Selon l’INSEE[1], « Le recensement de la population a pour vocation principale de mesurer le nombre d’habitants sur un territoire et d’en connaître les caractéristiques socio-démographiques[2]. »
De tels dénombrements remontent à l’Antiquité. L’un des plus connus est celui de l’empereur Auguste[1], lors duquel Joseph et Marie doivent être répertoriés à Bethléem.
[1] Contrairement aux affirmations de l’évangéliste dans Luc, II,1-5, le recensement de Quirinius en Judée et en Syrie ne serait pas la version régionale d’un dénombrement global. Si l’activité censoriale augustéenne est attestée, son homogénéité est contestée.
En ce qui concerne la France, le comptage des habitants est confié avant la Révolution aux curés, qui informent l’intendant de la province du nombre de feux et de communiants dans leur paroisse. Ils se fondent alors sur le calcul suivant : un feu comprend en moyenne quatre personnes, et un communiant représente généralement trois habitants.
Le premier recensement postrévolutionnaire date du 20 floréal an VIII[1]. Ensuite, ils sont très réguliers et, à partir de 1876, ils se déroulent en théorie tous les cinq ans. C’est en cela que le recensement de 1918 à La Romagne peut susciter des interrogations, le précédent ayant eu lieu en 1911. Il y aurait dû en effet en avoir un en 1916, ce qui n’est pas le cas. La période de guerre explique ce décalage[2].
[2] Une annulation s’observe pour la Seconde Guerre mondiale, le recensement passant directement de 1936 à 1946.
Celui qui est prévu en mars 1906 intègre un nouvel élément, en dehors de ceux précédemment relevés (nom, prénom, âge, lieu de naissance, adresse, profession, personnes vivant à la même adresse). Ce sont les caractéristiques des habitations. Jusqu’en 1918, aucune liste nominative ne peut être consultée pour La Romagne. Ces documents semblent avoir disparu, à l’exception de quatre feuillets concernant le recensement de 1911, à l’état de conservation très lacunaire[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1, [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série F = population – économie – statistiques, sous-série F1 = population : mouvement, recensement (liste nominative, récapitulatif), 1911-1931], dénombrement de 1911, pages non paginées, [vues 1/4 et suivantes, non consultables en ligne à la date du 11 novembre 2024, en cours de numérisation.]
L’existence d’un recensement à la date du 1er février 1918 est très curieuse, puisque la guerre n’est pas terminée[1]. Comme le village est encore sous le joug allemand, ce document est certainement unique, sans que l’on sache parfaitement pourquoi. Aux archives départementales des Ardennes, il n’en a été trouvé aucun autre, concernant les villages du canton de Chaumont-Porcien, répertorié à cette date.
[1] Outre le traité de Versailles, le 28 juin 1919, quinze autres traités ont été signés entre 1918 et 1923 pour mettre fin à la guerre entre les différentes parties.
Il contient des renseignements sur les familles romanaises, sur des réfugiés, sur les activités imposées à la population par les Allemands. Il pallie l’absence d’autres sources, telles que des comptes rendus des réunions d’habitants (si le conseil municipal est dans l’impossibilité de tenir séance).
Quant aux archives des villages occupés par l’administration allemande, elles ont disparu dans les bombardements de mai 1940, alors que l’on tentait de les mettre à l’abri.
Le dénombrement de 1918[1] fait état de deux cent soixante-dix-neuf habitants, dont dix-sept sont absents : ce sont essentiellement les mobilisés. Il en reste donc deux cent soixante-deux, auxquels une note en ajoute deux, sans précision d’aucune sorte.
Sur la liste établie de la page 2 à 10, il est fait état de deux cent quatre-vingt-sept personnes présentes dans le village. Elles sont numérotées de 1 à 279, l’ordre alphabétique est respecté, tandis que, du numéro 280 à 287, il s’agit soit d’un ajout, soit d’un rectificatif, dont le but est d’être au plus près de la réalité.
Un certain nombre de noms est biffé. Il s’agit de personnes faisant partie des colonnes civiles, étrangères à la population romanaise. Il est possible de distinguer les autochtones des réfugiés, ou des personnes déplacées au gré des besoins allemands.
Le 30 janvier 1918, vingt-deux personnes sont ainsi rayées des listes nominatives. Au 1er décembre1917, elles se trouvaient à Herbigny[1]. Elles doivent se rendre à Mesmont[2].
[1] Actuellement, localité de Justine-Herbigny, commune du département des Ardennes, région Grand Est.
Trois enfants, âgés de cinq à sept ans, sont contraints de suivre leur mère vers cette nouvelle destination, alors qu’ils ne vivaient à La Romagne que depuis deux mois. Outre les difficultés liées à la guerre, leurs conditions de vie sont encore plus difficiles et déstabilisantes, à cause des changements imposés.
Une seconde vague de trente-cinq personnes arrive de manière échelonnée pour le battage[1]. Ce sont principalement des femmes (vingt-cinq), dont dix-huit sont sans profession, quatre appartiennent à la catégorie des ouvrières (une giletière, une écorceuse[2], deux couturières), deux travaillent dans le service (une ménagère[3] et une servante), et la dernière est employée de commerce.
Les hommes sont principalement des journaliers. Les Allemands choisissent les catégories les plus pauvres, et s’assurent ainsi d’une plus grande docilité. Les départs se font au plus tôt le 13 août, pour se terminer le 1er octobre.
En dehors de ces habitants temporaires, La Romagne compte plusieurs familles de réfugiés. Deux d’entre elles ont reçu l’ordre de quitter leurs villages respectifs, Merlet (hameau d’Aguilcourt[1]) et Courcy[2], en raison des opérations militaires sur le front de l’Aisne.
Leur arrivée date du même jour à La Romagne, le 26 novembre 1914. La troisième a vu son village, Liry[3] (à proximité de Vouziers[4]), occupé par les Allemands. Son arrivée est plus tardive, le 2 octobre 1915.
La première famille se compose du couple Victor et Louise Millart[1], de leurs douze enfants et des grands-parents maternels, Emile Gentilhomme et sa femme Eglantine Lemaire. Tous ont évacué avec un tombereau attelé à un cheval, et ont marché le plus souvent tout au long de leur parcours.
Ce dernier, qui dépasse les cinquante kilomètres, passe de Bertricourt[2] à Asfeld[3], puis à Condé-lès-Herpy, Chaumont-Porcien, Givron, les Fondys[4] et enfin La Romagne[5]. On ignore le nombre de jours parcourus sur la route.
[1] Najman, Nadine, Un seul ciel pour tout le monde : histoire d’une famille de 1914 à 1918, Vanves : Édition du bout de la rue, « Témoignages », 2024, 285 p. [Trois chapitres sont consacrés à l’évacuation vers La Romagne (Ardennes), pages 103-109 ; 170-173 et 233-239. Des éléments sont repris sous une forme synthétique dans ce passage, avec l’accord de l’auteure de l’ouvrage.]
Portrait de Raymond Millart enfant, photographie ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en sépia), légendée à l’encre bleue au verso « Raymond Millart né le 28 mars 1912 vers 1916 à La Romagne Ardennes évacué de Merlet où se trouvait le front pendant la guerre 1914-1918 », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Nadine Najman).
Les premiers temps, les Millart sont répartis entre plusieurs lieux de la commune. Mais la mère, qui souhaite voir sa famille réunie, demande un logement aux autorités allemandes. Elle obtient une maison au n° 18 de la rue Haute[1], avec pour voisin Alfred Mauroy, tandis que les grands-parents logent rue Basse (au n° 73), dans le voisinage d’Ernest Marandel.
Par deux fois, le séjour de cette famille à La Romagne est endeuillé : deux enfants naissent, un garçon en novembre 1915, et une petite fille en juillet 1917. Le premier décède le 14 mars 1916, et la seconde le 31 juillet 1917[2].
[1] Tous les numéros indiqués correspondent aux recensements de 1918 et de 1921.
[2]Archives départementales des Ardennes, 2E 369 10 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, cote 2E 369 10 = années 1913-1945, registre 1913-1939 : naissances, mariages, décès.] Exemplaire de la mairie de La Romagne, consulté avec l’aimable autorisation de René Malherbe, maire de la commune.
Najman, Nadine, Un seul ciel pour tout le monde : histoire d’une famille de 1914 à 1918, Vanves : Édition du bout de la rue, « Témoignages », 2024, 285 p. Collection personnelle de l’auteure.Jean Malherbe.René Paul Malherbe.Portraits de Jean Malherbe (né le 20 février 1913 à La Romagne) et de René Paul Malherbe (né le 19 avril 1914 à La Romagne), photographies anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées à l’encre bleue au verso « Jean Malherbe La Romagne 1916 » et « René Malherbe La Romagne 1916 », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Nadine Najman).
Sauf Louise, la mère, et les enfants les plus jeunes, qui en sont dispensés, le père, les fils aînés, et les adolescentes, sont réquisitionnés pour les colonnes civiles et le travail agricole. Deux des jeunes filles sont employées à la scierie de Montmeillant[1].
L’une d’elles, Emilienne, échappe par la suite à ce travail ingrat, en gardant Jean et René, les deux premiers enfants du couple Georges Malherbe et Lucie Bonpart.
Cartes postales allemandes anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées « Mühle Merlet » (« Moulin Merlet ») ; « Mühle Merlet nach Beschießung durch französische schwere Artillerie » (« Moulin de Merlet après le bombardement par l’artillerie lourde française. ») ; « Merlet. Blick auf die Mühle. Feldzug 1914/15 » (« Merlet. Vue sur le moulin. Campagne de 1914/15. ») ; « Innere Ansicht der Mühle Merlet nach Beschießung durch französische schwere Artillerie. » (« Vue intérieure du moulin de Merlet après un bombardement par l’artillerie lourde française. ») ; « Merlet (Frankreich) Mühle u. [und] Gehöft. Feldzug 1914 – 1915. » (« Merlet (France). Moulin et ferme. Campagne 1914 – 1915. ») ; « Merlet. Mühle » (« Merlet. Moulin. »), collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy et madame Monique Millart). [Nota bene : en paléographie allemande, l’écriture cursive (Kurrentschrift) se reconnaît à ses angles aigus. Fixée au XIXe siècle, elle a été enseignée jusqu’au début du XXe siècle.]Cartes postales allemandes anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées « Dorf Merlet nach Beschießung durch französische schwere Artillerie. » (« Le village de Merlet après le bombardement par l’artillerie lourde française. ») ; « Merlet (Frankreich) Straßeansicht. Feldzug 1914 – 1915. » (« Merlet (France) vue de la rue. Campagne 1914 – 1915. ») ; « Merlet (Frankreich). Feldzug 1914 – 1915 » (« Merlet (France). Campagne 1914 – 1915. ») ; « Merlets letze Mauerreste, Frühling 1915. » (« Derniers vestiges de murs à Merlet, printemps 1915. ») ; « Straße in Merlet. » (« Rue de Merlet. »), collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy Millart et de madame Monique Millart).
Cette famille regagne Merlet au début de 1919. Mais, comme sa ferme est totalement détruite, elle doit vivre dans des baraquements spécialement construits pour accueillir les populations de retour.
Elle subit cette situation dans l’attente de la reconstruction de son habitation, ce qui demandera quelques années. Les aïeuls sont restés à la Romagne, pour des raisons de santé. Jules Maximilien Gentilhomme y décède le 16 avril 1919[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 2E 369 10 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, cote 2E 369 10 = années 1913-1945, registre 1913-1939 : naissances, mariages, décès.] Exemplaire de la mairie de La Romagne, consulté avec l’aimable autorisation de René Malherbe, maire de la commune.
Carte postale française ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en sépia), légendée « Merlet-Aguilcourt (Aisne). Rue menant à Aguilcourt », éditée par Lessire-Millot, café-tabac, collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy et madame Monique Millart).
Vue aérienne de Merlet, hameau d’Aguilcourt (Aisne), photographie en couleurs, collection privée (avec l’aimable autorisation de monsieur Guy et madame Monique Millart).
Portrait d’Anastasie Zénaïde Loutsch née Warnet, photographie ancienne en noir et blanc, tirage monochrome en sépia, collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Magalie Petit, son arrière-arrière-petite-nièce).
La deuxième famille se compose de Courcéens[1] : Dominique et Zénaïde Loutsch. Ils n’arrivent pas ensemble. Alors que la femme, Zénaïde, se retrouve à La Romagne le même jour que la famille Millart, son mari ne la rejoint que le 2 août 1915, en provenance de Tavaux[2].
[2] Actuellement, Tavaux-et-Pontséricourt, commune du département de l’Aisne, région Hauts-de-France.
Archives départementales de la Marne, 35 Fi 1 [Série Fi = documents figurés et assimilés entrés par voie extraordinaire (photographies, cartes postales, dessins, gravures ou estampes, cartes et plans, affiches) ; sous-série 35 Fi = guerre 1914-1918], cliché positif représentant un paysage de guerre en 1914-1918, auteur anonyme, légendé et daté sur le montage « V. 322. Vue prise en première ligne dans la région des cavaliers de Courcy (Marne), 15 janvier 1916. », tirage argentique d’époque en noir et blanc monté sur carton, 1916, notice descriptive consultable en ligne.
Eux aussi ont dû fuir la ligne de front, où Allemands et Français se disputent le secteur des Cavaliers de Courcy. Ce sont deux levées de terre, de part et d’autre du canal de l’Aisne à La Marne, où les belligérants ont creusé des tranchées. Dominique et Zénaïde vivent au n° 43 de la rue Haute.
Reproductions modernes de photographies allemandes anciennes en noir et blanc (tirages monochromes en sépia), légendées « Der Ausbruch des Brandes zu Liry » (« Le déclenchement de l’incendie à Liry ») ; « Das Weitergreifen des Brandes in Liry » (« La poursuite de l’incendie à Liry [Ardennes] ») ; « Nach sechsstündigen Brande Liry » (« Liry [Ardennes] après six heures d’incendie », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Odette Corneille).
La troisième famille réfugiée est une famille de cultivateurs de Liry, à une soixantaine de kilomètres. Elle est constituée du couple formé par Elisée et Thérèse Camuzet, auxquels s’ajoutent Esther Camuzet Cartelet, et deux fillettes, Marie, née en 1909, et Berthe, en 1913. Ils habitent tous ensemble au n° 55 de la rue Haute. Ils sont arrivés le 8 novembre 1915. Lorsqu’ils regagnent leur village, ils le découvrent presqu’entièrement détruit.
Reproduction moderne d’une photographie allemande ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en rouge), représentant un incendie à Liry (Ardennes) pendant la Première Guerre mondiale, collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Odette Corneille).
Reproduction moderne d’une photographie ancienne en noir et blanc (tirage monochrome en sépia), légendée « Liry [Ardennes] 1919. La cloche a été enlevée par les Allemands en 1916. », collection privée (avec l’aimable autorisation de madame Odette Corneille).
La vie laborieuse des Romanais se poursuit, malgré toutes les difficultés engendrées par les bouleversements de la vie quotidienne, et l’arrivée de réfugiés. Les archives de 1918 font apparaître que cinquante-quatre personnes travaillent, dont sept femmes (quatre couturières, une servante, une cultivatrice et une institutrice), et quarante-sept hommes (le curé étant exclu de ce comptage, puisque son activité relève d’une vocation, et non d’un métier au sens strict).
Parmi ces derniers, trente-huit sont en lien avec l’agriculture (vingt cultivateurs et dix-huit journaliers), et les neuf autres exercent diverses professions (instituteur, négociant, appariteur), ou sont artisans (deux maréchaux-ferrants, deux vanniers, un couvreur, un cordonnier). La mobilisation a restreint cette dernière catégorie. Et l’absence d’un boulanger dans ce recensement est notable.
Se pose, d’autre part, le problème du repérage des maisons, à une époque où la poste n’a pas encore fixé leur numérotage[1] dans les villages, et ce, pour faciliter la distribution du courrier.
En s’appuyant sur les recensements de 1918 et de 1921, l’on constate qu’en 1918, la ferme Marandel (n° 64 de la rue Haute) devient le n° 1 de cette même voie en 1921, et que l’identification du bâti pourrait se faire éventuellement en zigzag en 1918 : on compte d’un côté les maisons contiguës puis, s‘il y a une place vide, on compte celle du trottoir opposé.
Dans l’état actuel de la recherche, il semblerait très hypothétique de déterminer quelle logique a été suivie. Tout au plus pourrait-on supputer, sous toutes réserves, qu’elle aurait été inspirée par l’occupant allemand[1].
[1] Parallèlement à la Straßenweise Hufeisennummerierung (numérotation en fer à cheval rue par rue), fixée par un arrêté du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III le 28 septembre 1799, il existe bien d’autres systèmes, de diverses époques, encore utilisés, de façon partielle, cumulative, et parfois sous des formes hybrides, dans certaines villes d’Allemagne, tels qu’une ortschaftsweise Durchnummerierung (numérotation continue par localité), une viertelweise Durchnummerierung (numérotation continue par quartier), une blockweise Nummerierung (numérotation par blocs), une wechselseitige oder Zick-Zack Nummerierung (numérotation alternée ou en zigzag), un block decimal system ou Philadelphia system (système décimal par blocs, ou système de Philadelphie), un metrischesSystem (système métrique), et enfin un dekametrisches System (système décamétrique). Sans compter que, depuis la mise en place de la loi du Grand Berlin (Gross-Berlin-Gesetz) le 1er octobre 1920, il n’est pas question dans cette ville de numérotation des maisons (Hausnummerierung) mais des terrains (Grundstücksnummerierung).
Sans certitude sur le mode de numérotation, il est difficile d’identifier précisément où se trouvaient les domiciles des trois familles évoquées précédemment. Cependant, en 1921, un certain nombre de maisons vides apparaît, tant rue Haute que rue Basse.
Il se pourrait qu’elles correspondissent aux habitations occupées par les troupes allemandes, et les réfugiés, pendant le conflit. Il est d’autre part impossible de formuler cette hypothèse pour les hameaux et les écarts, les maisons ayant disparu de nos jours, à quelques exceptions près.
Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/F 1, [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série F = population – économie – statistiques, sous-série F1 = population : mouvement, recensement (liste nominative, récapitulatif), 1911-1931], dénombrement de 1921, pages non paginées, vues 1/14 et suivantes, consultables en ligne.
En 1921, tous les réfugiés, et les populations déplacées, ont quitté le village depuis un peu plus de dix-huit mois. La population s’est stabilisée, et compte désormais deux cent cinquante-neuf habitants[1], répartis dans quatre-vingt-quinze maisons sur l’ensemble du terroir de La Romagne.
Deux cent quatorze (82,6 %) habitent dans les soixante-douze maisons du village proprement dit, et quarante-cinq (17,37 %) vivent dans les vingt-trois maisons des hameaux et des écarts. La rue Langlet n’accueille plus que quatre foyers en 1921, contre cinq en 1918. La rue Canon, un seul au lieu de deux.
Alors que le taux de natalité est au plus bas durant la Première Guerre mondiale, il reprend au retour de la paix : dix naissances sont à noter depuis la fin des hostilités jusqu’au 25 mars 1921.
La population active est de quatre-vingt-sept personnes, qui se répartissent en soixante-dix-huit hommes et six femmes adultes, plus trois apprentis mineurs. Ainsi, une proportion de 33,6 % des deux cent cinquante-neuf habitants est active, tandis que les 66,4 % dits sans profession comptabilisent les personnes âgées, les enfants, et les mères au foyer.
Plusieurs d’entre elles s’occupent en fait d’un élevage domestique, et notamment de la traite, sans qu’elles soient officiellement comptabilisées comme actives : elles ne reçoivent aucun salaire.
La reprise administrative étatique montre un maillage jusque dans les plus petites communes. Les employés d’Etat, municipaux, et cantonaux, sont représentés par le percepteur, l’instituteur et l’institutrice, le garde-champêtre, et un employé de la voirie cantonale. Les chemins de fer étant encore constitués de compagnies privées[1], les deux employés concernés sont classés à part.
Par rapport au recensement de 1911, une diminution s’amorce : La Romagne a perdu vingt-deux habitants en dix ans, soit 7,8 % de sa population. Ce phénomène se remarque davantage dans les hameaux, où la décroissance la plus visible est celle des Houïs : ce hameau perd douze habitants sur les vingt-huit qu’il comptait avant le déclenchement du conflit.
C’est à la fois une des conséquences de la Première Guerre mondiale, de la poursuite du phénomène d’exode rural amorcé au siècle précédent, du développement de l’enseignement, et de l’intérêt pour des métiers aux salaires fixes, sans aléas liés à la nature.
Le drapeau français prend une dimension particulière le 11 novembre, jour de commémoration de l’Armistice de 1918. En ce jour de mémoire, il symbolise non seulement les valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité – mais aussi l’hommage rendu aux soldats tombés pour la France lors de la Première Guerre mondiale. Arboré lors des cérémonies, le drapeau rappelle le sacrifice et le patriotisme de ceux qui ont combattu pour protéger ces idéaux, unissant ainsi la nation dans le souvenir et le respect.
L’analyse comparative des recensements de 1918 et de 1921 à La Romagne met en évidence l’impact singulier de la Première Guerre mondiale sur les Ardennesfrançaises, une région lourdement et directement affectée par les combats.
Ce département a été en effet marqué par l’occupation allemande, les destructions massives de villages, les exils forcés et les déplacements de populations, autant d’événements qui ont profondément bouleversé la structure sociale et économique locale.
De fait, les hostilités ont laissé des séquelles durables sur la démographie de la région, et les premiers efforts de retour à la normalité se sont heurtés aux conséquences de la guerre.
La spécificité des Ardennes en fait donc un lieu emblématique pour comprendre l’après-guerre en France. Ici, la reconstruction s’est confrontée aux blessures matérielles et humaines laissées par le conflit. Ainsi, le 11 novembre, fête particulièrement commémorée, en plus d’honorer la mémoire des soldats, rappelle également les épreuves traversées par les civils ardennais.
Le premier moulin romanais pour lequel on a quelques indications date de 1246 environ. Il est un don de Roger II de Rozoy et de sa femme aux moines de Signy-l’Abbaye[1], alors qu’ils envisagent encore d’être inhumés dans l’abbaye cistercienne. Ceci ne se réalise pas, puisque tous deux choisissent finalement de reposer dans l’abbaye de Chaumont, à laquelle ils sont profondément attachés[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, 2Mi 34 [série Mi = reproductions d’archives sous forme de microfilms, sous-série 2Mi = microformes de sécurité], microfilm reproduit d’après l’original des archives départementales des Ardennes, H 203 [série H = clergé régulier avant 1790, fonds H1-409 = abbayes, prieurés et convents d’hommes, articles H 203-237 = abbaye royale de Notre-Dame de Signy, cisterciens, filiale d’Igny, ligne de Clairvaux, commune de Signy-l’Abbaye, cote 203 = cartulaire (XIIIe siècle), 1134-1250], pages 427, 429, 433, passim.
En réalité, en dotant ainsi les moines de Signy de la moitié du moulin, Roger II reconnait ses torts envers cet établissement, puisqu’il l’a établi tout près du bois d’Angeniville, sur un fonds appartenant à cette communauté.
Il donne ensuite la seconde partie du moulin contre une redevance en grains, et fait obligation aux habitants de La Romagne d’aller moudre, soit à ce moulin, soit à celui de Draize[1], appelé par la suite « Pute Peine ». Tous deux dépendent de cette même abbaye.
Lieu-dit du Grand Moulin à Vent. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
En 1270, Clémence, comtesse de Saulmes, ratifie les dons que Roger II et sa femme ont faits à l’église de Signy de « vivier[1] de molin et des appartenances qui sieent desous la Romaingne[2] », et donne une partie des terres qu’elle possède à La Romagne avec un second moulin.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2008-20343 < Vol. 1 >, Martin, Gérard-Adolphe, Essai historique sur Rozoy-sur-Serre et les environs : comprenant une grande partie de la Thiérache et du Porcien et quelques communes du Laonnois, Paris : le Livre d’histoire, « Monographies des villes et villages de France », 2007, tome I, 642 p. p. 389.
Lieu-dit du Petit Moulin à Vent. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le terroir de la Romagne ferait-il à cette époque état de trois lieux-dits portant le nom de Petit Moulin à Vent, de Grand Moulin à Vent, et de Côte du Moulin à Vent ? Ces trois lieux sont en tout cas inscrits dans la matrice cadastrale 1836-1914[1], mais ne sont plus occupés alors que par des terres cultivables.
[1] Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Carte des Naudin avec vue sur La Romagne (Ardennes).Carte de Cassini avec vue sur La Romagne (Ardennes).Portion de carte référencée « Naudin Ch 20 ouest » fournie à l’auteure par l’Institut national de l’information géographique et forestière – Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53095169, Baillergeau (topographe ; cartographe) ; Luc (cartographe) ; Durocher (cartographe) ; La Villette (cartographe) ; Chalmandrier, Nicolas (graveur) ; Le Roy le jeune (graveur en lettres) ; Cassini de Thury, César-François (cartographe ; éditeur scientifique), Carte générale de la France, n° 78, feuille 43e [Charleville-Mézières – Sedan], échelle au 1 : 86400 [ou 1 ligne pour 100 toises], 1 carte en couleurs ; 60 x 95 cm, [s. l.] : Thévenart ; Aubert, 1759-1760, vue 1/1, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, GE FF-18595 (78).
Un autre bâtiment assez proche, le moulin du Bois Martin, est détruit très probablement au moment des guerres de Religion. Il n’est reconstruit que bien plus tard, vers 1728, car il est utile aux gens de Montmeillant[1] et de La Romagne. Sa présence est attestée[2] par son inscription sur une carte des Naudin[3], puis sur la 43e feuille publiée de la Carte générale de la France (dite « carte de Cassini »), levée entre 1755 et 1758, vérifiée en 1759, et éditée en 1759-1760[4].
[4]Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-53095169, Baillergeau (topographe ; cartographe) ; Luc (cartographe) ; Durocher (cartographe) ; La Villette (cartographe) ; Chalmandrier, Nicolas (graveur) ; Le Roy le jeune (graveur en lettres) ; Cassini de Thury, César-François (cartographe ; éditeur scientifique), Carte générale de la France, n° 78, feuille 43e [Charleville-Mézières – Sedan], échelle au 1 : 86400 [ou 1 ligne pour 100 toises], 1 carte en couleurs ; 60 x 95 cm, [s. l.] : Thévenart ; Aubert, 1759-1760, vue 1/1, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, GE FF-18595 (78).
Les terres du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, section et numéro de feuille D1 : la Cour Avril et le Bois Diot, 1835, consultable en ligne.
Auparavant, un des seigneurs du village avait fait construire un moulin, dont l’existence est certaine en 1633. C’est le moulin Garrot[1], dont on peut retrouver quelques meuniers à partir des rôles des tailles pour le XVIIIe siècle.
Pour les suivants, ce sont les actes d’état civil ou notariés qui permettent de les identifier. Ce moulin tient certainement son nom de messire Jadin Garot, qui était lieutenant en la baronnie de Chaumont, et qui résidait à la Romagne. Ce qui est attesté en 1628 dans un bail de droit de pêche de l’étang de Denizy[2].
[1] Ou Garot. Avant une réforme de l’orthographe française en 1835, les graphies sont plus aléatoires, et le nom des lieux-dits varie souvent davantage d’un document à l’autre.
[2]Archives nationales, site de Paris, T 471, liasse 12 [série T = papiers d’origine privée tombés dans le domaine public, articles T 1-982 = papiers séquestrés pendant la Révolution, provenant de particuliers émigrés ou condamnés (1e partie), cote T 471 = papiers de Louis Bruno, comte de Boisgelin de Cucé, et de Marie Stanislas Catherine de Boufflers, son épouse.]
Année
Noms des meuniers
1702
Jean Deschamps
1712-1714
Jean Deschamps et sa femme Jeanne Georget
1720
Jeanne Georget (veuve de Jean Deschamps)
1725
Nicolas Deschamps
1729
Jean Cugnart
1731
Joseph Gusse
1737-1738
Jean Deschamps
1742
Jean Dromart
1750
Louis Condé
1760
Jean Leblanc
1811
Jean-Baptiste Boudié ou Boudier
1813-1829
Pierre Boudesocq – Jean-François Devie et Victoire Devie
En l’an II[1], il est nécessaire de recenser les moulins pour avoir une idée des ressources alimentaires et fournitures aux armées[2]. Les Ardennes comptent 685 moulins à roues perpendiculaires, 44 à roue horizontale et 94 à vent[3]. En 1810, le Rethélois compte 142 moulins, dont 57 à vent, 83 à eau et 2 à vapeur[4].
[1] Du calendrier républicain. Correspond aux années 1793 et 1794 du calendrier grégorien.
La présence d’un moulin était un atout pour un village, et ce d’autant plus que les habitants faisaient leur pain à la maison[1]. C’est ainsi qu’un moulin est présent dans de nombreux villages environnants, comme à Draize, La Hardoye[2], Saint-Jean-aux-Bois[3], Rocquigny[4], Maranwez[5], Librecy[6].
Ce dernier, construit en 1604 par Hugues de Maupinois, et resté en fonction jusqu’en 1964, avait à l’origine deux roues en bois et deux paires de meules[7].
[1] Au XIXe siècle, les boulangeries font arriver la farine des minoteries.
[2] Actuellement, commune associée de Rocquigny, du département des Ardennes, région Grand Est.
Lieu-dit du Petit Moulin à Vent (détail). Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le moulin à vent a pu être la propriété de Jean-Baptiste Boudier, puisque c’est lui qui le loue moyennant 400 francs annuels pour une durée de 9 ans à partir de 1817[1] à François Boudsocq[2]. Un acte notarié est signé auprès d’un notaire nommé Fréal. Les archives de celui-ci ont disparu, comme beaucoup d’autres documents de ce secteur, cible de nombreuses guerres.
[1]Archives départementales des Ardennes, 3Q 1299 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 3Q = enregistrement et timbre, depuis l’an VII], registre des enregistrements du canton de Chaumont-Porcien, qui signale un acte notarié signé chez Fréal, notaire, le 2 mars 1817.
[2] Né le 27 octobre 1788 à Dizy-le-Gros (actuellement, commune du département de l’Aisne, région Hauts-de-France), et marié le 24 décembre 1810 à La Romagne.
Archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, section et numéro de feuille D1 : la Cour Avril et le Bois Diot, 1835, consultable en ligne.
Le moulin Garrot est situé sur la parcelle 449 du cadastre de 1835[1]. Les lieux-dits du Moulin Garrot, du Pré du Moulin Garrot et de la Cour du Moulin Garrot sont attestés sur la matrice cadastrale 1836-1914[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Bail du moulin Garrot signé le 5 décembre 1840. Archives départementales des Ardennes, 3E 35 122 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E 1-276 = archives notariales de Charleville.]
Un bail concernant le moulin Garrot[1] est signé le 5 décembre 1840, en présence de deux témoins, Joseph Decary et Jacques Flamin (habitants de Wasigny[2]), en l’étude de maître Victor Cailteaux, notaire de cette bourgade.
Lieu-dit de la Cour du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
François Modeste Lepinois, meunier et propriétaire de ce moulin, le loue à Joseph Noël, ancien meunier résidant à Grandchamps[1], pour neuf années consécutives à dater du 25 mars 1841. Une somme annuelle de 280 francs est à payer le jour d’entrée en jouissance du bien, et, les huit années suivantes, à chaque anniversaire.
Lieu-dit du Pré du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Ce moulin est un moulin à eau « à une tournure[1] », et diffère en cela du moulin du Merbion (commune de Saint-Jean-aux-Bois[2]), monté « à l’anglaise[3] », qui est la propriété de Prudence Gérarde Merlin en 1811.
[3] La roue hydraulique entraîne plusieurs meules.
Lieu-dit du Pré Haut du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
C’est un bâtiment construit en bois, couvert en ardoise, « nature de cuisine[1] », avec une petite « ravallée[2] » au levant[3], également en bois, et couverte de paille. En outre, la location comprend trois arpents[4], qui se composent de terres et « versennes »[5], de sol à froment, de clos et de prés.
[1] Expression notariale qui signifie « avec une cuisine ».
[2] Variante orthographique de « ravalée », ici une sorte d’arrière-cuisine.
Ces terrains ne sont pas isolés : ils touchent au chemin et à divers propriétaires du village. L’alimentation en eau se fait par le ruisseau du Moulin Garrot, dont la naissance se compose de plusieurs petites sources se réunissant à proximité du lieu-dit La Favée.
Signatures du bail du moulin Garrot le 5 décembre 1840. Archives départementales des Ardennes, 3E 35 122 [série E = état civil, officiers publics et ministériels, sous-série 3E = notaires, articles 3E 1-276 = archives notariales de Charleville.]
Les clauses du bail sont assez draconiennes. Il est interdit au locataire de sous-louer le bien, en tout ou partie, à un autre meunier, ce qui semble être malgré tout parfois pratiqué[1]. En aucun cas, il ne peut être indemnisé, ou obtenir une réduction du loyer, et ce, que ce soit en cas de chômage, de sécheresse, d’inondations, ou d’eau gelée. Mais il se doit de bien cultiver les terres, de les fumer, et de respecter les roies[2].
[1] Ainsi, le meunier Modeste Claise de La Hardoye loue en 1820 le moulin à Jean-Baptiste Lefèvre pour 1 250 francs. Un an après son entrée en location dans celui-ci, ce dernier le sous-loue à Brice Poncelet. Voir archives départementales des Ardennes, 3Q 1299 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques, sous-série 3Q = enregistrement et timbre, depuis l’an VII.]
[2] Pratique en lien avec l’assolement : « L’ensemble des terres était partagé en trois grands blocs appelés ‘soles’ dans le Bassin parisien, ‘roies’, ‘champs’ ou ‘saisons’ ailleurs. », selon L’Encyclopædia Universalis.
Les terres du Moulin Garrot. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Les propriétaires, eux, s’engagent à faire construire, pour le mois de juin 1841, un bâtiment « nature de grange[1] », et couvert de chaume, là où il conviendra, dans les environs du moulin. Ce dernier a été démoli quelques années après sa construction.
Moulin à vent de Théophile Boudsocq, qui se trouverait sur la parcelle 285 du cadastre de 1835 (archives départementales des Ardennes, La Romagne D1 1835, cadastre ancien, plan parcellaire avec une partie développée à l’échelle 1/1250, section et numéro de feuille D1 : la Cour Avril et le Bois Diot, 1835, consultable en ligne).
Ce n° 285 est cité dans la matrice cadastrale 1836-1914 des archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Mais d’autres documents évoquent le n° 385. Voir Archives départementales des Ardennes, 3P 369 [série P = finances, cadastre, postes depuis 1800, sous-série 3P = cadastre et remembrement.]
En 1841, Théophile Boudsocq fait construire un moulin à vent, soit sur la parcelle 285[1] (qui se trouve au lieu-dit du Poirier de la Croix[2]), soit sur la parcelle 385[3]. En 1866, il sera détruit[4].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le métier de meunier se transmet dans un milieu familial. C’est le cas pour les descendants de Jean Baptiste Suan[1], originaire de Draize, meunier à La Neuville-lès-Wasigny[2], époux de Marie-Anne Merlin (née à La Romagne).
Son activité est reprise par son fils Nicolas Alexis, marié à Béatrice Liberté Legros, et lui-même meunier au moulin du Merbion. Sa femme loue ce dernier[3] avec ses dépendances, terres et prés à un certain Jullien[4], pour neuf ans et neuf mois, le 19 novembre 1845.
[1] Né en 1747 à Draize et décédé en 1812 à La Neuville-lès-Wasigny.
[4] Le prénom n’est pas noté dans l’enregistrement. Ce dernier indique que l’acte a été signé auprès du notaire Pottier.
Démolition du moulin à vent de Théophile Boudsocq en 1866. Archives départementales des Ardennes, 3P 369 [série P = finances, cadastre, postes depuis 1800, sous-série 3P = cadastre et remembrement.]
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les moulins traditionnels, qui assurent la fabrication de farine, disparaissent au profit de moulins à vapeur. Ceux-ci s’orientent vers d’autres productions industrielles, comme la fabrication de colorants. Le Moulin à couleurs d’Ecordal[1], fondé en 1866, est le dernier du genre dans les Ardennes.
Lieu-dit de la Cote du Petit Moulin. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section B dite de la Bouloie et aux Houïes hautes, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Cette transformation, liée à la révolution industrielle, est majeure. Les moulins traditionnels dépendaient des conditions météorologiques et de la disponibilité de ressources naturelles, telles l’eau. Les moulins industriels produisent quant à eux de manière continue.
Les anciens engrenages en bois sont remplacés par des systèmes en métal, plus durables et puissants. Les meuniers traditionnels, autrefois artisans, voient leur rôle diminuer, face à des ouvriers chargés de superviser des machines dans des usines.
Moulin à vent de Théophile Boudsocq sur la parcelle 285 du cadastre. Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/G 2 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série EDEPOT/ROMAGNE[LA] = fonds concernant La Romagne ; série G = cadastre, articles G 1-3 = cadastre parcellaire unique et centralisé dit « cadastre napoléonien », cote G 2 = matrice cadastrale des propriétés foncières, 1836-1914], Administration des contributions directes, Cadastre : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus : section D dite de la Cour Avril et du Bois Diot, Paris : imprimerie de P. Dupont et G. Daguionie.
Le passage d’une économie rurale et artisanale à une gestion industrielle et urbaine, entraîne des conséquences sur la société et l’environnement. La disparition des moulins à eau et à vent, dans les Ardennes en général, et à La Romagne en particulier, conduit à une transformation des métiers et des terres.
Le pavoisement des édifices et bâtiments publics avec le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge est obligatoire le 14 Juillet.
Quatre-vingts ans environ se sont écoulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelques mois après la victoire, Alcide Cugnart, maire de La Romagne, écrit un discours pour le 14 Juillet[1] 1945.
Il y évoque l’histoire de la fête nationale et de sa capacité à unir le peuple français. C’est avec joie que la population romanaise retrouve la commémoration de cette journée républicaine.
Ce document d’époque a été transmis par Virginie Périn, son arrière-petite-fille, et est publié avec son aimable autorisation. Son édition diplomatique respecte les règles typographiques employées par l’auteur.
[1] « Les noms de fêtes s’écrivent avec une capitale initiale au nom caractéristique et à l’adjectif qui éventuellement le précède ». De même, « Lorsqu’une date est mentionnée pour évoquer un événement historique et que l’année n’est pas indiquée, le nom du mois prend une capitale initiale. ». En revanche, « Il s’écrira normalement si cette même date n’indique que le jour où s’est produit l’événement sans représenter son contenu historique », selon le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale.
« Mes chers concitoyens,
Enfin, après de longues années d’angoisse, nous pouvons célébrer en toute liberté notre fête nationale !
Discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Page 1 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Depuis les jours sombres de 1940, lorsqu’arrivait la date du 14 juillet, nos cœurs se serraient encore plus car, loin de pouvoir nous réjouir, nous avions la vue de l’ennemi détesté, maître de toute notre chère France, qui nous enlevait toutes nos libertés et voulait faire de nous un peuple d’esclaves.
Chassons de notre mémoire ces heures et ces pensées douloureuses et ne songeons qu’à la solennité qui doit émouvoir tous les cœurs républicains. Sa date, glorieuse entre toutes, nous rappelle un des événements les plus décisifs de notre Histoire.
Aujourd’hui, il n’y a plus de sujets ni de despotes, il n’y a que des citoyens instruits de leurs droits et de leurs devoirs, libres, et qui célèbrent avec gratitude l’anniversaire de leur émancipation.
Page 2 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Ce qu’était la Bastille[1] que le peuple renversa en 1789, je ne vous l’apprendrai pas. Forteresse, prison, tombeau où pourrissaient ensemble coupables et innocents, selon le caprice des grands, elle se dressait comme le symbole, le signe visible du despotisme[2] royal.
[1] La Bastille Saint-Antoine est une forteresse érigée au XIVe siècle sous Charles V. Elle protégeait la route de Vincennes à Paris. Elle devient ensuite une prison d’état. En 1789, il n’y avait plus que sept prisonniers. Elle est détruite au lendemain du mardi 14 juillet 1789 par Pierre-François Palloy (1755-1835) un entrepreneur de travaux publics et architecte.
Son existence et sa fonction étaient la conséquence du régime du bon plaisir et des lettres de cachet[1]. Son nom seul épouvantait les plus braves. Sa masse puissante et sombre, son profil dur, ses murailles hautes et muettes cadraient bien avec ce pouvoir absolu dont elle était la signification et comme le rempart.
Eh bien, en 1789, dans un élan de généreuse colère contre l’injustice et l’oppression des rois, le peuple de Paris s’empara par la force de cette forteresse qui était impénétrable et qu’on regardait comme imprenable. Et il rendit à la liberté les victimes d’une autocratie[1] qu’il était enfin las de subir.
Page 3 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Brusquement, dans le flamboiement des châteaux, les privilégiés[1] virent apparaître ce prolétariat[2] auquel ils n’avaient point pensé. Une révolution sociale était faite. Le principe était proclamé de l’égalité de tous les Français et de la suppression de tous les privilèges.
[1] Les privilèges honorifiques, fiscaux ou judiciaires.
« La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » (Constitution du 4 octobre 1958, article 2, version en vigueur depuis le 05 août 1995).
Ce principe s’inscrivait bientôt dans la déclaration des Droits de l’homme[1]. Et notre devise nationale resplendissait de 3 grands noms : Liberté ! Egalité ! Fraternité ! Fraternité !
Que notre vie se passe dans la Fraternité, dans cette belle, vivante, agissante Fraternité qui, après avoir uni la rude main calleuse de l’ouvrier et la main toute blanche de l’écrivain ou du fonctionnaire, met en contact les cœurs et les âmes.
[1] Cette déclaration est inspirée des principes des Lumières. Elle définit les droits naturels de l’homme, les droits politiques du citoyen, et reconnaît le principe de la séparation des pouvoirs.
Page 4 du discours du 14 juillet 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart † (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Pourquoi restons-nous fidèles à cette pieuse cérémonie ? c’est que chacun de nous obéit à l’impulsion du plus noble des sentiments qui peuvent soulever l’âme humaine : le souvenir.
Un peuple ne doit pas en effet oublier ceux qui sont morts pour lui donner cette liberté qui lui a ouvert les voies du bonheur et du progrès.
Le pavoisement des édifices et bâtiments publics avec le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge est obligatoire le 14 Juillet.
Cette année, nous prendrons part à notre Fête nationale avec l’enthousiasme, la joie de notre liberté totale. Et nous communierons ensemble dans cette réconfortante pensée que la Fête de la Nation[1] est la fête de famille de l’ensemble des Français. »
[1] La fête de la Fédération est célébrée le mercredi 14 juillet 1790 pour commémorer le premier anniversaire de la prise de la Bastille. Le mardi 6 juillet 1880, le 14 Juillet devient fête nationale française. C’est un jour férié avec un défilé militaire et des festivités tels des feux d’artifice et des bals populaires.
Bicentenaire de la Révolution, 1989, défilé de La Romagne (Ardennes) à Draize (Ardennes), enfant à la grosse caisse & madame Geneviève Fleury en arrière-plan. Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Afin de remplacer les fêtes religieuses qui ont eu cours jusqu’à la Révolution, l’idée de créer des fêtes civiques est inscrite dans la Constitution présentée au roi par l’Assemblée nationale en septembre 1791[1].
