Douce (tous trois aubergistes à La Romagne et à Rocquigny) doivent s’acquitter de cette taxe. Chaque année se tiennent à Rocquigny deux foires (l’une en mai et l’autre en juillet). Un marché hebdomadaire a lieu le jeudi. Pour ces manifestations, les marchands doivent acquitter au seigneur des taxes qui varient en fonction de la place qu’ils occupent (soit six sols sous la halle et quatre deniers en dehors de celle-ci)[2] ;
le droit de rouage s’exerce sur les voitures qui passent sur les chemins de la seigneurie. Il a pour but d’indemniser le seigneur du dommage causé par les roues ;
le droit de tirage, qui est dû pour chaque bête de trait.
[2] Sur la période 1584-1677, les droits et domaines des prévôtés du duché de Mazarin, du comté de Rozoy, de la principauté de Porcien et du marquisat de Moncornet sont répertoriés dans les Archives du Palais princier de Monaco, T 51, anciennement L 9, registre in-quarto, 402 feuillets [la série T comprend notamment les archives du Rethélois et le trésor des chartes du duché de Rethel-Mazarin].
La vente des biens nationaux permet de connaître assez exactement ce que l’on appelle la terre et seigneurie de La Romagne. Elles se composent tout d’abord de tous les droits de justice, rouage, afforage, bourgeoisie, cens, rentes, terrage, lods et ventes. Ensuite, il y a vingt-six arpents de terre, prés, jardins et bois, auxquels s’ajoutent une pièce de bois taillis d’environ quatre cent quatre-vingts arpents et la ferme de la Binotterie.
Une autre cession de domaines (prés, bois, terres labourables et friches) fait état de diverses possessions situées aux lieux-dits l’Enclos, le Long Ruisseau, le Fief, le Petit Woicheux, et même la Bouloi. Elle concerne l’émigré Béranger François Courtin, seigneur de Vaux-Champagne mais aussi de La Romagne, qui possède également une vingtaine d’arpents (environ dix hectares) dans ce village[1].
Les droits seigneuriaux, considérés comme des privilèges, voient leur abolition prononcée le 4 août 1789.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 134 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 127-147 = affiches de la vente et enregistrement des affiches de vente par districts, 1790-an IV].
Etiquette « le cidre de chez nous », Malherbe et Fils, La Romagne (Ardennes), version bleue (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené).
En hiver, l’installation de l’alambic permet aux bouilleurs de cru romanais de fabriquer leur eau-de-vie de fruits.
Afin de pourvoir à tous leurs besoins (on est dans une économie vivrière), les paysans ont des arbres fruitiers, principalement quelques noyers, cerisiers, pruniers appelés aussi balossiers[1]. On fait sécher les fruits ou on cuit des confitures, avant de produire de l’eau de vie (fabriquée d’abord artisanalement dans le cadre familial, et des siècles plus tard grâce à un alambic installé au village).
[1] Ardennisme (la variante orthographique balocier est également attestée).
La poire fondante Thirriot (Pyrus communis L.) est une variété de poire typique des Ardennes.
Il y a aussi des poiriers, qui sont bien moins nombreux que les pommiers, mais qui permettent de fabriquer le poiré, une boisson nettement moins répandue que le cidre. Ils assurent également la consommation de fruits en hiver. La plupart de ceux-ci sont des arbres de plein vent, poussant dans les prairies. Leur origine pourrait s’expliquer par une extension des plantations de la Thiérache, car les espèces sont semblables à celles cultivées en Picardie.
En outre, ces arbres peuvent servir de repères à l’arpenteur pour préparer les lots, en cas de partage des terres entre les héritiers. Les dispositions testamentaires comportent plusieurs cas où les troncs (d’un balossier par exemple) déterminent le marquage. Les mesures de superficie étant loin d’être partout les mêmes, et plutôt complexes, la présence de repères faciles à identifier est nécessaire, afin d’éviter toute contestation ultérieure.
Acheminement des pommes à la cidrerie Malherbe. Avec la mécanisation, la fabrication du cidre à La Romagne, d’abord personnelle et artisanale, devient commerciale et industrielle, donnant un nouvel essor à l’économie locale (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
La fabrication du cidre est attestée par la présence d’un pressoir dans les inventaires après décès (inventaire Letellier) ou par les rôles des tailles postérieurs à 1770. Ceux de 1771 et de 1774 permettent d’identifier six détenteurs d’un dispositif de pressée cidricole[1] :
Nom
Profession
Age
Antoine Bonhomme
Tailleur d’habits
28 ans
Jean-Baptiste Coutier
Maréchal-Ferrant
25 ans
Pierre Devie
Laboureur
48 ans
Thomas Devie
Laboureur
63 ans
François Merlin
Laboureur
Non précisé
Thomas Thomas
Manouvrier
40 ans
Dans le cadre d’une économie vivrière, quelques habitants de La Romagne fabriquent leur propre cidre.
[1]Archives départementales des Ardennes, C 2283 [Série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 2233-2302 = supplément à la série C, administration des domaines, généralité de Metz, bureau de Mouzon, contrôle des actes de notaires et sous-seings privés, tables, 1694-1792].
Embouteillage du cidre aux établissements Malherbe (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Un peu moins d’un siècle plus tard, la succession de J. B. Merlin fait état d’un « bâtiment nature de pressoir », sans compter les soixante-seize hectolitres de cidre que renferment ses caves. Dans une succession de 1913[1], il est fait état de trois pipes de cidre, soit mille huit cents litres, ce qui montre l’importance de cette boisson dans la vie sociale : ce breuvage est destiné non seulement à la consommation personnelle mais aussi à un usage convivial.
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E 14/130, étude de maître Courboin, notaire à Chaumont-Porcien [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].
Les vergers de pommiers se sont beaucoup développés au XVIIIe siècle. Un siècle plus tard, l’étude des actes de successions montre que les vergers sont présents au cœur du village, que ce soit rue Basse avec quelque soixante-dix ares (possession de la famille Merlin ou Devie), ou à la rue Haute et au Courtil Hubert. En 1773, la production est de soixante muids[1] (mesure de Paris) de cidre et de poiré.
Du reste, l’enquête sur le travail agricole et industriel menée sur le canton de Chaumont[2] en 1848 fustige la surconsommation de ce breuvage, qui ouvre la voie à des situations déplorables. La boisson principalement dénoncée est (bien évidemment) le cidre, qui se consomme souvent avec excès.
[1] Ancienne mesure de capacité utilisée pour les liquides, les grains et d’autres matières sèches.