Elles ont pour but d’attacher tous les citoyens à la Constitution, de maintenir entre eux la fraternité, et de garder le souvenir de la Révolution, mais aussi de rappeler l’homme à la pensée de la divinité. Aux fêtes des 14 Juillet et 10 Août, s’ajoute donc une fête de l’Être suprême[2] le 20 prairial an II (8 juin 1794).
[1] Adoptée le 3 septembre, elle est promulguée le 14 septembre 1791 à la suite de la prestation du serment royal.
[2] A l’initiative de Robespierre l’assemblée révolutionnaire introduit le 19 floréal an II (8 mai 1794) le culte de l’Être suprême. La fête de la nouvelle divinité, sans nom et sans visage, coïncide avec le dimanche de la Pentecôte ou 8 juin 1794 (20 prairial an II).
Le nouveau calendrier est adopté le 14 vendémiaire an II (5 octobre 1793). Il divise l’année en douze mois de trente jours, et le mois en trois parties ou décades. Le dixième jour, ou « décadi », est consacré au repos et aux fêtes, tandis que les écoles vaquent.
Ce jour-là, les membres de l’administration municipale, de la justice de paix, et les fonctionnaires publics du canton doivent se réunir et se rendre, précédés de représentants de la garde nationale de chaque commune, au temple décadaire.
Là, le président de l’administration du canton[1] fait lecture à l’assemblée des citoyens du bulletin décadaire, de circulaires ou d’adresses[2] diverses, avant que des hymnes patriotiques ne soient chantés.
[1] A cette époque, La Romagne dépend du canton de Rocquigny (Ardennes).
[2] Écrits ou discours présentés à une autorité par une assemblée.
Lors de l’organisation de l’instruction publique par un décret du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), il est décidé que, annuellement, on instituerait dans chaque canton sept fêtes : celles de la Fondation de La République, de la Jeunesse (le 10 germinal ou 30 mars), des Epoux (le 10 prairial ou 30 mai), de la Reconnaissance, de l’Agriculture, de la Liberté et des Vieillards (le 10 fructidor ou 27 août).
Puis le conseil des Cinq-Cents ajoute une fête de la Souveraineté du peuple par un décret du 11 pluviôse an VI (30 janvier 1798). A Rocquigny (Ardennes), se déroulera le 10 germinal an IV (30 mars 1796) une fête de la Jeunesse pour tout le canton, grâce à la volonté de certains représentants locaux du peuple. Toutes les fêtes décrétées ne sont cependant pas célébrées.
Vidéo Fife & Drum – Veillons au Salut de l’Empire, musique napoléonienne, consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Fifres et tambours de Fréjus.
La fête du 10 Thermidor an VII (28 juillet 1799), qui se déroule également à Rocquigny (Ardennes), a pour but de rassembler toutes les fêtes républicaines. Elle a soigneusement été organisée, afin de revêtir une grande solennité.
Aux membres habituels s’ajoutent un tambour, un peloton de la garde nationale sédentaire et son drapeau, une musique qui exécute en particulier « Allons enfants de la patrie[1] » ou Veillons au salut de l’empire[2], avant d’en interpréter d’autres, parmi lesquels celui composé par un professeur de l’Ecole centrale (le citoyen Haguette).
L’ensemble du cortège officiel et tous les citoyens présents se rendent ensuite auprès de l’arbre de la liberté, où s’ouvre un bal public qui dure jusqu’à la nuit, et où ont lieu divers jeux.
[1] Premier couplet du Chant de guerre pour l’armée du Rhin, passé à la postérité sous le titre de la Marseillaise, après avoir été chanté par les fédérés de Marseille lors de l’insurrection des Tuileries le 10 août 1792.
[2] Ce chant révolutionnaire de 1791, sur des paroles d’Adrien-Simon Boy (1764-1795), chirurgien en chef de l’armée du Rhin et jacobin de Strasbourg, reprend l’air de Vous qui d’amoureuse aventure, courez et plaisirs et dangers, tirée de l’opéra-comique Renaud d’Ast par Nicolas Dalayrac (1753-1809). Il est à noter que le mot « empire », qui rime avec « conspire », est employé ici dans le sens d’une « autorité politique souveraine » telle que la définit le Dictionnaire de l’Académie française.
Monsieur Maurice et madame Germaine Malherbe devant le « poupli », ardennisme pour désigner un peuplier. Photographie en noir et blanc, transmise par monsieur Guy Malherbe, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Pour fêter les changements intervenus avec la Révolution, une plantation d’arbres de la liberté est décidée dans les villes et villages de France.
« On enracina en 1792 à la Romagne, sur la place du village, un Peuplier d’Italie[1]. Celui-ci prospéra et, sans que l’on ne sache ni quand ni comment, il fut déplacé, replanté sur la route de Draize[2], et dénommé le ‘poupli’[3] par les anciens. Cela ne le gêna en rien, il atteignit au moins trente mètres de haut, et se voyait de loin. Après de nombreuses décennies, il se dessécha, et il fallut le supprimer, mais il laissa encore pour quelques années un souvenir à travers son immense souche. »
[1]Populus nigra var. italica ou Peuplier noir d’Italie. [2] Dans le département des Ardennes, en région Grand Est. [3] Pouplie est le nom donné en patois de la Champagne à un peuplier.
Selon le témoignage auriculaire de Pierre Malherbe, qui tenait cette information d’Alcide Cugnart (1897-1973), maire de la commune de 1930 à 1965.
En 1889, La Romagne, comme toutes les communes de France, veut donner un éclat particulier au centenaire de l’ouverture des Etats généraux[1], qui se traduit par un vin d’honneur offert aux pompiers, des salves d’artillerie, et un bal pour la population. La tradition est mise en place, et va se perpétuer désormais chaque année.
Bicentenaire de la Révolution, 1989, défilé de La Romagne (Ardennes) à Draize (Ardennes), enfant à la grosse caisse. Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Bicentenaire de la Révolution, 1989, défilé de La Romagne (Ardennes) à Draize (Ardennes), enfant à la grosse caisse & madame Geneviève Fleury en arrière-plan. Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Bicentenaire de la Révolution, 1989, enfants avec drapeaux sous un vieil arbre de La Romagne (Ardennes). Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Quant au premier arbre de la liberté, il trouve un successeur dans un tilleul, dont l’achat est acté lors de la séance du conseil municipal du 16 février 1989 pour commémorer le bicentenaire de la Révolution française (1789-1799).
Bicentenaire de la Révolution, 1989, plantation d’un arbre de la liberté à La Romagne (Ardennes). Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Une ancienne tradition est respectée chaque année, et ce jusque tard dans le XXe siècle : il s’agit du charivari ou chambardement. Gare aux imprévoyants qui oublient de rentrer les instruments agricoles et autres objets, ou qui attachent mal leurs volets car, le matin du 1er Mai, ils risquent de les retrouver sens dessus dessous dans des endroits incongrus !
Charivari ou chambardement du Premier Mai. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
La fête patronale, dont se réjouissent les habitants, et pour laquelle la musique est traditionnellement choisie et payée par les jeunes gens, réapparait dès les années vingt (après quatre ans de privations, de tristesse et de peur). C’est un moment privilégié et attendu pour rencontrer la parentèle et les amis.
La date de cette fête varie selon les époques ; elle a lieu le dernier dimanche de septembre jusqu’en 1938 inclus. Puis, de 1939 à 1957 (exceptées les années de guerre), elle se déroule l’avant-dernier dimanche du mois d’août : cette date, moins tardive en saison, permet d’avoir un temps en général meilleur et des journées encore assez longues.
Elle ne se révèle pas aussi favorable que l’avait pensé la municipalité. D’autres fêtes se déroulent en même temps à la Neuville-lès-Wasigny (Ardennes), ou à Rozoy-sur-Serre (Aisne), et une partie de la jeunesse des environs boude celle de La Romagne. C’est pour cette raison qu’à partir de 1958, la fête locale se déroule désormais le dimanche précédant le 15 août. Dans les années 1950/1960, elle a lieu les dimanche et lundi.
Programme de la fête patronale de La Romagne (Ardennes) les dimanche 19 et lundi 20 août 1945. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Quelques jours auparavant, l’arrivée d’un forain qui installe balançoires, manège et boutiques de confiseries, stands de tir à la carabine à plomb, de chamboule-tout, etc., séduit la population.
Stands forains et enfants dansant pour leur premier bal. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Fête foraine & manège, photographie en couleurs. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
C’est aussi un moment très intense pour le boulanger, qui pétrit et cuit une quantité plus importante de pains qu’à l’ordinaire, ainsi que des brioches et des gâteaux mollets, recette emblématique des Ardennes.
Ce fameux dimanche, les Romanais et leurs invités se rendent, pour la plupart, à la messe célébrée par le curé de la paroisse. A la sortie, après une visite au cimetière sur les tombes des ancêtres (où l’on dépose quelques fleurs), quelques-uns vont prendre l’apéritif au café, avant de regagner leur maison, où les attend un copieux et long repas, souvent confectionné à partir de produits tirés de l’élevage domestique, du jardin et du verger.
Pour accompagner le café servi à l’issue de ce moment, une part de gâteau mollet est proposée, ainsi qu’un petit verre d’eau-de-vie de fruits ou de la crème de cassis.
Fête à La Romagne (Ardennes) le dimanche 9 août 1950, photographie en noir et blanc, tirage sépia (collection privée, transmise par monsieur Guy Malherbe, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Musiciens à La Romagne (Ardennes). Photographies anciennes en couleurs d’après des diapositives, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Tout le monde ensuite se prépare pour le bal apéritif. L’orchestre, composé de quelques musiciens (dont un accordéoniste), parfois juché sur une charrette à foin, joue des airs entraînants ou plus langoureux, dont la Mattchiche[1] ou la Valse brune[2]. Le soir, c’est le grand bal, qui dure tard dans la nuit.
[1] Paroles de Léo Lelièvre (1872-1956) et Paul Briollet (1864-1937), arrangement de Charles Borel-Clerc (1879-1959). L’interprétation de Félix Mayol (1872-1941) l’a rendue célèbre.
[2] Paroles de Georges Villard (1879-1927) et musique de Georges Krier (1872-1946).
Bal populaire et camion de la société Malherbe et Fils. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Vidéo Mattchiche, consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne Guy Béart.
Vidéo André Grassi et son orchestre – Valse brune, consultable en ligne sur Youtube pour la chaîne BnF collection sonore – chanson française.
Le lendemain, au cours de la messe du matin, le curé n’omet pas de rappeler le souvenirs des morts, et invite la communauté à prier pour eux.
Joueurs de boules en bois portant des bachis publicitaires en papier crêpon de marque Atlantic (chaudières, pompes à chaleur, chauffe-eau) ; mesure des distances. Photographies anciennes en couleurs d’après des diapositives, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
L’après-midi, on joue aux boules en bois[1]. Parfois, les équipes s’accordent une petite pause, le temps d’écouter l’aubade donnée devant un petit groupe de maisons. Le dimanche suivant, c’est le « réchaud ». Cette reprise des festivités se termine sur un dernier bal.
[1] Ce sport de rue se pratique encore aujourd’hui dans des boulodromes grâce à des associations ou des fédérations de boulistes ardennais. Il a ses concours et ses championnats.
Joueurs de boules de la famille Malherbe en juilllet 1931, photographie ancienne en noir et blanc, tirage sépia (collection privée, transmise par monsieur Guy Malherbe, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Ces jeux de boules sont l’une des grandes distractions des dimanches, si bien que dans l’entre-deux-guerres, des concours sont organisés entre les différents villages des environs, tantôt à Montmeillant (Ardennes), tantôt à Rocquigny (Ardennes), ou à La Romagne. Ils connaissent un vif succès, à partir des années trente, par le nombre de participants. Ces derniers n’hésitent pas à venir de Rethel (Ardennes), Mainbressy (Ardennes), Chaumont-Porcien (Ardennes) ou Fraillicourt (Ardennes).
La Romagne réussit à rassembler 120 participants (le village finit à la huitième place), puis Montmeillant (Ardennes) reçoit à son tour 56 participants répartis en quatorze quadrettes (La Romagne remporte ce jour-là les premier et troisième prix) et, en 1933, le concours se déroule lors de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes). C’est un troisième prix pour le village. A chaque fois, les équipes de la Romagne se classent honorablement.
Joueur de boules en bois prenant son élan. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Le village renoue avec cette tradition, en 1975, lors de la fête patronale. Puis ce sera le rôle de l’association la Rom’Animation, créée en 2000, qui fait suite au comité de la jeunesse de La Romagne[1].
Elle organise en 2001 un concours destinés aux seuls habitants du village. S’y retrouvent vingt-six équipes. En outre, elle s’est occupée également avec un grand dynamisme de l’organisation de la fête de Pâques, du 14 Juillet, de concours de belote, etc.
[1] Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 101, « La Romagne. — fête patronale » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s. n.], 1880-1944, quarante-neuvième année, n° 15096, vendredi 4 octobre 1929, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Image populaire et légende de saint Hubert, patron des chasseurs et des forestiers (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †).
En dehors de la fête patronale, il y a quelques autres occasions de se réjouir comme la Saint-Hubert, déjà célébrée avant 1914, et durant laquelle un bal est donné le soir.
Cette fête, tombée en désuétude après les années 70, finit par être supprimée. Or, certains habitants la regrettent, au point que le conseil municipal, avec l’assentiment du maire, décide de la reconduire. Elle a lieu actuellement tous les deux ans.
Lors de la Saint-Eloi, les patrons cultivateurs et le maréchal-ferrant invitaient leurs ouvriers à un banquet, après la célébration d’une messe. Elle n’a plus cours, en raison probablement de la transformation des exploitations, et de la cessation d’activité de la forge.
Les pompiers de La Romagne, eux, se réjouissaient à la Sainte-Barbe. Là encore, les changements d’organisation et le regroupement des moyens ont modifié les traditions.
L’après-guerre est l’occasion d’animer la vie villageoise en apportant de nouveaux centres d’intérêt. La Société des bons loisirs[1], dont l’abbé Godart est le directeur, a pour but l’organisation de séances récréatives et d’excursions.
Elle met également une bibliothèque à la disposition de ses membres. Elle a pour siège la salle Saint-Jean à La Romagne. Son président est Marcel Malherbe, entouré d’un trésorier (Pierre Malherbe), d’un secrétaire-trésorier (Edmond Lesein) et d’une secrétaire (Denise Boudaud).
Maurice Buteux et Gaston Raimond en sont membres dès sa création. Pour y adhérer, il faut avoir dix-huit ans, recevoir le cas échéant l’autorisation de ses parents, verser une cotisation de 20 francs pour avoir le droit aux délibérations.
[1] Archives départementales des Ardennes, 1430 W 25, pièce n° 245 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Quelques membres de la clique la Jeanne d’Arc : René Sinet, Jean Picard de Draize (Ardennes), Paul Buschman, porte-drapeau [non identifié], Jean Buschman, [prénom non identifié] Bonnefille d’Herbigny et Gilbert Gravier ; remise du drapeau à monsieur Edmond Lesein par le colonel Bienfait devant le café de Draize (Ardennes). Photographies anciennes en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Jean Buschman).
Pierre Lelong et Marc Barré, parmi d’autres jeunes gens de La Romagne et des villages environnants, jouent au sein de la Jeanne d’Arc[1]. Cette formation musicale paroissiale anime les manifestations environnantes, et accompagne des fêtes plus importantes à Charleville (Ardennes). Le camion, prêté par la cidrerie Malherbe, est décoré ce jour-là d’une maquette du clocher du village.
[1] Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMP-15582, Fédération sportive de France pour l’éducation physique et morale de la jeunesse chrétienne (auteur), Annuaire national officiel, Paris : Office national de propagande catholique, 1955-[19..], in-8°, années 1958-1959, [union départementale des Ardennes, sociétés féminines], page 174, vue 172/384, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-JO-12364 < 1955. 1957. 1952/59 >.
Clique de la Jeanne d’Arc à Charleville (Ardennes) sur un camion Berliet avec une maquette du clocher de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes). Photographie en noir et blanc. Collection privée, transmise par monsieur Guy Malherbe, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Hélas, il faut, selon un témoignage oculaire de Jean Buschman de Givron (Ardennes), le démonter pour pouvoir passer le « pont des deux villes ». Mais cela n’entame pas la bonne humeur des participants, parmi lesquels on peut nommer Claude, Daniel et Denis Buschman, Lucien Paris, Hubert Paul, André Albry, Pierre Hubert, Jean Picart, Ferdinand Samine, Guy Benoît, Yolande Samine, Irène Rogelet, Micheline et Liliane Grimplet, Lysiane Duant et, pour les enfants, Georges Malherbe.
Catherinettes. Diapositives. Photographies anciennes en couleurs d’après des diapositives, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Le successeur de l’abbé Godart, l’abbé Buché, se fait le reporter des divers événements se passant à La Romagne. C’est ainsi qu’il immortalise les musiciens, les catherinettes[1] (25 novembre), le carnaval, les danses folkloriques et les saynètes, auxquels participent les jeunes du village.
[1] Cette journée est dédiée aux femmes n’étant pas encore mariées, sainte Catherine d’Alexandrie en étant la patronne.
Carnaval à La Romagne (Ardennes) : élégante avec chapeau à plumes et écharpe de fourrure ; homme en robe de chambre et femme en tablier et fichu ; maréchal-ferrant, mafieux, homme moustachu et employé de bureau ; marin au bachi et pompon rouge, pirates dont un couvre-œil noir ; masques vénitiens bleus et rouges avec ombrelles ; missionnaire, explorateur, guerriers du désert et commis-voyageur ; Moïse et Ramsès II ; pionnier de l’automobile et vache ; tigre, Inuit, Chinois en bleu de travail, babouchka. Photographies anciennes en couleurs d’après des diapositives, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.Carnaval : faux-aveugles avec des pancartes à l’orthographe fantaisiste. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.Groupes folkloriques de danses écossaise, espagnole, grecque, yéyé, diapositives en couleurs. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.Groupes folkloriques de danse écossaise. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.Saynète.Saynète.Saynète.Saynètes : un bandit se fait arrêter par deux gendarmes ; un conscrit se présente au bureau de recrutement militaire ; instituteur et classe. Photographies anciennes en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Une autre association[1] verra le jour en 1958 sous la présidence d’Henri Mouton. Elle a pour but de défendre les intérêts matériels et moraux de toutes les familles des communes de La Romagne, Givron (Ardennes), Draize (Ardennes) et Montmeillant (Ardennes). Les membres se réunissent à la salle communale de La Romagne.
[1] Vice-président Pierre Vergneaux, secrétaire Janine Malherbe (La Romagne), trésorier Lucien Paris de Givron (Ardennes), et parmi les membres : Marcel Grimplet de Givron (Ardennes), Olivier Léon et Marius Miclet de Draize (Ardennes), Norbert Guerlet de Montmeillant (Ardennes). Voir archives départementales des Ardennes, 1430 W 26, pièce n° 363 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Noël 1977 à La Romagne (Ardennes).Noël 1977 à La Romagne (Ardennes).Noël 1977 à La Romagne (Ardennes).Noël 1977 à La Romagne (Ardennes).Noël 1977, madame Roda ; Nicolas Fleury et monsieur Dulieu ; père Noël avec houppelande rouge, canne et lunettes noires dans la cour ; photo de classe. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Noël est le moment attendu par tous les enfants du village, et fêté à l’école dans la salle de classe, décorée de guirlandes et d’un grand sapin, avec distribution de cadeaux par le père Noël. Jusqu’en 1977, elle ne concerne que le village, mais avec le regroupement pédagogique entre Draize (Ardennes), La Romagne (Ardennes) et La Neuville-lès-Wasigny (Ardennes), elle devient commune aux trois écoles.
Noël 1980 à La Romagne (Ardennes).Noël 1980 à La Romagne (Ardennes).Noël 1980, monsieur Lobréau de Chaumont-Porcien (Ardennes) en père Noël ; Mesdames Geneviève Fleury et Danielle Carpentier autour de la bûche. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.Noël 1982 à La Romagne (Ardennes).Noël 1982 à La Romagne (Ardennes).Noël 1982 à La Romagne (Ardennes).Noël 1982 à La Romagne (Ardennes).Noël 1982 à La Romagne (Ardennes).Noël 1982, remise des cadeaux aux enfants par le père Noël. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Draize (Ardennes) accueille la classe enfantine et le cours préparatoire de madame Roda puis de Danielle Carpentier ; La Romagne, les cours élémentaires 1 et 2 de Pierre Fleury ; « La Neuville[1] », les cours moyens 1 et 2 de Jacques Dulieu.
[1] Appellation plus couramment utilisée par ses habitants que Neuville-lès-Wasigny.
Noël 1984, Robert Macquin, maire de La Romagne (Ardennes) et Damien Malherbe, année scolaire 1984-1985 (Pierre Fleury). Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Noël 1987, remise des cadeaux aux enfants par le père Noël. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.Saint-Nicolas 1985, Céline, Christelle, Lise, Hervé, Stéphane, Cédric autour de Saint-Nicolas. Photographie ancienne Polacolor par Polaroid Corporation en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
En plus du père Noël, il arrive aussi que passe à La Romagne saint Nicolas[1], fêté le 6 décembre selon le calendrier liturgique, pour récompenser les enfants sages.
[1] Il est le protecteur des enfants et écoliers, des marins, des bateliers, etc. Patron de la Lorraine, il a longtemps été célébré également dans les Ardennes.
Remise de poupons à des élèves par le père Noël. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Noël se passe toujours à la Romagne ou à « La Neuville », mais jamais à Draize (Ardennes), car la salle de classe est trop petite pour accueillir l’ensemble des élèves.
Ces derniers préparent des divertissements musicaux et des saynètes récréatives. L’exiguïté des lieux scolaires ne permet malheureusement pas aux parents d’assister à ces spectacles, à leur grande déception.
Garçon moustachu jouant de la guitare et interprétant un chanteur à texte ; magicien faisant un tour de cartes et un chauffeur de salle ; révérence finale des artistes. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Noël 1987, école de La Romagne, saynète, cow-boys tirant au revolver et cheval bâton. Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Pour Noël 1987, l’école de La Romagne met en scène Blanche-Neige, librement inspirée du conte des frères Grimm et du film de Walt Disney. Non seulement, les élèves ont appris leur rôle, mais ils ont aussi confectionné les costumes et les décors.
Index de l’album photographique, liste des participants au Noël 1987 et à la mise en scène de Blanche-Neige et les Sept Nains. Photographie ancienne en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Noël 1987, Blanche-Neige et les Sept Nains : la Reine et le Miroir magique, la Reine et Blanche-Neige dans la cour du château, l’ordre (secret) donné à Humbert le Chasseur de tuer Blanche-Neige, Blanche-Neige et Humbert le Chasseur. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.Noël 1987, Blanche-Neige et les Sept Nains : panique dans les bois et rencontre avec les animaux de la forêt ; arrivée au chalet et nettoyage de la maison ; les Nains dans la mine, retour de la mine et surprise dans le chalet ; Blanche-Neige endormie, le lavage de mains des Nains. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.Noël 1987, Blanche-Neige et les Sept Nains : danse des Nains dans le chalet ; la Reine transformée en Sorcière offre une pomme empoisonnée à Blanche-Neige ; les Nains et les animaux pleurent Blanche-Neige ; les Nains placent Blanche-Neige dans un cercueil de verre. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.Noël 1987, Blanche-Neige et les Sept Nains : arrivée du Prince ; le baiser du Prince ; le départ de Blanche-Neige et du Prince ; révérence finale des artistes. Photographies anciennes en couleurs, collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Fleury.
Après la fermeture de l’école de La Romagne, les moments festifs sont organisés différemment pour les enfants.
Petit écolier et son cartable. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.Filles, garçons et cartables à La Romagne. Photographies anciennes en couleurs d’après des diapositives, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
En 1999, naît en début d’année un projet d’illuminations du village, qui se réalise en décembre de la même année, avec remise de cadeaux aux enfants et l’installation d’un petit chalet, où sont servies, par des bénévoles, des boissons chaudes et des gaufres.
Gaufres ardennaises & gaufrier traditionnel. Préparation de pâte à la papinette. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
La rue Haute, artère principale du village qui mène de La Romagne à Rocquigny (Ardennes), est mise en valeur par des scènes lumineuses et des sapins enguirlandés fournis par la mairie. Les anciens ne sont pas oubliés. Ils reçoivent en novembre ou décembre un panier garni.
Préparation de pâte à la papinette. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
D’autres fêtes ponctuelles animent parfois ce village, comme l’unique fête du Cheval organisée le 17 septembre 2006 par monsieur Denisson, ou la fête des Villages voisins, qui se passe tour à tour à Givron (Ardennes), Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes) et à La Romagne.
Très récemment, une nouvelle association[1] a vu le jour au Bois Diot, Y’a yauque[2], à l’initiative de Romain Montreuil. Elle propose des événements trois fois par an (mi-mai, fin octobre au moment d’Halloween[3], et avant Noël), valorisant l’artisanat ardennais et les produits locaux, dans une ambiance musicale.
[1] Son objet est, selon sa déclaration en sous-préfecture de Rethel (Ardennes) le 15 novembre 2023 de « promouvoir et valoriser le patrimoine agricole matériel et immatériel ardennais par l’organisation d’évènements, de rencontres et de moments de partage autour de valeurs et de connaissances communes dans des fermes et lieux liés au patrimoine agricole local ».
[2] Patois ardennais qui signifie « Il y a quelque chose ».
A travers toutes ces journées, La Romagne montre son attachement à la tradition, l’engagement de sa population, et son dynamisme par la création d’évènements nouveaux[1].
[1] Voir les résultats de l’enquête de mai 2023 Loisirs des villes, loisirs des champs ? réalisée par Edwige Millery et Léa Garcia, du Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère de la Culture.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/536 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : titre, eau-forte, épreuve du 2e état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
Au XVIIe siècle, les environs de La Romagne affrontent sur plusieurs décennies une période de troubles graves en relation avec une rébellion prenant la forme d’une guerre civile[1], d’une part, et de conflits internationaux[2] impliquant le royaume de France et des belligérants étrangers, d’autre part.
Rocroi et ses environs, histoire des princes de Condé.
Un jeu complexe d’alliances, qui se nouent et se dénouent au fur et à mesure des événements, demande d’éclaircir la chronologie et la géographie de ce qui s’est passé précisément dans les Ardennes ces années-là.
Charles II de Gonzague duc de Mantoue par Robert Nanteuil.
La maison des Habsbourg d’Espagne possède alors les Pays-Bas du sud[1], frontaliers de la province de Champagne. Celle-ci comporte encore de nombreuses enclaves. Certaines appartiennent à des princes, comme c’est le cas pour la principauté de Rethel (maison de Gonzague), ou pour celle de Sedan (maison de La Tour d’Auvergne).
Néanmoins, cela n’empêche pas le roi de France d’intervenir partout dans ces territoires, et la région de voir à plusieurs reprises le passage de routiers[2] et de reîtres[3].
[1] Couvrant approximativement aujourd’hui une partie de la Belgique et du Nord de la France, et le Luxembourg.
[2] « Au Moyen Âge, soldat irrégulier appartenant à des bandes organisées qui, en temps de guerre, louaient leurs services à l’un ou l’autre des partis en présence, et, en temps de paix, se livraient pour leur propre compte au pillage et au brigandage. », selon le Dictionnaire de l’Académie française.
Musée du Louvre (Paris), département des Peintures, numéro d’inventaire principal INV 8506 [autre numéro d’inventaire : MR 2712], Vouet, Simon (1590-1649). Peintre, Louis XIII entre deux figures de femmes symbolisant la France et la Navarre, huile sur toile, 2e quart du XVIIe siècle (vers 1636-1638), notice descriptive consultable en ligne.
Amorcé en 1618, le conflit que l’on nommera ultérieurement la guerre de Trente Ans reprend de plus belle, avec les hostilités déclenchées en mai 1635 par Louis XIII[1] et Richelieu contre les Habsbourg.
[1] Fils d’Henri IV et de Marie de Médicis, né le 27 septembre 1601 à Fontainebleau et mort le 14 mai 1643 à Saint-Germain-en-Laye, roi de France et de Navarre de 1610 à 1643.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/541 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : la maraude, eau-forte, épreuve du 1er état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
Elles sont destinées à consolider les frontières du royaume, mais les armées espagnoles parviennent à pénétrer jusqu’en Picardie, et même à atteindre la région de Reims. Les divers ennemis procèdent par « courses », qui sont décrites plus tard par le Comte de Marsy dans son ouvrage Eglises fortifiées[1] :
« Un corps de partisans plus ou moins nombreux, bien montés et légèrement équipés venait par surprise ou par quelques hardis coups de main mettre à contribution une ville ou un village et obtenait par menace ou violence une somme d’argent, une certaine quantité de vivres et l’on se hâtait de repartir. »
Marsy, Arthur de, Les Églises fortifiées de La Thiérache.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/545 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : dévastation d’un monastère, eau-forte, épreuve du 1er état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
En 1637, les armées royales conduites par les seigneurs Conti, Soissons, et La Valette passent à plusieurs reprises sur les dépendances de l’abbaye de Signy[1] et y séjournent, apportant ainsi la ruine de ce territoire.
[1] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
Avers.Revers.Portrait de Gaspard III de Coligny, duc de Châtillon, amiral de Guyenne, maréchal de France (1584-1646).
En 1641, le théâtre des opérations se porte sur une autre partie de la région ardennaise. Le maréchal de Châtillon, envoyé contre les rebelles menés par le duc de Bouillon et le comte de Soissons, est battu près de Sedan (Ardennes). Mais, le 21 juillet, Louis XIII marche sur Donchery (Ardennes), dont il se rend maître.
Les Actions du Grand Condé, Rocroi 1643, par Sauveur Le Conte.
Deux ans plus tard, la Thiérache et le pays des Pothées[1] sont une nouvelle fois dévastés. La situation n’est sauvée que par la victoire de Rocroi (Ardennes)[2], où le duc d’Enghien (que l’on appellera par la suite Grand Condé) écrase les Espagnols.
C’est à partir de ce moment, même s’il a déjà fait preuve de son ardeur au combat en participant à d’autres opérations antérieures (Arras[3] en 1640) ou comme commandant en chef de l’armée de Picardie, que se fonde l’aura militaire de ce prince.
[1] La forêt des Pothées (ou des Potées) est située actuellement sur le territoire de la commune d’Aubigny-les-Pothées, dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[2] Le 19 mai 1643. Du côté de la monarchie espagnole, Francisco de Melo a vu sa gloire ternie par sa défaite. Né à Estremoz (Portugal) en 1597 et mort à Madrid (Espagne) le 18 décembre 1651, ce diplomate portugais au service de l’Espagne a été gouverneur (1641-1644) des Pays-Basespagnols.
La paix de Westphalie, peinture de Claude Jacquand d’après Gerard Ter Borch.
Alors que les traités de Westphalie[1] publiés le 24 octobre 1648 mettent fin à la guerre de Trente Ans tout en remodelant la carte européenne, la paix de Rueil (actuellement, Rueil-Malmaison, dans le département des Hauts-de-Seine, en région Île-de-France) est définitivement signée le 11 mars 1649. Elle marque la cessation de la Fronde parlementaire. Le conflit se poursuit désormais avec l’Espagne seule.
[1] Les traités de Westphalie qui mettent fin à la guerre de Trente Ans correspondent à la signature de deux actes diplomatiques séparés : le premier est conclu à Osnabrück (commune située actuellement dans le Land de Basse-Saxe, en Allemagne), le 6 août 1648 entre le Saint-Empire romain germanique et le royaume de Suède, le second à Münster (commune située actuellement dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en Allemagne) le 8 septembre 1648 entre l’Empereur du Saint-Empire romain germanique et le royaume de France (et leurs alliés respectifs). Le traité de Münster du 30 janvier 1648, signé entre l’Espagne et les Provinces-Unies, clôt pour sa part la guerre de Quatre-Vingt Ans. Selon les contextes, les historiens évoquent donc deux ou trois traités de Westphalie.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/536 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : titre, eau-forte, épreuve du 2e état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
A la guerre avec l’étranger (qui implique les ravages occasionnés par les armées), une trésorerie mal en point (les revenus de plusieurs années sont engloutis d’avance), vient s’ajouter en effet une guerre civile – la Fronde – de 1648 à 1653.
C’est à la fois une révolte parlementaire, nobiliaire, et la cristallisation de tous les mécontentements. Pour autant, les hostilités avec les ennemis extérieurs ne cessent pas, d’autant que ceux-ci ont tout intérêt à ce que le royaume soit déstabilisé.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/537 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : enrôlement des troupes, eau-forte, épreuve du 1er état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
Parallèlement à ces événements, c’est aussi dans cette même période que les bandes d’Erlach[1], composées de mercenaires allemands, suédois et polonais combattant pour le roi de France, sillonnent le pays en le pillant et en imposant aux villageois qu’ils viennent de dépouiller une contribution pour racheter le butin. Ils se signalent également par des actes d’impiété, laissant pour des siècles un souvenir épouvantable.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/547 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : pillage et incendie d’un village, eau-forte, épreuve du 1er état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
Bien que de nombreux historiens accusent d’atrocités Jean-Louis d’Erlach, on trouve dans sa correspondance des lettres[1] dans lesquelles il dénonce l’attitude du maréchal de Guébriant, qui laisse ses troupes piller les villages proches d’Hagueneau[2], ce qui est en opposition avec ses pratiques dans cette partie de la Champagne.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des manuscrits, Cinq cents de Colbert 111, lettres de Paul Le Prévost, baron d’Oysonville, 1641-1643 (f. 1-75), et de Jean-Louis d’Erlach, gouverneur de Brisach, 1643 (f. 76-90), 96 feuillets [cotes Cinq cents de Colbert 108-116 = registres de copies des lettres adressées à Jean-Baptiste Budes, comte de Guébriant, maréchal de France (1637-1644). XVIIe siècle. Papier. 9 volumes. 290 × 215 mm. Reliure parchemin. Manuscrit en français.]
[2] Commune située actuellement dans le département du Bas-Rhin, en région Grand Est.
De son côté, le bibliothécaire Henri Jadart souligne, dans sa critique d’un ouvrage[1] sur Jean-Louis d’Erlach[2], que l’auteur y brosse le portrait d’un homme se distinguant par « le soin qu’il prenait de bien nourrir ses troupes » et qui « s’efforçait d’adoucir, autant que possible, les rigueurs de la guerre ».
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/530 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Petites Misères de la guerre : le campement, eau-forte, épreuve du 2e état, 1635, notice descriptive consultable en ligne.
De manière générale, c’est pendant les quartiers d’hiver que la présence des troupes est la plus nuisible pour un village, en raison de l’indiscipline liée à l’absence des officiers. Ces derniers s’empressent pendant cette mauvaise saison de regagner soit leur foyer, soit la cour de France. L’inaction des hommes laisse place à la rapine car, le plus souvent, ils ne reçoivent leurs soldes qu’avec beaucoup de retard.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/543 Recto [ancien : 10540] Callot, Jacques, graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la Guerre : le pillage d’une ferme, 1633, épreuve du 1er état, eau-forte, notice descriptive consultable en ligne.
Ce ne sont pas les seules exactions commises envers la population, car les soldats endommagent également les fermes plus ou moins isolées, et terrorisent leurs habitants. Rien n’y fait, ni la police des troupes pour les quartiers d’hiver, ni l’arrêt du Parlement en date du 22 décembre 1648[1]
« portant défenses à tous gens de guerre de faire aucune pillerie, insolence ou excès en aucun lieu de garnison et de passage, à peine d’être punis selon les ordonnances, et à leur capitaines et officiers d’en répondre comme de leur propre fait ».
Dubuisson-Aubenay, François-Nicolas Baudot ; Saige, Gustave, Journal des guerres civiles de Dubuisson-Aubenay : 1648-1652.
Quant aux recommandations du roi[1] pour que les troupes ne causent aucune répression au peuple, elles semblent ne pas avoir plus d’effet.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, manuscrit Français 4224, tome II, folio 148 et suivants, lettre et ordonnance de Louis XIV sur la désertion « pour deffendre ausd. gens de guerre de coupper les bleds » [cotes Français 4223-4224 = recueil de copies de pièces, renfermant, sous le titre Armée, une série de documents émanés principalement de l’administration de Louis XIV, de 1643 à 1660. Ces documents sont rangés par chapitres, selon leur objet, pour servir, sans doute, de modèles de rédaction dans les cas analogues. Un certain nombre, réduits à l’état de formules, n’offrent aucun intérêt et ne figureront pas dans le dépouillement ci-dessous. Sous-unités de description 141 à 148 = lettres et ordonnances de Louis XIV.]
Armand de Bourbon, prince de Conti (1629-1666), anonyme français, miniature musée Condé (Chantilly).
Le gouverneur de la province de Champagne est depuis 1647 (et jusqu’en 1655) Armand de Bourbon[1] prince de Conti[2], frère du duc d’Enghien (le vainqueur de Rocroi)[3]. Deux ans plus tard, durant cette révolte des nobles qu’est la Fronde, tandis que Conti s’allie à sa soeur la duchesse de Longueville[4] et au parlement de Paris contre le roi et la reine-mère Anne d’Autriche, Condé reste, lui, fidèle à Louis XIV, permettant même à ce dernier de rentrer dans Paris (18 août 1649).
[2] Egalement orthographié Conty sur les documents d’époque.
[3] Louis II de Bourbon-Condé (dit le Grand Condé) et Armand de Bourbon-Conti sont les cousins germains du roi de France Louis XIV.
[4] Anne-Geneviève de Bourbon, née à Vincennes le 28 août 1619, fille unique d’Henri II de Bourbon et de Charlotte-Marguerite de Montmorency. Le 2 juin 1642, elle épouse Henri II d’Orléans, duc de Longueville Elle prend le parti des frondeurs et se réfugie en mars 1650 à Stenay (commune située actuellement dans le département de la Meuse, en région Grand Est. Disgraciée à cause de son action déloyale, elle finit sa vie loin de la Cour, mais tournée vers la religion. Elle meurt le 15 avril 1679 à Paris.
Lettre du roi au parlement du Dauphiné pour l’arrestation de Condé, de Conti, et de Longueville.
Les trop grandes ambitions de Condé vont lui être contraires, ce qui va contraindre la reine à faire arrêter le 18 janvier 1650 les trois membres de ce clan (Condé, Conti et leur beau-frère Longueville), et à les emprisonner à Vincennes, avant qu’ils ne soient transférés plus tard à Marcoussis[1], puis au Havre[2].
[1] Commune située actuellement dans le département de l’Essonne, en région Île-de-France.
[2] Commune située actuellement dans le département de la Seine-Maritime, en région Normandie.
Le territoire de La Romagne aurait été le théâtre d’une bataille : « Le 25 février 1650, le marquis de la Ferté défit en cet endroit plusieurs compagnies de cavalerie du prince de Conty[1] ».
[1] D’après une fiche catalographique cartonnée sur La Romagne, rangée dans le tiroir « toponymie » d’un meuble de bibliothèque aux archives départementales des Ardennes. Cette dernière ne comporte aucune indication autre que les propos cités. L’absence de référence à une source primaire entraîne une nécessaire réserve quant à l’information délivrée.
Musée de l’Armée (Paris), dossière de la cuirasse du maréchal de Turenne, numéro d’inventaire 6668 I [autre numéro d’identification : cote Cc 4/1], objet en fer, laiton, velours, acier, fil de métal, toile, technique de la torsade et du métal noirci, XVIIe siècle (2e moitié), notice descriptive consultable en ligne.
Les Notes diverses et fragments d’histoire locale sur la commune de La Romagne issus de plusieurs documents historiques et de recherches personnelles[1] sont tout aussi sujet à caution, faute de citer la moindre source.
Dans une rubrique intitulée Fronde (1650), l’auteur y affirme, sans strictement avancer la moindre preuve de ses dires, que « L’époque de la Fronde fut une période difficile pour notre région, en particulier pour La Romagne. Turenne, alors rebelle du roi de France, passa un hiver à La Romagne avec les troupes espagnoles, en lutte contre Condé. Cet hiver fut a priori [c’est nous qui soulignons][2] celui de 1649/1650 ; les « quartiers d’hiver » de Turenne firent du tort à La Romagne et aux villages voisins ; les pillages successifs et la contrainte alimentaire furent éprouvants pour la population. Par ailleurs, on sait [c’est nous qui soulignons][3] que ce bref séjour de quelques mois à La Romagne laissa le temps à Turenne de laisser un enfant naturel [c’est nous qui soulignons][4] à La Romagne, qu’il ne reconnut apparemment pas puisqu’il partit avant sa naissance. Concernant les troupes espagnoles, l’exiguïté de La Romagne nous laisse à penser [c’est nous qui soulignons][5] que les soldats s’installèrent en rase campagne, dans les terres défrichées de l’époque (La Bouloye[6] à l’est, le Mont de Vergogne à l’ouest)[7] ».
[1] Photocopie d’un cahier à l’écriture manuscrite (collection personnelle de l’auteure).
[2] Non fondé sur des faits. L’incertitude quant à la date montre qu’il s’agit d’une construction intellectuelle a priori, et non d’une déduction a posteriori tirée d’une analyse documentaire.
[3] Ce « on sait » a tout l’air d’un « on-dit ». Cette affirmation péremptoire est à écarter, puisque les registres jusqu’en 1693 ont disparu avant la Révolution. Elle relèverait plutôt d’une rumeur sans fondement.
[4] Cette « preuve anecdotique », recueillie de façon informelle, et s’appuyant sur des témoignages douteux, a une valeur limitée sur le plan historique. Le ton croustilleux employé par l’auteur correspond aux définitions du Larousse « Qualifie ce qui est à la fois audacieux et provocateur, souvent dans un contexte de révélation ou de scandale. » et du Trésor informatisé de la langue française « Plaisant, piquant et grivois. »
[5] Cette supputation ne repose sur aucune preuve historique. Un ressenti n’est ni un fait ni une opinion. Croire n’est pas penser.
[7] Il est permis de douter sérieusement de ces affirmations, qui ne s’appuient pas sur du matériau historique de première main. La disparition quasi-totale de documents des archives départementales des Ardennes concernant l’Ancien Régime, à la suite d’un bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale, limite drastiquement l’accès aux sources primaires. Elle concerne plusieurs séries [série A = actes du pouvoir souverain et du domaine public avant 1790. Métrage linéaire après destruction : 1 mètre ; série B = cours et juridictions avant 1790. Métrage linéaire après destruction : 1,20 mètre ; série C = administrations provinciales avant 1790. Métrage linéaire : néant. Série détruite en 1940 ; série D = instruction publique, sciences et arts avant 1790. Métrage linéaire : néant. Série détruite en 1940 ; série F = fonds divers se rattachant aux archives civiles entrés avant 1940. Métrage linéaire après destruction partielle en 1940 : 10 mètres].
Musée de l’Armée (Paris), boulet qui aurait tué le maréchal de Turenne, numéro d’inventaire 17 [autre numéro d’identification : cote Cc 4], projectile de 3 livres en fer, technique de la fonte, créé sous Louis XIV (1643-1715). , notice descriptive consultable en ligne. [Nota bene : tiré par le canonnier Koch le 27 juillet 1675, il est réputé avoir mortellement blessé Henri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, lors de la bataille de Salzbach, pendant la guerre de Hollande].
Jusqu’à preuve du contraire, le séjour de Turenne à La Romagne (Ardennes), rapporté par la tradition orale, appartiendrait aux contes et légendes, mais non à l’histoire. Nul élément manuscrit ou imprimé n’a été en effet apporté pour étayer les propos avancés. Aucune source primaire n’a d’autre part été retrouvée dans l’état actuel de la recherche.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire INV 31368 Recto [anciens : NIII 13415 et MA 10747], Nanteuil, Robert (1623-1678) [« copie d’après » ou « entourage de »], Portrait de Turenne, en buste, portant une cuirasse, pastel sur papier brun collé en plein sur carton [verso numéroté 6 au pochoir et 1195 à la craie blanche], notice descriptive consultable en ligne.
Ce qui est en revanche attesté est que Turenne tourne le dos au parti du roi après l’arrestation et l’incarcération des princes. Il se met au service des Espagnols dès le 14 février 1650, par un traité où il s’engage à favoriser la conclusion d’une juste paix avec l’Espagne.
Léopold-Guillaume, archiduc d’Autriche (1614-1662) par Johann Paul Schorr dit Giovanni Paolo Tedesco.
En échange de quoi, il s’installe à Stenay[1] après avoir quitté Paris. Il est à la tête d’une armée au service de l’archiduc Léopold[2], généralissime de l’armée d’Espagne[3], qui lui accorde 250 000 écus[4] pour faire des levées de troupes. Tous les mois, il reçoit une certaine somme[5] pour l’entretien d’icelles[6] et des garnisons des places occupées[7]. Il ne percevra pas régulièrement ces montants.
[1] Commune située actuellement dans le département de la Meuse, en région Grand Est.
[2] Léopold-Guillaume de Habsbourg, né à Wiener Neustadt (Land de Basse-Autriche, en Autriche), le 5 janvier 1614, mort à Vienne (Autriche) le 20 novembre 1662, gouverneur des Pays-Basespagnols du sud.
[3] Bibliothèque du Sénat, 3FPM0957 [= Anciennement 9352 selon une cotation antérieure], numéros de notice 957-960, Mémoire sur la province de Champagne (1708). [XVIIIe siècle. Manuscrit en français sur papier. 492, 418, 488 et 506 feuillets. 370 sur 250 mm. Reliure en veau raciné. Le manuscrit doit être incomplet, car au bas du dernier feuillet du tome IV on lit les mots d’appels pour le feuillet suivant : « De l’évêché. » — Ce mémoire a dû être rédigé par André de Harouys, qui fut intendant en Champagne de 1702 à 1711.]
[4] Les sommes varient selon les sources entre 200 000 et 250 000 écus.
Cependant, après avoir ruiné Marle (Aisne) en voulant contrer les armées royales, Turenne à la tête d’une armée au service des Espagnols assiège successivement Le Catelet[1] (juin 1650), Guise[2] (juillet 1650), La Capelle[3] (août 1650), au moment où la pluie tombe sans discontinuer, provoquant l’embourbement des chemins et le retard d’approvisionnement en vivres.
Pendant ce temps, le maréchal du Plessis-Praslin qui commande l’armée royale se retire derrière Notre-Dame de Liesse[1]. Turenne s’avance ensuite sur Vervins[2] puis vers Château-Porcien (Ardennes), qui n’est défendu que par un groupe d’habitants (trente d’entre eux au moins ont été faits prisonniers). La ville qui subit une nouvelle fois les assauts espagnols ne peut que capituler, le 14 août 1650.
[1] A Liesse-Notre-Dame, commune située actuellement dans le département de l’Aisne, en région Hauts-de-France.
Avec trois régiments d’infanterie et 4 000 chevaux, les troupes de Ferdinand de Habsbourg[1], conduites par Turenne, assiègent ensuite Rethel (Ardennes), pillant et brûlant tout sur leur passage. La ville se rend à son tour (août 1650).
Une garnison de 800 hommes est laissée sur place, sous l’autorité du colonel Giovanni Delliponti[2], « fort estimé en Flandre » selon Turenne[3], jugé plus durement par d’autres auteurs : « Plus de mille personnes périrent de disette & de misère[4]. »
[1] Ferdinand Ernest de Habsbourg, dit Ferdinand III, né le 13 juillet 1608 à Graz (duché de Styrie), et mort le 2 avril 1657 à Vienne (Autriche).
[2] L’Italien est réputé fameux pour la défense des places.
[3]Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-6365579 < Tome 1 >, Turenne, Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675 ; vicomte de). Auteur, Mémoires du maréchal de Turenne publiés pour la Société de l’histoire de France d’après le manuscrit autographe appartenant à monsieur le marquis de Talhouët-Roy par Paul Marichal, Paris : H. Laurens, 1909-1914, 2 volumes (LXVIII-379, 450 p.), facsimilé, in-8, tome I (1643-1653), 1909, page 146, vue 241/487, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LH3-376 (1).
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/533 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Petites Misères de la guerre : pillage et incendie d’un village, eau-forte, épreuve du 2e état, 1635, notice descriptive consultable en ligne.
La présence de Delliponti, désormais gouverneur de Rethel (Ardennes), après avoir été installé dans cette ville par l’archiduc) et des troupes qui y sont laissées, s’avère très vite inacceptable pour les habitants, compte tenu des exigences formulées.
En effet, il faut tout d’abord fournir 50 poinçons de boisson[1], 4 000 paires de chaussures et autant de bas. Telles sont les conditions de la capitulation, auxquelles s’ajoutent 80 000 rations de pain pour les troupes. Et ce, sans oublier le pillage qui s’ajoute à ces demandes « régulières ».
[1] Tonneau de contenance variable selon les régions mais pouvant contenir jusqu’à 250 litres de vin.
Vicomte de Turenne, sculpture d’après Jérôme Derbais, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon.
Turenne, après avoir au passage et toujours pour le compte des Espagnols pris Fismes[1], alors que Plessis-Pralin s’enferme dans la ville de Reims[2], fait alors avancer un corps d’armée jusqu’à la Ferté-Milon[3], et se rend maître ainsi des passages jusqu’à Paris. Turenne renonce à avancer et décide de rebrousser chemin.
Il repasse l’Aisne et va assiéger Mouzon[4] sur la Meuse avec une partie de son armée durant sept semaines, avant de s’en emparer. Puis « Turenne passa tout le mois de novembre de l’année 1650 au camp de Romagne[5], entre l’Aisne et la Meuse, pour veiller à la conservation de ses places[6]».
[1] Commune située actuellement dans le département de la Marne, en région Grand Est.
[2] Commune située actuellement dans le département de la Marne, en région Grand Est.
[4] Commune nouvelle située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[5] Romagne-sous-Monfaucon (Meuse). Il est strictement exclu qu’il puisse s’agir de La Romagne (Ardennes) : il est écrit en effet « camp de Romagne » et non « camp de La Romagne ». D’autre part, la description géographique s’applique parfaitement au village meusien et nullement à la commune ardennaise.
Ordre du roi pour que Turenne ne soit reconnu d’aucune troupe.
La situation change : « Turenne était toujours au camp de Romagne. Au commencement de décembre, la garnison française de Donchery lui avait enlevé un de ses meilleurs postes, le château de Chémery[1]. Ses coureurs occupaient le pays entre Montfaucon et Varennes[2]».
Ordre du roi pour empêcher de rejoindre les troupes de Turenne.
Il dispose de régiments d’infanterie, d’une brigade de Lorrains et de régiments allemands, et c’est avec ce « faible effectif que Turenne quitte ses quartiers de la Meuse[1] » pour se rendre à Rethel (Ardennes) aux environs du 13 décembre 1650.
Recueil de portraits d’Antoine d’Aumont Rochebaron.
Or, Mazarin[1], malgré une saison peu clémente, veut reprendre Rethel (Ardennes) aux Espagnols, ville à laquelle il est lié, mais surtout parce qu’elle ouvre la voie de Paris. Il se rend lui-même auprès de l’armée pour mener, le plus rapidement possible, cette opération.
Il rassemble 15 000 hommes, qui s’incorporent aux hommes du maréchal du Plessis-Praslin[2]. Celui-ci est secondé dans son commandement par le marquis de Villequier[3], qui dirige l’aile droite, et le marquis d’Hocquincourt[4], qui conduit l’aile gauche. Les troupes royales sont en bien meilleur état que celles de Turenne, car elles ont eu le temps de se reposer un peu.
[1] Connu sous son titre de cardinal Mazarin, né à Pescina (Abruzzes, royaume de Naples), le 14 juillet 1602 et mort à Vincennes le 9 mars 1661, au service d’abord de la papauté, puis des rois Louis XIII et Louis XIV.
[2] César de Choiseul, né le 12 février 1598 et mort le 23 décembre 1675 à Paris.
[3] Antoine II d’Aumont de Rochebaron (1601-1669), élevé à la dignité de maréchal de France à la suite de la bataille de Rethel (Ardennes).
[4] Charles de Monchy, marquis d’Hocquincourt, né en 1599 et mort au combat le 13 juin 1658 devant Dunkerque, officier sous Louis XIII et Louis XIV, maréchal de France en 1651.
Charles de Monchy, marquis d’Hocquincourt (1599-1658), maréchal de France, par Alexandre-François Caminade.
Elles s’emparent du pont de Thugny[1], afin d’assurer le passage de l’Aisne pour se grouper autour de Rethel (Ardennes). La chute de la ville compromettrait la situation des alliés espagnols de Turenne. Il a avec lui 2 500 fantassins et 5 500 cavaliers, de manière à tenter une charge hardie. La bataille se passe à « Sommepi »[2], plus exactement dans la « plaine nommée le Blanc-Champ »[3], quoiqu’elle porte le nom de « bataille de Rethel (Ardennes)[4] ».
[1] Actuellement Thugny-Trugny, commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[2] Sompy est une variante orthographique retrouvée sur certains autres documents. Actuellement, Sommepy-Tahure, commune située actuellement dans le département de la Marne, en région Grand Est, à la limite des Ardennes. Voir Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-6365579 < Tome 1 >, Turenne, Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675 ; vicomte de). Auteur, Mémoires du maréchal de Turenne publiés pour la Société de l’histoire de France d’après le manuscrit autographe appartenant à monsieur le marquis de Talhouët-Roy par Paul Marichal, Paris : H. Laurens, 1909-1914, 2 volumes (LXVIII-379, 450 p.), facsimilé, in-8, tome I (1643-1653), 1909, page 159, vue 254/487, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LH3-376 (1).
[3]John Adams Library (Boston Public Library), document numérique, 39999046674113 [call number = cote], Raguenet, François (1660-1722), Histoire du vicomte de Turenne, par l’abbé Raguenet, nouvelle édition plus correcte que les précédentes, à Paris, rue Dauphine : chez Claude-Antoine Jombert, fils aîné, libraire du roi pour le génie & l’artillerie, MDCCLXXII [1772], 508 p., page 172 et suivante, vue 172/508 et suivante, consultable en ligne sur le site d’Internet Archive, texte reproduit d’après l’original de la John Adams Library (Boston Public Library), Adams 193.8.
[4] Ce nom aurait été donné à la demande de Mazarin en raison de son attachement à cette ville.
Cardinal Jules Mazarin par Grégoire Huret d’après Jean-Baptiste de Champaigne.
Le combat est long, acharné, et sans succès. Tous sont dispersés, et les troupes de Turenne défaites. Les pertes sont estimées à 1 200 hommes. 3 000 soldats sont faits prisonniers.
Vaincu par l’armée royale, Turenne bat en retraite et atteint tout d’abord Bar-le-Duc[1], puis Montmédy[2], où il retrouve une partie de sa cavalerie sauvée du désastre de Rethel (Ardennes). Cette bataille sera, pour lui, l’une des rares qu’il perdra[3].
Ce n’est qu’après cet événement que les troupes prennent, tardivement, leurs quartiers d’hiver.
[1] Commune située actuellement dans le département de la Meuse, en région Grand Est.
[2] Commune située actuellement dans le département de la Meuse, en région Grand Est.
[3] Depuis le siège de Rethel (Ardennes) en 1411 entre Armagnacs et Bourguignons, la ville a connu de nombreux conflits sous l’Ancien Régime. Voir Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LK7-8263, Jolibois, Émile (1813-1894), Auteur. Histoire de la ville de Rethel, depuis son origine jusqu’à la Révolution, Paris : J.-B. Dumoulin, 1847, in-8°, VII-294 p.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/569, Recto [ancien : 16934], Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : distribution des récompenses, eau-forte, épreuve du 2e état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
Le lundi 26 décembre 1650 « furent apportés 28 drapeaux pris en la bataille de Sommepy sur l’ennemi, et furent mis au cabinet du roi[1], où, entrant, il en eut un qui fut reconnu être du régiment du prince de Conti ». Trois jours plus tard, soit le jeudi 29 décembre 1650, ils sont déposés à Notre-Dame.
Portrait d’un officier espagnol, XVIIe siècle, école des Pays-Bas du sud.
Le mois de mai 1651 marque un retournement de situation pour Turenne. Alors que des propositions de paix sont faites par la France (en particulier l’abandon de la Catalogne), les Espagnols ne les acceptent pas.
Turenne, devant cette attitude, ne veut plus avoir affaire à eux, et se sent libre d’abandonner leur parti. Il revient alors dans les armées royales. Absout de sa trahison par le roi, il rentre en grâce et peut de nouveau fréquenter la Cour.
Avers.Revers.Philippe IV, roi d’Espagne, cire, sceau et contre-sceau
En revanche, les troupes de Condé et Conti sont toujours dans l’opposition au roi. Ce n’est cependant qu’à partir de 1652[1] que Condé passera au service du roi d’Espagne Philippe IV, tandis que Conti retrouvera les faveurs du souverain français Louis XIV.
Louis II de Bourbon, Prince de Condé dit Le Grand Condé (1621-1686) par Jean Frosne.
Dès octobre et novembre 1652, le théâtre des hostilités se retrouve être, une nouvelle fois, autour de la rivière Aisne. Les villes de Rethel (Ardennes) et de Château-Porcien (Ardennes) sont menacées, car Condé et les Espagnols veulent s’en emparer.
C’est ce qui arrive d’ailleurs, puisque Condé se rend maître de cette ville en deux jours. Turenne, qui considère que l’entrée de monsieur le prince dans Rethel (Ardennes) comme « le plus grand mal qui peut arriver[1] », passe l’Aisne à Château-Porcien (Ardennes), se loge au château de Chaumont (Ardennes)[2], où se trouvent quelque 200 ennemis qui se rendent.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 2017-267108, Turenne, Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675 ; vicomte de), Mémoires du maréchal de Turenne. Tome premier, 1643-1653, La Celle-Saint-Cloud : Éditions Douin, 2017, 1 vol. (379 p.), facsimilé de l’édition de Paris : Librairie Renouard, 1909, page 235.
Henri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal de France (1611-1675), sculpture par Augustin Pajou.
Rethel repasse du côté du roi, alors que les troupes condéennes mettent, quelques jours après, le feu à Château-Porcien (Ardennes). Or, comme Turenne veut empêcher à tout prix que celles-ci prennent leurs quartiers d’hiver en France, il les poursuit sans relâche dans une marche parallèle, de manière à s’opposer aux entreprises de Condé et des Espagnols.
Portrait de Michel II Le Tellier (1603-1683), marquis de Barbezieux, peinture d’après Robert Nanteuil.
Dans une lettre du 26 octobre 1652 adressée à Michel Le Tellier[1], Turenne informe ce dernier qu’il a eu « avis comme l’armée des ennemis a passé l’Aisne et marche vers Rethel et Château-Porcien[2] ». Dans une autre, il signale qu’ayant eu « des nouvelles comme monsieur le prince marche vers Château-Porcien », il va s’avancer vers la Champagne[3].
[1] Michel Le Tellier, marquis de Barbezieux, homme d’État français, nommé secrétaire d’État de la Guerre par Louis XIV, né le 19 avril 1603 et mort le 30 octobre 1685 à Paris.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LN27-90057, Turenne, Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675 ; vicomte de). Auteur ; Huart, Suzanne d’ (1923-2003). Editeur scientifique ; Archives nationales (France). Éditeur scientifique. Lettres de Turenne [1626-1669], extraites des archives Rohan-Bouillon, Paris : SEVPEN [Service d’édition et de vente des publications de l’Education Nationale], 1971, 677 p., cartes, planches en noir et en couleurs, couverture illustrée, p. 90.
[3] Lettre du 29 octobre 1652. Cf. Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LN27-90057, Turenne, Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675 ; vicomte de). Auteur ; Huart, Suzanne d’ (1923-2003). Editeur scientifique ; Archives nationales (France). Éditeur scientifique. Lettres de Turenne [1626-1669], extraites des archives Rohan-Bouillon, Paris : SEVPEN [Service d’édition et de vente des publications de l’Education Nationale], 1971, 677 p., cartes, planches en noir et en couleurs, couverture illustrée, p. 94.
Le Grand Condé (Louis II de Bourbon, prince de Condé, dit) (1621-1686) par Antoine Coysevox.
L’hiver 1652/1653 est particulièrement rigoureux, avec un froid glacial et un gel extrême, au point qu’il est impossible de creuser la terre. Cela n’empêche pas la prise de Château-Porcien (Ardennes), que tenait Condé, les 18 et 19 janvier 1653, tandis que Rethel (Ardennes) connaît un nouveau siège. Compte tenu d’un temps plus que défavorable, la guerre ne reprend qu’en avril, quoique les frontières soient partout menacées.
Louis XIV terrassant la Fronde, 1653, sculpture par Gilles Guérin.
Si le roi parvient à juguler la Fronde au cours de l’année 1653, rien n’est encore terminé avec les Espagnols : une partie des troupes de Condé remonte sur Sainte-Menehould[1], Bar-le-Duc[2] et Rocroi[3] (30 septembre 1653), sous domination espagnole. Condé se voit confier la responsabilité de cette ville où s’organise, avec les Espagnols, un système d’impôts qui ne cessera qu’en 1659.
[1] Commune située actuellement dans le département de la Marne, en région Grand Est.
[2] Commune située actuellement dans le département de la Meuse, en région Grand Est.
[3] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
Portrait du Grand Condé, en buste, tourné à gauche par Jean I Petitot.
L’ensemble des villages du Porcien est ainsi rançonné par Rocroi, dont le gouverneur[1] exige une contribution pour le compte de Condé. Elle doit normalement mettre à l’abri les villageois de toute forme de représailles, mais ce n’est pas toujours le cas.
[1] Charles de Montsaulnin, comte de Montal (1619-1696), officier militaire, ami proche du Grand Condé.
En outre, certains villages doivent aussi s’acquitter d’un autre tribut « au Hainaut[1] ». Ainsi, le village de La Romagne paie la double contribution : 88 livres pour Rocroi et 120 livres au second. Rocquigny est pareillement taxé et, de plus, il lui faut parfois payer aussi pour récupérer des animaux qui ont été volés dans le village.
Un habitant se plaindra en 1657 auprès de Terwel d’avoir dû se dépouiller de « 240 l.[2] pour rachepter[3] 2 chevaux et remonter 2 cavaliers du régiment de Grandpré[4] pris dans l’églize[5] par ses ennemys[6], à la vendange dernière, qui leur enlevèrent pour 1 000 l.[7] de butin[8] ». Montmeillant paie 44 livres à Rocroi uniquement.
Turenne se trouve le 1er juillet au camp de Wasigny[1]. Le 17 octobre 1653, il est au camp de Signy-l’Abbaye[2], et le village de Son[3] est placé sous la sauvegarde des troupes royales.
Mais Lalobbe[4] est pillée, Mainby détruit, La Férée[5] et Fraillicourt[6] incendiés. Draize[7] comme Montmeillant[8] sont désertés. Quant à Maubert-Fontaine[9], il n’y a plus rien, ni habitations ni habitants, dans cette bourgade. Un autre camp est établi à Rumigny.
[1] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[2] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[3] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[4] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[5] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[6] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[7] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[8] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
[9] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
Portrait de Turenne, miniature sur ivoire (anonyme français, XVIIe siècle).
Turenne, renforcé par l’armée du maréchal de La Ferté[1] et Conti qui, lui aussi, s’est rallié au roi, arrive une nouvelle fois à proximité de Rethel (Ardennes). La ville repasse du côté royal[2], et Conti retrouve alors son gouvernement de Champagne. Après cette date, la guerre se déplace sur d’autres lieux, en particulier sur le nord du royaume.
[1] Henri II, duc de La Ferté-Senneterre (1599-1681), militaire français, maréchal de France en 1651.
[2]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LN27-90057, Turenne, Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675 ; vicomte de). Auteur ; Huart, Suzanne d’ (1923-2003). Editeur scientifique ; Archives nationales (France). Éditeur scientifique. Lettres de Turenne [1626-1669], extraites des archives Rohan-Bouillon, Paris : SEVPEN [Service d’édition et de vente des publications de l’Education Nationale], 1971, 677 p., cartes, planches en noir et en couleurs, couverture illustrée, p. 490.
Portrait d’Abraham de Fabert, marquis d’Esternay, maréchal de France, musée de Condé (Chantilly).
Pour pallier les nombreux dégâts subis par la région, le maréchal Fabert[1], gouverneur de Sedan[2], suggère à Mazarin dès 1656 d’établir « une taille réelle », basée sur le cadastre. Cette mesure assurerait une répartition équitable de cet impôt entre les paroisses, d’autant que la vie rurale est complètement désorganisée après tous ces événements.
[1] Abraham (de) Fabert d’Esternay, né à Metz le 11 octobre 1599 et mort à Sedan le 17 mai 1662.
[2] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
Carte pour servir à l’histoire des princes de Condé, tomes III et IV, n° 1.
L’élection de Rethel (Ardennes), tout comme le pays environnant, a vu l’incendie des récoltes ou le saccage sur pied de celles-ci. Le vol et la destruction des charrues entrave l’exploitation des terres. La prise du bétail est également à déplorer, en particulier celle des chevaux et bovins qui servent pour le trait. Il faut y ajouter la disparition des troupeaux d’ovins, dont l’élevage pour le textile rethélois apportait un revenu aux familles.
Terwel est chargé de cette mission et s’en acquitte avec beaucoup de sérieux entre avril et juin 1657. Il doit déterminer la fertilité, l’étendue du terroir labourable : Rocquigny a un « terroir médiocre et mauvais 576 arpents outre quelque vin[1], 188 aux habitants en propre. Prez[2] 269 arpents, 69 aux habitants, le reste à l’églize[3], seigneur et censes. Bois au seigneur 800 arpents [4] ». Celui de Montmeillant est décrit ainsi : « stérile et quantité de vin[5] ».
Affligés de terres infécondes, et surchargés par les taxes, certains habitants en sont réduits à mendier, à manger des racines, à vendre des balais faits avec des branches de bouleau récoltées dans la forêt.
[1] Lire quelques vains, c’est-à-dire des terrains soumis du droit de vaine pâture.
[5] Lire vains. Ce droit était en usage au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime.
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire L 44 LR/539 Recto, Callot, Jacques (vers 1592-1635). Graveur ; Henriet, Israël. Editeur, Les Grandes Misères de la guerre : la bataille, eau-forte, épreuve du 1er état, 1633, notice descriptive consultable en ligne.
Il dénombre les forêts, les prés, voire des vignobles s’il y en a, ainsi que « les aisances ou usages communs ». Il note le nombre des charrues, des habitations, des habitants.
D’après son décompte, on apprend qu’il ne reste que quatre charrues à Rocquigny, que les habitants sont au nombre de 160, tandis qu’à La Romagne, il n’y a depuis sept ans que « 13 bastiment[1] au village ». C’est dire si ce dernier a subi les affres de la guerre. Montmeillant n’est pas mieux loti avec « pleins mesnages[2] 10 et 8 demy[3] ». Dans l’ensemble, la population des villages a diminué des deux tiers.
Terwell insiste sur la pauvreté de La Romagne et des deux autres villages circonvoisins, due à ces fameuses contributions « obligatoires » pour essayer d’échapper au carnage des diverses armées.
Il pointe aussi la baisse de la population. Château-Porcien[1] qui comptait 538 feux en 1628 n’en avait plus que 212 en 1657, alors que Signy-l’Abbaye (Ardennes) en avait aux mêmes dates respectivement 256 contre 76.
[1] Commune située actuellement dans le département des Ardennes, en région Grand Est.
En 1657, pour soulager les habitants, il propose de « tailler les habitants » (c’est-à-dire prélever l’impôt dû au roi) non à 240 livres comme en 1656, mais à 90 livres, Rocquigny à 605 livres au lieu de 760, et Montmeillant à 160 livres au lieu de 240. Cette proposition faite pour de nombreux villages en dit long sur l’état de détresse de ces lieux.
L’Isle de la Conférence (ou île des Faisans), dessin à la plume, sépia.
En 1659, lors de la signature du traité des Pyrénées[1] mettant fin à la guerre contre les Espagnols, et dont nos villageois n’ont eu connaissance que quelques mois plus tard, la contrée est exsangue. Néanmoins, cet acte diplomatique permet de rétablir l’ordre dans la Champagne, exposée depuis plus de cinquante ans à des ennemis de tous bords.
[1] Le 7 novembre 1659 sur l’île des Faisans, à la frontière franco-espagnole.
La pauvreté est si extrême, tant à Rethel (Ardennes) que dans toute la région, que des édiles font appel à plusieurs reprises à la charité du révérend père Vincent, puis à son adjoint le frère Jean Parru, afin qu’elle s’exerce à l’égard des pauvres de la ville.
Tout le secteur est concerné, puisque le « Rethélois et la contrée voisine du Porcien avaient été complètement ravagés en 1649 par les Espagnols et les Suédois, puis au printemps de 1650 par des Polonais au service du roi de France, pendant l’été par Turenne au service de la Fronde »[1].
Ce que confirme Armand Picard[1], qui écrit que « Les habitants ne survécurent que grâce à des aides extérieures et à l’action bienfaisante des missionnaires de monsieur Vincent[2] qui organisèrent ravitaillement et secours[3]. »
[1] Intérimaire en pharmacie et érudit local (1860-1947), habitant de Wasigny (Ardennes).
[2] Vincent de Paul, né le 24 avril 1581 à Pouy (actuellement dans le département des Landes, en région Nouvelle-Aquitaine) et mort le 27 septembre 1660 à Paris (actuellement, chef-lieu de la région Île-de-France et siège de la métropole du Grand Paris).
[3]Archives départemental des Ardennes, 1J 21-3 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 21 = histoire du Porcien, dons Didion et abbé Henry, novembre 1949, pièce 1J 21-3, Rocquigny, notes historiques par Armand Picard (1860-1947), 1 cahier].
Bataille de Rethel (Ardennes), 1650, par Franz Ertinger.
Il faut également être conscient qu’à cette époque les frontières sont totalement aléatoires : elles se déplacent en fonction des traités, et les populations à proximité en subissent les conséquences (Les civils ont été à cette époque les premières victimes de guerre).
Les Ardennes, en tant que théâtre de certains affrontements, ont joué un rôle significatif dans ces conflits du XVIIe siècle : la bataille de Rethel (Ardennes) le 15 décembre 1650 a débouché sur une victoire militaire et politique du royaume de France.
La guerre[1] est déclarée le 19 juillet 1870 par Napoléon III au royaume de Prusse, dont Otto von Bismarck est le ministre-président de 1862 à 1890 (il est également chancelier de la confédération de l’Allemagne du Nord de 1867 à 1871). Aux Prussiens se sont associés d’autres Etats comme le grand-duché de Bade, les royaumes de Bavière et de Wurtemberg. Les premiers affrontements ont lieu sur le front de l’Est.
[1] Ce conflit est généralement désigné par le terme « guerre franco-allemande (1870-1871) ». Il peut être également nommé « guerre de 1870-1871 » ou « guerre franco-prussienne (1870-1871) ». Il arrive qu’il soit appelé « guerre de Septante » par certains historiens.
La Romagne et les villages des environs assistent parfois aux passages des troupes, mais ne sont pas directement situés dans la zone des combats, marquée par une cinglante défaite à la suite de la bataille de Sedan (Ardennes).
Les habitants ont cependant ressenti la proximité de la guerre : avant de faire face à l’occupation allemande (le département des Ardennes n’a été libéré de celle-ci qu’en 1873), ils ont été confrontés aux réquisitions de chevaux et de nourriture par les soldats français, aux opérations du 13e corps d’armée, lors de la retraite de celui-ci.
Créée par le décret du 12 août 1870, cette unité militaire défensive[1] débute sa formation le 16 août 1870 à Paris, sous les ordres du général Vinoy[2]. Elle est composée de trois divisions, confiées respectivement aux généraux Exéa[3], Maud’huy[4] et Blanchard[5].
[1] L’armée française gardera cette position, face à des ennemis qui privilégient une stratégie offensive.
[2] Joseph Vinoy (10 août 1800-29 avril 1880), général de division.
[3] Antoine-Achille d’Exéa-Doumerc (24 février 1807-9 février 1902), général de division.
[4] Louis Ernest de Maud’huy (21 janvier 1809-20 octobre 1883), général de division. A ne pas confondre avec son neveu, le général Louis Ernest de Maud’huy (17 février 1857-16 juillet 1921), héros de la guerre de 1914-1918.
[5] Georges Eugène Blanchard (12 octobre 1805-13 février 1876), général de division.
En tout, ces dernières comprennent plus de 30 000 hommes pour l’infanterie (dont certaines recrues, selon le capitaine Vaimbois[1], n’ont jamais ou très peu manié le fusil Chassepot[2]), une réserve d’artillerie plutôt bien préparée, et une division de cavalerie.
[2] Le fusil modèle 1866 tire son nom de son inventeur.
Cette formation quitte Paris le 24 août 1870 par différentes lignes de chemin de fer. Il est prévu qu’elle doit en partie se porter sur la rive droite de l’Aisne à hauteur de Berry-au-Bac[1], mais les directives changent. Seize jours plus tard, le 13e corps est de retour à Paris[2], après avoir vécu de nombreux aléas et péripéties durant sa retraite.
La première division est dirigée sur Reims (Marne). Quant aux deux autres, elles ont pour mission, non de combattre, mais d’inquiéter l’armée du prince Frédéric Charles de Prusse[1] dans sa marche. Or, très vite, elles reçoivent d’autres ordres et doivent se diriger sur Mézières (Ardennes), où elles arrivent le 30 août pour assurer les communications.
[1] Friedrich Karl von Preußen en allemand (20 mars 1828-15 juin 1885).
La situation est déjà compromise : le 18 août a eu lieu la bataille de Gravelotte (Moselle)[1], puis le repli de Bazaine[2] à Metz (Moselle) et son enfermement.
[2] François Achille Bazaine (13 février 1811-23 septembre 1888), général de division et maréchal de France.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8439219, Établissement géographique Erhard frères (auteur), Monrocq imprimeur (auteur), Direction de la marche de l’Armée de Châlons vers Metz (indiquée par le ministre de la Guerre dans le conseil des Ministres), échelle au 1 : 160 000, Paris : Monrocq imprimeur, 1870, 1 feuille en couleurs ; 580 x 440, vue 1/1, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE D-303. Note : Carte de l’Argonne et d’une partie de la Champagne, de Châlons à Verdun. – 1870].
Pour sa part, l’armée de Châlons[1], sous le commandement de Mac-Mahon[2], est arrêtée dans sa marche. En outre, dans la nuit du 30 au 31 août, Failly[3] échoue devant Beaumont[4], alors que ses troupes, qui ont reculé, essaient de résister et de défendre Mouzon (Ardennes), dont les Prussiens ne s’empareront que tard dans la soirée. Les Français reçoivent alors l’ordre de se porter sur Sedan (Ardennes).
[1] Actuellement Châlons-en-Champagne, anciennement Châlons-sur-Marne, chef-lieu du département de la Marne, en région Grand Est.
[2] Patrice de Mac Mahon (13 juin 1808- 17 octobre 1893), général de division, maréchal de France.
[3] Pierre Louis Charles Achille de Failly (21 janvier 1810-15 novembre 1892), général de division.
Les civils fuient sur la route de Sedan (Ardennes) à Mézières (Ardennes). Le 1er septembre, on entend les canons Krupp[1] tonner sur Bazeilles (Ardennes), où se trouve, en particulier, le Ier corps d’armée bavarois[2]. Les combats sont acharnés et sanglants.
[1] L’entreprise de sidérurgie a été fondée par Friedrich Krupp (17 juillet 1787-8 octobre 1826). Le « roi du canon » (« Kanonenkönig ») Alfred Krupp (26 avril 1812-14 juillet 1887) en fait une industrie d’armement de premier rang.
[2]Königlich Bayerisches 1. Infanterie-Regiment « König ». Par convention typographique, les numéros des unités françaises ou alliées se composent en chiffres arabes. Le romain grande capitale est alors réservé aux armées ennemies, pour éviter des confusions.
Après avoir été informé de ce qui se passait à Sedan (Ardennes), le général Vinoy, qui a conscience de l’étendue du désastre, fait savoir au ministre qu’il compte battre en retraite, afin de ramener vers Paris le 13e corps d’armée pour protéger la capitale. Il veut se mettre en route de très bonne heure le 2 septembre, pour prendre de l’avance sur les ennemis qui pourraient le poursuivre.
Une longue colonne s’étire sur plusieurs kilomètres à la sortie de Mézières (Ardennes) pour se diriger sur Charleville (Ardennes) et s’avancer sur la route de Rethel (Ardennes) en passant par Poix[1], Launois[2], Faissault[3], Saulces-aux-Bois[4] et Saulces-Monclin[5].
Les hommes ont très peu de munitions et ne peuvent en obtenir d’autres. Il est décidé qu’en cas d’attaque, cette troupe doit combattre sans arrêter la marche, d’autant que la partie la plus dangereuse se trouve entre Charleville (Ardennes) et Launois (Ardennes).
Aux environs de 6 heures du matin, des échauffourées se produisent entre la colonne française du 13e corps d’armée[1] et les Allemands du VIe cuirassiers[2] et du XVe uhlans[3]. Ces derniers vont se fixer sur la Vence[4].
Or, un évènement peu banal survient : à la suite d’une confusion d’uniformes, des soldats du XVeuhlans[5] et des hussards français se mélangent. Les uhlans se rendent très vite compte de leur erreur, la lutte s’engage et quelques Allemands sont faits prisonniers. La colonne repart de Launois (Ardennes) vers 8 h 30.
[1]Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-LH4-2304, Poirier, Jules (auteur), Le 13e corps d’armée pendant la guerre de 1870, 2e édition, Paris : G. Kleiner, 1901, in-8°, 104 p., cartes.
[2]Kürassier-Regiment Kaiser Nikolaus I. von Rußland (Brandenburgisches) Nummer 6.
Attaqué une nouvelle fois à Saulces-Monclin (Ardennes), Vinoy fait déployer l’artillerie. De son côté, le général Bredow[1], voyant que sa tentative échoue, se replie. Une seconde attaque est menée par une brigade de cavalerie, alors que l’ennemi se contente de les observer.
[1] Friedrich Wilhelm Adalbert von Bredow (25 mai 1814-3 mars 1890).
Comme l’artillerie prussienne occupe le terrain de Bertoncourt (Ardennes), la colonne se détourne de l’itinéraire initial pour prendre le chemin qui conduit à Novion-Porcien (Ardennes). Elle ne subit plus que des escarmouches destinées à lui faire perdre du temps.
Lorsque le village de Novion (Ardennes) est atteint vers 15 heures, le général Vinoy met les troupes au bivouac, pour qu’elles se reposent et que l’on puisse s’occuper de la quarantaine de blessés.
Très rapidement, c’est l’affolement, la population craignant l’arrivée des uhlans. Ils occupent le village, dès le départ des Français.
Finalement, le général Vinoy décide de repartir dans la nuit du 3 septembre dans l’espoir de mettre davantage de distance avec l’ennemi. Le départ est fixé à 2 heures du matin et, pour ne pas alerter les éclaireurs de l’autre camp, des traces de vie sont laissées avec le maintien des feux allumés.
La colonne se prépare à gagner Chaumont-Porcien (Ardennes), lorsqu’une forte pluie se met à tomber. Les hommes sont trempés, la boue qui atténue cependant le bruit des roues ne facilite pas les déplacements. Successivement, la troupe traverse Mesmont[1], Bégny[2], Givron (Ardennes).
[1] Actuellement, département des Ardennes, en région Grand Est. A ne pas confondre avec Mesmont (Côte-d’Or), en région Bourgogne-Franche-Comté.
Or, entre Bégny et Givron, une route descend sur Ecly[1] et Château-Porcien[2], où se trouve l’ennemi. C’est là que le guide qui les conduit (et qui pourtant connait le secteur) se trompe et les engage dans la mauvaise direction[3]. Le général Vinoy s’en aperçoit, et fait rebrousser chemin à ses troupes, dans un grand désordre. Bégny (Ardennes) sera lui aussi occupé par des troupes prussiennes.
La colonne arrive enfin à Chaumont-Porcien (Ardennes) vers 8 heures du matin. Les soldats reçoivent un accueil chaleureux de la population. Il leur sera difficile de repartir à l’heure prévue.
Chaumont (Ardennes), vers midi, voit arriver les dragons allemands. Ils prennent position sur les crêtes à l’est du village, et y installent des batteries. Un bataillon se déploie sur la route entre Adon (Ardennes)[1] et Chaumont (Ardennes), avant que deux autres n’occupent le village, qui n’en sort pas indemne.
[1] Actuellement, commune rattaché à Chaumont-Porcien, dans le département des Ardennes, en région Grand Est. A ne pas confondre avec Adon (Loiret), en région Centre-Val de Loire.
Une nouvelle fois, le général Vinoy décide de changer de route, et de se diriger sur Seraincourt[1], Fraillicourt[2], Montcornet[3].
Ignorant qu’elle n’était pas poursuivie par la XIIe division d’infanterie[1], la colonne française fait halte à Fraillicourt (Ardennes) et, dans un dernier effort, se remet en marche jusqu’à Montcornet (Aisne), où elle parvient à 18 heures. Le lendemain elle gagne Marle[2], puis Laon[3], pour rejoindre Paris le 9 septembre.
[1]12. Division [Alte Armee], union des contingents du royaume de Prusse.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-10505633, Hadol, Paul (dessinateur), La Ménagerie impériale : composée des ruminants, amphibies, carnivores, et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans, Chez Rossignol, 11 rue Taitbout ; Au bureau de l’Éclipse, 16 rue du Croissant, Paris, 30 pl., page de titre : lithographie coloriée ; 17 x 27 cm, page non paginée, vue 11/49, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, TF-387-4.
La capitulation de l’empereur Napoléon III ne met pas fin aux combats. Des groupes de francs-tireurs se forment, et n’hésitent pas à attaquer l’ennemi, qui réplique par des représailles comme à Vaux-Villaine (Ardennes), où trois habitants[1] sont fusillés le 27 octobre 1870 au matin.
[1] Jean-Baptiste Depreuve, Louis Georges et Charles Georges.
Après la défaite, le département des Ardennes se voit imposer, dès le 8 septembre 1870, une contribution d’un million de francs pour compenser les pertes allemandes dans divers domaines, et en particulier celles infligées aux navires allemands par les vaisseaux de guerre français[1].
Dans les registres de Mainbressy (Ardennes)[2], à la date du 20 octobre 1870, le conseil municipal se soumet au paiement d’une somme de 1 800 francs pour éviter, par un refus, des mesures de rétorsion, ce qui montre la crainte ambiante.
[1] En 1870, l’Allemagne ne comptait pas du tout au rang des puissances maritimes. Notre Marine lui était alors largement supérieure.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MAINBRESSY/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série MAINBRESSY/D 1 = administration communale, registre des délibérations du conseil municipal de Mainbressy (Ardennes), 1838-1880].
Peu de temps après, Von Katte[1], qui se présente comme préfet de Rethel (Ardennes), réclame à la commune de Rocquigny (Ardennes)[2] :
Le 12 novembre 1870, la fourniture de 1 500 kg de paille et autant de foin, 30 quintaux métriques (soit 100 kg) d’avoine, et 1 200 kg de viande.
Le 6 décembre 1870, ce sont des réquisitions de literie pour le casernement de troupes prussiennes qui sont mises en œuvre. Quelques jours plus tard, ce sont 75 paires de chaussettes et des couvertures qui sont exigées, sans oublier les sommes sollicitées pour l’éclairage ou des suppléments de gages donnés aux employés des armées prussiennes.
Le 26 janvier 1871, divers ajouts de grains et de blé sont demandés.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROCQUIGNY/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROCQUIGNY/D 1 = administration communale, registre des délibérations du conseil municipal de Rocquigny (Ardennes), 2 octobre 1865-2 juin 1884].
Dans le même temps, Fraillicourt (Ardennes)[1], occupé pendant 172 jours (du 8 septembre 1870 au 26 février 1871), est exposé à des requêtes considérables, après avoir pourvu à la nourriture et au logement de troupes (un régiment de dragons et le XXVIIe régiment d’infanterie[2]).
A la fourniture de grains, de fourrages, de vin, de cidre, d’eau de vie et de liqueurs s’ajoutent des moyens de transport (voitures de maître, charrettes, chariots), des vêtements confectionnés et de la vaisselle.
En 1871, tout est paralysé dans le département, puisqu’une gouvernance allemande a été mise en place, et que la poste ne fonctionne plus. A tout cela, s’ajoute la rigueur de l’hiver. La misère et la peur règnent une fois de plus sur la contrée.
Cette gestion par les Allemands disparaît après la signature des préliminaires de paix (mars 1871). L’administration française reprend alors sa place. La loi du 14 avril 1871 prescrit à cet effet un renouvellement intégral des membres des conseils municipaux.
La commune de La Romagne est imposée d’une contribution aux frais des besoins de l’armée allemande. Celle-ci s’élève à 50 francs par tête d’habitant, ce qui fait un total de 21 200 francs.
Ces derniers ne peuvent être délivrés qu’au moyen d’un appel aux contribuables les plus aisés de la commune, et d’un emprunt remboursable en 5 ans une fois la guerre terminée.
A partir de 1872, la conséquence de ces contributions est une imposition exceptionnelle. L’autorité allemande ne se contente pas de ces sommes. Elle réclame en sus environ 3000 francs, correspondant à la contribution foncière afférente à l’Etat.
De plus, la commune (tout comme d’autres villages ardennais cités plus haut) est mise en demeure de fournir, en plus de divers produits (dont on ne connaît pas la liste), une voiture de houille attelée de quatre chevaux. Celle-ci pose un certain nombre de problèmes à la municipalité, car le voiturier doit aller chercher en Belgique son chargement avant de le rapporter à Rethel (Ardennes).
Ce qui n’est pas sans risque, puisque l’on craint une confiscation à la frontière, soit par les douaniers, soit par les francs-tireurs. Une solution est arrêtée[1] : monsieur Merlin fournit la voiture et l’attelage, tandis que le village réquisitionné se porte garant du matériel prêté pour cette opération. Apparemment, cette dernière s’est bien déroulée.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre des délibérations du conseil municipal de La Romagne (Ardennes), 24 juin 1849-6 août 1893], décisions des 22 janvier 1871 et 15 octobre 1871.
L’armistice général intervient le 15 février 1871 et, si le traité préliminaire de paix est signé le 26 février 1871 à Versailles[1], ce dernier proclame aussi l’unité allemande.
[1] Actuellement, département des Yvelines, en région Île-de-France.
En réalité, c’est le traité de Francfort-sur-le-Main du 10 mai 1871 qui met fin à cette guerre franco-allemande de 1870-1871. Cette dernière a profondément marqué les Ardennes (qui auront subi l’occupation après la défaite de Sedan, mais aussi en 1914-1918 et en 1939-1945).