[2]Archives nationales, site de Paris, C 945 [série C = assemblées nationales, fonds coté C 717-17097 = classement thématique par grandes catégories typologiques : sessions, élections, pétitions, lois et résolutions, papiers de la questure, 1814-1962, articles C 908-1026 = papiers et sessions (dossiers des séances) des Assemblées constituante et législative (1848-1851), versement de la Chambre des députés de 1920].
Stockage des bouteilles vides à la cidrerie Malherbe (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Le seul cas de fermage en nature de cidre est évoqué par Monsieur Jean-Marie Caruel : il se souvient que, dans les années 1950, le propriétaire de la ferme qu’exploitait Paul Devie venait toucher annuellement ses fermages. Ils comprenaient quelques tonneaux de cidre, sa boisson favorite. Cela n’est pas banal, on le concèdera, pour un négociant en vins et champagnes !
En-tête de la cidrerie Malherbe Frères, lettre datée de 1930 (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
Une cidrerie est fondée après la première guerre mondiale dans le village par Georges Malherbe, donnant des emplois et un rayonnement régional important à cette entreprise familiale qui perdurera jusqu’au siècle suivant.
Etiquettes « le cidre de chez nous », Malherbe et Fils, La Romagne (Ardennes), versions bleue (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Daniel Sené) et jaune.
Pilage ou broyage des pommes à la cidrerie Malherbe (mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune).
En 1940, les Allemands veulent faire disparaître la production de cidre et procèdent à l’arrachage d’une partie des pommiers qui empêchaient la culture intensive et mécanisée des terres telle qu’ils la voulaient : monsieur René Lelong se souvient, lorsqu’il évoque le passé de son village, d’avoir vu des Allemands ou leurs subordonnés arracher des pommiers dans le hameau de Belair au Plan Fromageot, afin de constituer de grandes pièces de terre. Ils ne parviennent pas totalement à leurs fins. Mais, durant les années qui suivent, la pousse de certains jeunes pommiers garde la trace du passage des chars et des autres engins en se développant assez parallèlement au sol.
Monsieur Michel Mauroy, producteur artisanal de cidre à La Romagne, devant son pressoir à pommes (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Michel Mauroy).
Quant à la fabrication artisanale du cidre, elle se poursuit tant bien que mal, malgré la concurrence d’autres boissons. Le dernier à en produire est monsieur Michel Mauroy (du Mont de Vergogne), qui y adjoint la fabrication de jus de pommes. Mais il cède à son tour cette activité. Si bien que, dans les années 2020, plus aucun Romanais ne fait son cidre…
Plusieurs affaires romanaises ont été jugées au tribunal correctionnel de Rethel.
Carpe commune (Cyprinus carpio). Le carême conduit les moines à développer la carpiculture. En dehors des raisons théologiques, les étangs offrent à surface égale un meilleur rendement que les terres.
En 1510, la pauvreté est si grande à La Romagne que certains des habitants, poussés par cette misère, sont pris à pêcher « à engins et harnois » dans l’étang de Pute Peine[1] qui se situait entre La Romagne, Montmeillant et Angeniville (ancien village proche de La Romagne depuis longtemps disparu). Celui-ci appartenait aux Cisterciens de Signy. Les villageois capturent plusieurs carpes.
Après avoir copieusement insulté les moines, ils doivent promettre de payer l’amende (20 sols[2] pour chacun) et de s’agenouiller devant l’autel de l’église de Signy, afin de demander pardon à Dieu et à Notre-Dame, en disant chacun deux prières (un Notre Père et un Je vous salue Marie).
Le blason communal de Liège est de gueules à une colonne posée sur trois degrés soutenus de trois lions couchés et sommée d’une pomme de pin soutenant une croix pattée, ladite colonne accostée à dextre de la lettre L et à senestre de la lettre G, le tout d’or.
Lors de sa visite, Monseigneur Le Tellier prescrit contre deux cousins germains[1] de La Romagne qui se sont mariés dans le diocèse de Liège[2].
[1] Il n’a pas été possible d’identifier pour l’instant les personnes en question, en raison d’une indication géographique trop vaste (échelle diocésaine) et trop vague.
[2]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 6025 [ensemble de 193 feuillets, plus le feuillet A préliminaire. Les feuillets A, 40-51, 87-100, 118-129, 156-192 sont blancs], Visites des doyennés de Fismes (fol. A v°), La Montagne (fol. 52 v°), Saint-Germainmont (fol. 101 v°) et Rumigny (fol. 130 v°), 1672-1679, texte numérisé d’après un microfilm en noir et blanc de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, MF 32172, consultable en ligne sur Gallica. Voir aussi Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 6026 [ensemble de 178 feuillets, cotés A, 1-151, 151 bis, et 152-176. Les feuillets 31-39, 85-95, 133-139, 151 bis et 175 sont blancs], Visites des doyennés de Mézières (fol. A v°), Mouzon (fol. 40 v°), Grand-Pré (fol. 96 v°) et Rethel (fol. 140 v°), 1673-1682, texte numérisé d’après un microfilm en noir et blanc de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, MF 8174, consultable en ligne sur Gallica. [Nota bene : les cotes Français 6025-6028 correspondent à la série I des registres et journaux de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, écrits de sa main, relatifs à l’administration de son diocèse et à ses tournées pastorales].
Hoffmann, Nicolas, Régiment d’Infanterie (Royal-Comtois) au règlement de 1786, planche gravée et coloriée à la gouache sur vélin, rehauts d’or et d’argent.
La justice royale s’applique dans toute sa rigueur à l’encontre de Nicolas Mereaux, boucher demeurant à La Romagne. Avec d’autres complices, dont Nicolas Germain (soldat au régiment Royal-Comtois) et Pierre Camus (cabaretier à Villers-le-Tourneur), il assassine en août 1779 Jean-François Boutillier, lieutenant des Fermes du roi, à proximité du village dont le dernier mis en cause était originaire.
Avant sa condamnation, Nicolas Mereaux se voit appliquer la question ordinaire et extraordinaire. Il est conduit le 8 mars 1780 sur la place du marché de Reims pour y être flétri[1], avant de purger sa peine (il est condamné à vie aux galères[2]).
De plus, il doit payer 500 livres envers l’adjudicataire des Fermes du roi, 3000 livres de dommages et intérêts pour les enfants mineurs, tandis que le reste de ses biens est confisqué au profit de la royauté. A l’époque, ce jugement (et la condamnation qui s’ensuit) ne peut être ignoré de la population : il est lu, affiché, publié , non seulement à La Romagne, mais aussi dans un grand nombre de villages du ressort de la Commission du roi établie à Reims[3] : Rocquigny, Lalobbe[4], Wasigny, etc.