Quant à la France, elle offre un nouveau visage, avec le rattachement de l’Alsace et de la Lorraine à l’Empire allemand sous le nom d’Elsaß-Lothringen.
Les villages reçoivent des compensations financières au titre des dommages de guerre. C’est ce qu’indique par exemple la séance extraordinaire du conseil municipal de Montmeillant (Ardennes)[1] du 20 avril 1872, qui précise que la commune se voit accorder une somme de 1 285,40 francs, versée par cinquième.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/MONTMEILLANT/D 3 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série MONTMEILLANT/D 3 = administration communale, registre des délibérations du conseil municipal de Montmeillant, 1840-1888].
Pour bon nombre de communes, les archives constituées des registres de délibération des séances des conseils municipaux restent la plupart du temps muettes sur la période allant de fin juillet 1870 à l’année 1872.
Les documents subsistants apprennent cependant que quelques Romanais ont été exemptés de la guerre, soit parce qu’ils étaient instituteurs (Alexis Stévenot), ou pour raisons de santé (Théophile Adonis Larchet).
Ils attestent également que Pierre Aristide Devie a exercé sa profession de maréchal-ferrant au sein du 5e régiment de hussards de 1872 à 1877.
Ils témoignent enfin que La Romagne a été touchée par la mort au combat ou l’emprisonnement par l’ennemi de jeunes gens nés dans le village.
Les natifs de La Romagne soldats de la guerre franco-allemande 1870-1871 (A-Z)
Pierre Chailloux[1], fils de François-Xavier Chailloux et d’Adèle Millet, est né le 7 octobre 1847 à La Romagne. Il est incorporé en juillet 1868, puis appelé à l’active dès juillet 1870. Il est soldat de 2e classe à la 2e compagnie du 2e bataillon de la garde mobile des Ardennes, et décède le 1er novembre 1870[2] à Rocroi (Ardennes) à l’hôpital militaire.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1007 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)]. [2]Archives départementales des Ardennes, 2E 369 5 [sous-série 2E = archives communales déposées, articles 2E 369 1-10 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, baptêmes, mariages, sépultures, cote 2E 369 5 = années 1863-1872], transcription de l’acte de décès, vue 156/177, consultable en ligne.
Alfred Léon Chéry[1], fils de Pierre Chéry et de Marie-Joséphine Ismérie Noël, est né le 10 novembre 1849 à La Romagne. Appelé en août 1870, il est fait prisonnier le 19 janvier 1871 et ne rentre en France que le 24 avril 1871. Il est définitivement licencié par la paix le 31 décembre 1872.
[1] Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1014 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)].
Michel Célestin Dupont[1], fils de Jean Nicolas Dupont et d’Elisabeth Bonhomme, est né le 30 avril 1850 à La Romagne. Devenu volontaire le 16 août 1870, il est incorporé au 1er régiment de chasseurs à pied de Belval (Ardennes), où il est nommé trompette le 31 mai 1871.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1017 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)].
Pierre Millet[1], fils de Pierre Millet et de Félicité Grimplet, est né le 12 juin 1850 à La Romagne. Il est incorporé en août 1870 comme appelé des Ardennes.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 1R 1017 [série R = affaires militaires, organismes de temps de guerre, sous-série 1R = préparation militaire et recrutement de l’armée, articles 1R 1001-1647 = registres des états signalétiques et des services (1864-1940)].
Nota bene : cette liste limitative cite uniquement les Romanais par naissance, c’est-à-dire les personnes qui sont nées à La Romagne, et non celles qui pourraient y avoir habité par la suite.
Après le désarroi provoqué par la défaite de Sedan (Ardennes) et son retentissement national, la déchéance officielle de Napoléon III le 1er mars 1871, et la chute du Second Empire, la Troisième République (régime en vigueur du 4 septembre 1870 au 10 juillet 1940) mène une politique d’expansion des colonies qui aura un certain retentissement sur la vie de La Romagne.
Les natifs de La Romagne et le second empire colonial français (A-Z)
Clovis Dupont, né le 18 juillet 1855 à La Romagne, part pour l’Algérie, où du reste il meurt le 12 octobre 1879 à l’hôpital militaire de M’Sila[1].
[1] Chef-lieu de la wilaya (collectivité territoriale) de M’Sila.
Fernand Gustave Devie, né le 14 décembre 1880 à La Romagne, engagé volontaire, intègre plusieurs bataillons d’infanterie coloniale, et fait les campagnes du Sénégal entre 1901 et 1904.
Nota bene : cette liste limitative cite uniquement les Romanais par naissance, c’est-à-dire les personnes qui sont nées à La Romagne, et non celles qui pourraient y avoir habité par la suite.
C’est ainsi que quelques jeunes hommes natifs du village, lors de leur service militaire ou au cours de leur carrière, participent à la promotion du second empire colonial français[1], principalement en Afrique.
[1] Le premier empire colonial français correspond aux conquêtes de l’Ancien Régime.
Madame Marie-Madeleine Albertini, maîtresse de couture, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami née Albertini).
Outre l’accent mis sur l’enseignement de l’écriture et de la lecture, la loi Guizot du 28 juin 1833 organise l’enseignement primaire en trois divisions correspondant à l’âge des enfants.
La première regroupe les six/huit ans, qui se doivent d’apprendre l’instruction morale et religieuse à travers le catéchisme et l’histoire sainte, deux matières incluses dans le programme. En outre, l’élève fait l’apprentissage de l’écriture, de la lecture à haute voix et des premières notions de calcul.
Dans la deuxième division, les huit/onze ans voient s’ajouter au programme de base l’étude de la langue française (et notamment de sa grammaire), des rudiments d’histoire et de géographie, avec éventuellement un peu de chant et de dessin.
Termes de géographie : paysage de la région tempérée ; région tropicale.Termes de géographie : paysage polaire ; port de mer.Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-52514233, Vidal de La Blache, Paul (cartographe), Termes de géographie :paysage de la région tempérée ; région tropicale. – Au verso : paysage polaire ; port de mer, Paris : Armand Colin, 1885, 1 feuille en couleurs, 117 x 98 cm, vues 1/2 et 2/2 consultables en ligne sur Gallica, lot d’images reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE AA-25 (1/1 BIS-1885). [Note : atlas de 22 cartes murales, parlantes au recto, muettes au verso. Documents cartographiques n° 1 et 1 bis].
Quant aux plus grands, ils approfondissent les notions reçues précédemment. Un point concerne l’enseignement particulier donné aux filles : elles doivent être exercées aux travaux de leur sexe, et en particulier à la couture.
Pour toutes ces divisions, le maître doit recommander la propreté du corps ou des vêtements, et punir ceux qu’il trouve en défaut sur ces points.
L’enseignement primaire n’est pas le seul à susciter de l’intérêt pour améliorer le sort de la population : dès la monarchie de Juillet (qui succède en 1830 à la Restauration, après la révolution de Juillet), des tentatives voient le jour pour développer d’autres formes d’instruction (comme l’enseignement agricole, qui vise une meilleure formation des cultivateurs).
Le ministre de l’Agriculture de l’époque a le projet d’établir des fermes-écoles dans chaque arrondissement : y seraient admis des apprentis âgés de seize à dix-huit ans, fils de cultivateurs et d’ouvriers agricoles, afin de parfaire leurs connaissances. Au-dessus de celles-ci, des écoles « régionnelles[1] » [sic] permettent de former des agronomes perfectionnés.
Archives départementales des Ardennes, 8FI 14 [série FI = documents figurés, quelle que soit leur date, sous-série 8FI = cartes postales], Charleville – quai de la Madeleine et école normale d’institutrices, cliché Limbour (photographe) & J. Winling (éditeur), carte postale ancienne en noir et blanc, virage sépia, consultable en ligne.
Dans le but que certains élèves puissent acquérir une formation plus approfondie, les chefs-lieux de canton créent une école primaire supérieure, dans laquelle l’enseignant est titulaire d’un brevet supérieur acquis au cours de sa formation dans une école normale ou privée.
L’enquête de 1848 sur le travail agricole et industriel révèle que les quatre cinquièmes des travailleurs savent lire et écrire, qu’un dixième sait lire mais ne sait pas écrire, et que le dernier dixième ne sait ni lire ni écrire[1].
[1]Archives nationales, C 945 [série C = fonds publics postérieurs à 1789, archives des assemblées nationales (1787-1958), cotes C 943-969 = enquête sur le travail agricole et industriel, prescrite par le décret du 25 mai 1848, exécutée par cantons et portant sur l’état de l’agriculture et de l’industrie dans chaque canton, la condition des ouvriers et des salaires, le chômage, les associations, l’état moral et religieux de la population ouvrière, l’émigration des travailleurs vers les villes 1848-1849].
Le département n’est pas indifférent au sort des plus petits, puisque le conseil général des Ardennes, dès 1850, émet le vœu que des salles d’asile pour l’enfance soient établies dans les communes rurales. Il n’est pas possible de déterminer exactement pour La Romagne si ces directives ont été suivies, dans la mesure où les registres des délibérations du conseil municipal de cette époque ont disparu.
La loi Falloux du 15 mars 1850 reconnaît deux types d’écoles : les unes, publiques, relèvent selon leur lieu de l’Etat, du département ou des communes. Les écoles libres dépendant de particuliers ou d’associations.
Ainsi existe-t-il à Wasigny (Ardennes) une école primaire supérieure et privée, avec possibilité d’accueillir des pensionnaires. Quelques années plus tard, la congrégation de l’Enfant Jésus de Reims (Marne) ouvre une école de filles à Lalobbe (Ardennes)[1].
C’est aussi à ce moment-là qu’est imposé le français comme seule langue en usage à l’école. Cette décision est confirmée par le règlement modèle pour les écoles publiques du 17 août 1851 adopté par le ministre de l’Instruction publique Marie Jean Pierre Pie Frédéric Dombidau, baron de Crouseilhes[1], de manière que les élèves soient « formés à l’usage habituel de cette langue », selon son article 29.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-10525063, Moreau-Nélaton, Étienne (collectionneur), [recueil de célébrités du XIXe siècle], [entre 1860 et 1880 environ], album de 50 photographies positives sur papier albuminé, format carte de visite, image 33 [portrait de Jules Ferry par Bacard fils photographe], page non paginée, vue 33/116, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 4-NA-109 (2).
Les lois dites Jules Ferry des 16 octobre 1881 et 28 mars 1882 instituent l’obligation et la gratuité de l’enseignement. Elles affirment la sortie du programme obligatoire d’enseignement de tout dogme, de manière que tous aient accès à la lecture et à l’écriture.
Livret d’instruction civique : opuscule de l’élève.Livret d’instruction civique : opuscule du maître.Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-1197059, Dupuy, Charles (sous la direction de) ; Laloi, Pierre (auteur), Livret d’instruction civique [opuscule de l’élève] : questions – résumés – sujets de rédaction, (L’Année du certificat d’études), Paris : Armand Colin, [1892, Nota bene : date d’après le tampon du dépôt légal], 1 vol. (40 p.), page non paginée, vue 5/50, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-R-10909 (8,2). Voir aussi Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-1197058, Dupuy, Charles (sous la direction de) ; Laloi, Pierre (auteur), Livret d’instruction civique : opuscule du maître – résumés – développement des sujets de rédaction, (L’Année du certificat d’études), Paris : Armand Colin, [1892, Nota bene : date d’après le tampon du dépôt légal], 1 vol. (40 p.), page non paginée, vue 7/50, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-R-10909 (8,1).
L’enseignement civique et moral est en revanche introduit. L’instituteur est chargé de former l’esprit des enfants en développant le bon sens, l’observation, la réflexion et le raisonnement.
En outre, et surtout dans les communes rurales, il doit fortifier ses élèves dans le goût des travaux qui occupent les gens du village, tout en leur faisant comprendre les bienfaits de l’instruction, les inconvénients de la routine et la nécessité du progrès.
On sait peu de choses sur l’enseignement donné par Joseph Hézelle, maître d’école à La Romagne de 1807 à 1816, si ce n’est que, comme il était chantre, il enseigne le chant à ses élèves, mais aussi le « nouveau catéchisme ». Les livres qu’il utilise montrent la prééminence de la religion dans l’enseignement :
L’Instruction de la jeunesse ;
La Pensée chrétienne et quelques autres livres de piété ;
L’un de ses successeurs en 1823, Pierre Emile Fréal, utilise une méthode d’enseignement ancienne : c’est la première allusion vague et très succincte que l’on trouve sur la méthode pédagogique.
Localement, les maîtres sont surveillés par les maires et les curés, signe d’une mentalité très conservatrice qui met l’accent sur l’importance de la moralité. Elle transparaît dans le commentaire identique émis sur ces deux instituteurs : « Il se comporte bien et instruit bien » : la prééminence du comportement sur la qualité de l’enseignement dispensé est notable.
Jusqu’aux lois de 1882, l’instituteur est constamment surveillé sur sa tenue vestimentaire : il ne peut pas se montrer bras nus, sans cravate ou avec un bonnet de coton. Il l’est également dans sa tenue morale, d’autant qu’il doit accompagner les enfants aux offices des dimanches et fêtes, ou à l’époque de la première communion.
A partir de 1816, le roi crée dans chaque canton un comité chargé de surveiller l’enseignement primaire. On retrouve constamment ensuite et malgré les changements de régime cette surveillance religieuse, puisque l’évêque (ou un de ses délégués) fait partie du conseil départemental de l’Instruction publique au même titre que le préfet et deux membres du conseil général.
On est encore loin des inspecteurs primaires mis en place pour veiller à l’application des lois de 1882, mais aussi pour soutenir et conseiller les instituteurs nommés par la République. Ces derniers, titulaires de chaque canton, participent à l’élaboration de la liste des livres en usage dans le département, en assistant chaque année à une réunion, à l’issue de laquelle ils communiquent à l’inspecteur primaire les additions et les suppressions qu’ils jugent utiles.
Ces propositions remontent ensuite vers le recteur, puis au ministre qui statue en dernier ressort : le département des Ardennes dépend d’abord de l’académie de Douai (Hauts-de-France), puis de celle de Lille (Hauts-de-France) à partir de décembre 1888, avant d’être rattaché à l’académie de Reims (Marne) au milieu du XXe siècle.
La Révolution ne modifie pas la manière de recruter les maîtres d’école, qui se trouvent soumis non seulement à la municipalité mais aussi au curé. L’imbrication du civil et du religieux se marque chez l’instituteur par son double rôle dans les communes rurales où, bien souvent, il est également chantre.
La pratique ancienne et pré-révolutionnaire se poursuit, pour lui, à travers l’entretien de l’église, la sonnerie de l’angélus, des baptêmes, mariages et enterrements, ou le portage de l’eau bénite au domicile des malades. Au milieu du XIXe siècle, l’instituteur ne peut plus être contraint à être clerc laïque, sauf si une convention entre la commune et lui est signée lors de son installation.
Il faut attendre la Troisième République et les lois sur l’obligation scolaire pour que les instituteurs soient nommés par le Gouvernement et ne dépendent plus que de lui, même si le microcosme rural se passionne toujours pour les faits et gestes des maîtres et maîtresses de leur village.
Cette nomination par l’Etat modifie profondément le mode de rétribution. Le salaire devient fixe. L’instituteur n’est plus assujetti aux parents, qui avaient pour un certain nombre beaucoup de mal à le payer. Le maire de La Romagne dresse ce constat en 1833 :
« Sur près de cent enfants capables de fréquenter les écoles, la moitié sont dans l’impossibilité de payer les rétributions, puisque la plupart appartient à des parents pauvres qui se privent d’une partie de leur nécessaire pour les envoyer à l’école deux ou trois mois chaque année, et la modicité des revenus du maître ne lui permet pas d’enseigner gratis. »
Avis émis par le maire de La Romagne (Ardennes) en 1833 sur les moyens limités qu’ont les parents pour envoyer leurs enfants à l’école, et sur l’impossibilté matérielle pour l’instituteur d’offrir ses cours.
La succession en 1857 de Marie Frougniet, femme de Victor Graux (instituteur et chantre), nous apprend qu’il y a des arrérages de traitement, et que pour sa fonction de chantre, il perçoit la somme de 30 francs.
Lors de la création de l’école de filles, la municipalité prend en charge le traitement de l’institutrice, et accorde la gratuité aux seuls enfants dont les parents ne peuvent pas payer la rétribution scolaire. Cet effort budgétaire est si important que, parallèlement, le conseil municipal, malgré la demande expresse du préfet et l’intérêt que présente la création d’une caisse des écoles pour les élèves, décide d’ajourner ce projet.
Elle ne verra le jour que quelques années plus tard : elle devient obligatoire aux termes de la loi du 28 mars 1882 article 17. Elle n’est réorganisée qu’en 1926, après avoir connu un moment de sommeil. Pour cela, des crédits sont mis au budget communal dès 1925 (40 francs), puis en 1926 (20 francs), pour former une dotation.
D’autre part, et pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, la coopérative scolaire reçoit quelques subsides à l’occasion des quêtes effectuées lors d’un mariage, comme c’est le cas lors de l’union de Fernand Taillet et d’Ida Carbonneaux[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 129, « La Romagne. – Au mariage » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s. n.], 1880-1944, cinquante-septième année, n° 3466, lundi 16 janvier 1939, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/6, consultable en ligne].
Très souvent, après 1882, l’instituteur est secrétaire de mairie. Afin de pouvoir effectuer cette tâche, il doit recevoir l’autorisation du conseil départemental de l’enseignement primaire. Cette fonction, si elle permet d’améliorer la rémunération du maître d’école, l’attache davantage à la commune dans laquelle il exerce.
Les instituteurs sont répartis en plusieurs classes, si bien qu’en 1905, le traitement annuel varie de 1100 francs pour un stagiaire à 2200 francs pour un enseignant de la première classe, sachant que, pour la même catégorie, une institutrice perçoit 200 francs de moins.
Jusqu’à la loi Guizot, il n’y a pas de véritable formation pour les maîtres d’école même si, à partir de 1816, la possession d’un brevet de capacité obtenu après un examen devient obligatoire pour pouvoir exercer dans des écoles primaires. Tout d’abord, ce sont les écoles normales pour les maîtres qui sont créées puis, en 1838, celles pour les maîtresses. Cette formation en écoles normales se poursuit, quel que soit le régime.
Archives départementales des Ardennes, 8FI 14 [série FI = documents figurés, quelle que soit leur date, sous-série 8FI = cartes postales], Charleville – l’école normale de jeunes filles et l’école maternelle, annexe rue Jean-Baptiste-Clément, J. Winling (éditeur), carte postale ancienne en noir et blanc, virage sépia, consultable en ligne.
Archives départementales des Ardennes, 8FI 14 [série FI = documents figurés, quelle que soit leur date, sous-série 8FI = cartes postales], Charleville – école normale d’institutrices – construite en 1884 par M. Jules Racine, architecte départemental, J. Winling (éditeur), carte postale ancienne en noir et blanc, virage sépia, consultable en ligne.
Sous le Second Empire, les candidats à l’école normale font l’objet, avant leur entrée dans cet établissement, d’une enquête assez poussée : elle concerne non seulement leur nationalité (il n’est pas exigible d’être français), leur conduite, mais aussi leur constitution physique et leur aptitude à remplir la fonction de chantre, ce qui démontre une fois de plus les liens étroits entre enseignement et Eglise.
Si tous les critèressont réunis, il ne reste plus au candidat qu’à satisfaire au passage devant une commission, qui établit un classement par ordre de mérite en fonction des places vacantes. En dernier lieu, l’admission est prononcée par le préfet, sur la proposition de l’inspecteur d’académie.
Ce dernier tient compte des vœux du conseil municipal alors que, dans les temps précédents, l’instituteur communal était nommé directement par le conseil municipal, après consultation de la liste dressée par le conseil académique du département. C’est ce conseil qui décide du nombre d’instituteurs que doit avoir une commune et qui, pour ce faire, autorise la nomination d’un instituteur adjoint dès l’âge de dix-huit ans, parfois même avant qu’il n’ait passé son examen de compétence.
Archives départementales des Ardennes, 8FI 14 [série FI = documents figurés, quelle que soit leur date, sous-série 8FI = cartes postales], 18. Charleville – école normale [Nota bene : la mention « des filles » a été ajoutée à l’encre en écriture manuscrite], Maurice Guillaume (éditeur), carte postale ancienne en noir et blanc, virage sépia, consultable en ligne.
Quelques jeunes gens et jeunes filles originaires du village sont nommés après leurs études à l’école normale du département, et sont affectés parfois dans les environs. On retrouve parmi ceux-ci :
René-Louis Sonnet, né le 7 octobre 1838 à La Romagne, fils de Jean-Charles Sonnet et de Honorine Boudsocq ;
Marie-Dieudonnée Davenne, née le 28 mars 1852 à la Romagne, fille de Jean-Baptiste Davenne et d’Aurore Louette. Elle exerce successivement au Fréty (Ardennes) puis à Fépin (Ardennes).
Jean-Pierre Ovide Stevenot, né le 1er septembre 1857 à La Romagne, fils de Louis Stevénot et de Marie Madelaine Pélagie Desté ;
Léontine Auzanne-Alloy, née le 3 octobre 1861 à La Romagne, fille de Charles Nicolas Auzanne et d’Amélie Mauroy. Elle enseigne tout d’abord à Thiéry-Pré (Ardennes), à Seraincourt (Ardennes) puis à Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes).
Jean-Baptiste Cambray, né le 19 juin 1867 à La Romagne, fils de Louis Virgile Cambray et de Mathilde Paillon ;
Elie-Clovis Dupont, né le 23 décembre 1879 à La Romagne, fils de François Jules Dupont et de Marie Constance Vuilmet.
Archives départementales des Ardennes, 8FI 14 [série FI = documents figurés, quelle que soit leur date, sous-série 8FI = cartes postales], Charleville – école normale d’institutrices – construite en 1884 par M. Jules Racine, architecte départemental, J. Winling (éditeur), carte postale ancienne en noir et blanc, virage sépia, consultable en ligne.
Dans les communes rurales, chaque enseignant exerce le plus souvent en classe unique, et fait parfois appel aux plus grands pour aider les plus jeunes.
Pour enseigner, les instituteurs et institutrices du village disposent d’une salle de classe d’une surface d’environ quarante mètres carrés et d’une hauteur de deux mètres (tout au moins pour l’école de garçons), avant la mise à disposition d’une salle plus spacieuse et lumineuse dans la nouvelle école.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-55008728, Selves, Henri (auteur, éditeur, imprimeur, fabricant), Globe terrestre, dressé pour l’usage des collèges, lithographies et limites coloriées, 15 cm de diamètre, 27 cm de hauteur, objet sur pied en bois tourné, page non paginée, vue 2/2, consultable en ligne sur Gallica, image reproduite d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, GE A-1477 (RES), communication soumise à condition.
Le matériel pédagogique de base est constitué de deux ou trois tableaux noirs, de cartes de géographie des départements, de la France, d’un globe terrestre, d’un nécessaire métrique, d’une collection de solides géométriques.
En outre, depuis 1865, l’école dispose d’une bibliothèque, qui compte alors environ cent cinquante ouvrages. Mais les prêts ne sont pas nombreux (on en dénombre seulement quatorze pour l’année 1920), ce qui peut s’expliquer par le travail effectué après l’école, qui laisse peu de temps libre.
Au fil des années, ces supports sont complétés. Mais, après l’invasion de 1940, le matériel pédagogique, l’appareil cinématographique, les meubles de la bibliothèque et tous ses livres, ainsi que le poêle, disparaissent. Tout est dans un premier temps réparé, et les objets remplacés, à l’exception de l’appareil cinématographique[1]. Ce qui enlève un moyen de réunir les habitants autour d’un film, à un moment où rares sont ceux qui peuvent se rendre en ville pour aller au cinéma.
[1]Archives départementales des Ardennes, 13R 1661 [série R = affaires militaires et organismes de temps de guerre depuis 1800, sous-série 13R = dommages de guerre 1939-1945].
Madame Marie-Madeleine Albertini, maîtresse de couture, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Marie-Hélène Beltrami née Albertini).
En 1950, le conseil municipal propose comme maîtresse de couture madame Marie-Madeleine Albertini pour remplacer mademoiselle Jonnart dans cette tâche. En 1963, c’est madame Geneviève Fleury, la femme de l’instituteur Pierre Fleury, qui s’en occupe. Cet enseignement ne tarde pas à disparaître des programmes, remplacé par d’autres activités.
Si, au XVIIIe et au XIXe siècles, les changements de maîtres sont fréquents dans la commune, celle-ci connaît progressivement une plus grande stabilité : plusieurs enseignants du XXe siècle restent ainsi plus d’une décennie.
La première trace que l’on ait d’un logement fourni par la commune (qui n’en est probablement pas propriétaire) à son instituteur date de 1823, alors que celui-ci perçoit une rétribution de 40 francs[1].
[1]Archives départementales de la Marne, site de Reims, 7J 53 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 53-56 = enseignement, cote 7J 53 = enseignement libre. – Brochures (1834-1895). – Généralités sur l’enseignement libre (1840-1850). – Généralités sur les constructions et l’entretien d’écoles libres (1850-1870). – Compte rendu pour les cérémonies du deuxième centenaire de la fondation des écoles chrétiennes des frères (1880). – Budgets et états d’écoles primaires catholiques du diocèse de Reims (1823). – Plaintes contre les maîtres d’école ; contentieux (1823-1832)].
Plan sommaire du nouveau bâtiment scolaire, daté du 25 juin 1949, consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne (Ardennes), avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe.
En 1849, chaque commune se doit de fournir des locaux décents pour la tenue de la classe et pour l’habitation. A partir de la construction de la première école, puis de la création de l’école de filles, les enseignants sont respectivement logés dans le bâtiment scolaire.
Un rapport daté de 1920/1921 permet de connaître ce qu’est un « logement de fonction » dans une petite commune, quoique la situation varie d’une région à l’autre. A La Romagne, les deux logements sont composés de cinq pièces d’habitation dont quatre « à feu[1] », avec une cave, un puits pour l’eau, une petite remise et un jardin d’environ trois ares. La commune ne fournit ni l’éclairage ni le chauffage du logement.
Plan sommaire du rez-de-chaussée et du premier étage de l’ancien bâtiment scolaire, 1921, échelle au 1 : 100, consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne (Ardennes), avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe.
Selon le plan établi, on peut remarquer que le logement de l’instituteur se trouve disposé sur deux niveaux. La cuisine et la salle à manger voisinent avec la classe, alors que les chambres se trouvent au premier étage à côté de la mairie, ce qui n’est ni pratique ni intime.
Plan de masse, esquisse pour la construction d’une mairie-école, échelle au 0,002 pm, consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne (Ardennes), avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe.
Lors de la reconstruction, un effort tout particulier est fait en ce qui concerne son confort, et le logement est d’un seul tenant. En février 1959, compte tenu de la famille nombreuse de l’institutrice, le conseil municipal décide d’aménager une chambre supplémentaire dans le grenier de l’école. Après la fermeture de l’école, ce logement est loué durant quelque temps.
Plan de l’étage de la nouvelle école, consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne (Ardennes), calque, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe.
La journée de classe se déroule jusqu’en 1882 en général de 8 h à 12 h et de 13 h à 17 h. Par la suite, les horaires comportent deux récréations ponctuées par la sonnerie de la cloche installée en 1886. La durée des vacances d’été varie entre le XIXe siècle et le suivant.
En 1800, elles durent du 5 août au 20 septembre.
En 1894, il y a six semaines de vacances en été.
En 1922, deux semaines sont ajoutées pour les vacances d’été.
En 1939, elles sont fixées du 15 juillet au 30 septembre.
En 1961, elles ont lieu du 28 juin au 16 septembre.
En dehors de celles-ci, le jeudi est le jour hebdomadaire sans classe jusqu’en 1972, moment où il est remplacé par le mercredi. Les élèves ont quelques jours de congés comme le Jour de l’an, les Jeudi, Vendredi et Samedi saints, les lundis de Pâques et de Pentecôte, ainsi que le jour de la fête du roi ou de l’empereur.
C’est en 1894 que les élèves bénéficient d’une semaine à Pâques, et en 1938 d’une semaine à la Noël, avant qu’un remaniement et la création de deux (puis trois) zones scolaires n’interviennent pour favoriser les développements touristiques.
Le repère religieux, bien qu’assez vivace chez de nombreuses personnes, s’efface dans la dénomination officielle, pour faire place aux vacances d’automne, de fin d’année, d’hiver, de printemps et d’été.
Jusqu’à l’application des lois de la Troisième République, le maître d’école, qui doit toujours donner des cours d’instruction religieuse, est aussi tenu de commencer et de terminer la journée de classe par une prière.
Livret d’éducation morale pour les garçons : livret de l’élève.Livret d’éducation morale pour les garçons : opuscule du maître.Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-1197054, Dupuy, Charles (sous la direction de) ; Le Peyre, Jacques (auteur), Livret d’éducation morale pour les garçons [livret de l’élève] (L’Année du certificat d’études), Paris : Armand Colin, 1895, 1 vol. (39 p.), page non paginée, vue 3/44, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-R-10909 (11,2). Voir aussi Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-1194156, Dupuy, Charles (sous la direction de) ; Le Peyre, Jacques (auteur), Livret d’éducation morale pour les garçons : opuscule du maître – développement des sujets de rédaction, (L’Année du certificat d’études), Paris : Armand Colin, [1896. Nota bene : date d’après le tampon du dépôt légal], 1 vol. (62 p.), page non paginée, vue 3/68, consultable en ligne sur Gallica, texte reproduit d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, 8-R-10909 (11,1).
L’instruction civique et morale prend la place de l’instruction religieuse mais le jeudi, journée où les élèves vaquent, permet aux parents qui le souhaitent de faire donner celle-ci à leurs enfants. La laïcité à l’école offre ainsi aux élèves la liberté de croire ou de ne pas croire, tout en les préservant de tout prosélytisme idéologique, économique et religieux.
Les paroissiens romanais participent depuis plusieurs siècles aux pèlerinages des environs, tant en Picardie qu’en Champagne. Dès le XVe siècle, les habitants du Porcien et du Rethélois se rendent à pied, en charrette ou en chariot, au pèlerinage de Liesse[1] en passant par Saint-Fergeux (Ardennes) et les hauts de Recouvrance[2], où se trouvait alors une petite statue de Vierge à l’Enfant[3] en bois[4].
Il n’y a pas de pèlerinage spécifique à La Romagne, même s’il y a une dévotion particulière à saint Eloi (que l’on a célébré pour la dernière fois au village le 1er décembre 2002[1]) et à saint Hubert, que l’on honore de nouveau bisannuellement depuis 1997 vers le 3 novembre[2].
[2] Cette date est celle du calendrier républicain. Il est fêté à cette date-là en Belgique, au Grand-Duché du Luxembourg, etc. Il est célébré d’autre part au 30 mai selon le martyrologe romain.
Le pèlerinage de Chaumont-Porcien (Ardennes)[1] permet de prier à la fois saint Berthauld, sainte Olive et sainte Libérète[2] (filles du seigneur de Hauteville), saint Vivien et saint Amand. L’abbaye de Chaumont-Porcien (Ardennes) possède des reliques, dont certaines ont disparu à la Révolution.
Lors de la visite épiscopale de 1872, on découvre en ouvrant le reliquaire un procès-verbal dressé par M. Poinsignon, premier curé nommé à la suite du rétablissement du culte, qui authentifie la relique du chef[3] de saint Berthauld[4].
Des chapelles élevées pour les deux saintes, détruites à plusieurs reprises, et en particulier lors des guerres de Religion, sont reconstruites par la suite.
Le pèlerinage du Fréty (Ardennes) est dédié à saint Gorgon. Une relique[1] est conservée dans l’église. Le culte de ce saint a probablement été introduit dans ce village par les Pange, propriétaires et seigneurs de la terre de ce lieu.
Des milliers de personnes y participent au cours du XIXe siècle, où il connaît un grand renouveau. Il a lieu aux alentours du 9 septembre[1], et est suivi d’une neuvaine. En 1878, une seconde relique est récupérée. Elle est placée dans la nouvelle église, reconstruite sur un petit monticule. Cette dernière domine les environs, et est consacrée le 2 octobre 1890 par l’archevêque de Reims. D’autres pèlerinages sont également dédiés à ce saint à Avaux-le-château (Ardennes) ou à Pouillon (Marne).
[1] Date de sa fête locale selon le martyrologe romain.
A la suite de l’apparition de la Vierge Marie le 30 avril 1752 à huit enfants, le village de Neuvizy (Ardennes) est devenu un lieu de piété populaire. Chaque année, particulièrement au mois de mai, des pèlerinages y sont organisés. Carte postale ancienne en noir et blanc, Charpentier-Richard, éditeur, Mézières-Charleville (appelée aujourd’hui Charleville-Mézières).
Les principaux voyages de dévotion à Notre-Dame-du-Bon-Secours de Neuvizy (Ardennes) ont lieu traditionnellement le 1er mai de chaque année, durant ce mois marial, à la Pentecôte et à l’Assomption. En 2023, la saison des pèlerinages a été lancée par monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, 111e archevêque de Reims, nommé le 18 août 2018 par le pape François, photographie ancienne en noir et blanc, collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Les paroissiens se rendent également à Neuvizy (Ardennes), principalement en mai ou « mois de Marie », car le pèlerinage est dédié à Notre-Dame-de-Bon-Secours.
Des familles de La Romagne à la sortie de messe à Notre-Dame-de-Bon-Secours à Neuvizy (Ardennes), lors d’un pèlerinage, photographie ancienne en noir et blanc, collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Ce sanctuaire marial rappelle par sa façade celle de Notre-Dame de Paris. Les habitants du canton de Chaumont-Porcien (Ardennes) les accompagnent, lors d’une journée spécialement organisée pour eux le mercredi 7 mai 1930.
La Vierge noire de Liesse (Aisne) est également fort honorée depuis le XIIe siècle par les Ardennais. Ainsi, le 22 juillet 1934, a lieu un déplacement dit « pèlerinage des gerbières[1] », regroupant l’ensemble des paroisses du département et quelque deux mille « pèlerines »[2], dont au moins quatre Romanaises[3].
Ce pèlerinage fort ancien a connu des temps d’arrêt avec la période révolutionnaire, ou durant la Première Guerre mondiale. Néanmoins, et même s’ils ne sont plus aussi fréquentés qu’au XIXe siècle, ces témoignages de foi sont ancrés chez les fidèles ardennais et leur apportent de l’espoir.
Pèlerinage de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes) le dimanche 27 juillet 1924.Bénédiction des automobiles à Rocquigny (Ardennes) le jeudi 25 juillet 1912.Saint Christophe signifie « porte-Christ ». Il est le patron de ceux qui utilisent un moyen de transport et donc des voyageurs (automobilistes, cyclistes, etc.). L’arme du Train l’a choisi pour cette raison comme protecteur. Il est fêté le 25 juillet. Le pèlerinage à Rocquigny (Ardennes) qui lui est consacré s’accompagne de la bénédiction des voitures et des bicyclettes. Lot de cartes postales anciennes en noir et blanc.
En 1911, l’abbé Choppin, curé de Rocquigny (Ardennes), crée le pèlerinage des automobilistes et des cyclistes : sa paroisse est sous la protection de saint Christophe, patron des voyageurs puis des automobilistes. L’année suivante, une confrérie lui est consacrée.
Pèlerinage de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes) le vendredi 25 juillet 1913.Pèlerinage de la Saint-Christophe à Rocquigny (Ardennes) le dimanche 27 juillet 1924.Un siècle après, la bannière de saint Christophe est conservée à l’église Saint-Christophe de Rocquigny (Ardennes). Lot de cartes postales anciennes en noir et blanc.
Certes, à ce moment-là, il y a plus de bicyclettes que d’automobiles à La Romagne. Cela n’empêche pas la participation à cette fête, au cours de laquelle les habitants sortent la statue du saint. Ils la promènent processionnellement dans le village, précédée de la bannière.
Durant la Première Guerre mondiale, il n’est pas célébré. Mais l’hommage reprend après la victoire. L’affluence est telle que deux, puis trois jours, lui sont dédiés. La célébration a lieu le 25 juillet, ainsi que les jeudi et dimanche suivants.
Celle qui se déroule le 27 juin 1929 est sous la présidence de monseigneur Neveux (évêque d’Arsinoé[1]) : il y a une messe, un sermon, et une procession au cours de laquelle toutes les voitures présentes sont bénites. Lors des vêpres, les reliques de saint Christophe sont vénérées.
[1] Arsinoé d’Arcadie (Dioecesis Arsinoitana in Arcadia en latin) est un siège titulaire de l’Église catholique romaine. Il correspond à l’actuelle Médinet el-Fayoum en Egypte. L’ecclésiastique en a la charge du 16 juillet 1914 à sa mort le 7 septembre 1938.
Une dizaine de tracteurs est bénite par le curé de la paroisse, accompagné des enfants de chœur, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Au cours de cette journée, le religieux et le profane se mêlent, et ces manifestations populaires sont un des moyens employés par l’Eglise pour ancrer ou raviver la foi des fidèles.
La tradition de la bénédiction des tracteurs, qui se perpétue dans les Ardennes, est une occasion de rencontres et de partage, qui veut protéger les machines et assurer de belles récoltes, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Eric Lesein, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
On trouve cette même volonté des autorités ecclésiastiques d’unir le temporel et le spirituel dans les bénédictions de la terre ou du matériel agricole.
La relève des agriculteurs romanais est en germe, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Celles-ci ont encore lieu dans les années soixante. Elles ne sont qu’une version plus contemporaine de la messe du Saint-Esprit, célébrée autrefois fin juillet pour attirer les grâces sur les récoltes.
Ce tracteur ne cache pas son attachement aux Ardennes, photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], transmise par monsieur Yves Albertini †, conseiller municipal, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Après la Première Guerre mondiale, il semble qu’un certain nombre d’initiatives soient prises de la part de l’Eglise pour rechristianiser les populations. Celles-ci s’appuient à La Romagne sur le pasteur du village, à travers l’organisation de manifestations comme celle de la Fête-Dieu, avec la confection de reposoirs[1] dans différents lieux du village. Il s’y ajoute les journées d’adoration perpétuelle.
[1] « Autel orné de fleurs et de feuillages, dressé sur le parcours d’une procession et sur lequel le prêtre expose le saint sacrement au cours d’une halte », selon le Trésor de la langue française informatisé.
Celles-ci se déroulent chaque année de 1921[1] jusqu’en 1939[2], en général en juillet ou en août. Le portail de l’église reste ouvert toute la journée, tandis que le prêtre et les fidèles se relaient pour prier le Christ devant le saint sacrement, symbolisé par l’hostie consacrée, exposée dans un ostensoir ou soleil.
La fédération des œuvres de jeunes filles descend du train le dimanche 8 août 1920 à Launois-sur-Vence (Ardennes) pour se rendre au pèlerinage de Neuvisy (Ardennes). Carte postale ancienne en noir et blanc.
Il existe aussi des initiatives au niveau cantonal, avec la création dans la paroisse de Chaumont-Porcien (Ardennes) d’une section d’une organisation catholique féminine[1], comme il en existe alors plusieurs en France. Elles sont largement encouragées par l’archevêché, et leur prosélytisme se répand dans tout le canton.
[1] La Ligue patriotique des Françaises et la Ligue des femmes françaises (LFF) fusionnent en 1933. Elles deviennent alors la Ligue féminine d’action catholique française.
La fédération des œuvres de jeunes filles, descendue du train le dimanche 8 août 1920 à Launois-sur-Vence (Ardennes) pour se rendre au pèlerinage de Neuvisy (Ardennes), rejoint la foule massée devant Notre-Dame-de-Bon-Secours. L’appellation de basilique inscrite sur cette carte postale ancienne en noir et blanc est vernaculaire et témoigne de la foi populaire. Elle a été érigée en tant que telle par le pape Jean-Paul II en 2002.
La Ligue patriotique des Françaises, dont le but est de promouvoir les croyances chrétiennes de la famille, compte en 1932 soixante-six adhérentes et dix dizainières[1] dans la section de Chaumont. Cette même année, un groupe est formé à La Romagne[2] et dans d’autres villages des Ardennes (Draize, Montmeillant, Chaumont et Rocquigny).
[1] Chacune doit recruter dix nouvelles inscrites, d’où ce nom.
En 1933, toutes les paroisses y ont adhéré. La Romagne compte alors quatre dizainières[1]. Les ligues connaissent de 1940 à 1942 un certain déclin, qui correspond à l’exode et aux difficultés du retour. Dans la période qui suit, elles reprennent avec zèle leur activité.
En dehors de ce maillage du canton, le prêtre, lors de la messe, a l’occasion d’intéresser ses paroissiens à divers organismes, dont des œuvres pontificales missionnaires, pour lesquelles il effectue des quêtes. Le plus souvent, il s’occupe des trois suivantes :
A plusieurs reprises, le nom du village apparaît dans les dons, que ce soit en 1933 ou en 1936, ce qui montre une générosité certaine pour celles-ci. C’est ainsi que sont versées les sommes de 92,20 et 116,70 francs à l’Œuvre pontificale de la propagation de la foi.
Le but de celle-ci est, dans le diocèse de Reims, de combattre l’ignorance et la superstition, d’étendre par les armes de la charité et de la prière, le règne de Jésus-Christ, c’est-à-dire le royaume de la paix, de la lumière et de la vraie civilisation.
Quant à l’Œuvre pontificale de la Sainte-Enfance, créée en 1843, elle s’adresse davantage aux très jeunes, leur demandant de verser quelques sous et de dire une courte prière. Les fonds ainsi récoltés sont destinés à sauver des enfants abandonnés à leur naissance, par exemple en Chine. La somme de 80 francs a été recueillie pour les deux années citées.
Avec leurs missions, les prêtres ruraux comme le curé Antoine Godart mènent des projets d’évangélisation dans la campagne ardennaise (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
C’est le dimanche 5 juin 1960, jour de la Pentecôte, que se déroule, dans la paroisse, un rassemblement religieux ou Congrès eucharistique régional.
L’assemblée a pour but de renforcer les liens entre les croyants et le Christ par le biais de conférences, comme celles qui ont réuni les femmes dans l’église et les hommes dans la salle des fêtes. Ces réunions s’accompagnent de discussions et d’adoration du saint sacrement.
Le village s’est préparé de longue date à cet événement et, le jour venu, il est décoré de toutes parts de guirlandes, d’oriflammes, de verdure et de fleurs. L’archevêque de Reims est accueilli un peu avant l’entrée du village, puis escorté jusqu’à La Romagne.
Son cortège particulier comprend non seulement une délégation des pompiers à pied, mais aussi des membres de la municipalité et de la communauté paroissiale, montés sur des chevaux ardennais. Il prend place ensuite dans une voiture découverte.
Le texte qui flanque la croix est tiré de Jean XI, 25 « La résurrection, lui dit Jésus, c’est moi. Je suis la vie. Celui qui place en moi toute sa confiance vivra, même s’il meurt. » La traduction est tirée de la version Parole Vivante, transcription dynamique du Nouveau Testament, sous la direction d’Alfred Kuen. Photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †).
Un autel est dressé sur la place du village (qui porte désormais le nom de Jean Malherbe), de manière à pouvoir accueillir les clercs et les enfants de chœur de tout le canton. Une foule énorme[1] s’y presse, avec les quelque huit cents fidèles qui assistent à la messe célébrée par monseigneur Bejot.
Il y a également une procession du saint sacrement marquée par quatre stations, dont les reposoirs ont été élevés par les paroisses de La Romagne et des villages ardennais suivants : Fraillicourt, Remaucourt et Chaumont-Porcien. Cette religiosité populaire, autrefois fréquente dans les campagnes, a aujourd’hui quasiment disparu.
C’est le passé, on oublie ? Le camp de Lichterfelde et les prisonniers de guerre français – exposition temporaire à Berlin du vendredi 28 octobre 2022 au mercredi 31 mai 2023
[1]Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War.
Cette initiative a suscité une mission historique et mémorielle à Berlin et ses environs du dimanche 26 mars au dimanche 2 avril 2023 sur les traces de Pierre Bonhomme, natif de La Romagne, prisonnier de guerre n° 53026 dans les Stalagsallemands III A Luckenwalde, , III B Fürstenberg, et III D Berlin. Affecté à l’AKdo 407 (Arbeitskommando[1] n° 407), il a dû travailler sous la contrainte pendant ses cinq ans de captivité.
Partant d’un destin individuel spécifique, la démarche a consisté à développer une méthodologie archivistique et historienne globale pour trouver un prisonnier de guerre français en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce déplacement a donc compris plusieurs rencontres avec des historiens, archivistes, bibliothécaires, documentalistes, une quête des vestiges de 1939-1945 et des lieux de mémoire, une exploration urbaine[1] de sites abandonnés et en cours de destruction, dont :
un entretien personnalisé de deux heures avec Roland Borchers[2] au Centre de documentation du travail forcé nazi de la fondation Topographie de la terreur (Dokumentationszentrum NS-Zwangsarbeit der Stiftung Topographie des Terrors) à Berlin-Schöneweide[3], suivi d’une visite privée de la baraque 13[4] et de son abri antiaérien. Une autorisation exceptionnelle de rester sur place après la fermeture du lieu, en présence du seul agent de sécurité, a permis d’effectuer des photographies au milieu des baraquements et des cartels de l’exposition Vergessen und vorbei ? Das Lager Lichterfelde und die französischen Kriegsgefangenen = Past and forgotten ? The Lichterfelde Camp and the French Prisoners of War = C’est le passé, on oublie ?, à l’exclusion de toute autre personne. Enfin, trois catalogues ont été offerts sur place et un quatrième[5], l’édition bilingue allemand–français de l’exposition, a été envoyé par la poste dès sa parution début mai 2023.
un rendez-vous de deux heures au domicile de monsieur Reinhard Pohlke[7] et sa femme madame Annette Pohlke[8], vice-présidente et webmestre de l’association mémorielle Initiative KZ-Außenlager Lichterfelde e.V. (un contact préalable par mail avait été établi avec monsieur Thomas Schleissing-Niggemann, président du conseil d’administration).
une rencontre personnalisée de deux heures avec monsieur Christian Kurzweg, archiviste référent, en quelque sorte responsable de l’ORB[9], et une stagiaire en sciences de l’information au service des utilisateurs (Benutzerzentrum) des archives fédérales (Bundesarchiv) de Berlin-Lichterfelde, département du centre de ressources documentaires (Abteilung BE = Bereitstellung)[10].
Un déplacement aux archives fédérales (Bundesarchiv) de Berlin-Tegel[11], département des renseignements personnels sur les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale (Abteilung PA = Personenbezogene Auskünfte zum Ersten und Zweiten Weltkrieg). L’accès direct aux salles de lecture n’ayant pas été possible, le remplissage d’un formulaire administratif en allemand a débouché sur une réponse. Madame Claudia Müller, archiviste référente, fournit la précision suivante : « Les dossiers du Bureau allemand des états de service[12] – WASt[13] concernant les anciens prisonniers de guerre français détenus par l’Allemagne ont été saisis en avril 1945 et pris en charge par une commission d’officiers alliés. » Elle renvoie donc au secrétariat d’Etat aux anciens combattants[14] et aux archives des pays d’origine respectifs des prisonniers de guerre. Cet échange de documents sur les prisonniers de guerre est conforme à la convention de Genève.
Une action de conservation curative légère[15] sur la plaque commémorative (Gedenktafel) du siège du commandement (Kommandantur) régissant le Stalag III D Berlin aujourd’hui disparu.
Une reconnaissance sur le terrain dans le sud-est de Berlin de pistes sur l’Arbeitskommando n°407 (dépendant du Stalag III D Berlin, dans lequel Pierre Bonhomme a été contraint de travailler). La classe 400 le rattachant possiblement à l’arrondissement de Neukölln, les quartiers traversés en priorité ont été Berlin-Britz, Berlin-Buckow, Berlin-Gropiusstadt, Berlin-Neukölln et Berlin-Rudow.
La quête d’anciens abris antiaériens dans le sud-est de Berlin[16], dans la mesure où Pierre Bonhomme aurait pu (sous réserves) réaliser des coffrages en bois pour des casemates[17].
Un reportage photographique « de guerre » sur les terrains vagues du camp de Berlin-Lichterfelde, patrimoine industriel en péril.
« Les dossiers du Bureau allemand des états de service – WASt concernant les anciens prisonniers de guerre français détenus par l’Allemagne ont été saisis en avril 1945 et pris en charge par une commission d’officiers alliés. »
Madame Claudia Müller, archiviste référente aux archives fédérales de Berlin-Tegel, département des renseignements personnels sur les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale
[2] Chercheur à l’Institut d’Europe de l’Est de l’Université libre de Berlin (chaire d’histoire de l’Europe centrale et orientale), coordinateur du projet Mémoire et identité en Cachoubie, auteur d’une thèse de doctorat Mémoires du travail forcé : l’exemple de la Pologne.
[3] Schöneweide est le nom simplifié des deux quartiers Berlin-Niederschöneweide et Berlin-Oberschöneweide dans l’arrondissement Treptow-Köpenick de Berlin (Allemagne).
[4] Où des internés militaires italiens et des travailleurs civils ont été hébergés entre 1944 et 1945.
[6] D’où la locution proverbiale « Luckenwalde, Luckenkien, 50 Kilometer vor Berlin ».
[7] Né en 1966, il enseigne dans un établissement secondaire berlinois le latin, le grec, le fait religieux, les technologies de l’information.
[8] Née en 1967, elle a étudié l’histoire, le latin et la théologie protestante à l’Université libre de Berlin. Elle est aujourd’hui enseignante et auteure indépendante.
[13]Wehrmachtauskunftstelle für Kriegerverluste und Kriegsgefangene = Service de renseignements de la Wehrmacht sur les pertes de guerre et les prisonniers de guerre.
[15] Décollage, dans le cadre d’une préservation du patrimoine urbain, des restes d’un autocollant apposé de façon intempestive, et constituant un acte de vandalisme susceptible d’abîmer la surface à terme.
[16]Bunker transformé en Musikbunker, Steinträgerweg 5, 12351 Berlin (Allemagne). Un autre situé Selgenauer Weg, 12355 Berlin (Allemagne) a été intégré dans un projet immobilier.
[17] Ces réduits d’un fort, généralement souterrains, sont à l’épreuve des bombes et des obus.
Le Bureau allemand des états de service – WASt, dont les documents étaient conservés initialement aux archives fédérales de Berlin-Reinickendorf[1], a vu le 1er janvier 2019 ses missions intégrées aux archives fédérales de Berlin-Tegel en tant que département des renseignements personnels sur les soldats de la Première et Deuxième Guerre mondiale[2]. Le délai de traitement peut atteindre plusieurs mois avant que la demande n’aboutisse.
Les dossiers médicaux des prisonniers de guerre se trouvaient autrefois à l’Office régional de la santé et des affaires sociales[3] à Berlin. Dans la mesure où cela ne relevait pas vraiment de ses missions, ils ont été transférés le 1e juillet 2007 au Bureau allemand des états de service – WASt, puis à Berlin-Tegel, au titre de son habitude de la gestion des données individuelles.
Le centre de ressources documentaires est pour sa part à Berlin-Lichterfelde, tandis que certains documents concernant l’armée sont aux archives fédérales de Fribourg (Allemagne), département des affaires militaires[4]. Monsieur Daniel Schneider, archiviste référent de cette institution, indique : « Seuls sont conservés les dossiers matériels des institutions allemandes à propos du système des prisonniers de guerre, mais pas les dossiers personnels des prisonniers de guerre. »
« Seuls sont conservés les dossiers matériels des institutions allemandes à propos du système des prisonniers de guerre, mais pas les dossiers personnels des prisonniers de guerre. »
Il est important d’autre part de ne pas confondre les archives fédérales (Bundesarchiv) et les archives régionales[1] (Landesarchiv) de Berlin. Après la fin de la guerre, les documents que le Bureau allemand des états de service – WASt avait conservés sur les prisonnier de guerre détenus par l’Allemagne ont été confisqués et remis aux pays d’origine des prisonniers de guerre.
Il est possible de repérer les noms des victimes de guerre sur le portail des Arolsen Archives[1] –International Center on Nazi Persecution (archives Arolsen – centre international sur les persécutions nazies). Toutefois, il ne s’agit pas d’une requête complète. De nombreux documents conservés ne sont pas encore accessibles en ligne. Il faut donc contacter les archivistes. 50 millions de fiches présentent des informations sur 17,5 millions de personnes. Madame Martina Paul, membre du service international de recherche[2], a ainsi retrouvé et envoyé une fiche de la mission de liaison à Berlin (Français de toutes les zones) concernant Pierre Bonhomme.
Toute demande de renseignements auprès du CICR[3] sur une personne détenue pendant la Seconde Guerre mondiale relève d’un quota trimestriel. Le service reprendra le lundi 22 mai 2023, puis le lundi 25 septembre 2023 à 8 h 00 heure de Genève (Suisse).
A Luckenwalde, il ne subsiste plus aucun vestige matériel du camp, si ce n’est le cimetière des sépultures de guerre (Friedhof Kriegsgräberstätte) du Stalag III A Luckenwalde[1], divisé en plusieurs carrés selon la nationalité des prisonniers enterrés. Nombreux sont ceux qui ont été inhumés dans des fosses communes (en particulier des Russes[2]). Une croix est élevée, et marque à tout jamais l’emplacement de la partie française du cimetière. Chaque année se déroule une cérémonie du souvenir.
[2] A cette époque, tous les Russes sont des Soviétiques, mais tous les Soviétiques ne sont pas des Russes. L’appellation retenue ici est celle qu’employaient les prisonniers de guerre.
Un poste de travail permet de consulter des dossiers d’archives. Sur un écran interactif, il est possible de feuilleter plus de 9 000 documents concernant 3 900 détenus russes du camp.
Le Stalag III A se situait à 2,5 km de Luckenwalde, ville de 27 000 habitants à quelque 50 km du sud de Berlin dans la 3e région militaire allemande[1], dans la région de la Fläming, au cœur du Land[2] de Brandebourg. C’est une région montueuse, argileuse et caillouteuse, recouverte de bois et d’étangs. La pauvreté du sol ne permet comme cultures essentielles que le seigle ou la pomme de terre[3]. L’horizon en est borné par une végétation assez haute de résineux et de bouleaux, qui dégagent une grande tristesse. La toponymie est d’ailleurs explicite : « Luch[4] im Walde[5] » signifie « bois marécageux ». Le paysage actuel n’a pas vraiment changé, et dégage une impression sinistre.
[1]Wehrkreis III (WK III). Sous le IIIeReich, cette division administrative comprenait pour la Wehrmacht une partie de la Nouvelle-Marche et le Brandebourg.
La plupart du temps, les soldats prisonniers des Stalags sont placés dans un Arbeitskommando[1], ce qui n’est pas le cas pour les officiers des Oflags[2]. En raison de la convention de Genève, ils ne peuvent être officiellement employés que dans l’agriculture ou dans des tâches sans aucun lien avec l’effort de guerre. C’est souvent loin d’être le cas. Au commando de Topschin, faisant partie du Stalag III A, les prisonniers sont ainsi employés dans une usine de munitions, d’obus, de bombes, de torpilles et de tanks[3]. Ils sont donc bel et bien contraints de participer à l’industrie d’armement allemande.
La construction du camp a été planifiée avant l’invasion de la Pologne en septembre 1939. Il était prévu pour accueillir au départ 10 000 hommes. Sa structure a servi de modèle[4] pour les autres camps.
[4] Le mot Musterlager désigne un stock d’échantillons dans le civil, et un camp modèle dans le langage militaire. Le régime nazi avait son propre vocabulaire.
A partir de l’été 1940, des prisonniers hollandais[1] et français sont arrivés dans ce camp. Les premiers sont libérés quelques semaines plus tard, tandis que les seconds, qui forment le groupe le plus important, y sont affectés.
Le séjour dans ce camp précède souvent l’intégration dans des commandos de travail à Berlin ou dans ses environs. Les conditions de vie y sont très difficiles.
Les prisonniers de guerre qui ont travaillé dans la région du Brandebourg ou à Berlin ont atteint le chiffre de 22 000. Une partie de ces derniers était des prisonniers transformés[2].
Alors que dans ce camp, les instituteurs et professeurs étaient dispensés au départ de travail (car ils animaient une vie culturelle), les autres prisonniers essayaient de se rapprocher par origine régionale. Ils étaient astreints à des journées de 12 à 14 heures. Les commandos percevaient des vivres (toujours en quantité insuffisante) de la Croix-Rouge. Mais cela ne compensait que difficilement la pénibilité du travail : le commando n° 206, où étaient employés 300 prisonniers, extrayait de la tourbe, le n° 211 (qui en comprenait 20) exploitait du minerai, tandis que les n° 282 et 283 étaient des commandos agricoles.
Par la suite, ce camp a hébergé des prisonniers serbes et russes, dont le nombre n’a cessé d’augmenter. Durant l’hiver 1941-1942, 2 500 de ces derniers y sont décédés. Temporairement, il y a eu également des Italiens, vers la fin, des Roumains et des Anglais[1].
Le Stalag était aussi organisé du point de vue religieux, tant catholique que protestant. Les prêtres dans ce camp étaient au nombre de quarante-quatre pour tout le Stalag dont trois pour le camp, deux pour l’hôpital. Tous les autres étaient affectés aux commandos. Selon les secteurs religieux (au nombre de 42), ceux-ci comptaient de dix à soixante commandos. Le camp comprenait aussi des séminaristes que les aumôniers pouvaient emmener avec eux. L’approvisionnement liturgique était assuré par l’Aumônerie générale de Paris en vin de messe, hosties et livres.
Le culte était autorisé en dehors des heures de travail. Les prêtres munis d’un Ausweis[1] avaient le droit de circuler librement dans leur secteur. Bien souvent, ils disaient au moins trois messes au cours de la journée, tandis que les commandos étaient massés sur un point central (où se trouvait un local convenable pour dire la messe).
Les prêtres n’avaient pas le droit de prêcher et, en cas d’impossibilité de confesser, ils prononçaient une absolution générale. Ils assuraient, outre les messes du dimanche, les communions des détenus en cellule et les enterrements au cimetière du camp.
Pour les besoins religieux et spirituels, les confrères étaient autorisés à se rencontrer.
Lorsque le camp a été libéré le 27 avril 1945, les prisonniers ont été rendus à la vie civile, envoyés en permission pendant quinze jours, avant de vaquer à leurs occupations.
Le Stalag III B Fürstenberg est, lui aussi, un camp de prisonniers de guerre. Il avait le statut de Dulag[1]. Il se situe également dans la 3e région militaire allemande. La campagne y est sablonneuse avec des bois de pins. Il se trouvait à Fürstenberg-sur-Oder.
Il semblerait que ce camp n’avait que très peu de liens avec l’administration de la ville. Les archives municipales disposent aujourd’hui des dossiers de Fürstenberg-sur-Oder, devenu un quartier d’Eisenhüttenstadt.
Le musée d’histoire locale[3] évoque l’ancien camp de prisonniers de guerre, grâce à l’initiative de monsieur Axel Drieschner. Avec sa femme, madame Barbara Schulz, il a publié un livre sur le Stalag III B Fürstenberg[4].
Devant le site de l’ancien camp, il y a une pierre commémorative qui doit rappeler tous les prisonniers et leur souffrance.
[1]Durchgangslager, c’est-à-dire un camp de transit.
A l’époque, il comprend une cinquantaine de baraques, dont seules huit sont occupées par des Français. Réparties de part et d’autre d’une route cimentée, celles-ci hébergent chacune de trois cents à trois cent soixante prisonniers. Les travaux qui leur sont confiés sont épuisants. Nombre d’entre eux manient la pelle et la pioche comme ceux du commando n° 406 pour les mines de charbon, du n° 648 pour les mines de lignite, du n° 728 pour les mines de tourbe. Sinon, ils étaient employés dans des usines de guerre.
Au moment du repli du Stalag III B Fürstenberg, les prisonniers de guerre furent occupés jusqu’à la fin avril à effectuer des travaux de terrassements des tranchées, et à transporter des bombes d’avions. Il est même arrivé que des commandos aient effectué des travaux sous la première ligne de feu de l’artillerie russe. Malgré des réclamations, le colonel commandant le Stalag III B Fürstenberg reste sourd aux réclamations de la Croix-Rouge genevoise (Suisse).
Quant à l’homme de confiance, ce dernier signale que la durée du travail journalier était dans de nombreux cas excessive, en particulier dans les mines et les usines (12 heures). Elle pouvait monter jusqu’à quinze heures dans la culture pendant la période d’été.
Alors qu’il devait y avoir un repos de vingt quatre heures toutes les trois semaines, le repos hebdomadaire n’était pas souvent observé. En outre, l’homme de confiance principal du Stalag a signalé que des coups étaient portés sur des prisonniers français. Il y a une mauvaise foi évidente dans l’application de la convention de Genève dans ce camp.
Fin 1944, les Allemands ont décidé de déplacer ce camp à Buchenwald[1], à côté de Weimar[2]. Au début de février 1945, l’Armée rouge a pris pied sur la rive occidentale de l’Oder à Fürstenberg[3].
La campagne a retrouvé son aspect d’antan et nombre de citoyens allemands actuels en ignorent de manière feinte ou réelle l’existence.
[1] D’après Buche (hêtre) et Wald (forêt), Buchenwald signifie hêtraie (bois de hêtres).
[1]Kommandanturen au pluriel. Ou « kommandanturs », en romain et avec une minuscule (ou une majuscule), selon un usage français variable. En général, « Les mots, expressions, citations donnés dans une langue étrangère et non francisés se composent en italique dans un texte français en romain » selon le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale. Mais « de très nombreux termes étrangers, adoptés par l’usage, se composent cependant en romain comme ces exemples appartenant au langage courant : condottiere, conquistador, leitmotiv, match, sketch, week-end ». Pour éviter d’établir une distinction artificielle entre les mots germaniques recensés dans les dictionnaires français (stalags) et ceux, plus spécialisés, qui n’y sont pas (Dulags), il a été décidé par convention de considérer tous les mots employés par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale comme étrangers, et donc de les écrire avec une majuscule et en italique.
Le Stalag III D se situait à Berlin, et dépendait de la 3e région militaire allemande comme les deux précédents. De très nombreux prisonniers français ayant été enfermés au camp de Berlin-Lichterfelde, il se confond un peu pour les historiens francophones avec le Stalag III D Berlin.
C’est là une perspective remise en cause par les chercheurs allemands. Le Stalag III D Berlin est en réalité une entité administrative qui repose sur des camps satellites disséminés sur tout Berlin : 3000 camps couvraient la ville. Certes, une majorité de Français s’est retrouvée à Berlin-Lichterfelde ou à Falkensee[1]. L’approche de la réalité historique est cependant plus complexe.
Un siège du commandement (Kommandantur) gère le travail des prisonniers du Stalag III D Berlin dans des commandos de travail (Arbeitskommandos) répartis en fonction de leur classe dans tous les points cardinaux à Berlin ou alentour :
L’édifice[9], qui se trouvait rue de la Belle-Alliance [10], a totalement disparu, rasé et remplacé par un parking, à proximité de la Bibliothèque commémorative américaine (Amerika-Gedenkbibliothek)[11]. Il ne reste plus à son emplacement qu’une plaque commémorative (Gedenktafel)[12] en plastique tellement discrète qu’il a été plutôt difficile de la localiser (les bibliothécaires du lieu avoisinant ont eux-mêmes rencontré des difficultés pour la trouver).
Un bureau de censure postale (Postzensur[1]) contrôlait la correspondance et les colis échangés entre les prisonniers de guerre et leurs proches. Les photographies et livres autorisés de Pierre Bonhomme étaient frappés du tampon « Stalag III D 75 geprüft » ou « Stalag III D 96 geprüft »[2], « Freigegeben Stalag III D[3] » ou « Freigegegeben zur Heimsendung M.-Stammlager III D[4] ».
Des ajouts manuscrits par les Allemands ont permis d’identifier que Pierre Bonhomme avait été affecté à l’Arbeitskommando n° 407 lors de son internement au Stalag III D Berlin.
[1] Tempelhofer Ufer (codes postaux 10961 et 10963), dans l’arrondissement berlinois de Friedrichshain-Kreuzberg, s’étend de la Schöneberger Straße au Landwehrkanal.
[2]Geprüpft = validé, contrôlé. Ce tampon correspond à la censure postale.
[3] Validé [par l’administration du] Stalag III D.
[4] Libéré pour rapatriement du Stalag III D. La lettre M. est une abréviation pour Mannschaft [troupe]. Stammlager désigne un centre de détention. Le Kriegsgefangenen-Mannschafts-Stammlager est donc un camp de concentration pour les prisonniers de guerre, destiné aux hommes du rang ou aux sous-officiers. C’est ce que les Français connaissent sous son abréviation Stalag = Stammlager.
Il a été impossible de trouver des renseignements sur ce commando de travail, ce qui arrive souvent selon les historiens allemands. Il est simplement identifié sans aucune mention supplémentaire sur une liste militaire française[1] des « principaux Kommandos » :
On ne peut donc qu’émettre des conjectures sur le n° 407 par rapport aux positions du commando n° 406 (Neukölln) et du n° 408 (Berlin-Lichtenrade). Ce dernier avait sous sa garde 39 prisonniers de guerre, d’après une liste allemandeCommandos de travail sans les Italiens (Arbeitskommandos ohne Italiener)[1] établie par Thomas Irmer, historien, politologue, spécialiste de l’histoire du travail forcé sous le régime nazi.
D’après son hypothèse d’une « répartition géographique possible » (« mögliche geographische Gliederung »), les camps de la classe 400 se situeraient dans le sud-est (Südosten) de Berlin. Les données restent fragmentaires :
[5]Berlin-Britz, quartier dans l’arrondissement de Neukölln.
[6] Usine de véhicules Gaubschat. La société Gaubschat Fahrzeugwerke GmbH a été fondée par Fritz Gaubschat en 1904 à Rixdorf, ville intégrée dans Berlin (Allemagne) en 1912 et renommée Berlin-Neukölln. Elle a fait faillite en 1975. Elle était impliquée au départ dans la construction de véhicules utilitaires.
[7] Quartier (Ortsteil) de Berlin-Neukölln ou arrondissement (Bezirk) de Neukölln.
Pierre Bonhomme aurait d’après un récit personnel travaillé du « bois de mine ». Ce qui serait logique : avant d’être militaire comme pontonnier, il était charpentier. De fait, il aurait pu être éventuellement boiseur, chargé du soutènement et de la réparation dans des galeries. Monsieur Ronny Maylahn, du comité de direction (Führungskoordination) de la société de recherche et de documentation sur les constructions souterraines Berliner Unterwelten e.V.[1] n’a pas pu nous renseigner sur le sujet.
[1] Brunnenstraße 105, 13355 Berlin (Allemagne). Berliner Unterwelten peut se traduire selon les cas « les souterrains de Berlin », « les sous-sols de Berlin », voire « les bas-fonds de Berlin » et même dans certains contextes « les enfers de Berlin ».
L’hôpital militaire principal de Berlin-Neukölln et l’Arbeitskommando n° 430
Plusieurs hôpitaux militaires[1] peuvent soigner les prisonniers de guerre. Le plus important était établi à Berlin-Neukölln dans un établissement scolaire[2]. Il était lié à l’Arbeitskommando n° 430. Il a repris ses fonctions premières. Un centre d’épouillage se trouvait à Berlin-Lichterfelde, ce qui a permis de limiter les risques de typhus.
L’ensemble des baraquements de Berlin-Lichterfelde a été retrouvé au moment où devait se dérouler dans ce lieu une opération immobilière. Il avait été ouvert dès 1938, avant donc le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale le 1ᵉʳ septembre 1939.
A l’origine, la Reichsbahn[1] y a installé un camp pour 1 400 travailleurs allemands de la région des Sudètes (Tchéquie) à l’angle d’Osdorfer straße et du Lanweg. En 1939, la Wehrmacht a loué une partie de ce site pour accueillir des prisonniers tout d’abord polonais.
A partir du mois d’août 1940, ce camp est affecté aux prisonniers français : en janvier 1941, plus de 18 000 prisonniers qui y vivaient étaient français. Les baraques construites grossièrement avec des parpaings ont remplacé parfois les premières, en bois, qui ont brûlé lors d’attaques aériennes en 1942/1943. Chacune mesurait 38 m de long sur 16 de large, et devait être occupées par 96 hommes environ. Le grand nombre de prisonniers a fait que leur occupation a été plus importante dans les faits.
La mise au jour de ce camp tient à un projet de construction d’appartements. L’association Initiative KZ-Außenlager Lichterfelde e.V.(un collectif citoyen)[1] et l’Office d’État des monuments historiques de Berlin (Landesdenkmalamt Berlin)[2] tentent de sauver des baraques situées dans le quartier[3] et identifiées formellement en 2017 comme ayant fait partie du camp de Berlin-Lichterfelde. Une est classée monument historique, les autres sont plus ou moins délabrées et à l’abandon, en cours de destruction, après avoir connu après la Seconde Guerre mondiale divers usages.
[1] Président du conseil d’administration : Thomas Schleissing-Niggemann. Vice-présidente : Annette Pohlke.
Le gardien chargé du terrain en friche refuse d’orienter le promeneur (les bâtiments se trouvent pourtant à moins de cent mètres de sa guérite). Les passants qui s’arrêtent font mine de ne rien comprendre aux explications données dans un allemand très clair. Les habitants du quartier ignorent ce qui se passe à quelques dizaines de mètres de leur maison. Une exploration urbaine[1] « sauvage » du site permet de mesurer la désolation du lieu, squatté occasionnellement et bombé à la peinture. Une captation d’images permettra à terme d’étudier les lieux à travers le prisme de la culture visuelle.
A peu près quatre-vingts ans après la capitulation du Troisième Reich, l’historien affronte moins un négationnisme agressif qu’une parfaite indifférence et un total désintérêt.
Les dix grands baraquements qui restent sont du même modèle que ceux du camp du quartier de Berlin-Schöneweide[1]. Ce lieu se révèle être un camp de travailleurs forcés, où étaient internés notamment des Italiens, tant militaires que civils, mais aussi des hommes et des femmes originaires d’Europe de l’Ouest et l’Est.
[1] Le lieu a été identifié comme un camp en 1994 alors qu’il se trouvait au milieu d’immeubles et qu’il servait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à diverses activités comme la chaudronnerie.
Les prisonniers sont répartis dans différents commandos de travail. Il existe un homme de confiance qui a le droit d’aller les visiter. Les tâches confiées à ces prisonniers sont simples, mais physiquement très pénibles. Pour ce travail, le prisonnier reçoit un faible salaire, alors que les entreprises remportent de gros bénéfices grâce à cette main-d’œuvre bon marché.
Au camp de Berlin-Schöneweide, les conditions de vie y auraient été semble-t-il relativement meilleures que dans d’autres. Cette donnée reste cependant à relativiser en fonction des nationalités : les Russes emprisonnés ont par exemple subi des traitements pires que celui des Italiens.
Les baraquements de pierre ont été construits en 1943 sous la direction d’Albert Speer, premier architecte du IIIeReich inspecteur général des travaux pour la capitale du Reich (Generalbauinspektor für die Reichshauptstadt)[1].
Une exposition permanente inaugurée en 2013, Quotidien du travail forcé 1938–1945, montre à quel point le nazisme s’appuyait sur la main-d’œuvre sous contrainte.
Les travailleurs invités[1], en provenance de pays amis de l’Allemagne n’y étaient pas soumis. L’historiographie allemande englobe sous le concept général de travailleurs forcés :
D’un point de vue davantage français, les anciens combattants ne goûtent guère d’être confondus avec les membres du STO[5]. En France, ces derniers ont le droit au titre de « victimes du travail forcé en Allemagne nazie[6] ». Mais les dernières décisions de justice leur interdisent celui de « déportés du travail[7] ». La « transformation » de certains en travailleurs « libres » étant en lien avec la Relève, dispositif mis en place en 1942 par le régime de Vichy, il s’agit là encore d’une question sensible.
Le baraquement se compose d’un couloir central et de douze dortoirs de part et d’autre (destinés chacun à seize prisonniers), d’une seule pièce d’eau avec une fontaine, des latrines[1] et des urinoirs publics.
Chaque prisonnier a un châlit avec un sac de paille, une couverture, une gamelle, un gobelet et des couverts. La distribution de la nourriture varie selon les nationalités. Toujours manquante et de mauvaise qualité, elle l’est encore plus pour les prisonniers russes, qui sont davantage affamés, épuisés, et soumis aux mauvais traitements.
[1] A peine plus confortables que les feuillées de la vie militaire.
Le plus souvent, une cave se trouve sous le baraquement. Elle est aménagée en abri antiaérien avec de petites cellules. Les prisonniers s’y réfugient lors des nombreux bombardements.
En conclusion de cette mission historique et mémorielle à Berlin
Cette mission historique et mémorielle à Berlin met en lumière l’évolution des lieux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Certains bâtiments ont connu une reconversion, d’autre une conservation comme patrimoine industriel[1], les derniers enfin une destruction. Des historiens allemands s’évertuent à témoigner du sort de millions d’hommes asservis sous le nazisme, tandis qu’une nouvelle génération semble se faire à l’idée d’une lente et inexorable disparition, que le déni parfois précipite…
Collier de grand maître de l'Ordre de la Libération.
Portrait de monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire de La Romagne (Ardennes) de 1930 à 1965, photographie ancienne en noir et blanc, virage sépia (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Monsieur Alcide Cugnart[1], maire de La Romagne de 1930 à 1965, prononce un discours qui célèbre la victoire du 8 mai 1945. Il y évoque l’histoire de la Nation et celle de son village. Ce témoignage historique a été remis par madame Virginie Périn, son arrière-petite-fille[2].
[1] Alcide Joseph Cugnart est né à La Romagne le 13 avril 1897. Il est mort dans ce même village le 5 juillet 1973 à l’âge de 76 ans.
[2] Et petite-fille de madame Colette Cugnart épouse Bertrand.
Il est publié avec son aimable autorisation. Il se présente sous la forme de quatre pages lignées en bleu clair avec une marge rouge, non paginées, dans un bon état de conservation relatif malgré un jaunissement du papier[1] et le pâlissement de l’encre.
Ses pleins et déliés élégants en rendent l’écriture lisible et facilitent le travail de transcription intégrale[2] sous forme d’édition diplomatique[3]. Il présente un intérêt historique et mémoriel indéniable : il est émouvant, quelque quatre-vingts ans après, de partager la première célébration de la libération de La Romagne.
Jehanne au sacre, statue polychrome en pied de Jeanne d’Arc (vers 1412-1431) par Prosper d’Épinay (1836-1914), marbre, bronze argenté, ivoire, lapis-lazuli, sculpture de 1901 installée en 1909 dans la chapelle Sainte-Jeanne d’Arc de la cathédrale Notre-Dame de Reims.
Sa datation n’est pas explicite. Mais une critique historique externe du texte (dite de véracité) permet d’estimer que la cérémonie s’est déroulée le dimanche 13 mai 1945 : cette déduction se tire d’une remarque de l’édile républicain sur la fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme[1].
[1] Cette célébration civile n’est pas à confondre avec la Sainte-Jeanne d’Arc. Dans l’esprit de l’orateur, la libération d’Orléans le 8 mai 1429 par l’héroïne (sans laquelle la France serait devenue anglaise) rejoint la victoire des Alliés le 8 mai 1945 (qui ont permis que la France ne devienne pas allemande).
Page 1 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
« Mesdames, Messieurs,
C’est avec une profonde émotion que je prends la parole pour vous convier à célébrer officiellement la victoire[1].
[1] Le maire de La Romagne écrit le mot soit avec une minuscule, soit avec une majuscule. La typographie originale a été respectée.
Début du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
La 14e DI (division d’infanterie) a eu à partir de janvier 1940 Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952) alias Dequesne pour commandant historique : il a réussi à contrer trois fois en mai-juin 1940 la Wehrmacht, qui cherchait à franchir l’Aisne du côté de Rethel (Ardennes). Il a été compagnon de la Libération par décret du 20 novembre 1944, élevé à la dignité d’Etat de maréchal de France à titre posthume. Sa notice biographique est consultable en ligne sur le site du musée de l’Ordre de la Libération (Paris).
La Victoire ! Quel beau nom et comme il résonne agréablement à nos oreilles !
C’est qu’il engendre pour tous les Français bien des joies et pour nous Ardennais, il fait disparaître bien des anxiétés !
Passage sur les Ardennes, issu du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Des joies car c’en est terminé de la guerre atroce, de la guerre totale[1] que nous avaient imposée nos ennemis. Le Cessez le feu[2] a sonné sur tous les fronts et le calme bienfaisant règne après le fracas de la bataille.
[1] Une guerre totale est un conflit qui mobilise à la fois les États, les économies et les sociétés.
[2] Lire cessez-le-feu, selon l’Académie française. L’Allemagne signe la reddition sans condition le 7 mai 1945 à Reims (Marne). La suspension des hostilités doit intervenir le lendemain. Une nouvelle signature a lieu à Berlin (Allemagne) le 8 mai. Une différence de fuseau horaire explique que les Russes, eux, célèbrent le jour de la Victoire le 9 mai à Moscou, alors en URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) et aujourd’hui dans la fédération de Russie.
Nous ne tremblerons plus pour nos fils partis dernièrement, enrôlés dans les rangs de la 1ère armée française[1] reconstituée. Ils vont monter la garde en Allemagne[2] et faire flotter nos trois couleurs victorieuses sur les bords du Rhin et du Danube[3].
[1] Premier et première s’abrègent plutôt en 1er et 1re, selon l’Académie française. La 1re armée française est le nom donné aux unités militaires placées sous les ordres du général Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952).
[2] Cette armée, qui comprend alors l’ensemble des forces armées françaises engagées en Allemagne, est sous commandement français. La 2e DB reste, elle, sous autorité américaine.
[3] « Rhin et Danube » est le surnom donné à la 1re armée à la suite de ses victoires remportées le long de ces fleuves entre le 31 mars et le 26 avril 1945.
Nos prisonniers et déportés rentrent petit à petit. Je suis infiniment heureux de voir que la moitié d’entre eux ont[1] retrouvé leur foyer, leur famille et que malgré les privations, les souffrances morales de l’exil trop long, ils nous sont revenus en général en bonne santé.
[1] Lorsque le sujet est un nom de fraction suivi d’un complément, le verbe s’accorde soit avec le nom de fraction, soit avec son complément. « La moitié des utilisateurs est satisfaite ou sont satisfaits. »
Nous attendons impatiemment ceux qui ne sont pas là aujourd’hui[1] pour fêter avec nous la victoire et nous souhaitons qu’ils nous reviennent tous sans tarder, joyeux d’être enfin libérés et de retrouver la France et leur cher petit village[2].
[1] Marceau Lelong, Paul Macquin, Remi Macquin, Léon Marandel, Henri Marquigny, Gaston Mauroy, Marcel Mauroy, Gaston Quentin, Robert Quentin sont rapatriés entre le 23 et le 30 mai 1945.
[2] Le maire se souvient sans doute ici du poème Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage de Joachim du Bellay : « Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village / Fumer la cheminée, et en quelle saison, / Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, / Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? »
Page 2 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Oui, nous ne sommes plus anxieux pour l’avenir immédiat ! Adieu cette pensée qui nous obsédait alors que la nostalgie de la petite patrie nous avait, au mépris des dangers et de l’incertitude du lendemain, fait rentrer dans notre chère commune[1] !
[1] Référence à la dispersion des Romanais lors de l’exode, et aux difficultés du retour liées aux complications administratives pour obtenir des autorisations des autorités allemandes.
Si l’Allemagne avait été victorieuse, nos Ardennes ne seraient pas restées françaises[1] et nous aurions dû encore nous exiler, quitter à tout jamais nos champs, dire adieu à nos horizons familiers et aimés.
[1] Le maire rappelle le traumatisme causé par trois guerres successives : Les Ardennes ont été occupées par l’armée prussienne à partir du mois de septembre 1870, par les Allemands du 29 août 1914 au 11 novembre 1918, et enfin par le Troisième Reich dès 1940.
Passage sur les Ardennes, issu du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Et si maintenant nous ne tremblons plus pour notre destinée, c’est grâce à nos vaillants alliés, c’est grâce à notre grand chef le Général de Gaule[1], comparable à notre Jeanne d’Arc nationale que nous honorons également aujourd’hui[2]. Tous deux ont toujours eu foi en la Victoire.
[2] Cette mention permet de dater précisément le jour où le discours a été prononcé. D’un point de vue religieux, Jeanne d’Arc a été canonisée le 16 mai 1920, et sa fête religieuse fixée au 30 mai, jour du bûcher de Rouen, en 1431. Sa fête nationale est fixée au 8 mai, jour anniversaire de la délivrance d’Orléans en 1429. Par une loi du 10 juillet 1920, la République décide que le deuxième dimanche de mai sera choisi pour la fête patriotique et nationale. En 1945, il tombe le dimanche 13 mai.
Page 3 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
De Gaule[1] d’abord à la tête de quelques Français qui comme lui n’ont jamais désespéré de notre redressement, a vu, à son appel[2], grossir les rangs des braves qui sous les ordres de Leclerc[3] et de Tassigny[4], ont débarqué en Normandie[5]et[6], à Marseille[7] et en une marche victorieuse et triomphale libéré notre Alsace[8], franchi le Rhin[9], planté notre drapeau à Ulm[10] et à Bertchesgaden[11], le repaire de Hitler.
[2] Le 18 juin 1940. Il est une réponse au discours radiophonique du 17 juin 1940 par le maréchal Pétain.
[3]Philippe Leclerc de Hautecloque (1902-1947), alias Leclerc, compagnon de la Libération par décret du 6 mars 1941, membre de la Résistance AEF [Allied Expeditionary Force] et du Conseil de défense de l’Empire, élevé à la dignité d’Etat de maréchal de France le 23 août 1952 à titre posthume.
[4]Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952) alias Dequesne, compagnon de la Libération par décret du 20 novembre 1944, élevé à la dignité d’Etat de maréchal de France à titre posthume.
[5] Un tapis de bombes tombe dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 pour préparer le débarquement de Normandie (opération Neptune) le 6 juin 1944 (Jour J, ou D-Day en anglais), première journée de la bataille de Normandie (Operation Overlord).
[6] La conjonction de coordination a été biffée et remplacée par une virgule.
[7] La bataille de Marseille du 21 au 28 août 1944 a conduit à sa libération.
[8] La libération de Strasbourg s’est effectuée le 23 novembre 1944, celle de Colmar le 2 février 1945.
[11] Lire Berchtesgaden, commune des Alpes bavaroises (Allemagne). Situé dans le quartier Obersalzberg, le Berghof était la résidence secondaire d’Adolf Hitler. Il a été détruit par un bombardement aérien le 25 avril 1945. Il n’a aucun rapport avec la Kehlsteinhaus, surnommé le « nid d’aigle ». Cette dernière n’est d’autre part pas une maison de thé, contrairement à une autre erreur : il s’agit d’une confusion avec le Teehaus am Mooslahnerkopf, qu’aimait fréquenter le Führer. La Wolfsschanze (« tanière du loup ») était quant à elle le quartier général d’Hitler à Gierłoż (Görlitz en Prusse-Orientale), dans le comté de Kętrzyn (Pologne).
C’est aussi grâce à nos Résistants qui ont grandement contribué au succès du débarquement. A tous nous adressons, avec notre profonde admiration, nos remerciements émus.
Mais, dans l’allégresse de la Victoire, n’oublions pas ceux qui sont morts pour la défense et la gloire de la Patrie[1], les uns, soldats, broyés glorieusement à leur poste de combat, les autres, civils, tués par la mitraille ou les bombes des sinistres oiseaux du ciel[2], d’autres encore s’éteignant obscurément sur un lit d’hôpital et ceux, héros martyrs[3] auxquels les tortures[4] n’ont pas pu faire desserrer les dents, qui n’ont pas voulu livrer à l’ennemi les noms des admirables patriotes qui ont lutté dans l’ombre[5] pour la délivrance de la France[6].
[1] Lire patrie. La mention honorifique « Mort pour la France » atteste qu’une personne s’est sacrifiée pour elle.
[2] Le maire de La Romagne fait ici allusion aux bombardiers allemands, dont le Stuka ou Sturzkampfflugzeug (avion de combat en piqué).
[3] Allusion aux combattants, héros et martyrs de la Résistance.
[4] Le 22 mars 1944, Pierre Brossolette s’est suicidé pour ne pas parler. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1940, Jean Moulin a tenté de se trancher la gorge, jugeant qu’il risquait de céder.
[5] Le roman L’Armée des ombres de Joseph Kessel a paru en 1943 à Alger. Il raconte le quotidien de la Résistance française.
[6] Les « grands » de la Résistance ont autant droit aux honneurs que les « soutiers de la gloire », selon l’expression de Pierre Brossolette lors de son discours à la BBC, le 22 septembre 1942 : le maire de La Romagne pense ainsi aux jeunes résistants de la Romagne (André Barré, Robert Carbonneaux, Raymond Didier, Raymond Ravignon).
« Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des partisans »
Strophes pour se souvenir par Louis Aragon (1897-1982) dans Le Roman inachevé, Paris : éditions Gallimard, 1956.
Ils sont tous dignes d’une éternelle reconnaissance parce que tous ils ont offert sans compter tout ce qu’ils pouvaient offrir, leur jeunesse, leurs forces, leurs joies, leurs espérances, leur sang et leur vie.
Ils sont morts, mais leur âme survit en nous et nous dicte notre devoir : l’Union[1].
[1] Le 13 novembre 1945, l’Assemblée nationale élit le général de Gaulle président du gouvernement de la République française. Ce dernier constitue le 21 novembre un gouvernement d’union nationale.
Page 4 du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Pour que la volonté française de paix[1] puisse s’imposer au monde, il faut resserrer les liens qui unissent tous les fils de notre beau pays.
[1] La capitulation allemande a permis un cessez-le-feu et a constitué un armistice, mais non un traité de paix. De nombreuses conférences internationales sur la paix et la sécurité en Europe ont donc été organisées.
L’union totale, étroite, généreuse entre tous est la condition essentielle de notre redressement[1], de notre sécurité future[2] et du salut de la France[3].
[1] Le 5 juin 1947, à Harvard, le général George Catlett Marshall (1880-1959), secrétaire d’État du président Harry Truman, annonce un programme d’aide au développement, connu depuis comme « plan Marshall ». Les Européens mettent en place le 16 avril 1948 l’OECE (Organisation européenne de coopération économique).
[3] Le discours étant prononcé le jour de la fête nationale de Jeanne d’Arc, ce « salut » peut être entendu à la fois dans un sens « patriotique » et selon une acception « théologique ». D’après la lettre apostolique du Pape Pie XI Beata Maria Virgo in cælum assumpta in gallicæ, énoncée le 2 mars 1922, « Notre-Dame de l’Assomption est proclamée patronne principale de la France, et sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire ».