Il ne faut pas croire que, quels que soient les temps, les villages ne connaissent aucune affaire relevant de la justice. Bien au contraire, une violence plus ou moins latente sourd, et n’attend qu’un moment propice pour se révéler.
Ainsi, le 7 juillet 1808 se déroule aux Houis un fait divers qui a pour victime une jeune femme, âgée de vingt-huit ans et mère d’une petite fille de neuf mois. A la demande de son « bon ami », elle se rend auprès de lui en fin d’après-midi alors qu’il est en train de labourer un champ. C’est à ce moment-là que celui-ci, entré en furie, jette l’enfant à terre. Armé d’un couteau, il se précipite sur la jeune femme et la blesse à la tête, provoquant un « ruissellement de sang ».
La mère et la sœur de la victime se portent à son secours. Après le dépôt d’une plainte, divers témoignages, et le résultat des examens ordonnés par le juge de paix, l’agresseur est traduit une quinzaine de jours plus tard devant le tribunal de police correctionnel de Rethel[1] (audience du 20 juillet 1808).
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 86 2 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = pièces isolées et petits fonds d’origine privée, articles 1 J 86 = documents relatifs au Rethélois (don de monsieur Lefranc, janvier 1951, entrées 163 et 164, articles 1J 86 2 = pièces de procédure et divers], procès pour Marie Simonne Bolle, de La Romagne, pour coups et blessures (1808).
Une autre affaire montre que les sanctions sont extrêmement lourdes en cour d’assises. Ainsi, un jeune habitant de La Romagne, âgé de vingt et un ans, s’introduit nuitamment dans une maison habitée. Il vole de la farine et d’autres denrées. Jugé, il est condamné au carcan et à une exposition en public, ainsi qu’à dix ans de travaux forcés[1].
Le vol domestique est lui aussi sévèrement puni à travers les époques, comme le prouve la condamnation à cinq ans de réclusion d’une Romanaise âgée de cinquante ans. Entrée le 28 août 1829, à la maison centrale de Clairvaux[2], elle y décède quelque temps plus tard.
Le tribunal correctionnel de Rethel juge périodiquement quelques délits concernant des habitants. Les peines sont effectuées à la prison de la ville. De 1841 à 1857, la justice rethéloise s’occupe de vingt-deux affaires, dont quatorze concernent des hommes et sept des femmes[1]. Toutes les condamnations, quel que soit le motif, sont passibles d’une peine de prison variant de quelques jours (vol de récoltes) jusqu’à six mois (vol avec récidive).
Motif
Nombre d’affaires
Vol
12
Coups et blessures involontaires
4
Rébellion
2
Homicide par imprudence
1
Ouverture d’un cabaret sans autorisation
1
Mendicité
1
Banqueroute simple
1
Bien que peu importante, la délinquance est tout de même présente à La Romagne.
La rambour d’hiver est une variété typique des Ardennes, utilisée pour la râbotte (dessert à base de pâte à tarte et de pommes).
Périodiquement, les habitants de La Romagne sont victimes de ce que l’on appelle de nos jours la petite délinquance : ils sont en butte à des sollicitations diverses (vente de petits objets comme des allumettes, demande de gîte pour la nuit dans une grange, etc.) au cours desquelles des individus indélicats en profitent pour dérober du linge, des souliers… D’autres voient disparaître les lapins qu’ils élevaient, constatent des vols de fruits et même des mutilations d’arbres[1].
Depuis la décision de Colbert en 1675, la fabrication et la vente du tabac sont un monopole d’État.
La contrebande constitue aussi un délit et, à proximité de la frontière belge, la plus active est celle du tabac. Elle peut se réaliser parfois à l’aide d’un chien, et certains Romanais (et non des plus jeunes) s’y sont livrés parfois. La condamnation pour colportage de « tabac étranger » coûte à l’un d’entre eux une amende de 300 francs[1], alors qu’un autre est condamné non seulement à une amende de 1500 francs, mais aussi à six mois de prison ferme[2]. La précarité de la situation de chacun de ces mis en cause, manouvrier et domestique, peut être une explication à la transgression de la loi.
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 21, « Police correctionnelle de Rethel : audience du 7 janvier 1890 » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, onzième année, n° 3249, jeudi 9 janvier 1890, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Revolver à six coups (Paul Verlaine en aurait utilisé un de ce type lors de son altercation avec Arthur Rimbaud).
Les procès-verbaux des tribunaux ont disparu en partie, mais le dépouillement de la presse locale permet d’identifier de nombreuses violences, telle cette altercation qui éclate entre deux voyageurs (originaires de Rocquigny) en gare de Draize–La Romagne, et qui se règle, aux dires des protagonistes, par la menace d’un revolver et des coups de bâton bien appliqués[1].
On peut aussi évoquer les violences exercées contre les femmes (on ne citera que quelques cas), surtout dans le cadre de procédures de divorce : l’une, habitante du Mont de Vergogne, n’hésite pas à porter plainte contre son mari, avec qui elle est en instance de séparation, pour injures et bastonnade[1].
Une autre plaide contre son gendre (duquel sa fille est séparée) car, devant le refus des deux femmes de le voir, il ne se contente pas de fracturer la porte de la maison et de briser des vitres, mais aussi de les molester. Parfois, c’est une querelle de voisinage qui entraîne une plainte[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 52, « La Romagne– Coups et blessures » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-sixième année, n° 8839, samedi 11 novembre 1905, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Le profil de la délinquance romanaise est assez divers, comme en témoignent plusieurs cas entre 1933 et 1949 :
Motifs des délits
Nombre d’affaires
Vols
2
Coups et blessures volontaires
5
Délit de chasse
2
Délit de faux poids
1
Outrage
1
Escroquerie
1
Défaut d’autorisation de circuler
1
Blessures involontaires
2
Détention d’armes de guerre
1
Par rapport aux époques précédentes, on note l’évolution du motif des délits.
A un siècle d’écart environ, on constate quelques changements notoires. Tout d’abord, le nombre d’affaires diminue et, pour quatre d’entre elles, trois relaxes et un acquittement sont prononcés. Une seule affaire fait l’objet d’une condamnation à une peine de prison, tandis que des amendes sont davantage infligées. De plus, une seule femme est impliquée pour quinze hommes. Cela montre ainsi une transformation de la société, même si les affaires de coups et blessures restent tout aussi nombreuses[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 5U 468, 5U 671, 5U 672, 5U 688 [série U = justice, sous-série 5U = tribunal de première instance de Rethel]. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, 1050W 50 [série W, archives publiques entrées par voie ordinaire, hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940, sous-série 1050W = tribunal de première instance de Rethel, 1794-1959].