Je termine en vous invitant tous à venir lever votre verre à la prospérité de notre France éternelle[1].
[1] Cette idée est chère au général de Gaulle, qui l’a pour cette raison mise en avant dans son discours du 25 août 1944 : « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »
Réflexion sur la grandeur de la France, issue du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
[1] La Marseillaise a été décrétée chant national le 14 juillet 1795 (26 messidor an III) par la Convention. Sous le régime de Vichy (1940-1944), elle a été remplacée par le chant Maréchal, nous voilà ! Les constitutions de 1946 et de 1958 réaffirment La Marseillaise comme hymne national.
Fin du premier discours de la victoire du 8 mai 1945 à La Romagne (Ardennes) par monsieur Alcide Cugnart (1897-1973), maire du village de 1930 à 1965 (collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Virginie Périn).
Nicolas Poussin a peint plusieurs séries sur les sacrements de l'Eglise.
La Romagne est un village du doyenné de Rethel (Ardennes) qui faisait autrefois partie de celui de Justine[1]. Le nom de doyen est donné aux prêtres qui sont associés à la tâche pastorale de l’évêque ou de l’archevêque, en exerçant une certaine vigilance sur la circonscription qui leur est confiée, en particulier celle de Rethel (Ardennes) puis de Chaumont-Porcien (Ardennes) après la Révolution.
Alors que l’institution des doyens remonte au VIe siècle, Hincmar[1], archevêque de Reims, leur fait obligation de visiter, au moins tous les six mois ou un an, toutes les écoles des villages, et d’en dresser un rapport. Cet usage se trouve confirmé par le concile de Reims[2] en 1583, et les doyens se voient enjoindre de visiter les paroisses de leur ressort, afin de rendre compte de leurs calendes[3] et de leurs déplacements au synode diocésain de l’évêque[4].
[1] Né vers 806 et mort le 21 décembre 882 à Epernay.
[2] Le concile de Reims est tenu par monseigneur le cardinal Louis de Guise, archevêque de Reims, et approuvé par le pape Grégoire XIII.
[3] Assemblées de curés de campagne, convoquées par l’ordre de l’évêque.
Il est aussi d’usage au XVIIe siècle dans le diocèse de Reims de donner les calendes le mardi d’avant la Pentecôte. Ces rencontres se passent à tour de rôle chez un curé du doyenné, dont la paroisse se trouve assez au centre pour que chaque prêtre participant puisse rentrer le soir dans sa propre paroisse.
Les dates sont un peu plus mouvantes au XVIIIe siècle, lorsque monseigneur de Rohan ordonne que les prêtres réguliers et séculiers tiennent à l’avenir leurs calendes séparément les uns des autres. Pour les premiers, elles ont lieu le vendredi qui fait suite au quatrième dimanche d’après Pâques, pour les autres le mardi qui précède la Pentecôte.
Au cours de ces réunions, le prêtre reçoit, à l’issue de la messe matinale célébrée en présence de tous, les saintes huiles[1]. Ces moments de partage liturgique permettent aux religieux de se retrouver, d’échanger, et même de prendre ensemble un repas. L’après-déjeuner est consacré à l’instruction de chacun : les curés peuvent faire part à l’assemblée des affaires arrivées pendant l’année dans leurs paroisses, et discuter de la conduite à tenir en pareil cas.
[1] L’Eglise catholique distingue l’huile des malades et celle des catéchumènes (qui sont bénies) du chrême (qui est consacré).
Dès les XVe et XVIe siècles, des états des doyennés destinés aux synodes diocésains sont régulièrement remplis par les doyens. Ils concernent essentiellement les problèmes matériels liés à l’entretien de l’église ou à la question de la résidence des curés.
Hodler, Ferdinand (1853–1918), Prêtre lisant, huile sur toile, collection privée.
Outre les calendes, le doyen invite les curés et les vicaires à se rendre chaque mois (sauf en hiver, où les chemins sont trop mauvais et les jours trop courts) à des conférences ecclésiastiques durant lesquelles on traite de l’Ecriture sainte, des sacrements, de la vocation. Ces réunions ne sont pas ouvertes au laïcat.
Monseigneur Le Tellier confie à ses doyens la tâche d’inspecter régulièrement les circonscriptions qui leur sont dévolues. Il fixe de manière très précise les points sur lesquels doit se porter leur attention (consécration du lieu et, si possible, la date de celle-ci, revenu de la cure, dîme, état matériel intérieur et extérieur de l’église, etc.).
Lui-même s’engage fortement : sur les cent vingt-cinq visites pour lesquelles on a retrouvé un compte rendu, il en a effectué quarante-sept personnellement[1] au cours de deux séjours (du 12 au 15 Juin 1676, et du 19 avril au 7 mai 1678).
Durant ces deux périodes, il pourvoit aux besoins les plus urgents en faisant don de calices, ciboires, aubes et autres ornements. D’autre part, il souhaite améliorer « les qualités intellectuelles et morales du clergé paroissial[1] ». Ses visites régulières donnent une photographie de l’état spirituel des prêtres et de leurs ouailles.
Avec une très grande franchise, il dresse des états où il note ses remarques sur les paroissiens, mais surtout sur les curés : il remarque aussi bien les défauts et les manques des pasteurs que leurs qualités. Rien ne lui échappe. Il note ainsi l’insuffisance de l’un qui doit « cesser ses fonctions », la colère d’un deuxième dont les emportements sont devenus « folies insupportables », l’aspect physique d’un troisième : il insiste sur sa « très méchante mine » et « sa physionomie peu avenante ».
Il critique la distraction d’un dernier, dont il fustige l’esprit « se mêlant de faire des vers ». Il lui reproche également d’être « bien évaporé ». Il sait en revanche reconnaître les améliorations dans les attitudes personnelles ou à l’égard de la paroisse. Un curé par exemple « s’est corrigé du vin et est un peu plus appliqué ».
Quant aux jugements positifs, il n’en est pas avare : Nicolas Antoine est « fort zélé, appliqué à son devoir et a remis ce peuple à son devoir ». Jean Valentin, lui, est « de bonnes mœurs et fort appliqué à sa profession ». Louis Protte est « un très bon sujet », tout comme Nicolas Jouvant, dont il est « content », ou Lambinet qui est un « très bon religieux[1] ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 137 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 137 = fonds Bouchez : histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste des prêtres des paroisses du diocèse de Reims avec appréciation des visiteurs épiscopaux, ordre alphabétique des prêtres à l’intérieur de l’ordre alphabétique des paroisses, 6 cahiers (1663-1780)].
Comme le clergé paroissial ne donne parfois pas une constante satisfaction, certains sont obligés par son ordre de rentrer dans leur couvent auprès de leurs supérieurs. Ils font alors une retraite[1] qui peut durer de quelques mois à quelques années, à moins qu’elle ne soit définitive[2].
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 136 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 136 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Deux feuilles d’explication sur le fonds Bouchez. –Résumé historique, par l’abbé Bouchez, du clergé paroissial du diocèse de Reims de 1663 à la Révolution. – Notices historiques sur le cardinal Barberini ; monseigneur Charles-Maurice Le Tellier ; les visites d’églises au XVIIe siècle ; l’établissement du grand séminaire de Reims ; les présentations aux cures ; monseigneur de Mailly et les jansénistes ; l’épiscopat de monseigneur de Rohan de 1722 à 1762 ; le mouvement des ordinations dans le diocèse de Reims ; l’état moral des paroisses sous la Révolution. – Les curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après leur ordre de succession dans les paroisses de 1663 à 1791 (2 volumes)].
Cela a été le cas pour au moins quatre d’entre eux : René Debar, Robert Davaux de Rocquigny (Ardennes), Nicolas Dehaulme et Le Heutre, sans que l’on ait toujours le motif du rappel, ni son degré de gravité : le retrait de ce dernier est assez confus, puisque l’on ne sait pas s’il a eu lieu « sur le simple ordre de monseigneur ou de sa part[1] ».
Cependant, pour monseigneur Le Tellier, un curé peut être renvoyé dans son couvent s’il fait preuve d’une ignorance habituelle de ses devoirs, mais aussi pour des excès de colère, d’intempérance, des relations et des fréquentations suspectes, de mauvaises mœurs[2].
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Français 20707, folio 8, doyenné de Rethel [sous-unité de description Français 20707-20770 = collection de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1710), XVIIe-XVIIIe siècle, parchemin et papier, 64 volumes, in-folio, sauf le tome XVIII in-4°, demi-reliure, manuscrit en français, cote Français 20707 = I Clergé, ordinations, séminaire (1682-1709), 235 feuillets. – Présentation du contenu : on y trouve un bref original d’Innocent XI en faveur de l’église paroissiale de Saint-André hors les murs de Reims, 1686, parchemin (fol. 6). — une lettre originale du géographe Chevallier, 1706 (fol. 29). — des pièces concernant le chapitre de Saint-Symphorien de Reims (fol. 32). — une liste des paroisses de l’élection de Rethel, avec les noms des seigneurs (fol. 46). — les serments originaux des sous-diacres ordonnés à Reims, 1682-1703, avec des notes sur leur origine et leurs fonctions].
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 137/138 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 137 = fonds Bouchez : histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste des prêtres des paroisses du diocèse de Reims avec appréciation des visiteurs épiscopaux, ordre alphabétique des prêtres à l’intérieur de l’ordre alphabétique des paroisses, 6 cahiers (1663-1780) ; cote 7J 138 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste alphabétique des prêtres du diocèse de Reims dans l’ordre alphabétique des doyennés et des paroisses, avec appréciation des visiteurs épiscopaux, 3 registres (1663-1780)].
Le doyenné de Rethel (Ardennes) a reçu en 1678 sa visite en personne. Rien ne prouve que les visites archiépiscopales[1] n’aient pas encore été plus nombreuses. Du reste, cette organisation de la visite du diocèse perdurera bien après la Révolution : monseigneur Langénieux, archevêque de Reims entre 1874 et 1905, visitera systématiquement son diocèse dans son intégralité à raison d’un quart par an[2].
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 19 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 13-28 = contrôle épiscopal, cote 7J 19 = visites pastorales. – Pouillé rédigé par monseigneur Péchenard lors des visites pastorales de monseigneur Langénieux (1877-1897)].
Pour en revenir à la période d’Ancien Régime, monseigneur de Mailly, qui succède à monseigneur Le Tellier, maintient les visites et les enquêtes régulières. Elles le sont d’autant plus qu’il s’est fait un ardent défenseur de la lutte contre le jansénisme[1], très répandu chez les curés champenois.
Il met en demeure les prêtres de se soumettre à la bulle publiée par Clément XI dite constitution apostolique Unigenitus. Il leur enjoint d’en souscrire l’acceptation, sous peine d’être interdits de leurs fonctions, et d’être excommuniés du seul fait de leur refus[2].
[1] Doctrine condamnée comme hérétique une première fois par le pape Alexandre VII le 16 octobre 1656 puis par le pape Innocent XII.
[2]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 137/138 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 137 = fonds Bouchez : histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste des prêtres des paroisses du diocèse de Reims avec appréciation des visiteurs épiscopaux, ordre alphabétique des prêtres à l’intérieur de l’ordre alphabétique des paroisses, 6 cahiers (1663-1780) ; cote 7J 138 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Liste alphabétique des prêtres du diocèse de Reims dans l’ordre alphabétique des doyennés et des paroisses, avec appréciation des visiteurs épiscopaux, 3 registres (1663-1780)].
En revanche, ses successeurs agissent de manière différente. Armand-Jules de Rohan (1722-1762) n’a pratiquement jamais visité lui-même son diocèse. Le soin en est laissé aux doyens et aux vicaires généraux : l’un d’entre eux inspecte les vingt-six paroisses du doyenné de Rethel (Ardennes) du 6 au 24 septembre 1745. Du reste, tout comme Charles-Antoine de la Roche-Aymon, il a rarement résidé dans son diocèse.
Pour le second, cela s’explique par ses fonctions de grand aumônier du roi qui le retiennent à la cour. Son coadjuteur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, nommé dès 1766, introduit de la modernité en mettant en place l’emploi généralisé de l’imprimerie : les enquêtes sont désormais des questionnaires adressés aux curés de chaque village.
Le déroulé d’une visite, en 1710, suit le schéma suivant, répondant aux instructions détaillées données par monseigneur Le Tellier : elle commence par des notes nominatives sur l’église et les personnes qui le gèrent (prêtre, présentateur, décimateur).
Puis l’inspecteur passe en revue le revenu de la cure. Il observe l’état de l’église, la présence d’ornements, ce qui doit être corrigé, le presbytère[1] et le nombre de communiants. Ensuite, les assistants ont le droit et le devoir de faire entendre leurs observations relatives à l’exercice du culte dans les paroisses.
[1] Ce dernier doit être à proximité de l’église, afin que le curé soit au plus près de ses paroissiens. Il est ainsi plus à même de répondre à leurs demandes.
En 1745, une plus grande solennité semble donnée, afin de frapper l’esprit des paroissiens. Cela peut s’expliquer comme un moyen de lutter contre le jansénisme. Le combat contre cette hérésie s’est accentué violemment après 1710 et a duré presque un demi-siècle.
Tout d’abord, la visite est annoncée par une lettre d’avis, suivie d’une communication à la messe du dimanche précédant celle-ci. Le jour dit, le vicaire est accueilli à la porte de l’église par le curé qui lui présente l’eau bénite, puis il est conduit au grand autel.
Vidéo O salutaris Hostia, hymne latine chrétienne extraite des laudes Verbum supernum prodiens par saint Thomas d’Aquin, version consultable en ligne sur Youtube pour Cantuale, chaîne complémentaire du Graduale Project, qui vise à enregistrer tout le Graduale romanum, livre de chant officiel de l’Église (édition de 1974).
Il visite successivement le tabernacle, examine le ciboire tandis que l’on chante l’antienne Ô salutaris Hostia et qu’on lui dit la collecte[1].
Ensuite, il donne la bénédiction avant de se livrer à un examen des objets sacrés (calice, soleil, vaisseaux) des fonts baptismaux, de la sacristie, des livres. Il se rend dans le cimetière, regarde l’état global de l’église tant intérieur qu’extérieur.
Puis il s’enquiert du patronage, du nombre des communiants, de l’état économique du curé, prend connaissance des comptes de la fabrique. Le maître d’école et la sage-femme lui sont parfois présentés.
En dernier lieu, un procès-verbal de la visite est dressé, lu en présence des habitants assemblés, et signé par le curé et les personnes les plus importantes du village. Pour accomplir cette charge, le vicaire général Zénard Viegen met quelques heures.
Il délègue une partie de sa tâche à l’un de ses assistants : les inspections de La Romagne et de Montmeillant (Ardennes) ont eu lieu le même jour, soit le 23 septembre 1745. Seul le compte-rendu de la première comporte sa signature.
Lorsqu’un doyen est délégué pour cette mission, il prélève sur les fabriques des paroisses une somme d’argent qui lui permet de s’indemniser des dépenses extraordinaires occasionnées par ce déplacement.
Quoique faible, ce droit est désagréable à percevoir pour un grand nombre de fabriques, qui sont souvent très pauvres. En 1786, dans une étude sur les réformes à apporter dans le diocèse de Reims, il est proposé de remplacer ce droit par un revenu annuel[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 131 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 131 = histoire du diocèse de Reims. – Registre notifiant les prises de possession des cures, prieurés, les attributions de prébendes, les fondations de chapelles, les grades (1674-1676). – Personnel de l’archevêché (1782). – Administration diocésaine, revenus écclesiastiques, établissement des prêtres assermentés, projets d’améliorations des portions congrues (1794-1796). – Donation à l’abbaye Saint-Nicaise de Reims (1770). – Abbaye Saint-Remi : extraits du registre des délibérations du directoire du district de Reims ; liste des religieux de Saint-Remi (1791-1792). – Abbaye de Saint-Thierry : pétition des religieux auprès des membres du district de Reims qui ont touché à leur place la redevance du curé de Saint-Thierry (1791). – Déclaration des religieux de Châtillon, près de Verdun, lors de l’inventaire des biens par la municipalité (1790). – Liste imprimée des prêtres du diocèse déportés en vertu de la loi du 26 août 1792 (1793). – Documents sur Pouillon, annexe de Saint-Thierry : érection d’une chapelle (1641) ; différends et sentences (1738-1771) ; revenus de la fabrique et baux (1788) ; revenus dus au curé et protestations des habitants de Thil (1791) ; notes sur Thil, Pouillon et Saint-Thierry (1802-1827). – Délibérations du conseil de fabrique de la Neuville-en-Tourne-à-Fuy (1891-1901).
Pour les périodes plus récentes, il est difficile de recenser les visites ecclésiastiques de l’église de La Romagne, dans l’état actuel de la recherche. Il est à noter en effet que les archives ecclésiastiques sont privées, selon le Code du patrimoine[1].
D’après les règles internes de l’Eglise catholique, ce sont des biens cultuels inaliénables et imprescriptibles. Les documents intéressant les paroisses relèvent de l’archiviste diocésain, qui est sous la responsabilité de l’évêque. L’accès aux sources historiques est soumis à autorisation…
Ancien presbytère de La Romagne (Ardennes), collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Les dîmes sont des redevances en nature, dues au clergé sur les produits de la terre et les troupeaux. A l’origine, elles sont fixées au dixième du revenu, avant de connaître des modifications et d’être décidées dans chaque paroisse. Cependant, les terres exploitées par les religieux de l’abbaye de Chaumont-Porcien (Ardennes) et leurs fermiers en sont exemptés.
Cette faveur est obtenue par l’abbé Jean, et confirmée non seulement par l’archevêque de Reims, mais aussi par le pape Eugène III[1], lors de son séjour en France en 1147 pour le Concile de Paris. Par la suite, le pape Lucius III[2] accorde en 1181 l’exemption de payer les dîmes des terres novales à cette abbaye, ce qui n’empêche pas par la suite des désaccords de survenir.
Les « grosses dîmes » se perçoivent sur le seigle, l’avoine, le blé. Les « menues dîmes » le sont sur le chanvre, les légumes, et les « dîmes novales » sur le produit de terres récemment mises ou remises en culture, soit depuis moins de 40 ans.
Elles sont perçues par l’abbaye comme « gros décimateur ». A ce titre, elle a en charge l’entretien et la réparation du chœur de l’église, des murs de la couverture et de la croix du clocher, si celui-ci est bâti au-dessus du chœur. De plus, elle a obligation de fournir les ornements et les livres du culte. Elle alloue ensuite un revenu au curé de chaque paroisse, ou portion congrue.
Monnaie de 100 livres dite 10 louis d’or – col nu – 1640 – Paris, avers représentant la tête laurée de Louis XIII à droite, au-dessous date. Légende en abréviations latines : LVD·XIII·D·G·FR·ET·NAV·REX / ·1640·
Lors du partage des biens de l’abbaye entre les religieux et l’abbé commendataire, les dîmes tombent dans l’escarcelle de celui-ci. Celles de La Romagne, tenues alors par Armand Deschamps, rapportent pour l’essentiel 30 livres. Trente ans plus tard, elles sont louées pour plus de 100 livres.
Monnaie de 100 livres dite 10 louis d’or – col nu – 1640 – Paris, revers réprésentant une croix formée de huit L adossés, couronnés et cantonnés de quatre lis. En cœur, la lettre d’atelier dans un cercle. Légende en abréviations latines : CHRISTVS·REGNAT·VINCIT·ET·IMPERAT·
Double louis d’or au soleil – 1712 – Paris, avers représentant la tête du roi à droite, avec une grande perruque laurée, au-dessous, atelier et date. Légende en abréviations latines : LVD. XIIII. D. G. – FR. ET. NAV. REX.
Louis XIV, probablement pour améliorer la situation des curés, ordonne que ceux-ci doivent avoir au moins 300 livres de portion congrue. Mais comme cela déplaît au curé de la paroisse, il demande qu’on lui abandonne toutes les dîmes de la paroisse.
Double louis d’or au soleil – 1712 – Paris, revers représentant une croix formée de huit L adossés, chaque bras étant couronné, avec soleil en cœur, cantonnée de quatre lis divergeant du centre. Légende en abréviations latines : .CHRS. – .REGN. – .VINC. – .IMP.
En 1710, il est donc le seul décimateur[1], tant des grosses que des menues dîmes alors que, dans d’autres paroisses, elles restent affermées. Ainsi en témoigne le bail passé le 3 novembre 1719 entre les religieux de la Piscine et Pierre Philbert (et consorts) de Rocquigny, pour la somme de 370 livres[2].
[2]Archives départementales des Ardennes, C 939 [série C = administrations provinciales avant 1790, articles C 546-2428 = supplément à la série C, fonds C 596-2149 = administration des domaines, généralité de Châlons, cotes C 936-1050 = bureau de Château-Porcien, contrôles des actes des notaires et sous-seings privés, tables des mainmortes et des biens nobles, insinuations laïques, centième dernier, 1710-1791. Nota bene : des 4000 articles composant à l’origine cette série, seuls 4 registres du contrôle des actes de Sedan (1760-1816) ont subsisté après le bombardement de 1940].
Elles sont prélevées directement dans le champ, sitôt la récolte terminée : les paysans font publier au prône de la messe de paroisse, ou à l’issue de celle-ci, le jour de la récolte. Cela est fait de manière que le décimateur (ou son collecteur) puisse se trouver sur les lieux.
Quelques difficultés surviennent entre les religieux et le curé de La Romagne Louis Potin qui, en 1707, veut prendre par force la dîme sur quelques pièces de terre dépendant de la ferme de la Paternotte. La réaction des moines est fulgurante, et leur action efficace, si bien que le curé n’y dîme jamais plus.
En 1742, un problème identique voit le jour avec le curé Bataille, qui entend lever la dîme sur la ferme de la Marlière. Devant la vivacité de la réaction, le curé se désiste et rend les gerbes qu’il a indûment prélevées.
Le prêtre reçoit pour son ministère une rétribution, le « gros », qui est sans rapport avec la population ou l’imposition. On apprend par la transcription d’un registre du revenu temporel de l’abbaye datant de 1615 que l’abbé Etienne de Galmet, plutôt que de donner la portion congrue, préfère abandonner les dîmes aux curés de La Romagne, Montmeillant (Ardennes) et Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes).
Celles-ci sont probablement moins élevées , à moins qu’il ne s’agisse que du renouvellement d’un abandon des menues dîmes, comme celui qui avait eu lieu en 1566.Cette interrogation se pose, car l’acte ne couvre pas l’intégralité des dîmes.
On sait qu’en 1745, le curé de La Romagne est « gros décimateur » et qu’en 1774 il est possesseur des « grosses et menues dîmes ». Son revenu cette année-là est estimé à 500 livres environ. Or, en 1786, en pleine période de crise économique et financière, les dîmes affermées de La Romagne valent à peine 700 livres[1].
Il touche également un « casuel [1] » qui, en février 1678, s’élève à 9 livres et est payé par Debroise et Fondrillon, custodes de l’église de La Romagne, pour « ses droits touchant les obits qui se disent annuellement pour les bienfaiteurs de la fabrique[2] ». En 1710, celui-ci « n’est pas bien fort[3] », sans plus de détails, alors qu’en 1774 on peut le chiffrer à 12 francs.
[1] Offrande offerte pour l’exercice de certains ministères (baptêmes, bénédictions, funérailles, mariages).
[2]Archives départementales des Ardennes, 1J 21-9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 21 = histoire du Porcien, dons Didion et abbé Henry, novembre 1949, pièce 1 J 21-9 = Montmeillant et La Romagne. – Extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1680). – Familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, notes par A. Picard, un cahier].
Cela n’empêche pas les habitants de La Romagne de se plaindre en 1745 du prix trop haut des obits[1], auprès de Zénard Viegen, vicaire général et visiteur de la paroisse, délégué par l’archevêque, monseigneur le prince de Rohan.
En 1779, le revenu du curé est toujours le même, soit 500 livres, alors qu’il doit payer une taxe de 29 livres[1]. En 1786, il a, en plus de ses dîmes, 45 livres de fondations fixes.
[1]Bibliothèque Mazarine, fonds général, Ms. 3270 [ancienne cote : Ms. 2255 B], Abbé Bauny (chanoine de l’église collégiale de Saint-Symphorien et secrétaire de l’archevêché), Pouillé du diocèse de Reims, Tome III, deuxième partie, datée de 1779, cures, chapelles et bénéfices simples, papier, 257 pages, p. 29, notice descriptive consultable sur Calames, le catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur.
Il reçoit aussi le montant de la location des biens de la cure, qui consiste en petites terres et prés, et sur lesquels nous sommes renseignés à travers deux inventaires[1]. Et on sait qu’en 1686, une messe basse de dévotion ou de fondation est rétribuée 10 sols, un obit de fondation 50 sols, un certificat pour épouser en dehors de la paroisse 10 sols, l’enterrement d’un corps d’adulte 15 sols et celui d’un enfant 10 sols[2].
Plus tard, dans le désir d’unifier les pratiques, monseigneur Charles de La Roche-Aymon édite un tarif pour le clergé du diocèse de Reims. Ainsi, un extrait de baptême, de mariage ou de sépulture coûte 5 sols.
La célébration de fiançailles vaut 15 sols. Il en coûte 2 livres pour la publication des trois bans (si le mariage se fait dans une autre paroisse), et 4 livres et 10 sols pour les publications et la célébration du mariage dans la paroisse.
Une levée de corps se paie 3 livres, l’enterrement d’un adulte s’élève à 30 sols (soit 1 livre et 10 sols) pour le curé. Il ne faut pas oublier qu’à tout cela s’ajoute, pour les paroissiens, la rétribution du maître d’école[1].
Ces tarifs ne sont appliqués qu’à ceux qui peuvent les payer, selon leurs facultés. Comme plus de la moitié de la paroisse est pauvre, aux yeux de son curé, ce revenu est aléatoire.
Pour toutes ses activités, le curé touche un revenu que l’on souhaite en 1783 ne pas être inférieur à 600 livres, quelle que soit la paroisse. C’est justement le montant du revenu du curé de l’époque, alors qu’en 1710 son prédécesseur déclare percevoir 500 livres y compris le casuel.
Il bénéficie aussi d’un droit tout particulier à la Champagne : le droit du fer. Celui-ci consiste en ce que l’on partage la dîme par moitié. Si un laboureur qui n’est pas de la paroisse laboure sur le terroir de celle-ci, le gros décimateur de son domicile partage avec l’autre curé la dîme. Elle est due à la vingtième gerbe. Ce droit s’étend non seulement aux territoires séparés de celui de la paroisse par un territoire intermédiaire, mais également à ceux qui lui sont immédiatement contigus.
La répartition n’est pas toujours simple, comme en témoigne cette anecdote où, en 1708, Jean Robinet (fermier des dîmes de Montmeillant) prétend exercer le droit du fer sur les terres de la Paternotte, sous prétexte que le fermier Philippe Jadart demeure à Montmeillant. Les religieux l’assignent aussitôt, ce qui lui fait rendre les gerbes.
La dîme est abolie par le même décret que les droits seigneuriaux le 4 août 1789. De ce fait, une subvention doit pourvoir aux dépenses du culte divin. A partir de messidor an XI, tous les desservants sont pourvus d’un traitement.
Le curé Joseph Bourdon, qui traverse cette période, touche pour le trimestre de nivôse an II la somme de 300 francs, et aurait pour pension annuelle environ la somme de 1000 francs[1]. Il atteste, devant témoins (Hubert Laroche, Jean Baptiste Davaux et Hubert Langlet), qu’il n’a pas émigré.
[1]Archives départementales des Ardennes, L 1269 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1250-1275 = cultes, clergé constitutionnel et réfractaire, cote L 1269 = pensions écclesiastiques, dossiers individuels, citoyennetés, serments, dossiers de détention, promesses et certificats de paiement, district de Rethel, cantons d’Asfeld à Wasigny, 1791- an VII].
En l’an VI, il certifie que son revenu est celui que lui accorde la Nation, qu’il n’a pas recueilli de succession de son ordre après sa suppression, et qu’il est en conformité avec la loi. Après la signature du Concordat, il perçoit le traitement fixé par celui-ci.
En 1827, le curé de Montmeillant qui dessert La Romagne touche à ce titre un supplément de traitement de 150 francs[1] tandis que, vers 1890, le curé du village a un revenu de 1100 francs, soit 900 francs pour La Romagne et 200 francs pour Draize.
[1] Tableau des ressources affectées en 1827 au personnel du clergé du département. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 64 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 62-69 = administration diocésaine, circulaires, correspondance administrative, guerre, cote 7J 64 = administration diocésaine, correspondance administrative. – Bénédictions de chapelles et oratoires (1815-1828). – Correspondance entre l’archevêché et les préfectures des Ardennes et de la Marne au sujet des presbytères, chapelles, oratoires, églises et au sujet du clergé (1820-1840)].
La loi promulguée le 9 décembre 1905 abroge le Concordat, et indique qu’aucun culte n’est salarié ou subventionné. Le curé Bastin, à la demande du diocèse de Reims, rend compte de la situation de sa paroisse au 20 avril 1905 : il perçoit tout au plus par an 150 à 180 francs pour les messes et les recommandises[1]. En ce qui concerne Draize, il reçoit quarante à cinquante francs de casuel au maximum, et trois ou quatre recommandises à 5 francs[2].
[1] Messes dites le dimanche, à la suite d’un enterrement.
Conformément à la loi, et pour une durée de 8 ans, il recevra une allocation dégressive, qui passera de 900 francs en 1907 à 450 en 1910, puis 300 en 1912/1913. Ensuite, les prêtres vont faire connaissance avec un nouveau type de rémunération, par la répartition du denier du culte.
Celui-ci est assez difficile à obtenir de 1914 jusqu’aux années 20, car la population est extrêmement fragilisée par la guerre. En 1940, le traitement d’un curé dans le diocèse de Reims est de 3100 francs et, quoique les temps soient difficiles, il croîtra durant cette période. Durant cette même période, les honoraires des messes augmentent, alors que, comme par le passé, le casuel reste faible dans les campagnes.
Après la Seconde Guerre mondiale, la participation au denier du clergé par habitant augmente peu à peu. La moyenne passe de 5,4 francs en 1962 à 7,25 dix ans plus tard[1].
Les sommes reçues par le curé lors de ses visites à ses paroissiens sont envoyées par ce dernier à l’archevêché pour être regroupées au sein du diocèse, puis redistribuées à chacun des prêtres. En 1962, la population est de 196 habitants, et le montant du denier du culte est de 1056 francs.
Les curés perçoivent en outre vers 1950 des rémunérations pour les messes et des recommandises. A cela s’ajoute une rétribution pour le gardiennage[1] de l’église, qui est de 500 francs annuels. Cette dernière est portée à 1200 francs par an en 1984[2].
[1] Circulaires du ministère de l’Intérieur n° 2 du 4 janvier 1944 et n° 279 du 14 avril 1947.
[2] Décision du conseil municipal en date du 27 septembre 1984 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le curé habite au presbytère, dont l’entretien est à la charge des fidèles selon l’Ordonnance de Blois de 1579. On ne possède aucun renseignement sur ce bâtiment jusqu’en 1710, date à laquelle on constate pour celui de La Romagne qu’il est « passable » et assez proche de l’église.
Un peu plus tard, en 1774, on apprend qu’il est à portée de l’église et qu’il se compose d’une cuisine, de deux chambres, d’un cabinet où il faut faire quelques réparations, d’une bûcherie, de caves, d’un « fourni[1] », d’une « granche[2] », d’une écurie et d’un jardin. La toiture est en paille et « ne vaut rien ».
En réalité, ce presbytère est une amélioration notoire pour le curé, par rapport à l’état de misère dans lequel vivaient ceux qui ont exercé à La Romagne ou à Rocquigny en 1663. Ils logent alors dans la remise à bois ou dans un lieu tout aussi impropre car « les malheurs de la guerre ont étendu leurs ravages partout en détruisant bien des presbytères[1] ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 136 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 129-147 = documentation historique, monographies, notes d’érudits, cote 7J 136 = fonds Bouchez, histoire du clergé du diocèse de Reims. – Deux feuilles d’explication sur le fonds Bouchez. –Résumé historique, par l’abbé Bouchez, du clergé paroissial du diocèse de Reims de 1663 à la Révolution. – Notices historiques sur le cardinal Barberini ; monseigneur Charles-Maurice Le Tellier ; les visites d’églises au XVIIe siècle ; l’établissement du grand séminaire de Reims ; les présentations aux cures ; monseigneur de Mailly et les jansénistes ; l’épiscopat de monseigneur de Rohan de 1722 à 1762 ; le mouvement des ordinations dans le diocèse de Reims ; l’état moral des paroisses sous la Révolution. – Les curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après leur ordre de succession dans les paroisses de 1663 à 1791 (2 volumes)].
On peut établir un parallèle avec celui qu’occupe le curé de Montmeillant, et qui se compose d’un corps de logis de quatre pièces, d’un corridor au milieu, d’un bon grenier, d’un jardin, d’une grange-écurie et d’une petite cour[1] .
La vente du presbytère comme bien national a lieu le 8 nivôse an V (soit en 1796). Tout comme les terres de la cure et de la fabrique, il fait l’objet d’une estimation confiée à Pierre Davenne et Gobert Gouge.
Malgré son « état de délabrement », Pierre Chéry en fait l’acquisition pour la somme de 770 livres. Aux bâtiments du presbytère, s’ajoute l’acquisition d’un second lot, composé du jardin et du verger d’environ 50 verges, dont le prix dépasse celui du bâti[1]. De son côté, la commune demande à vendre une grange que le curé occupe.
[1]Archives départementales des Ardennes, Q 278 [série Q = domaines, enregistrement, hypothèques depuis 1790, articles Q 90-468 = ventes de biens nationaux, cotes Q 272-282 = vente de biens nationaux, district de Rethel, 1790-an IV].
Peu après, ce dernier manifeste son envie de profiter du terrain que lui accorde la loi et, par la suite, demande s’il peut jouir des embellissements qu’il avait faits au presbytère. Puis il sollicite auprès du conseil municipal une indemnité pour la boiserie qu’il a posée à ses dépens dans ledit presbytère.
Lors de la reprise du culte et de la réouverture des églises, le village n’a plus ni presbytère ni jardin[1], si bien que la municipalité ne peut pas fournir une habitation au curé. Elle doit donc lui offrir une indemnité de logement.
[1]Archives départementales de la Moselle, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, pièces 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, cotes 29 J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].
Cette situation dure plus d’une vingtaine d’années, puisque le curé de l’époque en informe sa hiérarchie : « Il n’y a toujours pas de presbytère à La Romagne, mais on aurait le dessin[1] d’en acquérir un. »
Quant à l’abbé Morin, il écrit dans une lettre adressée à son archevêque que le presbytère qui est en bon état appartient à la commune, mais que c’est une maison à loyer[1]. Comme il n’y a plus aucun document jusqu’en 1883 sur ce sujet, on sait néanmoins qu’à cette époque l’abbé Noiville, alors très malade, n’a pas pu être remplacé, car propriétaire de son presbytère.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 66 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963), articles 7J 62-69 = administration diocésaine, circulaires, correspondance administrative, guerre, cote 7J 66 = administration diocésaine. – Lettres adressées à l’archevêché concernant l’état des paroisses (1815-1830). – Correspondance administrative de l’archevêché surtout au sujet des paroisses ou avec les paroisses (1823-1903). – Documents divers sur les paroisses et les paroissiens (1830-1831)].
C’est certainement cette situation qui fait prendre conscience au conseil municipal de l’urgence de posséder un presbytère[1]. La décision est ainsi prise d’acheter à monsieur Baudouin « un bâtiment et un jardin presque tout entier à l’avant, en grande partie entourés de murs un peu bas, et parfaitement placés rue Haute, et qui conviendraient sous tous les rapports ».
Quelques travaux d’aménagement et d’agrandissement sont réalisés grâce à des subventions de la commune vers 1885. L’état souhaité par l’abbé Bastin[2] serait qu’il y ait au rez-de-chaussée et juste au-dessus de la cave une cuisine et une salle à manger, à mi-étage un palier, et des chambres à l’étage.
Tandis que les autorités ecclésiastiques envisagent une éventuelle fermeture de l’église si les lois concernant la séparation des Eglises et de l’état sont promulguées, le religieux est en mesure d’informer sa hiérarchie qu’il y aurait néanmoins « une petite maison peu confortable en vue pour y installer le curé, d’autant qu’on pourrait envisager pour l’exercice du culte la construction d’un local en bois[1] ».
Ancien presbytère de La Romagne, photographie ancienne en noir et blanc (collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †).
Après la loi du 2 janvier 1907 article I, la location du presbytère entre la commune et le curé est soumise à l’homologation du préfet. Si ce dernier estime que le prix fixé est trop bas, il oppose son refus, si bien que le conseil municipal doit procéder à une nouvelle mise à prix plus conforme au marché locatif de l’époque. En 1910, la somme est de 110 francs.
Par la suite, ce bâtiment situé au lieu-dit le Village (rue Haute), consistant en un corps de logis avec jardin, est loué par le maire Joseph Marquigny à des particuliers. Puis il est vendu, car l’ancienne école de filles désaffectée par manque d’effectifs devient le nouveau presbytère.
En 1923, celui-ci est loué 200 francs pour une durée de 9 ans, car les réparations nécessaires n’ont pas encore été faites, puis 500 francs (mais les contributions restent à la charge de la commune).
En 1931, l’abbé Pleugers informe le conseil municipal de la vétusté du lieu, et du prix trop important du loyer. Un nouveau bail est signé pour la somme annuelle de 250 francs. La même année, un puits est creusé pour donner de l’eau à cette maison.
Le lieu est loué en 1960 au curé en charge de la paroisse, l’abbé Buché, pour la somme de 120 nouveaux francs. Les contributions sont toujours à la charge de la commune.
Lors de son départ, le conseil municipal choisit de racheter toute l’installation de l’eau qu’il avait faite à ses frais au presbytère. De plus, la décision est prise de la pose d’une dalle de ciment pour les toilettes, et de la protection des murs intérieurs avec des plaques de fibrociment[1], afin d’offrir un peu plus de confort.
[1] Décision du conseil municipal du 10 août 1967 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
L’installation de l’adduction d’eau en 1973 rend inutile l’emploi de la motopompe qui permet l’alimentation en eau du presbytère. Le conseil municipal propose de la vendre[1]. Quant au loyer, son montant est toujours le même jusqu’en 1984 : le montant est fixé désormais à la somme symbolique de 100 francs[2].
[1] Séance du conseil municipal en date du 10 décembre 1973 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
[2] Séance du conseil municipal en date du 29 mars 1984 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Le presbytère est occupé jusqu’en 1988, date à laquelle le dernier prêtre résidant à la Romagne, l’abbé Dubois-Matra, quitte la paroisse. Il est assez grand, puisqu’il comprend six pièces principales, réparties entre un rez-de-chaussée et un étage, ainsi qu’une petite remise, un grand grenier, un garage, et un jardin. La commune procède à sa vente le 1er mars 1989, après la décision prise par le conseil municipal d’autoriser celle-ci[1].
[1] Séance du conseil municipal en date du 22 septembre 1988 (consultation des documents sur place à la mairie de La Romagne, avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe).
Une nouvelle ère s’ouvre pour les habitants de La Romagne, qui regrettent la suppression de la cure et la disparition de la présence familière du curé du village.
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 12, Augustin, Cité de Dieu, traduction en langue vulgaire attribuée à Jacopo Passavanti, parchemin, I + 319 ff., 33.5 x 25 cm, Italie, probablement de Florence [origine incertaine], manuscrit du début du XVe siècle, en italien, avec décoration (peinture, or et argent, initiale, marge, ornemental, dessin à la plume), reliure du XVIIe siècle, consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
Jusqu’à la Révolution, le curé tient une place prépondérante dans la communauté villageoise. Son rôle est si important qu’il mérite un examen soigneux. Il est tout d’abord présenté par l’abbé de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine[1], puis le choix de ce dernier est entériné par l’archevêque, qui s’assure avant ratification que la science du candidat est suffisante et sa conduite honorable.
Ensuite, le religieux dessert la paroisse sous le nom de prieur-curé[1]. Au cas où un curé est empêché par une cause grave, il reçoit l’aide d’un vicaire accidentel ou d’un confrère d’un village proche. Cette manière de procéder permet de ne pas priver les paroissiens du secours de la religion. Elle n’altère en aucun cas les droits curiaux du titulaire.
[1] Titre donné à un desservant provenant d’une abbaye.
Lors du décès en octobre 1740 du curé en titre, l’intérim est assuré par le frère R. Doumel. C’est le cas en 1747 de J. Barré chanoine régulier prémontré, ou du frère F. Pierson en 1769/1770.
Parfois, il est fait appel à des prêtres des villages ardennais voisins, tels Montmeillant, Givron, Le Fréty ou Saint-Jean-aux-Bois : Louis Iénot (vicaire de ces deux derniers villages) et le curé-doyen de Rethel (Ardennes) P. Pillas remplacent successivement le curé Bataille lors de la maladie qui précède son décès[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, 1 J21-9 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 21 = histoire du Porcien, dons Didion et abbé Henry, novembre 1949, pièce 1 J 21-9 (Montmeillant et La Romagne. Extraits des registres paroissiaux et d’état-civil (1678-1680). Familles Lantenois, Hamel, Mauroy et Picard, notes par A. Picard, un cahier].
Certains de ces vicaires accidentels aspirent à d’autres destinées. C’est ainsi que Jean Peltier (ou Pelletier), natif de Montmeillant (Ardennes), rejoint la paroisse Saint-Julien de Reims (Marne).
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 161, Thomas d’Aquin, Summa theologica, parchemin, 213 ff., 35.6 x 25 cm, France, Paris, manuscrit du XIIIe siècle, vers 1280, en latin, avec décoration (peinture, initiale, marge, ornemental, dessin à la plume), notation musicale (neumes sans portée), fragments in situ (feuille de garde), reliure du XIIIe au XIVe siècle, consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
D’autres souhaitent acquérir les grades canoniques[1], comme François Pierron (vicaire intérimaire à La Romagne) , Guillaume Depagny, Henri Antoine Duménil, tous deux vicaires accidentels à Rocquigny (Ardennes). Ces derniers s’astreignent à suivre durant deux ans le cours de philosophie de l’Université et pendant trois ans le cours de théologie. Antoine Duménil obtient successivement les grades de bachelier, licencié et docteur en théologie.
[1] On appelle grades les diplômes de bachelier, licencié et docteur en théologie.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8405312, consultable en ligne sur Gallica, Bonnart, Robert (1652-1733), graveur, Abbé en Sotanne, chez N. Bonnart, rue St Jacques à l’aigle, avec privil. du Roy, 1 estampe, XVIIe siècle. Appartient à [Recueil. Collection Michel Hennin. Estampes relatives à l’Histoire de France. Tome 54, Pièces 4776-4880, période : 1675], référence Hennin, 4867, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (54).
La hiérarchie catholique rappelle aux curés ce que doit être leur comportement spirituel[1], et leurs devoirs à l’égard de leurs paroissiens, afin d’être un modèle. Il importe de ne pas donner lieu à des reproches, comme cela a été malheureusement le cas du curé Davaux de Montmeillant (Ardennes), cible de vives critiques et visé par des plaintes assez nombreuses auprès de l’archevêque.
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20720, pièce 6, « Les principaux devoirs d’un bon curé », imprimé par l’ordre de l’évêque-comte de Châlons, [Félix Vialart], 1673 [ensemble de 57 documents = XIV (mandements, ordonnances, etc. 1676-1709) de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)].
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8452396, consultable en ligne sur Gallica, Jollain, Gérard (16..-1683, éditeur), La Saincte Bible contenant le vieil et nouveau Testament enrichie de plusieurs belles figures, de l’imprimerie de Gérard Jollain rue S. Iacque à l’enseigne de la ville de Collongne, [entre 1655 et 1675], 1 vol. (120 est.), eau-forte, burin, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département Estampes et photographie, RA-41-4.
Il leur faut être tournés en permanence vers Dieu, travailler à sa gloire en se considérant comme des hommes séparés du monde, détachés des biens et des plaisirs de la terre. Ils doivent chercher en eux, par la célébration de la messe et la prière, la force, la résignation et la miséricorde de leurs péchés et de ceux de leurs paroissiens.
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 187, La Bible Rothschild, parchemin, 597 ff., 18.3 x 15 cm, France, manuscrit de la seconde moitié du XIIIe siècle, en latin, avec décoration (autre, figuratif, peinture, or et argent, initiale, marge, ornemental, dessin à la plume), consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
Dans la journée, ils consacrent un moment à la lecture de l’Ecriture sainte et de « bons livres ». Monseigneur Le Tellier, à qui l’on peut attribuer cette remarque, préconise que ces lectures portent sur La Sainte Bible et particulièrement Le Nouveau Testament. Le Catéchisme du concile de Trente datant de 1562 les conforte dans leur mission : ils y trouvent la manière d’instruire les fidèles, en fonction de leur compréhension et intelligence. Il leur est aussi conseillé de lire Les Confessions de saint Augustin, Les Méditations chrétiennes ou Les Obligations ecclésiastiques…
Bibliothèque nationale de France, document numérique, NUMM-6564765, consultable en ligne sur Gallica, Bourzeis, Amable de (1606-1672) ; Sainte-Marthe, Claude de (1620-1690), Lettre d’un abbé a un evesque, sur la conformité de saint Augustin avec le concile de Trente dans la doctrine de la grâce, [S.l.] M.DC.XLIX, [8]-78 p. ; in-4°, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, département Philosophie, histoire, sciences de l’homme, D-3960.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8406187, consultable en ligne sur Gallica, Bonnart, Robert (1652-1733), graveur, Abbé de Qualité en sotanelle, chez N. Bonnart, rue St Jacques, à l’aigle avec privil. du Roy, 1 estampe, XVIIe siècle. Appartient à [Recueil. Collection Michel Hennin. Estampes relatives à l’Histoire de France. Tome 58, Pièces 5085-5180, période : 1680], référence Hennin, 5089, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (58).
Afin de ne jamais susciter le mépris et la réprobation, il leur est recommandé d’éviter l’oisiveté, et surtout de paraître toujours correctement vêtus d’une soutane ou d’une soutanelle de taille convenable, d’avoir les cheveux courts et la « cronne[1] » (ou tonsure) bien nette.
Pour que la confiance s’établisse avec les paroissiens, ils s’efforcent d’avoir un accès facile, et de parler avec douceur. Ils ont l’obligation de les assister à tous les moments où ils ont besoin d’aide matérielle ou spirituelle. Ils se doivent d’éviter dans les villages les querelles, procès ou dérèglements publics. Ils sont censés porter une attention toute particulière aux malades, et visiter chaque famille du village une à deux fois par an.
Monseigneur Charles-Maurice Le Tellier met en place une administration plus moderne du diocèse de Reims, car celui-ci a beaucoup souffert de la situation belliqueuse qui règne sur le territoire picard et champenois depuis le XVIe siècle. D’autre part, par son étendue, il est l’un des plus importants de France.
Conscient d’un certain relâchement dans la discipline ecclésiastique, et de l’urgence des réformes, il enjoint aux prêtres séculiers et réguliers de se rendre auprès de lui, entre le 20 octobre et le 10 novembre 1671. Aussitôt, il défend à tous ceux qui ne sont pas curés de confesser, prêcher, vicarier[1] jusqu’à ce qu’ils aient obtenu ses approbation et permission[2].
[1] Remplir les fonctions de vicaire dans une paroisse.
[2]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20721 [ensemble de 205 feuillets = XV (mandements, ordonnances, etc. 1671-1709) de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (suite) (1642-1710)].
Reliure aux armes de Léonor d’Estampes de Valençay au plat inférieur « d’azur à deux girons appointés en chevron, au chef d’argent, chargé de trois couronnes ducales de gueules mises en fasce », image consultable en ligne sur Numelyo, la bibliothèque numérique de Lyon, Chomarat 5343, d’après l’original de la Bibliothèque municipale de Lyon, site Part-Dieu, silo ancien, Chomarat 5343, T. 03, Fachinei, Andrea, Andreae Fachinei Foroliviensis Iuris Consulti Clarissimi, Consiliarij Serenissimi Principis ac Domini, D. Gulielmi Palatini Rheni, utriusque Bavariae Ducis, &c. Et in celeberrima Ingolstadiensi Academia Iuris Caesarei Professoris Ordinarij. Controversiarum Iuris [Livre]. Tomi Tres, nunc primum uno volumine editi, quibus variae Iuris Quaestiones solide, erudite & perspicuè ex ipsis iuris fontibus declarantur & definiuntur, Lugduni Sumptibus Ioannis Pillehotte, 1623.
Il constate également que les plus anciens de son diocèse n’ont pas été formés. Le plus souvent à cette époque, et ce dans le meilleur des cas, les religieux séculiers ne connaissent avant d’obtenir un ministère que les cours publics de l’Université. S’y ajoutent les exercices spirituels préconisés par monseigneur Léonor d’Etampes de Valençay. Les prêtres issus des ordres religieux ont en comparaison une meilleure formation.
Le Grand Séminaire ouvert par monseigneur Le Tellier à Reims prend pour modèle ceux de Paris, inaugurés par Vincent de Paul et l’abbé Jean-Jacques Olier de Verneuil (fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice). 10. Reims – Façade principale de l’ancien Grand Séminaire, XVIIIe siècle, carte postale ancienne en noir et blanc, virage sépia, phototypie J. Bienaimé 1900, cliché F. Rothier 1905.
Pour remédier à cela, monseigneur Charles-Maurice Le Tellier établit le Grand Séminaire de Reims en 1676, et crée celui de Sedan par l’ordonnance du 29 octobre1693. Il a existé un premier séminaire fondé par le cardinal Charles de Lorraine en 1563/1564, et tombé en désuétude un siècle après.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 869.16.5, anonyme rémois, Le Cardinal Charles de Lorraine, 2e moitié du XVIe siècle, vers 1572 [date incertaine], huile sur toile, 56,3 x 43,3 cm [sans cadre], legs Saubinet, 1869, photographie prise par Christian Devleeschauwer, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims.
Pour l’instruction de tous, monseigneur Le Tellier fait publier un Rituel de la province de Reims renouvelé et augmenté (en 1677), un missel, un bréviaire, de nouveaux livres de chants ainsi qu’un enseignement de la foi et de la morale chrétiennes : Le Petit Catéchisme est destiné aux enfants, et ne contient donc que les plus simples éléments de la religion. Le Grand Catéchisme est pour ceux qui sont plus avancés en âge, et qui ont l’esprit plus développé.
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 173, Augustinus Hipponensis, Retractationes, De haeresibus ad Quoduultdeum (Epistulae), parchemin, 99 ff, 12 x 10.7 cm, manuscrit de la deuxième moitié du IXe siècle, d’origine française (nord-est), en latin, exécuté dans la région de Paris–Reims, avec une reliure du XVIIIe siècle, consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
A partir du dernier quart du XVIIIe siècle, les jeunes prêtres admis à l’ordination consacrent ensuite une période de six mois au moins à l’étude de la morale, avant d’être employés au ministère[1].
Musée du Louvre (Paris), département des Arts graphiques, numéro d’inventaire INV 6074, Recto [anciens : NIII 1710 ou MA 1643], Polidoro da Caravaggio (Polidoro Caldara, dit), Célébration d’une messe, dessin (plume et encre brune, lavis brun, rehauts de blanc, traces de mise au carreau à la pierre noire, numérotation 301 à la sanguine au verso du papier de doublage en haut à droite, collé en plein), notice descriptive consultable en ligne.
Eté comme hiver, le curé de La Romagne dit la messe à dix heures, ce qui a des répercussions sur la vie des bergers, mais aussi sur l’activité des moulins, qui ne doivent pas tourner depuis le premier coup de la messe jusqu’à une demi-heure après sa fin[1]. Il enseigne lui-même le catéchisme, ou le délègue au maître d’école. Il le dispense à une heure. Il célèbre les vêpres à deux heures chaque dimanche. Le religieux rythme ainsi le jour du Seigneur.
Comme il n’y a aucun « secours » (église dépendant d’une paroisse mère) il ne bine pas, comme c’est le cas pour un certain nombre de paroisses dont celle d’Antheny (Ardennes), dont l’auxiliaire est Fleigneux (Ardennes).
[1]Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Français 20710 [ensemble de 133 feuillets = IV (pièces diverses), collection de Charles Maurice Le Tellier, archevêque-duc de Reims (1642-1710)], Instructions aux marguilliers de chaque paroisse du duché de Mazarin en date de MDCLXXXIII.
Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des Manuscrits, Latin 12834, Maître Honoré (enlumineur) ; groupe de Cholet (enlumineur), Robertus (copiste), Martyrologe-Obituaire de Saint-Germain-des-Prés, parchemin, manuscrit en latin, 190 feuillets précédés et suivis d’une garde parchemin, reliure XXe siècle de cuir blanc, folio 30v, vue 40/401, consultable en ligne sur Gallica.
En dehors de la célébration du culte dominical, le curé se doit de dire les messes de fondation et les obits[1]. Ainsi, le curé Dehaulme consacre quatre célébrations aux trépassés chaque année. L’une concerne le repos de l’âme de Mademoiselle Zenarte, bienfaitrice de la paroisse : elle a légué en 1699, par testament, 50 livres et une nappe.
[1] Messes célébrées pour un défunt à la date anniversaire de son décès.
Environ un siècle plus tard, en 1785, celui de Rocquigny (Ardennes) recueille, après autorisation de l’archevêque, les volontés de deux de ses paroissiens pour la création d’une fondation : Pierre Monnois et sa femme Marie-Louise Porreau, préoccupés par le sort de leur âme[1]. En contrepartie d’une rente de 100 pistoles « sur le clergé de France », il doit dire six messes et six saluts.
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 268 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 267-268 = doyenné de Rethel (1248-1790)]. Cité par Demaison, Louis, Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 rédigé par M. L. Demaison, archiviste, Marne, archives ecclésiastiques – série G, clergé séculier, tome 1, Reims : Henri Matot, 1900, in-fol., IV-380 p., page 245, vue 270/404, consultable en ligne sur Internet Archive [La cote G 268 de l’archevêché de Reims est décrite dans cet ouvrage comme une liasse de 199 pièces, 31 sceaux et 11 cachets. Le fonds désormais déposé aux archives départementales de la Marne porte aujourd’hui la cote 2G 268].
Le curé est amené à faire de très nombreux déplacements à La Romagne ou dans ses écarts pour le service religieux ou pour ses fonctions sacerdotales. Il porte notamment le viatique aux malades et aux mourants.
Le curé effectue en 1699 plusieurs voyages à Charleville (Ardennes) et à Rethel (Ardennes) pour prendre des objets nécessaires pour le culte. Il va d’autre part à Reims (Marne) auprès de l’archevêque, et se rend sans compter dans les villages voisins pour traiter de commandes auprès des artisans locaux.
La tenue des registres est d’abord prescrite par les évêques, puis par le pouvoir royal avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts[1] de 1539. A l’origine, ces registres ne sont le plus souvent composés que de feuilles volantes, qui ne sont pas toujours toutes conservées.
C’est pourquoi le pouvoir royal s’en mêle. L’ordonnance de Louis XIV en 1667 unifie les règles de rédaction : la minute[2] reste dans les mains du clergé, et la grosse[3] est déposée au baillage. Celle de 1674 impose que le papier destiné à recevoir les actes porte le timbre de la généralité[4].
Parfois, le curé insère d’autres actes comme le baptême des cloches, le serment des sages-femmes et les abjurations. Les registres que l’on possède de nos jours pour La Romagne commencent en 1693, avec des lacunes au cours du XVIIIe siècle (de 1702 à 1712, de 1722 à 1732, de 1743 à 1752). Or, dans l’enquête de 1774, le curé affirme que ces derniers sont en bon ordre, non séparés, et qu’ils remontent à 1678. Dans quelles circonstances ont-ils disparu ?
Malgré l’injonction de garder les originaux et de transmettre les copies, le curé de la Romagne, comme nombre de ses confrères, reçoit en 1702 un avertissement pour sa négligence. Il doit faire savoir au greffe desdits registres établi à Reims où ont été remises les grosses de la paroisse depuis 1667 jusque 1691. Cette requête est assortie d’une menace d’amendes pour lui, la fabrique et les marguilliers.
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 30, Calendarium, Biblia latina, Liber Psalmorum, Cantica biblica, Orationes, Hymni, etc., parchemin, 163 + 16 ff., 22.7 x 15.7 cm, Allemagne du Sud, manuscrit du XIIe au XIVe siècle, en latin et allemand, avec décoration (figuratif, pleine page, peinture, or et argent, initiale, marge, ornemental, dessin à la plume), reliure du XVIe siècle, consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
Aux yeux de l’Eglise, les naissances légitimes sont celles qui sont survenues au sein du mariage. Dans le cas d’une conception et d’une naissance antérieure à celui-ci l’enfant est « réhabilité » dans sa légitimité par le mariage subséquent de ses parents. Il est placé sous le dais nuptial et, « reconnu sous le voile », reprend tous ses droits.
C’est ce qui se passe pour Jean-Baptiste[1], l’enfant né le 12 décembre 1782, qui est légitimé par le mariage de ses parents[2] Robert Dupont et Marie-Jeanne Deschamps le 16 février 1783.
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 6 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 6 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, baptêmes, mariages, sépultures, 1773-1782], acte de naissance, vue 44/44, consultable en ligne.
[2]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/E 7 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/E 7 = registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne, baptêmes, mariages, sépultures, 1783-1792], acte de naissance, vue 2/42, consultable en ligne.
Baptême d’un enfant par l’abbé Pierre Médéric Buché dans l’église Saint-Jean. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
En général, le baptême a lieu le jour même de la naissance, ou le lendemain, tant sont fortes la peur de la mort du nourrisson avant son baptême et la crainte de son séjour dans les limbes. Les prescriptions de l’Eglise et du roi sont très strictes sur ce point : des déclarations royales promulguées en 1698, puis en 1724, rappellent que la cérémonie doit être faite dans les vingt-quatre heures suivant la naissance de l’enfant.
L’acte doit nommer le père et la mère, contrairement à un usage antérieur où seul le père est inscrit, et être signé par le père[1]. C’est le curé qui officie. Très rares sont les indications concernant les nourrissons ondoyés par la sage-femme, tout au moins à La Romagne. Cet acte est pratiqué en présence de deux témoins et, si l’enfant survit, on peut avoir recours à un supplément de cérémonie du baptême.
Au cours de cette célébration, et très traditionnellement jusqu’à la Révolution, l’enfant reçoit trois prénoms. Le premier, si c’est un garçon, est celui de son parrain. La fille porte celui de sa marraine, ce qui fait que parfois, dans une famille, plusieurs enfants héritent un même prénom. Le deuxième est celui d’un aïeul, et le dernier est le prénom d’usage.
Il n’est pas rare d’assister à des échanges familiaux lors de naissances rapprochées : les adultes deviennent alors respectivement les parrains et les marraines de l’enfant de l’autre couple. Ainsi, le 8 février 1696, la fille de Jean Prunier et de Poncette Maupin reçoit le prénom de Marie : sa marraine est Marie Godelle, femme de Nicolas Goulard.
Le 12 mars suivant, la fille de Nicolas Goulard et de Marie Godelle reçoit le prénom de Poncette, car sa marraine n’est autre que Poncette Maupin et son parrain Jean Prunier. Ces choix permettent de tisser des liens au sein d’un réseau familial.
Communiants. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Le dénombrement religieux n’a pas pour premier but le décompte de la population, mais celui des habitants qui accomplissent scrupuleusement leurs Pâques. Sous le terme de « communiant », on ne répertorie que les personnes de plus de douze ans, et l’on estime que celles-ci représentent les deux tiers de la population.
Année de la communion
Nombre de communiants
1671
80
1678
120
1710
150
1745
150
1774
203
1779
200
1786
220 (dont 56 habitent dans les cinq écarts)
1833
130
Dénombrement des communiants de La Romagne (Ardennes) à partir de 12 ans établi à partir des comptes rendus de visites ecclésiastiques.
Communion. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Par la suite, il n’est pas possible de retrouver une estimation chiffrée, tandis que le curé Grégoire signale vers 1890 qu’il y a beaucoup de monde à la communion pascale.
Julia Mauroy (en haut à droite), née le 22 février 1899 au Mont de Vergogne, † le 17 février 1940 à Montmeillant (Ardennes). Photographie de sa communion à l’église Saint-Jean de La Romagne (Ardennes) vers 1911 [date incertaine]. Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Raphaël Lacaille.
Si l’instauration de la communion solennelle (ou profession de foi) remonte au XVIIe siècle, force est de constater que la cérémonie réservée aux enfants n’apparaît pas dans les registres d’avant la Révolution. Elle est alors parfois notée dans les registres tenus par le curé, comme il apparaît pour quelques années à la fin du XIXe siècle. La date n’est pas toujours précisée, même si la liste en est dressée assez régulièrement entre 1884 et 1900.
Garçons
Filles
Devie, Jude
Boudsocq, Marie
Fougne, Arthur
Lépinois, Sidalie (Marie Louise ?)
Marandel, Ernest
Miclet, Adèle
Mauroy, Emile
Roncin, Aline
Pailliot, Honoré
Première communion en 1884 (jour non précisé). Tableau établi à partir des registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne (Ardennes), baptêmes, mariages, sépultures, entre 1884 et 1900. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 702 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].
Garçons
Filles
Dupont, Hippolyte
Carbonneaux, Marie
François, Albert
Dela, Orphise
Maquin, Eugène
Larchet, Marthe
Roncin, Calixte
Panneaux, Marie
Mauroy, Augustine
Millet, Léontine
Première communion le 28 mars 1886. Tableau établi à partir des registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne (Ardennes), baptêmes, mariages, sépultures, entre 1884 et 1900. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 702 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].
Année de la communion
Garçons
Filles
1884
5
4
1886
4
6
1887 (5 juin)
5
7
1890 (27 avril)
6
9
1892 (8 mai)
6
6
1894 (15 avril)
6
5
1896 (19 avril)
10
5
1898 (15 mai)
7
4
1900
4
3
Répartition des communiants entre 1884 et 1900. Tableau établi à partir des registres paroissiaux et d’état civil de La Romagne (Ardennes), baptêmes, mariages, sépultures, entre 1884 et 1900. Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 7J 702 [série J = archives privées, documents entrés par voie extraordinaire, sous-série 7J = fonds de l’archevêché de Reims (1637-1963)].
Confirmation dans l’église Saint-Jean. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Là encore, peu de détails sont donnés sur le sacrement de confirmation jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. L’archevêque (c’est le cas pour monseigneur Le Tellier) profite des tournées pastorales pour donner le sacrement de confirmation aux paroissiens des villages visités.
En général, cette cérémonie se déroule dans l’église du chef-lieu de canton, lors du déplacement de l’évêque ou de l’archevêque. Dans le dernier quart du XIXe siècle, cette célébration a lieu dans d’autres églises du canton. L’une d’entre elles s’est ainsi tenue le 25 août 1808, et une autre le 9 juillet 1816 à Chaumont-Porcien (Ardennes). A chaque fois, le nombre des confirmés est impressionnant.
Le prélat est accueilli avec tous les honneurs dus à son rang. Il se rend ensuite processionnellement à l’église de Chaumont-Porcien (Ardennes), tandis que l’on chante le Veni Creator Spiritus, le Benedictus et le Magnificat.
Après la messe, l’ecclésiastique se présente au portail, prêche, puis procède à la cérémonie de confirmation par vagues successives, en fonction des paroisses.
Cette célébration terminée, on entonne le Te Deum laudamus avant que l’officiant ne donne la bénédiction. Il se retire ensuite chez le curé du lieu pour se reposer et poursuivre ensuite ses déplacements[1].
En 1878, une tournée pastorale a lieu le 1er mai à La Romagne, mais aussi à Montmeillant (Ardennes) et, deux jours plus tard, à Rocquigny (Ardennes) et à Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes)[1]. Il s’agit probablement d’une visite au cours de laquelle sont confirmés les enfants de ces lieux.
Médaille commémorative, remise en souvenir de confirmation par monseigneur Benoît Langénieux, archevêque de Reims.
Le 5 avril 1886, monseigneur Langénieux confirme les enfants de La Romagne, puis la confirmation se déroule à Rocquigny en 1890. A Lalobbe (Ardennes), le 28 avril 1894, les enfants de La Romagne reçoivent ce sacrement.
En 1920, la cérémonie de confirmation a lieu à Chaumont-Porcien (Ardennes), et est célébrée par monseigneur Neveux. Elle commence par une messe, puis le sacrement est donné à chacun des enfants en présence au moins d’un parrain pour les garçons, et d’une marraine pour les filles. Pendant l’onction, les adultes mettent la main droite sur l’épaule droite du confirmant, qui peut n’être âgé que de dix ans.
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8400565, consultable en ligne sur Gallica, Cochin, N. R. (dessinateur), Le Concile de Trente, [S.l.] : [s.n.], [s.d.], 1 estampe. Appartient à [Recueil. Collection Michel Hennin. Estampes relatives à l’Histoire de France. Tome 6, Pièces 526-607, période : 1563-1568], référence Hennin, 544, image numérisée d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (6).
Pour ce qui est des mariages, ils doivent être célébrés par un prêtre de la paroisse, en présence de deux ou trois témoins, et de jour, selon les prescriptions du concile de Trente.
L’annonce se fait par trois fois au prône[1] du dimanche, la première trois semaines avant l’événement. Quelques dispenses pour liens de parenté, ou pour mariage en « temps défendu », sont accordées. En effet, le droit canon interdit certains mariages en raison des degrés de parenté effectifs jusqu’au 4e degré, à cause des liens par affinité, ou lors de certaines périodes liturgiques (en particulier le Carême ou l’Avent).
Il est possible d’obtenir une dispense, dont le coût est fixé en fonction de la condition des demandeurs, et du degré de parenté. Cela demande la constitution d’un dossier complet, qui comprend la supplique des fiancés, avec les causes dites honnêtes ou infâmantes. A ce dernier s’ajoutent l’enquête menée dans la paroisse, et l’accord de l’évêque. C’est ce qu’ont fait Nicolas Robin et Jeanne Meunier, parents au 4e degré[1].
[1] Aujourd’hui, en droit civil, des cousins germains ont, entre eux, un lien de parenté au 4e degré.
En 1702, François Barré et Barbe Morceau qui désirent s’épouser quoique parents du deuxième au troisième degré[1] pour le droit canon, et dépendants de liens d’affinité reçoivent, après le passage de leur demande en cour de Rome[2], l’autorisation de se marier, et le curé, celle de célébrer ce mariage.
Les démarches, mais surtout les interrogatoires sont stéréotypés : invocation du scandale créé par la situation, relation « incestueuse » pour l’Eglise, nécessité de « réparer son honneur », etc.
[1] Actuellement, au regard de la loi, des petits-enfants, vis-à-vis de leurs grands-parents ont un lien de parenté au 2e degré. Des neveux et nièces par rapport à leurs oncles et tantes ont un lien de parenté au 3e degré.
[2] Ce n’est qu’à partir du 3e degré de consanguinité que les autorisations sont données par les archevêques ou évêques.
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 28, Biblia latina, parchemin, 416 ff., 35.7 x 25 cm, peut-être du nord de la France [origine incertaine], manuscrit du XIIIe siècle, en latin, avec décoration (figuratif, peinture, or et argent, initiale, marge, ornemental, dessin à la plume, schéma, vignette), fragments in situ (feuillet inséré), consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
La dispense donnée au futur couple Barré Morceau l’est moyennant une double pénitence, consistant en un versement d’une somme d’argent destinée aux pauvres de la paroisse, soit 20 sols ou1 livre, et des prières à dire « à genoux et à voix basse » dans l’église paroissiale durant plusieurs dimanches consécutifs[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 1995 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, articles 2G 1757-2020 = officialité métropolitaine et diocésaine de Reims (1483-1790), pièces 2G 1983-2004 = dispenses de Rome pour mariages, requêtes pour fulmination de bulles et brefs par l’officialité, enquêtes et interrogatoires (1666-1789)].
Fondation Martin Bodmer (Cologny, Suisse), Cod. Bodmer 188, Guillaume de Conches, Dragmaticon, Comput pour le calcul du calendrier, parchemin, 33 ff., 21 x 13.6 cm, Allemagne de l’Ouest (Rhénanie), manuscrit du XIIIe siècle, vers 1230, en latin, avec décoration (figuratif, pleine page, peinture, initiale, ornemental, dessin à la plume, schéma, vignette), consultable en ligne sur la bibliothèque virtuelle des manuscrits en Suissee-codices.
La dispense de bans s’obtient un peu plus facilement, parce que les mariages sont interdits durant certains temps liturgiques comme l’Avent ou le Carême, et qu’il est préférable pour des raisons morales que le couple vive dans la légitimité.
Un exemple nous est donné à travers le mariage de Jean Baré et Nicolle Boudsocq, célébré le 28 novembre 1702 avec dispense de deux bans pour temps prohibé. En revanche, rien n’est dit sur la raison de la dispense de deux bans lors du mariage de « messire Firmin Canel et demoiselle Louise Duguet » le 18 avril 1697.
L’une des périodes propices à la célébration d’un mariage est l’hiver, en janvier ou février. A partir de 1783, apparaissent dans les registres de La Romagne des actes intitulés « promesse de mariage ». Il s’agit d’une sorte de publication de bans quelques semaines avant ledit mariage, puis de la célébration de fiançailles impérativement trois jours avant le mariage.
Il se trouve aussi dans les actes la notion d’opposition (par exemple des parents envers un enfant mineur) ou d’empêchement. Les mariés, hommes ou femmes, qui ne sont pas âgés respectivement de trente et vingt-cinq ans, sont considérés comme mineurs[1] et doivent obtenir le consentement de leurs parents. La présence de ces derniers lors de la cérémonie vaut consentement exprès.
[1] Selon les arrêtés de monsieur de Lamoignon datant de 1702.
A partir de la fin du XVIIe siècle, chaque acte mentionne que le prêtre a recueilli le consentement de chacun des époux devant témoins (au moins quatre). Ce qu’atteste l’acte de Toussaint Fondrillon et de Poncette Gouverneur le 30 juin 1696. Le curé (N. Dehaulme) signale que les vœux de mariage ont été exprimés devant les membres de la famille (qui sont nommés), et en présence de plusieurs autres habitants.
Le prêtre doit désormais s’assurer du consentement personnel des futurs époux. Cela répond à une nouvelle prescription de l’Eglise, qui entend ainsi s’opposer au mariage contraint.
Musée des Beaux-Arts (Reims), numéro d’inventaire 2019.1.37, Pille, Henri, La Messe à Pavant (Aisne), huile sur toile, 100,8 x 81,7 cm, dépôt de l’État, transfert de propriété de l’État à la ville de Reims en 2019, photographie prise par Christian Devleeschauwer, notice descriptive consultable en ligne sur le portail officiel des musées de Reims.
Environ dans la moitié des cas, le conjoint est originaire d’une autre paroisse que celle dont est issue la mariée : sur les huit mariages célébrés en 1783 et 1784, quatre des mariés sont originaires de Rocquigny, Lalobbe, Chappe et Marlemont (il est à noter que tous ces villages sont situés dans le département des Ardennes).
Cette proportion de 50% est généralement respectée depuis longtemps. C’est ce que l’on constate lorsque l’on analyse les registres de cette époque.
La plus grande mortalité de femmes encore jeunes est la cause principale des remariages. Ils se produisent dans un délai de quelques semaines à quelques mois après le décès de la conjointe. Pour la deuxième ou troisième fois, une nouvelle union est célébrée. La femme ne peut se remarier qu’une année environ après son veuvage. Le remariage est une nécessité sociale et économique pour élever des enfants en bas âge, ou pour gérer et cultiver les terres.
Le curé en charge de la paroisse en 1806 signale qu’il a célébré quatorze baptêmes, une bénédiction nuptiale et cinq sépultures, ce qui correspond, tout au moins pour les deux derniers faits cités, rigoureusement aux actes d’état civil enregistrés à la mairie.
Il semble donc que les habitants soient alors redevenus fidèles à l’Eglise, alors que des villages avoisinants montrent une percée du mariage civil et du concubinage. C’est le cas au Fréty (Ardennes) ou à Saint-Jean-aux-Bois (Ardennes), où l’on signale que le prêtre a œuvré pour ramener « des ménages égarés ».
En 1833, le curé de ce village signale qu’il y a dix ménages en union civile et « incestueuse » (selon l’expression de ce prêtre), et un séparé sans autorisation expresse. Cette note traduit une montée sensible de la déchristianisation.
L’inhumation d’un défunt a lieu le jour même de son décès, et au plus tard le lendemain. Après la Révolution, comme l’état civil a été mis en place, le rôle du curé se trouve modifié : le prêtre doit attendre pour célébrer un mariage religieux un acte de l’officier d’état civil, prouvant que celui-ci a bien été célébré à la mairie.
Pour les inhumations, le prêtre ne peut procéder à la levée d’un corps sans une autorisation donnée par ce même officier d’état civil, sous peine d’être poursuivi comme contrevenant au lois[1].
[1] Décret impérial du 4 thermidor an XIII (23 juillet 1805).
Le curé est également un lien entre le pouvoir royal et les paroissiens : il est à ce titre chargé de la communication des nouvelles importantes. Même si un édit d’avril 1695, confirmé par une déclaration de décembre 1698, dispense les curés de publier des avis temporels à leur prône[1], un certain nombre continue de le faire tout au long du XVIIIe siècle.
En 1774, les curés des différents villages sont chargés de transmettre les diverses instructions royales qu’ils reçoivent, par l’intermédiaire d’un messager qui va chercher les lettres tous les jeudis à Rethel (Ardennes) et les porte à Wasigny (Ardennes) le vendredi, jour de marché[1].
Bibliothèque nationale de France, document numérique, IFN-8600506, page non paginée, vue 1/8, consultable en ligne sur Gallica, Noailles, Louis-Antoine de (1651-1729) ; Eglise catholique. Diocèse (Paris), Mandement de Son Eminence Monseigneur le Cardinal de Noailles, Archevesque de Paris, pour demander par des prières publiques la bénédiction de Dieu sur la résolution que le Roy a prise de gouverner l’Etat par lui-même, A Paris, chez Jean-Baptiste Delespine, imprimeur-libraire ordinaire du roy, & de Son Eminence Monseigneur le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, ruë S. Jacques, à l’Image S. Paul. M.DCCXXVI. Avec privilege du roy, 1726, 7 pages, in-4°, texte numérisé d’après l’original de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand, département Droit, économie, politique, F-21102 (88).
Il a aussi pour mission de transmettre les mandements de prières publiques pour la prospérité des armées du roi. Deux exemples peuvent être cités : l’un, du 4 juin 1707, demande des prières, une procession, une exposition du Saint-Sacrement jusqu’au 16 octobre 1707.
L’autre, daté du 24 mai 1709, œuvre pour « le rétablissement de la paix et le secours de Dieu dans les nécessités publiques et la conservation de la personne du roy[1] et de toute la famille royale ».
[1] Graphie utilisée jusqu’au XVIIIe siècle. Sa forme moderne est attestée en 1740 par l’Académie française.
Les prières doivent être dites jusqu’au 3 novembre. Depuis des mois, la population connaît de très grosses difficultés économiques, liées aux conséquences d’un terrible hiver.
Droit : buste de Louis XVIII à droite.Revers : la porte du musée du Louvre surmontée du buste de Louis XVIII.Musée Carnavalet (Paris), numéro d’inventaire ND4221, Andrieu, Bertrand ou Jean-Bertrand (graveur en médailles – médailleur) & Desboeufs, Antoine (graveur en médailles – médailleur), médaille créée en 1817 pour la restauration du musée du Louvre, notice descriptive consultable en ligne.
Après la Révolution, le soutien du représentant du diocèse de Reims est acquis au roi Louis XVIII. Ce prélat, donnant le sacrement de confirmation en 1816, profite de cette grande réunion pour apporter son soutien au gouvernement en place.
Pour persuader les fidèles des diverses paroisses de suivre ses recommandations, il retient l’assemblée pendant plus d’une heure pour la persuader de s’attacher aux Bourbons et au meilleur des rois[1].
On retrouvera ce soutien appuyé sous le Second Empire. Mais d’autres voix s’élèvent pour s’opposer à cette direction des consciences. Il n’en reste pas moins vrai que dans les villages, surtout durant les périodes de guerre, les paroissiennes et les paroissiens trouvent auprès du curé du village aide et réconfort spirituel…
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant la grille de l'église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Monseigneur Antonio Barberini, 91e archevêque de Reims, de 1657 à 1671.
Parmi ceux qui ont exercé leur ministère dans cette paroisse, on peut citer vers 1663 F. Prony[1].
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Remi[1] Bayen, prémontré de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine, est probablement curé de La Romagne entre 1663/1664 et 1665, après avoir été à La Hardoye (Ardennes) puis à Rocquigny (Ardennes).
Pierre Le Heutre, né vers 1636 dans le diocèse, est ordonné en 1660 à presque 25 ans. Il est le curé du village pendant dix-sept ans de 1665 à 1682. Quoique son nom n’apparaisse pas, c’est sûrement lui qui est affecté à ce lieu[1] en 1665, alors que la paroisse de Montmeillant (Ardennes) était « abandonnée » et son église « en très mauvais état ».
[1]Archives départementales de la Marne, centre de Reims, 2G 252, page 213 [série G = clergé séculier, sous-série 2G = fonds de l’archevêché de Reims, cotes 2G 250-252 = administration spirituelle du diocèse, état des paroisses, visites des églises (1348-1789)].
Monseigneur Charles-Maurice Le Tellier, 92e archevêque de Reims, de 1671 à 1710.
Nicolas Jouvant, né à Reims (Marne) vers 1656, est ordonné en 1682. Il est nommé ensuite pour quelques mois à La Romagne et, fait curieux, avant son ordination. Cependant, ce cas n’est pas exceptionnel en Champagne, puisque monseigneur Le Tellier attribue souvent des « titres de paroisse » avant que le titulaire ait « reçu la prêtrise[1] ».
Ces nominations sont « maintenues comme exactes ». Cet ecclésiastique est affecté peu de temps après son ordination à la cure de Saint-Jean-aux- Bois (Ardennes) puis à Chémery (Ardennes). Il est nommé doyen rural jusqu’en 1719 et décède en 1734. Il est alors curé d’Aÿ[2] (Marne).
[1]Archives départementales des Ardennes, 1J 128-1 [série J = archives d’origine privée (entrées par voie d’achat, don, legs ou dépôt), sous-série 1J = documents entrés par voies extraordinaires : dons, achats, legs, dépôts effectués de 1945 à 1975, articles 1J 128 = papiers de l’abbé Emile Bouchez, le clergé des Ardennes en 1789 et sous la Révolution (don de monseigneur Leflon, janvier 1961, entrée 421), pièce 1J 128-1 = répertoire alphabétique des curés et vicaires de l’ancien diocèse de Reims d’après les archives diocésaines, 1663-1791, registre de 173 pages].
Nicolas Lambinet, originaire de Brieulles-sur-Meuse (Meuse), où il est né vers 1643, est le curé du village de septembre 1682 au 27 juin 1686, avant de rejoindre la cure de Lametz (Ardennes) jusqu’au 1er janvier 1713.
Adrien Desjardins remplit un court intermède d’une dizaine de mois. Ce prêtre, venu de l’abbaye de Chaumont-la-Piscine (Ardennes) où il est sous-prieur[1], rejoint Rubigny (Ardennes) en février 1687 où il décède le 13 août 1697 [2].
Les lettres patentes du roi en forme d’édit du mardi 29 avril 1664 ordonnent que les bulles des papes Innocent X et Alexandre VII seront publiées dans tout le royaume.
Nicolas Norbert Dehaulme, né vers 1653, occupe la cure pendant quinze ans, du 31 mars 1688 jusqu’en octobre 1703, et se dévoue à sa paroisse. C’est à l’origine un religieux du couvent de Chaumont-la-Piscine (Ardennes). Lorsque son ministère romanais prend fin, il y retourne, comme cela se passe assez souvent pour les moines réguliers.
Le testament d’Hubert Terlot est signé par le curé de La Romagne, Louis Pottin, qui assiste ses paroissiens sur le plan matériel et spirituel. Archives départementales des Ardennes, G 238 [série G = clergé régulier avant 1790, articles G 92 à 272 = églises paroissiales et leurs fabriques], cote concernant les églises de Rocquigny, La Romagne, Romance (Saint-Pierre), les constitutions de rentes, dons et legs, les déclarations de biens 1611-1788.
Louis Pottin passe trente-six ans à La Romagne, de sa nomination vers 1705 jusqu’à sa mort à l’âge de soixante et onze ans environ, le 22 octobre 1740. Tout au long de son sacerdoce, il s’implique dans les diverses tâches auprès de ses paroissiens, tant spirituelles que matérielles.
Ses obsèques sont célébrées par le prieur-curé de Givron (Ardennes) en présence de R. Chanveaux, curé-doyen de Rethel (Ardennes), de Jean-Baptiste Le Roy (maître d’école), Antoine Leblanc et François Merlin.
Jean Maquet lui succède pour un temps très court : neuf mois, du 7 novembre 1740 au 14 août 1741.
François-Jean Bataille, de l’ordre des prémontrés, devient le nouveau titulaire de la cure, du 14 août 1741 jusqu’à sa mort vers août 1747 (les registres paroissiaux entre 1742 et 1753 ont disparu). Il jure avoir « signé les formulaires de foi du pape Alexandre VII qui condamnent le jansénisme ».
Palazzo Barberini (Rome, Italie), numéro d’inventaire 5048, Bernin, Le (1598-1680), Portrait du pape Urbain VIII [Maffeo Barberini], peinture à l’huile, 1e moitié du XVIIe siècle, vers 1631-1632, huile sur toile, notice descriptive consultable en ligne.
Depuis le 6 mars 1642, le pape Urbain VIII a porté une condamnation contre les théories de Jansenius[1] contenues dans son livre intitulé Augustinus.
Portrait du pape Innocent X par Diego Vélasquez.
Cette critique théologique est confirmée par une bulle du pape Innocent X le 31 mai 1653, puis par celle d’Alexandre VII le 16 octobre 1656.
Walters art museum (Baltimore, Maryland), numéro d’inventaire 37.598, Gaulli, Giovanni Battista (1639-1709) [atelier], Portrait du pape Alexandre VII [Fabio Chigi], peinture à l’huile, 1e moitié du XVIIe siècle, vers 1667, peinture à l’huile sur canevas, notice descriptive consultable en ligne.
En 1661, les évêques de France décident de rédiger un formulaire portant réprobation des doctrines condamnées, et de l’imposer à tous les ecclésiastiques de leurs diocèses. Ces derniers sont contraints de le signer sur-le-champ.
En 1665, le pape Alexandre VII propose de ne pas admettre un élu quelconque à la jouissance d’un bénéfice, sans qu’il lui fût enjoint de souscrire à ce document condamnant expressément l’erreur janséniste. Cette ferme invitation soulève une opposition formidable en Champagne.
Au XVIIIe siècle, monseigneur François I de Mailly, successeur de monseigneur Le Tellier, se montre, lui, très empressé de faire signer ce document par les différents prêtres de son diocèse.
Monseigneur François I de Mailly, 93e archevêque de Reims, de 1710 à 1721.
Monseigneur Armand Jules de Rohan-Guémené, 94e archevêque de Reims, de 1722 à 1762.
Philippe Hennezel, prémontré, occupe la cure du 4 septembre 1747 jusqu’à sa mort vers février 1760, à l’âge de cinquante-six ans. C’est un chanoine régulier de l’ordre des prémontrés. Pour ses obsèques, le service religieux est célébré par le curé de Givron (Ardennes), en présence de J.-B. Davaux et du prieur Godart de la Piscine. Il est inhumé au milieu du chœur de l’église.
Monseigneur Charles Antoine de La Roche-Aymon, 95e archevêque de Reims, de 1763 à 1777.
Simon Godart, prémontré, après avoir été curé de Givron (Ardennes), reste à La Romagne de février 1760 à 1769, moment où il démissionne. Cette situation ouvre aux « patrons de la cure » la possibilité de désigner un candidat, dont les supérieurs diocésains agréent ou rejettent la candidature après l’avoir examinée.
D’après le registre consulté, il est le seul à avoir démissionné dans ce village, alors que sur la même période de cent trente ans, quatre curés l’ont fait à Rocquigny (Ardennes), et que trois autres ont « résigné », c’est-à-dire qu’ils ont laissé leur paroisse en faveur, généralement, d’un membre de leur famille. Quelles peuvent-être les raisons de ces différences ? A la suite de ce départ, c’est F. Pierron, curé de Montmeillant (Ardennes), qui pourvoit aux besoins de la paroisse.
Joseph Bourdon[1], religieux prémontré né le 6 mai 1728 à Moncourt[2], prend en charge la cure à partir du 12 janvier 1770, après avoir relevé des diocèses de Rouen (Seine-Maritime) et de Laon (Aisne) et être arrivé dans le diocèse de Reims en 1763.
Certains prêtres comme ce curé reçoivent l’extension des pouvoirs, et les « cas réservés », c’est-à-dire tout ce qui regarde la magie, les superstitions et les maléfices[3].
Serment de Joseph Bourdon à la Constitution civile du clergé.
Il est toujours présent dans sa paroisse lors des premières années révolutionnaires. Il prête serment à la Constitution civile du clergé le 28 janvier 1791[1], contrairement à certains de ses confrères. Il est redemandé après la Révolution.
Attestation du serment prêté par le curé Joseph Bourdon.
Il est l’un de ceux pour qui quelques détails physiques sont notés en l’an VI par les autorités du canton de Rocquigny (Ardennes). Il mesure cinq pieds et cinq pouces, soit un peu plus d’un mètre soixante-cinq. Il a le visage et le menton ronds, une grande bouche, des « yeux roux[2] », des sourcils gris. Ses cheveux sont blancs.
[1]Archives départementales des Ardennes, L 1336 [série L = administrations et tribunaux de l’époque révolutionnaire (1790-an VIII), articles L 1276-1357 = hôpitaux, prisons, affaires cantonales et municipales, cotes L 1336-1337 = canton de Rocquigny, délibérations, an IV-1819], délibération du canton de Rocquigny lors de sa séance du 26 avril 1792.
[2] Cette désignation ancienne d’une pigmentation de l’iris n’évoque plus pour nous une couleur précise.
Monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, 96e archevêque de Reims, de 1777 à 1816.