Un différend entre Romanais et Givronais se traduit par des plaintes et met les villages en émoi.
On retrouve périodiquement cette même violence, exacerbée par exemple par la guerre ou par l’intolérance : une altercation met aux prises deux habitants (un homme et une femme) des Houis. Après un vigoureux échange d’insultes, mettant en doute pour l’un son courage et pour l’autre sa moralité, le premier est prévenu d’avoir porté des coups et blessé la seconde, en provoquant une incapacité de travail de vingt jours. Plainte est portée, et l’agresseur est assigné à comparaître devant le tribunal correctionnel. Dans l’intervalle, un arrangement est trouvé, et la plainte est retirée[1].
Dans un autre cas, le motif officiel des violences physiques est dû à l’empiétement sur une propriété privée, mais plus probablement à un conflit latent de voisinage et à de profondes rancœurs entre des habitants du Mont de Vergogne et de Givron. En témoignent plusieurs plaintes déposées par les protagonistes. L’un de ceux-ci, après avoir appliqué quelques claques, montre un certain acharnement : la victime a des plaies au cuir chevelu qui doivent être suturées, et des ecchymoses et blessures sur plusieurs parties du corps, ce qui entraîne une incapacité de travail de plus de quinze jours[2].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1050W 102 [série W, archives publiques entrées par voie ordinaire, hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940, sous-série 1050W = tribunal de première instance de Rethel, 1794-1959].
[2]Archives départementales des Ardennes, 1050W 115 [série W, archives publiques entrées par voie ordinaire, hors état civil, officiers publics et ministériels, postérieures au 10 juillet 1940, sous-série 1050W = tribunal de première instance de Rethel, 1794-1959].
Le cardinal Fesch, oncle de Napoléon Bonaparte, a légué à Ajaccio son terrain de Castelluccio, transformé en pénitencier pour enfants et adolescents en 1855.
Le Second Empire durcit les peines à l’égard des mineurs. Depuis 1840, sous le règne de Louis-Philippe, des colonies agraires, le plus souvent privées, accueillent de jeunes délinquants jusqu’à leur majorité. Mais, avec le changement de régime, ces institutions sont placées sous l’autorité de l’administration pénitentiaire.
Un jeune homme de La Romagne, tout juste âgé de dix-huit ans, y trouve la mort, probablement à cause des conditions de vie et du paludisme (qui règne de façon endémique dans la station de Castelluccio en Corse où il a été envoyé). Il avait été condamné pour incendie dans une ferme de Fleury où il était domestique, alors qu’il avait quatorze ans[1].
Les suicides appartiennent eux aussi aux faits-divers. Ils sont souvent occultés, mais l’un d’entre eux a particulièrement marqué le village, sans que les causes en aient été élucidées. Le percepteur du lieu s’est tiré « tout d’abord un coup de fusil dont la balle lui a mutilé le visage et comme la mort n’avait pas fait son œuvre en s’emparant ensuite d’un de ses rasoirs pour se trancher la gorge au point que la tête a presque été séparée du tronc[1] ».
Qu’est-ce qui a pu pousser un homme âgé d’une trentaine d’années à mettre fin à ses jours d’une manière aussi violente dans la nuit du 14 au 15 mars 1855 ?
[1]Bibliothèque Carnegie, PER CH Atlas 2, « Nouvelles locales » in Le Courrier de la Champagne: journal de Reims, Reims : [s.n.], 1854-1921, lundi 19 mars 1855, n° 407, p. 3 [presse locale ancienne, vue 3/4, consultable en ligne]. [Note sur les numéros : les collections rémoises comprennent les exemplaires n°1, 25 janvier 1854 – 25 décembre 1869 ; 29 septembre 1870 – 10 septembre 1871 [lac.] ; 1er-2 janvier 1876 ; 1er semestre 1878 ; mars-avril 1895 ; 31 décembre 1913 ; 18 avril 1914 ; 7 juin 1914 ; 28 juin 1914 ; 14-15 juillet 1914 ; 22 juillet 1914 – 6 avril 1917 [lac.] ; 30 avril 1919 – 25 septembre 1921].
Pour le catholicisme, les morts, avant le jugement dernier, sont dans un état transitoire ou état de sommeil[1]. C’est en fonction de ce principe que le christianisme a introduit une révolution dans l’aménagement de l’espace funéraire par rapport à la tradition latine : il a voulu que le cimetière soit autour de l’église pour bien montrer les liens qui unissent les vivants et les morts. Celui de La Romagne ne déroge pas à cette tradition.
La fondation du cimetière est contemporaine de la fondation de l’église et, pour les inhumations antérieures à cette date, la question se pose de savoir si elles avaient lieu à Rocquigny.
Traditionnellement, le cimetière doit être clos. En général, il est entouré de haies vives, ce qui fait que sa clôture doit être replantée périodiquement. Lors des visites de paroisses, c’est un des points sur lequel le visiteur porte une attention toute particulière.
[1] Le bas-latin cimiterium dérivé du latin classique coemeterium, désigne un lieu pour dormir, un dortoir.
Après les affres de la guerre de Trente ans (1618-1648) et de la Fronde (1648-1653), celui de la paroisse est encore tout ouvert en 1665, et même postérieurement. La situation s’améliore à partir du début du siècle suivant puisque, lors d’une autre visite, il est dit « qu’il est entouré de toutes parts de hayes vives ». Ces dernières ont dû se détériorer au cours du siècle car, en 1774, le curé signale qu’il y a « quelques hayes vives à l’entour, ce qui ne suffit pas pour le bien fermer ». Une dizaine d’années plus tard, la situation perdure et n’a pas évolué.
Pour persuader les paroissiens d’entretenir leur cimetière, le doyen brandit la menace de l’interdiction (ou impossibilité d’enterrer les morts dans le cimetière paroissial). C’est ce qui se passe pour celui de Montmeillant s’il n’est pas fermé au plus vite, tandis qu’il montre une certaine indulgence à l’égard des paroissiens de Rocquigny, dont la pauvreté est notoire, puisque ceux-ci s’engagent à le fermer dès que les moyens le leur permettront. Or, la lecture des documents montre qu’il s’écoule beaucoup de temps entre la promesse faite et son exécution. Les représentants de l’église savaient composer avec les paroissiens.
Le cimetière est considéré comme une terre sainte d’où doit être exclu toute activité profane et toute violence. C’est pourquoi les comptes rendus de visite signalent qu’à La Romagne, il n’y a pas « de bestiaux qui paissent dans le cimetière et qu’aucune foire ne s’y tient », alors que ce sujet est abordé à maintes reprises pour d’autres paroisses comme Saint-Jean-aux-Bois ou Fraillicourt. Cependant, le cimetière peut être un lieu de réunion et d’information (puisque le curé y lit les ordres royaux ou autres), tout en étant prioritairement l’endroit obligatoire des inhumations.
Depuis le décret du 13 prairial an XII (article 16), c’est le maire et non plus le curé qui se voit attribuer la police et la surveillance du cimetière, ainsi que le droit de nommer un ou plusieurs fossoyeurs. Lorsque les visites paroissiales reprennent après le rétablissement de la religion catholique, celle de 1803 dit « qu’il est ouvert et que la grande porte a besoin d’être réparée » tandis que celle de 1807 souligne qu’il est « à l’abandon, sans murs et sans haies pour le défendre[1] ».
L’entourage du cimetière est un souci pour la communauté villageoise : périodiquement, les lacunes dans les haies sont replantées, tandis qu’en 1883 le remplacement de la porte d’entrée en bois est envisagé au profit d’une porte en fer à claire voie[2]. L’accès aux marches devenant dangereux, des travaux sont décidés en mai 1914. Pour les mener à bien, on utilise des matériaux locaux, dont des pierres provenant de Renwez.
[1]Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].
[2]Archives départementales des Ardennes, 5O, dossier en cours de reclassement au cours de sa consultation, [série O = administration et comptabilité communales, sous-série 5O = travaux et marchés communaux].
En général, l’inhumation à l’intérieur de l’église est réservée aux personnages importants de la paroisse, comme les seigneurs ou leurs proches. C’est le cas :
le 9 octobre 1693 pour Anne de Bouzonville (69 ans), femme du Sieur de L’Auge ;
le 10 octobre 1695 pour demoiselle Renée de l’Auge (32 ans) ;
le 18 mars 1698 pour Renée de Bouzonville (femme de René Duguet).
D’autre part, des membres importants de la communauté paroissiale peuvent bénéficier de ce privilège : on relève l’inhumation dans l’église de Marie Béchet le 14 décembre 1695, ou celle d’un jeune enfant âgé de 17 jours (né le 24 février 1702), fils de François Boudsocq[1]. En dernier lieu, certains curés sont inhumés dans le chœur de l’église de La Romagne : c’est le cas de Louis Potin et de Jean Bataille, tandis que Philippe Hennezel[2] a souhaité, en signe d’humilité, être inhumé dans l’allée et à proximité du porche, pour que les paroissiens marchent sur sa tombe.
En 1776, une déclaration royale interdit désormais l’inhumation dans l’église, ce qui traduit les préoccupations sanitaires des autorités. La paroisse de La Romagne se soumet à ces nouvelles règles. Le sieur Pâté (curé et doyen de Rethel) et Pierre Baudesson (vicaire de Rethel) confirment lors de leur visite de 1783 que « l’on n’enterre pas dans l’église et que les fosses ont la profondeur qu’elles doivent avoir » tandis que lors de la visite à Rocquigny la même année, ils ont remarqué que « les fosses n’étaient pas assez profondes[3]».
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 1 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, 1693-1702, manque l’année 1700], acte de décès, vue 12/38, consultable en ligne.
[2]Archives départementales des Ardennes, 1J 21 9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = pièces isolées et petits fonds (série ouverte), article 1J 21 = histoire du Porcien (dons Didion et abbé Henry, novembre 1949), cote 1J 21 9 = cahier concernant Montmeillant et La Romagne, des extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1860), les familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, des notes par A. Picard].
Alors qu’avant la Révolution, les obsèques étaient purement religieuses, elles associent ensuite l’église et la commune, tout au moins en ce qui concerne la gestion du cimetière : la première garde cependant la prééminence. Rares sont les documents de successions qui font allusion aux frais d’obsèques, mais quelques actes font apparaître que les cérémonies s’élevaient à un peu moins de 50 francs, en dehors de la fabrication du cercueil par le menuisier du village (environ 15 francs) et le creusement de la fosse (8 francs)[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E 14/67, [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série3E = archives notariales, article 3E 14 = dépôt 14, cotes 3E14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].
A partir de 1930, la présence d’un fossoyeur communal ou non apparaît dans les comptes-rendus municipaux. Ainsi, Alcide Dupont, Arthur Bart, Aimé Vuillemet occupent successivement cette fonction, avant que les entreprises de pompes funèbres ne se chargent de faire creuser les tombes.
Le cimetière de La Romagne est donc tout au long des siècles un lieu d’inhumation pour tous les habitants du village. Il est aussi un endroit de repos pour quelques prêtres qui ont été au service de la paroisse tels :
l’abbé Morin (dont Jules Carlier nous dit en 1913 que « La pierre qui supportait la croix en bois érigée sur sa tombe existait encore à fleur de sol et qu’elle se trouvait à quelques pas en avant du portail[1]. ») ;
les curés Noiville et Regnier.
En dehors de ces figures, le cimetière a pu accueillir des vagabonds ou des mendiants, comme celui qui fut trouvé mort à Rocquigny mais qui était habitant de La Romagne.
[1]Bibliothèque Carnegie Reims, CHBM 994, Carlier, Jules, Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien, Rethel : Huet-Thiérard. 1913, 73 p. [Nota bene : l’ouvrage est un tiré à part donné en 1933 par l’auteur. Ce dernier a rédigé initialement quatre articles imprimés dans un périodique ardennais : la première partie est parue dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 37, janvier-février 1913, p. 1-5. La deuxième partie a été publiée dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 38, mars-avril 1913, p. 15-23. La troisième partie a été diffusée dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 40, juillet-août 1913, p. 47 et suivantes. La quatrième partie a été éditée dans Carlier, Jules, « Epigraphie campanaire ardennaise : les Cloches du canton de Chaumont-Porcien » in Annales rethéloises : revue historique et littéraire, Rethel : Huet-Thiérard, 1907-1924 [I-XVIII], septième année, n° 41, septembre-octobre 1913, p. 63 et suivantes].
En l'absence de médicaments, les Romanais disposaient sur leur terroir de nombreuses plantes pour se soigner, comme la rue des jardins, encore appelée rue officinale (Ruta graveolens).
Comme il est important depuis le Moyen Age, pour les familles quelque peu aisées, de se préoccuper du sort des malades, un certain Adam de Galery fait donation en 1286 aux moines de Signy d’une maison avec grange et dix setiers de terre sis à La Romagne. Il y ajoute des rentes en froment pour les besoins des malades, tout en gardant l’usufruit jusqu’à sa mort[1].
Un lieu-dit, assez proche du village mais sur le terroir de Rocquigny, porte le nom de maladrerie : cela atteste (mais surtout rappelle) la présence très ancienne d’un établissement, probablement de petite taille, où l’on regroupe les malades des environs.
[1]Archives départementales des Ardennes, H 205 [série H = clergé régulier avant 1790, cotes H 1-409 = abbayes, prieurés et couvents d’hommes, cotes H 203-237 = abbaye royale de Notre-Dame de Signy, cisterciens, filiale d’Igny, ligne de Clairvaux, commune de Signy-l’Abbaye, cotes H 205-206 = cartulaire (1134-1729) et table (XVIIIe siècle), 1134-XVIIIe siècle].
Les actes de décès faisant mention de la cause de la mort sont rares. Néanmoins, il faut avoir présent à l’esprit les conditions climatiques et météorologiques, l’alimentation souvent insuffisante ou de mauvaise qualité, la misère générale et l’hygiène lamentable des habitations à l’extérieur : les fumiers contaminent souvent les puits, et les immondices s’étalent parfois dans les rues. Depuis toujours, le problème de ces engrais naturels s’est posé pour la qualité de l’eau et l’hygiène des rues dans un premier temps et des demeures, dans un second.
Yersinia pestis (bactérie vue au microscope à balayage).
Bien que l’on n’ait pas de renseignements directs concernant la Romagne, on peut penser que la peste s’est manifestée périodiquement entre 1347 et 1635, puis de nouveau en 1636 comme elle l’a fait, à plusieurs reprises, à Sery ou à Wasigny : une liste des morts et une pierre de l’église y témoignent des nombreuses victimes dues à la contagion[1].
Les années de famine ou de disette s’accompagnent généralement de maladies. C’est ce qui se passe à propos des conséquences de l’hiver 1709. L’on constate pour le village une chute vertigineuse des naissances en 1710, au point que le solde naturel[2] est déficitaire.
Les habitants de La Romagne et des environs doivent faire face à un certain nombre de maladies et d’épidémies. Outre la peste, dont les ravages se font sentir régulièrement, d’autres fléaux reprennent à la fin du 16e siècle. Puis, dès 1701, c’est une « attaque de discentrie » qui les frappe.
[2] Différence entre le nombre de naissances et celui des décès.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-9782642, Meyserey, Guillaume Mahieu de, Méthode aisée et peu coûteuse, de traiter avec succès plusieurs maladies épidémiques, comme la suette, la fièvre miliaire, les fièvres pourprées, putrides, vermineuses & malignes, suivie dans différens endroits du royaume & des pays étrangers, avec les moyens de s’en préserver […], Paris : Veuve Cavelier et fils, 1753, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TE29-4 (A), consultable en ligne sur Gallica.
En 1718 c’est « la suette miliaire » qui se répand à partir de Château-Porcien jusque Wasigny et Lalobbe. Cette maladie ne s’attaque qu’à des sujets robustes, alors qu’elle épargne les enfants et les vieillards. Elle commence par « une sueur sans grande fièvre, un petit mal de tête et une soif ardente[1] ». Du deuxième au quatrième jour apparaît une congestion de la face. Les symptômes peuvent devenir violents très rapidement, et évoluer vers un délire ou un coma. La mort survient en quelques heures. Pour traiter cette maladie, il faut rester alité et suer beaucoup : on donne au malade de l’eau colorée avec du vin, des tisanes et la diète est imposée, même si le malade à très faim.
Considéré comme une mauvaise herbe, le chiendent (Agropyron repens, Elytrigia repens, Elymus repens, Triticum repens) est censé possèder des vertus anti-infectieuses.
De 1733 à 1740 apparaissent rhumes, fluxions et pleurésies. Ainsi, Jean Tâté note qu’entre avril et juin 1741 à Château-Porcien « de nombreux rhumes incommodent les enfants ». Il compare ces maladies à une espèce de claveau[1]. Périodiquement, ces divers maux réapparaissent[2].
La bourrache officinale (Borago officinalis) est une plante annuelle courante en Europe.
Dans les cas des fluxions ou de la toux, on tente de combattre la complication inflammatoire et on essaie de débarrasser les premières voies « des levains putrides qui y séjournent ». On recourt à la saignée, aux purgatifs doux comme « une décoction de casse avec de la manne », à des lavements et aux boissons comme les tisanes d’orge ou de chiendent. Pour la toux, on utilise « des béchiques mariés avec des antiseptiques », de la bourrache avec du kermès minéral.
[1] Maladie due à un poxvirus, qui se traduit par une fièvre élevée, un écoulement des yeux et du nez. Elle est propre aux bêtes à laine.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-TH PARIS-14424, Picard, Louis, « Les Épidémies dans le Porcien et les régions circonvoisines de 1772 à 1782 », thèse de médecine, numéro d’ordre 551, Paris : imprimerie de A. Lapied, 1938, 103 p. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, PERH7 1, Railliet, Georges, « Les épidémies dans le Porcien et les régions circonvoisines de 1772 à 1782 d’après la thèse du docteur Louis Picard », in Bulletin du Comité des amis du musée [publié par la Société d’études historiques et archéologiques du Rethélois et du Porcien], Rethel : Musée du Rethélois et du Porcien, 1931-1939, n° 9, 1939, p. 20-25, notice consultable en ligne.
Le blason régional de la Thiérache est parti, en un coupé en chef fascé d’argent et de gueules de huit pièces et en pointe d’azur aux trois fleurs de lys d’or et en deux d’azur semé de fleurs de lys d’or, sur le tout d’or au lion de gueules.
De 1772 à 1780, les villages ardennais du Porcien sont frappés à tour de rôle par des « fièvres putrides inflammatoires », que l’on qualifierait de nos jours de grippes. On peut aussi noter des dysenteries venues de la proche région de la Thiérache, et plus particulièrement par l’épidémie de Rozoy. Vers novembre 1778, une épidémie de « fièvre pourpreuse » (ou scarlatine) fait son apparition. Grâce aux gelées, elle régresse temporairement, avant de réapparaître vers mars pour disparaître en mai.
La scarlatine est une maladie infectieuse de la peau due à la bactérie Streptococcus pyogenes (vue au microscope, version colorisée).
La grande chélidoine (Chelidonium majus) est une plante de la famille des Papavéracées.
Quelle que soit l’époque, les hommes ont cherché à soulager leurs maux. Le curé de Doumely, Givron et Bégny note vers 1684 quelques remèdes qu’il aurait pu reprendre dans un recueil populaire à l’époque, le Médecin des pauvres. Ce sont des empiriques, pour combattre la « pierre » (ou calculs rénaux).
La gomme du cerisier est en fait due à une maladie de l’arbre nommée gommose.
Le nombre de recettes montre l’importance de ce mal. Elles tentent de soulager les douleurs qu’il entraîne. L’une permet de « rompre la pierre et de faire uriner en moins de trois heures », l’autre propose de la briser quand elle se trouve dans la vessie.
Grande pimprenelle ou sanguisorbe officinale (Sanguisorba officinalis).
Pour cela, il faut mélanger dans du vin blanc de « l’entre-deux des noix, de la racine de chélidoine, de la gomme de cerisier sauvage que l’on a fait brûler jusqu’à ce qu’elle devienne blanche, des racines de guimauve, de la bardane, du persil, du fenouil, des feuilles de saxifrages, de la pimprenelle, des noyaux de ‘pesche’ de nèfles »[1].
Comme son nom l’indique, la rue fétide (Ruta graveolens) dégage une odeur forte et désagréable.
Ce curé propose également une recette pour se débarrasser de la vermine et des puces en particulier. Il faut faire une décoction de « rhue » (probablement la rue fétide, autrefois très utilisée) à laquelle on mêle de l’urine de jument. Heureusement que nos ancêtres n’avaient pas la même sensibilité olfactive que la nôtre !
Pour la santé, il faut aussi relever l’influence du climat et du travail. L’humidité de la région est propice aux rhumatismes articulaires, à l’arthrite et aux autres maladies liées à un sol humide. Les actes notariés[1] indiquent parfois que certaines personnes âgées sont dans l’incapacité de signer en raison de tremblements, bien qu’elles aient su autrefois, ou parce qu’elles ne peuvent plus se mouvoir. La difficulté du travail fait apparaître des déformations du squelette et bien souvent les dos sont courbés avant cinquante-cinq ans.
Le froid, lui, favorise les congestions. C’est ce que l’on constate dans ce secteur, surtout pour les mois de janvier et de février, lorsque les journaux du XIXe siècle relatent, dans la rubrique des faits divers, les causes de décès. Nombreux sont les hommes victimes de ce mal foudroyant lorsqu’ils sortent de leur maison, ou qu’ils se déplacent sur les chemins pour vaquer à leurs occupations.
[1]Archives départementales des Ardennes, 3E 14/139 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E 14/1-324 = archives notariales de Chaumont-Porcien et Seraincourt].
La puce de rat Xenopsylla Cheopis est responsable de la transmission du typhus murin, notamment via les céréales (vue au microscope, version colorisée).
La première moitié du XIXe siècle voit encore des épidémies comme celles du typhus, qui éclatent en 1812 et 1814 à Rethel et dans sa région, et qui sont liées aux passages de troupes.
Typhus exanthématique, transmis par le pou de corps et la bactérie Rickettsia prowazekii (vue au microscope, version colorisée).
En 1832, dès le mois de mai, le choléra est présent, il se manifeste par des signes avant-coureurs (pesanteur dans la tête, jambes coupées, dévoiements d’entrailles). Il fait des ravages si importants que 59% des malades du canton de Chaumont-Porcien décèdent.
Bactérie Vibrio cholerae (vue au microscope, version colorisée).
Cette maladie est connue dans la région et n’en est pas à sa première apparition. Les journaux jouent un rôle dans l’information ou dans la diffusion de traitements, en publiant des articles recommandant des mesures d’hygiène. Ces dernières nous semblent élémentaires de nos jours, mais elles n’étaient pas évidentes à l’époque.
Un hebdomadaire[1] rappelle qu’il faut éviter d’avoir dans les maisons des volatiles qui peuvent causer l’infection, ou d’avoir des cours avec un amas d’excréments, d’urine, de fumier et autres immondices. Un pharmacien de Rethel, monsieur Misset, rue du Grand Pont, y fait une publicité, qui se recommande tout de même du docteur Larrey ! Elle concerne des ceintures protégeant du « choléra-morbus ». Leur efficacité est certainement très improbable, mais cela permet de comprendre la peur que déclenche cette maladie.
Le camphrier (Cinnamomum camphora) a été utilisé contre l’épidémie de choléra en 1831–1832.
Quant aux autres remèdes proposés, sont-ils plus efficaces ? Il faut mettre le malade dans un lit modérément chaud, et surtout ne faire aucune application extérieure comme les vésicatoires ou les sinapismes. Ensuite, on prépare une solution qui consiste à dissoudre une partie de camphre dans six parties de fort alcool, puis à en donner quelques gouttes au malade sur un peu de sucre, et ce jusqu’à ce que les symptômes soient moins alarmants. Espérons que c’était au moins agréable pour le malade, à défaut d’être souverain !
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LC11-849, Feuille d’affiches, annonces et avis divers des arrondissemens de Rethel et Vouziers, 1re année, n° 1 (1821) -12/13e année, n° 657 (13 oct. 1832) [?], Rethel : Impr. de Beauvarlet, 1821-1832, onzième année, n° 603, samedi 17 septembre 1831, recto-verso.
Autrefois, le chirurgien-barbier ne pouvait pas pratiquer tous les soins. Il se contentait de pratiquer les saignées, les pansements, les petites opérations et l’arrachage des dents. Le premier dont on trouve la trace dans l’état civil est Jean Berthot (époux de Jeanne Triffont), décédé en 1678[1]. L’officier de santé, dont la fonction a été créée à partir de la Révolution, fait office de médecin uniquement dans le département où il a été reçu, sans en avoir le titre.
Pour les fractures ou déplacements, on fait appel à des empiriques ou rebouteux. Cependant, comme en témoignent certains comptes de tutelle dressés après décès, on a aussi recours à un chirurgien (dont les fonctions sont très différentes de celles exercées de nos jours). Au début du XVIIIe siècle, on peut citer Remacle Merlin, maître chirurgien, Charles Devigny ou, un peu plus tard, Bertin (chirurgien à Chaumont). Il n’est autre que celui qui habitait auparavant à la Romagne, et dont on trouve trace dans le rôle des tailles de 1771. Il exerce conjointement avec Antoine Pardaillan, lui aussi de La Romagne, ou il le remplace. Parfois, on a recours à un chirurgien plus éloigné, tel Berton (chirurgien à Wasigny). Il est ainsi appelé pour soigner Louis Letellier. Sans résultats, hélas !
En 1743, il existe à la cense de la Viotte, paroisse de La Férée, un chirurgien oculiste dénommé Jean Palmier. A ce jour, aucun document ne permet de savoir où il exerçait son art, quels étaient ses patients et dans quels domaines précis il les traitait. A la Romagne résidait Gérard Merlin (marié à Jeanne Leblanc, qui était chirurgien. A partir de 1780, les habitants peuvent aussi avoir recours à Louis Lambert Marache, maître en chirurgie qui exerce à Rocquigny.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 21 9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = pièces isolées et petits fonds (série ouverte), article 1J 21 = histoire du Porcien (dons Didion et abbé Henry, novembre 1949), cote 1J 21 9 = cahier concernant Montmeillant et La Romagne, des extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1860), les familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, des notes par A. Picard].
Reconstitution de l’apothicairerie de l’Hôtel-Dieu de Saint-Louis (Charleville), ensemble présenté au Musée de l’Ardenne.
Le dépouillement des registres de l’hôpital de Charleville[1], qui subsistent encore pour la période antérieure à la Révolution, fait état de la prise en charge d’au moins trois habitants :
Marguerite Delangre, épouse d’Etienne Gasque dit « La Bonté », hospitalisée à deux reprises (d’abord en 1754, puis en 1779) ;
Marie-Catherine Arnoult, épouse de Guillaume Varlet, admise en 1786 ;
un adolescent, François Varlet, fils de Guillaume Varlet, en 1782.
La durée moyenne du séjour est de quinze à vingt-cinq jours, sans qu’aucune indication ne vienne expliquer pourquoi ces habitants ont été soignés aussi loin de leur demeure. Cela est d’autant plus étonnant qu’il existait un hôpital à Château-Porcien, certainement plus pratique d’accès.
Ensuite, et jusqu’au début du XXe siècle, on ne connaît rien des maladies qui ont pu atteindre la population villageoise. Les registres accessibles de l’hôpital de Rethel[2] font surtout état d’appendicites chez des sujets jeunes, de quelques fractures (dont une mortelle), de congestions pulmonaires ou de bronchites sévères. Ce n’est pas nouveau, compte tenu des conditions de vie liées au travail nécessitant de fréquents va-et-vient entre l’extérieur et l’intérieur.
[1]Archives départementales des Ardennes, F1 [série F = fonds divers se rattachant aux archives civiles entrés avant 1940, cotes F 1-58 = état des fonds subsistants, première partie, cotes F1-3 = manuscrits de l’abbé Bouillot (1758-1833), notices diverses sur l’histoire des Ardennes, 1800-1827].
[2]Archives départementales des Ardennes, documents divers [série HDEPOT = archives versées ou déposées par les établissements hospitaliers, sous-série HDEPOT/RETHEL = fonds de l’hôpital-hospice de Rethel (1714-1958)].
Saint Gorgon, martyr romain de l’époque de Dioclétien, est fêté le 9 septembre.
Les Romanais, dans l’espoir d’une guérison, se rendent au très ancien pèlerinage de Chaumont-Porcien, auquel il est déjà fait allusion bien avant la Révolution. Il permet, le lundi de Pentecôte, d’honorer à la fois saint Berthauld et sainte Olive, invoqués pour protéger des fièvres. Sinon, il se rendent à celui du Fréty qui existe aussi depuis des temps immémoriaux, et qui est réputé pour la guérison des écrouelles, des maladies nerveuses, de la goutte, des rhumatismes, et des douleurs quelles qu’elles soient. Là, ils prient saint Gorgon.
Mortier de pharmacie en marbre avec son pilon (datation estimée du XIXe siècle).
A la fin du XIXe siècle est mis en place, souvent de façon rudimentaire, un service médical gratuit pour les nécessiteux. La Romagne y adhère, moyennant le versement de trois francs par indigent. Les communes peuvent se faire inscrire auprès de la préfecture, afin de bénéficier de ce service pour les plus pauvres de leurs habitants. Les médecins et pharmaciens, qui voient ces patients désargentés, envoient à la fin de chaque exercice la note de leurs honoraires, et reçoivent en retour une somme proportionnelle au nombre de malades. Ce montant ne représente pas toutefois la totalité des frais[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 25, « Une question intéressante » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, treizième année, n° 3994, dimanche 14 février 1892, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne]. Voir aussi Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 25, « Une question intéressante » [chronique locale et régionale, suite et fin], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien, Charleville : [s.n.], 1880-1944, treizième année, n° 3999, vendredi 19 février 1892, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Trop souvent, par manque de sécurité, les cultivateurs sont victimes d’accidents tel celui, tragique, du 21 février 1849. Ce jour-là, Jean-Baptiste Lantenois, jeune homme âgé d’une vingtaine d’années, trouve la mort en voulant arrêter un taureau furieux qui parcourait les rues du village et aurait mis ainsi la vie des habitants en danger.
La presse locale ancienne, dontLe Petit Ardennais, nous renseigne également sur la fréquence des accidents spécifiques à la vie à la campagne. Il donne aussi une indication sur l’âge des victimes. C’est tout d’abord un jeune garçon de quatorze ans (Jules Thonnelier), qui doit être amputé après s’être blessé avec une serpe, lorsque la gangrène se déclare quelque temps après (28 janvier 1905).
C’est ensuite un domestique (Aristide Carbonneaux) qui, monté sur une voiture, fait un faux mouvement, tombe de celle-ci, ce qui provoque de nombreuses contusions et une incapacité de travail durant quinze jours (22 avril 1906). C’est aussi une femme (Adolphine Dela, 66 ans), blessée par une vache qui s’est élancée sur elle, l’a frappée de deux coups de cornes dans l’estomac et l’épaule, entraînant des contusions et une fracture de l’épaule (novembre 1906).
Un tombereau est un véhicule à deux roues destiné au transport des marchandises.
Le transport et la conduite de chargements divers mettent en évidence les dangers qui guettent les domestiques de culture. Théophile Davenne, qui conduit un tombereau chargé, tombe si malencontreusement qu’une des roues lui contusionne grièvement la jambe gauche.
Ce même type d’accident guette également les transporteurs de charrois de pierres, très souvent victimes des blocs abandonnés par d’autres charretiers pour caler momentanément leurs véhicules : âgé de 26 ans, Charles Créquy tombe, entre la gare et La Romagne, sous la roue de sa voiture chargée de roches. Il a le crâne brisé. Son corps est retrouvé quelques instants plus tard (février 1890).