Dans l’enquête menée le 20 novembre 1807, nous apprenons qu’il a alors soixante-dix-neuf ans et qu’il souffre de nombreuses infirmités qui l’empêchent de dire la messe. En outre, il ne peut se servir de sa main droite[1]. Il décède dans sa paroisse, un an plus tard, le 3 juillet 1808[2], après l’avoir servie pendant plus de trente-huit ans.
Monseigneur Jean Charles de Coucy, 97e archevêque de Reims, de 1817 à 1824.
Pendant quelques années, La Romagne est une annexe de Montmeillant (Ardennes), avant de redevenir une cure à part entière. De ce fait, elle est desservie par le prêtre de cette commune.
Monseigneur Jean-Baptiste de Latil, 98e archevêque de Reims, de 1824 à 1839.
Jean-Baptiste Mozin naît à Montcy-Saint-Pierre (Ardennes). De sa nomination (quand la Romagne est redevenue pleinement une paroisse) jusqu’à sa mort le 4 janvier 1842 à l’âge de trente-six ans, il demeure dans le village.
Dans une enquête destinée à l’archevêché, on apprend qu’il y vit en compagnie de sa mère et de sa sœur, et qu’il héberge chez lui quelques écoliers. Il bine[1]. Ce qui s’avère plus important, c’est l’opinion qu’il exprime sur ses paroissiens.
Pour lui, quelques-uns sont superstitieux, mais ne sont pas scandaleux. Cent trente font leur devoir pascal. Néanmoins, il reproche à certains d’être trop lents pour faire baptiser leurs enfants. Mais personne ne néglige de les envoyer au catéchisme.
[1] En droit canonique, biner = célébrer deux messes le même jour, généralement dans deux églises différentes.
La Romagne – L’Eglise, carte postale ancienne éditée par Briard, virage sépia.
Simon Noiville, né le 10 février 1816 à Longwé (Ardennes), reçoit une nomination à La Romagne à partir du 20 juin 1842. Il veille à améliorer son église : pour communiquer avec ses paroissiens à partir des années 1870, il a recours à un petit journal, Le Réveil de Signy-l’Abbaye, qui lui sert de bulletin paroissial.
Monseigneur Thomas II Gousset, 99e archevêque de Reims, de 1840 à 1866.
Monseigneur Jean-François Landriot, 100e archevêque de Reims, de 1867 à 1874.
Dès 1883, une plainte est formulée contre lui auprès du préfet[1], car il manque souvent à ses obligations. Le représentant du gouvernement fait remarquer dans sa réponse qu’il est paralysé et qu’il a soixante-huit ans. Il ajoute qu’on ne peut pas insister pour le faire remplacer, car le presbytère est sa propriété et non celle de la commune.
A partir du mois de mars 1884, c’est le vicaire administrateur Renaudin qui signe les actes pour La Romagne. D’autre part, certaines lacunes apparaissent à la lecture des documents religieux de l’église Saint-Jean (la transcription de la sépulture de Céline Millet ou le baptême d’un enfant de la famille Gosset ne sont ainsi pas pris en compte).
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6655, vue 241/503, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6655 = Reims (diocèse) : J à W].
Le 3 mars 1885, l’abbé Noiville qui, depuis trois ans environ, était frappé par une maladie paralysant son activité intellectuelle et physique, décède[1]. Il était curé de La Romagne et prêtre depuis quarante-trois ans.
Il est inhumé, le 5 du même mois, dans le cimetière du village, en présence de nombreux prêtres des alentours[2] (Le Fréty, Novion, Saint-Jean-aux-Bois, Estrebay, Rubigny, Montmeillant, etc.) mais aussi de ses paroissiens qui rendent un dernier hommage à celui qui avait été leur « guide sûr », leur « ami vrai » et qui avait partagé leurs joies et leurs tristesses pendant cette longue série d’années si mouvementées.
[2] Tous les villages cités sont dans l’actuel département des Ardennes.
Georges Victor Grégoirenaît le 21 septembre 1857 à Floing (Ardennes). En 1881, il est vicaire à Nouzon (Ardennes), puis il est nommé à Daigny (Ardennes), le 31 octobre 1884. Il y reste peu de temps. Après deux avis dont on ne connait pas la teneur (10 et 28 août 1885), la paroisse lui est confiée, ainsi que celle de Draize (Ardennes). Il y reste jusqu’au 21 mars 1901.
Pour lui, l’état d’esprit des habitants est fort bon : toutes les femmes, les enfants et vingt à trente hommes assistent à la messe du dimanche. Il y a beaucoup de monde à la communion pascale et même aux célébrations en dehors de Pâques. Cet avis ne semble pas concorder avec d’autres échos.
Au cours de ces années, quelques incidents relatés dans Le Petit Ardennais révèlent quelques tensions entre le prêtre et ses paroissiens. Le premier a lieu lors de l’inhumation d’un jeune soldat qui accomplissait son service militaire[1]. Ses camarades de régiment avaient offert une couronne, mais celle-ci n’étant pas du goût du curé, elle aurait été jetée par ce dernier.
Peu de temps auparavant, il s’était déjà signalé en retirant à l’instituteur[2], qui était déjà assez vieux et qui ne pouvait plus chanter à l’église, le droit de sonner les cloches[3].
[1] Il s’agit de Jean-Baptiste Emile Mauroy, fils de Jean-Baptiste Mauroy et de Marie Léonie Lelong, décédé le 8 mars 1895 à Vouziers (Ardennes), où il était en garnison comme cavalier au 5e régiment de cuirassiers.
[2] Ce dernier serait Hippolyte Guérard et aurait été âgé de cinquante-six ans au moment des faits.
[3]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 35, « La Romagne. – Un peu plus de tolérance » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, dix-huitième année, n° 5763, vendredi 5 février 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Monseigneur Benoît Langénieux, 101e archevêque de Reims, de 1874 à 1905.
Il ne s’arrête pas là, puisqu’il s’insurge ensuite contre un mariage qui, pour des raisons familiales, sera finalement célébré à Montmeillant (Ardennes), au lieu de l’être à Draize (Ardennes), qui était sous sa tutelle.
L’auteur de l’article du Petit Ardennais, afin d’insister sur la vénalité de l’ecclésiastique, le soupçonne de mener grand bruit car son casuel s’en trouverait diminué. Il se moque que le curé ait porté cette affaire jusque devant monseigneur Langénieux, son archevêque, ne manquant pas au passage d’insister sur le fait que le mariage religieux n’est qu’une « inutile superfétation[1] ».
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 35, « Montmeillant. – A propos d’un mariage » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, dix-huitième année, n° 5776, jeudi 18 février 1897, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
Bien qu’il n’y ait pas eu de suite, le maire s’adresse au préfet le 22 mai 1895 pour demander le déplacement de ce prêtre « qui trouble le pays par sa propagande antirépublicaine [1]».
Cette demande n’aura pas de suite immédiate, mais cela n’empêche pas le préfet de dire en 1904 que cet ecclésiastique est hostile aux institutions. Après La Romagne, il rejoint Sévigny-Waleppe (Ardennes), où il décède le 28 mars 1904.
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6654, vue 425/485, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6654 = Reims (diocèse) : A à I].
Edmond François Bastin, « homme énergique qui a le sens des responsabilités et est animé d’une foi profonde[1] », naît en 1873 à Authe (Ardennes) dans une famille très religieuse qui compte plusieurs prêtres et religieuses.
Il a été formé au petit, puis au grand séminaire de Reims (Marne). Tout d’abord vicaire à Rocroi (Ardennes), il est nommé à La Romagne de janvier 1901 jusqu’en décembre 1912, pour être ensuite muté à la paroisse de Challerange (Ardennes).
Monseigneur Louis-Joseph Luçon, 102e archevêque de Reims, de 1906 à 1930.
Comme ses paroissiens, il part en 1914 pour l’armée, où il est infirmier. Lorsqu’il est démobilisé, il retrouve un village dévasté, dans lequel il reprend son ministère. Lui aussi n’échappe pas aux sarcasmes du correspondant du Petit Ardennais : des pèlerins ayant rapporté à leurs connaissances un flacon d’eau de Lourdes (Hautes-Pyrénées) dite « miraculeuse », ils furent épinglés à travers la création d’un vocabulaire digne de celui de Molière pour dénoncer leur crédulité.
Une analyse pseudo-chimique à caractère satirique de ce liquide en dévoile la « teneur » : six cent vingt-cinq grammes d’eau pure et 0,011 milligramme de sulfate de magnésie. Quant aux autres composants, ils se trouverait en quantité variable de l’acide bétifique, de la crédulose, de la niaisine, du carottate d’argent et de l’attrapure d’or, de l’hypocritine, du cervellate de plomb et du gobe-mouchine[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 58, « La Romagne. – L’eau de Lourdes » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-neuvième année, n° 9856, mercredi 30 septembre 1908, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/4, consultable en ligne].
L’enquête préliminaire diligentée par l’archevêché auprès des curés des diverses paroisses quelques semaines avant la promulgation de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat est le moyen de connaître la mentalité des paroissiens lors de ce changement, bien que ceux-ci « ne semblent pas croire à la mise à exécution de la loi ».
Pour l’abbé Bastin[1], « Les hommes sont peu portés vers la religion, d’autant qu’il ne s’en trouve que sept qui veulent bien du prêtre au mariage et à la mort. », mais ces derniers « ne viennent pas à la messe chaque dimanche ». « Les femmes sont plus de bonne volonté et résolues. », selon lui.
La situation est donc assez confuse. Néanmoins, le curé pense que ses paroissiens réagiront et « pilleront leur porte-monnaie » pour assurer au moins la première année avec 200 à 300 francs de revenu[1]. Cette somme couvrira le lieu de culte, son logement et sa subsistance, quand les fidèles verront « la publication et la réalité de la loi ».
Dans cette même enquête, ce prêtre, qui célèbre les messes aussi à la paroisse de Draize (Ardennes), se montre beaucoup plus pessimiste pour sa situation dans ce village, reprochant à ses paroissiens leur égoïsme et les accusant de « ne vivre que pour eux et pour la terre ».
[1] Mais il émet des doutes pour les années suivantes.
Après la promulgation de la loi de séparation, c’est ce prêtre[1] qui va donc connaître le changement de statut à partir de 1906. C’est une nouvelle occasion pour l’un des journalistes du Petit Ardennais de tourner en dérision cet ecclésiastique, sous le titre ironique « La séparation continue », lors d’une chute à bicyclette, tandis qu’il descendait à « une vitesse vertigineuse » la côte qui va de Montmeillant (Ardennes) à La Romagne, le laissant ensanglanté sur un tas de pierres que la main de la Providence « avait mis là, fort à propos, pour le recevoir[2] ».
[1]Archives nationales, document numérique, F19 6654, vue 43/485, consultable en ligne [série F = versements des ministères et administrations qui en dépendent, sous-série F19 = cultes, articles F19 6544-6697 = fichiers des ecclésiastiques rémunérés par l’Etat sous la IIIe République, 1881-1905, pièces F19 6554-6655 = Reims (diocèse), documents F19 6654 = Reims (diocèse) : A à I].
[2]Archives départementales des Ardennes, DEP/ARDENNAIS 53, « Montmeillant – La Romagne. – La séparation continue » [chronique locale et régionale], in Le Petit Ardennais : journal politique [« puis » journal républicain] quotidien. Charleville : [s.n.], 1880-1944, vingt-septième année, n° 8976, dimanche 8 avril 1906, p. 2 [presse locale ancienne, vue 2/6, consultable en ligne].
Les images mortuaires, distribuées à la famille et aux proches, comportent un contour noir plus ou moins épais et, parfois, une photographie du défunt. C’est le cas pour l’abbé Henri-Emile Régnier, curé de La Romagne (Ardennes). Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Henri-Emile Régnier, né à Clavy-Warby (Ardennes) le 6 janvier 1863, entre au séminaire en 1880, et est ordonné prêtre en 1887. Il rejoint successivement les cures de Faverolles[1] (Marne) et de Beaumont-sur-Vesle (Marne), puis de Landrichamps (Ardennes), avant d’être nommé à la paroisse de La Romagne en 1912.
Il décède le 8 octobre 1923 à la maison de retraite au Dorat (Haute-Vienne). Il est inhumé dans le cimetière paroissial et, chaque année, une messe anniversaire était censée devoir être célébrée pour le repos de son âme.
Jules Pleugersnaît le 8 juillet 1895 à Huppays (Belgique). Sa famille s’installe à Chooz (Ardennes), où il passe son enfance. Il étudie au petit séminaire de Vouziers (Ardennes) puis entre au grand séminaire de Reims (Marne). La guerre de 1914 l’empêche de continuer ses études dans ce lieu. Mais il les poursuit à Namur[1], où il est ordonné le 15 août 1919. Il est d’abord nommé vicaire à Rocroi (Ardennes), puis à l’église de Saint-Nicolas de Rethel (Ardennes).
Monseigneur Emmanuel Suhard, 103e archevêque de Reims, de 1930 à 1940.
La Romagne est sa première cure en 1923. Il a en charge, en plus du village, les paroisses de Draize (Ardennes) et de Montmeillant (Ardennes). Il est naturalisé[1] Français le 4 avril 1927. C’est lui qui célèbre la messe à Chaumont-Porcien (Ardennes) pour la fête de Saint-Berthault[2] (le 16 juin 1932) devant une assemblée très nombreuse et en présence de nombreux prêtres venus de Fismes (Marne) et de quelques villages des Ardennes (Mainbressy, Fraillicourt, Chappes, Sery, etc.).
Monseigneur Louis-Augustin Marmottin, 104e archevêque de Reims, de 1940 à 1960.
Il quitte sa paroisse en 1945, après avoir soutenu ses paroissiens durant la Seconde Guerre mondiale pour rejoindre Bourg-Fidèle (Ardennes) et Sévigny-la-Forêt (Ardennes). Il quitte son sacerdoce en 1969 après la célébration de ses noces d’or sacerdotales, car il est frappé d’une grave maladie. Il décède le 8 janvier 1975 à Charleville (Ardennes)[1].
Le curé de La Romagne (Ardennes) propose aux habitants du village un théâtre populaire familial. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Antoine Godart, né à Linchamps (Ardennes) le 23 octobre 1919, ordonné prêtre le 29 juin 1943, est nommé à La Romagne en 1946. Il y reste jusqu’aux années soixante. Son action spirituelle et humaine est importante. C’est sous son ministère qu’a lieu la cérémonie de réouverture de l’église.
Programme de deux pièces de théâtre jouées à La Romagne (Ardennes) grâce à l’action du curé Antoine Godart. Rosalie fait du marché noir est une comédie en un acte écrite par Jean des Marchenelles en 1945. Théodore cherche des allumettes est une saynète en un acte de Georges Courteline, représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Grand-guignol le 10 octobre 1897. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
La vipère est une pièce en un acte de Jules Mauris, représentée pour la première fois à Paris au Théâtre du Grand-guignol en novembre 1920. La Farce des bons saints de glace est une pièce en un acte écrite par Henri Brochet en 1942. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Dès 1948, Il fait la demande à la commune d’un terrain, sur lequel on pourrait construire une salle des fêtes et de réunions pour les jeunes gens de la localité. Dans sa séance du 17 février 1948, le conseil municipal accepte cette requête, à condition que l’autorité supérieure[1] donne elle aussi son accord. Le terrain communal proposé est situé près du gué Marquigny. Ce projet ne semble pas avoir abouti.
On lui doit la construction d’un oratoire dédié à Notre-Dame de Lourdes (Hautes-Pyrénées), érigé en 1949 aux confins des paroisses ardennaises dont il a la charge : La Romagne, Draize, Givron et Montmeillant.
Accueil de monseigneur François Marty au congrès eucharistique de la Romagne (Ardennes), lors de la Pentecôte, le dimanche 5 juin 1960. Au premier rang se distingue André Barré en tenue de pompier.
Antoine Godart est aussi l’instigateur des journées du congrès eucharistique régional de la Pentecôte le dimanche 5 juin 1960.
Monseigneur Georges Béjot (1896-1987), évêque auxiliaire de Reims (1955-1971), en grand apparat, au congrès eucharistique de la Romagne (Ardennes), lors de la Pentecôte, le dimanche 5 juin 1960. Le concile Vatican II, ouvert le jeudi 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII et clos le mercredi 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI, simplifie singulièrement la paramentique (vêtements, coiffes, tentures, ornements utilisés dans les liturgies chrétiennes). Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
La Jeanne d’Arc, conduite par l’abbé Antoine Godart, défile à La Romagne (Ardennes) lors de la fête nationale du lundi 14 juillet 1952. Collection privée, avec l’aimable autorisation de monsieur Pierre Malherbe †.
Il s’implique beaucoup dans la vie du village, tout d’abord en organisant des rencontres de la JOC[1]. Il anime dans le cadre de l’action catholique la fanfare Jeanne d’Arc, regroupant des jeunes gens des différentes paroisses qu’il supervise. Cette clique[2] fort importante par son effectif masculin décline avec le départ de certains de ses membres, rappelés pour combattre en Algérie. Elle disparaît après le départ de la paroisse de l’abbé.
Mon gosse (Totò e Marcellino) est un film italien en noir et blanc réalisé par Antonio Musu. Il est sorti en Italie le mardi 22 avril 1958 et en France le mercredi 27 juillet 1960. L’affiche de cinéma apposée sur un mur de La Romagne daterait de cette époque. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Reine Druart †.
Il propose aussi des séances de cinéma aux enfants après le catéchisme, ou aux adultes en fin de semaine. Il monte en 1947 les Bons Loisirs[1], une troupe de théâtre où se retrouve une grande partie des jeunes du village, et qui donne parfois une représentation.
[1]Archives départementales des Ardennes, 1430 W 25 [série W = archives publiques entrées par voie ordinaire (hors état civil, officiers publics et ministériels). Nota bene : les fonds contemporains reçoivent, au moment de leur versement, un numéro d’ordre suivi de la lettre W].
Lorsqu’il quitte La Romagne, il est nommé à Ville-Dommange (Marne). Il se retire de sa mission curiale le 1er septembre 1995. Il décède le 11 mars 2002 à Reims (Marne).
L’abbé Pierre Médéric Buché †, curé du village, en soutane, surplis et barrette. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Pierre Médéric Buché, originaire de Reims (Marne), où il naît le 29 août 1922, est ordonné prêtre le 22 mars 1947. Il devient le nouveau curé de La Romagne tout en l’étant également à Maranwez (Ardennes) du 6 août 1960 jusqu’au 5 août 1967, date à laquelle il rejoint le district de Verzenay (Marne). Après sa retraite, il vit au presbytère de ce village et décède le 10 juin 2010 à Reims (Marne).
Cérémonie religieuse à La Romagne (Ardennes) célébrée par l’abbé Pierre Médéric Buché et des ecclésiastiques des environs. Photographie ancienne en noir et blanc.
Manuscrit d’un poème chrétien rédigé pour La Romagne (Ardennes) par le curé de sa paroisse, Henri Gaston Leromain. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Brigitte Alliot.
Henri Gaston Leromain[1], né le 28 octobre 1929, est originaire de Cheveuges (Ardennes). Il se forme au chant grégorien à l’Institut catholique. Il porte la responsabilité de la paroisse du 5 août 1967 jusqu’en 1973. Il est ensuite nommé sur le secteur pastoral de l’Argonne[2] puis en 1977 à Saint-Remi de Charleville (Ardennes). Il est prêtre auxiliaire au service du district de cette ville le 1er septembre 1996. Il décède le 29 mars 1998 à Reims (Marne).
Paul Dubois-Matra, né le 28 juin 1933 à Reims (Marne), lui succède. Jusqu’à sa nomination à La Romagne, il s’occupe du secteur pastoral du Vallage[1], et appartient à l’équipe pastorale de Vouziers (Ardennes).
Lors de la séance du conseil municipal le 12 juin 1984, la commune se propose de participer à la cérémonie organisée à Chaumont-Porcien (Ardennes) le 1er juillet 1984 pour fêter son jubilé. Il reste jusqu’au 9 octobre 1988.
C’est à ce moment que la municipalité est informée par l’archevêché qu’il n’y aura plus de desservant à demeure à La Romagne.
Par la suite, il devient responsable du secteur Thiérache Nord à Signy-le-Petit (Ardennes). Il rejoint la cure d’Asfeld (Ardennes) le 1er septembre 1997, et décède dans ce bourg le 16 septembre 2000.
L’abbé Pierre Médéric Buché, entouré d’enfants de chœur du village et des paroisses environnantes. Photographie ancienne en couleurs d’après une diapositive, collection privée de l’abbé Pierre Médéric Buché † [fonds déposé à la mairie de La Romagne (Ardennes)], avec l’aimable autorisation de monsieur René Malherbe, maire de la commune.
Le sacerdoce de ces prêtres, et la foi qui anime leurs familles, font probablement naître des aspirations religieuses parmi les Romanais. Plusieurs sont ainsi entrés dans les ordres.
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Pierre Thomas Antoine de Boucher, né le 7 mars 1734 à La Romagne, fils de messire Paul de Boucher, seigneur d’Avançon (Ardennes) et de Marie-Thérèse Devie, devient curé de Poix (Marne), avant de permuter pour la cure d’Avançon (Ardennes).
Monseigneur François Marty et enfants de chœur devant la grille de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Jean-Louis Bienfait, fils de François Bienfait et de Marie Catherine Trippier, né le 29 novembre 1796 à La Romagne, devient prêtre à Sauville (Ardennes) et s’éteint dans cette commune le 28 septembre1859.
Messe et cérémonie publique sur la place de La Romagne (Ardennes).
Victor Devie, fils d’Alexandre Auguste Devie et de Marie-Charlotte Fréal, né le 27 février 1805 à La Romagne, est également prêtre. Il pratique à Pomacle (Marne), Bazancourt (Marne), Blanchefosse[1] (à partir de 1865) et décède le 7 novembre 1886 à Reims (Marne).
[1] Blanchefosse a depuis fusionné avec la commune de Bay pour former la commune de Blanchefosse-et-Bay (Ardennes).
Jean-Baptiste Apollinaire Lantenoy[1], fils de Jean-Pierre Lantenoy et de Jeanne Marie Hamel, né le 8 janvier 1818 à La Romagne. Ordonné prêtre, il officie à Revin (Ardennes) comme vicaire, puis Vaux-lès-Mouzon (Ardennes), Joigny[2] à partir du 22 octobre 1849, Banogne[3] et Saint-Fergeux (Ardennes), où il est nommé le 12 octobre 1862, et où il décède le 21 novembre 1873.
Par ce testament, Marie-Eugénie Devie fait don de sa maison pour la création d’une école à La Romagne (Ardennes).
Marie-Eugénie Devie, sœur de Marie-Esther Devie, née le 3 septembre 1833, décède le 10 septembre 1864, alors qu’est religieuse de la communauté de L’Enfant Jésus. Elle lègue ses biens pour la création de l’école des filles de La Romagne.
Sœur Hélène en cornette. Collection privée, avec l’aimable autorisation de madame Denise Flament-Legros, transmise par madame Marie-Paule Vergneaux.
Marie-Jeanne Eudoxie Devie, fille d’Alexandre Auguste Devie et de Jeanne Catherine Patoureaux, née le 14 décembre 1836 à La Romagne, entre en religion sous le nom de sœur Hélène. Elle est hospitalière à l’hôpital Lariboisière puis à Saint-Louis, avant de décéder à Paris en 1905.
Marie-Esther Devie, fille de Jean Baptiste Devie et de Marguerite-Virginie Devie, née le 5 mai 1838 à La Romagne, décède à Reims le 30 juillet 1861, alors qu’elle est novice au monastère de la congrégation des sœurs de la Divine Providence.
Monseigneur François Marty, 105e archevêque de Reims, de 1960 à 1968. La mutation culturelle et sociale qui touche la société cette année-là affecte aussi l’Église.
Malgré ces vocations romanaises, La Romagne n’a plus de curé attitré. La paroisse se voit partagée avec d’autres : elle est confiée à l’abbé Jean-Marie Brédy, curé de Rocquigny (Ardennes), qui assure aussi sa mission sacerdotale à Fraillicourt (Ardennes).
Il occupe cette charge jusqu’au 1er septembre 1998. Il est alors nommé aumônier du mouvement des retraités. Il décède le 1er décembre 2008 à Nouvion-sur-Meuse (Ardennes).
La fin du 20e siècle est marquée par une crise religieuse. Les curés ont désormais à s’occuper de plusieurs paroisses. Il ne peuvent le faire qu’en étant secondés par des clercs comme cela est courant pour les obsèques. Les ecclésiastiques doivent compter de plus en plus sur le laïcat…
L’église située au cœur du village est consacrée à saint Jean l’Evangéliste, alors que celle de Sery est dédiée à saint Jean le Baptiste. Sa fête est fixée par l’Eglise catholique au 27 décembre[1]. Il est un des douze apôtres du Christ et un des quatre annonciateurs de l’Évangile, avec Luc, Marc et Mathieu. Son symbole est l’aigle.
[1] Autour de cette période sont parfois célébrées la Saint-Jean d’hiver ou le solstice.
La construction de l’église est organisée dès 1227 par Simon Pied de Loup pour faciliter la vie des habitants de La Romagne, qui doivent alors aller jusqu’à Rocquigny pour assister aux offices. Elle est très certainement en bois, comme toutes celles qui sont construites à cette époque.
Au Moyen Âge, les églises paroissiales se trouvent sous l’autorité d’un évêque ou d’un abbé[1], en qualité de fondateurs. Les prémontrés de Chaumont-Porcien et les cisterciens de Signy-l’Abbaye règnent sur les villages circonvoisins.
La rivalité des uns et des autres se manifeste par le nombre de paroisses à gouverner. Cette attitude explique le nombre considérable de lieux de culte construits dans les villes et les bourgades aux XIIe et XIIIe siècles.
[1] Supérieur ecclésiastique exerçant sa juridiction sur une abbaye ou un monastère régulier.
L’actuelle église de La Romagne date probablement de la première moitié du XVIe siècle. Elle est fortifiée : la région est en butte aux guerres civiles et religieuses, de manière presque ininterrompue pendant quatre-vingt-dix-ans. La situation est telle que le village est incendié à plusieurs reprises.
Plan de masse cadastral de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes).
Elle est construite, non en forme de croix latine, mais selon un rectangle. Ce plan basilical hérité des Romains a été repris dans la tradition champenoise. En effet, de nombreuses églises rurales sont bâties ainsi en Champagne, province qui recouvrait entre autres les départements actuels de la Marne et des Ardennes.
La visite paroissiale de 1774 permet de dire que le bâtiment se compose d’un sanctuaire de vingt-sept pieds de large sur quinze de long, et d’une nef de vingt-sept pieds sur trente-huit.
Les quatre murs (d’au moins soixante-dix centimètres d’épaisseur) reposent sur un soubassement de pierres régulièrement taillées. Ils sont construits en moellons du pays, très durs et irrégulièrement disposés. Au contraire, d’autres églises assez voisines, telles celles de Fraillicourt ou de Rocquigny sont en brique (ce matériau est moins cher car de fabrication locale).
Les murs sont soutenus par d’épais contreforts, montrant parfois des reprises à chaque angle, comme ceux du pignon est. Chaque paroi présente de petits décrochements, dont l’un correspond aux fenêtres hautes. Certaines parties doivent être enduites car, en 1745, il est conseillé, pour l’extérieur, de « refaire un crépy[1] qui paraît nécessaire pour conserver les matériaux[2] ».
[1] En orthographe moderne, lire crépi, à savoir une couche de mortier, de plâtre ou de ciment non lissée.
A l’est, le pignon ou chevet se trouve percé dans le haut de quelques lucarnes d’observation (ou d’arquebusières). Les murs nord et sud laissent voir dans le bas des meurtrières. Il subsiste, sur le mur latéral gauche en partant du portail d’entrée, la trace d’une ancienne porte basse.
Elle pourrait avoir permis aux habitants de se réfugier dans cet édifice : le danger était fréquent en ces temps peu sûrs. Sa taille empêche les cavaliers ennemis de s’y introduire et de terroriser un peu plus la population.
Terwel, envoyé par le roi pour enquêter sur l’état du royaume après la guerre de Trente Ans et la Fronde, signale qu’en 1657 l’église est dans une condition désastreuse. En 1665, l’église est toujours « en très mauvais état tant pour les bâtiments que pour les ornements ». Elle ne retrouve un meilleur aspect que quelque trente ans après ce constat.
Le pignon ouest qui sert de façade devait probablement être, lui aussi, percé d’ouvertures de surveillance. Les nombreux travaux de réfection entrepris à diverses époques ont vraisemblablement abouti à leur disparition.
Pour les fenêtres les plus anciennes, il s’agit de simples ouvertures ménagées dans l’épaisseur de la maçonnerie. Jusqu’au XVIIIe siècle, elles sont sur chaque mur au nombre de trois et assez hautes, ce qui fait que l’église est non seulement peu lumineuse mais aussi humide. C’est pourquoi il est conseillé, lors de la visite de 1774, non seulement de les agrandir, mais aussi d’en percer une quatrième.
Durant la Révolution, il semblerait que les vitraux existants aient été brisés ou aient disparu : l’état des lieux fait pour la réouverture au culte souligne que « certaines fenêtres sont bouchées avec de la paille ». Les autorités ecclésiastiques du diocèse se plaignent de la situation piteuse dans lequel se trouvent les églises de l’arrondissement de Rethel.
En ce qui concerne La Romagne en 1807, l’édifice est considéré défavorablement « tant pour la couverture que pour les murs qui ont besoin d’être reconstruits car ils sont défectueux[1] ». Et pourtant, selon un arrêté du préfet du département des Ardennes le 3 août 1809, l’église est déclarée conforme : les critères d’appréciation seraient-ils différents entre les autorités religieuses et civiles ?
[1]Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 363/365 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886]
Les réparations les plus urgentes ont été réalisées à partir de 1824 par la fabrique. Les autres se font aux dépens de la commune[1], si bien que, vers 1830, l’église retrouve une nouvelle fois un aspect extérieur correct. Cependant, le portail et les quatre piliers ont besoin de réfection, tout comme la toiture, qui est à remettre à neuf.
Or, en 1852, le conseil municipal constate que le devis des réparations à faire à l’église (sans que leur nature ne soit précisée) s’élève à plus de 4500 francs. Il en ressort que la commune aura les plus grandes difficultés pour y faire face[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre du conseil municipal], délibération du 12 mai 1852.
Le conseil d’arrondissement de Rethel, après avoir reçu des subventions pour la réparation des églises, marque son intérêt pour la conservation du patrimoine. Il souhaite que les réparations ne soient pas l’occasion de mutilations, et que les architectes conservent le caractère reçu des siècles qui les a érigées.
En outre il faut « empêcher les dilapidations des boiseries, des sculptures, la disparition des dalles tumulaires[1] par un changement du parage [2]». Il semble inutile de préciser que ce vœu n’est pas toujours respecté.
[1] Les dalles funéraires, ou tumulaires, sont les plaques mises en place au-dessus des sépultures. Elles sont souvent décorées de motifs gravés en creux. Ce terme a été très utilisé au Moyen Âge pour désigner les pierres tombales.
L’abbé Grégoire, curé de La Romagne, décrivant l’édifice en 1890, tient le propos suivant : « L’église est sans intérêt particulier, elle a un porche en brique et fenêtre de même. ».
Une transformation tardive voit le jour avec le percement de baies (géminée sur le pignon est, simple au-dessus du portail ouest). Il n’est pas possible d’avancer une date précise pour ces travaux, en l’absence de documents primaires. Elle a eu lieu très certainement vers 1903 pour la première, si l’on se fie à la date du vitrail qui l’orne.
Le portail d’entrée est modifié à de nombreuses reprises. Jules Carlier le décrit en 1913 comme « très sobre et surmonté d’arcs formés par des tores[1] qui reposent sur des colonnettes disposées en ébrasement ».
Il conserve également des vestiges « de crochets et de clochetons » qui ont désormais disparu. En 1890, le curé Grégoire, dépeint un petit portail triangulaire. Avant cette date, l’abbé Noiville, dans son désir d’embellir son église, a veillé à la réfection de celui-ci et à son rehaussement. De nos jours, il est d’une grande simplicité, sobrement surmonté d’une croix au-dessus de la baie.
[1] Moulure saillante demi-cylindrique entourant la base d’une colonne ou d’un pilier. Boudin est son synonyme.
A partir de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, le bâtiment est officiellement la propriété de la commune. En réalité, il l’est depuis la Révolution, mais celle-ci est en plus chargée de son entretien.
Désormais, le ministre du culte (ou curé) a l’autorité de police à l’intérieur de l’édifice religieux, tandis que le maire l’a dans tous les autres lieux de la commune. Tous deux sont détenteurs des clés du bâtiment.
Avant cette période, la clé de l’église était déposée entre les mains du curé et, en principe, le maire n’avait le droit qu’à une clé du clocher (pour ce qui regardait la vie journalière des habitants). Si l’accès à ce dernier n’était pas indépendant de l’entrée de l’église, une clé de celle-ci devait être en théorie remise au maire[1]. Il arrivait qu’elle ne le fût pas, d’où, parfois, quelques petits incidents…
[1] Loi du 5 avril 1884 relatif à l’organisation municipale, article 101.
En 1907, les curés des différentes paroisses des Ardennes doivent se rendre auprès des maires des villes ou villages où ils exercent leur ministère, afin de demander la location des églises pour dix-huit ans (la plupart d’entre elles étant devenues depuis la Révolution des biens communaux).
Cette demande est assortie d’une condition que les maires ne peuvent refuser : ils doivent accepter, sans opposition possible, les différents locataires qu’il plait à l’évêque d’y nommer. Ainsi, cette clause permet, malgré la loi, d’avoir une reconnaissance de la hiérarchie ecclésiastique.
Quelques arrêts du Conseil d’Etat (en particulier celui du 11 juin 1913) permettent aux communes d’engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est attribuée. L’église de La Romagne relève donc désormais du conseil municipal. Ce dernier est autorisé à restaurer les objets mobiliers en usage qui sont déclarés « propriété communale » et qui figurent dans un inventaire.
L’église ne subit pas de dégâts extérieurs en 1914-1918 : elle n’est pas incendiée. Ce n’est pas le cas durant la Seconde Guerre mondiale. Le 15 mai 1940, une bombe tombe sur une partie de la sacristie et du mur sud, provoquant la mort de deux habitants et d’importants dégâts : la toiture et la charpente sont éventrées.
Une partie du toit menace de s’effondrer. Pour pallier des risques plus importants, deux Romanais (madame Devie-Richard et monsieur Achille Cotte) font chacun don d’un arbre de taille imposante, afin de consolider la charpente.
C’est le charpentier du village[1] qui est chargé de tailler à l’herminette ces poutres avant de les mettre en place. Dès 1942, quelques travaux de couverture sont entrepris. Ils ne représentent qu’un petit pourcentage de ce qui doit être fait lors du retour de la paix pour que l’église retrouve son rôle.
Outre la charpente et la toiture, il faut refaire des parties de maçonnerie. Dans l’état où se trouve l’église, il n’est plus possible de célébrer le culte. Celui-ci le sera pour un certain temps dans un bâtiment situé dans la cour de la famille Druart.
Le mardi 14 septembre 1948, une cérémonie solennelle est célébrée pour la réouverture au culte de cet édifice. Au cours de cette dernière, trois statues (celles de saint Jean l’Evangéliste, du Sacré- Cœur, de Marie Immaculée) et le chemin de croix sont bénits.
Une assemblée nombreuse venue des trois annexes (Draize, Givron et Montmeillant) se recueille durant la messe, au cours de laquelle on célèbre la confirmation de trente enfants. Cette cérémonie s’achève au monument aux morts par une prière et un chant[1].
La sacristie est un bâtiment qui dépend, tant pour sa construction que pour son entretien, de la fabrique. Jusqu’en 1710, on ne trouve aucune allusion à ce lieu. Trente-cinq ans plus tard, on apprend que celle qui existe est « trop étroite et malpropre ».
Un projet de reconstruction est établi, ainsi qu’un devis pour sa réalisation. Les deniers proviennent de la fabrique, qui vend des arbres lui appartenant, le long du cimetière. La visite de 1774 atteste qu’une sacristie se distingue de l’église.
Une nouvelle fois visitée en 1783, la sacristie apparaît comme suffisamment grande, mais elle n’est pas notée comme saine. Pour cela, il conviendrait qu’elle fût « planchée et boisée pour la rendre moins humide[1]. Par ce moyen, « les ornements qui sont décents ne se terniraient pas si vite[2] ». Elle renferme « le nécessaire pour le service divin et les linges sont bien tenus ».
Ces remarques montrent combien la situation s’est améliorée depuis que le curé Dehaulme a essayé de redonner , un siècle auparavant, un peu de lustre à son église.
En 1838, le mauvais état de la sacristie est une nouvelle fois signalé. En 1890, le curé Grégoire, qui répond au questionnaire concernant le pouillé[1] constitué par monseigneur Pierre-Louis Péchenard, porte le jugement suivant :
« La sacristie tombe en ruine, tout y est pauvre et en mauvais état, on parle d’une reconstruction prochaine et monsieur le curé s’occupe activement du mobilier ».
Réponse du curé Grégoire aux questions de monseigneur Pierre-Louis Péchenard.
[1] Relevé des biens et bénéfices d’une abbaye, d’un diocèse, d’une province.
La nouvelle est bâtie en brique. L’un des murs est percé d’une fenêtre assez large, qui laisse pénétrer la lumière. Elle est lourdement touchée lors du bombardement de mai 1940. Comme le reste de l’édifice, elle ne sera définitivement réparée qu’après la fin de la guerre.
A plusieurs reprises, il apparaît qu’il n’y a pas de clocher sur l’église. Comme l’indique l’enquête de 1774, « Il n’y a qu’une grosse cloche mauvaise ». En 1807, la cloche de l’église de La Romagne est estimée convenable[1], quoique d’une sonorité de piètre qualité. Le village, durant la Révolution, a dû échapper à la réquisition de celle-ci. Ou elle a pu être remplacée…
[1]Archives départementales de la Moselle, centre de Saint-Julien-lès-Metz, 29J 370 [série J = archives privées, sous-série 29J = évêché de Metz (1093-1999), articles 29J 130-773 = diocèse depuis 1802, articles 29J 340-396 = contrôle épiscopal, an XIII-1925, articles 29J 355-385 = visites canoniques, enquêtes sur l’état des paroisses, 1803-1886, articles 29J 355-377 = ancien diocèse de Metz, 1803-1886].
En 1832, l’église est dotée d’une nouvelle cloche, dont le diamètre est de quatre-vingt-sept décimètres. Elle est fabriquée par Antoine et Loiseau, des fondeurs de Robécourt dans les Vosges. On en retrouve de nombreuses consœurs dans l’arrondissement de Rethel, et en particulier dans le canton de Château-Porcien.
Elle est bénite lors de son baptême par le curé de la paroisse, l’abbé Morin, et reçoit le nom de Marie – Françoise – Prudence, en l’honneur de sa marraine Marie Françoise Merlin. Cette dernière est la femme du maire de l’époque, François Merlin. Ce dernier est le parrain de la cloche de l’église[1]. Elle est décorée d’un Christ en croix et de la Vierge Marie, avec une course de fleurs et de feuillage.
[1] Pouillé (registre ecclésiastique) 1874/1894 du diocèse de Reims établi par monseigneur Pierre Louis Péchenard.
En 1848, l’église est dotée d’un clocher de forme carrée. Il est totalement recouvert d’ardoise avec deux faces présentant des abat-son, dont le rôle est à la fois de ventiler les charpentes mais aussi de rabattre le son vers le sol. Il est également surmonté d’un lanternon à dôme polygonal.
Le poids de ce clocher est important et nécessite l’installation de quatre poutres intérieures, à l’instar de Saint-Nicaise à Montmeillant. Cette construction est due à l’action conjointe de la commune et de l’abbé Noiville.
Pour pouvoir réaliser une partie de ces travaux, il réunit une somme de quasiment 5 000 francs, offerte par de généreux donateurs pour mener à bien ce projet. Mais sa gestion « fantaisiste » des comptes le met dans une situation délicate vis-à-vis de la municipalité.
Il se soustrait aux demandes réitérées de celle-ci de produire les comptes. Il n’hésite pas à ne pas se présenter aux rendez-vous qui lui sont donnés. Voire, quand il finit par s’y rendre, à se sauver dès que des demandes d’explication lui sont faites[1].
[1]Archives départementales des Ardennes, EDEPOT/ROMAGNE[LA]/D 1 [série EDEPOT = archives communales déposées, sous-série ROMAGNE[LA]/D 1 = registre du conseil municipal de La Romagne], délibération du 30 avril 1884.
Cependant, dès 1850, des réparations sont menées pour ce clocher. Elles nécessitent l’intervention de deux artisans : Alloy Bosserelle et Alexandre Richard (maréchal-ferrant).
En 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat fixe la possibilité d’utiliser les cloches. Elles font certes partie de l’édifice cultuel, mais peuvent être tintées pour des sonneries civiles en cas de péril commun (alerte, catastrophe naturelle, incendie, mobilisation générale, telle celle qui a eu lieu lors de la Première Guerre mondiale). Elles sonnent alors le tocsin…
Ces cloches annoncent aussi la messe, les vêpres, les mariages et les baptêmes avec des sonneries joyeuses. Elles marquent les enterrements par la tristesse du glas[1]. A l’occasion de la Semaine Sainte qui précède le dimanche de Pâques, elles restent silencieuses du jeudi au samedi, et sont remplacées parfois par des crécelles. Elles sonnent en revanche à toute volée le dimanche de Pâques, pour annoncer la Résurrection.
[1] Tintement d’une cloche d’église pour annoncer l’agonie, la mort ou les obsèques de quelqu’un.
A son tour, cette cloche est remplacée après la Première Guerre mondiale par une autre, dont le décor de feuillage n’est pas sans rappeler le précédent, et qui porte le nom de Marquigny. On trouve la nécessité d’une nouvelle cloche dans les délibérations du conseil municipal pour l’année 1920. Or, les enquêtes lancées par l’archevêché juste après la fin de la guerre ne font aucunement allusion au mauvais état de la cloche. Il semble exister encore sur ce point-là une divergence d’avis…
Lors de la séance du conseil municipal du 26 décembre 1950, la commune se dote d’un sonneur communal. En 1989, la cloche est électrifiée, de manière à sonner l’angélus[1]. Cette décision fait regretter à des générations d’enfants le moment où, échappant momentanément à la surveillance de leurs parents, ils se suspendaient à la corde dans l’espoir de s’envoler à quelques mètres du sol.
[1] Prière latine qui commence par le mot angelus et se récite matin, midi et soir.
Le coq sur le clocher de l’église Saint-Jean à La Romagne (Ardennes) signifie la lumière et la résurrection. Prise de vue effectuée le samedi 2 septembre 2017, photographie en couleurs, (collection privée, avec l’aimable autorisation de son auteure, madame Odette Corneille).
Depuis sa création, ce clocher fait régulièrement l’objet de campagnes de restauration. L’une des dernières remonte aux années 1990, à la suite de la chute de la foudre. Il est surmonté d’un coq faisant office de girouette. Sa symbolique est multiple entre l’annonce du jour, le zèle pour le service de Dieu[1] ou l’emblème du Christ protecteur. Le nouveau coq installé au sommet du clocher en janvier 2007 veille désormais sur le village…
[1] Il est une allusion au reniement de saint Pierre et à la parole du Christ : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois ».